(Moniteur belge n°129 et 130, des 9-10 mai 1834)
(Présidence de M. Raikem.)
La séance est ouverte à midi et demi.
M. de Renesse procède à l’appel nominal.
M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier ; la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse fait connaître les pièces suivantes adressées à la chambre.
« Cent cinquante habitants de Bruxelles demandent à la chambre, dans l’intérêt de l’humanité souffrante et pour la conservation du spécifique de M. Lubin, de vouloir bien provoquer de M. le ministre de l’intérieur la présentation prompte d’un projet de révision de la loi du 12 mars 1818 ou de prendre l’initiative. »
- Renvoyée à la commission des pétitions.
« Plusieurs porteurs de los-renten s’adressent de nouveau à la chambre, afin d’obtenir par son intervention le paiement des intérêts échus sur leurs obligations. »
- Renvoyé à la section centrale chargée de l’examen de la question relative aux los-renten.
« L’administration de Flobecq demande que cette commune soit érigée en chef-lieu du canton d’Ellezelle. »
« Même réclamation adressée par le sieur Lebran, juge de paix du canton. »
- Renvoyées à la commission chargée de l’examen du projet de loi sur la circonscription des justices de paix.
« Les bourgmestres des diverses communes composant le canton de Perwelz demandent que le chef-lieu du canton soit transféré en la commune de Walhain-St-Paul. »
« L’administration communale de Hooglede demande une cette commune fasse partie du nouveau canton judiciaire. »
- Ces deux pétitions sont renvoyées à la commission chargée de l’examen du projet de loi sur la circonscription des justices de paix.
Le sieur E.-P. de Brabant, ex-contrôleur du cadastre dans la province du Limbourg, réclame le paiement de indemnités qui lui ont dues.
- Cette pétition est renvoyée à la commission chargée d’examiner la situation des opérations cadastrales.
« Le sieur Bernard J. Hebbelincks, ex-greffier de la justice de paix de Nazareth, réclame l’intervention de la chambre pour être porté comme candidat à la première justice de paix vacante. »
« Le sieur J.-F. Sap, propriétaire et cultivateur, réclame des changements dans la répartition des taxes locales dites : abonnements. »
« Un grand nombre de médecins, chirurgiens et accoucheurs des provinces d’Anvers et des deux Flandres, réclament une nouvelle loi sur l’organisation médicale. »
- Ces trois pétitions sont renvoyées à la commission chargée de l’examen des pétitions.
M. de Roo et M. Helias d’Huddeghem demandent un congé.
- Accordé.
M. le président.- La chambre s’est arrêtée dans sa dernière séance au 5ème numéro de l’article suivant de la section centrale :
« Art. 39. Ne peuvent être membres du conseil provincial :
« 1° Les membres de la chambre des représentants ou du sénat ;
« 2° Le gouverneur de la province ;
« 3° Le greffier provincial ;
« 4° Les commissaires d’arrondissement et de milice ;
« 5° Les administrateurs du trésor, les percepteurs on agents comptables de l’Etat ou de la province ;
« 6° Les ingénieurs des ponts et chaussées et les ingénieurs des mines ;
« 7° Les officiers de l’armée de ligne en activité de service ;
« 8° Les architectes employés par l’administration dans la province ;
« 9° Les employés au gouvernement provincial, ainsi que les employés au commissariat d’arrondissement et de milice. »
- Le 5ème numéro est mis aux voix et adopté.
M. Desmanet de Biesme. - Je demande la suppression du 6ème numéro relatif aux ingénieurs.
M. de Theux, rapporteur. - Je demande la parole pour expliquer en peu de mots les motifs de la commission pour proposer l’incompatibilité dont il s’agit. Cette incompatibilité est reconnue en France, et elle y a été introduite sans contestation sur la proposition du gouvernement. Le motif qui a été donné, c’est que les ingénieurs des ponts et chaussées sont en quelque sorte subordonnés à l’administration provinciale, du moins dans une partie de leurs attributions ; on a pensé qu’ils seraient portés à proposer au conseil les entreprises qu’ils seraient chargés de surveiller. Ce sont les mêmes motifs qui ont déterminé la section centrale. (Aux voix ! aux voix !)
M. Desmanet de Biesme. - Dans la précédente séance, j’ai dit qu’il était utile que les ingénieurs des ponts et chaussées et les ingénieurs des mines fissent partie du conseil provincial, surtout pour ce qui concerne la direction à donner aux routes, parce que les intérêts particuliers se croisent souvent avec l’intérêt particulier.
J’ajouterai que, dans cette chambre, où l’on traite ces questions, nous n’avons pas reconnu d’inconvénients à y voir des ingénieurs, et que bien au contraire, dans une dernière discussion sur les routes en fer, deux ingénieurs, en soutenant un système différent à celui qui était proposé, ont donné des motifs qui ont fixé l’opinion d’un grand nombre de membres.
Je déclare que quant à moi, je suis ennemi de toute incompatibilité, à l’exception des membres de la chambre des représentants ou du sénat. Chaque fois que vous établissez des incompatibilités, vous vous montrez en contradiction avec le mode consacré de l’élection directe. Sans examiner si l’élection directe est le meilleur système, je dis que lorsqu’on est entré dans un système, il faut en suivre les conséquences. Ainsi, du moment que l’élection directe a été admise pour cette chambre, qu’on n’a reconnu aucune incompatibilité, il doit en être de même pour le conseil provincial. Autrement, il existerait une espèce de bigarrure qui aurait de graves inconvénients.
Lorsque vous établissez une liste d’incompatibilités telle que la propose la section centrale, vous vous éloignez absolument de l’esprit de la législation. Je ne nie pas qu’il y ait quelquefois quelque inconvénient à ce que certains fonctionnaires fassent partie du conseil provincial, mais nous voyons dans cette chambre des employés du gouvernement, et l’expérience démontre que cette qualité n’a pas nui à leur indépendance ; dans un pays constitutionnel on ne voit pas un ennemi des libertés publiques dans tout employé du gouvernement.
D’après ces motifs, je persiste dans mon amendement.
M. de Puydt. - Je viens appuyer l’amendement proposé par l’honorable M. Desmanet de Biesme.
A mon avis il n’y a aucun motif de ne pas considérer les ingénieurs comme éligibles.
Les ingénieurs ne doivent pas être classés parmi les employés ordinaires ; ils sont ingénieurs par leurs connaissances, leurs talents, et non parce que le gouvernement les emploie en cette qualité ; si le gouvernement cesse de les employer, il n’en conservent pas moins leurs facultés, ils n’en exercent pas moins leur profession qu’ils tiennent d’eux, et non d’une nomination révocable. Les ingénieurs sont donc indépendants par état, tout autant que les avocats dont l’administration emploie le ministère ; ils ne doivent pas plus que les avocats être exclus des états provinciaux.
En Prusse, où tout ce qui tient aux attributions des fonctionnaires est rigoureusement déterminé, les régences des cercles sont composées d’un certain nombre de membres ayant chacun des fonctions particulières. Ainsi par exemple, l’un est chargé des contributions, l’autre du contentieux administratif, un troisième de l’inspection des routes, etc.
C’est la réunion de ces spécialités qui constitue l’administration provinciale. L’inspecteur des travaux publics est un ingénieur, et dans l’une des régences, entre autres celle de Cologne, cet inspecteur est un ancien élève de l’école polytechnique.
Messieurs, ayez foi dans les lumières et dans l’intégrité des hommes spéciaux. Accordez surtout quelque confiance aux faits ; lisez les annales des travaux publics, vous y verrez que, sans aucune exception, les ingénieurs ont toujours donné leurs avis sur les questions les plus importantes avec cette indépendance qui est le partage de presque tous les esprits éclairés.
Je m’oppose donc à l’exclusion proposée.
M. Jullien. - J’appuierais l’amendement proposé par l’honorable M. Desmanet de Biesme, si je ne trouvais pas dans l’article 62 du projet que les ingénieurs des ponts et chaussées doivent être salariés par la province. Voici ce que porte cet article : « Le conseil est tenu de porter annuellement au budget des dépenses le traitement et frais de route, jusqu’à due concurrence, des ingénieurs et autres employés des ponts et chaussées en service pour la province. » Il paraît ainsi que, dans l’intention de la loi, les traitements des ingénieurs des provinces doivent être à la charge des provinces ; or, si les ingénieurs sont salariés par la province, employés par la province, recevant d’elle un traitement et des frais de route, il ne me paraît pas convenable qu’ils doivent faire partie du conseil plus que les autres employés, car évidemment leur position aurait également quelque chose d’équivoque.
Si l’article 62 disparaissait du projet, je serais le premier à appuyer l’amendement ; mais jusqu’à ce qu’on ait résolu la question de savoir si le traitement des ingénieurs sera porté ou non au budget des dépenses du conseil, je m’opposerai à ce qu’ils fassent partie du conseil.
Je ne doute pas que les ingénieurs des ponts et chaussées ne puissent, par leurs lumières, rendre de grands services au sein du conseil ; mais je ferai remarquer que lorsqu’il s’agira de travaux de route, on pourra y appeler les ingénieurs comme employés de la province ; en cette qualité on mettra leurs lumières à contribution, et ils s’empresseront de donner tous les renseignements qui leur seront demandés.
C’est seulement d’après les considérations que j’ai fait valoir que je voterai contre l’amendement.
M. Desmanet de Biesme. - Je crois qu’il est facile d’obvier à la difficulté signalée par l’honorable M. Jullien. Il y a deux espèces d’ingénieurs, les ingénieurs de l’Etat et les ingénieurs des provinces ; les premiers ne sont pas rétribués par les provinces : il ne peut y avoir d’inconvénient à ce qu’ils fassent partie du conseil provincial.
M. Jullien. - Il suffirait de mettre dans l’article : « les ingénieurs qui ne sont pas salariés par les provinces. » (Oui ! Oui !) Je serais alors d’avis d’adopter l’amendement.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Les ingénieurs sont à la fois ingénieurs de la province et ingénieurs de l’Etat ; les provinces par économie accordent des travaux aux ingénieurs qui sont chargés de faire le service des routes de l’Etat. Je pense, au reste, que les ingénieurs, employés de la province ou employés de l’Etat, ne doivent pas être frappés d’incompatibilité. On a déjà fait remarquer que les conseils provinciaux devront surtout s’occuper d’améliorations matérielles, c’est-à-dire de constructions de routes et de canaux ; dans ces questions, les ingénieurs sont les hommes les plus capables d’ouvrir un avis utile.
Je crois qu’il y aurait de grands inconvénients à frapper d’incompatibilité tous les fonctionnaires publics, dans une assemblée qui doit particulièrement s’occuper d’intérêts matériels, qui est appelée à traiter toutes les questions de pratique. Vous avez éloigné du conseil provincial les commissaires d’arrondissement, comme étant des hommes spéciaux ; si vous en éloignez encore les ingénieurs, il ne restera plus que des hommes à théories, là où l’on devra s’occuper de questions de pratique, de questions dont la solution exige de grandes lumières.
M. de Robaulx. - Je ne sais trop ce qui a fait exclure les commissaires d’arrondissement plutôt que les autres fonctionnaires ; mais assurément ce n’est pas parce qu’ils auraient apporté des lumières au sein du conseil.
Loi de moi, messieurs, la pensée de croire que chaque fonctionnaire public soit nécessairement dépendant, et de telle manière qu’il vote toujours dans le sens du gouvernement ; cependant nous ne devons pas nous dissimuler que les fonctionnaires publics sont dans une position particulière, surtout depuis cette théorie que j’appelle absurde, et en vertu de laquelle tous les hommes qui dépendent du gouvernement, qui sont salariés par le gouvernement, sont les hommes du gouvernement, devant nécessairement voter avec lui. Vous avez vu en effet des hommes qui ont été frappés par le pouvoir parce qu’ils avaient refusé de tremper dans l’arbitraire qui se développe chaque jour de plus en plus. Je le demande, d’après la théorie que je viens de rappeler, peut-on admettre dans le conseil provincial des fonctionnaires amovibles, qui alors même qu’ils seraient indépendants par leurs sentiments, pourraient être dépendants par l’état de leur fortune ?
Je demande pourquoi, après que l’on a exclu les commissaires on voudrait conserver les procureurs du Roi et les autres agents du pouvoir ; quant à moi, je ne m’arrêterais pas à une classification spéciale, et je crois que tous les agents révocables du pouvoir, dans l’ordre administratif comme dans l’ordre judiciaire, ne doivent pas faire partie du conseil provincial ; l’expérience a démontré la nécessité de cette mesure.
Un commissaire de district ne doit pas être placé sur la même ligne qu’un professeur de l’université ; ceux-ci, ainsi que pourrait le démontrer un de nos honorables collègues, sont beaucoup plus indépendants du pouvoir ; je ne me souviens pas qu’il y en ait eu de destitués pour leurs opinions ; je crois même qu’il y a des lois qui ne permettent pas de les destituer.
Les professeurs de l’université, au bout d’un certain temps, jouissent de l’éméritat : ainsi sous beaucoup de rapports ils ne peuvent être assimilés aux agents du pouvoir qui doivent suivre la volonté du ministre sous peine d’être destitués ; cependant, en faveur de ce principe que les fonctionnaires publics salariés par l’Etat ne doivent pas faire partie des conseils provinciaux, je sacrifierais les professeurs de l’université comme les autres fonctionnaires, parce que tôt ou tard les fonctionnaires salariés par l’Etat peuvent être amenés malgré eux à consolider le système du pouvoir. (Aux voix ! aux voix !)
M. de Theux, rapporteur. - Plusieurs orateurs pensent que la section centrale a pris à tâche d’exclure une certaine catégorie de fonctionnaires, par le motif que ces fonctionnaires étaient dépendants du pouvoir ; c’est une erreur grave. Cette pensée est étrangère à la section centrale ; c’est en raison du rapport que les fonctionnaires avaient avec l’administration provinciale, que la section centrale a proposé des exceptions. Ces exceptions avaient été également proposées, toutes nominativement, par le gouvernement français à la chambre des députés ; le ministère sentait si bien que ces incompatibilités devaient être reconnues, qu’il s’est cru dispensé d’en indiquer les motifs, persuadé que chacun les comprendrait facilement.
A l’exception des membres du sénat et de la chambre des représentants, et des militaires, tous les fonctionnaires, dont l’article porte l’énumération, ont des rapports plus ou moins directs avec l’administration provinciale ; c’est, je le répète, par ce motif que la section centrale a proposé leur exclusion du conseil provincial. (Aux voix ! aux voix !)
M. le président. - M. Desmanet de Biesme a modifié, je crois, son amendement en ce sens, qu’il exclut les ingénieurs salariés par la province.
M. Desmanet de Biesme. - D’après les paroles de M. le ministre, je laisse mon amendement tel que je l’avais proposé d’abord.
M. le président met aux voix, le numéro 6 de l’article, en indiquant à la chambre que les membres qui adoptent l’amendement de M. Desmanet de Biesme, devront voter contre le paragraphe.
- Le paragraphe est adopté.
M. le président. - La discussion s’ouvre sur le 7ème numéro relatif aux officiers.
M. Dubois. - Je proposerais de rédiger le paragraphe de la manière suivante : « Les militaires en activité de service. »
M. de Puydt. - Messieurs, ainsi qu’on vous l’a déjà fait observer, nous devons être très sobres d’exclusions, très sobres de mesures tendant à restreindre les droits civils ou politiques.
Je ne puis donc admettre sans évidence d’incompatibilité réelle l’amendement à l’article 38, relatif aux officiers de l’armée.
La loi électorale n’a pas cru devoir considérer les officiers de l’armée comme inhabiles à siéger dans l’assemblée des représentants de la nation, et cependant la durée des sessions législatives présente de bien plus grands inconvénients pour le service que la durée des sessions du conseil provincial ; pourquoi donc alors celui qui peut être admis aux chambres serait-il écarté des conseils provinciaux ?
L’incompatibilité, ainsi qu’il convient de l’entendre, ne consiste pas dans le fait de ne pouvoir, en certains cas, être présent à une assemblée à cause de fonctions spéciales qui exigent la présence ailleurs ; elle consiste dans les attributions, dans l’opposition qu’il y aurait entre des fonctions diverses qui ne doivent pas être exercées par la même personne.
On exclut donc du conseil provincial celui qui, par la nature de ses fonctions, n’y peut être admis : c’est une question de principe que le législateur décide.
On ne nomme pas au conseil provincial celui que ses fonctions mettent dans l’impossibilité physique d’y assister, sans qu’en principe il y ait motif d’exclusion. C’est une question de convenance ; la juger est le devoir de l’électeur.
Soyez assurés que ce ne sera jamais que dans des cas très rares que des militaires pourront être élus ; et probablement, dans ces cas, il n’y aura pas plus d’incompatibilité apparente que d’incompatibilité réelle. Laissez donc toute liberté à l’élection, et ne frappez pas de réprobation des hommes qui doivent jouir comme tous autres de leurs droits politiques, et qui par état sont dévoués au pays.
L’exclusion formulée par le projet de loi est d’ailleurs trop générale, et si parmi les officiers de l’armée il s’en trouve qui, comme les officiers de troupes par exemple, sont exposés à être fréquemment envoyés sur des points éloignés, il en est d’autres qui, comme les officiers des états-majors, les officiers du génie ou de l’artillerie, sont plus sédentaires, et qui par la spécialité de leurs études sont aptes à rendre des services utiles dans les délibérations des assemblées provinciales.
Quel si grand mal y aurait-il donc à ce qu’un général, un colonel commandant un régiment en garnison dans une province, attachés peut-être par des intérêts de fortune à cette province, un officier supérieur ou autre, du génie ou de l’artillerie, fût appelé à faire partie de l’assemblée provinciale, s’il peut apporter dans cette assemblée le tribut de ses lumières ? J’y verrais, quant à moi, un très grand bien. Rien n’exige après tout que de telles fonctions soient permanentes ; si, après une ou plusieurs sessions un militaire membre du conseil provincial est envoyé dans une autre province, il sera pourvu à son remplacement sans que le conseil soit arrêté dans ses travaux, sans qu’il puisse pour cela perdre ses traditions.
Messieurs, n’isolez pas trop les militaires, n’affectez pas de les placer toujours dans une position exceptionnelle ; celui qui sert son pays avec son épée est tout aussi citoyen que celui qui lui consacre ses talents comme administrateur. Former une catégorie à part des officiers de l’armée, c’est donner de l’aliment à cet esprit de corps qui partage les peuples en associations hostiles les unes aux autres, qui fait de l’armée une puissance en opposition avec la nation.
Si vous voulez que l’armée soit belge, qu’il n’y ait point de distinction de droits, faites que ses membres soient électeurs et éligibles. Voulez-vous en faire une garde prétorienne, tirez une ligne de démarcation entre elle et les autres citoyens ; mais alors attendez-vous à voir un jour ou l’autre quelques Césars s’en servir pour se mettre au-dessus des lois.
Je voterai contre le paragraphe en question.
M. le président. - Le paragraphe 7 porte exclusion des officiers de l’armée de ligne en activité de service.
M. Dubois. - Je demande que l’on rédige ainsi le paragraphe : « Les militaires en activité de service. » En mettant simplement les officiers de l’armée belge, vous n’excluez pas les militaires d’un grade inférieur.
M. de Robaulx. - Du grade de soldat !
M. Jullien. - Je vois que c’est la sixième section qui a proposé l’incompatibilité dont il s’agit dans l’article 7, et le rapport dit que la section centrale l’a admise à l’unanimité ; mais je ne vois nulle part les motifs qui ont déterminé la section centrale : je voudrais les connaître, et je prie M. le rapporteur de nous les exposer.
M. de Theux, rapporteur. - Ce n’est par aucun motif pouvant porter atteinte à la considération des officiers de l’armée que la section centrale a admis l’incompatibilité dont il s’agit.
Les discussions publiques dans des conseils provinciaux ont paru incompatibles avec les habitudes des militaires, avec l’esprit que leur inculque la discipline ; eh bien les militaires reporteraient dans leurs corps cette tendance à tout mettre en discussion qui existe dans les corps délibérants, ou bien ils apporteraient dans le conseil leur esprit d’obéissance. Ces motifs sont, sans doute, ceux qui ont guidé le gouvernement français à inscrire cette incompatibilité dans le projet de loi départementale.
L’on a fait observer que les militaires n’étaient pas exclus des chambres ; ici il y a des considérations particulières qui ont pu les faire admettre : c’est dans les chambres que se discutent tous les intérêts du pays et ceux de l’armée par conséquent ; mais dans les conseils provinciaux jamais il n’y aura un seul intérêt de l’armée en discussion ; et il n’est pas nécessaire qu’elle y ait des représentants.
M. Legrelle. - Je pense que l’état militaire est peu compatible avec les fonctions de membre d’un conseil de province ; mais si l’on voulait prononcer cette incompatibilité, il fallait rédiger le paragraphe autrement : vous avez d’autres officiers que ceux de l’armée de ligne ; vous avez les officiers de l’artillerie, du génie, de la marine. Quoi qu’il en soit de l’imperfection de la rédaction du paragraphe 7, je n’appuierai pas l’amendement de M. Dubois qui rendrait l’incompatibilité plus générale et plus complète.
M. de Robaulx. - Entend-on que le paragraphe 7 comprend les officiers des armées de terre et de mer ?
M. de Puydt. et M. Ernst. - C’est ainsi qu’on l’entend.
M. de Theux, rapporteur. - Il y a un motif qui a fait oublier l’armée de mer, c’est que nous n’avons pas d’armée de mer : il est vrai que nous avons quelques officiers de marine ; il est évident que l’on comprend ces officiers dans l’incompatibilité.
M. le président. - On délibère sur le principe, sauf rédaction.
- Le paragraphe 7, mis aux voix, est adopté.
M. le président. « Paragraphe 8. Les architectes employés par l’administration dans la province. »
- Ce paragraphe est adopte sans discussion.
M. le président. - « Paragraphe 9. Les employés au gouvernement provincial, ainsi que les employés au commissariat d’arrondissement et de milice. »
- Ce paragraphe est adopté sans discussion.
M. le président. - Je dois mettre aux voix l’article 39 en son entier.
M. de Robaulx. - D’après les observations que j’ai faites tout à l’heure, il me semblerait que c’est ici le moment de présenter une disposition additionnelle. J’ai fait pressentir que je voudrais que toute espèce de catégorie fût éliminée de la loi : je ne voudrais pas que l’on fît à personne ce que l’on a appelé un affront ; prononcez des incompatibilités d’après un principe, mais ne faites point d’affronts. Pour éviter les catégories, on pourrait mettre : « Toute personne recevant un traitement de l’Etat ou de la province ne peut faire partie du conseil provincial. »
M. Simons. - Je voterai pour le rejet de l’article entier. La discussion particulière sur chaque paragraphe m’a démontré à l’évidence qu’il n’y a aucune nécessité de consacrer en principe des incompatibilités autres que celles de la parenté jusqu’au deuxième degré. Cette discussion m’a, au contraire, donné la conviction pleine et entière qu’en écartant du conseil provincial les personnes dont l’article en question présente la longue nomenclature, c’est enlever à ce corps tous les éléments propres à lui imprimer la considération dont il doit être environné ; c’est le priver des hommes spéciaux, qui par leurs lumières, leur expérience et leur aptitude au travail, sont seuls capables de donner à ce collège l’impulsion, la direction et la tendance nécessaires pour qu’il réponde dignement à son institution ; en un mot, c’est absolument neutraliser sa composition et en faire une assemblée dont les résolutions seront toujours entachées de ces défectuosités et de ces imperfections qui sont le résultat inévitable de l’inexpérience.
Malheureusement pour le pays, nous sommes trop dominés par une préoccupation désavantageuse contre tout ce qui tient au gouvernement, chaque fois que nous avons à nous occuper d’une disposition législative tant soit peu importante. Notre travail s’en ressent presque toujours. Nous agissons avec une défiance vraiment désastreuse pour le pays, et de manière à fausser, à la longue, nos institutions les plus libérales.
De là souvent les lois ne se trouvent pas en rapport avec le principe qu’elles sont appelées à consacrer. Le principe est souvent étouffé sous les mille et une formalités que cette même défiance se tourmente à créer, et il se trouve qu’après avoir reconnu la nécessité d’un principe, après l’avoir proclamé solennellement à la face de la nation dans le préambule de la loi, nous en rendons en même temps l’application impossible par son texte. Si c’est là organiser un pays, je vous avoue franchement que je ne suis pas partisan d’une pareille organisation.
C’est constamment contre les fonctionnaires du gouvernement que les attaques sont dirigées. Un individu, par exemple, sera nommé gouverneur ; chacun applaudira à sa nomination. C’est un parfait administrateur, c’est un homme intègre et qui ne transige jamais avec sa conscience ; il mérite la confiance du gouvernement et la considération de ses concitoyens. Ceux-ci l’ont constamment délégué pour défendre leurs intérêts les plus chers, et toujours il s’est acquitte de sa mission avec désintéressement, avec probité ; en un mot c’est un bon administrateur, un vrai patriote ; aussi le jour de son arrivée dans la province il sera accueilli comme un père. Mais à peine sera-t-il installé, à peine aura-t-il pris le timon des affaires, que, par l’article 39, l’honnête homme s’effacera comme par magie, pour faire place à l’homme du gouvernement.
Cet homme, qui a donné tant de preuves de patriotisme, ne sera plus digne de représenter la province. Comme particulier il a, à juste titre, su se concilier le respect et la considération de ses concitoyens mais, comme fonctionnaire, il devra être humilié ; il doit jouer un rôle purement passif dans le conseil, dont il ne pourra jamais faire partie. Quelques membres du conseil trouvent-ils à propos de transformer l’assemblée en comité général, M. le gouverneur sera invité à se retirer et ne pourra plus prendre part aux opérations du collège, que lorsqu’il plaira au collège de lui en accorder l’entrée.
Tels seront, messieurs, les résultats de l’article 39, si tant est que vous vous décidiez à adopter les incompatibilités que la section centrale propose de consacrer.
Pour ce qui me concerne je ne puis y donner mon adhésion. Je le repousse de toutes mes forces, parce qu’il déconsidère le premier magistrat de la province et les autres hauts fonctionnaires, qui se trouvent enveloppés avec lui dans une espèce de dégradation civique. Je le repousse parce qu’il ne tend évidemment qu’à affaiblir de plus en plus l’action du gouvernement, qui n’a déjà que trop peu de moyens pour faire respecter les lois. Je le repousse enfin parce qu’il choque les dispositions de la constitution qui, plus libérale que l’article 39 qui nous occupe, ne consacre ces restrictions odieuses pas même pour la représentation nationale.
M. Desmanet de Biesme. - Je me réunirai à la proposition de M. de Robaulx. En administration il faut être conséquent avec les principes ; il n’y a rien de pire que des systèmes bâtards, des systèmes mixtes. On vous a montré qu’il était absurde d’admettre, dans les conseils provinciaux, les procureurs du Roi, et d’en exclure les commissaires de district. Je demande que l’on déclare l’incompatibilité pour tous les salariés par l’Etat ou par la province, et dont les fonctions sont révocables.
M. de Robaulx. - Il est clair que je propose mon amendement comme une addition à l’article 39.
M. Angillis. - On a exclu les commissaires de district ; je ne vois pourtant pas de motif, ou même de prétexte spécieux pour prononcer cette exclusion ; ensuite on a refusé l’exclusion des membres de l’ordre judiciaire. : il y a les plus graves motifs pour prononcer l’incompatibilité des fonctions du magistrat avec les fonctions administratives. D’après l’assemblée constituante, les membres de l’ordre judiciaire ne peuvent occuper aucun poste dans l’administration civile. Comme l’a fait observer M. Desmanet de Biesme, et comme on l’a dit dans la Constituante, les membres de l’ordre judiciaire, étant en contact journalier avec tous les citoyens, ont une influence qui peut n’être pas avantageuse. J’aurais désiré que leur incompatibilité fût prononcée.
L’honorable M. de Robaulx demande davantage ; il demande l’exclusion en masse de tous ceux qui reçoivent des traitements de l’Etat ou de la province ; je crois qu’il a raison. En établissant des catégories, vous soulèverez des mécontentements. Un principe ne blesse personne : si celui proposé par M. de Robaulx était admis, il faudrait en modifier la rédaction, car d’après son énoncé les membres du sénat, ne recevant point de traitement, seraient aptes à être membres du conseil provincial.
M. de Theux, rapporteur. - Je regrette que les honorables membres n’aient pas présenté leurs observations dans les séances précédentes sur les paragraphes de l’article que nous discutons. Je l’ai déjà dit, messieurs, et cela servira de réfutation à la proposition de M. de Robaulx. Ce n’est pas en qualité de fonctionnaires publics que les individus sont exclus. Si la section centrale avait cru que le titre de fonctionnaire fût un motif d’exclusion, elle aurait procédé d’après un système absurde, puisque ce titre n’est pas un motif pour être exclus des chambres : elle n’a pas voulu se mettre en contradiction avec la constitution.
La section centrale a pris en considération les rapports que les employés, à raison de leurs fonctions, ont avec le conseil provincial ; il était impossible de s’appuyer sur d’autres considérations.
Un honorable membre a cru que le gouverneur était exclu des séances du conseil, soit des séances publiques, soit des comités secrets ; il est dans l’erreur, L’article 110 du projet de loi de la section centrale est conçu dans le sens le plus large. Selon cet article, le gouverneur, ou celui qui le remplace, a droit d’assister aux délibérations du conseil ; il peut se faire assister de commissaires, il doit être entendu quand il le demande ; il peut prendre tous les réquisitoires qu’il trouve convenable.
Il ne fallait pas exposer le gouverneur aux chances d’une élection, il fallait le déclarer membre du conseil de droit. En le soumettant aux élections, il pouvait rencontrer un concurrent redoutable et échouer dans ses tentatives de nomination ; ce qui lui ôterait de la considération. Quand un gouverneur serait élu, il ne représenterait pas pour cela la province ; il ne représenterait que le canton dont il serait l’élu ; il valait donc mieux le déclarer membre du conseil.
M. de Robaulx. - Je sais bien que mon amendement n’est pas présenté dans l’esprit qui a dirigé la section centrale ; je n’ai pas l’habitude de marcher avec elle. Les incompatibilités qu’elle établit sont fondées, dit-on, sur les relations des fonctionnaires avec le conseil ; cependant, je trouve le contraire dans l’article que l’on vient de discuter : les officiers de l’armée ne sont certainement pas exclus à raison de leurs rapports avec l’administration provinciale. Il faut donc chercher ailleurs que dans les raisons alléguées les motifs de l’exclusion des officiers des armées de terre et de mer. Le véritable motif, c’est lorsqu’il s’est agi de détruire l’influence funeste du gouvernement dans les assemblées délibérantes.
Lorsque le congrès a agité la question de savoir si les fonctionnaires publics pouvaient être membres des deux chambres il s’éleva, à ce sujet, de vifs débats : on fit valoir de nombreux arguments pour et contre. Les uns soutenaient l’indépendance des fonctionnaires publics ; les autres croyaient à la possibilité de leur dépendance et pensaient que c’était un motif pour qu’ils fussent exclus des assemblées législatives. Mais à ce moment on était encore bien engoué des idées révolutionnaires. Les fonctionnaires étaient extrêmement patriotes ; ils venaient de faire leurs premières armes en faveur de la révolution ; ils venaient d’être placés par la révolution : on fit valoir qu’il ne fallait pas priver les assemblées législatives du tribut de leurs lumières, du concours de leur patriotisme. Il fut décidé qu’ils seraient admis dans les deux chambres. Voilà ce que nous avons fait ; mais alors j’étais prophète et meilleur prophète que M. Lebeau. J’ai dit que les fonctionnaires apporteraient aux chambres le tribut de leur dépendance. Je l’ai dit et je répète ; et que l’on compulse les votes émis dans une circonstance récente, et l’on verra si je me suis trompé.
Le congrès a décidé qu’il n’y avait pas incompatibilité entre les fonctions publiques et les assemblées législatives ; mais la constitution n’a pas limite les incompatibilités pour le conseil provincial ; elle a laissé à la législature le soin de les déterminer. Il ne faut donc pas se laisser arrêter par cette considération qu’on trouve dans le rapport de la section centrale, que la constitution, en proclamant l’admissibilité des fonctionnaires publics dans les deux chambres, les a implicitement reconnus admissibles au conseil provincial.
Il s’agit de savoir si vous croyez pouvoir abandonner le règlement de tous les intérêts de la province aux agents du pouvoir exécutif. Et, messieurs, ce n’est pas pour le pouvoir actuel que je parle ainsi ; car le pouvoir est si mobile que je m’attends à le voir, comme par un coup de baguette magique, passer un jour ou l’autre en d’autres mains. Et que le pouvoir soit aux mains de M. Lebeau ou à celles d’un autre van Maanen, je vous assure que cela m’importe fort peu ; c’est le principe que je défends. Je crois que le gouvernement a une influence innée sur les fonctionnaires, et que si vous décidez qu’ils peuvent faire partie des conseils provinciaux, le pouvoir les remplira de ses séides, d’hommes à ses gages qui soutiendront ses intérêts dans ces conseils. J’ai à cet égard l’expérience de ce qui s’est passé dans cette chambre, et qui, si vous n’accueillez pas ma proposition, se reproduira dans les conseils provinciaux.
Si vous excluez les fonctionnaires, l’organisation de la province sera dirigée dans le sens le plus honorable à sa population ; si vous admettez le système funeste de l’admissibilité des fonctionnaires dans le conseil provincial, vous renforcez le pouvoir qui ne s’est que trop renforcé par ces mesures arbitraires que je déplore et qui nous font passer pour le peuple le plus inhospitalier de la terre. Avec ce système, les conseils provinciaux battront des mains à ces mesures arbitraires ; ce sera la ritournelle de ce qui s’est fait ici.
M. le ministre des affaires étrangères (M. F. de Mérode) - Je ne sais si je dois me considérer comme fonctionnaire dépendant ; en tout cas, je relèverai ce qui vient d’être dit par le préopinant de la dépendance qu’il a attribuée à plusieurs membres de cette chambre qui votent d’ordinaire autrement que lui. Je crois, et l’expérience m’a prouvé, que les membres de cette assemblée ont constamment voté en conscience, et sans se laisser fléchir par leur position de fonctionnaires.
N’oubliez pas, messieurs, qu’il est une certaine indépendance non moins à craindre pour les intérêts du peuple que la dépendance de ses représentants, c’est l’indépendance qu’accompagne le système trop en vogue : ôte-toi de là que je m’y mette. Il est bon que des hommes dont la position est établie siègent dans les conseils nationaux et provinciaux, concurremment avec d’autres dont la position est à faire, et contrebalancent ainsi l’influence nuisible que j’ai signalée.
M. de Robaulx. - Soyez tranquille, M. le ministre ; je n’ai aucune envie d’avoir votre place.
M. d’Hoffschmidt. - Messieurs, on a voulu représenter les fonctionnaires publics comme manquant d’indépendance. Je proteste de toutes mes fortes contre une telle allégation. Un honnête homme est honnête homme toujours, dans les fonctions législatives comme dans celles de l’administration ; il sait conserver partout son indépendance ; je crois l’avoir démontré dans plus d’une occasion, Si je pensais que le gouvernement a raison, je saurais me mettre au-dessus des doctrines que l’on vient de proclamer et je voterais pour lui. Peu importe ce que penserait M. de Robaulx, ou autres. Je trouve même que c’est une allégation défavorable au parti que vous défendez que de supposer des hommes capables de vendre leur conscience pour une place. Ne croyez pas que vous les lierez par là. (Très bien ! Très bien ! Des applaudissements partent des bancs de l’assemblée.).
M. le président. - Messieurs, veuillez faire silence.
M. de Robaulx. - Je voudrais savoir quelle est la personne qui applaudit, je lui répondrais.
M. d’Huart. - Moi ; j’applaudis à tout ce que vient de dire mon honorable ami M. d’Hoffschmidt.
M. de Robaulx. - Eh bien, et moi aussi j’applaudis à la conduite honorable de MM. d’Huart et d’Hoffschmidt ; j’applaudis à la conduite de ces fonctionnaires indépendants qui votent pour le pouvoir quand il a raison, contre quand il a tort. Je suis heureux de trouver dans ces deux honorables collègues et dans plusieurs fonctionnaires, membres de cette assemblée, autant de patriotisme et d’indépendance. Mais ces messieurs eux-mêmes doivent savoir que tout le monde n’a pas une conscience organisée comme la leur. Quand je parle de fonctionnaires dépendants, je n’ai pas besoin de nommer spécialement les individus ; je pourrais le faire si cela était parlementaire. C’est d’ailleurs un principe que nous discutons. Et les précédents prouvent que la dépendance absolue des fonctionnaires est un système du gouvernement ; en effet, la destitution de MM. Desmet et Doignon pour leur conduite parlementaire le prouve assez.
L’honorable M. d’Hoffschmidt lui-même n’a-t-il pas gémi intérieurement de voir que quelques-uns de ses collègues n’avaient ni sa conscience ni ses sentiments généreux, qu’ils ne savaient pas comme lui mettre toute considération d’intérêt personnel au-dessous des affaires du pays ?
J’ai donc pu dire que l’exclusion des fonctionnaires publics des conseils provinciaux garantirait l’indépendance de ces conseils ; j’ai pu citer à l’appui de cette opinion ce qui s’est passé quand le système du gouvernement a été jugé par la chambre, car si vous applaudissez ce système, moi je le siffle ; jamais je ne l’applaudirai. Au reste la liberté des opinions existe ; j'ai développé mon système ; la majorité prononcera.
- L’amendement de M. de Robaulx est mis aux voix ; il n’est pas adopté.
L’article 39 est mis aux voix et rejeté.
M. Liedts. - Je demande qu’on renvoie l’article à la section centrale pour qu’elle en présente un nouveau.
M. A. Rodenbach. - Il n’y a plus d’article ; il a été rejeté.
M. Liedts. - Ainsi les membres des deux chambres pourront siéger dans les conseils provinciaux.
M. le président. - La chambre statuera à cet égard lors du vote définitif de la loi.
M. de Muelenaere. - J’appuie la motion faite par l’honorable préopinant, de renvoyer l’article à la section centrale ; je demande qu’elle soit invitée à prendre en considération s’il n’y a pas lieu à présenter un nouvel article en remplacement de l’article 39.
M. d’Huart. - Je propose un nouvel article qui pourra être discuté lors du second vote ; je demande qui soit renvoyé à la section centrale. Voici cet amendement :
« Ne peuvent être membres du conseil provincial :
« 1° Les membres de la chambre des représentants et du sénat ;
« 2° Le gouverneur de la province ;
« 3° Le greffier provincial ;
« 4° Les agents comptables de l’Etat ou de la province ;
« 5° Les employés au gouvernement provincial, ainsi que les employés au commissariat d’arrondissement et de milice. »
M. A. Rodenbach. - Je présente le sous-amendement suivant à l’article 39 proposé par M. d’Huart :
« 6° Les membres de l’ordre judiciaire. »
- Le renvoi de l’amendement de M. d’Huart et du sous-amendement de M. A. Rodenbach, à la section centrale, est mis aux voix et prononcé.
Article 40 (du projet de la section centrale) et article 39 (du projet du gouvernement)
M. le président. - La chambre passe à l’article 39 du projet du gouvernement (40 du projet de la section centrale). Voici le texte du projet du gouvernement :
« Art. 39. Si des parents ou alliés jusqu’au deuxième degré inclusivement sont élus conseillers par le même collège électoral et au même tour de scrutin, celui qui aura obtenu le plus de voix sera seul admis au conseil ; s’ils sont élus séparément, le premier nommé sera préféré.
« L’alliance survenue ultérieurement entre les conseillers élus par le même collège n’emporte pas incompatibilité. »
L’article du projet de la section centrale auquel le gouvernement se rallie est ainsi conçu :
« Art. 40. Si des parents jusqu’au deuxième degré inclusivement sont élus conseillers par le même collège électoral et au même tour de scrutin, celui qui aura obtenu le plus de voix, sera seul admis au conseil ; s’ils sont élus à des tours de scrutin différents, le premier nommé sera préféré.
« L’alliance survenue ultérieurement entre les conseillers élus par le même collège n’emporte pas incompatibilité. »
M. de Theux. - C’est par erreur que le deuxième paragraphe de l’article du projet du gouvernement a été reproduit à la fin de l’article de la section centrale. Dans le système de la section centrale, ce paragraphe doit être supprimé.
M. Donny. - Messieurs, je regrette que M. le ministre de l’intérieur ait abandonné le projet du gouvernement pour se rallier à celui de la section centrale, qui me paraît moins rationnel. Je ne parle pas de la dernière partie de l’article, bien que je me proposais d’en démontrer l’inutilité ; puisque l’honorable rapporteur vient de dire que le dernier paragraphe doit être supprimé, je n’ai plus de ce chef d’observations à faire.
Le rapport de la section centrale nous apprend, à la page 14, que l’article en discussion a pour objet de prévenir qu’une famille influente ne s’empare de toute l’élection d’un même canton.
Pour que l’article remplît l’objet qu’il se propose, il faudrait qu’il pût s’appliquer non seulement aux parents de naissance, mais encore aux alliés au même degré ; car tant que dure l’alliance, l’allié est membre de la famille ; il en partage l’influence à peu près au même degré que le parent proprement dit.
Le gouvernement, en mettant les parents et les alliés sur la même ligne, avait rendu hommage à cette vérité. La section centrale l’a complètement méconnue, en supprimant le mot alliés. Dans le système du gouvernement le beau-père et le gendre ne peuvent être élus par le même collège électoral pas plus que le père et le fils ; mais dans celui de la section centrale, le beau-père et le gendre peuvent être nommés à la fois. Cette section craint l’influence combinée d’un père et de son fils ; mais elle ne craint pas celle d’un beau-père combinée avec celle de son gendre, Cependant il n’y a dans tout cela que peu ou point de différence. Si l’influence du père et du fils est à craindre, l’influence du beau-père et du gendre l’est également.
Je préfère donc et de beaucoup le système du gouvernement ; cependant l’article qu’il avait proposé me paraît susceptible d’amélioration ; il y a une lacune dans cet article. Il y est dit que si des parents ou alliés au degré prohibé sont élus par le même collège et au même tour de scrutin, celui qui aura obtenu le plus de voix sera seul admis au conseil, mais on ne dit pas ce qui aura lieu lorsque deux parents au degré prohibé, auront obtenu le même nombre de voix ; il faudrait ajouter une disposition pour régler ce cas.
J’ai préparé un changement de rédaction au projet du gouvernement dans le sens de cette observation ; je le présente comme amendement. Il serait ainsi conçu :
« Si des parents ou alliés jusqu’au deuxième degré inclusivement sont élus conseillers par le même collège électoral et au même tour de scrutin, celui qui aura obtenu le plus de voix, et, en cas de parité, le plus âgé d’entre eux, sera seul admis au conseil ; s’ils sont élus par des tours de scrutin différents, le premier nommé sera préféré.
« L’alliance survenue ultérieurement entre les conseillers dus par le même collège n’emporte pas incompatibilité. »
M. de Theux, rapporteur. - Je ne vois pas d’objection contre la préférence à donner au plus âgé lorsqu’il y aura parité de voix ; je crois seulement que ce cas n’arrivera jamais.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Ce cas est prévu par l’article 28.
M. de Theux, rapporteur. - Quant au changement de rédaction proposé par l’honorable préopinant je dois expliquer à la chambre le motif qui a déterminé la section centrale à ne pas maintenir l’incompatibilité pour les parents par alliance ; c’est que dans ce cas deux familles représentent le canton. Le père et le fils ne représentent qu’une famille, tandis que le beau-père et le gendre en représentent deux. Le canton a réellement deux organes lorsque deux conseillers sont membres de deux familles différentes, tandis qu’il n’a qu’un organe lorsqu’ils sont membres d’une seule famille. La différence est sensible entre les deux cas.
M. le président. - M. H. Dellafaille a présenté un sous-amendement à l’amendement de M. Donny. Il consiste à ajouter à la fin du dernier paragraphe ces mots : « mais empêchera la réélection, » et à ajouter à l’article un paragraphe ainsi conçu : « L’alliance est censée dissoute par le décès de la femme du chef de laquelle elle provient. »
M. H. Dellafaille - C’est pour éviter toute amphibologie que j’ajoute à la fin du deuxième paragraphe les mots : « mais empêchera la réélection. » Quant au paragraphe additionnel, il est extrait des anciens règlements. Je pense que lorsque la cause de l’incompatibilité a cessé, ses effets doivent cesser également.
M. de Theux, rapporteur. - Je demande la division sur l’amendement de M. Donny.
M. Jullien. - L’amendement de M. Donny tend à reproduire l’article du projet du gouvernement qui déclarait l’incompatibilité entre les parents et les alliés au deuxième degré. La section centrale a cru devoir supprimer l’incompatibilité résultant de l’alliance au deuxième degré. M. de Theux eu a donné cette raison que dans ce cas les intérêts de deux familles sont représentés. Le père et le fils, a-t-il dit, n’ont qu’un seul intérêt, vous excluez un ou l’autre ; mais ce n’est pas un motif pour exclure le gendre ou le beau-père qui représentent deux intérêts.
Messieurs, cela n’est pas exact. Les intérêts du gendre peuvent être ceux du beau-père ; le gendre, en entrant dans la famille du beau-père, épouse les intérêts de cette famille à laquelle désormais il appartient.
La principale raison qui a déterminé à formuler cette incompatibilité pour toute législation électorale, c’est d’empêcher qu’un corps délibérant ne soit envahi par une seule famille. Vous devez maintenir cette incompatibilité pour éviter que le conseil provincial ne devienne une sorte de ménage, pour ne pas abandonner la province aux intérêts d’une seule famille. Encore une fois, les intérêts du gendre et du beau-père sont les mêmes ; et si ces intérêts sont opposés à ceux de la province, on peut craindre que l’intérêt public ne soit sacrifié à l’intérêt particulier.
M. de Theux, rapporteur. - Ce n’est pas parce que la section centrale a pensé qu’il y avait impossibilité à ce que deux membres de la même famille fassent partie du conseil provincial qu’elle a établi l’incompatibilité de l’article 40. Mais elle n’a pas voulu que deux membres de la même famille fussent élus dans le même canton. Il y a une différence entre la parenté de deux frères et celle de deux beaux-frères. Ceux-ci font partie de deux familles distinctes. Je ferai remarquer que l’article 4 du règlement des états provinciaux n’excluait pas les alliés. La section centrale a voulu consacrer exactement la même disposition.
Je dois en outre expliquer pourquoi j’ai demandé la division de l’article 40.
L’amendement de l’honorable M. Donny reproduit les dispositions primitives de l’article 39 du projet du gouvernement. Je ne verrais par d’inconvénient à ce que la partie de l’amendement qui règle la marche à suivre dans le cas où il y aurait parité de suffrages fût adoptée. Mais je voudrais que l’on mît préalablement aux voix le principe, c’est-à-dire la question de savoir si l’alliance sera une cause d’incompatibilité. Si cette question était résolue dans le sens présenté par M. Donny, il pourrait être donné suite aux sous-amendements présentés par l’honorable M. Dellafaille.
M. Donny. - L’honorable rapporteur de la section centrale vient de vous expliquer les motifs que cette section a eus, suivant lui, pour supprimer l’incompatibilité dont le gouvernement frappait les alliés. Mais il me semble que son explication diffère des développements du rapport de cette section : car, à la page 14 de ce rapport, c’est l’influence de famille que la section centrale a paru redouter, et non pas, comme le dit à présent l’honorable membre, la circonstance assez indifférente d’une même famille représentée par deux membres dans le conseil provincial. En redoutant les effets de l’influence de famille sur les élections d’un canton, la section centrale a raisonné comme vient de le faire M. Jullien. S’il en est ainsi, il faut bien convenir que les alliés sont dans la même position que les parents pour l’exercice de l’influence que l’on craint, et qu’ainsi il faut mettre les uns et les autres sur la même ligne.
M. Dumont. - J’ai une observation à présenter sur l’un des sous-amendements de l’honorable M. Dellafaille.
Il propose d’ajouter à la fin du second paragraphe de l’article 39 amendé par l’honorable M. Donny : « mais empêche la réélection. » Je pense qu’outre que cette disposition est inutile, elle est encore inexacte. Elle est inexacte, parce qu’il peut se présenter des cas où une alliance contractée entre les familles de deux membres du conseil provincial ne pourra empêcher la réélection de l’un d’eux. Si, pendant le cours de la session, l’un d’eux meurt par exemple, ce décès, rompant l’alliance, détruit l’incompatibilité à la réélection. Cette disposition est inutile, parce que lorsque les membres du conseil seront soumis à une réélection, la cause d’incompatibilité existant au moment pour les alliés s’oppose à la nomination de l’un d’eux. Il ne peut s’élever le moindre doute à cet égard.
- Le principe de l’exclusion des alliés jusqu’au deuxième degré est mis aux voix et adopté.
M. Verdussen. - Je pense que ces mots : en cas de parité de votes sont inutiles, attendu que l’article 30 déjà adopté a prévu ce cas.
M. Donny. - L’article 30 que vient de citer l’honorable M. Verdussen dispose pour un cas spécial : l’article en discussion dispose pour un autre cas spécial tout différent du premier. A l’article 30, il s’agit de deux candidats en concurrence pour une seule et même place. Ici, il est question de deux candidats qui ne concourent pas pour une même place, puisque chacun d’eux est nommé à une place distincte qu’il remplirait s’il n’y avait pas d’incompatibilité. Les cas n’étant pas identiques, ce qui est réglé pour le premier ne fait pas nécessairement règle pour le second, et par suite, je crois qu’il n’est pas inutile de conserver dans cet article les mots dont l’honorable M. Verdussen demande la suppression.
M. de Muelenaere. - Indépendamment des considérations que vient de présenter l’honorable M. Donny, je ferai observer que dans l’article 30 il s’agit d’un scrutin de ballottage. Au premier tour de scrutin, quand deux candidats réuniront le même nombre de voix il n’y aura pas lieu à leur appliquer les dispositions de l’article 30, tandis que l’amendement de M. Donny porte sur la première épreuve.
- L’amendement de M. Donny est mis aux voix et adopté.
M. le président. - La discussion est ouverte sur le premier sous-amendement présenté par M. H. Dellafaille.
M. H. Dellafaille - Je répondrai à l’honorable M. Dumont que mon sous-amendement ne porte pas sur le cas de décès de l’un des deux alliés avant l’époque des réélections, parce qu’il est évident que l’incompatibilité n’existe plus pour le survivant.
M. de Muelenaere. - Je pense que le sous-amendent présenté par l’honorable M. Dellafaille est tout à fait sans objet. Il résulte de l’adoption de l’amendement de l’honorable M. Donny, que des parents ou des alliés jusqu’au deuxième degré ne pourront être nommés par le même canton. Eh bien, si la parenté ou l’alliance existe au moment des opérations électorales, nous retombons dans la première partie de l’article 40. Le deuxième paragraphe de cet article est une dérogation au principe consacré par le premier. L’intention qui a dicté ce paragraphe est que l’on ne renouvelle pas les élections sans motifs graves. Si donc l’incompatibilité amenée par une alliance survenue avant les élections existe, le député sortant rentre dans la catégorie admise par l’article 40. Il ne peut y avoir aucun doute à cet égard. Le sous-amendement de M. Dellafaille me paraît donc inutile.
M. H. Dellafaille - L’article 40, dans son premier paragraphe, consacre l’incompatibilité des parents ou alliés jusqu’au deuxième degré. Le deuxième paragraphe établit que si l’alliance survient pendant la session du conseil provincial, il n’y aura pas lieu à réélection. Ne pourrait-on pas, si mon sous-amendement n’était pas admis, considérer le deuxième comme une dérogation complète à l’exclusion établie par le premier ? Il y a au moins doute dans l’interprétation de l’article ; ma proposition tendrait à l’écarter.
M. Jullien. - Je partage complètement l’opinion de M. de Muelenaere. Quoiqu’il paraisse résulter une espèce de doute dans l’interprétation de l’article, ce doute sera éclairci par la discussion même qu’il a soulevée. Deux membres du conseil provincial qui ne sont pas parents se trouvent alliés au deuxième degré par le mariage contracté entre l’un d’eux et la sœur de l’autre. Faudra-t-il que l’effet de cette alliance soit de faire sortir du conseil l’un de ces nouveaux alliés ? Non, cette alliance n’entraînera pas momentanément l’incompatibilité ; mais, la session finie, chacun rentrera dans le droit commun, consacré par le premier paragraphe de l’article. Le sous-amendement de M. H. Dellafaille n’est pas nécessaire ; mais il faudrait rendre plus clair le sens de l’article 30.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - On pourrait modifier ainsi la rédaction du second paragraphe, en mettant : au lieu de : « n’emporte pas incompatibilité, » ces mots : « n’emporte pas révocation de leur mandat. »
M. Jullien. - Ou bien : « n’emporte pas incompatibilité pendant la durée de la session. »
- La rédaction proposée par M. le ministre de la justice est mise aux voix et adoptée.
Le deuxième sous-amendement présenté par M. Hipp. Dellafaille est également mis aux voix et adopté.
M. le président. - La discussion est ouverte sur le titre VI, article 41.
Cet article est ainsi conçu :
« Le conseil provincial s’assemble au chef-lieu de la province. »
M. Verdussen. - Je crois qu’il faudrait ajouter à la fin de l’article le mot ordinairement. Il pourrait arriver des cas où la situation particulière du chef-lieu ne permettrait pas que le conseil provincial y tînt ses séances.
- Une voix. - Alors il y aurait force majeure.
M. Verdussen. - La section centrale a eu en vue de prévenir l’abus qui pourrait être fait du déplacement du conseil provincial. C’est ce que prouvent les développements de la section centrale à la page 14. Les voici :
« La réunion du conseil au chef-lieu de la province a été unanimement adoptée ; la 3ème section aurait cependant voulu permettre au Roi d’en disposer autrement pour des causes extraordinaires ; la section centrale, prévoyant la possibilité d’abuser de cette faculté, ne l’a pas admise ; le changement de siège du gouvernement provincial entraînera celui de la réunion du conseil, ce qui suffit pour parer aux événements extraordinaires. »
Vous voyez que l’intention de la section centrale a été de rendre obligatoire la réunion du conseil dans le chef-lieu. Mais il faut prévoir le cas où un événement imprévu, tel qu’un siège, rendrait l’accès du chef-lieu fermé aux membres du conseil. Le mot ordinairement parerait à cet inconvénient.
M. de Theux. - Il est évident que, dans l’éventualité d’un siège, l’administration provinciale sera transférée dans une autre ville, ce qui impliquera la translation du conseil provincial même.
- L’article 41 est mis aux voix et adopté.
M. le président. - L’article 42 est ainsi conçu :
« Toutes les sessions du conseil sont ouvertes et closes au nom du Roi par le gouverneur. »
- Cet article est mis aux voix et adopté.
M. le président. - La discussion est ouverte sur l’article 42 du projet du gouvernement, ainsi conçu :
« Le conseil se réunit de plein droit chaque année le premier mardi de juillet à dix heures du matin, en session ordinaire. Il se constitue sous la présidence du doyen d’âge, assisté des deux plus jeunes membres comme secrétaires.
« Indépendamment de cette session, le Roi peut convoquer le conseil en session extraordinaire. Les convocations extraordinaires sont faites par le gouverneur par écrit et à domicile, et insérées dans les journaux de la province. »
L’article 43 de la section centrale est ainsi conçu :
« Le conseil se réunit de plein droit chaque année le premier mardi de juillet, à dix heures du matin, en session ordinaire. Il se constitue sous la présidence du doyen d’âge, assisté des deux plus jeunes membres comme secrétaires.
« Indépendamment de cette session, le Roi peut convoquer le conseil en session extraordinaire.
« Les convocations extraordinaires sont faites par le gouverneur, par écrit et à domicile. »
M. le président. - M. le ministre de l’intérieur se rallie-t-il à la rédaction de la section centrale ?
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Je n’ai aucune raison pour consentir à la suppression de la dernière partie de l’article.
M. de Theux, rapporteur. - Il pourrait arriver qu’une province fût dépourvue de journaux. Lorsque le traité des 24 articles sera mis à exécution, les provinces du Limbourg et du Luxembourg pourraient se trouver dans ce cas. Il a semblé à la section centrale que la convocation à domicile suffisait.
M. Angillis. - Je préférerais la rédaction de la section centrale. Si vous admettez la publicité des séances, comment le public sera-t-il informé de l’époque des sessions extraordinaires ? il faudrait mettre : dans un journal de la province, s’il y en a.
M. Schaetzen. - Je propose de changer l’époque de la réunion fixée au premier mardi de juillet. Je crois que le troisième mardi de juin conviendrait mieux. Il faut mettre autant que possible les membres du conseil provincial dans la possibilité d’assister régulièrement aux séances. Sous l’ancien gouvernement, on s’est plaint de ce que l’époque de la réunion annuelle des états provinciaux tombât au milieu de celle de la moisson. Toutes les élections provinciales et générales seront terminées au commencement du mois de juin. Rien ne s’oppose à ce que l’on change le jour de l’ouverture de la session du conseil. Je dépose donc un amendement dans ce sens :
« Le conseil se réunit de plein droit chaque année le troisième mardi de juin, etc. »
M. Desmanet de Biesme. - Il y a, en effet, une grande difficulté de réunir les habitants des campagnes à l’époque où on s’occupe des récoltes ; je pense que le mois de juin est préférable au mois de juillet.
M. H. Dellafaille - Les réunions électorales sont fixées, d’après la loi, le premier mardi du mois de juin ; l’amendement serait contraire à cette disposition de la loi électorale.
M. de Theux, rapporteur. - Il eût été à désirer de trouver une époque plus convenable que celle du mois de juillet, puisqu’à cette époque les travaux de la campagne retiennent beaucoup de personnes absentes des villes. Cependant l’époque proposée par l’honorable M. Schaetzen aurait des inconvénients extrêmement graves. Deux fois déjà la chambre s’est trouvée réunie pendant tout le mois de juin ; cette année elle sera encore réunie dans ce mois, et il est probable qu’il en sera de même pendant un certain nombre d’années.
Si les neuf conseils provinciaux sont réunis dans le mois de juin et alors que les chambres seront encore assemblées, il en résultera des embarras très graves pour le gouvernement, relativement aux affaires qui se traiteront dans ces conseils.
L’époque du mois de juin serait en outre trop rapprochée de l’époque des opérations électorales ; tout le monde sait que les élections occupent activement le pays, même après qu’elles sont terminées.
J’ajouterai une dernière considération, c’est qu’au mois de juin, nous avons vu qu’on ne pouvait quitter les travaux de la campagne pour venir voter dans cette chambre, démarche qui ne demandait cependant qu’une absence de quelques heures : comment donc alors les habitants des campagnes pourraient-ils se rendre au conseil provincial dont la session dure au moins 15 jours ? comment surtout pourraient-ils le faire dans les deux Flandres, où leurs travaux sont très importants à cette époque du mois de juin ?
D’après ces motifs, je crois qu’il faut conserver l’époque proposée par le gouvernement et adoptée par la section centrale, tout en regrettant qu’on ne puisse fixer une époque plus favorable.
M. de Muelenaere. - Messieurs, les motifs que l’on a fait valoir dans une séance précédente, pour fixer les élections au mois de mai plutôt qu’au mois de juin, ne militent pas en faveur de la proposition qui vous est faite.
Un grand nombre de personnes participent aux opérations électorales ; les assemblées provinciales ne se composent que de 60 ou 70 membres tout au plus, c’est-à-dire, d’après la loi, de dix membres par canton ; or, les artisans, les petits cultivateurs, et généralement les personnes dont la présence est nécessaire à la campagne, ne seront probablement pas appelés à faire partie des conseils provinciaux, et les personnes qui en feront partie pourront s’absenter du moins pendant quelque temps.
Il me semble que les travaux de la campagne sont aussi importants dans le mois de juin que dans le mois de juillet, surtout dans les Flandres. Quant à moi,je n’attache pas d’importance à ce qu’on préfère l’époque proposée par l’amendement à celle proposée dans le projet. (Aux voix ! aux voix !)
- L’amendement n’est pas adopté.
La proposition du gouvernement est mise aux voix et adoptée.
M. le président. - « Art. 44 (de la section centrale). La durée de la session ordinaire est de 15 jours ; elle ne peut être diminuée que de commun accord entre le gouverneur et le conseil ; elle peut être augmentée de huit jours par décision spéciale du conseil, mais elle ne peut être continuée au-delà de ce terme sans le consentement exprès du gouverneur. »
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Je me rallierais à l’article de la section centrale si la chambre adoptait que la dissolution du conseil peut toujours être ordonnée par le gouvernement. Je crois qu’on pourrait remettre la discussion de l’article après la disposition du projet relative à la dissolution. (Assentiment).
- L’article est ajourné.
Les trois articles suivants présentés par la section centrale, sont successivement adoptés, sans donner lieu à aucune discussion.
« Art. 45. L’assemblée vérifie les pouvoirs de ses membres et juge les contestations qui s’élèvent à ce sujet.
« Elle ne peut délibérer, si plus de la moitié du nombre de ses membres fixé par la loi n’est présente. »
« Art. 46. Après la vérification des pouvoirs,, les conseillers provinciaux prêtent le serment suivant : « Je jure d’observer la constitution et la loi d’organisation provinciale. »
« Art. 47. Le conseil, à l’ouverture de chaque session, nomme un président et un vice-président et nomme son bureau. »
M. le président. - « Art. 48 (de la section centrale). Le conseil détermine, par son règlement, le mode suivant lequel il exerce ses attributions, en se conformant à la présente loi. »
Sur cet article M. de Muelenaere propose un amendement qui consiste à ajouter : « ce règlement sera soumis à l’approbation du Roi. »
M. de Muelenaere. - Les motifs de mon amendement sont extrêmement simples ; dans la présente loi vous déterminez les attributions et par conséquent les droits et les devoirs des membres des conseils provinciaux. Par l’article en discussion, vous abandonnez au conseil le droit de déterminer par son règlement le mode suivant lequel il exercera ses fonctions en se conformant à la loi.
Il faut que le règlement soit basé sur la loi, puisque les membres du conseil exercent leurs fonctions conformément à cette loi ; si le règlement n’était pas soumis à une sanction quelconque, s’il n’était pas soumis à la sanction d’un fonctionnaire responsable, les membres du conseil pourraient ne pas se conformer à la loi ; ils pourraient dépasser les attributions qui leur sont confiées.
Un autre motif qui détermine à présenter mon amendement, c’est que je désire autant que possible que les règlements de tous les conseils provinciaux soient uniformes, et que tous les conseils procèdent de la même manière.
En vertu de mon amendement, le ministre sera chargé de vérifier les articles du règlement ; vous aurez par là la garantie que la loi sera exécutée conformément à son esprit et à son texte, parce que le ministre sera responsable vis-à-vis de chambres, des infractions à la loi par le conseil.
Si vous abandonnez au conseil seul le droit de faire son règlement, vous n’aurez aucune action sur ce conseil, qui pourra alors prendre des mesures contraires à la loi.
- L’article est adopté avec l’addition proposée par M. de Muelenaere.
M. le président. - « Art. 49 (de la section centrale.) - Les séances du conseil sont publiques ; néanmoins l’assemblée se forme en comité secret, sur la demande du président ou de cinq membres, ou sur la demande du gouverneur ; elle décide ensuite, si la séance peut être reprise en public, sur le même sujet. »
- Adopté.
« Art. 50 (de la section centrale.) Le conseil vote à haute voix ou par assis et levé ; néanmoins il vote toujours à haute voix et par appel nominal sur l’ensemble de chaque résolution ; les présentations de candidats, les nominations, les révocations ou destitutions se font seules au scrutin secret. »
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je demanderai à l’honorable rapporteur comment il accordait la fin de l’article avec la disposition qui confère à la députation le droit de révocation.
M. de Theux, rapporteur. - Dans chaque province il existe des employés purement provinciaux ; or, la nomination de ces employés appartient au conseil provincial.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Je ne vois pas d’inconvénient à l’adoption de l’article, puisqu’il ne préjuge rien sur la question de la nomination des divers employés provinciaux.
- L’article est adopté.
M. le président. - « Art. 51 (de la section centrale.) « Nulle résolution ne peut être adoptée qu’après avoir été votée article par article. »
M. de Theux, rapporteur. - Messieurs, cet article est tiré de la constitution (article 41) ; il a été proposé par le gouvernement et adopté par la section centrale ; cependant en qualité de membre de cette chambre et abstraction faite de ma qualité de rapporteur, je crois devoir vous communiquer quelques doutes sur l’opportunité de l’article. (Parlez ! parlez !)
Nous remarquons que dans cette chambre la délibération article par article entraîne des longueurs considérables ; l’usage de ce vote n’est pas introduit dans les assemblées provinciales, je pense qu’il est utile de leur abandonner la faculté de voter sur l’ensemble des articles ou sur tous les articles séparément.
Ce qui me suggère cette pensée c’est que la durée de la session des conseils étant limitée à 15 ou 20 jours au plus, les délibérations pourraient être entravées, si ces assemblées devaient voter article par article. Ce mode de délibérer entraînerait évidemment dans des longueurs dont les affaires souffriraient.
Je demanderai qu’on substitue à l’article la disposition suivante : « Le conseil a le droit de diviser et d’amender chaque proposition. »
M. Jullien. - La proposition de M. de Theux me semble inutile ; je ne conçois pas un corps délibérant qui n’aurait pas le droit de diviser et d’amender une proposition, je ne sais vraiment où l’on veut en venir avec de pareilles propositions ; c’est supposer qu’il peut exister des conseils qui n’auront pas la faculté de délibérer.
Je le déclare, quant à moi, je n’ai pas saisi le but de la proposition. Elle dit uniquement qu’on fera ce qu’on a droit de faire ; on pourrait ainsi mettre dans la loi une multitude de dispositions semblables.
M. de Muelenaere. - Je pense que l’article tel qu’il est rédigé ne peut trouver place dans la loi, attendu qu’il est tout à fait réglementaire.
De quels objets le conseil aura-t-il à s’occuper en vertu de la loi centrale ? Il devra s’occuper de règlements généraux d’administration, sur les incendies, sur la voirie et sur les fonctions des gardes-champêtres. Ces règlements auront chacun 50, 100 et même quelquefois 150 articles ; si les membres du conseil sont appelés à voter article par article, vous sentez combien les affaires à régler pourront éprouver de retard. Si dans cette enceinte nous pouvons voter article par article, il peut difficilement en être de même dans les conseils provinciaux, parce que la session de ces assemblées ne durera que 15 à 20 jours.
Quant à l’amendement de M. de Theux je crois qu’il est utile. Tout conseil n’a pas le droit de diviser et d’amender une proposition ; sous le gouvernement précédent, vous vous rappelez que les membres des états-généraux ne pouvaient diviser et amender les propositions qui leur étaient soumises ; il fallait qu’elles fussent adoptées ou rejetés purement et simplement.
J’appuie l’amendement pour consacrer le principe fondamental de notre constitution, en matière de discussion et afin qu’on ne conteste pas aux membres du conseil le droit de division et d’amendement.
Je veux qu’on établisse pour le conseil provincial la faculté d’avoir un vote séparé sur chaque article ; je ne veux pas lui en faire une obligation, parce que ses opérations pourraient en être entravées.
M. d’Huart. - Faites bien attention que du moment que par suite de l’amendement M. de Muelenaere, vous laissez au Roi la faculté d’approuver ou de rejeter le règlement du conseil, il faut s’empresser d’assurer au conseil tous les droits qu’il doit avoir. Je ne sais si l’amendement de M. de Muelenaere a été examiné bien attentivement. Quoi qu’il en soit, j’appelle l’attention de la chambre sur l’article en discussion ; en votant la proposition de M. de Theux, vous consacrerez les droits des conseils provinciaux. Je voterai en faveur de cette proposition.
M. de Theux, rapporteur. - Ce que vient de dire l’honorable préopinant me dispenserait de répondre à M. Jullien. J’avais compris la nécessité de remplacer la disposition de l’article 49 par celle-ci : le droit de diviser et d’amender toutes les propositions, précisément pour assurer au conseil et à chacun de ses membres l’exercice de ces droits ; mais je pense que ce droit de diviser et d’amender les propositions garantit tous les droits et qu’il est inutile d’imposer aux conseils des obligations qui les gêneraient sans présenter de garanties.
M. de Muelenaere. - Je serais bien aise d’entendre les réflexions de M. d’Huart sur mon amendement ; mais je pense qu’après avoir réfléchi sur cet amendement, il le trouvera utile et sans inconvénient.
L’honorable M. de Theux propose d’autoriser le conseil provincial à diviser et à amender tous les articles ; j’appuie cette proposition parce que je veux réserver au conseil provincial la faculté de voter article par article, sans lui en imposer l’obligation. Souvent en votant article par article, le conseil ne jouerait qu’une ridicule comédie, puisque tous les membres seraient d’accord sur l’objet en délibération.
Je ne demande pas la suppression de l’article 51, mais qu’il soit remplacé par l’amendement de M. de Theux.
M. le président. - L’amendement de M. de Theux est ainsi conçu :
« Le conseil a le droit de diviser et d’amender chaque proposition. »
- Cet amendement mis aux voix est adopté.
M. le président. - Cet amendement remplacera l’article 51 de la section centrale. L’article 49 du projet du gouvernement est supprimé
Article 50 (du projet du projet du gouvernement)
M. le président. - « Art. 50 (du projet dis gouvernement). Toute résolution est prise à la majorité absolue des suffrages »
» En cas de partage des voix, la proposition est rejetée. »
- Cet article est adopté sans discussion.
M. le président. - La section centrale propose la suppression des articles 51, 52 et 53 du projet du gouvernement.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - La loi que nous discutons est réglementaire et il faut qu’elle renferme toutes les dispositions réglementaires principales, afin d’établir une sorte d’uniformité dans les diverses provinces. Les articles 51, 52 et 53, ne peuvent donner lieu à une longue discussion dans cette enceinte et ils en éviteront peut-être de très longues dans les conseils des provinces. Leurs premières séances seront toutes entières occupées à la rédaction des règlements, et il sera bon de poser des bases.
M. de Theux. - Si les articles 51, 52, 53 ne font pas de bien, ils ne peuvent pas faire de mal.
« Art. 51. La séance est ouverte et close par le président ; elle commence toujours par la lecture du procès-verbal de la dernière séance, qui est approuvé s’il y a lieu, et transcrit conformément à l’article 121 de la présente loi. »
M. Jullien. - Je ne me suis pas levé contre l’amendement de M. de Muelenaere car je me propose d’y revenir et surtout d’y réfléchir ; mais comme il se pourrait que cet amendement fût adopté dans la seconde discussion, j’entre dans les vues du ministre de l’intérieur : il faut poser ici les principes fondamentaux en matière règlementaire ; car quelle que soit l’approbation ou la désapprobation du Roi aux règlements des conseils provinciaux, ces règlements auront du moins des dispositions importantes consacrées par les articles 51, 52, 53 nous pouvons les adopter.
M. de Muelenaere. - J’ai déjà eu l’honneur de vous dire que les motifs qui m’ont déterminé à proposer mon amendement, c’est pour qu’il y ait uniformité entre les règlements des diverses provinces et pour que les conseils. ne puissent éluder les disposition de la loi.
J’admettrai toutes les dispositions réglementaires qui se trouveront dans la loi, et qui ne présenteront aucun inconvénient grave. Les articles 51, 52, 53 me paraissent tout à fait dans ce cas.
Je les admets afin que dans les conseils provinciaux il n’y ait aucune discussion sur les objets qu’ils règlent. S’il était possible de mettre un règlement tout entier dans la loi, je l’y mettrais ; mais je sais que cela est impossible, et c’est parce que je le sais, que je veux soumettre les règlements à l’approbation du Roi quoiqu’ils soient puisés dans la loi.
- L’article 51 est adopté.
« Art. 52. Il est permis à chaque membre de faire insérer au procès-verbal que son vote est contraire à la résolution adoptée, sans pouvoir exiger qu’il soit fait mention des motifs de son vote. »
- Cet article est adopté sans discussion.
« Art. 53. Exceptée dans les cas d’urgence reconnus par les deux tiers des membres présents, l’ordre du jour est indiqué par le président au plus tard la veille de la discussion, après avoir consulté l’assemblée. Il est affiché dans la salle.
« Toute proposition qui n’est pas à l’ordre du jour devra être remise par écrit au président et appuyée par dix autres membres.
« L’assemblée indiquera le jour où elle sera développée.
« La proposition ne pourra être discutée si elle n’est appuyée par dix membres au moins. »
M. de Theux, rapporteur. - Messieurs, si les deux articles précédents et que nous venons de voter n’étaient pas susceptibles de contestation. il me semble qu’il n’en est pas ainsi de l’article 53. Je ne vois, il est vrai, aucun inconvénient à adopter le premier paragraphe. Les dispositions qu’il renferme ont pour but d’éviter toute surprise ; mais les autres paragraphes pourraient plus ou moins embarrasser les opérations du conseil. Je crois qu’il serait préférable de laisser aux conseils le soin de faire des dispositions sur les mêmes objets, plutôt que de les enchaîner d’avance.
Je demande la division de l’article ; je voterai pour le premier paragraphe et contre les trois autres.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Je crois que le maintien des trois derniers paragraphes est nécessaire. Ils ont pour but de tenir l’assemblée provinciale en garde contre les propositions qu’on pourrait lancer au milieu d’elle, c’est une espèce de frein que l’on met à l’abus de cette faculté de faire des propositions. A cet égard les paragraphes ont un but d’utilité, que les articles précédents ne présentaient pas au même degré.
M. Dellafaille. - J’admets l’opinion de M. de Theux sur les trois derniers paragraphes, et me réfère à ce qu’il en a dit. Le dernier est surtout inadmissible : on exige que dix membres appuient une proposition ; mais dix membres seront souvent le tiers de l’assemblée, et quelquefois la moitié des membres présents du conseil.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Je propose 5 membres.
M. Verdussen. - Nous ne savons pas encore combien de membres il y aura dans les divers conseils, comment pourrons-nous fixer le nombre des suffrages que préalablement une proposition devra avoir pour être soumise à la discussion ? Nous ne savons pas, par exemple, combien il y aura de conseillers à Namur ; s’il n’y en a que 27, il pourra ne s’en trouver que 20 à l’assemblée : 5 suffrages seraient le quart. Je crois qu’il faut retrancher le dernier paragraphe.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Dans cette chambre toute proposition appuyée par 5 membres est mise aux voix, et l’on peut admettre la même règle pour les conseils. J’insiste pour l’adoption du troisième paragraphe ; il est utile. Quatre ou cinq membres pourraient s’entendre pour faire des propositions politiques d’une très haute portée, il faut que l’assemblée puisse avoir quelque temps pour y réfléchir. Je vois un tel degré d’utilité dans les trois paragraphes, qu’en supposant même que toute disposition règlementaire dût être bannie de la loi, il faudrait y insérer celle que nous discutons.
M. de Muelenaere. - Il faut empêcher que le conseil ne soit entraîné dans des discussions oiseuses et tout à fait inutiles ; c’est pour cela que je désirerais qu’une proposition ne pût être discutée sans avoir été appuyée par un certain nombre de membres. Il arrivera de là qu’avant de présenter une proposition, on la soumettra à plusieurs membres du conseil, et que l’on aura des adhésions avant de la lancer dans le conseil. Cependant demander dix suffrages serait peut-être trop exiger pour des assemblées composées seulement de 27 membres, quoiqu’il n’y aurait rien d’exagéré pour les assemblées composées de 72 membres.
Je voudrais que le dernier paragraphe fût ainsi conçu : « La proposition ne pourra être discutée si elle n’a été appuyée par le cinquième ou le sixième des membres présents. »
- Les trois premiers paragraphes mis aux voix sont adoptés.
M. le président. - M. de Muelenaere dans son amendement déposé sur le bureau rédige ainsi le paragraphe 4 :
« La proposition ne pourra être discutée si elle n’est appuyée par le sixième des membres présents. »
M. Verdussen. - Cet amendement présente le grand inconvénient de faire changer à chaque instant le nombre des membres nécessaires pour appuyer une proposition. Les membres du conseil qui entrent et qui sortent donneront d’un moment à un autre des sixièmes différents.
- Plusieurs voix. - Cinq membres ! Cinq membres !
M. de Theux. - On demande cinq membres ; mais il faut savoir si les deux membres qui ont signé la proposition, ainsi que l’auteur de la proposition lui-même peuvent compter au nombre des cinq membres.
M. de Muelenaere. - Cela me semble incontestable.
M. de Theux. - Je pense qu’il y a réellement danger à adopter le dernier paragraphe ; dans ce moment ou n’en saisit pas toute la portée. Dans cette chambre les choses se passent tout différemment : Une proposition est déposée sur le bureau ; puis renvoyée dans les sections qui en autorisent la lecture ; lecture faite on ne peut la discuter avant qu’elle soit prise en considération. Ici que voulons-nous faire ? Nous voulons déclarer qu’il suffira de l’appui de cinq membres pour qu’une proposition soit discutée.
Je crois qu’il vaudrait mieux abandonner cet objet à la sagesse des conseils provinciaux ; ils sauront mieux que nous ce qu’il faudra qu’ils fassent dans des cas semblables, que leurs règlements ne manqueront pas de prévoir.
M. le président. - M. de Muelenaere demande l’appui du sixième des membres présents.
- Cette proposition mise aux voix n’est pas adoptée.
M. le président. - M. le ministre de l’intérieur demande l’appui de cinq membres au moins.
- Cet amendement mis aux voix est adopté.
L’article ainsi amendé dans son dernier paragraphe est mis aux voix et adopté.
M. le président. - Voici l’article 54 du projet du gouvernement et 53 du projet de la section centrale :
« Le président a seul la police de l’assemblée, il peut, après en avoir donné l’avertissement faire expulser à l’instant du lieu de l’auditoire tout individu qui troublerait l’ordre. Il peut même le faire détenir pendant 24 heures, sans préjudice des poursuites à a exercer devant les tribunaux s’il y a lieu. »
M. Jullien. - Messieurs, dans cet article il s’agit de la liberté individuelle ; il s’agit d’une arrestation qui serait ordonnée par le président de l’assemblée contre tout individu qui troublerait l’ordre. Je trouve que cette disposition finale n’est pas assez claire. Le président peut même faire détenir pendant 24 heures : mais comment le président fera-t-il arrêter cet individu, où le fera-t-il détenir ? Voilà ce que la loi doit dire avec soin lorsqu’il s’agit de l’incarcération d’un individu.
Il y a dans le code de procédure, article 89, une disposition qui est pour un cas tout à fait identique. C’est le cas où un individu trouble l’ordre dans l’audience d’un tribunal. Le président, par le moyen des huissiers, a le droit de faire expulser l’individu qui trouble l’ordre, a le droit de le faire conduire dans la maison d’arrêt. C’est cette disposition de l’article 89 du code de procédure que je voudrais introduire dans l’article 54.
On ne peut pas non plus ne pas dire où le citoyen arrêté sera déposé, et il faut que celui qui sera chargé de recevoir le prisonnier ait une garantie. Il faut aussi que la société ait la garantie que l’individu arrêté l’a été pendant l’audience ou pendant la séance du conseil ; c’est ce que mentionnera le procès-verbal. Toutes ces précautions sont bonnes à prendre dans l’intérêt de la liberté individuelle.
M. le président. - D’après l’amendement de M. Jullien, l’article 53 du projet du gouvernement serait ainsi conçus :
« Le président a seul la police de l’assemblée ; il peut, après en avoir donné l’avertissement, faire expulser à l’instant du lieu de l’auditoire, l’individu qui y porte du trouble. Il peut même le faire détenir dans la maison d’arrêt pendant 24 heures, il y sera reçu sur l’exhibition de l’ordre du président, ordre qui sera mentionné au procès-verbal de la séance, et sans préjudice des poursuites à exercer devant les tribunaux s’il y a lieu. »
- L’amendement de M. Jullien mis aux voix est adopté.
L’article ainsi amendé est adopté.
Les articles 55 et 56 du projet du gouvernement sont adoptés en ces termes :
« Art. 55. Les membres du conseil ne pourront prendre la parole sans l’avoir demandée et obtenue du président.
« Le président rappelle à la question l’orateur qui s’en écarte.
« Toute personnalité, toute injure, toute imputation de mauvaise intention est réputée violation de l’ordre.
« Si un orateur trouble l’ordre, il est rappelé nominativement par le président, après avoir été entendu dans ses explications. Il n’en est fait mention au procès-verbal que si le conseil l’ordonne expressément. »
« Art. 56. Les élections ou présentations de candidats se font conformément au dispositions des articles 19, 20, 21, 24, 25, 27, 28 et 30 de la présente loi.
« Le président est assisté des quatre plus jeunes conseillers faisant les fonctions de scrutateurs. »
M. le président. - La chambre passe à la discussion de l’article 57, ainsi conçu :
« Art. 57. Les conseillers provinciaux ne reçoivent ni traitement ni indemnité. »
M. de Muelenaere. - Messieurs, cette disposition me paraît contraire au but que nous devons nous proposer, qui est de faire prendre part aux délibérations sur les intérêts de la province, à toutes les industries, à toutes les fortunes. Il ne faut pas exclure des conseils provinciaux ceux qui, à raison de leur peu de fortune ou de leur industrie, ne pourraient, à défaut d’indemnité, se rendre au chef-lieu de la province et y séjourner pendant la durée de la session du conseil. C’est dans ce but que je propose l’article suivant en forme d’amendement :
« Il sera porté au budget provincial à titre d’indemnité pour les membres du conseil qui sont domiciliés à plus d’un myriamètre du lieu de la réunion, une somme globale qui ne pourra excéder 100 fr. pour chaque membre ayant droit à l’indemnité.
« Le règlement fixera la répartition de cette somme en ayant égard aux distances parcourues par les membres et à leur présence aux séances du conseil. »
M. Ernst. - Je pense comme l’honorable préopinant, que ceux qui se consacrent aux intérêts du pays, ne doivent pas le faire gratuitement ; mais j’aurai l’honneur de proposer à l’assemblée lorsqu’elle aura voté sur le principe, de renvoyer l’article à la section centrale.
- Plusieurs voix. - Appuyé.
M. Ernst. - Je crois qu’il y a de grands inconvénients à improviser ainsi des articles. Si l’idée m’en était venue plus tôt j’aurais également proposé le renvoi à la section centrale de l’amendement qui tend à soumettre les règlements à l’approbation du roi. Au lieu que cet amendement eût été improvisé, il eût mieux valu qu’il fût soumis à l’examen de la section centrale.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je crois que la question n’est pas très importante. Cependant il faut remarquer que les membres du conseil provincial ne peuvent pas être assimilés aux membres de la chambre des représentants. Ils sont bien dans la même catégorie d’éligibilité ; car à cet égard les conditions sont les mêmes. Mais le déplacement et le séjour sont bien plus onéreux pour les représentants. Si la session des chambres ne devait durer que 15 jours ou trois semaines, personne n’aurait songé à allouer des indemnités aux membres de la chambre des représentants. Et bien qu’on sût que les sessions devaient être fort longues le principe de l’indemnité fut fortement combattu dans le congrès. Si donc on veut avoir égard d’une part à la brièveté des sessions, de l’autre à la position sociale des conseillers provinciaux, l’on reconnaîtra qu’il est inutile de voter une indemnité.
Je rappellerai qu’en France lorsqu’on a voté la loi départementale, il n’a été question ni d’indemnité ni de traitement pour les conseillers généraux de département.
De même pour le jury, vous avez toujours refusé des indemnités ; vous n’avez dû en accorder que par suite d’un amendement introduit dans la loi et qui a donné une grande extension à la liste des jurés, et il est vraisemblable qu’on cesserait d’en allouer aucune si on revenait à une proportion moins étendue que celle où on peut maintenant choisir les jurés.
M. d’Hoffschmidt. - J’appuie l’amendement de M. de Muelenaere. Je pense que si on n’alloue pas d’indemnité, les sessions seront beaucoup trop courtes, les membres des conseils provinciaux seront bientôt fatigués et retourneront à leurs affaires personnelles, et par suite les intérêts des provinces seront négligés. Nous savons d’ailleurs ce que c’est que les fonctions gratuites ; elles sont généralement mal remplies ; ceux qui en sont revêtus les considèrent comme purement honorifiques, ne s’en occupent nullement. Puis ce sera une espèce d’aristocratie ; il n’y aura que les personnes jouissant d’une certaine aisance qui pourront faire partie des conseils provinciaux, ils seront fermés à ceux qui auront peu de fortune, eussent-ils des talents et la confiance générale. Je pense donc que le refus de cette indemnité serait une mauvaise économie ; et cependant il ne peut y avoir qu’un but d’économie pour déterminer le gouvernement à s’y opposer.
M. de Theux, rapporteur. - Le gouvernement a fait lui-même la proposition de n’accorder aucune indemnité. La section centrale a adopté cette opinion : de sorte que je ne sais trop si c’est au ministre ou au rapporteur de la section centrale à développer les motifs qui ont dicté cet article. Evidemment, le but principal que l’on a eu en vue a été de ne pas grever les budgets provinciaux d’une dépense nouvelle.
L’on a supposé que les membres du conseil se trouveraient indemnisés par l’honneur d’être choisis par leurs concitoyens pour représenter la province. Les partisans de cette opinion ont d’une autre part considéré qu’il était peut-être important d’éloigner du conseil les personnes placées dans une situation peu aisée de fortune.
On a fait valoir d’un autre côté des raisons d’équité. On a dit qu’il fallait faciliter l’acceptation des mandats des électeurs pour répondre aux vues larges de notre constitution, que ce serait éloigner de la députation des pères de famille, jouissant de peu de fortune, et d’ailleurs excellents citoyens, que c’était un encouragement donné aux conseillers pour rester à leur poste et ne pas trop précipiter la clôture de la session. Telles sont les considérations alléguées pour et contre l’indemnité.
Entre ces deux opinions, la section centrale flottante, le système du gouvernement a été adopté par une majorité de 4 voix contre 3. Venant à l’opinion personnelle du rapporteur, elle ne s’éloigne pas de celle de M. de Muelenaere, d’abord parce que l’indemnité que cet honorable membre propose est très minime ; en second lieu, parce qu’elle ne servira qu’à payer les frais de voyage et de séjour et ne sera pas accordée globalement, comme cela avait lieu sous l’ancien gouvernement. A cette époque, on a vu des membres des états provinciaux venir faire acte de présence pour avoir droit a une indemnité de 70 francs, et repartir immédiatement. Ce sont ces abus scandaleux que la section centrale a voulu éviter ; que les membres de cette assemblée qui ont une opinion formée à l’égard de la proposition en discussion veuillent bien la déduire$, afin que le travail de la section centrale soit rendu plus facile.
M. A. Rodenbach. - J’appuierai le principe de l’indemnité. Il faudrait que l’on accordât des jetons de présence aux conseillers. Je connais des personnes très parcimonieuses, dont la présence serait utile au conseil provincial ; et qui, si leur mandat entraînait une dépense de cent francs, se garderaient de l’accepter. On éviterait cet inconvénient en accordant des jetons de présence.
M. Angillis. - Je dirai d’avance que j’appuierai la proposition de M. Muelenaere. L’indemnité proposée par l’honorable membre me paraît juste, équitable. On a cité, messieurs, pour repousser l’indemnité, ce qui s’était passé au congrès national. Mais ce congrès était dominé par l’idée de créer un gouvernement à bon marché. En Belgique, sous ce gouvernement a bon marché, tout le monde est payé. (Hilarité.) Le sénat seul, les pères de la patrie, ne le sont pas : si vous voulez que les membres du conseil provincial remplissent leurs fonctions, il faut que vous leur accordiez une indemnité quelconque. (Aux voix ! aux voix !)
- Le principe d’une indemnité à accorder aux conseillers provinciaux, est mis aux voix et adopté.
M. d’Huart. - Je ne pense pas que le renvoi à la section centrale soit nécessaire. Une seconde lecture de l’amendement, qui est fort clair, suffira pour asseoir l’opinion de l’assemblée. Vous verrez que la somme de cent francs sera le maximum de l’indemnité accordée à chacun des conseillers, que cette indemnité sera réglée en raison de la distance parcourue et des jours de présence au conseil. N’auront pas droit à cette indemnité les conseillers demeurant à moins d’un myriamètre de distance du chef-lieu de la province. Je propose que l’on discute séance tenante l’amendement de M. de Muelenaere. (Appuyé !)
M. le président donne de nouveau lecture de l’amendement de M. de Muelenaere.
M. H. Dellafaille - La section centrale ayant rejeté le principe, n’a pu s’occuper de cette discussion. Il y a beaucoup d’arguments à présenter contre une indemnité fixe.
- Une voix. - Elle n’est pas fixe.
M. H. Dellafaille - Les conseillers pourraient faire acte de présence pour venir mettre leur indemnité en poche. Je demande le renvoi à la section centrale.
M. d’Huart. - L’honorable préopinant se trompe. L’indemnité n’est pas fixe. Le total ne pourra jamais dépasser 6,000 fr. pour un nombre de 60 conseillers, le maximum de chaque indemnité étant de 100 fr. Le principe a été admis, pourquoi en retarder l’application ?
M. de Muelenaere. - J’ai ajouté à mon amendement somme globale sur les observations de quelques orateurs. Je voudrais que chaque année les sommes nécessaires pour payer les indemnités fussent portées au budget provincial. La répartition en serait faite par une disposition du règlement, de manière que cette somme globale fût repartie en droits d’indemnité de voyage et droits de présence aux séances.
M. Verdussen. - Je ferai quelques observations en faveur du renvoi de l’amendement à la section centrale. On se trompe si l’on croit que l’indemnité à chaque membre ne pourra dépasser 100 francs.
- Plusieurs voix. - C’est le maximum fixé par l’amendement.
M. Verdussen. - La somme globale certainement ne pourra dépasser 4,000 s’il y a 40 membres, mais il est très possible que dans la répartition des indemnités, un membre du conseil provincial y participe pour une somme qui dépasse 100 francs. L’amendement n’est donc pas aussi simple qu’on l’a dit. J’appuierai en conséquence la proposition faite par M. Ernst.
M. Jullien. - Je ne vois pas pourquoi on mettrait de la précipitation dans la rédaction et dans l’adoption de cet amendement. Vous avez à déterminer le montant de l’indemnité, la distance à parcourir qui y donnera droit. Ce sont là des dispositions qui ne peuvent être improvisées. J’insiste pour que le renvoi à la section ait lieu. Elle nous présentera, je n’en doute pas, une rédaction satisfaisante.
M. d’Huart. - Je renonce à ma proposition.
- Le renvoi à la section centrale de l’amendement de M. de Muelenaere est mis aux voix et adopté.
L’article 58, auquel M. le ministre déclare se rallier, est adopté ; il est ainsi conçu :
« Les membres du conseil votent sans en référer à ceux qui les ont nommés ; ils représentent la province, et non uniquement le canton qui les a nommés. »
- L’article 59 est adopté ; il est ainsi conçu : « Aucun membre du conseil ne peut prendre part à une délibération à laquelle lui, ou un de ses parents ou alliés jusqu’au quatrième degré inclusivement, ont un intérêt personnel direct. »
- La séance est levée à 4 heures et demie.