(Moniteur belge n°212, du 31 juillet 1834)
(Présidence de M. Raikem)
M. de Renesse fait l’appel nominal à midi et demi.
M. H. Dellafaille donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier ; la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse fait connaître l’objet des pièces adressées à la chambre.
« Le sieur Wenmaekers appelle l’attention de la chambre sur le projet de loi relatif aux pierres calcaires et demande qu’il soit mis à l’ordre du jour. »
- Renvoi à la commission d’industrie.
« Les administrations communales de Welle et de Vieckem demandent qu’il soit formé un arrondissement judiciaire dont la ville d’Alost serait le chef-lieu. »
- Renvoi à la commission chargée de l’examen du projet de loi présenté par MM. Dewitte et Desmet.
M. Dams demande un congé.
- Accordé.
M. Liedts, rapporteur de la commission chargée de l’examen du projet de loi relatif à l’augmentation du personnel des cours et tribunaux, monte à la tribune.
- La chambre demande l’impression du rapport.
M. Jullien. - Je propose de fixer la discussion du projet de loi sur l’augmentation du personnel des cours et tribunaux après la discussion du projet de loi sur les crédits demandé par M. le ministre de la guerre. Jusqu’à présent M. le ministre de la justice et les membres qui ont parlé en faveur du projet se sont accordés à le regarder comme très urgent. Si on ne donnait pas à cette discussion le rang que je propose, il serait très possible qu’elle n’eût pas lieu dans cette session.
M. d’Huart. - Je ne sais pas si les nominations qu’autoriserait la loi si elle était adoptée pourraient avoir lieu avant le commencement de l’année prochaine. Je désirerais que M. le ministre de la justice pût nous faire connaître son opinion à cet égard. Si cette supposition était vraie, nous pourrions renvoyer à la session prochaine la discussion du projet.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Messieurs, personne ne désire plus sincèrement que moi que la discussion de la loi communale ne soit pas légèrement entravée.
La chambre ne s’étonnera pas que j’insiste sur la discussion prochaine d’un projet de loi dont je l’ai entretenue à plusieurs reprises, et qui mérite toute sa sollicitude par des considérations d’utilité générale. L’honorable M. d’Huart pense que les nominations des nouveaux membres de l’ordre judiciaire ne pourront avoir lieu avant l’année prochaine. Il serait à désirer que les nominations pussent être faites pour la rentrée des cours, en supposant même qu’elles ne soient pas utiles pendant les vacances mêmes. Chacun sait que dans cet intervalle l’administration de la justice n’est pas suspendue, il y a alors des chambres de vacation. Je ne sais pas si, avec les éléments insuffisants que possède actuellement l’ordre judiciaire, il serait possible d’organiser les chambres de vacation, si la loi n’était pas votée.
Remarquez, messieurs, que les chambres se réunissent au mois de novembre. Votre assemblée croira devoir s’occuper avant tout des lois financières comme les plus urgentes. Il faudra en outre que la loi sur l’augmentation du personnel de l’ordre judiciaire soit transmise au sénat, il faudra qu’elle soit promulguée. Les nominations, si la proposition de M. d’Huart était adoptée, ne pourraient donc avoir lieu vers le mois de février, tandis que les cours et les tribunaux rentrent vers le mois d’octobre. Je crois donc qu’il y a lieu de procéder immédiatement à la discussion du projet dont le rapport vous sera incessamment distribué. Si la loi contenait des questions de nature à soulever une discussion trop longue, le gouvernement, pour épargner les moments de la chambre, les retirerait, sauf à les représenter plus tard.
M. de Brouckere. - Je n’ai rien à ajouter à ce que vient de dire M. le ministre de la justice, je voulais parler dans le même sens.
M. Raikem. - Nous n’avons pas entendu la lecture du rapport. Je ne connais donc pas les conclusions. Si c’est simplement une augmentation du personnel des cours et des tribunaux que l’on nous propose, je ne vois aucun inconvénient à ce que la discussion prochaine ait lieu. Mais je désirerais savoir si la discussion du projet ne soulèvera pas l’examen de quelques questions de principes relatifs à l’administration judiciaire. L’on sent qu’un semblable examen pourrait nous mener très loin.
M. Liedts, rapporteur. - Le projet de loi dont je viens de vous présenter le rapport ne se borne pas à augmenter le personnel des cours et tribunaux ; il touche également à quelques questions de principes qui exciteront une assez longue discussion. Il me semble que si l’on fixait l’examen de ce projet immédiatement après le vote de la loi sur les crédits de la guerre, ce délai serait trop court. Il faudrait accorder un intervalle qui laissât à chaque membre le temps de mûrir ces questions. Je désirerais donc que la discussion n’eût pas lieu avant mardi prochain.
M. Raikem. - Si, comme le fait pressentir l’honorable rapporteur, il s’agit dans le projet de questions de principes, je ne sais pas si le terme de mardi prochain ne serait pas trop rapproché. Il y a une grande différence entre une simple augmentation de personnel et une discussion de principes. L’augmentation du personnel peut-être discutée immédiatement si l’on pose la question suivante : Y a-t-il lieu, oui ou non, d’opérer cette augmentation ? Mais la discussion des principes pourra donner lieu à de longs débats.
M. de Brouckere. - Il est vrai que le rapport dont l’assemblée s’occupe en ce moment ne se borne pas à établir une augmentation du personnel des cours et tribunaux, mais qu’il touche également à des questions de principes en ce qu’il tend à modifier certaines dispositions de la loi du 4 août 1832. Je conviens que la discussion en pourra être assez longue. Mais si la chambre reconnaît l’urgence du projet de loi en tant qu’il faut accorder au gouvernement la faculté de nommer quelques membres de l’ordre judiciaire, il lui sera loisible, si elle le juge convenable, d’ajourner jusqu’à une époque qu’elle déterminera la discussion des principes.
Telle était l’opinion de quelques membres de la commission spéciale, chargé de l’examen du projet de loi. Il s’en est trouvé qui pensaient qu’il n’y avait pas lieu d’introduire des innovations partielles à la législation existante. Telle n’est pas ma façon de penser. Mais si l’on commençait par discuter la question de savoir s’il sera introduit quelques innovations en ce qui regarde la compétence des corps judiciaires, la composition des cours d’assises par exemple, la chambre pourrait résoudre cette question négativement et se contenter d’augmenter le personnel des cours et tribunaux.
La chambre, en accordant à M. le ministre de la justice l’augmentation qu’il demande, fera une chose sage et rendra un service véritable au pays, car la justice serait plus expéditive.
Il y a, messieurs, dans l’état actuel des choses, comme j’entends d’honorables membres le dire autour de moi, un véritable déni de justice dans certains cas, déni de justice involontaire, mais qui est le résultat du petit nombre de membres qui composent la cour d’appel de Bruxelles. Cette cour d’appel que je cite, parce que c’est celle où le manque de conseillers se fait le plus vivement sentir, ne peut parvenir qu’à former une seule chambre civile.
Or, tous les membres de cette cour pourront vous le dire, il faut une chambre civile rien que pour l’expédition des affaires de la province du Hainaut. J’en suis fâché pour les députés de cette province, qui paraissent se récrier contre une allégation qui la représente comme aimant les procès. Mais les choses sont ainsi. Il en résulte que si la cour d’appel de Bruxelles s’occupait exclusivement des affaires de la provinces du Hainaut, il y aurait deux provinces, celle d’Anvers et celle du Brabant, dont les affaires seraient complètement en souffrance.
M. Raikem. - On me permettra de faire observer que mes observations ne portaient en aucune manière sur ce qui concerne l’augmentation du personnel des coups et tribunaux.
Je conçois qu’il puisse y avoir lieu d’adjoindre des conseillers nouveaux à ceux qui composent actuellement la cour d’appel de Bruxelles. Ce personnel peut être insuffisant, notamment à cause des places maintenant vacantes, et qui ne sont pas remplies.
Mes observations se rapportaient uniquement à la question de principes qui pouvait se trouver dans la loi. On sent bien qu’il ne s’agira pas pour les membres de cette assemblée de se préparer longtemps d’avance à la discussion s’il n’y a qu’à voter sur une augmentation de personnel. C’est là un simple fait à éclaircir. Mais la chose serait bien différente, s’il s’agissait de changer la compétence qui existe actuellement, s’il s’agissait de changer la composition des cours d’assises, proposition qui a été faite par M. le ministre de la justice. Je crois donc qu’il y a lieu de décider si l’on s’occupera simplement d’une augmentation de personnel ou si l’on touchera en même temps les questions de principes.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - J’ai demandé la parole pour abréger, s’il est possible, la discussion. Ne pourrait-on pas fixer l’examen du projet de loi à lundi ? Il m’est impossible, comme je ne connais pas le travail de la commission, de dire de quelle partie du rapport je pourrais consentir à voir suspendre la discussion. Ce que je demande à la chambre c’est de fixer pour la discussion une époque provisoire, qui, si le ministre se ralliait à l’idée d’écarter l’examen des questions de principes, deviendrait définitive. Je reconnais que dans le cas où le gouvernement persisterait à demander cet examen, le délai fixé serait trop rapproché.
M. de Theux. - Il me semble que la discussion serait singulièrement abrégée, si l’on attendait la distribution du rapport. Chacun des membres de l’assemblée pourrait apprécier la portée des questions qu’il soulève, et asseoir en connaissance de cause son opinion sur l’époque à fixer pour la discussion.
Je demande donc d’ajourner toute décision sur ce point, jusqu’à la distribution du rapport imprimé.
M. Pollénus. - J’appuie la proposition de l’honorable M. de Theux ; j’y ajouterai cette considération que les deux projets de loi se lient intimement. En effet, le personnel qu’on devra attribuer à quelques cours judiciaires, dépend des questions de principes et d’attributions. Par exemple, les changements proposés par la commission pour la composition des cours d’assises et la diminution du travail qui doit en résulter pour les cours d’appel, doivent nécessairement influer sur le personnel qu’il s’agira de leur donner. Il est donc impossible de séparer les deux projets.
- La chambre consultée décide qu’elle fixera l’ordre du jour des projets de loi présentés par M. le ministre de la justice, lorsque le rapport aura été distribué à l’assemblée.
M. Dumortier. - Je demande la parole pour un fait personnel.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je demande également la parole pour un fait personnel.
M. le président. - Lorsqu’un ministre demande la parole pour toute autre chose qu’un fait personnel, il doit avoir la parole, parce que ce qu’il a à dire se rapporte aux actes du gouvernement ; mais s’il la demande pour un fait personnel, ses paroles doivent se rapporter à la personne. Dès lors, la question de priorité me paraît douteuse ; je consulterai l’assemblée.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - C’est en qualité de ministre que je demande la parole pour un fait personnel ; il s’agit d’un fait relatif à mes fonctions de ministre.
M. Dumortier. - Je ferai remarquer que j’ai été attaqué hier par M. le ministre des finances. J’ai promis à la chambre des explications que je puis maintenant lui donner. On ne peut, ce me semble, refuser de les entendre, avant que M. le ministre ait de nouveau la parole.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - C’est en effet sur le même fait dont j’ai entretenu la chambre hier que j’ai demandé la parole à titre de fait personnel. J’insiste pour avoir la priorité, parce que je pense que ce que je dirai terminera la discussion :
M. de Brouckere. - Je ne comprends pas l’importance que ces messieurs attachent à parler l’un avant l’autre (on rit), mais il me semble que la priorité doit être accordée à M. Duvivier puisqu’il annonce que, d’après ce qu’il dira, toute discussion va cesser. Il est certain que s’il annonce qu’il a eu tort, il n’y aura pas de discussion. Je conclus à ce que la parole soit accordée à M. Duvivier.
M. le président. - Je vais mettre aux voix la question de priorité.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - C’est inutile ; j’aime mieux renoncer à la parole.
M. le président. - M. le ministre renonçant à la parole, la parole est à M. Dumortier pour un fait personnel.
M. Dumortier. - Messieurs, dans la séance d’hier, M. le ministre des finances a accusé la questure d’avoir manqué à ses devoirs en arrêtant la distribution du budget.
Sur l’interpellation de l’honorable M. Jullien, M. le ministre des finances m’a indiqué comme ayant arrêté la distribution du budget. J’ai déjà répondu à cet égard hier à M. le ministre des finances ; mais j’ai promis à la chambre de prendre des informations sur le fait, je vais les communiquer à l’assemblée.
Au sortir de la séance, je me suis rendu chez M. Hayez, imprimeur qu’a désigné M. le ministre des finances comme ayant été chargé de l’impression du budget ; j’étais accompagné de trois honorables collègues, MM. d’Huart, Fleussu et Desmanet de Biesme. Arrivés chez l’imprimeur, nous avons demandé s’il était vrai que l’ordre avait été donné d’empêcher la distribution du budget. Oui, nous a-t-on répondu, cet ordre a été donné. En quels termes, avons-nous dit ? On a donné l’ordre de ne distribuer ni de donner le budget à qui que ce soit, pas même au ministre des finances. Mais, avons-nous ajouté, quelle est la personne qui a donné cet ordre ? C’est, nous a répondu l’imprimeur, M. Dujardin, secrétaire-général du ministère des finances. (On rit.)
Nous avons alors demandé à l’imprimeur quelle était la personne qui avait envoyé le budget à l’impression. C’est, nous a-t-il dit, M. Dujardin, secrétaire-général du ministère des finances. Enfin, nous avons demandé qui avait corrigé les épreuves du budget, si c’étaient les employés de la questure ou ceux du ministère des finances. On nous a répondu que les épreuves avaient été corrigées par M. Dujardin, secrétaire-général du ministère des finances. En effet, nous avons eu sous les yeux une feuille du budget corrigée par lui.
Maintenant, l’honorable M. Fleussu a demandé si la questure avait donné l’ordre de ne livrer le budget à personne. On a répondu qu’aucun ordre n’était venu de la questure. Il a demandé si moi j’avais donné de tels ordres. L’imprimeur a répondu que non.
Cependant, avons-nous dit, M. le ministre des finances a parlé d’ordres émanés de la questure. On nous a répondu que c’était inexact et que M. le secrétaire-général du ministère des finances seul avait défendu de donner un seul exemplaire du budget, fût-ce même à M. le ministre des finances. (On rit.) Cela est tellement vrai que M. le ministre de l’intérieur ayant eu besoin de revoir son budget, il a fallu une autorisation de M. Dujardin pour qu’il puisse en avoir un exemplaire. (Oh !)
Mes collègues présents à ces explications peuvent déclarer si je me trompe ou si je dis la vérité. (M. Fleussu fait un signe d’assentiment.) Mais je vois qu’ils appuient ce que je dis et ce ne peut être révoqué en doute.
Je n’en dirai pas davantage. Je laisse à l’assemblée à juger l’attaque dont j’ai été l’objet, attaque faite tout au moins avec beaucoup de légèreté. M. le ministre des finances m’accuse d’avoir forfait à mes devoirs de questeur, et il est constant que ce qu’il m’impute est le fait de M. le secrétaire-général du ministère des finances.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je ne dirai que quelques mots, et je persiste à penser que si la chambre avait bien voulu m’accorder tout d’abord la parole, il n’y aurait eu aucune discussion.
J’ai cru devoir prendre des renseignements sur l’incident qui s’est élevé à la séance d’hier. Il en est résulté que ce quiproquo est dû à la maladresse du prote. Il a appliqué au budget de cette année et à la questure des ordres généraux donnés les années précédentes pour que la publication du budget au-dehors et partiellement n’ait lieu qu’après avoir été distribué à la chambre. On a voulu éviter qu’il fût rendu public comme en 1833, où les journaux en donnèrent des extraits et plusieurs personnes en eurent connaissance avant les députés et les ministres. On a considéré cela à juste titre comme une inconvenance.
J’ai fait donner des ordres pour qu’elle n’eût pas lieu de nouveau ; ils ont été si bien exécutés que des moyens de séduction ont été employés auprès des personnes attachées à l’imprimerie pour obtenir des exemplaires du budget.
Mais je dois le dire, et je me plais à le déclarer aucun ordre n’est émané cette année de M. Dumortier. Lorsqu’on a parlé de ses ordres, on a fait allusion à ceux qu’il avait donnés les années antérieures pour éviter l’abus que j’ai signalé.
M. Dumortier. - Je ferai remarquer seulement que je n’ai donné aucun ordre pour empêcher la distribution du budget ni cette année ni les autres. (L’ordre du jour ! l’ordre du jour !)
M. le président. - La chambre s’est arrêtée hier à l’article 11.
« Art. 11 (du projet du gouvernement). - Il y a incompatibilité entre les fonctions de bourgmestre et le service de la garde civique. »
« Art. 11 (du projet de la section centrale). - Le bourgmestre, pendant la durée de ses fonctions, cesse de faire partie de la garde civique. »
M. le président. - M. le ministre de l'intérieur se rallie-t-il à la rédaction de la section centrale ?
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - La rédaction de la section centrale, malgré ce qui est dit dans le rapport, ne me semble pas préférable à la rédaction du gouvernement.
M. Pollénus. - Je ne puis saisir le motif qui a porté la section centrale et le gouvernement à établir dans l’article une disposition concernant l’incompatibilité du service de la garde civique à l’égard des bourgmestres. Lorsqu’il s’est agi de différentes autres lois, de la loi provinciale par exemple, on n’a pas parlé de l’incompatibilité de ce service à l’égard du gouverneur et des commissaires de district. Je ne vois pas de motif pour admettre dans la loi communale une disposition particulière concernant le bourgmestre.
Il me semble que cette disposition trouverait bien mieux sa place dans la loi organique de la garde civique.
La section centrale donne pour motif de l’incompatibilité qu’on établit dans l’article, que le bourgmestre aura le droit de requérir la garde civique ; mais je ferai remarquer que, dans la loi provinciale, nous avons attribué le même droit au gouverneur et aux commissaires de district ; cependant, nous n’avons pas établi la même incompatibilité à leur égard.
Il y a d’autant plus de raison de renvoyer la disposition à la loi de la garde civique, qu’il y a nécessité de statuer à l’égard des échevins qui, en remplaçant le bourgmestre, auront aussi le droit de requérir la garde civique. Il y aurait également à statuer relativement à un grand nombre de fonctionnaires. Je propose en conséquence d’ajourner l’article 11.
M. Dubus. - Je dirai quelques mots sur la question d’ajournement.
Je ne pense pas qu’il y ait lieu à adopter la proposition du préopinant. Nous pouvons examiner maintenant si les motifs qui ont fait proposer l’exemption temporaire dont il s’agit (car il ne s’agit que d’une exemption temporaire) sont fondés.
Je crois que l’exemption du service de la garde civique relativement au bourgmestre, résulte de la nature même des fonctions du bourgmestre.
On a dit que le bourgmestre est autorisé à requérir le service de la garde civique, de là l’incompatibilité ; et l’honorable préopinant lui-même n’a pas prétendu que ce ne fût pas un motif suffisant pour la prononcer.
Il y a un autre motif d’admettre cette incompatibilité, c’est que le bourgmestre a des fonctions de tous les instants, de tous les jours qui ne lui rendraient pas possible une participation active au service de la garde civique. Je ferai remarquer en outre que la même exemption existe en France : les maires et mêmes les adjoints sont exempts du service de la garde nationale.
M. Dumortier, rapporteur. - Si la proposition de M. Pollénus était admise, il faudrait rejeter l’article tout entier, et le renvoyer jusqu’à la discussion de la loi de la garde civique dans laquelle il est reproduit. Ainsi c’est une motion de rejet dont il s’agit.
D’après les articles 87 et 88 de la loi qui nous occupe, on a attribué au bourgmestre des pouvoirs d’exécution journalière ; il faut que la loi porte en même temps une exemption du service de la garde civique en faveur du bourgmestre. Je ferai remarquer d’ailleurs, avec l’honorable préopinant, qu’il ne s’agit que d’une exemption temporaire, et qu’en France les maires et les adjoints sont dispensés du service de la garde nationale.
M. Pollénus. - Je m’oppose à l’ajournement ; je reconnais dans les attributions des bourgmestres des motifs qui doivent les faire exempter du service de la garde civique, mais je pense que puisqu’à l’égard du gouverneur et des commissaires de districts on n’a pas établi la même incompatibilité, il n’y a pas lieu de l’établir ici.
Les dispositions qui concernent la même matière, doivent être portées dans une même loi, afin que les lois aient plus d’ensemble et que les diverses dispositions puissent se coordonner entre elles.
Il faudrait voir par exemple, si l’incompatibilité qu’on établit pour le bourgmestre ne devrait pas également être portée à l’égard des échevins qui remplacent le bourgmestre. La section centrale n’a rien dit relativement aux échevins pour l’exemption du service de la garde civique.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Il peut arriver que le bourgmestre ait déjà cessé par son âge de faire partie de la garde civique ; cependant la rédaction de la section centrale suppose que le bourgmestre fait toujours partie de la garde civique. (Aux voix ! aux voix !)
- L’article de la section centrale est mis aux voix et adopté.
« Art. 12 (du projet de la section centrale). - Les membres du conseil ne peuvent être parents ou alliés jusqu’au troisième degré inclusivement ; si des parents ou alliés à ce degré sont élus au même tour de scrutin, celui qui a obtenu le plus de voix est seul admis ; en cas de parité de suffrages, le plus âgé est préféré.
« L’alliance survenue ultérieurement entre les membres du conseil n’emporte pas révocation de leur mandat.
« L’alliance est censée dissoute par le décès de la femme du chef de laquelle elle provient.
« Dans les communes au-dessous de 1,200 habitants, la prohibition s’arrêtera au deuxième degré. »
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) déclare adhérer à cet article.
M. Doignon. - L’ancien règlement des villes portait une disposition d’après laquelle le bourgmestre et les échevins ne pouvaient être parents jusqu’au quatrième degré. Cette disposition me paraît sage et prudente ; il est au moins inconvenant d’admettre sans nécessité deux cousins germains dans le collège du bourgmestre et des échevins.
Le collège est composé de 2 ou 3 membres ; il en résultera qu’au lieu de représenter trois opinions il n’en représentera qu’une. Il est bon d’éviter que l’intérêt d’une seule famille domine dans le conseil.
M. H. Dellafaille - Si on augmente le nombre des prohibitions il sera impossible dans certaines communes rurales de composer le conseil municipal. Il a fallu combiner la loi de façon à pouvoir s’appliquer à toutes les communes.
M. Pollénus. - Je donnerai mon approbation à toutes les dispositions de l’article, excepté à la dernière qui établit une prohibition dans les communes au-dessous de 1,200 habitants, entre les parents au second degré. Les deux tiers au moins des communes rurales comptant moins de 1,200 habitants, l’exception proposée par la section centrale deviendra la règle générale. Je demanderai la division de l’article.
M. H. Dellafaille - Si on prohibait à un degré plus élevé, il serait souvent impossible de composer le conseil communal ; car, dans les communes au-dessous de 1,200 habitants, il sera rare de trouver 40 ou 50 habitants aptes à faire partie de l’administration communale.
M. Pollénus. - Avant tout il nous faut des magistrats indépendants et non des magistrats occupés d’intérêts de famille et point des intérêts de la commune. Il faut supprimer l’exception du dernier paragraphe, et maintenir les prohibitions des paragraphes précédents.
- Les trois premiers paragraphes de l’article, mis aux voix, sont adoptés.
Le dernier paragraphe est ensuite mis aux voix ; il est adopté après deux épreuves.
M. Dumortier, rapporteur. - D’après le projet du gouvernement, il y a empêchement entre les parents au troisième degré ; mais je demanderai si trois ou quatre habitants d’une commune qui auraient épousé des sœurs peuvent siéger en même temps dans le conseil ? Le mot allié s’applique-t-il à ces beaux-frères ?
M. le président fait un signe négatif.
M. Dumortier, rapporteur. - M. le président me fait un signe négatif ; alors je demanderai la permission de rédiger une disposition sur ce cas ; je prierai la chambre d’attendre jusqu’à demain.
M. le président. - On ne devient pas allié pour avoir épousé deux sœurs.
M. Dumortier, rapporteur. - Cependant les rapports d’intérêt sont les mêmes, soit que deux habitants épousent deux sœurs, soit qu’ils épousent réciproquement la sœur l’un de l’autre.
M. de Muelenaere. - Je crois, que l’observation de M. Dumortier est fondée : les alliés sont prohibés parce qu’ils ont des intérêts communs ; les mêmes intérêts existent entre ceux qui épousent des sœurs ; ainsi la prohibition devrait les attendre. Ceux-ci ne sont pas alliés aux termes de la loi ; mais le même motif d’exclusion existe pour eux comme pour les alliés proprement dits.
M. Dumortier, rapporteur. - Je proposerai la rédaction suivante :
« Il en sera de même de ceux dont les épouses seraient parentes entre elles au degré indiqué par les dispositions ci-dessus. »
M. Jullien. - Je ne partage pas l’avis de M. de Muelenaere. Ce n’est pas le motif d’intérêt privé, d’intérêt de famille, qui fait exclure les parents, les alliés ; c’est parce que dans les familles existent les affections ou les haines les plus vives : si l’intérêt était motif d’exclusion, il faudrait exclure les associés. Comme l’a fait remarquer M. le président, l’alliance n’engendre pas l’alliance ; l’affinité n’engendre pas l’affinité. Je soumets ces observations à M. Dumortier qui s’occupe d’un amendement.
M. Dubus. - La loi ne reconnaît pas l’alliance des personnes étrangères l’une à l’autre qui ont épousé des personnes parentes entre elles, parce que l’alliance n’engendre pas l’alliance.
Cependant nous avons à examiner si nous ne devons pas étendre la disposition aux cas où plusieurs membres du conseil auraient épousé des femmes très étroitement parentes entre elles : si le motif qui milite pour les incompatibilités que vous avez établies pour cause de parenté n’existe pas ici dans toute sa force, je pense que l’objet principal de la disposition est d’éviter, ce qui est à craindre surtout dans les petites communes, de livrer presque entièrement l’administration de la commune à une seule famille, de garantir autant que possible la commune de l’influence de l’esprit de famille. Or, est-ce que cette influence ne sera pas la même quand vous aurez, dans un même conseil, plusieurs personnes dont les épouses sont sœurs que si vous aviez des beaux-frères ? Ces personnes appartiennent à la même famille, elles introduiront dans le conseil l’influence de famille. C’est pour éviter cet inconvénient que je voterai pour l’amendement.
M. Jullien. - C’est sans doute un inconvénient que celui signalé par M. Dubus, de livrer une commune entière à une seule famille. Mais si vous étendez les prohibitions, vous allez tomber dans des inconvénients plus graves. Il y a des communes où tous les individus sont parents, où les membres de familles très nombreuses sont tous cousins par suite d’alliance. Je vous demande comment, dans ce cas, vous parviendriez à composer le conseil municipal.
Je ne pense pas qu’on puisse étendre plus loin que la loi ne l’a fait les prohibitions. Si vous les étendiez aux personnes dont les femmes sont alliées au troisième degré, parce qu’un individu aurait épouse une femme cousine germaine avec la femme membre du conseil communal, à cause de cette parenté, vous lui interdiriez l’entrée du conseil, vous le priveriez d’un droit qu’il possède en sa qualité de citoyen et d’électeur.
Quant à moi je m’en tiens à la rédaction soit du gouvernement soit de la section centrale, il m’importe peu qu’on adopte l’une ou l’autre.
Dans l’avant-dernier paragraphe on dit que l’alliance est censée dissoute par le décès de la femme du chef de laquelle elle provient. Ce qui est contraire aux principes admis, car l’alliance n’est censée dissoute que quand il n’y pas d’enfants du mariage. La question est à la vérité controversée, mais on prétend plus généralement que dans ce cas l’alliance existe encore. Cependant vous déclarez une alliance censée dissoute, quoiqu’il y ait des enfants de la femme décédée, et vous écartez des personnes dont les femmes sont alliées au troisième degré. Il y a là une sorte de contradiction que je ne puis admettre.
M. Dumortier, rapporteur. - L’honorable préopinant s’est trompé sur la portée de mon amendement et de l’article.
Il a dit que si vous admettiez mon amendement, dans certaines communes il serait impossible de composer le conseil, parce que dans ces communes les membres de familles très nombreuses seraient tous cousins.
Je lui ferai observer que les cousins sont parents au quatrième degré. Ils peuvent donc siéger ensemble au conseil communal. L’article 12 ne s’étend qu’au troisième degré, ainsi l’exclusion ne s’applique pas aux cousins. L’argument de l’honorable membre tombe dès lors de lui-même.
Il est indispensable d’adopter mon amendement. S’il ne l’était pas, deux personnes, dont l’une aurait épousé une veuve, et l’autre la fille de cette veuve, pourraient siéger en même temps au conseil ; le beau-père et le fils pourraient siéger ensemble, et s’emparer de l’administration au grand détriment des intérêts de la commune. Les incompatibilités établies dans l’article ont pour but d’empêcher qu’une influence de famille ne s’empare de l’administration de la commune. Ce que vous avez voulu éviter arriverait, si vous n’adoptiez pas mon amendement.
Si on trouve des inconvénients à ce que l’incompatibilité que je propose s’étende au troisième degré, je consens à ce qu’on la restreigne au deuxième degré, afin qu’au moins ceux qui auraient épouse la même et la fille, et ceux qui auraient épousé les deux sœurs, ne puissent pas siéger ensemble.
M. de Muelenaere. - Nous sommes généralement d’accord sur le principe qu’il n’existe pas de parenté entre deux individus qui ont épousé deux sœurs. Mais je pense qu’on sentira la nécessité de ne pas admettre dans le conseil un trop grand nombre d’individus qui se trouveraient dans ce cas, car il arriverait souvent dans les petites communes surtout que l’administration communale se trouverait livrée à une coterie de famille.
Les mêmes haines et les mêmes affections peuvent exister entre les individus qui ont épousé des sœurs, qu’entre ceux qui sont alliés au deuxième degré aux termes de la loi. Mais il faut bien se fixer sur la partie de l’amendement de M. Dumortier. Il propose d’exclure ceux dont les femmes sont parentes au troisième degré.
En excluant les époux de deux femmes sœurs entre elles, vous étendez l’exception à ceux dont les femmes sont parentes au troisième degré. La parenté au troisième degré est celle de l’oncle à la nièce. Tout autre parent, même le cousin germain est à un degré plus éloigné, au moins au quatrième degré. Je ne trouve pas d’inconvénient à ce qu’on adopte l’amendement, en le bornant à ceux dont les femmes sont parentes au deuxième degré seulement.
M. Milcamps. - J’ai vu plusieurs exemples d’individus qui avaient épouse deux sœurs, siéger dans le même conseil, et je n’ai jamais trouvé que cela présentât des inconvénients. Dans tous les cas, il me paraît que la prohibition devrait s’arrêter au deuxième degré, d’autant plus que c’est une restriction à la liberté des élections, qui n’existe dans la législation d’aucun pays voisin et qui ne se trouve pas dans les anciens règlements. Si donc je me détermine à voter pour l’amendement de M. Dumortier, ce ne sera qu’autant qu’il n’ira pas plus loin que le deuxième degré.
M. H. Dellafaille - Comme l’a fait observer l’honorable M. Jullien, l’amendement de M. Dumortier rétrécit le cercle de des élections. La restriction que l’honorable membre vient d’apporter à son amendement en diminue beaucoup les inconvénients. L’article 48 des anciens règlements renferme une disposition tout à fait contraire à cet amendement, et il n’a donné lieu à aucune réclamation.
Si M. Dumortier restreignait l’incompatibilité aux membres du collège électoral, je ne trouverais aucun inconvénient à l’admettre.
M. Dumortier, rapporteur. - Je ne me rallie pas à l’amendement de M. Dellafaille. J’ai réduit mon amendement à ceux dont les femmes sont parentes au second degré. Je ne vois pas de motif pour le restreindre encore aux membres du collège. Il n’est pas impossible qu’une famille qui aurait quatre ou cinq filles mariées n’accapare tout le conseil. Si vous adoptez mon amendement pour le conseil, l’inconvénient ne pourra pas se présenter dans le collège. Comme l’a dit M. de Muelenaere, il faut prendre garde qu’une seule famille ne se crée dans un conseil une majorité qui serait très dangereuse pour la bonne administration de la commune.
- Le sous-amendement de M. Dellafaille, qui consiste à restreindre au collège des bourgmestres et échevins l’incompatibilité proposée par M. Dumortier, est mis aux voix et rejeté.
L’amendement de M. Dumortier, en restreignant la parenté au deuxième degré inclusivement, est adopté.
L’article ainsi amendé est également adopté.
L’article 13 ainsi conçu : « Art. 13. Il y a dans chaque commune un secrétaire et un receveur. » est mis aux voix et adopté.
M. le président. - La discussion est ouverte sur l’article 14 ainsi conçu :
« Art. 14 (du projet du gouvernement). Il y a incompatibilité entre les fonctions de receveur et de secrétaire ; il y a également incompatibilité entre les fonctions de secrétaire ou de receveur et celles de bourgmestre, d’échevin et de membre du conseil municipal ; néanmoins, dans les communes de moins de 3,000 habitants, le Roi pourra, pour des motifs graves, autoriser le cumul desdites fonctions, sauf celui des fonctions de bourgmestre et de receveur, qui ne pourra avoir lieu en aucun cas. »
L’article de la section centrale est ainsi conçu :
« Art. 14 (du projet de la section centrale). « Il y a, dans la même commune, incompatibilité entre les fonctions de receveur et de secrétaire ; il y a également incompatibilité entre les fonctions de secrétaire ou de receveur et celles de bourgmestre, d’échevin ou de membre du conseil municipal ; néanmoins, dans les communes de moins de 3,000 habitants, le Roi pourra, pour des motifs graves, autoriser le cumul desdites fonctions, sauf celles de bourgmestre qui ne pourront, dans aucun cas, être cumulées dans la même commune avec aucun desdits emplois. »
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - La différence qui existe l’article du projet de la section centrale et celui du gouvernement, c’est que dans celui-ci la faculté de laisser cumuler les fonctions de bourgmestre et de secrétaire communal est laissée au Roi, tandis que la section centrale ne veut pas que ce cumul ait jamais lieu. Je pense qu’il est indispensable que le bourgmestre puisse être autorisé, pour motifs graves, à remplir en même temps les fonctions de secrétaire communal.
Il est certaines provinces où ce cumul a été réclamé par la députation des états. Le gouvernement s’est vu souvent dans l’obligation d’accorder cette autorisation sur sa demande. D’après un tableau que j’ai sous les yeux, 158 cumuls de cette espèce ont été autorisés depuis le 1er janvier 1831 jusqu’au 30 juin 1834. Dans ce nombre, 38 cumuls ont été autorisés dans la province de Liége, 36 dans celle du Limbourg, 55 dans celle du Luxembourg et 22 dans celle de Namur.
Au contraire, on n’a jamais senti la nécessité d’autoriser le cumul des fonctions de bourgmestre et de celles de receveur communal. C’est en quoi le projet de la section centrale est d’accord avec le projet du gouvernement.
M. Doignon. - Je proposerai à cet article l’amendement que voici :
« Les employés de l’administration provinciale ne peuvent être secrétaires ou receveurs communaux. »
Je pense, messieurs, que c’est ici le cas de faire cesser un abus qui a existé jusqu’à ce jour. Les employés de l’administration provinciale occupent fréquemment les fonctions de secrétaires ou de receveurs communaux dans la province. Les rapports qui existent entre le gouvernement provincial et les receveurs on les secrétaires s’opposent à ce que les employés de l’administration provinciale puissent cumuler ces fonctions.
Au gouvernement provincial comme au ministère, ce sont les chefs de division, qui instruisent les affaires et qui le plus souvent les dirigent. Si ces employés sont en même temps secrétaires ou receveurs, ils seront appelés à se contrôler eux-mêmes. Ils se trouvent ainsi juges et parties. S’agit-il de régler les comptes de la recette communale ; ce sont eux-mêmes qui les vérifient, ou qui les font vérifier par leurs collègues. Est-il question de subsides, de secours ; ces employés ont ordinairement une prédilection pour les communes dont ils sont secrétaires ou receveurs. Pour les affaires de la milice, ces mêmes inconvénients existent. Il serait trop long de détailler tous les abus qui résultent de ce cumul. L’assemblée appréciera les motifs de mon amendement.
Je signalerai un autre inconvénient : c’est que ces employés devant se rendre souvent sur les lieux, il en résulte une négligence forcée dans leur travail. L’Etat leur accorde un traitement pour qu’ils consacrent tous leur temps aux affaires provinciales. Si la chambre adoptait mon amendement, j’engagerais M. le ministre de l’intérieur à veiller à son exécution.
Il serait possible d’éluder la défense du cumul au moyen d’un prête-nom. Des employés de l’administration provinciale pourraient continuer à remplir les fonctions de receveur ou de secrétaire communal non par eux-mêmes mais par personnes interposées.
M. de Muelenaere. - Je pense que l’amendement déposé par l’honorable M. Doignon trouvera place ailleurs que dans l’article que nous discutons. En effet de quoi s’agit-il ? Il s’agit de la composition du conseil communal et de l’incompatibilité qui existe entre les fonctions de secrétaire ou de receveur et d’autres fonctions exercées dans la même commune. L’amendement de M. Doignon pourrait être ajourné jusqu’à la discussion du chapitre IV où il est question du secrétaire communal.
M. H. Dellafaille - J’appuie la proposition de M. de Muelenaere. Je ferai seulement observer que les motifs détaillés par M. Doignon à l’égard de l’incompatibilité des employés de l’administration provinciale est applicable aux employés des commissariats de district et de milice.
M. Doignon. - Je ne vois pas d’inconvénient à ce que la proposition d’ajournement faite par M. de Muelenaere soit admise.
- L’ajournement de l’amendement présenté par M. Doignon est mis aux voix et adopté.
M. le président. - « Art. 15 (du projet du gouvernement). - Il est interdit aux membres des conseils municipaux d’intervenir dans des procès dirigés contre la commune, comme avocat, avoué, notaire ou homme d’affaire. Ils ne pourront, en la même qualité, plaider, aviser ou suivre aucune affaire litigieuse quelconque dans l’intérêt de la commune, si ce n’est gratuitement. »
- La section centrale propose le renvoi à l’article 72 ; le ministre se rallie à cet ajournement ; il est adopté.
M. le président. « Art. 15 (du projet de la section centrale). Les conseillers communaux sont élus pour le terme de 6 ans ; ils sont toujours rééligibles.
« Les conseils sont renouvelés par moitié tous les 3 ans.
« La première sortie sera réglée par le sort, dans la séance prescrite à l’article 68, l’année qui précédera l’expiration du premier terme.
« Les échevins appartiendront par moitié à chaque série ; le bourgmestre est à la dernière. »
- Cet article, auquel le gouvernement se rallie, est mis aux voix et adopté.
M. le président. « Art. 16 (du projet de la section centrale). Le bourgmestre et les échevins sont également nommés pour le terme de 6 ans ; toutefois ils perdent cette qualité si, dans l’intervalle, ils cessent de faire partie du conseil.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je me rallie à cet article comme conséquence des articles précédemment adoptés.
- L’article 16 du projet de la section centrale est mis aux voix et adopté.
M. le président. « Art. 18 (du projet du gouvernement). Les démissions des conseillers et des échevins doivent être adressées au bourgmestre, qui en donne immédiatement avis à l’autorité supérieure. »
« Art. 17. (du projet de la section centrale). La démission des fonctions de conseiller ou échevin est adressée au conseil communal qui soumet sa résolution à l’approbation de la députation permanente du conseil provincial.
« La démission des fonctions de bourgmestre doit être adressée au Roi et notifiée au conseil ; elle n’a d’effet que lorsque le Roi l’a acceptée.
« Le bourgmestre qui désirera donner sa démission comme conseiller ne pourra l’adresser au conseil communal qu’après avoir préalablement obtenu du Roi sa démission comme bourgmestre. »
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - La rédaction de la section centrale ne me paraît plus en rapport avec le reste du projet tel qu’il a été adopté par la chambre. Vous avez décidé que les échevins seraient nommés par le Roi comme les bourgmestres. Vous devez par conséquent mettre dans cet article que les démissions des échevins seront adressées au Roi, comme vous l’avez décidée pour celles des bourgmestres.
M. Dumortier, rapporteur. - Je ferai remarquer que pour ce qui est relatif à la nomination des bourgmestres et échevins, les dispositions adoptées par la chambre sont conformes aux propositions de la section centrale. Le système de cet article n’a donc pas besoin d’être coordonné avec celui que vous avez adopté dans les précédents articles.
Le Roi nomme le bourgmestre dans le sein du conseil, mais sans qu’il y ait aucune présentation de candidats. Dès lors, c’est au Roi que doit être adressée la démission du bourgmestre. Pour les échevins, ils sont à la vérité nommés par le Roi, mais sur une liste de présentation triple ou double formée par le conseil et dans son sein. Ainsi l’initiative n’appartient pas au Roi, elle appartient au conseil. Or le contrat doit être délié comme il a été lié. Si donc le conseil communal a eu l’initiative pour la nomination, il doit également l’avoir pour la démission. Voilà quels sont les motifs sur lesquels s’est fondée la section centrale dans cet article. Je pense que ces explications satisferont M. le ministre de l’intérieur.
Il va sans dire que la délibération du conseil communal sera soumise à l’approbation de la députation permanente. Ainsi, le gouvernement aura tout ce qu’il peut désirer pour connaître la démission. Nous avons soumis la démission des échevins à des formalités différentes de celles des bourgmestres, et nous y avons fait intervenir la députation provinciale, parce que si le Roi nomme les bourgmestres, les échevins seront nommés par le gouverneur qui préside la députation provinciale. C’est une facilité que nous avons cru utile d’accorder au gouvernement, facilité dont il usera toujours, ne pouvant nommer par lui-même tous les échevins.
M. Jullien. - La rédaction de cet article me paraît assez louche ; j’y lis : « La démission des fonctions de conseiller ou d’échevin est adressée au conseil communal qui soumet sa résolution à l’approbation, etc. »
De quelle résolution parle-t-on ? Est-ce la résolution du fonctionnaire qui donne sa démission, ou bien la décision du conseil communal. Il y a là amphibologie. Je voudrais avoir une explication de l’honorable rapporteur sur le sens de cette expression.
M. Dumortier, rapporteur. - Nous avons introduit cette disposition pour empêcher que l’abus qui a eu lieu à Liége ne se reproduise. Nous ne voulons pas que le conseil démissionne un membre dont la démission serait équivoque, élastique. Nous voulons une démission formelle C’est dans ce but, et parce que nous avions sous les yeux l’affaire de M. Dejaer, que nous avons inséré dans la loi le paragraphe premier de l’article en discussion, paragraphe que nous avons emprunté aux anciens règlements (article 57).
M. Jullien. - Je crois que la rédaction de l’article serait beaucoup plus claire si on disait : « La démission du conseiller est adressée au conseil de régence qui en délibère et soumet sa résolution à l’approbation de la députation permanente du conseil provincial. » (Appuyé ! appuyé !)
M. Dubus. - Je lis dans les motifs de la section centrale : « En règle générale, nous admettons que les membres du conseil peuvent toujours donner leur démission. » J’admets cela, mais l’article de la section centrale et la rédaction de M. Jullien ne rendent pas cette idée ; au contraire, elles impliquent une idée toute différente, celle que le conseil peut refuser la démission. Tout le monde est d’accord qu’un membre du conseil élu par le peuple peut toujours donner sa démission car il serait étrange que tandis qu’il tient son mandat du peuple, un autre pouvoir pût l’obliger à garder son mandat.
Je demande que le principe que le membre du conseil peut toujours donner sa démission, soit mis aux voix, et que l’article soit renvoyé à la section centrale pour le soumettre à une nouvelle rédaction.
M. Jullien. - Je ne sais si on peut mettre aux voix ce que propose M. Dubus, il faudrait au moins qu’il formulât un amendement ; quant à moi je crois que la disposition de la section centrale modifiée par mon amendement répond au but que l’on s’est proposé.
M. Dubus. - D’après l’article de M. Jullien, il n’est pas établi en principe que le conseil devra toujours accepter la démission ; il semble que le conseil pourra délibérer sur la démission.
- La première partie de l’article de la section centrale, amendée par M. Jullien, est mise aux voix et adoptée sauf rédaction.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) demande que la démission des échevins soit adressée à l’autorité supérieure.
M. Dumortier, rapporteur. - Nous pensons, messieurs, que les députations provinciales dans l’espèce, sont l’autorité supérieure. Les députations provinciales sont le pouvoir modérateur des intérêts locaux ; elles ont aussi une responsabilité, et comme on a parlé ici de la responsabilité ministérielle, il ne fait pas non plus oublier la responsabilité des députations provinciales.
Je demande que la démission des échevins soit adressée à cette autorité.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je ne vois pas la grande importance qu’on attache à ce que la démission des échevins soit adressée à la députation des états qui ne nomme pas les échevins. Il me semble que la démission des échevins doit être adressée au pouvoir qui les nomme, et c’est le gouverneur de la province, au nom du Roi, ou le Roi lui-même, qui fait cette nomination.
La section centrale elle-même s’exprime ainsi :
« Le bourgmestre étant nommé directement par le pouvoir exécutif, devra obtenir du Roi la démission de ses fonctions, avant que de pouvoir se démettre de celles de conseiller ; il en est de même des fonctions d’échevin, relativement au conseil.
« En règle générale nous admettons que les membres du conseil peuvent toujours donner leur démission, mais que les membres du collège, tenant un mandat actif d’un ordre supérieur doivent préalablement obtenir la résiliation de ce mandat. »
Il me semble, messieurs que puisque les échevins sont nommés par le Roi sur la présentation du conseil, il faut que le pouvoir qui nomme soit informé de la démission du fonctionnaire nommé.
- Quelques voix. - Il faut d’abord statuer sur la démission du bourgmestre.
- La discussion s’engage sur le second paragraphe de l’article de la section centrale.
M. Dubus. - La règle générale est qu’on obtient la résiliation d’un mandat du moment qu’on y renonce. Je concevrais que deux personnes pussent être engagées l’une envers l’autre pour un terme sans pouvoir se délier ; mais ici ce n’est pas le cas, c’est le gouvernement qui nomme le bourgmestre, et le gouvernement casse le bourgmestre quand il veut, dès le lendemain du jour de la nomination s’il le juge convenable : je ne vois pas pourquoi le bourgmestre n’aurait pas le droit de refuser un mandat dès le lendemain du jour où il l’a reçu. Pourquoi voulez-vous que le bourgmestre soit agent du gouvernement malgré lui ?
Il peut quelquefois y avoir inconvénient à renoncer à son mandat ; mais ici où est l’inconvénient ? Quand le bourgmestre manque, soit pour cause d’absence, soit pour cause de décès, c’est un échevin qui le remplace ; il y a dans la commune plusieurs personnes que la loi désigne pour remplir les fonctions de bourgmestre. Il a donc raison de donner à ce fonctionnaire le droit de renoncer à son mandat quand il le juge convenable.
M. H. Dellafaille - Nous avons cru, dans la section centrale que le bourgmestre ne pouvait déserter ses fonctions, qu’il fallait qu’il donnât sa démission, et qu’il attendît qu’elle fût admise. Un gouverneur, un membre du parquet, un officier de l’armée ne peuvent cesser leurs fonctions sans en avoir reçu l’autorisation ; nous avons cru qu’il fallait prendre les mêmes précautions envers les bourgmestres. En pratique, jamais les démissions n’ont été refusées ; il peut cependant arriver que le gouvernement différât de donner la démission pour des motifs d’intérêt public ; mais là il n’y a pas encore d’inconvénient.
M. Dubus. - Je suis étonné que l’on compare les fonctions de bourgmestre à celles d’un officier de l’armée. Tous les engagements militaires sont pour un terme avant lequel on ne peut pas donner sa démission ; le soldat engagé ne peut se retirer avant l’expiration du temps de son engagement ; pour l’officier, c’est une question d’honneur ; il ne peut se retirer que quand il en reçu l’autorisation ; il pourrait se retirer la veille d’une bataille. On ne peut imposer au bourgmestre un mandat malgré lui ; pourquoi le dire dans la loi ? Je demande le retranchement des mots : « Elle n’aura d’effet (la démission) que lorsque le Roi l’a acceptée. »
M. Jullien. - Messieurs, j’ai demandé la parole pour appuyer l’opinion de l’honorable préopinant. Si la démission du bourgmestre pouvait compromettre le service public, je serais tout à fait d’avis de maintenir la disposition de la section centrale. On sait que les magistrats ne peuvent déserter leurs sièges à moins que leur démission ne soit acceptée ; c’est que par ce moyen on n’interrompt pas le cours de la justice : quand les juges ont accepté leurs fonctions, ils ont pris l’engagement de les remplir loyalement ; mais il n’en est pas de même pour le bourgmestre, qui est remplacé de suite par un échevin ou par les conseillers municipaux.
Il n’y a donc aucune raison pour forcer le bourgmestre à continuer ses fonctions jusqu’à ce qu’il plaise au Roi de prononcer sur sa démission. Le motif qu’il a pour donner sa démission peut être tel qu’il ne peut continuer ses fonctions sans compromettre le service public. Devant l’intérêt public, toutes ces considérations privées doivent cesser ; mais là où l’intérêt public n’est pas compromis, tous les motifs privés doivent prévaloir. J’appuie la proposition de M. Dubus.
M. Desmanet de Biesme. - On ne peut pas retenir un bourgmestre malgré lui. Il me semble qu’on pourrait dire : « La démission est acceptée un mois après qu’elle a été donnée. » Ce délai me paraît suffisant pour tout concilier.
M. de Muelenaere. - Si les mots : « Elle n’a d’effet que lorsque le Roi l’a acceptée », ne s’étaient pas trouvés dans la rédaction de la section centrale, je n’aurais pas fait la proposition de les introduire dans l’article ; toutefois je crois qu’il y aurait danger à les supprimer.
Il faut que le bourgmestre se trouve dans la même position que tous les autres fonctionnaires révocables. Quand on accepte des fonctions publiques, c’est avec la condition de les remplir ; on ne peut pas, sous prétexte de démission, se dispenser de remplir les devoirs de sa charge. Il est de principe incontestable que la démission n’a d’effet que quand elle est acceptée et lorsque le fonctionnaire a été remplacé. Dans un pays voisin vous avez pu voir, par les journaux, que l’on va plus loin. La démission n’a été considérée comme valable, dans une circonstance remarquable, que lorsque le fonctionnaire a été remplacé. Ainsi les ministres du Roi ne cessent leurs fonctions en Angleterre que lorsque leurs successeurs sont nommés.
On vous a dit que les membres de l’ordre judiciaire étaient obligés de continuer leurs fonctions parce que sans cela le cours de la justice serait interrompu ; c’est une erreur : il y a plusieurs magistrats, et l’absence de l’un d’eux dans une cour ou dans un tribunal n’empêche pas de rendre la justice. Le magistrat doit continuer ses fonctions après avoir donné sa démission, afin que le gouvernement puisse pourvoir à son remplacement.
La démission d’un bourgmestre pourrait amener les résultats les plus désastreux ; il y a telle commune où le bourgmestre fait tout, et où les autres ne peuvent remplir que des fonctions nominales ; s’il lui prenait envie de cesser sur-le-champ ses fonctions, la commune serait sans administration pendant un certain temps.
Toutefois, je ne m’opposerais pas à un amendement qui serait proposé dans le sens indiqué par M. Desmanet de Biesme, à ce qu’on fixe un délai dans lequel la démission devra être acceptée et après lequel le bourgmestre pourra cesser ses fonctions s’il n’est pas remplacé. Ce délai doit être tel que le gouvernement soit supposé avoir eu le temps nécessaire pour pourvoir à son remplacement, pour prendre des mesures afin que les intérêts de la commune ne pâtissent pas de l’absence du bourgmestre. Il faut admettre en principe que la démission du bourgmestre ne le dispense de remplir les devoirs à sa charge que quand il aura obtenu son congé, ou au moins après certain délai déterminé par la loi, afin que le gouvernement puisse pourvoir aux intérêts de la commune qui étaient confiés à l’administrateur démissionnaire.
M. Dubus. - L’honorable préopinant a fait une comparaison qui n’est pas applicable à la question qui nous occupe. Il a dit que les ministres anglais ne s’étaient pas considérés comme déchargés des obligations que leurs fonctions leur imposaient, tant qu’une nouvelle administration n’avait pas été formée et qu’ils n’avaient pas reçu congé de leur souverain. Mais il y a ici une énorme différence, c’est qu’en se retirant les ministres laissaient le pays sans administration.
Il n’y a pas derrière les ministres une échelle de dix degrés de suppléants, qui peuvent chacun à leur tour remplir les fonctions à la place de ceux qui se seraient retirés. Ces ministres, en restant au pouvoir jusqu’à ce qu’une nouvelle administration fût formée, faisaient acte de bons citoyens qui ne voulaient pas laisser le pays sans administration. Mais ce cas n’est pas identique avec celui qui nous occupe. Quant au bourgmestre il peut se retirer dès le lendemain du jour où il a donné sa démission, il peut être remplacé de suite par l’échevin comme s’il s’absentait sans donner sa démission. Et cela ne peut donner lieu à aucun inconvénient. Mais j’irai plus loin.
Je vous ferai remarquer que sous le régime actuel, qui dure depuis le mois d’octobre 1830, la démission a son effet du jour où elle a été donnée. D’après l’arrêté du 8 octobre 1830, le bourgmestre qui donne sa démission au conseil n’attend pas que le peuple de qui il tient sa nomination ait accepté sa démission ; dès le moment que la démission est donnée, il cesse ses fonctions ; on convoque les électeurs pour nommer un nouveau bourgmestre, et le bourgmestre démissionnaire ne continue pas ses fonctions jusqu’à ce que son successeur ait été nommé. En attendant que le peuple ait procédé à l’élection, c’est le premier ou le second échevin qui remplace le bourgmestre. Voilà l’état actuel des choses.
Je vous demande s’il a présenté des inconvénients. Par des motifs bons ou mauvais, vous avez voulu que le bourgmestre fût nommé par le gouvernement, Je demande si ce nouveau mode de nomination introduit des inconvénients qu’on n’avait pas remarqués depuis trois ans ?
Le bourgmestre peut avoir le plus grand intérêt à cesser ses fonctions immédiatement. Sa démission peut être le résultat de ses scrupules, il peut tenir à honneur de donner sa démission plutôt que d’exécuter telle mesure qui répugne à sa conscience. Vous l’obligeriez donc à rester à son poste et à exécuter cette mesure qui lui répugne. il ne pourrait, sans manquer à son devoir, sans se rendre coupable devant la loi, se dispenser d’exécuter des mesures à l’exécution desquelles il voulait se soustraire en donnant sa démission. Je vous demande si vous pensez placer un bourgmestre dans une telle position ?
Si vous n’admettez pas mon amendement, au moins fixez un terme après lequel le bourgmestre démissionnaire pourra cesser ses fonctions. Cependant je ne puis pas admettre ce terme, si l’honneur et la conscience lui ont fait un devoir de donner sa démission, car il faut qu’il puisse éviter de donner son concours à l’exécution de mesures qui lui répugnent.
M. le président. - M. Desmanet de Biesme propose un amendement qui consiste à dire que la démission est censée acceptée deux mois après qu’elle aura été adressée au Roi.
M. de Theux. - Je viens appuyer l’amendement de M. Desmanet de Biesme. La démission du bourgmestre peut être isolée, et alors il n’y aurait pas d’inconvénient à ce qu’il pût cesser ses fonctions. Mais il peut arriver que la démission d’un bourgmestre jette la perturbation dans l’administration de la commune, il peut arriver que cette démission ne soit pas isolée. Les échevins peuvent donner en même temps leur démission. Il peut même arriver qu’un conseil en masse donne sa démission. Il faut dans ces circonstances que la loi pourvoie à l’administration de la commune. Par ces divers motifs, je pense que l’amendement de M. Desmanet de Biesme doit être adopté.
M. de Muelenaere. - Je n’ai pas cité ce qui s’était passé dans un pays voisin comme étant identique avec le cas qui nous occupe, mais seulement pour faire sentir que ce principe était reçu partout, qu’un fonctionnaire n’était pas déchargé des devoirs inhérents à ses fonctions par le seul motif qu’il avait donné sa démission.
L’honorable auteur de l’amendement a dit que sa proposition ne faisait que maintenir l’état de choses actuel qui n’a jusqu’à présent donné lieu à aucun inconvénient. C’est là une erreur grave. Il ne pouvait pas en être autrement quand la nomination était faite directement par les électeurs. Mais il n’est pas moins vrai que l’arrêté du mois d’octobre 1830 contient une lacune en permettant que le bourgmestre cesse ses fonctions dès le jour qu’il donne sa démission.
On aurait dû insérer cette clause qu’il n’était déchargé des devoirs que lui imposaient ses fonctions que quand, dans un délai déterminé, les notables auraient été convoqués pour le remplacer. Il est résulté des inconvénients graves de cette lacune. Il y a des communes qui se sont trouvées sans administration communale jusqu’à ce qu’on ait pu rassembler les électeurs pour faire de nouvelles nominations.
Si on ne veut pas qu’il puisse dépendre du gouvernement de ne pas accepter la démission d’un bourgmestre, ce qu’il ne s’empresserait pas de faire, parce que le démissionnaire pourrait avoir rendu des services, il faut au moins lui donner la faculté de laisser au démissionnaire un certain temps pendant lequel il puisse examiner plus mûrement s’il lui convient ou non de persister dans sa démission.
Il faut aussi laisser au gouvernement un délai pour pourvoir au remplacement du démissionnaire. J’appuierai l’amendement de M. Desmanet, soit qu’on accorde un délai de deux mois ou d’un mois. Un mois suffirait pour la plupart des provinces du royaume. Mais je persiste à croire qu’il faut au moins un délai.
M. Dubus nous a dit : Il faut que la démission puisse produire ses effets immédiatement, car il peut arriver qu’elle repose sur des motifs d’honneur et de conscience ; vous ne pouvez pas forcer un bourgmestre à exécuter un acte pour lequel il a donné sa démission. Personne n’exigerait dans ce cas qu’il exécutât. Il y aurait absurdité à exiger son concours.
Le gouvernement ferait exécuter la mesure par un des échevins. Cela n’empêcherait pas le bourgmestre de remplir les autres devoirs de sa charge auxquels sa conscience ne répugnerait pas.
M. le président (M. Raikem) propose le sous-amendement suivant : « Elle (la démission) n’aura d’effet que 30 jours après qu’elle aura été notifiée au conseil, à moins que le Roi ne l’ait acceptée auparavant. »
M. Verdussen propose un délai de 30 jours.
M. Desmanet de Biesme en propose un de deux mois. - Je me rallie, dit-il, à l’amendement de M. Verdussen pour le délai ; mais il me semble que la notification au conseil ne suffit pas, il faudrait qu’elle fût faite au Roi.
M. Verdussen. - J’ai proposé la notification au conseil, parce que c’est un acte public.
M. Dubus. - J’avais expliqué les motifs pour lesquels je pensais que la démission devait avoir un effet immédiat ; mais d’après ce que vient de dire M. de Muelenaere, qu’il serait absurde de forcer un bourgmestre à exécuter une mesure qui aurait motivé sa démission, mon observation tombe.
J’examinerai cela de plus près et je formulerai une disposition qui rentre dans l’idée de M. de Muelenaere.
M. Verdussen. - Il me semble que l’on ne peut notifier qu’un acte qui a eu lieu.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - La rédaction de la section centrale me paraît beaucoup plus claire. Je crois que les trois premières lignes devraient rester telles qu’elles sont.
- L’amendement de M. Verdussen est mis aux voix et adopté.
La partie de l’article 17 qui a rapport à la démission du bourgmestre est adoptée dans le sens de la modification proposée par M. Verdussen.
M. le président. - La discussion continue sur la partie de l’article 17 qui a rapport à la démission des échevins.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - J’ai demandé que la démission des échevins soit adressée à l’autorité supérieure, soit au gouverneur, soit à la députation des états, et notifiée au conseil communal.
M. Dubus. - J’ai demandé la parole pour faire remarquer qu’il n’existe aucune comparaison à faire entre les démissions des bourgmestres et des échevins. Il est vrai que le Roi nomme les uns et les autres, mais ce n’est pas de la même manière. Tandis que nous réservons au pouvoir royal la faculté de révoquer le bourgmestre, nous avons voulu que les échevins fussent démis de leurs fonctions par la députation provinciale. La proposition faite par M. le ministre de l’intérieur actuellement me paraît plus rationnelle qu’elle ne l’était d’abord. Je ne sais pas même s’il serait nécessaire que la démission des échevins fût adressée à la députation provinciale, s’il ne serait pas plus simple qu’elle fût adressée au conseil communal, puisqu’après tout c’est le conseil qui fait la présentation.
On conçoit qu’il soit nécessaire que le gouvernement connaisse la démission du bourgmestre, puisqu’il est obligé de choisir son remplaçant dans le conseil, tandis que le fait seul de la présentation de candidats en remplacement de l’échevin démissionnaire notifiera au gouvernement qu’il y a eu démission.
M. le président. - M. le ministre de l’intérieur vient de présenter l’amendement suivant :
« La démission des échevins est adressée à l’autorité supérieure et notifiée au conseil communal. »
M. Dumortier, rapporteur. - Ce mot « l’autorité supérieure » est bien vague. Il faut que l’on désigne quelle sera cette autorité supérieure. Il ne faut pas en laisser le choix au gouvernement. Il pourrait ainsi fixer telle ou telle autorité selon son caprice.
Je représenterai en peu de mots ce que j’ai déjà dit sur le caractère de la nomination des échevins. De qui ces fonctionnaires municipaux tiennent-ils leur mandat ? De deux ordres de personnes. Du conseil communal qui les présente, et du Roi qui les nomme.
La nomination royale n’arrive pour ainsi dire qu’en seconde ligne, parce qu’il se présentera beaucoup de cas où le Roi n’aura à arrêter son choix que sur une liste composée de deux personnes.
Nous avons dit qu’il était convenable que la démission des échevins fût adressée au conseil communal, qui enverra à la députation des états une liste de présentation de candidats pour la place vacante. De cette manière le gouvernement connaîtra la démission donnée par l’un des échevins d’une régence. Y a-t-il rien de plus simple que ce que nous proposons ?
La proposition de M. le ministre de l’intérieur aurait pour but de créer une centralisation tout à fait inutile. Je m’étonne que les ministres tendent toujours à accroître de plus en plus cette centralisation, tandis qu’ils viennent chaque jour nous dire qu’ils sont surchargés de besogne, qu’il serait nécessaire de créer de nouveaux ministères, et que le ministère de l’intérieur en particulier est assez surchargé de travaux pour que l’on puisse le diviser en deux départements. Pourquoi venir nous demander d’augmenter inutilement la masse de vos travaux ? Laissez aux députations des états ceux qui ressortissent mieux de leurs attributions.
M. de Theux. - L’amendement de M. le ministre de l’intérieur dit que la démission des échevins doit être acceptée par l’autorité supérieure, et cependant je lis dans le premier paragraphe que les conseillers communaux et les échevins se trouvent sur la même ligne. Il y a contradiction évidente entre l’article 17 et l’amendement qui vous est proposé.
Il semble résulter du paragraphe premier que dans tous les cas la démission doit être approuvée par la députation des états. Il semble donc que la députation des états pourrait refuser son approbation. La section centrale ne me semble pas avoir atteint ce but.
M. Verdussen. - Je ne puis assimiler les échevins aux conseillers communaux. Ceux-là ont, comme les bourgmestres, accepté un mandat du gouvernement. Il pourrait arriver que la démission simultanée de tous les échevins désorganisât complètement une municipalité. Il faut que le gouvernement puisse par la connaissance de ces démissions parer aux inconvénients qui en résulteraient.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - En présentant l’expression. « l’autorité supérieure, » je n’ai que suivi la rédaction du projet du gouvernement. Les échevins ressortissent du pouvoir exécutif et du conseil communal ; il leur sera libre d’adresser leur démission, soit au gouverneur, soit à la députation des états. Il est tout simple que celui qui nomme soit informé que celui qu’il a nommé se retire.
On nous a accusés d’avoir des vues de centralisation. Nous ne demandons pas que la démission d’un échevin soit adressée directement au ministre. Tout ce que nous voulons, c’est que le gouverneur en ait connaissance, et la notification qu’il en fera ne lui donnera ni plus ni moins de besogne. Ce sont donc véritablement de très petits motifs que l’on a mis en avant pour s’opposer à une marche rationnelle et régulière.
Je sais bien qu’il ne plaît pas à l’honorable M. Dumortier que les échevins soient nommés par le gouverneur.
M. Dumortier, rapporteur. - Ils ne sont pas nommés par le gouverneur.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Mais la chambre en a décidé ainsi. Nous demandons simplement que celui qui a nommé reçoive notification de la démission du titulaire. Si l’on trouve l’expression d’autorité supérieure trop vague, je consens à ce qu’elle soit remplacée par celle-ci : « au gouverneur ou à la députation provinciale. »
M. le président. - Voici l’amendement proposé par M. Verdussen :
« La démission des fonctions d’échevin doit être adressée à la députation permanente du conseil provincial, et notifiée au conseil communal ; elle n’a d’effet que 30 jours après cette notification, à moins que l’acceptation n’ait eu lieu auparavant. »
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je ne conçois pas cet amendement ; il pourrait donner lieu à de singuliers conflits. Si le gouvernement est d’accord avec un échevin pour lui donner sa démission, est-ce que la députation permanente maintiendra cet échevin, malgré le gouvernement et l’échevin lui-même ? Voilà cependant la portée de cet amendement. Le mien pare à cet inconvénient, et donne tout pouvoir nécessaire à la députation provinciale.
M. Dubus. - Je crois avoir bien compris l’amendement de l’honorable M. Verdussen ; mais M. le ministre de l’intérieur ne me paraît pas l’avoir bien saisi. Vous allez, dit-il, donner à la députation provinciale le droit de maintenir un échevin malgré lui, et alors qu’il aura donné sa démission. La disposition proposée par M. Verdussen est, au contraire, une précaution prise pour empêcher qu’il n’en soit ainsi.
M. le ministre trouve plus rationnel que l’autorité qui a le droit de nommer, ait celui de donner la démission. Alors, son amendement n’est pas rationnel. Il propose que le droit de démissionner appartienne tantôt au gouverneur, tantôt à la députation provinciale. Or, ni l’un ni l’autre n’ont le droit de nommer les échevins.
Mais M. le ministre propose une autre règle ; il demande que la démission soit adressée à celui qui a le droit de révoquer des fonctions d’échevin. En effet, la députation et le gouverneur ont le droit de démissionner les échevins pour cause déterminée. Mais je ne vois pas le motif de laisser à l’échevin le choix de deux autorités ; il me paraît, au contraire, rationnel de prescrire que la démission soit adressée toujours a la même autorité.
Sous ce rapport l’amendement de l’honorable M. Verdussen est préférable ; remarquez que le gouverneur serait informé de la démission en même temps que la députation, puisqu’il en est le président, puisque à ce titre il reçoit tous les paquets qui lui sont adressés. L’amendement de M. Verdussen a cet avantage aussi qu’il fixe le terme au bout duquel la démission doit être considérée comme acceptée. Cette disposition est tout en faveur du fonctionnaire qui donne sa démission et qui ne peut être obligé à continuer ses fonctions indéfiniment contre son gré.
Il avait d’abord paru plus simple que la démission fût adressée au conseil communal qui la ferait parvenir à la députation. Mais les choses marcheront tout aussi vite de la manière proposée. Dès que le conseil communal aura été informé de la démission d’un échevin, il procèdera immédiatement à la présentation de candidats parmi lesquels le nouvel échevin devra être nommé.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - On ne conçois pas pourquoi j’insiste pour que la démission des échevins soit adressée à tel fonctionnaire ; je ne conçois pas à mon tour pourquoi on insiste pour qu’il en soit autrement. Mon amendement concilie évidemment les deux opinions opposées que l’on a soutenues. Je ne comprends rien, je l’avoue, aux défiances dont il est l’objet.
M. de Theux. - Je dois rectifier une erreur échappée à l’honorable M. Dubus. Il a dit que le droit de donner la démission à un échevin dans des cas déterminés appartenait au gouverneur. Le gouverneur a seulement le droit de suspendre. Le droit de démission dans des cas déterminés n’appartient qu’à la députation provinciale. Au reste ceci n’est pas relatif à la question que nous traitons ; car là il s’agit de démissions forcées, et dans l’article en discussion il ne s’agit que de démissions volontaires. Or, les démissions volontaires doivent être évidemment adressées à l’autorité qui aura nommé.
Je proposerai donc de sous-amender ainsi la proposition de M. Verdussen :
« La démission des fonctions d’échevin doit être adressée à l’autorité qui l’aura nommé, et notifiée, etc. »
M. Dumortier, rapporteur. - Si l’honorable préopinant pense que la démission volontaire doit être accordée par l’autorité qui a nommé, comment a-t-il dans la séance d’hier propose un amendement que la chambre a adopté et d’après lequel la démission forcée dans des cas déterminés est donnée par la députation provinciale ? Si la députation provinciale peut seule prononcer une démission forcée, seule aussi, elle peut recevoir une démission volontaire. Je crois que ceci répond à tout argument. La proposition que l’on fait établirait dans la loi une véritable confusion d’idées.
M. de Theux. - Il ne faut pas, comme je l’ai dit, confondre la démission forcée avec la démission volontaire. Que la démission volontaire soit offerte par les échevins à l’autorité qui les a nommés, rien n’est plus rationnel, et il n’y a pas de raison pour qu’elle soit adressée aux autorités auxquelles vous avez dans des cas déterminés donné le droit de suspension et de démission forcée à l’égard de ces fonctionnaires.
- Plusieurs membres. - La clôture.
M. Dubus. - L’amendement de M. de Theux a été présenté à la fin de la discussion ; il faut au moins qu’on puise comparer le texte avec les dispositions de la loi déjà votées. La clôture serait donc prématurée.
- La clôture est mise aux voix et rejetée.
M. de Theux. - L’honorable M. Dubus a demandé quelle était l’autorité qui nommait les échevins, et s’il n’y avait pas deux autorités qui feraient cette nomination. Cela me paraît évident d’après le changement proposé par la section centrale et adopté par la chambre.
Dans le projet du gouvernement il était dit que le Roi nomme les échevins dans telles communes et le gouverneur dans telles autres ; la section centrale a modifié cette proposition et a adopté que les échevins sont nommés par le pouvoir exécutif. Dès lors, la chambre a eu évidemment en vue d’autoriser la loi à déléguer au gouverneur le droit de nommer des échevins dans certaines communes, ainsi que cela s’est pratiqué jusqu’à présent.
Il ne faut pas, en effet, messieurs, que la nomination des échevins soit centralisée ; dans beaucoup de petites communes, il est important que le gouverneur puisse nommer les échevins ; c’est pourquoi je pense qu’il doit y avoir deux nominations, les unes qui émaneront du Roi, les autres qui émaneront du gouverneur.
M. Dubus. - L’article 8 porte que les échevins sont nommés par le pouvoir exécutif, de sorte que cet article laisse dans l’incertitude quelle est l’autorité qui nommera les échevins. S’il en est ainsi, c’est un nouveau motif qui se joint à ceux qui ont été invoqués contre l’article. Il faut que la loi détermine quelle est l’autorité qui nommera les échevins.
Par le pouvoir exécutif, tout le monde, je crois, a compris que c’était le Roi ; ainsi il ne résulte pas de la disposition que vous avez adoptée, que le Roi puisse déléguer ce que la loi n’autorise pas à déléguer. On a dit : Telle attribution appartient au pouvoir exécutif ; c’est-à-dire telle attribution appartient au gouvernement du Roi. S’il s’agit d’une nomination, il faut que le gouvernement fasse cette nomination, et je crois que, d’après l’article que vous avez voté, le Roi devra nommer tous les échevins. On dit qu’il y a des inconvénients à cela ; j’en vois aussi beaucoup, mais enfin c’est ce que la chambre a adopté.
Je conçois l’opinion de ceux qui veulent faire intervenir l’influence du pouvoir exécutif dans une nomination ; mais peut-il exister une telle centralisation pour une simple acceptation de démission ? Il s’agit ici uniquement d’une vérification de la part du pouvoir qui reçoit la démission ; la démission reçue, on n’a qu’à examiner si elle est donnée en termes clairs, précis, ou en termes ambigus ; si vous centralisez aussi cette démission, vous faites une chose exorbitante, vous renchérissez sur le système français en fait de centralisation.
On fait une distinction entre les petites et les grandes communes, mais dans l’un et l’autre cas la démission est toujours dans les mêmes termes ; l’autorité qui reçoit la démission n’a qu’à voir si elle est conçue en des termes assez clairs pour qu’elle doive être acceptée.
Je vois des garanties suffisantes dans la députation provinciale pour l’acceptation de la démission : dès qu’il s’agira de grandes communes, ce pouvoir serait-il incompétent ? N’entrons point, messieurs, dans un système aussi déraisonnable ; pour moi, j’appuie la proposition de M. Verdussen.
M. Devaux. - Je ne conçois pas véritablement la longueur de la discussion qui depuis des heures entières se traîne sur ce misérable article.
De quoi s’agit-il ? A entendre les orateurs qui ont pris la parole 7 ou 8 fois sur l’article, il semblerait qu’il s’agit d’un pouvoir exorbitant ; eh bien, il ne s’agit que du pouvoir d’accepter une démission qu’on n’a pas la faculté de refuser.
On a donné à un pouvoir la faculté de nommer le bourgmestre et les échevins ; une conséquence toute naturelle devrait être de lui donner aussi la faculté de recevoir la démission des échevins ; cependant on n’a pas assez de confiance dans ce pouvoir pour adopter ce principe si simple : que celui qui nomme accepte la démission. On paraît croire qu’il abuserait de la confiance qu’on lui accorderait, qu’il se rendrait coupable d’un faux. Car enfin, pour qu’il trahisse cette confiance, il faut qu’il se rende coupable d’un faux.
Celui qui nomme accepte la démission ; si on a fait une exception à ce principe à l’égard des membres du conseil, c’est qu’on ne pouvait assembler les électeurs pour leur faire accepter la démission du conseiller ; mais à cela près, le principe existe dans toute sa force, et le Roi qui nomme les échevins doit avoir la faculté de recevoir leur démission.
Je ferai une autre observation. En faisant ainsi traîner la discussion, outre la perte de temps qui en résulte, il arrive qu’on introduise des amendements qui disent tout le contraire de ce que doit porter la loi dans ses dispositions, et qu’ils s’éloignent totalement de son esprit.
Ainsi l’esprit de l’article dont nous nous occupons, était de prévenir à l’avenir ce qui s’est passé à Liège ; maintenant on propose un amendement qui établit la démission de fait après trente jours de son envoi, de sorte que s’il se présente une démission telle que celle du sieur Dejaer, au bout de 30 jours, le conseil de régence pourra dire : La démission est acceptée, il y a lieu de procéder à une réélection.
Voilà, messieurs, où conduisent ces longues discussions. Il me semble qu’on doit compter un peu sur le bon sens de la chambre, et qu’il n’est pas nécessaire de tout dire, d’entrer dans tous les détails.
M. Dumortier, rapporteur. - On parle d’éternelles discussions, on dit qu’on ne conçoit pas qu’on vienne discuter pour si peu de chose. Il y a pour cela une raison très simple ; c’est que le ministre ne veut pas démordre de ses propositions. (Je ne discute pas s’il a tort ou raison.) C’est qu’il s’obstine à ne pas se rallier aux propositions de la section centrale : si le ministre s’y ralliait les longues discussions dont on parle n’auraient pas lieu, et tout serait bientôt terminé.
On dit que dans le système que nous défendons, il y a manque de confiance pour le pouvoir exécutif ; mais je pourrais dire aussi qu’il y a manque de confiance à l’égard des députations provinciales.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Eh bien, jugeons par le vote.
M. Dumortier, rapporteur. - Je pourrais dire tout aussi bien que la députation provinciale mérite toute notre confiance. Ainsi confiance pour confiance, on n’a pas répondu à la question.
M. Devaux se plaint que les dispositions de la loi ne se coordonnent pas entre elles. Je répondrai que ce défaut existera surtout si vous adoptez l’amendement de M. de Theux, qui est en contradiction avec celui que vous avez adopté hier.
Il s’agit de savoir quel est le pouvoir qui acceptera la démission des échevins. Hier vous avez admis par un amendement de M. de Theux que la députation provinciale aurait le choix de révoquer les échevins : dans le premier cas et dans le second, il y a toujours jugement : celui qui juge que l’échevin doit être révoqué, doit juger aussi s’il y a lieu à accepter sa démission.
S’il en est autrement, vous faites en quelque sorte un habit d’arlequin (Aux voix ! aux voix !)
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je me rallie au sous-amendement de M. de Theux pour abréger la discussion.
- Le sous-amendement de M. de Theux est adopté ainsi que l’amendement de M. Verdussen.
M. Verdussen propose d’ajouter dans l’article le mot échevin au mot bourgmestre.
- Adopté.
L’article est adopté.
M. le président. - « Art. 19 (du projet du gouvernement). - Les membres sortants lors du renouvellement triennal, ou les démissionnaires, restent en fonctions jusqu’à ce que les pouvoirs de leurs successeurs aient été vérifiés. »
« Art. 18 (du projet de la section centrale). - Les membres sortants ou démissionnaires continuent leurs fonctions jusqu’à ce que les pouvoirs de leurs successeurs aient été vérifiés. »
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je demanderai si on peut appliquer l’expression de sortant à un homme qui serait frappé de la perte des droits civiques. Il est évident que l’article 18 de la section centrale ne peut être admis. La rédaction proposée par le gouvernement vaut mieux. Un homme dépouillé de ses droits par un jugement correctionnel ou par un arrêt de cour d’assises ne peut continuer provisoirement ses fonctions.
M. Dubus. - L’observation faite par le ministre est juste ; mais moi je vais plus loin encore. Je crois que l’article 18 tout entier doit être supprimé ; en conséquence du vote émis sur l’article précédent, vous venez de décider que la démission aura ses effets un mois après qu’elle aura été donnée ; pouvez-vous dire maintenant qu’elle n’aura ses effets que lorsque les pouvoirs du remplaçant auront été vérifiés ? Il faudrait que l’article 18 fût rédigé autrement pour être admis ; il faudrait par exemple dire : « Les membres sortants lors du renouvellement triennal ou les démissionnaires continuent leurs fonctions jusqu’à ce que les pouvoirs de leurs successeurs aient été vérifiés. »
M. de Theux. - Pour éviter l’inconvénient signalé par M. Dubus, il faudrait commencer l’article de cette manière :
« Les conseillers sortants lors du renouvellement triennal… »
M. Verdussen. - Le mot démissionnaire s’applique aux conseillers et aux échevins.
- La proposition de M. de Theux est adoptée.
Les mots : « lors du renouvellement triennal » sont admis.
L’article ainsi modifié est adopté.
M. le président. - « Art. 21 (du projet du gouvernement). En cas de remplacement avant l’époque de l’élection triennale, les conseillers élus prennent au tableau le rang de ceux qu’ils remplacent, et ne peuvent rester en fonctions que jusqu’à l’époque de ladite élection. »
« Art. 20 (du projet du gouvernement). - Lorsqu’une place de conseiller vient à vaquer par décès, démission, perte de qualités requises ou autre cause, il est pourvu à son remplacement à la plus prochaine réunion des électeurs. »
La section centrale propose de réunir ces deux articles en un seul de la manière suivante :
« Art. 19 (du projet de la section centrale). Lorsqu’une place de membre du conseil vient à vaquer, il y est pourvu à la plus prochaine réunion des électeurs.
« Le bourgmestre, l’échevin ou le conseiller nommé ou élu en remplacement, achève le terme de celui qu’il remplace. »
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je préfère la rédaction du projet du gouvernement. L’article 21 est très clair ; il faut d’ailleurs mettre le mot conseiller.
M. Dumortier, rapporteur. - Nous avons introduit dans le second paragraphe de l’article 19 une disposition importante. L’article du gouvernement ne stipulait que pour les conseillers élus hors du renouvellement triennal ; il ne stipulait rien pour les bourgmestres et échevins : comme ceux-ci sont nommés pour 6 années, il en serait résulté que celui qui serait appelé à ces fonctions un an après les élections générales resterait 6 années à dater de l’époque de sa nomination, ce qui occasionnerait des élections partielles après des élections générales. Il ne faut pas qu’il y ait des élections tous les ans ; il faut qu’il y en ait autant que possible à des époques fixes, et cela dans l’intérêt du gouvernement et dans l’intérêt des électeurs.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je ne m’oppose pas à l’adoption de la disposition de la section centrale, mais sauf rédaction.
- La disposition est adoptée sauf rédaction.
M. le président. - « Art. 22 (du projet du gouvernement). La dissolution des conseils municipaux peut être prononcée par le Roi.
« L’arrêté de dissolution est motivé et contient l’époque de la réélection qui doit avoir lieu dans les trois mois.
« Le Roi, ou le gouverneur en son nom, désigne sur la liste des électeurs de la commune les citoyens qui exercent provisoirement les fonctions d’échevin. »
La section centrale propose la suppression.
- Plusieurs membres. - A demain ! à demain ! La question est sérieuse.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je ne sais pas si quelques membres se proposent de prendre la parole en faveur de l’article du gouvernement, mais je dois déclarer que l’intention du gouvernement n’est pas de soutenir cet article dans la discussion, bien qu’il ait de puissants motifs pour en demander l’adoption. Nous pensons qu’à une époque encore si rapprochée de celle où le ministre a vu échouer devant la chambre une proposition semblable, il y avait présomption de sa part à vouloir lutter contre l’opinion de la majorité de l’assemblée. Sous ce rapport, et sans approuver la proposition de la section centrale, nous ne combattrons pas cette proposition.
- La suppression de l’article 22, mise aux voix, est adoptée.
M. le président. - « Art. 23. Si la dissolution du conseil est prononcée, et si dans le nombre de ses actes, il s’en trouve qui soient punissables d’après les lois en vigueur, ceux des membres du conseil qui y auront participé sciemment pourront être poursuivis.
« Art. 24. Immédiatement après l’installation des conseils, ou lorsqu’en vertu de la dissolution prononcée par le Roi, un conseil aura été renouvelé en entier, il sera décidé par la voie du sort à laquelle des séries appartiendra chaque membre ; la série la moins forte sortira la première. »
- Sur la proposition de la section centrale ces deux articles sont supprimés en conséquence du vote sur l’article 22.
La discussion est ensuite renvoyée à demain.
La séance est levée à quatre heures et demie.