(Moniteur belge n°199, du 18 juillet 1834)
(Présidence de M. Raikem.)
M. de Renesse procède à l’appel nominal à midi et demi.
M. H. Dellafaille donne lecture du procès-verbal ; la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse fait connaître l’objet des pièces adressées à la chambre.
« L’administration commerciale d’Oltergem demande l’établissement d’un tribunal de première instance à Alost, et que cette ville soit le chef-lieu d’arrondissement. »
- Renvoyée à la commission chargée de l’examen du projet de loi présenté par MM. Dewitte et Desmet.
« L’administration communale d’Haeltert demande l’établissement d’un chef-lieu d’arrondissement à Alost, et que les cantons d’Herzele, Ninove, soient détachés de l’arrondissement d’Audenaerde, pour faire partie de celui d’Alost. »
Renvoyée aux commission chargées de l’examen sur les circonscriptions des justices de paix et du projet de loi présenté par MM. Dewitte et Desmet.
« Le sieur Louvre, ancien receveur, à titre onéreux, des taxes municipales de Liége, demande une pension de retraite. »
« Le sieur Destaville, visiteur de la douane, adresse des considérations sur l’exercice du droit de préemption. »
« Un grand nombre de propriétaires de terres, situées dans la Flandre occidentale, adhérent aux demandent faites d’un canal de dessèchement. »
« Le sieur A. de Mulder, milicien de 1827, demande que les miliciens de 1826 et 1827, soient renvoyés dans leurs foyers. »
- Toutes ces pièces sont renvoyées à la commission des pétitions.
« Le sieur Dubois, bourgmestre, adresse des observations sur les amendements introduits dans les articles 5 et 6 de la loi communale. »
- Déposé au bureau des renseignements.
Un congé est accordé à M. de Robaulx.
M. le président donne lecture de la lettre suivante :
« M. le président,
« J’ai l’honneur de vous informer que le 21 de ce mois un Te Deum sera chanté en l’église des Saints Michel et Gudule à l’heure ordinaire, à l’occasion du troisième anniversaire de l’inauguration du Roi.
« Si la chambre juge convenable de se rendre en corps à la cérémonie, des ordres seront donnés pour qu’une escorte de troupes soit mises à sa disposition. Je vous prie en conséquence, M. le président, de vouloir bien me donner connaissance, dans le plus bref délai possible, de la résolution qui sera prise à cet égard.
« Le ministre de l’intérieur, C. Rogier. »
- La chambre, consultée, décide qu’elle se rendra en corps au Te deum qui sera chanté, le lundi 21 de ce mois, en l’honneur du troisième anniversaire de l’inauguration du Roi. »
- Un membre. - A quelle heure a lieu la cérémonie ?
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - A onze heures.
M. Coghen, rapporteur, présente le rapport de la section centrale, à laquelle la chambre a renvoyé la question du droit progressif. Les conclusions de la section centrale sont le maintien du droit fixe.
M. Meeus. - Si j’ai bien compris l’honorable rapporteur de la section centrale, les membres sont restés d’accord sur ce point, qu’il n’y avait rien à changer au projet présenté par elle. Je dois vous faire quelques réflexions à ce sujet.
Je comprends que plusieurs membres de cette chambre, grands partisans de la protection à accorder soi-disant à l’agriculture, fassent leurs efforts pour faire majorer les droits actuellement existants ; mais je ne puis concevoir que non contents d’obtenir cette faveur qu’ils demandent pour l’agriculture, ils viennent, sans que les chambres de commerce aient été consultées, sans que le commerce ait en aucune manière émis son opinion, établir un maximum et un minimum et baser là-dessus un système de droits fixes. Car, lorsque les chambres de commerce ont été consultées, de quel projet de loi s’agissait-il ? D’un projet de loi présenté par un honorable membre, qui s’est rendu fameux dans cette discussion, je veux parler de M. Eloy de Burdinne. (Hilarité.) Vous remarquerez que le projet de la section centrale est entièrement opposé à celui présenté par cet honorable orateur.
Les chambres de commerce ont-elles été consultées sur cette question : « Le droit étant décidé, convient-il d’établir un minimum et un maximum ; ou cette deuxième question étant décidée, doit-on préféré un droit progressif à un droit fixe ? » Evidemment cette question n’a pas été proposée aux chambres de commerce. Or, il me semble que, dans une telle question, c’est une question de pudeur : qu’après avoir accordé à l’agriculture tous les avantages possibles, lui avoir concédé un privilège de droits énormes, après avoir, comme l’a dit hier l’honorable M. Smits, assuré à l’agriculture une protection telle que jamais aucune industrie n’en a obtenu une semblable, vous ne soyez pas encore satisfaits, vous venez encore entraver le commerce dont une partie déjà est passée en Hollande, détruire le commerce d’Anvers, et cela sans consulter les chambres de commerce. C’est, je le répète, une question de pudeur.
Si la chambre prend une telle détermination, je me confierai dans la sagesse du sénat qui doit aussi discuter cette loi. Sans doute les membres du sénat, tous grands propriétaires, seraient personnellement intéressés à voter une loi protectrice de l’agriculture ; mais, sans doute, d’ici à ce que la loi soit soumise à leurs délibérations, ils seront éclairés par la sagesse et par les réclamations du commerce ; et il sera évident pour eux que la loi en discussion, sans offrir d’avantages réels à l’agriculture, est la ruine du commerce.
J’insiste pour le renvoi devant les chambres de commerce et pour que la chambre attende leur avis. Jusque-là, contentez-vous de majorer les droits de manière, puisque vous craignez tant, à ne pas avoir à craindre les importations de l’étranger. N’allez pas, pour satisfaire les propriétaires, les cultivateurs, sacrifier l’intérêt général et celui du commerce.
M. Coghen, rapporteur. - Ce que réclame l’honorable préopinant a été fait : M. le ministre de l'intérieur a envoyé aux chambres de commerce le projet de loi en discussion. Les rapports ne sont peut-être pas tous rentrés. Mais assurément les chambres de commerce ont été consultées sur le projet de la section centrale comme elles l’ont été sur celui de M. Eloy de Burdinne.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Il est vrai que le projet de loi de la section centrale a été soumis à l’avis des chambres de commerce. Mais telle était aux yeux des membres de la section centrale l’urgence d’une loi sur les céréales, qu’ils m’avaient à peine accordé 48 heures pour recevoir ces avis.
Ils ont été demandés, plusieurs me sont déjà parvenus. Mais vous sentez qu’ils se ressentent de la précipitation avec laquelle ils ont été donnés ; aussi ces renseignements ne sont-ils pas propres à former une conviction. J’ai déjà eu l’honneur d’en écrire à M. Coghen, en lui demandant de solliciter de la chambre la remise à une autre époque de la discussion de la loi.
Mais la chambre n’a pas cru devoir s’arrêter à cette demande. Elle a décidé qu’il serait passé outre. Des avis sont arrivés, mais les chambres de commerce n’ont pas assez de temps pour mûrir leur opinion, surtout pour la motiver. J’ai déjà eu occasion de dire à la chambre plusieurs fois que les chambres de commerce étaient partagées d’opinion, que les unes avaient répondu qu’elles auraient préféré le système proposé par M. Eloy de Burdinne au système adopté par la section centrale, et que d’autres repoussaient tout nouveau système et demandaient qu’on s’en tînt à ce qui existe.
Du reste, si l’on croit que les avis de ces chambres peuvent être utiles à la discussion, je pourrais aller au ministère les recueillir et les mettre sous les yeux des membres de la chambre. Mais je déclare qu’on y trouvera peu de lumières.
M. A. Rodenbach. - Messieurs, s’il s’agissait de frapper les céréales étrangères d’un droit excessif, je demanderais moi-même le renvoi aux chambres de commerce, quoique depuis six mois les projets aient été envoyés à ces chambres. Mais il ne s’agit ici que d’un droit de 3 fr. par hectolitre, qui se réduit en réalité à 2 fr. car vous savez qu’en matière de douane, trois ne font pas trois, ils ne font souvent que deux. De même l’impôt sur le seigle, qui est de 1 fr. 50 c., se réduira à un franc, par la même raison que je viens d’exprimer à l’égard du froment.
Nous ne devons pas craindre de mettre un droit aussi faible sur les grains étrangers maintenant que le froment est à 13 fr. et le seigle à 8 fr. car, avec les déclarations, le droit sur le froment ne sera pas de plus de 21 p. c. et sur le seigle de 15 p. c.
Nous avons d’autres produits qui jouissent d’une semblable protection, il suffit de jeter les yeux sur notre tarif de douane pour s’en convaincre.
En France et en Angleterre, les droits sont bien autrement élevés. En France, au prix actuel de 13 francs l’hectolitre, on ne paie pas deux ou trois francs de droit, mais 15 fr. En Angleterre, pays le plus commercial du monde entier, on paierait au prix de 13 fr. auquel est maintenant le froment en Belgique, 26 fr. 40 c. de droit. Voilà des impôts exorbitants, des droits d’entrée qui seraient de nature à effrayer.
Il n’y a donc pas d’inconvénient à voter la loi, et il y en aurait de très grands à en retarder le vote, car les spéculateurs auraient le temps de faire venir des grains, et un retard de quinze jours suffirait pour empêcher l’effet de la loi.
M. Eloy de Burdinne. - Je ne puis pas concevoir comment une question aussi simple que celle soumise à la chambre puisse donner lieu à longues discussions. En vérité, si nos contradicteurs, si les honorables membres qui prétendent qu’une loi protectrice de l’agriculture n’est pas nécessaire, s’étaient donné la peine de voir toutes les discussions qui ont eu lieu dans les chambres françaises en 1819, 1821 et 1832, certes ils ne s’efforceraient pas de nous convaincre que la loi est inutile. Un honorable membre a dit hier que c’était sous l’empire de M. de Villèle que la loi française avait été adoptée. On a ajouté que M. de Villèle était un grand propriétaire, et qu’il n’était pas étonnant si sous son ministère on avait adopté une loi protectrice de la propriété.
Je ferai remarquer que la loi la plus favorable à l’agriculture, celle qui a été le plus élaborée et qui doit servir de type, c’est la loi de 1832. M. de Villèle n’assistait pas à la discussion de cette loi.
- Une voix. - Il n’y ni maximum ni minimum.
M. Eloy de Burdinne. - Je renoncerais au système de maximum et de minimum pour le système français. Je me rallierais ainsi à l’opinion de M. de Robaulx qui est de nous rapprocher du système français, puisque nous sommes sur le point de faire un traité de commerce avec la France.
- Plusieurs voix. - A la motion de M. Meeus !
M. Eloy de Burdinne. - M. Meeus est entré dans de longs développements qui se rattachent au fond. Si cet honorable membre a pu s’écarter de l’ordre du jour, je crois avoir le même droit. Ici personne n’a de privilège, chacun peut user du même droit, et j’en userai, si toutefois cela plaît à la chambre ; car j’aime singulièrement à plaire à la chambre et même à tous ceux qui me contredisent.
M. Meus a dit qu’il fallait protéger le commerce de grains par le motif que les navires qui vous apportaient des grains servaient à emporter les produits de votre industrie. J’ai déjà eu l’honneur de dire qu’on ne pouvait pas craindre de manquer de navires pour transporter les produits de notre industrie. En effet, en 1832, il est entré dans nos ports 875 navires chargés de grains, sur 1255 entres dans les 11 premiers mois.
Il en est sorti 1256, et sur ce nombre, 1020 sont partis sur lest, c’est-à-dire, qu’outre les 875 navires qui nous ont apporté les grains, il est sorti sur lest 145 navires qui avaient apporté des cafés, des vins, etc. Ainsi, dans le cas où il ne serait pas entré de navires chargés de grains, il serait encore sorti 145 navires sur lest. Messieurs, il peut y avoir trop de commerce de grains, et il y en aurait trop si ce commerce nous enlevait plus que notre superflu, ce que je ne veux pas ; car je ne veux pas qu’il nous enlève ce dont nous avons besoin. Mais ce n’est pas ce commerce d’exportation qu’on veut favoriser. Quant au commerce d’importation, il serait inutile d’y chercher les moyens d’exporter nos produits, car ils sont refusés partout. Mais nous, nous sommes assez bénévoles pour recevoir ceux des autres, quand nous ne savons que faire des nôtres.
M. le président. - Voici la proposition de M. Legrelle :
« Je demande que les chambres de commerce soient consultées sur la préférence à accorder au droit fixe ou progressif, avant que la chambre ne statue sur cette question. »
M. Legrelle. - C’est la proposition qu’avait faite verbalement M. Meeus. Je l’ai mise par écrit, parce que j’ai entendu M. le président dire qu’il n’avait pas de proposition faite.
Il n’y a rien de plus rationnel que cette proposition. En effet, de quoi s’agit-il ? d’établir un droit fixe ou un droit progressif. C’est là toute la question. Je n’aborderai que celle-là. J’ai entendu M. le rapporteur a dit qu’il était inutile de consulter davantage les chambres de commerce, sur une question sur laquelle elles ont déjà été consultées. Je dois combattre cette assertion. L’honorable rapporteur n’a pas réfléchi que la question n’est plus la même qu’à l’époque où les chambres de commerce ont été consultées. Alors le principe de l’augmentation n’était pas voté, et la chambre n’avait pas décidé non plus qu’il y aurait un maximum et un minimum.
Les chambres de commerce n’ont pu donner leur opinion sur la question actuellement soumise à vos délibérations, celle de savoir si, dans ces circonstances, il convenait d’adopter un droit fixe ou un droit progressif. J’insiste en conséquence pour que nous puisions de nouvelles lumières près des chambres de commerce. Je ferai remarquer que les rapports de ces chambres de commerce ne se feront pas attendre aussi longtemps qu’on paraît le penser. Dans trois ou quatre jours au plus vous les aurez. La chambre ne perdra pas de temps pour cela, car elle pourra s’occuper du tarif pendant qu’on attendra les renseignements demandés aux chambres de commerce.
Je déclare, quant à moi, que ces renseignements sont indispensables ; car, quoiqu’appartenant à une ville qui a un grand intérêt dans la question, je ne saurais maintenant à quel système donner la préférence. Le principe voté hier ne nous empêche pas d’examiner si entre le maximum et le minimum il vaut mieux établir un droit fixe ou un droit progressif.
Dans une question semblable, ce serait faire abnégation des convenances et, comme l’a dit l’honorable M. Meeus, de pudeur, que de se refuser à consulter les chambres de commerce qui sont les juges naturels.
L’intérêt des agriculteurs n’est nullement compromis par ma proposition ; car dans quelques jours on aura les rapports, et la chambre n’aura pas discuté les autres parties de la loi avant qu’il ne nous soient parvenus.
On n’a donc pas de motif pour s’opposer à ce qu’on prenne l’avis des chambres de commerce.
M. Smits. - Les chambres de commerce du royaume ont été consultées sur la proposition de M. Eloy de Burdinne, dont le but était d’établir un droit progressif sur les céréales. Elles se sont, à cette époque, occupées uniquement de cette question. Plus tard la section centrale ayant proposé un système de maximum et de minimum auquel s’est rallié M. Eloy de Burdinne, les chambres de commerce ont alors examiné cette question et ont eu deux fois vingt-quatre heures seulement pour donner leur avis motivé. Elles n’ont pu se prononcer sur la question de savoir s’il fallait établir un droit fixe ou un droit gradué, attendu qu’elles n’avaient pas été consultées à cet égard.
Je pense donc que la chambre pourrait prendre en considération la proposition de M. Meeus, qui tend à renvoyer l’amendement présenté dans la séance précédente à l’avis de ces corps qui ont intérêt à faire connaître leur opinion à cet égard. De cette manière nous pourrons nous entourer de toutes les lumières que nous pouvons désirer. La loi a trop de portée pour que nous avancions avec trop de précipitation. Il n’y aurait au surplus qu’un délai de quelques jours. M. le ministre de l'intérieur pourrait exiger les rapports dans un terme de trois fois vingt-quatre heures.
M. d’Huart. - Je ferai remarquer à l’assemblée que d’une part M. le ministre de l'intérieur vient de dire que lorsque le projet de la section centrale a été envoyé à l’avis des chambres de commerce du royaume, elles n’ont pas eu le temps d’examiner suffisamment en deux fois 24 heures les questions qui leur ont été soumises, et que d’une autre part les adversaires du projet prétendent que le renvoi de la question soulevée ne retardera la discussion de la loi que de trois jours au plus. M. le ministre de l'intérieur, s’il exprime sa pensée (et s’il prend la parole, je suis persuadé qu’il l’exprimera) avouera lui-même qu’il faut un mois pour examiner mûrement la question de l’adoption d’un droit fixe ou d’un droit gradué, parce qu’il faudra non seulement consulter les chambres de commerce, mais également les commissions d’agriculture. Or, un mois, au point où la section centrale en est, c’est un an pour nous. C’est le renvoi de la loi à la session prochaine. C’est disons-le, le rejet pur et simple de la loi.
Car, si la chambre décide que la question doit être envoyée à l’avis des chambres de commerce du royaume, nul doute que ces corps, qui ont en général intérêt à repousser la loi, apporteront du retard dans l’envoi de leur opinion, et votre décision aura eu pour objet d’ajourner indéfiniment une loi dont l’urgence a été suffisamment démontrée ; lorsque les avis des chambres de commerce arriveront, vous ne serez plus réunis.
Il faut remarquer d’ailleurs que, chaque fois qu’une nouvelle question se présentera dans la discussion de la loi des céréales, les adversaires du projet vous en demanderont probablement le renvoi à l’avis des chambres de commerce. Aujourd’hui que le système de maximum et de minimum a été adopté par la chambre, on vient lancer au travers de la discussion un système nouveau qui nécessite, selon ses partisans, l’avis des chambres de commerce. Il en sera de même plus tard si vous admettez la demande de renvoi.
Au surplus, si des avis déjà émis par ces corps signifiaient quelque chose, on en aurait fait ressortir l’opinion. Mais comme il est probable qu’elles n’ont pas donné de bonnes raisons contre le projet, on n’a pu s’étayer de ces documents. Les chambres de commerce doivent, par leur nature, savoir au premier abord si tel ou tel système est convenable. Ce n’est pas au bout d’un mois qu’elles seront plus éclairées. Je conclus donc au rejet de la proposition de M. Legrelle.
- Plusieurs voix. - La clôture !
M. Meeus. - Messieurs, je viens m’opposer à ce que la clôture soit prononcée, parce que la question soulevée par l’honorable M. Coghen et moi n’est pas suffisamment éclaircie. Veuillez remarquer que d’abord le langage de M. d’Huart vous prouve qu’il n’a pas bien compris ma proposition. Je n’ai pas dit qu’en attendant que les chambres de commerce eussent émis leur avis, il fallait que la majorité de la chambre consentît à voir ajourner la discussion de la loi sur les céréales.
J’ai dit au contraire que pendant cet intervalle un membre de cette majorité pourrait proposer d’élever le droit actuel au taux de 37 francs par exemple. Par conséquent vous n’avez pas à craindre que, pendant que les chambres de commerce s’entoureront de nouveaux documents, il y ait des importations considérables de grains. Vous aurez apporté à l’agriculture la protection dont vous croyez qu’elle a besoin, et vous aurez fait en même temps une chose juste et raisonnable en consultant le commerce à propos d’une question qui est tout à fait dans son domaine.
Il ne faut pas que vous alliez tuer le commerce. Il me semble que la chambre peut admettre la proposition de M. Legrelle, sans craindre qu’elle n’ait pour but d’écarter la discussion de la loi. Nous vous disons : Mettez un droit sur les grains ; mais, avant d’établir définitivement un nouveau système, consultez de nouveau les chambres de commerce, afin de savoir s’il sera progressif ou bien s’il sera fixe.
L’agriculture sera suffisamment protégée lorsque vous aurez élevé le droit de 5 p. c.
L’honorable M. d’Huart a prétendu que l’on n’a pas réfuté les raisons mises en avant pour l’adoption du système de maximum et de minimum. Je dirai à mon tour que l’on n’a pas répondu aux arguments que j’ai avancés contre ce système.
M. H. Dellafaille - Je demande que M. Meeus veuille bien se renfermer dans la question et parler sur la clôture.
M. Meeus. - Il m’est impossible de parler contre la clôture sans entrer dans quelques explications relatives à cette question dont on veut arrêter la discussion à son origine. Je dois motiver le rejet de la clôture que je demande, et je me fonde sur cette raison, que la question n’a pas été controversée. M. H. Dellafaille est peut-être suffisamment éclairé. J’avoue que pour ma part on n’a pas suffisamment répondu à ma proposition.
Je crois que la chambre ferait une chose équitable, rationnelle : ainsi je protégerai efficacement à sa manière l’agriculture, en attendant l’avis des chambres de commerce sur l’adoption d’un système nouveau. Vous voyez donc, messieurs, que mon intention, en demandant qu’elles soient consultées, n’a pas été d’ajourner la discussion.
M. Legrelle. - Il est important que la question soulevée par la proposition de M. Meeus et moi soit suffisamment discutée.
M d’Huart a fait ressortir les inconvénients qui pourraient résulter du retard que le renvoi aux chambres de commerce ferait éprouver à la loi. Je suis loin de désirer pour ma part que la discussion soit remise indéfiniment. Je proposerai même que si mardi prochain les chambres de commerce d’Anvers n’avaient pas répondu, nous passions outre et procédions à la continuation de l’examen du tarif. Mais je désire ardemment que nous puissions consulter ceux qui sont en position de nous donner de bons conseils. Je vous dirai franchement que, bien qu’appartenant à une ville de commerce, je ne suis pas encore à même de donner mon vote sur le mode de droit à établir sur les céréales.
M. de Muelenaere. - J’avais demandé la parole pour m’opposer à la clôture. Il m’a semblé qu’il y avait un moyen très simple de résoudre la question soulevée par M. Legrelle. Je m’oppose donc à la demande de clôture qui ne me permet pas de le développer.
- Plusieurs voix. - Il faut laisser parler M. de Muelenaere.
M. le président. - Je ne puis accorder la parole à M. de Muelenaere que sur la clôture. Si personne ne demande la parole, je mettrai aux voix la clôture.
M. Dumont. - La proposition de M. Legrelle n’a pas été suffisamment discutée. L’agriculture et les consommateurs sont désintéressés dans la décision du système de droit.
Je ne vois pas de dangers à différer de quelques jours la discussion de la loi. Il est juste de connaître l’opinion du commerce, dans une question qui l’intéresse exclusivement. Je demande donc que la clôture ne soit pas prononcée, d’autant plus qu’il serait convenable d’entendre M. de Muelenaere.
M. A. Rodenbach. - Je me prononcerai en faveur de la clôture, par les raisons développées par M. d’Huart.
M. Meeus se plaint de ce que n’ait pas répondu à ses arguments. Puisque j’ai la parole...
- Voix nombreuses. - Parlez sur la clôture.
- La clôture est mise aux voix ; elle n’est pas adoptée.
M. A. Rodenbach. - Je m’opposerai au renvoi de la proposition de M. Legrelle aux chambres de commerce attendu que les chambres de commerce ont déjà été consultées sur la même question.
On dit que les chambres de commerce à qui le projet de M. Eloy de Burdinne a été envoyé ont répondu qu’elles ne pouvaient connaître les résultats du système progressif. Je ferai remarquer, messieurs, que le système progressif établi en France et en Angleterre équivaut au système de maximum et de minimum ; la chambre de commerce d’Anvers et plusieurs autres ont rejeté ce système, ainsi les chambres du commerce ont donne leur avis tacitement.
M. de Muelenaere. - On demande à consulter les chambres de commerce sur la question de savoir si c’est un droit fixe ou un droit progressif qu’il faut adopter.
D’abord je me permettrai de faire remarquer à l’assemblée que les chambres de commerce ont déjà été consultées précédemment sur le projet de la section centrale, et qu’il résulte de la déclaration faite ici par l’honorable M. Smits, que les chambres de commerce ont donné leur avis. Mais, dit l’honorable membre, les chambres de commerce se sont particulièrement occupées du maximum et du minimum, et elles ont perdu de vue la question du droit progressif.
Il me paraît résulter de ces paroles, messieurs, que plusieurs chambres de commerce ont traité la question du droit progressif ; dès lors il y a utilité pour l’assemblée d’avoir les documents fournis par ces chambres, et je crois que M. le ministre de l'intérieur voudra bien les déposer sur le bureau.
Je désire que les chambres de commerce donnent leur opinion sur cette question qui, d’après les paroles de l’honorable député de Bruxelles, pourrait avoir une grande influence sur le commerce des grains ; mais d’un autre côté, d’après ce qu’a dit l’honorable député du Luxembourg, il pourrait arriver qu’il résultât de la demande de nouveaux renseignements un retard qui serait très préjudiciable : c’est ce retard, messieurs, qu’il faut éviter.
Rien ne s’oppose, messieurs, à ce que la chambre continue la discussion sur la loi, et que, pendant ce temps, les chambres soient consultées. Il est probable, d’après ce qu’ont dit deux honorables préopinants, qu’il ne faut que deux ou trois jours pour consulter toutes les chambres de commerce qui ont une certaine importance, sur la question qui nous occupe.
Tout ce qui importe, c’est que les chambres de commerce soient consultées et aient émis leur avis avant que la loi soit définitivement votée par les deux chambres ; or il est probable que la discussion durera un ou deux jours, et il est à croire aussi que la loi ne sera définitivement votée au sénat que dans 5 ou 6 jours au plus tôt.
S’il ne faut que 48 heures pour que les chambres de commerce donnent leur avis, les renseignements qu’elles donneront pourront arriver assez à temps pour être communiqués soit à cette chambre, soit au sénat. Si les motifs exposés par les chambres de commerce sont tels que le commerce éprouve un préjudice grave, le sénat modifiera la loi ; et l’assemblée, lorsque le projet lui reviendra, aura sous les yeux les avis des chambres de commerce. Nous pouvons avoir la persuasion que si ces avis ont un caractère de gravité, le sénat a assez de sagesse et de patriotisme pour les accueillir.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Messieurs, il me semble que l’on perd de vue que la chambre a à sa disposition beaucoup plus de renseignements que ne peut lui en fournir le ministre de l’intérieur.
C’est la chambre qui a fait l’enquête, qui a consulté les chambres de commerce, les commissions d’agriculture et les députations des états ; le gouvernement n’a fait que réclamer officieusement les avis transmis par ces différents corps ; ainsi, messieurs, il y a absence de renseignements. Je ne sais pas si un reproche ne devrait pas être adressé à la section centrale qui, ayant à sa disposition une masse de documents, n’en a pas fait part à la chambre. Si on avait soumis l’analyse des avis des diverses assemblées dont j’ai parlé, la chambre aurait été plus à même de prononcer.
La question du droit progressif a été traitée par les chambres de commerce lors de la première enquête ; j’ai été surpris que l’honorable M. Coghen n’ait pas fourni à l’assemblée quelques renseignements, attendu que les avis des chambres de commerce sont analysés d’une manière très incomplète.
L’enquête a porté sur la proposition de M. Eloy de Burdinne qui proposait le tarif progressif : reste la question du maximum et du minimum, ; sur ce point, les chambres de commerce n’ont point été consultées convenablement. J’ai déjà dit que, lorsque l’honorable M. Coghen m’avait remis le projet de la section centrale, j’avais été pressé de renvoyer ce projet, et qu’on ne me donnait que quarante huit heures pour le soumettre aux chambres de commerce. Ces assemblées ont en effet renvoyé le projet dans les trois jours.
Les chambres de commerce ont été divisées d’opinion sur le projet ; d’après quelques-unes, il ne fallait rien innover au tarif actuel, et plusieurs autres, car il ne faut pas croire que le commerce se soit déclaré l’adversaire de toute protection à l’agriculture, plusieurs autres se sont prononcées en faveur des droits protecteurs. D’un autre côté, des commissions d’agriculture se sont prononcées contre des droits protecteurs. Ainsi, messieurs, il y a eu impartialité de part et d’autre.
Je dis que l’enquête était incomplète, vu le peu de temps donné aux chambres de commerce pour obtenir leur avis, et je persiste à croire qu’un délai de trois jours est un délai insuffisant pour recueillir des chambres de commerce une opinion suffisamment mûrie et raisonnée.
Du reste, je suis prêt à communiquer les avis, quelque vagues qu’ils soient, des chambres de commerce, du moins ceux qui me sont parvenus.
M. Legrelle. - J’ai l’honneur de faire observer que les avis que M. le ministre de l'intérieur a reçus des chambres de commerce ne sont pas analogues à la question. Reportez-vous, messieurs, au moment où les chambres de commerce ont été consultées sur la proposition de l’honorable M. Eloy de Burdinne, et sur le projet de la section centrale. Lorsque M. Eloy de Burdinne a soumis sa proposition, qui admet le droit progressif, les chambres de commerce se sont déclarées contre : lorsque la section centrale a fait connaître son opinion, les chambres de commerce se sont également prononcées contre. Ces assemblées désiraient qu’il ne fût rien innové au système actuel, c’est pourquoi elles se sont montrées contraires à l’une et à l’autre proposition ; maintenant on a décidé qu’il y aurait une majoration de droits, qu’il y aurait même un maximum et un minimum.
La question est changée ; il ne s’agit plus que de soumettre aux chambres de commerce, d’après vos décisions, si les droits seront fixes ou gradués. Je prie M. le ministre de l'intérieur de faire attention à ces observations ; car telle est la véritable question. L’avis que les chambres de commerce donneront ne pourra s’appliquer qu’au point où la discussion est parvenue.
Comme l’a dit M. de Muelenaere, la discussion peut continuer, et nous pouvons aborder la discussion du tarif.
Dans la partie du projet sur laquelle les chambres de commerce seront consultées, l’agriculture n’est point fort engagée (je prie l’honorable M. Eloy de Burdinne de me contredire si je me trompe). Qu’il y ait un droit fixe ou progressif après que le maximum et le minimum ont été adoptés, je crois que la question est en dehors de l’agriculture ; c’est une question de commerce. C’est la question de savoir comment vous ferez moins de mal au commerce, car vous lui ferez toujours du mal. (Légers murmures.)
Je l’ai dit, je devrais m’abstenir si la question est mise aux voix, car je ne suis pas suffisamment éclairé à cet égard.
M. Helias d’Huddeghem. - Avant de vous séparer il y a trois semaines, les bases du projet étaient arrêtées ; ces bases ont été soumises aux chambres de commerce et aux députations des états.
Je me suis assuré à Gand que non seulement les membres des députations, mais les chambres de commerce, ont trouvé que s’il y avait quelque chose à redire aux projet, c’était que le minimum était trop bas. Maintenant, puisque la question du minimum est décidée, il est inutile de renvoyer le projet de nouveau aux chambres de commerce.
La section centrale a eu des documents, mais elle n’a pas eu les avis des chambres de commerce. Je désirerais voir déposer les avis de ces chambres de commerce. Mais ajourner la discussion pour obtenir un avis ultérieur de ces chambres me paraît être une tentative de nous priver pour cette année encore de la protection dont notre agriculture a besoin. Je m’opposerai en conséquence à tout ajournement.
M. Smits. - M. Legrelle a à peu près fait les observations que je me proposais de présenter à la chambre. Cependant, je ne comprends pas trop comment la chambre pourrait continuer la discussion sur le tarif alors que c’est précisément sur ce tarif qu’on désire que les chambres de commerce soient consultées. On ne pourrait s’occuper que du droit de sortie et de transit. Ce serait une manière d’opérer plus ou moins irrégulière. Je crois que si on consultait dès aujourd’hui les chambres de commerce, les rapports pourraient nous être parvenus mardi ou mercredi. Il faut leur laisser au moins trois jours pour se réunir et délibérer ; on pourrait alors reprendre la discussion.
M. Dumont. - Je demande la parole pour une motion d’ordre.
Il me paraît qu’il y a deux motions en discussion.
M. Meeus. - Et la vôtre fera trois !
M. Dumont. - De l’adoption de l’une de ces motions dépend le sort de l’autre. Je proposerai de mettre d’abord aux voix la proposition de M. de Muelenaere d’inviter le ministre de l’intérieur de déposer les divers rapports qu’il a reçus. Il est possible qu’en examinant ces rapports et surtout celui de la chambre de commerce d’Anvers, chacun de nous trouve des renseignements suffisants pour former son opinion. Dès lors la motion de M. Meeus serait sans objet. Je demande donc qu’on s’occupe d’abord de la proposition de M. de Muelenaere.
M. le président. - Je prie M. de Muelenaere de déposer sa proposition.
M. de Muelenaere. - J’ai demandé simplement le dépôt des rapports.
M. Meeus. - Je demande la parole pour répondre aux observations de M. de Muelenaere. Il vous a dit : Continuons à discuter la loi pendant que nous demandons les avis des chambres de commerce ; nous pourrons les avoir en 48 heures ; si la loi était votée avant que ces avis fussent arrivés et qu’ils fussent de nature à faire modifier la loi, nous pourrions nous confier dans la sagesse du sénat pour espérer ces modifications.
Il me semble qu’il pourrait raisonner ainsi s’il était vrai que les chambres de commerce se trouvent assemblés, alors qu’on adresse une lettre à leur président, pour avoir l’opinion d’une chambre. Il faut qu’il ait le temps de rassembler les membres. Souvent ceux qui connaissent le mieux la matière sont à la campagne ou absents. Vouloir un avis en 48 heures, c’est n’en pas vouloir. Supposons qu’ils puissent arriver en 48 heures ou assez à temps pour que le sénat modifie le projet adopté par la chambre des représentants ; mais la plupart des membres qui soutiennent le projet de loi actuel, et tout le premier l’honorable M. Eloy de Burdinne qui, je le répète, s’es rendu fameux dans cette discussion, vous a dit qu’il fallait de toute nécessité que la loi fût rendue de suite, parce que sans cela l’agriculture serait aux abois. J’ai même entendu dire derrière moi que les importations étaient imminentes, que des cargaisons énormes allaient arriver. Je sais que la chose est impossible ; mais le fût-elle, le droit ayant été augmenté, vous n’auriez plus les importations à craindre.
L’agriculture qui, dit-on, va tomber (pour ma part, je désire qu’elle soit toujours aussi prospère qu’elle l’est aujourd’hui), pourrait être fort tranquille ; et le commerce maritime, dans la sollicitude que lui montrerait la chambre, verrait qu’il est appelé à jouer un rôle en Belgique. Mais d’après la manière dont nous y allons, il ne jouera plus dans notre pays qu’un fort pauvre rôle. (Aux voix ! aux voix !)
- Un membre. - Si le ministre consent à communiquer les rapports qu’on lui demande, il est inutile de voter.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je consens à communiquer les derniers avis qui m’ont été adressés par les chambres de commerce. Je ne les ai pas tous, mais je les ferai prendre et je commencerai par communiquer ceux que j’ai en main.
M. Coghen, rapporteur. - Je désire répondre quelques mots aux regrets exprimés par M. le ministre de n’avoir pas trouvé dans mon rapport assez de développement des motifs qu’ont fait valoir à l’appui de leur opinion les chambres de commerce, les comités d’agriculture et les états-députés.
Dans l’analyse que j’ai donné de ces opinions dans mon rapport, j’ai pris ce qu’il y avait de plus saillant pour et contre tel ou tel système. Je ne pouvais pas faire autre chose, à moins de copier textuellement dans mon rapport tous les documents qui nous ont été transmis.
Au reste, quand j’ai fait mon rapport, comme je l’ai déposé avec tous les documents que nous avions recueillis, chacun des membre de la chambre a pu en prendre inspection.
Quant aux nouveaux rapports, M. le ministre les a, et parmi ceux-là, nous en trouverons qui n’ont pas été faits en 48 heures, car il en est encore arrivé aujourd’hui.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Il est en effet arrivé encore un rapport aujourd’hui ; c’est celui de la chambre de commerce de Charleroy qui répond : « Nous n’avons plus rien à vous dire attendu que les principes sur lesquels vous nous consultés ont été discutés et adoptés par la chambre. »
M. de Theux. - Messieurs, l’objet de la discussion se trouve considérablement restreint. Si le ministre de l’intérieur a plusieurs rapports de chambres de commerce, il aura la bonté d’en donner lecture. De cette manière nous pourrons plus facilement connaître s’il y a lieu de consulter ultérieurement ces chambres de commerce. Dans mon opinion cela n’est pas nécessaire, car le système des droits gradués leur a été soumis, et les raisons qu’elles ont émises sur le système des droits gradués en général, doivent être appliquées à ce système entre le maximum et le minimum, et leur demander leur avis sur ce point serait les consulter deux fois sur le même objet. Au reste, attendons les communications.
M. d’Huart. - Le commerce a déjà été consulté sur le point sur lequel on veut lui demander son avis. La section centrale a fait connaître aux chambres de commerce qu’au lieu du système de droits gradués présentés par M. Eloy de Burdinne, elle proposait d’établir entre un maximum et un minimum un droit fixe de 3 fr. par hectolitre. Si les chambres avaient préféré qu’on mît entre le maximum et le minimum un droit proportionnel plutôt qu’un droit fixe, elles l’auraient dit ; car en demandant leur avis, on leur a pas prescrit d’opter entre les deux systèmes.
Au surplus, si, après que la loi sera votée, la presse ou les chambres de commerce présentaient de nouvelles vues sur la loi telle qu’elle aura été adoptée par la chambre des représentants, le sénat leur prendra en considération.
Je demande donc que la discussion continue.
M. Dumont. - Tout à l’heure, en demandant qu’on s’occupât de la proposition de M. de Muelenaere, mon intention était de faire suspendre la discussion sur la proposition de M. Meeus jusqu’à ce qu’on ait pu entendre la lecture des avis des chambres de commerce.
Je pense, comme M. de Muelenaere, qu’on pourrait consulter les chambres de commerce sans interrompre la discussion de la loi. Il se passera encore 5 à 6 jours avant le vote définitif. On pourrait arrêter le point sur lequel les chambres de commerce seraient consultées, et leurs avis arrivant avant le vote définitif, la chambre les examinerait et reviendrait, s’il y avait lieu, sur sa première décision.
On pourrait au besoin reculer d’un jour ou deux le vote définitif.
Je demande maintenant que la discussion soit ouverte sur le dernier rapport de la section centrale, sur la question de savoir si ce droit sera fixe ou proportionnel sauf à revenir sur la motion de M. Meeus, lorsque les rapports des chambres de commerce seront arrivés.
M. Dewitte. - Il y a un fait avéré : c’est que les chambres de commerce ont été consultées sur la proposition de M. Eloy de Burdinne et sur le rapport de la section centrale ; les derniers rapports sont parvenus au gouvernement ; il me paraît rationnel que l’on examine ces rapports. De l’examen des avis envoyés par les chambres de commerce peut résulter la conviction que toute consultation ultérieure sera inutile.
M. Verdussen. - Il est impossible de voter sur la proposition de M. Legrelle, sans examiner les réponses du commerce qui sont parvenues au ministère de l’intérieur. Si ces documents sont incomplets, il faudra nécessairement adopter la marche proposée par l’honorable bourgmestre d’Anvers. Il serait convenable de suspendre la séance jusqu’au moment où nous aurons communication des pièces.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je suis en mesure de lire deux de ces rapports, dont l’un est assez long. Si la chambre le désire, j’en donnerai lecture.
- M. le ministre de l'intérieur donne lecture d’une partie du rapport de la chambre de commerce de Ruremonde et du rapport de la chambre de commerce de Verviers. (Note du webmaster : ces rapports sont ensuite repris in-extenso dans le Moniteur belge. Ils ne sont pas repris dans cette version numérisée).
M. Pirson. - Le rapport de la chambre de commerce de Ruremonde est insignifiant. Quant à celui de Verviers, je m’étonne que ce soit précisément l’une des ville les plus éloignées du royaume qui ait répondu la première.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je ne sais ce que cela veut dire.
M. Pirson. - Vous me répondrez. Le rapport de la chambre de commerce de Verviers n’est que l’amplification de certain discours prononcé dans cette enceinte. Je ferai une seule observation sur ce rapport. C’est qu’il s’élève contre tout système de prohibition, et si j’ouvre le tarif de douanes, j’y lis : Draps, casimirs, etc., qui proviennent de France : prohibés ! (Hilarité.)
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je ne sais pas ce que l’honorable M. Pirson a voulu dire en faisant remarquer que le rapport de Verviers est arrivé avant les autres. J’espère que la chambre n’aura pas compris M. Pirson. Je me dispenserai donc de lui répondre. Je ferai seulement observer que j’ai là les deux rapports que j’avais sous la main. La circulaire adressée aux chambres de commerce date du 30 juin. La réponse de celle de Verviers est du 17 juillet. Il n’y a donc pas eu de précipitation dans la réponse.
M. Pirson. - Je n’ai pas accusé la loyauté de M. le ministre de l'intérieur. J’ai seulement voulu exprimer mon étonnement que l’on nous ait dit que les chambres de commerce n’avaient pas eu le temps de répondre, et que cependant celle de l’une des villes les plus éloignées de la capitale ait eu le temps d’adresser son rapport.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Plusieurs chambres de commerce ont répondu à ma circulaire du 30 juin. J’ai lu, comme je l’ai dit, les seuls rapports que j’eusse à la chambre. Je suis, en vérité, honteux de devoir entrer dans tous ces commérages.
M. Legrelle. - Il est inutile d’entendre la lecture des autres rapports. Ils ne disent pas davantage sur le droit gradué. Je pense qu’il vaudrait mieux gagner du temps en votant sur ma proposition.
L’avis des chambres de commerce n’a pas été demandé sur la question qui nous occupe. L’honorable M. de Theux a dit que ces corps avaient été consultés sur la question de savoir s’il faut adopter un droit fixe ou un droit gradué. Il est vrai qu’il était question dans le projet de M. Eloy de Burdinne d’un droit gradué. Mais elles l’examinaient en général, et en le rejetant, la chambre de commerce d’Anvers n’a pu examiner ce système en particulier. Aujourd’hui que nous avons voté l’adoption d’un droit de maximum et de minimum, il est nécessaire de poser aux chambres de commerce du royaume la question de savoir s’il fait adopter un droit fixe ou un droit gradué.
M. Helias d’Huddeghem. - Il est positif que les chambres de commerce, en discutant le projet de la section centrale, ont eu à examiner s’il était convenable ou non d’adopter le système gradué. M. le ministre de l'intérieur vient de vous donner lecture de l’avis de la chambre de commerce d’une ville manufacturière, opposé par conséquent aux intérêts agricoles. Mais je désirerais qu’on lui opposât l’avis de la chambre de commerce de Gand qui ne peut manquer d’être favorable à la loi.
Si des membres de cette chambre avaient fait la proposition formelle d’adopter le système gradué, je concevrais que l’on demandât l’avis des chambres de commerce du royaume ; mais puisque cette proposition n’a pas été faite, pourquoi retarder plus longtemps une discussion qui a déjà duré 15 jours ?
M. Dumont. - La chambre de commerce dont il convient de connaître l’avis, c’est la chambre de commerce d’Anvers ; s’il n’est pas parvenu au gouvernement, je demande qu’on lui donne le temps nécessaire pour répondre.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - L’avis de la chambre de commerce d’Anvers a été donné dans un sens tout à fait contraire à l’un ou l’autre de ces deux systèmes. Elle n’est pas entrée dans de plus grands développements.
M. Devaux. - Il me semble qu’il devrait être donné lecture des autres rapports. Je ferai une question à M. le rapporteur de la section centrale. Les chambres de commerce ont été consultées sur le projet présenté par M. Eloy de Burdinne. Si j’ai bonne mémoire, plusieurs questions ont été posées. Je prierai M. Coghen de vouloir bien me dire si parmi ces questions se trouvait celle-ci : Conviendrait-il d’adopter un système de droit gradué ou de droit fixe ?
M. d’Huart. - L’observation de l’honorable préopinant n’est plus admissible. Il ne peut plus être question du tarif gradué de M. Eloy de Burdinne, du moment que la chambre a décidé qu’il y aurait un maximum et un minimum. Ce que la chambre a à examiner, c’est de savoir si le droit fixe de 3 fr. par hectolitre doit être maintenu comme le propose la section centrale, ou si le tarif doit décroître du minimum au maximum. Mais les chambres de commerce ont donné leur avis sur le projet de la section centrale, sur la proposition qu’elle fait d’établir un droit fixe : si elles avaient trouvé qu’un droit fixe ne convenait pas, elles n’auraient pas admis le droit fixe de 3 fr. que la section centrale proposait ; elles auraient dit qu’elles préféraient que le droit de 3 fr. allât en décroissant depuis le minimum jusqu’au maximum. Mais, je le répète, relativement au tarif gradué de M. Eloy de Burdinne, la question est tranchée.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Il me semble que la chambre peut discuter la question de fond sans attendre l’avis des chambres de commerce. Elle est compétente dans la question et n’a pas besoin des lumières des chambres de commerce qui, je le répète, sont très incomplètes. Il s’agi seulement de savoir si on veut ou non franchement aborder la question du tarif gradué, ou si l’on veut s’en tenir au droit fixe. Ce n’est pas le retard des avis des chambres de commerce qui doit empêcher d’aborder la question.
M. A. Rodenbach. - La proposition que l’on fait de scinder cette discussion est sans exemple dans les débats parlementaires de quelque pays que ce soit. Comment ! déjà un article de la loi est voté et on veut envoyer la loi aux chambres de commerce ! Je demande au contraire que la discussion continue sur le tarif et les amendements, et qu’on en finisse ; car nous perdons beaucoup de temps par tous ces débats incidents.
M. Coghen, rapporteur. - M. le président de la commission d’industrie a envoyé aux états-députés, aux chambres de commerce et aux commissions d’agriculture, le projet de loi de M. Eloy de Burdinne ; elles ont donné leur avis sur le projet, mais il ne leur a pas été fait d’autre question.
M. Legrelle. - Je ferai remarquer qu’il résulte de ce que vient de dire l’honorable rapporteur que la question dont a parlé M. Devaux n’a pas été soumises aux chambres de commerce.
M. le président. - Je vais mettre aux voix la proposition de M. Legrelle et l’amendement qu’y propose M. de Muelenaere.
- L’amendement de M. de Muelenaere est mis aux voix et adopté.
La proposition de M. Legrelle avec l’amendement de M. de Muelenaere est mis aux voix ; elle n’est pas adoptée.
M. le président. - La chambre passe au n°1 du tarif ; il est ainsi conçu dans le projet de la section centrale et dans l’amendement de M. Lardinois :
« Projet de la section centrale : droits d’entrée : 37 fr. 50 c. ; droits de sortie : 25 c. ; droits de transit : 2 fr. 80. »
« Amendement de M. Lardinois : droits d’entrée : 30 fr. ; droits de sortie : 25 c. ; droits de transit : 1 fr. 50. »
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - On m’apporte de nouveaux rapports, et je les dépose sur le bureau ; malheureusement le rapport de la chambre de commerce d’Anvers ne s’y trouve pas joint. Cette chambre de commerce, sans entrer dans de longs développements, se prononce contre le système gradué.
M. A. Rodenbach. - Je ne me prononce pas contre l’amendement relatif au transit ; je l’ai au contraire appuyé parce que je ne veux pas détruire le commerce des céréales. Lorsque les grains renchériront trop, les grains étrangers pourront être vendus ; ainsi le pain ne pourra jamais arriver à être trop cher.
Je me prononce contre l’amendement de M. Lardinois. Je ferai observer qu’il demande une diminution de 20 p. c. sur le froment. Or sur le froment le droit proposé par la section centrale est de 3 francs. Il sera réduit de 2 francs par la déclaration à la douane, c’est un pareil droit que l’on veut réduire de 20 p. c. ; ce serait le réduire à rien.
L’honorable député de Verviers propose ensuite de réduire de 11 p. c. le droit sur le seigle ; ce droit est de 1 fr. 50 ; ce serait le réduire à 1 fr. Il réduit le droit sur l’orge de 35 p. c., celui de l’avoine de 31 p. c. On propose toutes ces réductions lorsqu’il est constant que le minimum adopté pour la Belgique est plus faible que pour tout le reste de l’Europe, la Hollande exceptée ; et j’ai déjà dit pourquoi il en est ainsi en Hollande, c’est que ce pays produisant fort peu de céréales a été obligé de proclamer le principe de la libre entrée. Si en Belgique le minimum est plus faible que partout ailleurs, peut-on proposer de diminuer les droits de 20, 11, 5 et 31 p. c. ? Pour moi je ne le pense pas ; je me prononce de toutes mes forces contre l’amendement de M. Lardinois.
M. Meeus. - Je n’ai pris la parole que pour réfuter une assertion déjà aux 3/4 détruite que l’honorable préopinant vient d’admettre. Il a dit que les droits sur le froment et le seigle, fixés dans le projet de la section centrale à 3 fr. et 1 fr. 50, se trouveraient réduits par la déclaration à la douane à 2 fr. et 1 fr. Je voudrais savoir où l’honorable préopinant a puisé cet argument. Il est vrai que lors de la discussion de la loi des toiles on a dit qu’il fallait calculer les droits fixes à 10 francs comme ne s’élevant réellement qu’à 7 fr., parce que là il y a à juger une qualité de marchandises ; je comprends que là on puisse donner le change aux douaniers ; mais quand il faut prélever le droit sur le poids des denrées, je ne comprends pas comment il peut y avoir erreur.
De deux choses l’une : ou les douaniers font leur devoir, ou ils ne le font pas ; s’ils font leur devoir, il faut supposer que vous recevrez le droit en entier tel que la loi le porte ; s’ils ne le font pas, je voudrais savoir pourquoi on prend la proportion du tiers, pourquoi ne pas prendre la moitié ou les trois quarts. Si c’est une proportion que vous établissez sur la manière dont le douanier remplira son devoir, je ne le conçois pas.
M. Eloy de Burdinne. - On dit que 3 fr. ne sont pas seulement 2 fr. ; je dirai plus, c’est que 3 fr. ne sont rien en comparaison des droits qui sont établis dans les autres pays.
Les personnes qui ont quelque connaissance de l’art des estimations peuvent dire que la rasière de seigle d’Odessa est beaucoup plus forte qu’une rasière de notre pays, par la raison que les grains d’Odessa sont séchés et qu’ils rendent beaucoup plus.
J’ai eu l’honneur, par des rapports, de démontrer quelle différence il y avait dans les qualités des grains. Faut-il répéter ce que M. de Villèle a dit ?...
Quelques voix. - Il n’ a pas dit cela.
M. Eloy de Burdinne. - Il l’a dit ; ceux qui en doutent n’ont qu’à lire le rapport.
- Autres voix. - Oui, il l’a dit.
M. Eloy de Burdinne. - Il a démontré que lorsque des blés français se vendaient à Marseille 19 fr., les blés d’Odessa se vendaient 25 fr. ; ainsi voilà 6 fr. de différence.
Messieurs, s’il est un reproche à faire la quotité du droit, c’est qu’il soit trop bas ; ce n’est pas là un impôt sur le consommateur, ce n’est pas un moyen de faire augmenter le pain, ou du moins, si le prix augmente, ce ne sera que dans une faible proportion. Ce qu’il y a d’important, c’est de faire que nous ne soyons plus encombrés des grains étrangers, c’est de ne pas recevoir de l’étranger la consommation d’un an et demi, lorsque nous avons déjà la consommation de deux années.
Enfin, nous devons donner la préférence aux producteurs du pays, et non aux producteurs étrangers.
M. A. Rodenbach. - Je répondrai quelques mots à l’honorable député de Bruxelles ; je lui dirai, relativement à l’appréciation des douaniers, que par exemple, le sel se vendait au prix même du droit qui devait être perçu.
Je dirai ensuite que la base de la section centrale a été de 80 kilog. par hectolitres ; cette base est trop élevée. Il y a beaucoup de grains qui ne pèsent par hect. que 70, 72, 74 kilog.
M. de Muelenaere. - La chambre a demandé communication des procès-verbaux de la chambre de commerce ; ces procès-verbaux ont été déposés, et je viens de les parcourir. Parmi ces différents rapports il en est qui sont plus ou moins importants. La chambre de commerce de Bruxelles émet par exemple une opinion très motivée ; je demande à faire connaître quelques-uns de ces rapports qui me paraissent tous en faveur de la loi.
(Note du webmaster : L’orateur lit ensuite des passages des rapports établis par les chambres de commerce de Tournay, d’Ostende, de Bruxelles et de Mons. Ces passages ne sont pas repris dans la présente version numérisée.)
Il n’y a, messieurs, que la chambre de commerce de Charleroy qui se montre opposée à la loi, parmi tous les rapports qui sont communiqués. Je sais qu’il y a d’autres chambres de commerce à consulter ; elles peuvent être défavorables au projet, mais elles peuvent aussi y être favorables.
Toujours est-il, messieurs, que les chambres de commerce de Bruxelles, d’Ostende, de Mons et de Tournay se réunissent au projet.
M. Lardinois. - Lorsqu’il a été proposé de consulter de nouveau les chambres de commerce et les comites d’industrie, j’ai gardé le silence parce que dans mon opinion les avis de ces commissions ne doivent pas servir de guide dans nos délibérations. L’honorable M. de Muelenaere vient de nous lire quelques rapports des provinces agricoles qui adhère entièrement aux projets de loi sur les céréales : eh bien ! qu’il lise maintenant ceux de Liége, de Verviers, d’Anvers, etc. ; il y trouvera l’antidote des raisonnements dont il se prévaut. Tous ces avis, messieurs, sont inspirés par les intérêts et les besoins de chaque localité, et ils ne doivent servir que pour chercher à y démêler ce qui convient le mieux à l’intérêt général.
Le préopinant appuie fortement sur ce qu’il ne trouve dans les documents qu’il a sous les yeux qu’un seul rapport contraire : je le renverra au rapport de la section centrale, et il y trouvera que sur 27 chambres et commissions consultées, 13 sont contre le projet et 14 pour.
Par mon amendement, j’ai eu pour but moins la diminution du tarif proposé que de faire disparaître le système du minimum et du maximum ; mais comme ce détestable principe est adopté, et que le commerce maritime ne peut éviter le coup funeste qu’on veut lui porter, je ne dirai plus que quelques mots en faveur seulement des consommateurs.
On a dit plusieurs fois dans cette séance que 3 ne font pas toujours 3 en matière de douanes ; pour prouver un pareil argument il faut admettre que la loi actuelle ne sera pas loyalement exécutée par le gouvernement ; car le droit se percevant au poids, je ne conçois pas qu’il puisse y avoir fraude à moins d’une connivence coupable de la part des employés. Je concevrais que l’on put éluder le droit s’il se percevait sur la valeur
Au commencement de la séance, l’honorable M. Rodenbach vous a dit que le tarif du projet donnait pour le froment 20 à 21 p. c., et pour le seigle 15 à 16 de la valeur. C’est une erreur, et il convient de rectifier ce calcul.
Le froment à fr. 13 l’hectolitre représente 27 p. c. de la valeur au taux de fr. 37.50 les 1,000 kil. ; et le seigle à fr. 8 représente 21 p. c. pour la même quantité et au droit de 21-40 l’hect.
Avec mon amendement vous avez pour le froment 22 p. c., et pour le seigle 19 p. c. de la valeur. Vous voyez, messieurs, la différence n’est pas considérable.
Je n’en dirai pas davantage, messieurs, parce que je vois que tous nos efforts sont inutiles.
M. le président. - L’amendement de M. Meeus est celui qui s’écarte le plus de la question principale. Il propose pour le froment un droit d’entrée de 12 fr. 50 c. par 1,000 kil., au lieu de 37,50 que demande la section centrale.
- Cet amendement est mis aux voix.
Il n’est pas adopté.
M. le président. - M. Lardinois propose un droit de 30 fr. au lieu de 37 fr. 50 c.
- Cet amendement est également rejeté.
Le chiffre de 37 fr. 50 c. proposé par la section centrale est adopté.
M. le président. - La section centrale propose à la sortie un droit de 25 centimes.
- Adopté.
M. le président. - Elle propose pour le transit un droit de 2 fr. 80 c.
M. Lardinois et M. le ministre de l'intérieur propose de substituer à ce chiffre celui de 1 fr. 50 c.
- Cet amendement est adopté.
M. le président. - Pour le seigle, la section centrale propose un droit d’entrée de 21 fr 40 c. par mille kil.
M. Lardinois propose de fixer ce droit à 19 fr.
- Cet amendement n’est pas adopté.
Le chiffre de 21 fr. 40 c. de la section centrale est adopté.
Le droit de 25 centimes qu’elle propose à la sortie, est adopté sans discussion.
M. le président. - Pour le transit elle propose un droit de 1 fr. 80 c.
M. Lardinois propose de fixer ce droit à 1 fr. 50 c.
- Cet amendement est adopté.
M. le président. - Maintenant, désire-t-on passer à la fixation du maximum et du minimum ?
- Plusieurs voix. - Oui ! oui !
M. le président. - Pour le froment, le maximum proposé par la section centrale est 24 francs et le minimum 13 francs.
M. A. Rodenbach a présenté l’amendement suivant :
« Par modification au projet de loi de la section centrale, je propose de soumettre le froment et le seigle à un régime spécial, comme suit : maximum du froment, 20 fr. par hectolitre, et son minimum à 15 francs ; maximum du seigle à 15 francs, et son minimum à 9 francs.
« Toutefois le froment ne pourra être prohibé à la sortie, que lorsque pendant 15 jours le prix moyen régulateur aura atteint 24 francs, et lorsque le prix moyen du seigle aura atteint 17 francs. »
Voici celui de MM. Eloy de Burdinne et Helias d’Huddeghem :
« Par modification au tarif en discussion, les soussignés ont l’honneur de vous proposer de prohiber l’entrée du froment lorsque le prix moyen du froment sera descendu à 16 francs l’hectolitre ; et l’entrée du seigle quand le prix en sera coté à 9 francs l’hectolitre. »
M. Rodenbach à la parole pour développer son amendement.
M. A. Rodenbach. - Le minimum de 13 fr. proposé par la section centrale me paraît préjudiciable à l’agriculture. Voilà pourquoi j’ai proposé d’y substituer celui de 15 fr.
Vous conviendrez que 13 fr. est un vil prix et qu’à ce taux il est impossible au cultivateur de payer son fermage et ses contributions ; il couvre à peine ses frais de culture. Nous ne pouvons pas jeter la perturbation dans l’industrie agricole. C’est cependant ce qui arriverait si vous adoptez le chiffre de la section centrale. Celui de 15 fr. que je propose est encore très raisonnable ; vous savez qu’en vendant le froment 15 fr. le laboureur n’a pas encore de bénéfice. D’un autre côté, j’ai baissé le maximum à 20 fr. et en cela je suis plus favorable au commerce et à la consommation que la section centrale qui propose de le porter à 24 fr.
Je permets l’entrée à 20 francs qui est à peu près la moyenne du prix des céréales en Belgique depuis vingt ans. A ce prix le commerce trouve son compte et le consommateur également, et je n’arrête pas encore les exportations, je permets aux agriculteurs et aux négociants d’exporter jusqu’à ce que le prix du froment soit arrivé au taux de 24 francs.
Mon maximum est le prix auquel les céréales sont en ce moment en Angleterre, et au prix de 20 francs, le droit y est de 27 francs. Vous voyez que dans ce pays de fabriques, le pain est cher et que cela n’empêche pas la prospérité de leur industrie. Vous ne devez donc pas craindre que nos manufactures souffrent du régime que je vous propose d’adopter.
Il y a au surplus un autre moyen de diminuer le prix du pain, c’est de supprimer le droit de mouture qui existe encore dans des villes manufacturières, ce droit qui avait excité tant de réclamations sous le gouvernement précédent.
Je répète en terminant, qu’en adoptant ma proposition vous concilierez tous les intérêts : les intérêts du commerce, les intérêts de l’agriculture et ceux du consommateur qui sont aussi sacrés à mes yeux.
M. Pirson. - J’ai proposé un amendement qui devient inutile, depuis que la chambre a décidé qu’il aurait un droit unique. Mais il y a une question importante à examiner. Il s’agit de savoir si le droit de maximum qui fait l’objet de l’amendement de M. Rodenbach équivaudra à une prohibition, ou bien si ce sera seulement un redoublement du droit. Mon opinion est que le droit doit simplement être doublé. Ainsi quand le prix du froment sera arrivé à son maximum, si le droit ordinaire, est de 37 francs 50 centimes. Je pense qu’il faut qu’il monte à 48 ou 50 francs. Si l’amendement de M. Rodenbach introduisait une prohibition véritable, je n’hésiterais pas à le rejeter. Si ce n’est que le redoublement du droit, je l’adopterai. Mais il est nécessaire que la chambre reçoive des éclaircissements à cet égard.
M. Verdussen. - Vous ne serez pas étonné que si je m’oppose au taux de maximum établi par la section centrale, je ne puisse adopter l’amendement de M. Rodenbach, qui rapproche tellement les chiffres que le pays sera exposé à une prohibition continuelle.
Je ne conçois pas que le plus ou moins d’abondance des récoltes n’entre en aucune manière en ligne de compte dans la fixation du maximum. La chambre me permettra de lui soumettre l’exemple suivant :
Un agriculteur récolte dans une année ordinaire 70 hectolitres de froment. Il en réserve 15 pour la semaille prochaine et pour son usage domestique ; reste donc 55 hectolitres qu’il vend à 18 fr. donc 990. L’année suivante qui donne une riche moisson il récolte sur une même surface de terrain 100 hectolitres ; j’en déduis les 15 mesures pour semaille et nourriture, qui restent invariables, il aura donc à vendre 85 hectolitres au prix de 11 fr. 65 c., pour avoir également 990 fr. 25 c.
Je ne puis donc admettre le minimum proposé par la section centrale et encore moins celui qui fait l’objet de l’amendement de M. Rodenbach, parce que les calculs ne sont pas basés sur une donnée aussi importante que le plus ou moins d’abondance de la récolte.
D’après ces considérations, et en supposant que le taux de 13 francs ne permette pas au cultivateur de faire de trop beaux bénéfices pendant les années abondantes, je propose de réduire le minimum d’un franc et de la porter à 12 fr.
M. Eloy de Burdinne. - Je réfuterai les calculs de l’honorable M. Verdussen. On ne peut prendre pour point de comparaison une différence de 100 à 70 entre les années stériles et les années abondantes. Je ne crois pas que l’on puisse procéder d’une manière aussi absolue. Il faudrait établir des calculs sur une exploitation quelconque composée de tant d’individus, supputer la quantité de grains nécessaires pour l’ensemencement des terres et la consommation des ouvriers, et établir ensuite les calculs d’après un relevé véritable. On ne peut agir en agriculture comme en matière commerciale. Dans le commerce on peut très bien faire des évaluations pareilles à celles auxquelles s’est livré l’honorable M. Verdussen. Mais je le répète, en agriculture, cela est impossible.
Puis il faut considérer que dans les années abondantes ce n’est pas un espace donné qui fournit le double de la récolte ordinaire. Mais il peut se présenter un hectare qui offre cette abondance particulière, abondance compensée du reste par la stérilité d’autres hectares. Il est donc nécessaire de chercher dans tous les calculs, comme je l’ai fait, le chiffre moyen.
Je ne parlerai pas de l’amendement de M. Rodenbach, parce que ce n’est pas ici le moment.
M. Verdussen. - Tout le monde doit reconnaître qu’il y a des années stériles et des années d’abondance. Les différences des récoltes peuvent être représentées par les rapports de 70 à 100. L’honorable M. Eloy de Burdinne prétend qu’à l’égard de telle ferme, de telle exploitation, ce rapport sera inexact. Mais dans une loi générale, il ne faut pas s’arrêter à des exceptions. Il faut présenter le résultat des expériences faites dans le pays. C’est ce que j’ai fait.
M. Dumont. - J’aurais voté pour l’amendement de M. Verdussen, si la chambre n’avait pas admis la fixité du droit. J’ai quelques doutes à cet égard. Mais s’il est prouvé que la chambre a eu en vue de repousser le droit gradué, il est évident que la proposition de M. Verdussen n’est pas admissible.
Hier on a fait cette proposition qui a été également renvoyée à la section centrale, et la section centrale a été d’avis de maintenir la fixité du droit.
On a élevé un incident sur l’opportunité de connaître l’avis des chambres de commerce ; après cela aucune discussion ne s’est élevée sur la préférence à accorder au système de droits fixes ou au système gradué. Si vous vous en tenez au droit fixe, il faudra adopter la proposition de M. A. Rodenbach ; mais quels inconvénients n’aura-t-elle pas pour le commerce ? Ce sera un remède aux maux extraordinaires, mais il faudra trop souvent y avoir recours ; c’est la fréquence des remèdes qui nuit au commerce ; il souffrirait moins si vous vous décidiez à rendre la mesure très rare en adoptant un système de droits progressifs. S’il m’était permis de revenir sur le système de droits progressifs, l’honorable M. Verdussen m’a fourni l’occasion de le préférer au système des droits fixes.
Si cela ne m’est plus permis, je n’ai pas d’observation à faire ; je me bornerai à faire remarquer qu’à 15 fr., le froment étant encore à vil prix, si vous voulez venir au secours de l’agriculture, il ne faut pas choisir ce prix comme minimum, mais fixer un droit à l’entrée sur le froment lorsqu’il est 15 fr., un droit plus élevé lorsqu’il est à 14 fr., plus élevé encore à 13 fr. et enfin fixer à 12 fr. le minimum, ou le taux de prohibition pour l’importation des céréales étrangères.
M. Eloy de Burdinne. - Comme le dit l’honorable M. Dumont, lorsque le blé est à 15 fr., l’agriculture est encore dans la gêne ; mais le taux moyen du pays n’est pas le prix réel ; car je vous ai fait voir que le prix des grains à Anvers était plus élevé : ce taux plus élevé a fait hausser les grains de toutes les autres provinces.
Je ferai à cet égard une observation : Sur le marché de Liége il y a un certain temps, le grain était coté à 10 fr. 80. Eh bien en ce moment le taux moyen dans tout le royaume était de 12 fr. 15 cent, il y avait près de 2 fr. de différence. Ainsi, messieurs, si vous fixez le droit par le taux moyen, vous n’accorderez pas la protection nécessaire à l’agriculture.
D’après la loi du 18 juillet 1819 en France les blés étrangers étaient prohibés dans les départements rangés dans la première classe, lorsque le prix du blé était au-dessus de 20 fr., lorsque était au-dessus de 18 fr. pour la deuxième classe, et enfin au dessus de 16 fr. pour la troisième classe.
Vous voyez donc qu’en France, la prohibition des céréales étrangères s’étendait jusqu’au prix de 16 fr. Si vous n’admettez pas des bases au moins aussi larges, autant vaut dire que vous ne voulez rien accorder à l’agriculture. Si vous n’accordez la prohibition des céréales que lorsqu’elles sont à un prix tel que l’agriculture est ruinée, autant vaut dire à l’agriculteur d’abandonner la culture et de se laisser nourrir par l’étranger. Ce sont ces considérations qui m’ont porté à proposer par amendement le même minimum qu’en France.
M. A. Rodenbach. - Quelques membres se sont montrés les antagonistes du système anglais auquel ils préfèrent le système progressif, le système français. Je leur répondrai en leur faisant remarquer que l’échelle que je propose est très grande ; elle s’étend de 15 à 20 francs ; elle donne toute latitude au commerce et rend impossible toute perturbation ; elle est plus libérale que le système établi en France par la loi de 1819.
M. le président. - La parole est à M. Coghen, rapporteur.
M. Coghen, rapporteur. - La question du maximum et du minimum est très importante. Je prie la chambre de vouloir bien renvoyer la discussion à demain. Je ne pourrais pas maintenant donner tous les développements nécessaires à mon opinion.
- La séance est levée à 4 heures et demie.