(Moniteur belge n°172, du 21 juin 1834)
(Présidence de M. Raikem.)
La séance est ouverte à midi et demi.
M. de Renesse fait l’appel nominal.
M. H. Dellafaille donne lecture du procès-verbal, dont la rédaction est adoptée.
M. de Renesse fait connaître à la chambre les pièces suivantes.
« Un grand nombre de scieurs de bois demandent que la chambre prenne des mesures pour empêcher l’entrée du bois scié étranger. »
« Le sieur de Robaulx, de Soumoy, demande que le droit d’entrée sur les ardoises françaises soit diminué. »
« Le sieur de Poorter, aîné, demande que le droit sur les rubans étrangers soit augmenté à l’entrée. »
- Ces trois pétitions sont renvoyées à la commission chargée de l’examen des pétitions.
« Plusieurs négociants d’Anvers, faisant la pêche, réclament contre la disposition du projet présenté par M. de Foere qui tend à assimiler au poisson étranger le poisson remontant l’Escaut. »
M. Legrelle. - M. le secrétaire vient de vous lire l’analyse d’une pétition adressée par plusieurs pêcheurs d’Anvers qui adressent des réclamations contre le projet présenté par M. de Foere. J’en demande le renvoi à la section centrale.
M. le président. - Je ferai observer à l’honorable M. Legrelle que la section centrale pour l’examen de la proposition de M. de Foere n’a pas encore été nommée. La pétition sur laquelle il appelle l’attention de la chambre sera, si l’assemblée ne s’y oppose pas, déposée au bureau des renseignements et renvoyée ensuite à la section centrale, aussitôt qu’elle sera nommée.
M. Lardinois et M. Donny demandent un congé.
- Accordé.
M. le président. - La chambre a dans sa séance précédente adopté un droit de 30 francs par 100 kilogrammes sur les toiles de huit fils. Nous allons passer aux propositions suivantes de la section centrale.
M. de Robaulx. - La chambre ayant adopté l’amendement que j’avais proposé, il me semble qu’il conviendrait que les articles suivants du tarif français fussent également mis aux voix comme étant la conséquence du vote émis par l’assemblée dans la séance d’hier.
J’ai assez longuement développé les motifs qui devaient vous faire adopter le système français. Ma première proposition sur une des subdivisions du tarif a été accueillie par vous. Les autres subdivisions doivent subir le même sort. Sinon, il y aurait disproportion entre les droits sur les différentes espèces de toiles. Le système de la section centrale a été abandonné pour les toiles de moins de 8 fils. Il faut rigoureusement qu’il soit remplacé par le tarif français qui lui a déjà été préféré. Je désirerais que M. le. rapporteur de la section centrale voulût bien s’expliquer sur la marche qu’il croit que la discussion doit prendre en suite du vote de la séance précédente.
M. Desmaisières, rapporteur. - Comme rapporteur de la section centrale, je suis obligé d’en soutenir les propositions. Mais, si M. de Robaulx me demande mon opinion personnelle, je lui dirai que je me rallierai très volontiers au tarif français.
M. Dubus. - J’entends dire que, pour être conséquente avec son vote de la séance précédente, la chambre doit adopter les chiffres du tarif français ! Elle n’aurait pu être liée par cette première décision que dans le cas où elle aurait formellement exprimé qu’elle prétendait abandonner le système de la section centrale pour le système français. Je soutiens qu’elle n’a pas consacré ce principe. Je ferai remarquer à la chambre que si la section centrale demandait un droit de 40 francs par 100 kilogrammes sur les toiles de 8 fils, alors que nous l’avons réduit à 30 francs, en supposant ce travail de la section centrale consciencieusement élaboré, nous devons opérer sur les taux suivants une réduction proportionnelle bien loin de les élever. Voilà, il me semble, une manière d’être conséquent avec son premier vote.
Y a-t-il lieu d’adopter textuellement les chiffres du tarif français ? Cette adoption protégera-t-elle efficacement la fabrication indigène des toiles ? Je ne le pense pas. Au lieu d’atteindre le but, vous le manqueriez tout à fait.
J’ai entendu dire que nos commissaires négociaient avec la France pour obtenir une diminution de droits sur nos marchandises. Croyez-vous qu’en adoptant le tarif français, nous verrons la France accueillir nos réclamations ? Loin de là ; c’est le véritable moyen de les voir repoussées. La France nous dira : Notre fabrication de toiles est une industrie naissante. Si, pour protéger la vôtre qui est beaucoup plus importante, vous avez besoin du même tarif que nous, à plus forte raison n’existe-t-il pas de motif pour que nous y apportions la diminution que vous demandez. Le projet de la section centrale me paraît beaucoup plus sage. La question était de savoir si elle avait suffisamment abaissé le tarif français.
Dans mon opinion elle n’avait pas été assez loin sous ce rapport. Si l’on prenait pour base le tarif français, je ne sais pas trop quel droit nous voterions réellement, tandis que ceux que nous propose la section centrale ont été calculés de manière à ce qu’ils constituent en définitive un droit général de 7 p. c. sur la valeur. Telle est, je pense, l’assertion qui a été émise par les auteurs du projet. On vous a dit que le droit de 7 p. c. suffirait pour protéger la fabrication indigène, et que la proposition de M. Rodenbach concordait sous ce rapport avec celle de la section centrale ; ce droit de 7 p. c. est de fort peu moins élevé que celui dont les toiles sont frappées en France.
Je ferai remarquer à l’assemblée que quand on nous a demandé de prendre en considération la position des fabricants de toiles, on s’est élevé contre l’énormité du tarif français, que l’on disait établir un droit de 20 p. c. sur la valeur des toiles importées. J’ai fait la comparaison des deux espèces de tarifs. Pour le premier article le droit est de part et d’autre de 7 p. c. ; dans le deuxième article le droit français est de 9 p. c. ; dans le troisième il est de 7 1/3, dans le quatrième de 8 1/2, dans le cinquième de 7 2/3. Il n’y a que le dernier article où la différence soit plus grande, parce qu’il y a un degré de plus dans l’échelle du tarif français. Dans cet article le droit monte à 11 p. c. de la valeur. Mais ce taux, quelque élevé qu’il soit, est bien loin de celui de 20 p. c. contre lequel l’industrie linière s’est élevée. M. le rapporteur de la section centrale nous a cité hier la lettre d’un fabricant des environs de Gand, qui prétend que les toiles belges sont assujetties en France à un droit de 15 à 16 p. c. Les documents que la section centrale a mis sous nos yeux font monter ce droit seulement de 7 à 9 p. c.
Il me semble qu’il est évident, ou que les calculs de la section centrale ne sont pas exacts, hypothèse que je suis loin d’admettre, ou que les fabricants s’exagèrent la rigueur du système français. Il résulte de tous ces renseignements contradictoires que nous nous trouvons placés dans la plus grande perplexité. Nous ne voulons pas voter un droit exorbitant, et nous ne savons pas si, en adoptant le système français, nous ne nuirons pas à l’intérêt des consommateurs en cherchant à protéger celui des producteurs.
M. A. Rodenbach. - J’ai eu l’honneur de dire à la chambre qu’au moyen du système de perception par la loupe, il n’y avait pas d’uniformité possible. Mais puisque ce mode a été accepté, puisque la chambre a décidé que c’était le meilleur, il faut donc partir de la base qu’elle a établie.
Je dirai qu’en France on reconnaît différentes classes de toiles.
Il y en a qui paient 10 p. c. de la valeur ; les toiles blanchies paient le double. Ainsi c’est la classification des toiles en catégories qui amène la différence remarquée dans les différentes parties du tarif.
Je ne crois pas que vous puissiez adopter cette classification. Nous n’avons pas comme en France une triple ligne de douanes qui puisse protéger efficacement l’industrie indigène. Je l’ai prédit, messieurs, lorsque vous avez aboli la seconde ligne. J’ai dit que chaque fois que vous voudrez désormais protéger le commerce, vous ne trouverez que des moyens impuissants. La commission d’industrie ne produira rien du tout, quoiqu’elle s’occupe de protéger l’industrie cotonnière. Que la commission d’industrie réfléchisse à mes paroles. L’événement prouvera si j’ai raison. Je le soutiendrai toujours à cette tribune : tant que vous aurez un personnel aussi faible et une ligne de douanes aussi étroite, vous ne pourrez jamais adopter le tarif français, comme M. de Robaulx le propose. Quelque chose que vous fassiez, vous ne favoriserez pas le commerce, mais en définitive ce sera la fraude dont vous aurez servi les intérêts. Je vous l’ai déjà dit, à Bruxelles le tarif de la fraude varie selon la saison, parce qu’en hiver elle se fait plus facilement qu’en été.
La soie est introduite en fraude, malgré son bas prix, à 4 ou 5 p. c. meilleur marché qu’en payant les droits de douane. Si vous augmentez votre tarif, le fisc ne recevra plus rien. Avec des droits vous favoriserez la fraude et non l’industrie ; vous enrichirez le malhonnête homme qui gagnera des millions, et vous ôterez aux caisses publiques leurs revenus. Ce que je dis là s’applique aussi bien aux toiles qu’aux cotons.
M. Desmet. - Je donnerai quelques renseignements qui répondront aux objections faites par M. Dubus.
Le n° de 16 à 18 fils contient, par 88 centimètres de largeur, 3,000 fils, dont le prix moyen de cette qualité de toile est de 2 francs 30 centimes l’aune ; 100 kilogrammes mesurent 625 aunes, qui ont par conséquent une valeur de 1,440 francs ; le droit français sur ce n° est de 170 francs les 100 kil., ou environ 12 pour cent de la valeur.
Le n° de 18 à 20 fils contient, par 88 centimètres de largeur, 3,490 fils, dont le prix moyen est de 2 francs 50 centimes l’aune ; 100 kilogrammes de cette qualité mesurent 740 aunes, qui ont par conséquent une valeur de 1,850 francs. Le droit du tarif français s’élève pour ce n° à 240 francs, ce qui fait quelque chose de plus que 13 p. c.
Le tarif français contient un numéro de plus que celui qui est présenté par la section centrale : je crois qu’on ferait bien de l’ajouter aussi à notre tarif ; ce numéro est de 20 fils et plus. On peut prendre pour terme moyen, par les 88 centimètres de largeur, le nombre de fils de 3,800. Le prix moyen de cette qualité est de 3 francs l’aune. Les 100 kilogrammes mesurent 835 aunes, qui ont par conséquent une valeur de 2,500 fr., et le droit français est de 340 fr., ou environ 14 pour cent.
Par ce calcul, messieurs ; vous pourrez vous convaincre que le droit du tarif qui existe actuellement à l’entrée de nos toiles ne dépasse pas 14 et 15 p. c. Comme je viens de vous le dire, les toiles allemandes, étant plus claires de fils, pèsent un tiers de moins que les nôtres. De sorte que, pour établir un droit égal à celui qu’on reçoit sur nos toiles en France, nous devons élever le chiffre d’un tiers.
Je ne dis point que le droit de 7 p. c. ne serait pas suffisant pour protéger notre industrie linière et la garantir contre la grande importation des mauvaises toiles allemandes qui viennent gâter nos marchés ; mais je vous le demande, messieurs, que risqueriez-vous d’adopter la proposition de l’honorable M. de Robaulx ? Je n’y vois aucun inconvénient et beaucoup de bien pour notre commerce de toiles ; et surtout veuillez remarquer que cette proposition a une tendance de plus d’importance que nous ne l’envisageons peut-être pour le moment ; elle tend à former une union commerciale et industrielle qui servira d’antidote à la fameuse union allemande qui vient de se former ; et, messieurs, c’est en France que nous devons choisir nos débouchés, vous ne les trouverez jamais vers l’Allemagne, d’où nous tirons tout et où nous n’envoyons rien.
Une telle union commerciale fera le bonheur et la prospérité des deux pays, et je ne désespère pas que sous peu nous l’obtiendrons.
L’honorable député de Tournay porte trop haut le chiffre du tarif français sur la valeur de nos toiles à leur entrée en France ; je vais avoir l’honneur de lui présenter un calcul qui démontrera que le droit n’est pas de 20 p. c. de la valeur de la marchandise, comme le prétend le préopinant, mais qu’il ne dépasse pas les 14 et 15 p. c.
Le n° des 8 fils et moins contient, terme moyen, par 88 centimètres de largeur (qui est le type sur lequel sont basées toutes les autres largeurs des toiles de Flandres, et qu’on nomme vulgairement segel), 1,400 fils, dont le prix moyen est de 70 centimes l’aune. Le poids de 100 kilogrammes contient 450 aunes de cette qualité de toile ; ainsi la valeur de 100 kilogrammes de cette marchandise est de 315 francs ; or, sur cette valeur de 315 francs, le droit du tarif français est de 30 francs ; ainsi, quelque chose de plus que 10 p. c.
Mais comme les toiles allemandes, les seules que la section centrale a voulu frapper, n’ont pas pour un même aunage le même poids, qu’il y a une différence d’un tiers avec celui de nos toiles, parce que, dans la même largeur, se trouve un tiers de moins de fils, le chiffre du droit français baisse nécessairement d’un tiers, de sorte donc que le droit de 30 francs que vous avez établi hier pour ce n° de 8 fils et moins ne donnera qu’environ 7 p. c. de la valeur de la marchandise.
Le n° de 8 à 12 fils contient par les 88 centimètres, terme moyen, 1,800 fils, dont le prix à l’aune de cette qualité de toile est de 90 centimes à l’aune. Le poids de 100 kilogrammes contient 300 aunes de cette qualité de toile ; ainsi la valeur des 100 kil. de cette marchandise est de 450 francs, le droit du tarif français est de 65 francs, donc 14 à 15 p. c.
Le n° de 12 à 16 fils contient par 88 centimètres, terme moyen, 2,500 fils, dont le prix à l’aune de cette qualité de toile est de 1 fr. 50 c. ; les 100 kilogrammes contiennent 550 aunes, donc 825 francs pour les 100 kil. de cette toile ; le droit français de ce n° est de 105 francs les 100 kil., ce qui fait 13 p. c. de la valeur.
M. Desmaisières, rapporteur. - Je m’étais proposé de répondre à l’interpellation que m’avait faite l’honorable M. Dubus, mais M. Desmet vient de le faire d’une manière si lucide et si péremptoire que je n’ai rien à ajouter. Je me bornerai à dire un mot à l’appui de la proposition de M. de Robaulx.
Dans le tarif français, à l’article toiles blanches, imprimées ou teintes, le droit est double du droit sur les toiles écrues ; cependant, d’après l’opinion de la chambre de commerce de Courtray que nous avons consultée, opinion qui prouve qu’elle ne demande rien au-delà d’une juste protection, nous nous sommes bornés à porter le droit sur les toiles blanchies, imprimées ou teintes à une fois et demie du droit sur les toiles écrues, parce que le blanchiment et la teinture étant chez nous moins chers qu’en France, nous n’avons pas besoin d’une aussi forte protection que l’industrie française.
Cependant, messieurs, si les considérations présentées avec beaucoup de lucidité et de logique par l’honorable M. de Robaulx ont fait autant d’impression sur vos esprits que sur moi ; si vous voulez vous rapprocher, en fait de douanes, entièrement du système que la France, quoi qu’en disent ses détracteurs, suit avec persévérance et infiniment de succès depuis nombre d’années ; si, mettant votre tarif au niveau de celui de la France en un mot, vous voulez rendre la communauté de douanes entre les deux pays possible, alors il y a encore nécessité ici d’adopter le droit français ; et quant à moi, en qualité de député, je m’y rallierai très volontiers. Je crois même qu’alors, au lieu de suivre la classification proposée par la section centrale, il faudrait adopter tout bonnement le tarif français dans son entier, car ce que j’ai dit des toiles blanches s’applique à tout le reste du tarif.
M. H. Dellafaille - Messieurs, quoique j’aborde avec défiance un sujet que je ne connais point particulièrement, je crois pouvoir essayer de répondre à une objection de l’honorable M. Dubus.
Le député de Tournay s’étonne que nous trouvions à peine suffisant le même droit que nous trouvons exorbitant lorsqu’il s’agit de nos toiles en France ; il s’étonne encore de ce que, voulant un droit de 7 à 8 p. c., nous demandons le tarif français qui s’élève au double.
Le droit établi en France n’est pas exorbitant précisément par son élévation. Si le bénéfice opéré sur la fabrication des toiles s’élevait à 20 ou 25 p. c., nous paierions très facilement un droit de 14 à 15. Mais la matière première, le lin, est tellement chère par rapport au prix du tissu, que le bénéfice offert par la fabrication ne suffit pas toujours à acquitter le droit.
Le droit qui rend 14 ou 15 p. c. lorsqu’il se perçoit sur nos toiles peut fort bien ne revenir qu’à une proportion inférieure, lorsqu’il s’applique aux toiles d’Allemagne. Le rapporteur de la section centrale et l’honorable M. Desmet vous ont déjà fait observer que ces dernières, étant beaucoup moins serrées que les nôtres, offrent, pour le même poids de 100 kilogrammes, une surface beaucoup plus étendue, et que par conséquent le droit est moins élevé pour ces tissus que pour les nôtres.
Je crois qu’il y a lieu d’adopter le tarif français, non pour les raisons exposées par M. de Robaulx, car je crois que nous devons nous tourner du côté où nous trouverons le plus d’avantage sans nous faire les satellites d’aucune nation ; mais je crois que si les toiles allemandes paient moins à l’entrée en Belgique qu’en France, elles continueront à affluer chez nous de préférence. Or, ce n’est pas contre les toiles françaises que nous avons besoin de protection. Nos voisins du midi ne nous envoient rien sous ce rapport. Ce sont les toiles allemandes dont il importe de diminuer la consommation, qui fait tant de mal à la fabrication et au commerce de nos toiles indigènes.
M. Gendebien. - Il me semble que la discussion n’aura pas de fin aussi longtemps qu’on ne nous aura pas mis à mesure de juger l’état de la question. On a décidé hier que l’on imposerait un droit de 7 p. c. effectif sur la valeur des toiles, valeur calculée d’après leur poids et le nombre des fils dans une surface donnée. Nous ne pouvons pas faire un pas de plus, jusqu’à ce que la section centrale nous présente un tarif basé sur le chiffre 7 p. c.
Rien ne nous démontre que nous soyons à ce taux de 7 p. c. ; au contraire : s’il est possible de comprendre des chiffres à une seule lecture, ceux de M. Desmet prouvent que le droit dépasse 7 pour cent.
On vient de nous dire que nous ne devions pas agir comme la France, parce que la France n’a pas en vue les toiles d’Allemagne, et que son tarif est fait contre les nôtres. Si nous ne voulons faire un tarif que contre les toiles d’Allemagne, eh bien qu’on le dise avec franchise ; et si un droit de 7 p. c. ne suffit pas pour protéger nos toiles, qu’on en propose un plus fort. Il y aurait mauvais vouloir à nous à ne pas chercher à établir la concurrence de nos toiles avec celles d’Allemagne : ces dernières toiles sont plus légères et de plus belle apparence que les nôtres ; eh bien, qu’on fasse aussi chez nous des toiles légères et de belle apparence.
Je demande si bien décidément la chambre s’est arrêtée à un droit de 7 p. c.
Si elle s’y est arrêtée, que la section centrale nous présente un tarif établi d’après cette base, et qu’elle justifie ses calculs ; car je ne pourrais voter maintenant sur aucun chiffre. Je n’accorderai pas un centime de plus que 7 p. c., et je le répète, il faut que le tarif me prouve jusqu’à la dernière évidence que le droit n’est pas plus élevé.
M. Dumont. - J’avais demandé la parole pour présenter les mêmes considérations que celles qui viennent de vous être soumises par M. Gendebien.
Dans la séance d’hier, vous avez réduit à 30 p. c. le droit relatif au premier numéro ; M. Desmet vient de vous dire que ce droit de 30 p.c. répond à 10 1/2 de la valeur ; dans ce cas, je déclare que je n’ai point voté hier en connaissance de cause ; j’ai voté dans la persuasion que la section centrale avait établi ses calculs pour n’avoir que 7 p. c. de la valeur, évaluation qui répondait au droit de 40 p. c. Je me suis dit en adoptant 30 p. c. : Je ne vote pas 7 p.c. de la valeur, je vote un impôt qu’on peut percevoir à la douane. Je pense en effet que si on élève le droit à plus de 7 p. c. de la valeur, on n’accorde aucune protection à l’industrie, et on adopte un système qui favorisera la fraude.
J’appuie les conclusions de l’honorable préopinant, et je demande que la chambre, après avoir adopté (s’il ne l’est déjà) le principe de l’impôt de 7 p. c, de la valeur, renvoie cette disposition à la section centrale ou à la commission d’industrie.
J’avouerai que la base sur laquelle la section centrale a établi ses calculs ne m’inspire aucune confiance, parce que cette base vient de personnes intéressées, de la chambre de commerce de Tournay, qui avait intérêt à établir un droit élevé sur les toiles.
Quant à l’idée d’adopter le tarif de la France pour amener cette puissance à traiter avec nous, ou plutôt pour parvenir à ce qu’il n’existe plus de système de douanes entre les deux Etats, je considère cette idée comme une utopie ; il faudrait, pour arriver à ce résultat, que nous eussions des douanes aussi fortement organisées qu’en France, et je doute que cela soit possible dans un royaume si petit ; on dépenserait, pour organiser un tel système de douanes, non seulement tout ce qu’on retirerait des droits d’entrée et de sortie, mais beaucoup au-delà. En France, ce système a pu devoir être établi, vu l’immensité du cercle des douanes.
Je ferai remarquer en terminant qu’on n’a pas répondu à cet argument de M. Dubus : la France nous dira : Comment se fait-il que vous éleviez les droits sur les toiles plus que nous ne le faisons, nous, chez qui l’industrie des toiles est moins avancée ? Je persiste dans le renvoi que j’ai demandé.
M. de Robaulx. - Je commencerai par répondre à l’honorable M. Domont que déjà, à plusieurs reprises, on a fait remarquer que les droits qu’on réclame contre les toiles n’attaquent nullement le commerce français, puisque la France n’introduit point des toiles chez nous.
Mon intention, messieurs, n’est pas de revenir sur les calculs présentés par la section centrale, ni même sur ceux indiqués spécialement par le tarif français ; je laisse à ceux qui connaissent mieux la matière que moi le soin de justifier ces calculs ; mais, il me semble que les calculs présentés par M. Desmet sont clairs et démontrés d’une manière physique.
La proposition que j’ai eu l’honneur de faire ne s’appuie pas sur le calcul du droit de 7 p. c., ainsi que l’a supposé M. Gendebien ; je n’ai pas eu l’intention de vouloir frapper toute espèce de toiles de ce droit de 7 p. c. ; mon but est d’opposer à la coalition de l’Allemagne une coalition franco-belge, et de nous réunir d’intérêts avec la France dans notre système de douanes contre l’Allemagne.
J’ai entendu un orateur dire qu’il y avait lieu de désirer qu’un traité fût fait avec l’Allemagne. S’il est possible que ce traité soit conclu avec quelque avantage pour nous, j’y souscrirai volontiers ; mais, je le demande, avec quelle autre puissance que la France pourrions-nous traiter d’une manière favorable ? La France reçoit nos toiles, nos houilles, nos fers, nos marbres, et tant d’autres produits dont la Belgique est si riche. L’Allemagne nous fournit des toiles dites de Silésie, et des objets de quincaillerie : voilà tout le mouvement de commerce avec l’Allemagne.
- Une voix. - Nous envoyons en Allemagne des armes de luxe.
M. de Robaulx. - Oui, mais vous n’envoyez aucun des produits que je viens de citer. Jusqu’ici, messieurs, nous avons vu que l’Allemagne a cherché à s’individualiser, et qu’elle forme avec les provinces qui la composent un corps respectable qui a un système de douanes à lui, lequel n’est favorable ni à notre commerce ni à celui de la France. Quant à l’Angleterre nous y envoyons à peine un dixième de ce que nous en recevons.
Il faut chercher à nous rapprocher de la puissance avec laquelle notre véritable intérêt est de nous unir ; la France est l’Etat qui reçoit le plus de nos produits, c’est avec elle que nous devons nous coaliser, en adoptant son système de douanes. Je ne demande pas, ainsi qu’un orateur l’a supposé, qu’on fasse disparaître les douanes françaises sur les frontières ; je sais bien qu’un pareil projet est une utopie, et je crois que l’honorable membre me suppose assez de jugement pour ne pas croire à la réalisation de ce système ; je demande, je le répète, qu’on convienne d’un système de douanes entre deux Etats qui ont le même intérêt à frapper les mêmes marchandises. Pour arriver à ce but, c’est à nous à faire le premier pas ; nous sommes la satellite de la France, nous ne pouvons donner l’impulsion à notre planète.
Voici les principaux motifs de ma proposition. Quant à l’élévation du droit de quelques p. c. de plus, je n’y tiens pas.
Je répète donc que la proposition ne peut avoir pour résultat d’empêcher nos relations avec la France, puisque la France, n’introduisant pas ses toiles dans notre pays, ne peut en être lésée. C’est au contraire pour obtenir d’elle des relations commerciales plus avantageuses que je propose de faire un pas dans le système adopté par cette puissance vis-à-vis des autres nations.
Il est possible que je me trompe, je n’ai pas la prétention d’être infaillible en fait de finances ; d’autres que moi se sont trompés sur cette matière.
M. A. Rodenbach a dit qu’il n’attaquait pas spécialement le tarif français ; il a même laissé voir que si nous avions un service de douane aussi bien établi que celui de France, ce tarif ne serait pas trop élevé, mais que si on l’adoptait, il se ferait une grande fraude parce que la ligne de douane n’était pas assez bien gardée. Je répondrai à M. Rodenbach que s’il ne croit pas aux moyens de réprimer la fraude en Belgique, le droit de 7 p. c. qu’il propose ne lui donnera pas le résultat qu’il en attend. Cette augmentation ne fera qu’encourager la fraude. Que le droit soit de 7, de 8 ou de 9 p. c., le résultat sera le même, si la douane est insuffisante pour protéger nos frontières.
Mais ce n’est pas là la faute du système, c’est la faute du gouvernement qui a eu tort de simplifier le rayon sans le renforcer. Qu’il demande aux chambres les moyens de mieux protéger nos frontières. M. Rodenbach n’a donc pas combattu ma proposition car il n’a fait que la critique du service des douanes.
Je n’ai pas l’intention d’examiner les questions dont nous ont entretenus le rapporteur de la section centrale, M. Desmet et d’autres orateurs, car je n’ai eu en vue que le principe politique en fait de finances. Je ne me suis pas occupé de vérifier le nombre de fils que contient la chaîne de la toile dans l’espace de 5 millimètres. Ce n’était pas mon affaire. J’ai exprimé le désir que nous nous réunissions d’intérêt avec la France, afin d’obtenir d’elle, en faveur de notre commerce, les conditions que vous lui demandez depuis longtemps, et que vous n’avez pas encore pu obtenir.
Faisons encore un essai, peut-être aura-t-il plus de succès que les autres.
M. Desmaisières, rapporteur. - L’honorable M. Gendebien a demandé que le tarif fût renvoyé à la section centrale, pour calculer les droits à raison de 7 p. c. de la valeur. Certainement je ne m’opposerai jamais à ce qu’une question soit renvoyée à la section centrale. Mais je lui ferai remarquer que ses calculs sont faits d’après cette base et qu’il n’y aurait pour elle nécessité de faire de nouveaux calculs que dans le cas où ou voudrait qu’elle établît ses calculs d’après d’autres toiles que celles d’Allemagne.
Ces calculs se trouvent à la page 61 du rapport que j’ai présenté à la chambre.
Je vous demanderai la permission de les lire :
« Calcul du tarif relatif aux toiles
« Nous avons vu plus haut, dans l’analyse des opinions émises par les diverses chambres de commerce du pays, que celle d’Anvers estime que, si, comme l’annonce le mémoire de la minorité de la commission supérieure d’industrie, la chambre de commerce de Courtray est restée à 66 p. c. au-dessous de la valeur réelle, par kilogramme pesant, des diverses espèces de toiles écrues du pays, et cela afin de ne pas éveiller l’attention de la France, les droits proposés par l’honorable M. de Foere reviendraient, en les comparant à la valeur.
« Pour les toiles de :
« 7 fils, à 6 3/16 p. c.
« 8 fils, à 8 7/8 ;
« 9 fils, à 9 3/16 ;
« 10 fils, à 6 15/16 ;
« 11 fils, à 5 1/16 ;
« 13 fils, à 6 11/16 ;
« 14 fils, à 5 13/16 ;
« 15 fils, à 5 7/16 ;
« 16 fils, à 9 1/8 ;
« 17 fils, à 6 7/8 ;
« 18 fils, à 7 13/16 ;
« 19 fils, à 6 9/16.
« Si donc il s’agissait d’imposer nos espèces de toiles à l’entrée, il y aurait lieu, pour rétablir l’équilibre entre les diverses qualités, et arriver au taux général de 7 p. c. de la valeur, d’augmenter les droits proposés par M. de Foere, quant aux toiles de 7, 10, 11, 13, 14, 15, 17 et 19 fils, et de diminuer ceux relatifs aux toiles de 8, 9 et 16 fils.
« Mais la section centrale a pensé qu’il fallait ici ne s’attacher qu’aux toiles étrangères, et principalement à celles qui entrent le plus dans le pays, c’est-à-dire, aux toiles d’Allemagne, dont le poids relatif est infiniment moindre que celui des nôtres.
« La chambre de commerce de Courtray, s’étant procuré des toiles de Bielefeld, a soigneusement calculé les droits, de manière à arriver au taux de 10 p. c. de la valeur, en prenant pour mode de perception celui combine du poids et de la loupe.
« Il est résulté de ses expériences que pour une pièce ayant 9 1/2 fils à la chaîne, du poids de 5 4/5 kilogr., dont la valeur au prix de facture est de 40 fr., le droit de 70 fr. par 100 kilos. produit 4 fr. 6 c., ce qui équivaut à 10 p.c. de la valeur.
« La chambre de commerce de Courtray a pensé avec nous que le tarif français étant spécialement calculé contre les toiles de la Belgique, il ne fallait point ici l’adopter tout à fait, quant aux quotités des droits, puisque nous voulons agir contre les toiles de fabrication étrangère.
« Les toiles d’Allemagne portant moins de fils dans la chaîne que les nôtres, comparativement à leur finesse, et étant en même temps d’un moindre poids à cause de la plus grande finesse en trame, il en résulte que les droits d’entrée perçus en France sur nos toiles sont de moitié plus forts proportionnellement à la valeur que ceux perçus sur les toiles d’Allemagne. C’est là une remarque digne de l’attention particulière de notre gouvernement dans ses négociations avec le gouvernement français, relativement au traité de commerce à intervenir. »
Or, messieurs, j’ai en l’honneur de dire hier qu’un négociant de Gand qui envoie beaucoup de toiles en France, parce qu’il est entrepreneur de beaucoup de fournitures, m’a remis une note entièrement conforme aux calculs que l’honorable M. Desmet vous a fait connaître tout à l’heure ; d’où il résulte que le revient du droit du tarif français est de 14, 15 et 16 p. c. pour les toiles belges. Comme il est moitié moindre pour les toiles d’Allemagne, il se trouve bien de 7 à 8 p. c.
Voilà les résultats de nos calculs.
M. Desmet. - J’ai dit que le droit porté au tarif français équivalait à dix pour cent de la valeur. Mais comme il a été établi d’après le poids et le nombre de fils des toiles belges, et que le poids des toiles d’Allemagne à nombre de fils égal diffère d’un tiers, le droit sur ces toiles se trouve n’être que de 7 1/2 p. c.
C’est le résultat de plusieurs expériences que j’ai faites et dont j’ai pris le terme moyen.
M. Dumont. - L’honorable M. de Robaulx me reproche de m’être plaint à tort de ce qu’on n’avait pas répondu à l’argument de M. Dubus. La réponse qu’il prétend avoir été faite est que la France n’introduit pas de toiles en Belgique Mais moi je considère cette réponse comme n’en étant pas une. Si l’industrie belge a besoin d’un droit aussi élevé que le droit français pour soutenir la concurrence avec l’Allemagne, nous aurons mauvaise grâce à venir lui demander, à elle dont l’industrie en fait de toiles est moins avancée que la nôtre, de diminuer son droit ; car ce droit est établi aussi bien pour les toiles d’Allemagne que pour les toiles belges.
Voici ce dont je me suis plaint : La section centrale proposait de fixer le droit non pas à 30 fr. mais à 40 fr. par 100 kilog., et assurait que cela ne répondait qu’à 7 p. c. de la valeur ; et aujourd’hui M. Desmet dit que le droit fixé à 30 p. c. en prenant en considération la différence de poids entre les toiles belges et les toiles d’Allemagne, répondait à 7 p. c. de la valeur. Il y a donc évidemment contradiction entre M. Desmet et la section centrale. Cette contradiction m’empêche d’avoir confiance dans les calculs de la section centrale. En fait de calculs, on peut se tromper de très bonne foi.
Je reviendrai sur ce qui a été dit au sujet des traités de commerce avec la France. Il est nouveau pour moi que le seul obstacle qui s’oppose à ce que nous fassions un traité avec la France soit la non-adoption de son tarif de douanes. Je doute que le gouvernement français ait jamais fait cette objection lorsqu’il s’agit de conclure un traité de commerce avec notre pays.
Il y a quelques années, j’ai entendu parler de conventions de cette nature qui ont échoué ; je n’ai jamais ouï dire que le motif provînt du peu d’élévation de notre tarif. Les obstacles qui s’y sont opposés étaient ceux-ci : La France reçoit des Pays-Bas des importations d’une valeur beaucoup plus considérable que celles des marchandises qu’elle y exporte. Malheureusement M. de St-Cricq, ministre du commerce de cette époque, établissait ses assertions sur des documents statistiques d’une exactitude rigoureuse que nos envoyés se sont vus dans l’impossibilité de récuser.
Si réellement la modicité des droits que nous imposons à l’entrée des marchandises étrangères est un obstacle à la conclusion d’un traité de commerce avec la France, attendons que, dans les négociations qui viennent de s’ouvrir à Paris, nous en ayons acquis la certitude. Alors seulement nous pourrons faire des concessions et dire que le tarif belge sera modifié de telle ou telle manière, tandis qu’actuellement nous ne pouvons qu’agir au hasard et tout à fait gratuitement.
Mais en supposant que la France nous fît l’objection dont on a tiré un argument que je combats, croyez-vous qu’il suffirait de mettre notre tarif sur les toiles au niveau du sien pour obtenir un traité de commerce avantageux ? Non sans doute, il faut commencer par établir un système de douanes capable de nous assurer la perception entière du droit. Etablir un droit sans avoir la possibilité de le recouvrer, c’est avoir l’air de protéger l’industrie et ne rien faire pour elle.
Je crois en avoir assez dit pour justifier mon opinion. Les calculs de la section centrale ne me donnent pas la conviction que les droits dont elle demande l’application aboutiront à un droit de 7 p. c. sur la valeur. Je persiste à demander que la motion de l’honorable M. Gendebien soit accueillie par la chambre.
M. Desmaisières, rapporteur. - Voici en résumé à quoi se réduit l’objection de l’honorable M. Dumont :
Il entre des toiles d’Allemagne dans notre pays et en France. Notre pays fournit beaucoup plus de toiles à la France que l’Allemagne n’en fournit, malgré que les toiles d’Allemagne n’y paient que la moitié du droit qu’y paient les nôtres. D’un côté, cela semblerait prouver que puisque dans notre propre pays nous consommons des toiles d’Allemagne, la fabrication allemande est plus avancée que la nôtre, et de l’autre côté que les Français préférant pour la généralité nos toiles à celles d’Allemagne favorisées de moitié du droit par leur tarif, notre fabrication serait la plus avancée. Il y a là, dit-on, une espèce de contradiction que nous ne pouvons nous expliquer.
Non, messieurs, il n’y a là aucune espèce de contradiction. La fabrication allemande est seulement plus avancée que la nôtre en bon marché apparent : en un mot nos toiles sont moins chères relativement à la qualité. Nous avons en Belgique encore des consommateurs que j’appellerai dupes puisqu’ils se laissent tromper par l’apparence ; et en France la grande masse des consommateurs entend fort bien ses intérêts et préfère de beaucoup payer nos toiles un peu plus cher, parce qu’ils en ont un plus long et un meilleur usage.
M. Legrelle. - Lorsque, contrairement à mon opinion, la chambre a donné la préférence au système de la section centrale, il est certain que la grande majorité de l’assemblée a cru qu’il y avait une différence dans le système admis, mais non dans la majoration du droit. Nous avons tous cru que le droit sur les toiles ne monterait pas au-delà de 7 p. c. Ce que vous avez voulu hier, messieurs, vous ne l’avez pas voulu aujourd’hui. La section centrale avait proposé un droit de 40 fr. par 100 kilogrammes sur les toiles de moins de 8 fils ; vous avez décidé que ce droit ne serait que de 30 fr., et pour arriver à ce résultat, nous avons entamé une discussion fort longue, dans laquelle trois membres de la section centrale se trouvaient être d’un avis différent.
Car M. Bekaert soutenait que le chiffre de 40 fr. par 100 kilogrammes était une faute d’impression et qu’il fallait lire 30 fr. M. Desmet a établi des calculs pour soutenir que ce droit de 40 fr. ne montait en réalité qu’à 7 p. c. de la valeur, et M. Desmaisières, rapporteur de la section centrale disait que le droit, loin d’être de 7 p. c., était de 14 p. c.
- Plusieurs voix. - M. Desmaisières n’a pas dit cela.
M. Legrelle. - Je vous signale cette divergence d’opinions pour vous montrer combien il doit exister d’erreurs de cette nature dans le projet, combien nous sommes forcés de voter en aveugle. Mais on a beau être aveugles, à la fin on finit par y voir clair. Messieurs, une personne étrangère à cette chambre m’a fourni sur la partie du tarif que nous avons déjà voté des renseignements qui vous montreront où ce tarif peut nous conduire.
Deux aunes et demie de toile d’emballage pèsent 1 kilogramme, chaque aune coûte 34 centimes.
Donc le kilogramme vaut, prix du magasin, 85 centimes, ou les 100 kilogrammes, 85 francs.
Le droit qui les frappe d’après le vote de la chambre est de 30 fr. en principal et 3 fr. 90 c. en additionnels ; ensemble 33 fr. 90 c.
Ainsi, une valeur de 85 francs supportera 33-90 de droits, ce qui équivaut à plus de 48 p. c.
Ab uno disce omnes. En opérant le même calcul sur les toiles à voiles, vous découvrirez qu’en définitive elles seront frappées à l’entrée d’un droit de 24 p. c. de la valeur, droit qui équivaudra à une prohibition. Que deviennent alors vos 7 p. c., vous qui disiez que votre système était en définitive le même que celui de M. Rodenbach ? Il est certain que vous avez outrepassé ce droit de 7 p. c. de trois ou quatre fois ce chiffre.
Il reste une seule chose à faire pour ne pas tomber une second fois dans l’erreur, c’est de stater toute discussion ultérieure sur le tarif. J’appuie donc la proposition qui vous a été faite de renvoyer le tout à la section centrale avec prière de nous faire un rapport plus détaillé. Je demande qu’il nous soit loisible de conserver ce nouveau travail au moins deux fois 24 heures, afin que nous autres qui n’avons pas de connaissances spéciales sur la matière, nous puissions nous en référer à des personnes de l’art.
Les premières erreurs commises par la section centrale ne me permettent pas d’aborder sans défiance les calculs qu’elle nous a présentés.
M. Gendebien. - Je n’entends pas entrer dans le fond de la discussion. J’ai insisté, dès le commencement de l’examen de la loi, pour que l’on discutât d’abord quel serait le taux effectif du droit dont on frapperait les toiles étrangères à leur entrée dans notre pays ; mon intention étant d’encourager notre industrie linière, j’ai eu l’honneur de dire qu’il fallait d’abord faire abstraction de tout système de perception ; qu’une fois d’accord sur ce point, il faudrait élever le tarif au chiffre nécessaire, en faisant la part de la fraude ; que, d’un autre côté, il fallait établir les calculs sur les différentes espèces de toiles, de manière à arriver en définitive au taux de 7 p. c. Sans porter de décision formelle sur ce point, la chambre paraissait unanime et avait admis, sinon explicitement, du moins implicitement, ce système.
Cependant on n’a pas cru nécessaire d’aller aux voix et l’on a passé à l’examen du travail de la section centrale. Il me semble qu’il est impossible que l’on ne se conforme pas à une décision de la chambre, implicite il est vrai, mais sur laquelle il n’y avait pas de doute. Il est donc bien constaté que tous les droits combinés doivent aboutir au droit de 7 p. c. Quel est le raisonnement que l’on emploie pour taxer d’un droit plus élevé les toiles d’Allemagne ? L’on vous dit que, présentant un plus grand degré de finesse, elles ont moins de poids que les nôtres, et sont d’une valeur réelle moindre, que dès lors elles rentreront dans une catégorie autre. La considération du plus ou moins de finesse ne peut entrer en ligne. Ce que l’on vous demande de considérer, c’est qu’en définitive les toiles d’Allemagne ne paient que 7 p. c. de leur valeur commerciale.
Maintenant je déclare de nouveau que si l’industrie belge se croit assez en retard pour qu’un droit de 7 p . c. ne la favorise pas suffisamment contre les toiles d’Allemagne qui paient encore des frais de transport, je me soucie fort peu d’une telle industrie en Belgique. Je ne voudrai jamais encourager une industrie aux dépens des consommateurs jusqu’à un tel point. Je ne sais même si, en bonne économie sociale, nous devons mettre un droit de 7 p.c. sur les toiles d’Allemagne ; mais, considérant que la loi est transitoire, on saura à la fin de l’année si nos tisserands ont fait des efforts pour lutter avec avantage contre les tisserands allemands : dès qu’il ne s’agit que de faire des toiles légères, je ne sais pas pourquoi on n’y parviendrait pas comme en Allemagne ; j’ai confiance dans de nos compatriotes, et je suis convaincu qu’ils atteindront bientôt le but.
Dans la proposition de la section centrale, il y a une erreur bien grave. On a pris pour base le poids dans le tarif français, et d’après cette base, les toiles belges paient 14 p. c. tandis que les toiles d’Allemagne ne paient que 7 p. c. ; ainsi, en augmentant le droit de 7 p. c. dans notre tarif, ce sera réellement protéger nos toiles de 14 p. c.
Mais à quoi bon une protection aussi considérable ? A moins qu’on ne prouve que nos compatriotes sont dégénérés et qu’ils ne peuvent plus fabriquer des toiles, quoiqu’ils aient devancé tons les peuples dans cette fabrication, je ne consentirai pas à exagérer l’augmentation du tarif. Nos toiles, en un mot comme en cent, ne peuvent avoir de désavantage sur les toiles étrangères que parce qu’on s’obstine à en faire d’une certaine espèce, tandis que les consommateurs en veulent d’une autre espèce. Ne faites pas violence aux consommateurs ; faites des toiles flamandes où brabançonnes qui leur plaisent.
Je ne puis accorder plus que 7 p. c., et j’insiste pour le renvoi à la section centrale.
M. Verdussen. - Il me semble indispensable de procéder à une révision du tarif présenté par la section centrale. Dans ce tarif on place sur la même ligne les toiles de 8 à 12 fils ; c’est-à-dire en d’autres termes qu’une toile dont la chaîne est de 1,000 fils est sur la même ligne qu’une toile dont la chaîne est de 1,500 fils : je ne sais si l’on peut croire qu’une toile plus grosse de moitié ait la même valeur et paie le même droit. La graduation devrait être moins rapide.
Dans le même tarif les toiles d’une plus grande finesse sont graduées de deux fils en deux fils ; ce n’est pas plus raisonnable ; pourquoi n’a-t-on pas procédé partout de la même manière ?
On a mis les toiles au-dessous des fils dans la même catégorie ; et les toiles d’emballage, de trois fils, et les toiles à voiles de 4 fils, sont frappés ainsi d’une manière nuisible au commerce et à la marine.
M. Legrelle vous a montré la disproportion choquante du tarif sur ce point.
Il peut être dans l’intérêt du pays de mettre un droit sur les toiles étrangères ; mais le simple bon sens découvre trop de vices dans le tarif proposé ; il faut qu’il soit révisé ; il ne faut pas que l’augmentation du droit dépasse 7 p. c.
M. Bekaert. - Un honorable membre s’est trompé quand il a dit que la section centrale avait copié le tarif français : dans le tarif français les toiles de 16 à 18 fils sont frappées d’un droit de 15 p. c. plus élevé que celui proposé par la section centrale : il en est de même pour toutes les autres qualités de toiles.
Je ne m’oppose pas au renvoi à la section centrale ; mais elle ne pourra vous fournir d’autres renseignements que ceux qu’elle vous a présentés. Il est vrai que pour les toiles à voiles, et pour les toiles d’emballage, on pourra faire une exception, et les placer dans une classe à part ; la section centrale a suivi le tarif français de manière à n’établir qu’une augmentation de 7 p. c. ; et les lumières de l’expérience l’ont guidée dans son travail.
M. Desmaisières. - M. Legrelle pense que la section centrale est dans l’erreur ; lui-même qui commet une erreur, mais je ne m’arrêterai pas longtemps sur ce point.
La section centrale, à l’exemple de la France, n’a commencé son tarif qu’à huit fils. Les toiles d’emballage sont à trois fils ; les toiles à voiles sont à quatre fils, Il y aurait peut-être à faire un amendement relativement à ces toiles, afin de protéger notre commerce et notre marine.
Un honorable membre, M. Gendebien, a dit, en s’adressant à nos tisserands : « Pourquoi ne faites-vous pas des toiles comme en Allemagne ? pourquoi ne faites-vous pas un progrès ? » Je n’ai qu’un mot à répondre ; cela revient à dire : « Faites de mauvaises toiles. »
M. Desmet. - Je ferai remarquer à l’honorable député d’Anvers que ses calculs ne peuvent être mis en regard des nôtres, puisque nous calculons d’après le poids et le nombre des fils, et que lui calcule seulement d’après le poids.
J’appuie le renvoi à la section centrale, afin qu’elle examine :
1° si on adoptera le tarif français ; 2° quel sera le tantième du droit à percevoir ; 3° quelles seront les toiles à prendre pour base.
M. de Muelenaere. - Je ne pense pas que la chambre ait décidé dans sa séance d’hier en principe que le droit pour toute espèce de toiles ne pourrait dans aucun cas excéder 7 p. c. ; tout ce qui a été décidé hier, c’est que la perception du droit serait faite d’après le poids et le nombre des fils, et non par la déclaration de la valeur. Ce qui prouve encore qu’on n’a pas entendu décider que dans tous les cas le droit ne pourrait excéder 7 p. c., c’est que la chambre a accueilli la proposition de M. de Robaulx tendant à appliquer aux toiles ayant 8 fils la disposition du tarif français.
M de Robaulx a appuyé la proposition par des considérations d’une nature toute nouvelle ; il l’a appuyée par des considérations qui ne sont pas puisées dans la quotité déterminée du droit, par des considérations d’un intérêt politique. La chambre, sans s’appliquer à modifier la quotité du droit, a accueilli la proposition de M. de Robaulx, et si la chambre a accueilli cette proposition avec tant de bienveillance, c’est à cause des considérations qui ont été développées à l’appui par son auteur. Ces considérations que M. de Robaulx a reproduites aujourd’hui ont paru faire une forte impression sur la chambre, et je crois qu’il est bon qu’on y réfléchisse mûrement.
Deux propositions principales m’ont paru être mises en avant contre la proposition faite par M. de Robaulx. La première, c’est que la chambre établirait aujourd’hui un tarif qui fait naître des réclamations générales, des plaintes si vives. Mais je le demande dans quel pays le tarif français a-t-il fait naître le plus de plaintes ? C’est en Belgique ; et pourquoi ? Parce que ce tarif faisait tort à notre commerce et qu’il paralysait dans nos provinces la fabrication linière.
Dans certains départements de la France, le tarif français a aussi provoqué des plaintes ; pourquoi ? C’est parce que la France ne produit pas assez de toiles pour sa consommation, et que malgré le droit élevé qui pesait sur nos toiles, elles passaient encore en France. Mais en Belgique, où il y a excès de fabrication, pourquoi ne forcerions-nous pas cet excès de fabrication à se verser à l’étranger ? pourquoi n’adopterions-nous pas le tarif français qui est protecteur d’une industrie, cause réelle de la richesse de la nation ?
On a dit que l’industrie linière de la Belgique était en grande concurrence avec l’industrie linière de l’Allemagne ; à cette objection l’honorable rapporteur de la section centrale, qui a traité cette matière avec un talent vraiment supérieur, a déjà répondu victorieusement. Les toiles de l’Allemagne n’ont d’autre avantage sur les nôtres que celui de la mauvaise fabrication, c’est-à-dire le bon marché ; il est à désirer dans notre intérêt que jamais la Belgique ne cherche à acquérir cet avantage, autrement, nous perdrions nos meilleurs débouchés
On a dit qu’il fallait décider en principe que le droit pour toute espèce de toile n’excéderait pas 7 p. c., parce que, en dépassant ce taux, on agirait aux dépens du consommateur. Messieurs, si cela était fondé, je crois qu’on aurait raison de ne pas excéder un droit de 7 p. c. ; mais on se trompe en raisonnant ainsi : ce n’est pas aux dépens du consommateur qu’on élèverait le droit au-dessus de 7 p. c. Tout le monde reconnaît que nos toiles ont une supériorité incontestable sur les toiles d’Allemagne ; si celles-ci sont à meilleur compte, c’est qu’elles sont mal fabriquées. Eh bien, l’honorable rapporteur vous l’a dit (et c’est ici que gît la difficulté) il faut empêcher qu’on ne fasse des dupes aux dépens de l’industrie belge ; nos toiles, il faut faire en sorte qu’on les achète de préférence à toutes autres, et le consommateur, loin d’y perdre, y gagnera.
Je prie les honorables membres qui n’auraient pas une conviction intime à cet égard, de vouloir s’en assurer ; ils seront convaincus que le débit des toiles allemandes, loin d’être en faveur du consommateur, est infiniment contraire à son intérêt bien entendu et qu’il serait à désirer dans cet intérêt que le droit fût assez élevé pour exclure des marchés la concurrence des toiles étrangères qui trompent l’acheteur,
Voilà des considérations, messieurs, qui, je crois, sont de nature à faire réfléchir sur ce qu’il nous reste à faire. Dans ce moment, je n’entrerai point dans de plus longs développements ; je pense avec plusieurs orateurs qui ont parlé avant moi, qu’il a lieu à adopter le renvoi à la section centrale ; j’appuie d’autant plus ce renvoi, que la sections centrale n’a pas exprimé d’opinion sur le point en discussion ; elle aura ainsi à examiner une question infiniment grave, une question vitale pour la Belgique, et particulièrement pour la province où l’industrie linière est exercée depuis des siècles avec tant de succès. Cette question est celle de savoir s’il convient d’adopter le tarif français.
J’appuie la proposition de M. Desmet, et je prierai la section centrale de nous soumettre son rapport dans un bref délai.
M. Dubus. - Il me paraît que tout le monde est d’accord d’accueillir la proposition de M. Gendebien, de renvoyer la loi à un nouvel examen de la section centrale ; je pourrais donc renoncer à la parole, puisqu’il n’y a pas d’opposition au renvoi ; cependant je demande à répondre quelques mots à l’honorable député de Courtray.
L’honorable membre vous a dit que ce serait une erreur de croire que la chambre ait décidé que le droit à établir sur les toiles ne devait pas excéder 7 p. c., et qu’elle ait adopté le maximum sur lequel le tarif devait être établi ; je répondrai que si on n’a pas mis spécialement cette question aux voix, et si on ne l’a pas décidée explicitement, il est évident qu’on l’a décidée implicitement.
Qu’avions-nous, messieurs, sous les yeux lorsque nous avons voté ? le travail de la section centrale ; or, voici ce qu’on y lit page 62 :
« La section centrale a donc adopté à l’égard des toiles écrues les droits d’entrée suivants, qui reviennent à environ 7 p. c. de la valeur :
« Toiles de moins de 8 fils, 40 francs par 100 kilog.
« de 8 à 12 fils, 50 fr. par 100 kil.
« de 12 à 16 fils, 100 fr. par 100 kil.
« de 16 à 18 fils, 140 fr. par 100 kil.
« de 18 et au-dessus, 220 fr. par 100 kil. »
Voici ce qu’on lit page 60 :
« Quant aux droits d’entrée, la section ayant déjà adopté le mode du poids et de la loupe, a pensé qu’il fallait régler le tarif d’après des expériences à faire, mais qu’il fallait auparavant décider le tantième de la valeur que l’on voulait atteindre.
« Un seul membre a demandé que le tarif soit calculé de matière à atteindre 10 p. c. ; les autres ont cru que 7 p. c. suffisaient . Les motifs sur lesquels se sont fondés ces derniers, sont, que si l’honorable auteur de l’une des propositions a demandé 10 p. c., et si cette proposition a été généralement et unanimement accueillie par les sections, la commission supérieure d’industrie et les chambres de commerce, c’est parce qu’un droit ad valorem de 10 p. c. se réduit toujours par la perception en réalité à 6 et 7 p. c., en raison de ce que le moyen d’action qu’a l’administration des douanes contre la soustraction d’une partie de la valeur dans la déclaration, consiste simplement dans la préemption ; que l’employé préempteur doit donner un bénéfice de 10 p. c. sur le montant de sa déclaration au déclarant, dont la marchandise est préemptée ; que cet employé n’est pas toujours certain d’avoir bien estimé la valeur ; qu’il ne trouve pas toujours facilement à vendre ce qu’il a préempté ; qu’ayant enfin des frais de magasin, transport, commission, etc., il ne peut guère exercer la préemption que lorsque la déclaration est en dessous de deux tiers de la valeur réelle.
« Il en résulte donc effectivement que, si l’on met 10 p. c., cela revient de 6 à 7 p. c., et que par conséquent, pour se trouver dans la même proportion en employant le mode du poids et de la loupe, on doit tarifer les droits de manière à ce qu’ils reviennent à peu près à 7 p. c., parce que là, si la fraude n’est pas entièrement impossible, du moins on ne peut frauder qu’une très petite partie du droit établi. »
Voilà sur quoi on s’est basé.
Pour les orateurs qui ont pris la parole, ils se sont occupés du mode de perception en partant de ce point, qu’ils supposaient vrai, que l’un et l’autre système devaient avoir pour résultat un droit réel de 7 p. c. au maximum. C’est en conséquence de cette vérité qu’on a préféré le mode de perception proposé par la section centrale, toujours en supposant que le tarif de la section centrale était calculé sur la base d’un droit effectif de 7 p. c.
Il ne s’est élevé hier aucun doute sur l’intention de la chambre de ne pas élever le droit au-delà de 7 p. c. Pour le prouver, il me suffirait de rappeler la discussion qui a eu lieu. Mais j’en élève sur ce qu’on disait que le droit de 40 francs par 100 kilogrammes proposé par la section centrale ne portait ce droit qu’à 7 p. c. de la valeur.
J’ai dit que j’avais des raisons de croire que c’était plus. M. Desmet est venu et s’est efforcé de prouver que le droit de 40 francs par 100 kilogrammes équivalait à 7 p. c. de la valeur. La discussion s’est prolongée, et il en est résulté que cela ferait un peu plus de 7 p. c. pour les toiles de Belgique, mais 7 p. c. seulement pour les toiles d’Allemagne, en raison de leur légèreté. Il a été répondu par MM. Dumont et Gendebien qu’on ne pouvait pas faire de distinction entre les toiles belges et les toiles d’Allemagne ; que les unes et les autres entraient en France sans différence et sans qu’on pût en établir. D’après cela, la chambre, au lieu de 40, a adopté le chiffre de 30 fr. C’est ainsi qu’elle a décidé que 7 p. c. devait être le maximum du droit.
Ce point établi, je ferai remarquer que l’honorable préopinant a évité de s’expliquer sur les chiffres, et s’est livré à des considérations générales qui peuvent être plus ou moins vraies sans que cela change en rien la question qui nous occupe, la question du chiffre qui reste entière.
Il a voulu faire établir un droit calculé uniquement sur le prix des toiles d’Allemagne, dont le poids, eu égard à leur qualité, est beaucoup inférieur à celui des toiles belges. Nous voyons en effet dans le rapport de la section centrale :
« Les toiles d’Allemagne portant moins de fils dans la chaîne que les nôtres, comparativement à leur finesse, et étant en même temps d’un moindre poids à cause de la plus grande finesse en trame, il en résulte que les droits d’entrée perçus en France sur nos toiles sont de moitié plus forts proportionnellement à la valeur que ceux perçus sur les toiles d’Allemagne. C’est là une remarque digne de l’attention particulière de notre gouvernement, dans ses négociations avec le gouvernement français, relativement au traité de commerce à intervenir. »
On nous dit bien que les droits perçus en France sur nos toiles sont moitié plus forts que ceux perçus sur les toiles d’Allemagne, mais on ne nous dit pas comment on établit cette différence. Pour moi, je la trouve trop grande pour y croire : on a pu voir cette assertion dans des mémoires publiés pour prouver que le gouvernement français ne nous traite pas avec faveur, que les droits qu’il perçoit sur nos toiles sont trop élevés et qu’ils doivent être réduits. Cette source même ferait douter de l’exactitude des calculs. La rectification des erreurs commises par la chambre de commerce de Courtray, dans le but de faire réduire les droits qu’on perçoit en France, doit vous mettre en garde contre les arguments puisés à la même source.
Aussi, jusqu’à ce qu’on m’en ait fourni la preuve, je ne croirai pas qu’un droit de 100 fr. sur les toiles d’Allemagne puisse, à cause de la différence du poids, se trouver de 150 sur les nôtres. Mais, même en adoptant cette différence à laquelle je ne crois pas, je pense que, le droit qu’on propose d’établir, excéderait 7 p. c., et j’en trouve la raison dans les calculs produits hier, et dans ceux qu’on présente aujourd’hui. Hier on a invoqué l’opinion d’un négociant de Gand, qui disait que le droit perçu par la France sur nos toiles était de 15 à 16 pour cent de la valeur. Eh bien, en admettant la proportion que vous avez établie entre les toiles belges et les toiles d’Allemagne, le droit sur celles-ci serait de 10 à 11 p. c.
Cependant, la différence n’est pas de 7 à 10 entre les propositions de la section centrale et les chiffres du tarif français. Car là où le tarif français porte 105 elle propose 100 ; où il y a 240 elle propose 220. Ces différences sont minimes. Il y en a quelques-unes plus fortes, mais elles sont loin dans la proportion de 7 à 10 ou 11.
De ces simples rapprochements on peut conclure avec certitude que le droit qui résulterait des propositions de la section centrale serait supérieur à 7 p. c. Ou bien c’est que les renseignements donnés hier comme exacts ne le sont plus.
D’après les calculs de M. Desmet, autant que j’ai pu les saisir, le droit serait également supérieur à 7 p. c. Il a dit que le droit français appliqué à nos toiles équivalait à 12, 13 et 14 p. c. de la valeur, Eh bien, ce droit sur les toiles d’Allemagne, d’après la proportion établie, reviendrait à 9 1/2. Or, la différence entre nos chiffres et ceux du tarif français est moindre que celle de 7 à 9 1/2.
D’après toutes ces considérations j’appuie le renvoi à la section centrale, et j’espère que le gouvernement s’occupera de rassembler des documents qui puissent éclairer la chambre.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - J’appuie la proposition qui est faite de renvoyer à la section centrale, pour être soumis à un nouvel examen, le tarif présenté par elle. Entre autres avantages qui résulteront de cette mesure, c’est que le ministère pourra y être appelé, et dès lors il pourra prendre part à la discussion sur l’importante matière qui nous occupe, presque sans résultat, depuis trois jours : n’étant pas intervenu dans le travail qui est soumis à vos délibérations, le silence qu’il garde dans les débats de cette séance s’explique naturellement.
M. de Robaulx. - Je n’entrerai pas dans le fond de la discussion comme plusieurs des honorables préopinants ; je ne parlerai que du renvoi à la section centrale. Mais il faut savoir ce qu’on y fera. Je n’ai pas demandé de majorer le droit sur les toiles. Mais la chambre, dans une séance précédente, a décidé qu’il y aurait majoration, et tous ceux qui ont dit que cette majoration devait être de 7 p. c., ont été l’écho de leur propre opinion, car il n’y a pas eu de décision à cet égard.
J’ai réclamé la parole pour me rallier à la proposition du renvoi à la section centrale et pour demander en même temps que le ministre y fût entendu, afin que d’après les statistiques qu’il doit connaître mieux que chacun de nous, il pût fournir des renseignements qui nous missent à même de résoudre les questions si inutilement débattues dans cette enceinte depuis deux jours.
Quant aux questions de chiffre, les membres de la section centrale pourront appeler leurs contradicteurs et s’entendre avec eux. Je pense que les considérations de politique financière seront approuvées par la section centrale, et seront l’objet des méditations du ministre.
Une observation que je prie la section centrale et le ministre de ne pas perdre de vue, c’est que quand on veut qu’un tarif produise le résultat qu’on se propose, protège, il faut que la douane puisse en assurer l’exécution. Car si nos douaniers ne peuvent pas faire élever le taux du tarif des contrebandiers, il est inutile d’augmenter le droit. Si les renseignements fournis sont vrais, la prime de garantie des contrebandiers est de 5 p. c. pour les toiles sur certaines frontières. Il est évident qu’en élevant le droit, vous donnez une prime aux fraudeurs.
Il faut donc que vous combiniez votre tarif avec vos moyens de répression. Il est certain que si, au moyen d’un droit de commission de 5 p. c., la fraude peut fournir des toiles aux consommateurs belges, établir un droit plus élevé à l’entrée des toiles étrangères, droit dont on n’a pas le pouvoir d’assurer la perception, c’est encourager la fraude, et offrir un appât aux fraudeurs. Je n’ai pas voulu m’associer à une semblable absurdité. Tout ce que j’ai dit relativement au tarif français a trait uniquement à des considérations politiques. J’appelle l’attention de la section centrale sur l’assurance des fraudeurs, et je demande que tout le travail lui soit renvoyé afin que nous puissions connaître ses nouvelles observations et l’opinion de M. le ministre des finances.(La clôture ! la clôture !)
M. le président. - La parole est à M. Gendebien sur la clôture.
- Plusieurs voix. - Le renvoi à la section centrale !
M. Gendebien. - Le renvoi est facile à demander. Mais encore faut-il savoir ce qu’on veut renvoyer. Nous ne sommes encore d’accord sur aucun point. Ce qui paraissait décidé dans la séance d’hier est mis aujourd’hui en question.
La chambre adoptera-t-elle un droit de 7, 9, 10 p. c. sur la valeur ? C’est sur quoi nous hésitons encore. Veuillez remarquer qu’en définitive il faut bien que la section centrale ait des données à cet égard. Il y a donc une question que la chambre doit nécessairement résoudre avant de renvoyer le projet à la section centrale.
La chambre entendait bien fixer le droit à 7 p. c. de la valeur. Mais depuis, un honorable député de Bruges a fait valoir des considérations tendant à nous faire adopter un ordre de droits tout nouveau. Si vous renvoyez purement et simplement le travail à la section centrale, la section centrale pourra prendre pour bonnes les idées qui viennent d’être mises en avant dans cette séance, attendu que, comme elles n’ont pas été combattues, elles se présenteront avec tout leur avantage. Il faut donc continuer la discussion une demi-heure au moins, pour que nous puissions être d’accord sur le taux du droit à imposer à l’importation des toiles.
Quant à la réponse que M. le rapporteur de la section centrale a faite aux considérations que j’ai émises sur les toiles d’Allemagne, réponse qui consiste à dire : Nous conseiller de faire comme les Allemands, c’est nous conseiller de faire de mauvaise toile, je serais tenté de lui répliquer : Pourquoi pas ? Si le commerce veut de mauvaise toile, de quel droit le contraindriez-vous à en user de bonnes, à livrer à la consommation une espèce de toile que vous fabriquez depuis des siècles sans y avoir apporté de modifications ?
Si ces toiles ne devaient servir qu’à un seul usage, et que votre fabrication fournît la meilleure, je dirais : Ne vous départez pas de votre ancien système. Il n’y a pas de toile plus solide, certes, que la toile à voiles. Voudriez-vous contraindre nos dames, nos élégants en Belgique à doubler leurs vêtements de toiles à voiles ?
Les costumes ont changé et les étoffes ont suivi les caprices de la mode. Il suffit pour s’en convaincre de remarquer quelle garantie de durée offraient les costumes des temps passés. Le consommateur belge préfère actuellement les toiles d’Allemagne parce qu’elles sont plus légères et que c’est la légèreté de l’étoffe qu’il cherche.
La mission de l’industrie est de satisfaire tous les goûts, que dis-je, de provoquer les goûts afin d’exciter une plus grande consommation. Vous avez en économie industrielle des idées tout à fait inverses ; Je le répète donc ; que le fabricant fasse de mauvaise toile, si le consommateur préfère de mauvaise toile. Ce n’est pas à lui à se constituer juge de son goût. Sans posséder des connaissances spéciales, ce sont là de ces raisons qui tombent sous le sens. Je termine ; car je suis plus fatigué de parler sur une matière que je ne connais pas, que la chambre ne l’est de l’entendre.
Je pense qu’il ne faut pas clore la discussion, si l’on veut qu’elle ne recommence pas plus tard sans fruit aucun pour la chambre.
M. de Robaulx. - Si vous continuez la discussion, il me semble que vous n’arriverez à aucun résultat. Vous voulez que le gouvernement qui est demeuré silencieux soit entendu sur le taux du tarif. Il me semble que ce serait réellement passer du temps en pure perte que de continuer une discussion à laquelle le ministère dont vous avez intérêt à connaître l’opinion ne pourrait prendre aucune part. N’est-il pas plus rationnel, puisque notre désir à tous est de renvoyer le travail à la section centrale, que toutes les questions importantes lui soient de nouveau soumises afin que le ministère, que la section centrale et les députés y puissent élaborer et fondre leurs différentes opinions ? Je demande donc que la clôture soit prononcée.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je serais tenté de demander la clôture sur la clôture.
M. d’Huart. - Toute la difficulté ne provient pas de la fixation du taux ; car la chambre paraît bien décidée à n’accorder qu’un droit de 7 p. c. sur la valeur. Toute la difficulté est née de ce que le système de la section centrale a imposé en réalité un taux évidemment énorme de 30 p. c. sur certaines qualités de toiles. Comme vous l’a très bien fait remarquer l’honorable M. Legrelle, le principe que vous avez posé, si vous suiviez le travail de la section centrale, n’aboutirait à rien.
Ce qu’il y a de plus sage est de renvoyer le projet de loi à la section centrale. Elle examinera toutes les questions qui ont été soulevées dans cette discussion. Elle vous présentera un travail raisonné, des conclusions positives, sur lesquelles la chambre pourra au moins délibérer en connaissance de cause.
M. Desmaisières, rapporteur. - La section centrale peut fort bien revoir son travail. Elle aura à examiner si elle adoptera le tarif français, et dans ce cas il n’y aura pas de calculs à faire. Mais si elle se décide pour un droit quelconque autre que le droit adopté en France, elle fera ses calculs en conséquence, et si la chambre adoptait une autre base, rien ne serait plus aisé que de réduire ou d’augmenter proportionnellement les chiffres de la section centrale. En effet, si la section centrale propose 10 p. c., et que la chambre adopte le chiffre de 5, il suffira de réduire tous les chiffres du projet de moitié.
M. Dumont. - Je pense que ce que vient de dire M. le rapporteur de la section centrale, loin d’appuyer le renvoi, prouve la nécessité de décider le principe sur lequel la section centrale devra opérer. Dans le cas où celle-ci adopterait le tarif français, elle ne nous présenterait aucun calcul ; et si la chambre ne partageait pas son opinion, nous serions dépourvus de chiffres qui pussent nous guider. M. de Robaulx a dit, pour justifier le renvoi à la section centrale, qu’il ne fallait pas fixer le taux, attendu que le gouvernement n’avait pas fait connaître son opinion.
J’en appelle aux souvenirs de la chambre, M. le ministre des finances n’a-t-il pas dit qu’il se ralliait aux propositions de M. Rodenbach ? Nous connaissons donc l’opinion du gouvernement, à moins que M. le ministre (et je ne le pense pas) ne change d’avis en deux jours. La raison qu’allègue M. de Robaulx en faveur du renvoi tombe donc par ce fait.
M. d’Huart a posé comme fait ce qui est révoqué en doute. M. d’Huart suppose que toute la chambre est d’accord sur le taux de 7 p. c. C’est précisément ce qui a été contesté par M. de Muelenaere. Il a mis en avant des considérations sur l’adoption du tarif français, considérations qui, en raison de l’influence qu’ont toujours les paroles de l’honorable membre, méritent d’être sérieusement méditées.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je ne pourrais parler sans entrer dans la discussion du fond ; je désire que la clôture soit prononcée.
M. Gendebien. - Puisque M. le ministre s’est levé, je lui demanderai s’il entend maintenir le taux de 7 p. c. ? On a prétendu que le gouvernement ne s’était pas expliqué sur ce point ; il peut le faire maintenant.
$ Vérifier si c'est bien le ministre de l'intérieur qui parle ensuite ou le ministre des finances
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Il avait paru décidé en principe, et par la chambre, et par le gouvernement, que le droit qu’on veut mettre sur les toiles ne dépasserait pas 7 p. c. : c’est quand on s’est aperçu que le tarif présenté par la section centrale dépassait ce chiffre, que la discussion s’est élevée, et qu’elle a continué sans résultat.
C’est un motif pour nous de regretter que la chambre se soit écartée du mode de perception établi actuellement.
Si la chambre avait adopté ce mode de perception, basé sur la valeur, elle aurait pu, par la suite et éclairée par l’expérience, établir une autre base pour le tarif, et nous aurions pu dès avant-hier tout terminer. Le désaccord dans l’assemblée est né à propos de la base de la perception, et il se perpétuera probablement ; car on n’a plus aucune donnée certaine pour établir les divers articles du tarif. D’après l’opinion des membres de la section centrale elle-même, il y a, par le tarif qu’elle propose des différences de 10 p. c., de 15 p.c. et même de plus grandes.
Si la chambre pouvait revenir sur sa première détermination, elle se contenterait d’élever le droit de 7 p. c. et à le percevoir d’après le mode actuellement établi sauf à examiner plus tard s’il ne faut pas changer cette base.
Si j’étais intéressé dans la question comme les honorables députés des Flandres, intérêt bien naturel, j’adhérerais à l’augmentation du droit de 7 p. c. sur la valeur. Je crains qu’en renvoyant à la section centrale, la loi tant désirée ne soit pas votée par la chambre. Vous avez fixé au premier juillet l’ouverture de la discussion sur la loi communale, et si la loi sur les toiles n’est pas portée d’ici là, il est probable que les industriels des Flandres n’obtiendront pas la protection qu’ils réclament.
M. Legrelle. - Toute la question est de savoir si, en renvoyant le tarif à la section centrale, elle prendra, oui ou non, 7 p. c. pour base de l’augmentation adoptée par la chambre.
M. le président. - Il vaut mieux continuer la discussion que de parler ainsi sur la clôture.
Je vals mettre la clôture aux voix.
- La chambre ferme la discussion.
M. Legrelle. - Eh bien, nous sommes aussi avancés qu’auparavant.
- La chambre renvoie le tarif à la section centrale.
M. Desmaisières, rapporteur. - Je ferai observer que plusieurs membres de la section centrale sont absents : MM. de Behr, de Meer de Moorsel, Schaetzen ; un autre membre, M. Dugniolle, n’en fait plus partie. Il faudrait les remplacer. J’invite les membres qui pourraient donner des renseignements à se réunir à la section centrale et à l’aider dans son travail.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - La chambre a sous les yeux le rapport présenté par l’honorable M. de Puydt, au nom d’une section centrale chargée de l’examen d’une demande de fonds faite par plusieurs membres de cette assemblée, pour exécuter des réparations aux rives de la Meuse dans la province du Limbourg, et aux rives de l’Ourthe dans la province de Liège. Ce rapport contient bien des conclusions, mais ces conclusions n’ont pas été formulées en loi : c’est pour remplir cette lacune que je soumettrai à la chambre un projet en trois articles, sur lequel elle pourrait voter dès à présent. Ce projet, je le présente en mon nom. Il est extrêmement simple, et je le dépose sur le bureau.
M. Dubus. - Je ne crois pas qu’on puisse voter d’après un rapport que peu de personnes ont lu peut-être. Il faut craindre les lois improvisées ; le projet aurait dû nous être présente il y a quelques jours.
J’ai fait hier la motion de mettre à l’ordre du jour la discussion sur les circonscriptions des cantons de justice de paix ; il a été décidé que ce serait après le vote sur la loi concernant le tarif des toiles qu’on fixerait l’époque de la discussion de la loi relative aux cantons ; maintenant que la chambre vient de prendre une décision à l’égard du tarif des toiles en le renvoyant à la section centrale, je renouvelle ma demande de la mise à l’ordre du jour, et même pour demain, de la loi sur les cantons.
Déjà trois rapports vous ont été distribués il y a près d’un mois ; les autres ne tarderont pas à vous être présentés.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Je partage l’opinion de M. Dubus ; il est bon de se garder des discussions improvisées ; mais si j’ai proposé une discussion sur les conclusions de la section que l’objet de ces conclusions n’est pas nouveau pour la chambre. L’année dernière elle a déjà adopté une loi semblable sur la proposition de M. de Theux. Soixante-treize mille francs ont été accordés à titre d’avance pour réparations aux rives de la Meuse dans le Limbourg ; cette somme ayant été insuffisante, nous venons en demander une autre de 50 mille francs aux mêmes conditions. On l’appliquera aux réparations de rives de la Meuse dans le Limbourg, et aux rives de l’Ourthe, à l’endroit dit Forchu-Fossé, dans la province de Liège.
J’insisterai près de la chambre pour que la loi soit mise immédiatement en discussion, parce que nous sommes dans une saison déjà avancée pour des travaux de ce genre et que ces travaux sont de la dernière urgence.
La chambre ne peut mettre le gouvernement dans l’impossibilité de travailler à ces réparations : plus tard l’argent qu’on emploierait en travaux serait véritablement de l’argent perdu. Je prie donc la chambre de mettre à l’ordre du jour la loi que je viens de présenter.
M. Simons. - Je demande aussi la priorité pour la proposition de l’honorable M. Olislagers. Vous savez, messieurs, que cette proposition a pour objet la demande d’une allocation pour ouvrages indispensables et urgents à faire aux rives de la Meuse.
Dans une précédente séance, la nécessité de ces travaux a été démontrée à l’évidence. Des rapports officiels, produits à cette occasion par M. le ministre de l’intérieur, confirment pleinement ce que nous avons eu l’honneur de vous exposer à ce sujet ; aussi la chambre aurait-elle pris à cet égard une décision immédiate, si, sur l’observation d’un honorable membre, et surtout par suite d’autres demandes d’allocations faites pour travaux de même nature, elle n’eût jugé prudent de renvoyer la proposition à la section centrale, pour plus ample information.
Le rapport qui vient de vous être présenté par M. de Puydt, par suite de ce renvoi, ne peut plus laisser le moindre doute dans vos esprits sur l’urgence de ces ouvrages. Après avoir recueilli tous les renseignements propres à former sa conviction, après s’être environnée de tout ce qui peut jeter du jour sur l’objet, votre section centrale a reconnu, à l’unanimité de ses membres, si je ne me trompe, que ces ouvrages ne souffrent aucune remise.
Eh bien, messieurs, du moment que l’urgence de cet objet est reconnue, il faut que la proposition dont il s’agit ait le pas sur toutes les autres. En effet, pour peu que la chambre tarde à prendre à cet égard une décision, la bonne saison, la seule propre à la confection de ces sortes d’ouvrages, passe, et il deviendra absolument impossible de s’en occuper avant la crue des eaux.
Veuillez bien y réfléchir, messieurs, les suites sont incalculables ; toute une localité est exposée aux désastres les plus affreux ; plusieurs habitations sont menacées d’être englouties dans les eaux, et une masse de terres labourables des plus fertiles, unique ressource des communes riveraines de la Meuse, vont être perdues pour un grand nombre d’années si vous ne mettez promptement le gouvernement à même de pouvoir prendre à temps les mesures propres à détourner ces calamités.
D’après ces considérations, je supplie la chambre de vouloir accorder la priorité à la discussion de la proposition dont il s’agit. Cette discussion, qui est à peu près épuisée par ce qui a été dit dans une séance précédente, ne peut guère se prolonger.
Le rapport de votre section centrale répond déjà en grande partie au peu d’objections que la proposition a rencontré jusqu’ici dans cette assemblée ; j’ai donc tout lieu de me promettre que peu de moments suffiront pour mettre la chambre à même de prendre sur ce point une décision en pleine connaissance de cause.
Ne pas accueillir favorablement la motion d’ordre que j’ai l’honneur de faire, ce serait réellement renvoyer aux calendes grecques la proposition dont il s’agit, ainsi que celle des honorables MM. Fleussu, de Behr, Ernst et de Laminne, qui s’y rattache ; ce serait vous mettre vous-mêmes en contradiction manifeste avec votre section centrale qui a reconnu l’urgence de ces travaux.
Telle, sans doute, ne peut pas être votre intention. Je persiste donc à demander que les propositions dont il s’agit soient mises en discussion à votre séance de lundi prochain.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Je demanderais à M. le président qu’il voulût bien donner lecture de la proposition que j’ai déposée sur le bureau.
M. le président donne lecture de la proposition.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Je rappellerai encore à la chambre que le projet que j’ai déposé se rattache au budget du département de l’intérieur, que même il a été sur le point d’être discuté avant le budget. On a retardé sa discussion pour passer au vote du budget de l’intérieur, et il a été dans l’intention de la chambre de le reprendre après cette dernière discussion.
L’examen du projet avait souffert quelque retard dans la section centrale parce que la section centrale demandait des renseignements au gouvernement sur l’état des lieux et sur l’évaluation de la dépense ; la chambre jugea qu’il y avait urgence dans cette dépense ; depuis 4 mois se sont écoulés, et je crois que l’assemblée reconnaîtra la nécessité d’une loi dont elle appréciait l’urgence il y a quatre mois.
Vous remarquerez que le gouvernement demande une somme de 130,000 fr., en se réservant de poursuivre le recouvrement de cette somme à qui de droit.
Il s’agit de sauver plusieurs milliers de terrains, il s’agit de prévenir des malheurs qui résulteraient des inondations.
Je ne pense pas que la chambre veuille prendre sur elle la responsabilité qui retomberait sur ceux qui auraient mis des entraves à l’exécution des travaux dont l’urgence est reconnue.
M. Dewitte. - Je suis, avec quatre de nos collègues, rapporteur de la commission des pétitions ; j’ai apporté déjà ces pétitions à la séance sept ou huit fois, elles finiront par être usées, si je les emporte et rapporte encore. (On rit.)
Je demande que le rapport de la commission des pétitions soit mis à l’ordre du jour de demain avant la proposition de M. le ministre de l’intérieur.
M. Legrelle. - J’appuie la proposition de M. Dewitte. Il est urgent de s’occuper des pétitions qui depuis une semaine sont mises à l’ordre du jour.
M. Eloy de Burdinne. - Dans la séance d’hier j’ai demandé qu’on accordât la priorité à la loi sur les céréales ; aujourd’hui je reconnais que l’on peut s’occuper de la proposition dont vient de vous entretenir M. Simons. Cependant je prierai la chambre de faire attention à ne pas mettre trop d’affaires à l’ordre du jour avant la discussion de la loi communale.
La chambre de commerce est occupée du projet de loi sur les céréales qui pourra vous être soumis vers mardi ; vous pourrez donc bientôt vous occuper de l’examen de la question des céréales, question qui, je le répète, est vitale pour le gouvernement.
M. le ministre de l'intérieur a dit hier qu’il ne se ralliait pas au projet ; j’espère que M. le ministre s’y ralliera, parce qu’il n’est pas entêté. (Hilarité prolongée.) Je suis convaincu que M. le ministre adoptera le système du projet, qui doit favoriser notre industrie et mettre le pays en état de pouvoir continuer à recevoir les contributions fiscales.
M. d’Huart. - Il me semble que rien ne presse si fort à l’égard de la proposition que vient de déposer M. le ministre de l’intérieur ; il faut que nous ayons le temps d’examiner ce rapport ; quant à moi, je déclare que j’ai besoin de le connaître. D’ailleurs, je ferai remarquer que le sénat n’est convoqué que pour le 26, et qu’il suffit que la loi dont il s’agit soit votée pour être présentée au sénat lorsqu’il sera assemblé. Quant à la responsabilité dont a parlé M. le ministre, ce n’est pas sur la chambre qu’elle doit tomber ; ce n’est pas le ministre qui présente la proposition, ce sont les députés du Limbourg ; ainsi, ce n’est pas l’attention du ministère qu’a été éveillée la première sur la nécessité des travaux dont il est question.
La seule responsabilité à craindre, c’est celle de voter légèrement les lois qui demandent un crédit de 130,000 fr. avant de prendre toutes les garanties nécessaires pour faire rembourser cette somme ; pour moi je crois que la dépense ne doit pas incomber à l’Etat, mais aux propriétaires riverains.
M. de Theux. - Je demande que la proposition de M. le ministre de l’intérieur soit mise à l’ordre du jour de demain avant le rapport des pétitions ; je crains, s’il n’en est pas ainsi, que la chambre ne soit pas en nombre ; car des membres pourront bien s’absenter si on doit s’occuper des pétitions avant tout autre objet.
Quant à ce qu’a dit M. d’Huart sur la proposition de M. le ministre de l’intérieur, je ferai remarquer qu’il s’agit seulement de continuer les subsides qui ont déjà été accordés ; le rapport n’est pas d’une longue étendue, et il est facile d’en avoir pris connaissance d’ici à demain.
J’appuie la proposition de M. Dubus, et je dirai à M. Eloy de Burdinne que lorsque le rapport de la loi des céréales aura été fait et que nous en aurons pris une connaissance suffisante, nous pourrons interrompre la loi des circonscriptions judiciaires, pour discuter la loi des céréales. Ainsi je demande qu’on mette à l’ordre du jour, d’abord le projet dépose par M. le ministre de l’intérieur, ensuite le rapport des pétitions et ultérieurement la discussion de la loi des circonscriptions judiciaires.
M. de Muelenaere. - Je demande que la chambre veuille bien s’occuper le plus tôt qu’il lui sera possible de la loi sur les céréales ; quant à moi, je déclare que ce projet est d’une importance majeure et d’une haute gravité pour le pays tout entier.
M. Dubus. - On insiste beaucoup sur le projet relatif aux céréales ; je dois faire remarquer que cette loi est très importante et qu’il faut du temps pour l’examiner ; demain, la section centrale s’assemble pour s’en occuper avec la commission d’industrie. Maintenant nous n’avons pas à nous en occuper. Sitôt que le rapport sera imprimé et distribué, la chambre pourra se prononcer sur la priorité à accorder à la discussion de la loi sur les céréales.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je crois que M. Eloy de Burdinne se trompe sur la portée de la proposition de M. Dubus, tendante à faire mettre à l’ordre du jour la discussion de la loi sur la circonscription judiciaire.
Il est vrai que ces projets sont urgents, et la question des céréales peut présenter un caractère d’urgence beaucoup plus prononcé. Moi, je ne vois pas l’intérêt que peut avoir M. Eloy de Burdinne à empêcher de mettre à l’ordre du jour la discussion des circonscriptions cantonales. Cette discussion pourra facilement s’interrompre si le rapport sur les céréales est présenté. Il y a plus, cette discussion s’interrompra d’elle-même, car d’un projet général on a fait neuf projets provinciaux.
M. Eloy de Burdinne. - J’avais demande la parole pour dire à peu près la même chose que M. le ministre de la justice.
M. Dubus a dit que la loi sur les céréales était d’une très grande importance et devait être examinée avec maturité. J’en conviens, mais nous avons des documents suffisants pour démontrer que la chose ne présente pas autant de difficultés qu’on le suppose. On n’a qu’à recourir au Moniteur du mois d’avril 1831 et aux discussions de la chambre des députes de 1832 ; on y verra tous les arguments pour et contre. La question a également été longuement discutée aux états-généraux de 1824 et 1825.
Personne ne peut se trouver embarrassé pour se prononcer. Quant à la maturité dont l’honorable membre a parlé, je dirai que je crains qu’en voulant laisser trop mûrir le fruit, vous ne le mangiez que quand il sera gâté.
M. Dewitte. - Je demande qu’on mette à l’ordre du jour de demain le rapport des pétitions.
M. Legrelle. - Parmi les pétitions à rapporter il en est de très urgentes. J’appuie la proposition de M. Dewitte, et je demande que le projet du ministre soit mis à l’ordre du jour de lundi.
M. de Theux. - Je répète que je crains que lundi on ne soit plus en nombre pour discuter le projet de M. le ministre de l’intérieur. On pourrait mettre à l’ordre du jour de demain et ce projet et les pétitions.
M. Berger. - J’appuie la proposition de M. Dewitte de mettre les pétitions à l’ordre du jour de demain. Plusieurs de ces pétitions sont très importantes. Il en est qui sont relatives à des travaux publics dont l’approbation sera arrêtée aussi longtemps que les rapports n’auront pas été faits.
D’autres ont pour objet des réclamations pour inondations. L’honneur du pays est engagé à ce qu’on leur rende justice. Il est impossible qu’on retarde plus longtemps de faire droit aux réclamations des citoyens dont les propriétés ont été inondées ou saccagées lors de la révolution. (Aux voix ! aux voix !)
- La chambre, consultée, met à l’ordre du jour de demain le projet de loi relatif aux réparations des digues de la Meuse et le rapport de la commission des pétitions.
La loi relative aux circonscriptions judiciaires est mise à l’ordre du jour de lundi.
La séance est levée à quatre heures et demie.