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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 22 février 1834

(Moniteur belge n°54, du 23 février 1834 et Moniteur belge, n°55, du 24 février 1834)

(Moniteur belge n°54, du 23 février 1834)

(Présidence de M. Raikem)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse procède à l’appel nominal à midi et demi.

M. Liedts donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier, qui est adopté sans réclamation.

Pièces adressées à la chambre

Plusieurs pièces adressées à la chambre sont renvoyées à la commission chargée d’en faire le rapport.

Composition des bureaux de sections

M. de Renesse fait connaître la composition des bureaux :

Première section :

Président : M. Verdussen.

Vice-président : M. de Terbecq.

Secrétaire : M. Lardinois.

Membre de la commission des pétitions : M. de Puydt.


Deuxième section :

Président : M. Zoude.

Vice-président : M. Pollénus.

Secrétaire : M. Liedts.

Membre de la commission des pétitions : M. de Nef.


Troisième section :

Président : M. Dumont.

Vice-président : M. Trentesaux.

Secrétaire : M. Brixhe.

Membre de la commission des pétitions : M. Milcamps.


Quatrième section :

Président : M. Coppieters.

Vice-président : M. Doignon.

Secrétaire : M. Desmet.

Membre de la commission des pétitions : M. Dewitte.


Cinquième section :

Président : M. Angillis.

Vice-président : M. de Behr.

Secrétaire : M. d’Huart.

Membre de la commission des pétitions : M. Poschet.


Sixième section :

Président : M. Dubus.

Vice-président : M. Vanderbelen.

Secrétaire : M. H. Dellafaille.

Membre de la commission des pétitions : M. Schaetzen.

Projets de loi autorisant le transfert de crédits au sein du budget du ministère de la guerre

Dépôt

M. le ministre de la guerre (M. Evain) a la parole pour une communication du gouvernement.

M. le ministre, après en avoir exposé les motifs, donne lecture de deux projets de loi ayant pour objet le transfert d’un crédit resté sans emploi et la répartition d’une allocation portée à son budget.

- Nous donnerons dans un prochain numéro ces deux projets de loi, ainsi que les motifs qui les accompagnent.

La chambre donne acte à M. le ministre de la présentation de ces deux projets de loi et de leurs exposés des motifs. Ils seront imprimés et distribués aux membres de l’assemblée.

M. le président. - La chambre désire-t-elle que ces projets de loi soient envoyés à une commission ou en sections ?

- Plusieurs membres. - A une commission.

M. A. Rodenbach. - Je demande le renvoi aux sections. J’ai cru entendre qu’il était question dans l’exposé des motifs de 14,000 fr. pour les états-majors. Je crois que cette somme est destinée à couvrir les frais de table des généraux, dépense que nous avons déjà refusée lors du vote du budget. Il a été question aussi d’un ancien ordre militaire ; cet ordre n’est autre que celui de Guillaume. je demande à la chambre si elle le reconnaît. Tous ces objets sont de la compétence des sections ; je persiste dans la demande de ce renvoi.

M. Dumortier. - Messieurs, ce n’est pas le moment de s’occuper d’objets particuliers. Nous devons tous nous réunir pour accorder le plus promptement possible ce que nous demande le gouvernement, pour mettre à sa disposition les moyens que nous lui avons offerts par notre adresse. Je demande le renvoi à une commission ; je demande en outre que cette commission soit priée de faire son rapport dans le plus bref délai possible. Ainsi l’Europe verra que nous ne sommes pas disposés à reculer, que nous n’avons point envie de rétracter ce que nous avons dit hier.

Comment, le budget de la guerre a été renvoyé à une commission, et la demande faite par le ministre de la guerre, dans des circonstances extraordinaires, serait renvoyée aux sections ? Ce serait, messieurs, une absurdité. Je demande le renvoi à une commission. (Appuyé ! appuyé !)

M. A. Rodenbach. - M. le ministre n’a parlé que de prévisions ; il n’y a donc pas lieu à tant d’enthousiasme. Dans les circonstances extraordinaires, lorsqu’il a fallu voter des fonds avec empressement, j’ai donné des preuves d’énergie. Mais je ne crois pas qu’il y ait urgence à accorder des fonds pour la croix de notre ennemi Guillaume que nous avons chassé. Quoi qu’il en soit, puisque l’assemblée désire le renvoi à une commission, je ne m’y oppose pas ; mais je prie cette commission d’avoir égard aux observations que je viens de présenter.

M. le ministre de la guerre (M. Evain) - J’aurai l’honneur de faire observer, relativement au traitement de 100 francs accordé aux officiers et soldats décorés de l’ancien ordre militaire du pays, que le paiement en a été autorisé par un arrêté du régent, et qu’il a été constamment effectué depuis la révolution ; je ne crois pas qu’il y ait d’empêchement à ce qu’il soit continué.

Quant aux 14,000 francs demandes pour l’état-major, ils ne sont pas destinés aux frais de table des généraux, mais ils ont pour objet le traitement du commandant et autres officiers composant l’état-major de la forteresse d’Anvers qui nous a été rendue en 1833.

- La proposition du renvoi à une commission est mise aux voix et adopté.

La chambre exprime le vœu que la commission soit nommée par le bureau.

M. le président. - S’il n’y a pas d’opposition, les deux projets seront renvoyés à l’ancienne commission de la guerre.

M. de Robaulx. - Je m’oppose à ce qu’on prenne ainsi l’habitude de renvoyer à une ancienne commission, et ce n’est pas à cause de la composition de la commission de la guerre, car, je le déclare, je ne la connais pas ; mais c’est que ce serait un précédent dangereux. Si cet usage venait à s’établir, lorsqu’on ne trouverait pas à propos de renommer une ancienne commission, on serait obligé d’en déduire les motifs. Cela peut arriver, soit pour cause de suspicion, soit pour toute autre : la confiance ne se commande pas. Je ne m’oppose pas à ce que la commission soit nommée par le bureau ; il peut même la choisir dans l’ancienne commission, mais il ne faut pas que ce soit le titre d’ancienne commission.

Plusieurs membres. - Appuyé !

M. Desmanet de Biesme. J’appuie la proposition de M. de Robaulx. J’appartenais à l’ancienne commission de la guerre, et je sais que les députés qui la composaient sont pour la majeure partie absents de Bruxelles ; ainsi, sous tous les rapports, les projets de loi ne doivent pas être renvoyés à l’ancienne commission.

M. Jullien. - Messieurs, l’ancienne commission de la guerre a épuisé ses pouvoirs. Si le bureau, dans sa sagesse, juge à propos de choisir les mêmes membres, il le fera ; mais il faut d’après votre règlement que le choix de la commission soit renouvelé.

M. le président. - La commission sera nommée par le bureau ; s’il n’y a pas d’opposition, elle sera composée de neuf membres.

Projet de loi relatif à la fixation des circonscriptions cantonales des justices de paix

Dépôt

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Messieurs, j’ai l’honneur de présenter à la chambre un projet de loi relatif à la circonscription des justices de paix, précédé de l’exposé des motifs. La lecture en serait longue et fatigante : je prie la chambre de vouloir bien m’en dispenser, d’autant plus que je ne suis pas encore bien remis de l’indisposition qui m’a empêché depuis quelques jours de partager ses travaux.

- La chambre donne acte à M. le ministre de la présentation de ce projet de loi et de l’exposé des motifs ; ils seront imprimés et distribués. (Ce projet de loi et l’exposé des motifs paraîtront dans un prochain numéro du Moniteur.)

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Messieurs, il est indifférent au gouvernement que le projet de loi soit renvoyé aux sections ou à une commission. Toutefois, je prendrai la liberté de vous soumettre quelques courtes observations sur les motifs qui, je crois, doivent faire préférer le renvoi à une commission.

Indépendamment de l’exposé des motifs et d’un tableau qui même fera partie de la loi, une foule de documents sont joints au projet. Ce sont des pétitions de localités, les travaux des députations provinciales, des parquets de toutes les administrations des provinces et de l’administration judiciaire. Il y a aussi des cartes figuratives des nouvelles circonscriptions et de tableaux de population. Il est impossible de distribuer tous ces documents dans les sections. Leur impression retarderait le travail et chargerait inutilement le trésor d’une assez forte dépense ; car ces documents ne laissent pas que de faire un fort volume in-folio.

Une commission nombreuse pourrait examiner le projet de loi et les documents qui y sont joints. Cela n’empêcherait pas que les députés qui auraient des observations à faire dans l’intérêt de quelques localités, ne pussent les faire valoir ; la commission pourrait même appeler successivement les députés de chaque localité. Je n’insiste pas ; mais je crois que pour que l’instruction de la loi se fasse avec célérité, il est indispensable de donner la préférence au renvoi à une commission.

M. Dumortier. - Messieurs, tout à l’heure j’ai demandé le renvoi à une commission pour des projets de loi spéciaux, parce qu’il y avait urgence. Je crois que, pour la loi dont il s’agit maintenant, ce renvoi serait dangereux ; je vais avoir l’honneur d’en exposer les motifs à la chambre. Toutes les localités du pays sont intéressées dans ce projet de loi, et, quelle que soit une commission, elle ne connaîtra jamais les besoins des localités aussi bien que les sections. Si quelquefois le renvoi aux sections doit être préféré, c’est pour l’objet actuel. Si le projet n’est pas discuté dans les sections, chaque membre présentera ses observations dans la discussion publique, qui alors sera interminable. Nous n’avons d’ailleurs rien à faire dans les sections. Je demande le renvoi en sections.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je crois très sages les considérations qui viennent de vous être présentées ; je ne vous en soumettrai qu’une, c’est qu’il est impossible de mettre tous les documents relatifs au projet de loi à la disposition de chaque section. Je voudrais trouver le moyen de tout concilier. Les sections pourraient déléguer une commission qui déciderait quelles sont les pièces qu’il est utile de faire imprimer. Les autres seraient déposées au bureau des renseignements. Sans cela il faudra imprimer la valeur d’un gros volume in-folio. Ce sera, en outre de la dépense qui sera considérable, une grande perte de temps. Je voudrais tout concilier, je n’ai point de préférence exclusive pour une commission ; seulement, comme les éléments du travail ne peuvent être multipliés, je doute que le projet puisse être examiné par les diverses sections.

M. de Robaulx. - Je pense que les observations de M. Dumortier ont produit quelque impression sur l’assemblée. Ce projet de loi intéresse toutes les localités ; or toutes les localités sont représentées dans les sections, un motif qui doit les faire préférer. Quant à l’impression des pièces, que ce soit ou le bureau, ou une section centrale, ou les questeurs qui en décident. Il est évident que les pièces qui n’ont rapport qu’à des intérêts de localité ne peuvent pas être imprimées. On pourrait laisser au bureau à décider quelles sont les pièces d’un intérêt général.

Je regrette que ce projet de loi relatif aux circonscriptions des justices de paix présente une lacune, et qu’il ne soit pas complété par les circonscriptions des arrondissements. Lorsque vous aurez décidé la circonscription d’un canton, vous ne saurez pas s’il ne sera pas morcelé ensuite par la circonscription des tribunaux.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Il n’est nullement question de changer la circonscription des tribunaux ; elle reste telle qu’elle est, sauf quelques modifications qui sont dans le projet de loi que je viens de déposer. Je ne me propose pas de présenter d’autre projet de loi à ce sujet. Chacun des membres peut user de son initiative. Du reste, toute cette discussion me paraît prématurée.

M. Dumont. - Entrant parfaitement dans les vues de M. Dumortier, je proposerai de renvoyer le projet dont il s’agit à une commission. J’ai fait partie d’une commission chargée d’examiner une loi relative à des circonscriptions territoriales des cantons ; des députés des diverses provinces se sont réunis ; ils ont fait ensemble leurs observations, et la chambre a prononcé sur ces observations, qui lui ont été soumises par le rapporteur de la commission. Si on nommait une commission composée de députés des diverses provinces, toutes les observations sur les diverses localités pourraient être transmises à la commission ; on obtiendrait le résultat que se propose M. Dumortier, et on n’aurait pas l’embarras de faire imprimer un grand nombre de pièces.

M. Dumortier. - Le mode proposé par le préopinant pouvait être très sage aux états-généraux où les amendements étaient interdits, mais n’est pas applicable ici, chacun de nous ayant la faculté de présenter des amendements. Ces amendements rendront la discussion interminable si le projet n’a pas été préalablement examiné par tous les membres, si chacun n’a pas pu présenter ses observations. Le seul moyen d’obvier à ces inconvénients, c’est de renvoyer le projet dans les sections. Toutes les observations pourront être faites, et la section centrale fera, sur ces observations, son rapport à la chambre, qui jugera en connaissance de cause. J’ajouterai que nous n’avons rien à examiner en ce moment dans les sections. Ce renvoi ne retardera pas la discussion du projet, car nous avons à discuter, avant ce projet, celui relatif au chemin en fer et la loi d’organisation communale.

M. Dumont. - Ma proposition, comme celle de M. Dumortier, a pour objet de mettre chacun de nous à même de présenter ses observations.

M. Jullien. - Je n’entrerai pas dans la question de savoir si le projet du ministre de la justice est complet ou non. Cette discussion serait prématurée. Quand nous examinerons le projet, nous verrons s’il est incomplet comme le soutient l’honorable M. de Robaulx. J’aborderai la question de savoir si on enverra ce projet aux sections. Si les sections étaient aussi régulièrement suivies qu’elles le sont peu, je serais de l’avis de l’honorable M. Dumortier. Mais c’est une vérité qu’elles sont presque toujours incomplètes, que presque jamais on ne rencontre dans une section la majorité, c’est-à-dire la moitié plus un des membres qui la composent. J’ai assisté souvent aux réunions des sections, je ne me rappelle pas qu’il soit arrivé deux fois que nous fussions en nombre suffisant pour délibérer valablement.

D’un autre côté, les sections étant formées par la voie du sort, il peut arriver que des sections soient composées presque en entier de députés de la même province. Ces sections ne pourraient envisager le projet que sous le point de vue de leur province. On pourrait concilier les intentions de M. Dumortier avec celles de M. le ministre de la justice, non seulement sous le rapport de l’économie (on doit toujours en faire quand on en a la possibilité), mais dans l’intérêt du travail qui serait plus complet si on nommait une commission dans laquelle entreraient des députés de toutes les provinces. Deux membres de chaque province composeraient cette commission, au choix du bureau. Je pense que le travail d’une pareille commission serait infiniment préférable à celui qu’on pourrait attendre des sections, parce qu’encore une fois elles ne sont jamais complètes ; elles sont à peine fréquentées. C’est au moins ce qui arrive la plupart du temps.

D’après ces considérations, je proposerai le renvoi à une commission composée de deux membres par province.

M. Gendebien. - J’appuie ce que vient de dire mon honorable collègue et ami M. Jullien. J’appuie aussi les observations très judicieuses de l’honorable M. Dumont. Il faut adopter l’une ou l’autre opinion. Il est incontestable qu’en invitant les députés de chaque province à se réunir pour faire un travail spécial relatif à la province à laquelle ils appartiennent, on aura tous les renseignements désirables. Qu’il soit ensuite nommé une commission composée soit d’un membre ou de deux membres par province, vous aurez tout naturellement un ou deux membres qui exposeront à la commission le travail spécial fait entre tous les députés de la province. Je ne vois aucune espèce d’inconvénient au mode que je propose.

Je ne pense pas qu’on vienne me reprocher, par un argument banal qui serait sans application ici, de vouloir diviser la chambre en catégories provinciales, de ressusciter l’esprit provincial, puisque cet esprit provincial, en supposant qu’il prévalût dans quelques propositions, viendrait se fondre dans la commission où les besoins de chaque province seraient exposés devant des juges impartiaux qui rectifieraient ce qu’il pourrait y avoir de trop local dans les propositions faites.

Je demande donc que les députés de chaque province soient invités à se réunir, dans les sections, pour faire un travail spécial sur leur province et nommer ensuite deux membres par province pour former la commission qui sera chargée d’examiner le projet de loi.

M. Dumortier. - La proposition de l’honorable préopinant est en dehors du règlement qui prescrit le renvoi dans les sections ou à une commission, en indiquant la manière dont les commissions peuvent être nommées. L’honorable membre qui invoque toujours le respect dû au règlement, ne voudra pas qu’on le viole dans cette circonstance, et ce serait le violer que d’adopter sa proposition.

Je pourrais rappeler ce qui passé mainte fois dans cette enceinte, pour vous engager à repousser la proposition de réunir les députés par province ; cette question s’est présentée bien des fois dans la chambre des représentants, et toujours vous avez décidé que la division par province était inadmissible, que la chambre ne reconnaissait pas de provinces.

De quoi s’agit-il ? de circonscriptions cantonales. Sans doute la chambre ne peut pas s’entourer de trop de lumières. Il faut que tous les membres prennent part à cet examen, parce qu’ils viennent de tous les points du royaume et pour que toutes les observations auxquelles peut donner lieu le projet, soient présentées avec connaissance de cause. Pour obtenir ce résultat, il faut que le projet soit renvoyé dans les sections. Je ne vois aucun motif pour demander le renvoi à une commission, à moins qu’on veuille traîner en longueur et rendre la discussion interminable.

Un des préopinants a objecté qu’on ne se rendait pas dans les sections. Il est possible qu’il ne s’y rende pas ; mais moi, qui m’y rends toujours, je puis attester qu’il s’y rend beaucoup de membres, et qu’on y travaille très bien. Si quelques-uns s’abstiennent d’y venir, la majeure partie y est toujours, et dans cette circonstance, où il s’agit d’un objet qui nécessite les observations de tous les membres, je suis persuadé que chacun s’empressera de se rendre aux réunions. La nomination d’une commission aurait pour résultat de donner à quelques membres le privilège de déterminer les circonscriptions judiciaire de tout le royaume.

M. de Theux. - Je ne vois pas que le règlement s’oppose aux propositions faites par les précédents orateurs. Il suffit que la chambre décide qu’il sera nommé une commission de neuf membres et en laisse le choix au bureau ; je suis persuadé que le bureau prendra un membre dans chaque province. Cette commission, ainsi nommée, les pièces seraient déposées au greffe et les membres seraient avertis du moment où ils pourraient prendre communication de ces pièces et présenter à la commission les observations qu’ils auraient à faire sur la circonscription présentée pour leur province. On obtiendrait ainsi un travail lucide, sur lequel il ne pourrait s’élever que peu de contestations en définitive ; tandis que si on renvoie dans les sections, je crains qu’il n’y ait une grande confusion. Je fais la proposition que le bureau soit invité à nommer une commission de neuf membres.

M. Gendebien. - D’après les observations de l’honorable préopinant, je pourrais me dispenser d’insister ; mais je dois dire que je n’ai nullement eu l’intention de violer le règlement, ma proposition était toute naturelle, il n’était pas même besoin de décision de la chambre pour qu’elle fut exécutée ; il suffit que le bureau nomme une commission de neuf membres. Les députés de chaque province pourront convenir de se réunir pour examiner ce qui est relatif à leur province, et comme le bureau nommera un membre pour chaque province, pour former la commission, chaque réunion provinciale aura un rapporteur officieux prés de la commission.

M. Desmanet de Biesme. - C’est un fait malheureusement connu, que les sections ne sont pas fréquentées. il est arrivé souvent que pour des projets importants, nous ne nous sommes pas trouvés en nombre.

Quand il s’est agi de l’émission des bons du trésor de M. Angillis et moi, nous nous sommes presque toujours trouvés seuls à la réunion de la section et c’est M. Angillis qui s’est chargé de tout le travail. Vous ne pouvez donc pas espérer avoir l’opinion de la chambre par l’examen des sections, puisque personne ne s’y rend, tandis que quand on nomme une commission, chacun des membres assiste à ces réunions.

Quant à l’opinion émise par M. Dumortier, que la proposition de M. Gendebien viole le règlement, je ferai observer qu’il est arrivé plusieurs fois qu’on a assemblé les sections par province.

(Moniteur belge, n°55, du 24 février 1834) M. Seron. - J’appuie ma proposition de MM. de Theux et Dumont, de nommer une commission composée d’un membre de chaque province. La commission, ainsi composée, quand elle s’occuperait de la province de Namur, appellerait dans son sein la députation de Namur ; quand elle s’occuperait de la Flandre orientale, elle appellerait la députation de la Flandre orientale ; et ainsi des autres provinces. Par ce moyen, cette commission s’entourerait de tous les renseignements nécessaires et serait à portée de faire un rapport complet et parfait que nous n’obtiendrions pas du travail en sections, où, malgré ce qu’a pu dire M. Dumortier, on ne se rendra pas.

- Le renvoi dans les sections n’est pas adopté.

Le renvoi à une commission est ordonné.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je voulais faire à peu près les mêmes observations que l’honorable M. Seron et l’honorable M. Gendebien. Le but que se proposait M. Gendebien, si une commission était chargée d’examiner le projet de loi, était que cette commission s’entourât des lumières de tous les membres qui composent les députations des provinces dont elle s’occupera successivement.

Si la commission est composée de deux membres par province, elle devra être non de 18 membres, mais de 16, et de 8 membres et non de 9, si on ne prend qu’un membre par province ; car la province du Limbourg est étrangère au projet. Pour la province du Luxembourg, il ne la concerne que pour la distraction de 7 ou 8 communes de cette province, qu’on se propose de réunir à la province de Liége. Quoique cet intérêt soit bien minime, je pense que la question ne peut pas être tranchée sans qu’on ait entendu les députés du Luxembourg. Mais quant à la province du Limbourg, comme elle est tout à fait étrangère au projet, je pense qu’il est inutile de la représenter dans la commission.

- La chambre décide que la commission sera composée de 18 membres et nommée par le bureau.

Projet de loi portant le budget du ministère de l'intérieur de l'exercice 1834

Discussion du tableau des crédits

Chapitre X. Commerce, industrie, agriculture

Article 2

M. le président. - L’ordre du jour est la suite de la discussion du budget de l’intérieur.

« Art. 2. Agriculture : fr. 325,500. »

La section centrale propose d’élever ce chiffre à 423,500 fr.

M. le ministre de l'intérieur adhère à cette proposition.

M. H. Dellafaille. - Messieurs, je rends volontiers justice au zèle que M. le ministre de l’intérieur montre pour favoriser tout ce qui peut apporter de nouveaux perfectionnements à notre agriculture déjà si prospère ; mais les mesures prises à cet effet ne me paraissent pas répondre toutes également à sa louable intention ; je crois lui rendre un service en lui soumettant quelques considérations sur l’emploi des sommes réclamés dans ce but.

Je ne puis que donner mon plein assentiment au subside demandé pour l’école vétérinaire. Cet art est presque totalement négligé dans nos campagnes, et le cultivateur médiocrement fortuné, qui hésite à faire venir à grands frais un vétérinaire de la ville, recourt à des empiriques dont l’ignorance ébrèche souvent son modique avoir. Un établissement destiné à répandre des connaissances trop peu répandues et à pourvoir à un besoin qui se fait sentir presque partout, sera un véritable bienfait pour l’agriculture.

J’approuve encore l’emploi des fonds demandés pour la culture du mûrier. Les heureux résultats obtenus des premiers essais, tentés pour introduire en Belgique l’industrie sétifère, doivent nous faire concevoir l’espérance de la voir se naturaliser dans notre patrie. Si le succès répond un jour à ce que promettent les premiers présages, nous n’aurons pas à regretter les 10,000 fr. dépensés pour encourager cette industrie naissante.

Quoique j’aie une opinion beaucoup plus modeste des succès qui doivent couronner les efforts faits pour introduire dans ce pays la culture de la vigne, je ne m’opposerai cependant pas au crédit demandé pour cet objet. A dire le vrai, je crois que les coteaux du Médoc, de la Bourgogne et de la Champagne alimenteront nos caves beaucoup plus souvent que ceux de Renaix ou de Wesemael. Mais quand nous ne retirerions de nos vignobles indigènes qu’un jus propre à convertir en vinaigre, cette nouvelle culture offrirait encore à la Belgique deux avantages qui ne sont pas à dédaigner.

D’abord elle l’affranchirait en partie d’un tribut qu’elle paie à l’étranger, et lui ferait trouver sur son propre sol une nouvelle richesse. Ensuite elle utiliserait des terrains ingrats et actuellement presque sans rapport, en substituant à leurs très faibles produits un mode d’exploitation beaucoup plus avantageux. Il paraît d’ailleurs qu’on peut espérer mieux de la culture de la vigne dans notre pays, et que si nos vignobles ne peuvent ambitionner l’honneur d’approvisionner la table du riche, ils auront au moins le mérite de mettre plus à portée des classes moins fortunées une denrée dont elles sont à peu près privées par le haut prix des vins étrangers. Je crois donc que la somme de 6,000 francs réclamée pour cet objet ne saurait être envisagée comme une dépense mal employée.

Je voudrais pouvoir en dire autant des fonds destinés à encourager la culture du maïs, mais il m’est impossible d’y voir autre chose qu’une dépense perdue sans but comme sans résultat. Persuadé que le ministre ne demande pas mieux que de connaître la vérité, je ne crois pas le désobliger en lui disant sans détour que je ne connais aucune personne un peu au fait de l’agriculture dont son projet de nouvelle exploitation n’excite l’hilarité. Cette entreprise ne peut être utile qu’à un seul homme, celui dont M. le ministre a trop légèrement accueilli les assertions et qu’il aurait dû renvoyer à La Haye réclamer auprès du roi Guillaume l’exécution d’un contrat qui n’engageait point la Belgique au moins d’une manière spéciale.

A quoi bon jeter à un étranger une pension assez forte pour des services que je n’hésite pas à appeler chimériques ? M. le ministre a-t-il cru par aventure qu’en Belgique on ne connaissait point le maïs ? Qu’il se détrompe. Il est vrai que ce n’est point un objet qui entre dans la grande culture ; mais est-ce par un effet de l’ignorance de ceux qui s’y livrent ? Nullement. Nos cultivateurs savent fort bien comment on cultive ce grain, et ils n’ont à cet égard aucun besoin des leçons du sieur Panigada ; mais ils le cultivent peu parce qu’en général ils trouvent plus économique de lui substituer le blé. Le maïs, denrée de peu de valeur, demande un assez bon terrain, une grande quantité d’engrais, et exige en outre beaucoup de temps et de main-d’œuvre pour l’égrenage. Or nos fermiers ont autre chose à faire, à moins qu’ils ne mettent à cette occupation leurs femmes et leurs enfants dont les mains sont menacées d’être réduites à l’inactivité par suite de la décadence de la fabrication des toiles. Voilà les motifs pour lesquels cette céréale n’est guère semée que dans les jardins ; mais de fait elle est connue et cultivée dans une foule d’endroits.

J’ai vu dans le Moniteur de longues dissertations sur les avantages que doit valoir au pays l’introduction du maïs, et si nous devons en croire l’auteur, une source de richesses va jaillir du terrain mis à sa disposition. Moins confiant que le ministre, je demanderai avec un honorable député d’Alost ce que le sieur Panigada veut que nous fassions de son grain de poulet. S’aviserait-il de le présenter comme aliment aux habitants de la Belgique ? La chose serait curieuse. Mais le plus pauvre de nos cultivateurs va lui rire au nez.

Je conçois qu’en Espagne, dans le midi de la France, contrées où l’agriculture est encore dans l’enfance, la classe pauvre remplace par le maïs le blé trop rare et trop cher, parce qu’il est mal cultivé. Mais que le sieur Panigada vienne en Belgique, où l’agriculture est portée au plus haut point de perfection, conseiller aux habitants de renoncer à leur aliment usuel pour adopter la misérable nourriture des peuples plus arriérés ; voilà une intrépidité de bonne opinion qui ne laisse pas que d’avoir son côté plaisant. Autant vaudrait conseiller à nos paysans d’imiter les habitants de la Savoie qui, faute de blé, se fabriquent du pain de châtaignes.

Au lieu de faire cette inutile dépense, je croyais qu’il y avait lieu de féliciter les Belges de ce que, plus civilisés que les compatriotes du nouveau Triptolème, ils étaient à même de se procurer une meilleure nourriture ; j’étais même tout disposé à conseiller au sieur Panigada de venir en Belgique, non pas donner, mais recevoir des leçons, et de retourner au bout de quelques années dans sa patrie pour y importer les résultats de son apprentissage. Quand il aura enseigné non pas aux Belges à substituer le maïs au blé, mais bien aux peuples du midi à substituer le blé au maïs, il aura bien mérité de son pays, et son gouvernement ne paiera pas trop cher un pareil service en lui allouant le traitement que lui donne le ministre de l’intérieur, voire même en lui érigeant une statue.

M. le ministre de l’intérieur ferait à mon avis un beaucoup meilleur usage de cette somme de 6,000 francs, s’il la reportait aux le dernier numéro compris dans le littera A ; je veux dire les encouragements donnés à la culture de la garance. Voici un produit agricole réellement utile, presqu’inconnu en Belgique, et aussi intéressant pour notre industrie que pour l’agriculture elle-même. Loin de connaître cette dépense, je désirerais même qu’une somme plus forte fût consacrée à cet usage.

Jusqu’à une époque assez récente encore, les Hollandais ont par rapport à notre pays, conservé le monopole de la garance, tant pour la fabrication que pour la culture. On croyait que cette plante exigeait les terres fortes de la Hollande, et ne s’accommodait point des terres légères de la Flandre. L’expérience a démontré le contraire.

Les frères Verplancke, possesseurs d’une manufacture de garance à Zieriezée, en ont établi il y a quelques années une seconde à Tronchiennes, près de Gand. Notre pays ne produisant point de garance, ils tiraient leur matière première de la Zélande. Désirant cependant enrichir la Flandre de cette nouvelle branche de production, ils ont essayé de cultiver cette plante dans les terres sablonneuses à Tronchiennes. Le succès a dépassé leur attente, et le propriétaire lui-même m’a affirmé que, pour l’usage de sa manufacture, il préférait la garance indigène à celle de la Zélande.

MM. Verplancke ont taché de propager cette culture, et quoiqu’ils fussent seuls à même d’en acheter les produits, ils ont eu assez de désintéressement et de patriotisme pour assurer aux cultivateurs un prix égal, s’il n’est même supérieur, à celui auquel cette denrée se vend à Zieriezée. Mais vous savez, messieurs, que l’habitant des campagnes ne se livre que difficilement à des expériences, et qu’une nouvelle culture ne s’introduit que lentement. Aussi la propagation de celle-ci n’est pas fort avancée, et la belle manufacture de Tronchiennes était encore obligée, en 1830, de tirer de la Zélande la presque totalité de la garance qu’elle employait.

La révolution, en satisfaisant plusieurs intérêts, devait nécessairement en blesser quelques autres. Ce dernier sort qu’a éprouvé la manufacture dont j’ai parlé. Le premier coup lui a été porté très involontairement par le congrès qui, croyant favoriser la production de la garance, et ignorant combien la quantité qu’en fournit le pays est encore insuffisante pour les besoins, frappa cette denrée et un droit d’entrée exorbitant. Le second le fut par le gouvernement hollandais qui, mieux instruit du véritable état des choses, établit sur la garance un droit de sortie équivalant à une prohibition. De ces deux mesures combinées résulte l’impossibilité de tirer la garance de Hollande, et, toute celle que produit le pays ne suffisant que pour un terme très court, la manufacture de Tronchiennes devrait chômer presque toute l’année, ou se transplanter chez nos rivaux, si les frères Verplancke n’avaient trouvé le moyen d’utiliser le mull de garance, et de conserver ainsi quelque activité, à leur bel établissement.

Vous voyez, messieurs, combien est précaire l’existence d’une manufacture unique en Flandre, et je crois en Belgique ; manufacture indispensable dans un pays où l’industrie cotonnière est une des principales sources de prospérité.

Indépendamment des bénéfices que procurerait la garance comme produit agricole très avantageux, la propagation de sa culture affranchirait notre industrie d’un tribut qu’elle devrait payer à la Hollande. Je prie M. le ministre de l’intérieur de prendre cet objet en mûre considération, et d’examiner particulièrement si la faiblesse du subside qu’il se proposé d’accorder, ne paralyserait pas les efforts qu'il veut faire pour propager en Belgique la culture d’une plante qui présente une double utilité.

M. Seron. - Messieurs, la section centrale propose d’allouer 10,000 fr. en faveur de la culture du mûrier et de l’éducation des vers à soie ; mais elle refuse les 6,000 fr. nécessaires pour soutenir le vignoble modèle ; elle refuse également la continuation du subside demandé pour l’encouragement de la culture du maïs.

Le sol fécond de la Belgique est, sans contredit, très propre à la culture des mûriers qui croissent partout, même dans la Champagne pouilleuse où l’on en y autrefois planté. Mais notre climat humide est-il également propre à l’éducation des vers à soie ? Des personnes qui ont habité longtemps l’Italie et les provinces méridionales de la France en doutent fortement. Le temps nous apprendra si leur opinion est fondée.

Pour ce qui regarde nos vignobles, l’opinion la plus générale est que les vins qu’ils nous donneront ne vaudront jamais mieux que ceux de Surène et de Brie ; que leur mélange avec les gros vins du midi et même avec les vins de Bourgogne ne produira qu’une boisson peu agréable, peu saine, peu propre à former une branche d’industrie et de commerce digne de l’attention du gouvernement.

Quant au maïs qui, suivant les agronomes, demande une terre profonde, légère, bien ameublie, l’expérience a démontré qu’il peut réussir en Belgique comme il réussit dans plusieurs provinces de la France, au nombre desquelles je citerai la Lorraine et la Normandie. J’en ai vu l’an dernier une superbe récolte à portée de Bruxelles, dans un champ cultivé par les soins et sous la direction de M. Panigada, laquelle est venue à maturité malgré les pluies de l’arrière-saison,. Il est difficile de convertir le maïs en pain ; mais on en fait d’excellente bouillie très digestive et des gâteaux, C’est une nourriture fort saine, peu coûteuse et par cette raison, propre à assurer la subsistance des classes moins aisées de la société. La tige sert, en outre, de nourriture aux bestiaux, et les feuilles qui se broient difficilement sont employées à faire des matelas à un prix extrêmement modéré.

La culture du maïs a sur celle de la vigne et du mûrier cet autre avantage qu’elle ne peut jamais mettre notre industrie en opposition avec l’industrie de la France, ni faire obstacle à un traité de commerce entre elle et nous. Au contraire car souvent la France manque de céréales, et elle a besoin des nôtres.

Ce traité, à la possibilité duquel on ne croit plus depuis l’apparition des nouveaux projets de tarifs et de lois de prohibition, aura cependant lieu un jour, amené par la nature des choses et par des intérêts réciproques.

Ajoutons que M. Panigada, croyant à de certaines promesses, a pris à bail une assez grande étendue de terrains, et que ce serait lui faire un tort considérable que de lui ôter en 1834 le subside sur lequel il a compté.

Par ces considérations je demande que les 6,000 fr. proposés par le gouvernement pour la culture du mais, au budget de 1834, soient alloués.

On vient de dire que le maïs est un grain de poulet ; il sert effectivement à la nourriture de la volaille et même du poulain d’Inde. Il n’en est pas moins la nourriture du peuple dans toutes les provinces de la France où on le cultive.

M. Desmanet de Biesme. - Au risque d’exciter l’hilarité dans l’assemblée, je prendrai la liberté de défendre l’allocation demandée par le ministre pour encourager la culture du maïs. La section centrale dit que c’est une culture connue ; mais jusqu’à présent on ne s’y était livré que dans les jardins, et comme on ignorait les résultats de cette culture faite en grand, le gouvernement avait nommé une commission dont j’avais l’honneur de faire partie pour examiner les résultats obtenus par le sieur Panigada de la culture du maïs.

Quoique l’opinion d’une commission nommée en dehors de cette enceinte ne doive pas diriger cette chambre, je crois pouvoir parler de ce que cette commission a fait, comme renseignements. Je vous prie de ne pas croire qu’on se soit laissé séduire par les propositions de M. Panigada. Depuis longtemps il avait fait des essais en petit, et l’opinion générale était que cela ne pouvait pas réussir dans ce pays. Le ministre a cru à propos d’accorder quelque fonds pour faire des essais, et les résultats ont surpassé tous de qu’on pouvait attendre. Beaucoup de personnes ont été à même de voir cette culture aux environs de Bruxelles ; des personnes des provinces méridionales ont trouvé les récoltes aussi belles que dans leur pays.

Le rapport a été très grand puisque, dans différentes localités, le maïs a rapporté plus de 52 hectolitres par hectare. C’est une production extraordinaire. Le rapport de la commission d’agriculture du Brabant lui a été tout à fait favorable. Un agriculteur qui cultive du maïs chez lui, a déclaré que les produits de M. Panigada étaient beaucoup plus beaux que les siens, et que cela tenait au mode de culture.

La commission ne s’est pas prononcée d’une manière absolue ; elle n’a pas dit que cette culture pouvait réussir partout. Il faut que de nouveaux essais soient faits. L’année dernière peut être comptée au nombre des années chaudes ; il pourrait arriver que, dans une année, qui le serait moins, cette culture ne réussirait pas aussi bien. Les essais nouveaux auront lieu sur différents terrains, car dans les environs de Bruxelles les terres sont comme des espèces de jardins, et les essais qu’on y fait n’auraient peut-être pas le même succès dans d’autres localités.

Nous avons été d’avis que des essais fussent faits dans les Flandres ; nous pourrons en faire aussi dans la province de Namur, dans le Hainaut et la province de Luxembourg. On ne peut pas se dissimuler que si certaine espèce de maïs entrait dans l’assolement il pourrait remplacer l’épeautre qui n’est pas très productif, en supposant qu’il vînt à réussir et pût trouver du débit sur les marchés.

La commission avait pensé que si la culture réussissait, on pourrait introduite ses produits dans le régime alimentaire des prisons. L’administrateur a demandé à M. Panigada de lui envoyer du maïs, et on fait en ce moment des essais à la prison militaire d’Alost.

Je pourrais me dispenser d’insister davantage sur ce point. On sait que dans divers pays le maïs sert à la nourriture des pauvres : dans la Lombardie, par exemple, pays qui n’a rien à envier à la Belgique sous le rapport de la culture.

Quand on veut introduire quelque chose de nouveau dans l’agriculture, on est toujours sûr d’avoir contre soi deux espèces d’hommes : les uns, qui se figurent que leur pays n’a rien à apprendre en fait d’agriculture, qu’elle est arrivée à son apogée ; et les autres, qui, par un excès contraire, pensent qu’il faut abandonner les anciennes cultures quand on en découvre de nouvelles.

Nous avons pensé que la culture du maïs devait être encouragée, parce qu’elle peut servir à la nourriture de l’homme et du bétail. Quand il s’agit de nouveaux essais, il est naturel que le gouvernement commence et engage ainsi les riches cultivateurs à essayer de leur côté. C’est ainsi que les nouveaux modes de culture se répandent dans le pays.

Je pense que les hommes qui cherchent à introduire dans leur pays de nouvelles branches de culture, au lien d’être découragés, doivent recevoir des encouragements. C’est un avantage, une grande ressource pour un pays que d’avoir plusieurs branches de culture, dont les produits servent à la nourriture de l’homme ; car, en Irlande, on ne cultive que les pommes de terre ; quand elles manquent, les habitants ne savent avec quoi se nourrir. Ainsi, celui qui est parvenu à doter un pays d’une telle source de prospérité, à augmenter les moyens d’existence des classes pauvres, loin de mériter des sarcasmes, ne mérite que de la reconnaissance et des éloges, qu’il soit étranger ou indigène.

M. de Robaulx. - Je commencerai a examiner si le chiffre demandé par le ministre est nécessaire. Bien que je me déclare favorable à l’allocation, je voudrais qu’il m’expliquât pourquoi il demande 6,000 francs, tandis que M. Panigada n’a que 3,000 fr. En admettant les courses qu’il devra faire dans quelques provinces, la somme de 3,800 francs serait suffisante.

Messieurs, pour ce qui regarde l’utilité de la culture du maïs, je m’en réfère à ce qu’ont dit nos honorables collègues MM. Seron et Desmanet de Biesme. Cependant, j’ajouterai que la culture du maïs, dont j’ai fait l’essai en petit, est d’un rapport considérable, non seulement en grains, mais en fourrage. Ce fourrage est très riche, très succulent et très bon surtout pour le gros bétail. Je suis sûr que si on faisait des essais, on pourrait tirer du sucre de ce fourrage qui, composé de feuilles superposées, contient à l’intérieur une grande quantité de suc. Il est impossible qu’en l’employant à la nourriture des bêtes à cornes il ne produise pas beaucoup de lait. Je crois donc que la culture du maïs faite en petit serait très productive, pouvant être employé à la nourriture des bestiaux et même à celle des dindons, ce qui intéresse beaucoup de monde. (On rit.)

Je conçois la culture en petit dans un pays comme le nôtre, où le climat est tempéré et quelque peu humide dans l’arrière-saison, parce qu’il est toujours possible de faire la récolte en enlevant les épis et les séparant de la terre ; ils sèchent plus facilement. Quant à la culture en grand, j’avoue que cela pourra éprouver plus de difficulté. Je conçois la culture faite sur une grande échelle. Si les temps deviennent pluvieux au commencement de l’automne, à l’époque où commence la récolte, vous ne pourrez pas laisser les épis à terre, car ils prendront de l’humidité et pourront se gâter. Voilà l’obstacle que je trouve à l’exploitation en grand de la culture du maïs. Mais cela n’empêche pas que nous ne donnions la somme nécessaire pour en faire l’essai, puisqu’on ne l’a pas fait. Pour la culture en petit, elle peut être extrêmement utile aux particuliers qui ont de petites parties de terre et doivent tâcher de produire le plus possible.

Le maïs peut servir à la nourriture de l’homme aussi bien que des bestiaux. On n’a pas encore essayé jusqu’à présent de faire du pain avec du maïs. On pourrait essayer de mélanger du seigle qui est humide et du maïs qui est très sec, et je suis persuadé qu’on obtiendrait une nourriture très utile dans les temps de disette.

Je ne crois pas, en m’appuyant sur les observations de l’honorable préopinant, devoir tirer la même conséquence que lui des résultats obtenus l’année dernière, qu’il pense ne pas être aussi satisfaisants une autre année, l’année dernière pouvant être comprise parmi les années chaudes. Car l’année dernière a été assez froide. La preuve en est qu’on n’a récolté que de mauvais vins ; les vents ont presque toujours été au nord. Le temps a été sec, mais froid.

Quant aux essais dont a parlé M. Desmanet, pour remplacer l’épeautre par le maïs, je ne pense pas qu’on puisse réussir ; car il faut des terres profondes pour le maïs, tandis que l’épeautre se récolte dans les terrains schisteux.

Faut-il maintenant, messieurs, abandonner la culture du maïs, refuser l’allocation d’une somme de 4 mille fr., et laisser là tous les essais faits jusqu’à présent, non parce qu’on n’a pas réussi (le contraire paraît être prouvé par le rapport d’un membre de la commission qui a été chargée d’examiner les essais faits), mais parce qu’on n’est pas sûr encore de pouvoir exploiter cette culture en grand ? Si on demandait des sommes considérables, comme pour les fermes modèles, je les refuserais ; mais, pour un subside de si peu d’importance, il y aurait parcimonie poussée à l’excès à le refuser. Si le ministre justifie les 6 mille fr., je les voterai ; s’il ne les justifie pas, je proposerai une réduction.

J’ajouterai que celui qui reçoit les 3 mille fr. est un réfugié politique ; qu’il serait mal, après avoir utilisé ses travaux, de le laisser dans le besoin, quand il a contracté des obligations auxquelles il ne saurait pas faire face.

M. A. Rodenbach. - Messieurs, le maïs ne manque pas de détracteurs. Le député d’Alost a parlé de Panigada, et a dit qu’il avait contracté avec le roi Guillaume. L’honorable membre est dans l’erreur, car ce n’est pas Panigada, mais un autre Italien qui avait pris des engagements avec l’ex-roi des Belges. Je n’entrerai pas dans plus de détails à cet égard.

J’arrive à la culture du maïs, que je crois très avantageuse. Ce graminée ne contient pas du gluten, mais il a moins de matière nutritive que le blé ordinaire : il pèse 10 p. c. moins que le froment ; mais il y a compensation dans le produit, car il a paru prouvé à la commission supérieure d’industrie, et à plusieurs honorables membres qui s’en sont occupés, que la récolte est de deux tiers plus forte que celle du froment. Un hectare produit 20 à 25 hectolitres de grains, tandis que le maïs en donne de 52 à 60, environ les deux tiers en sus. Ainsi il y a compensation de la différence de 10 p. c. sur le poids et sur la matière nutritive.

M. de Robaulx a dit qu’on n’avait pas fait d’essais de pain : je lui dirai que j’en ai mangé ; il était composé comme dans l’Amérique du nord, le nord de l’Espagne, l’Italie, d’un tiers de froment et de deux tiers de maïs. C’est un pain très bon, très sain, et la panification est très facile. On pourrait aussi l’employer pour faire de la bière et des eaux-de-vie de grain ; contenant beaucoup de suc, la fermentation se ferait très bien.

S’il s’agissait d’une somme de 30 ou 40 mille francs, je m’y opposerais, je n’accueille pas légèrement les innovations ; mais comme des essais ont déjà prouvé que la culture de cette céréale pouvait être utile àà la Belgique, je voterai l’allocation.

M. Jullien. - En agriculture comme en industrie, toutes les fois qu’un gouvernement introduit une industrie ou une culture nouvelle et qu’il a fait des sacrifices, il a rempli sa tâche aussitôt que l’expérience est manquée ou réussie. Quand l’expérience réussit, le gouvernement ne doit pas continuer à donner des fonds pour la répéter ; il doit l’abandonner entièrement à l’industrie particulière, au commerce particulier qui doivent nécessairement en retirer tous les avantages, et qui porteront à son plus haut degré de perfection ce qui a été l’objet d’essais. Lorsque l’expérience manque, la tâche du gouvernement est également finie ; ce serait une ridicule prodigalité que de s’obstiner à jeter des fonds à une culture ou une industrie nouvelle, lorsque les faits prouvent qu’on ne peut en rien retirer. Il ne faut pas réduire en système permanent le système quelquefois utile des expériences ; il pourrait se trouver des amis, des protégés des hommes en place qui viendraient, sous le prétexte d’expériences, demander des indemnités et qui obtiendraient ainsi de grands avantages. Ainsi l’un vit sur la feuille de vigne, l’autre vit sur la feuille de mûrier, et, après plusieurs années, on offre à la nation zéro.

En appliquant ce principe à l’espèce, je dis, relativement au mûrier : Puisque l’expérience a prouvé qu’il peut réussir dans nos provinces, puisque déjà on a présenté des produits satisfaisants de l’industrie sétifère, il me paraît inutile de donner des secours à ce nouveau genre d’industrie. Si le commerce particulier ne s’en empare pas, c’est qu’il est mauvais.

En appliquant le même principe aux vignobles, je crois que nous avons acquis la certitude que depuis nombre d’années, et dans nombre de sacrifices pour obtenir du raisin, on n’est parvenu qu’à faire d’assez médiocre verjus, ou d’assez mauvaise piquette. Il faut d’ailleurs considérer la question des vignobles sous un autre point de vue.

Pour n’être plus tributaires de la France, plantons de la vigne, a-t-on dit ; mais en transplantant la vigne de France, on ne transporte pas son soleil. Quoi qu’il en soit, si chaque peuple raisonnait de la même manière, je ne sais trop ce que deviendrait le commerce : il faudrait élever les murailles de la Chine autour de chaque Etat, s’il n’y avait plus d’échanges possibles. C’est un rêve que de vouloir enlever à la France ses vins méridionaux que nous boirons toujours.

Sous ce rapport, je ne me sens pas disposé à allouer les fonds que l’on demande pour la culture de la vigne, surtout que depuis trois ans, aux environs de Bruxelles, on voit des pommes de terre dans le terrain qui devait être occupé par de la vigne.

Cependant, si, en supprimant cette dépense, il fallait retirer un secours à celui qui est chargé du vignoble, je ne serais pas éloigné à lui accorder une indemnité ; mais pour continuer à donner des fonds pour la culture de la vigne, c’est ce que je ne ferai pas.

Il y a un article que j’ai vu avec plaisir parmi les secours accordés à l’agriculture ; c’est celui qui donne des fonds pour achat d’instruments aratoires et d’instruments perfectionnés. Et ici j’indiquerai un instrument qui favorisera les cultivateurs du lin dans notre pays ; c’est le peigne fait en Angleterre pour les lins. Je suis certain, d’après les renseignements qui m’ont été communiqués, que le peigne anglais donne un produit de un sixième de plus que les peignes employés dans nos provinces. La dépense pour l’acheter n’est pas considérable ; c’est 30 ou 60 fr. En se procurant ces sortes de peignes, on fera faire aux cultivateurs un bénéfice d’un sixième de plus sur leurs récoltes.

J’ai peu de chose à dire sur le maïs. Il y a des partisans de ce grain ; il en est d’un autre avis : quant à moi, je n’y tiens pas beaucoup. J’ai été voir aux environs de Bruxelles la culture du mais ; j’ai été étonné de la beauté des produits.

Si les bénéfices de la production répondent à ce que l’on dit, je ne crois pas qu’on risque beaucoup en sacrifiant encore une nouvelle somme. Si, dans une année ou deux, la culture ne s’étend pas, il faut abandonner les essais ; il faut de même l’abandonner si elle réussit.

Je voterai l’allocation demandée, moins ce qui est applicable à la vigne.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - D’après les sommes modiques demandées pour plusieurs cultures dont nous essayons l’introduction en Belgique, la chambre remarquera qu’il ne peut s’agir que de simples essais, essais peu coûteux, et trop récents pour que l’on puisse dès aujourd’hui se montrer leur adversaire avec une apparence de fondement. Les essais sur le maïs faits sous l’influence du gouvernement ne remontent qu’à l’année dernière. Quant à la culture de la vigne avec l’intervention du gouvernement, elle ne date également que d’une année. Je pense que ce n’est pas après une année que nous pouvons nous déterminer d’une manière absolue pour ou contre la tentative. Si nous devions nous déterminer par l’expérience d’une seule année, je dirais, relativement au maïs, que dès aujourd’hui il faut que le gouvernement donne la plus grande attention à sa culture, parce que le premier essai a réussi au-delà de toute attente. Ou attribue une somme de 3,000 fr. pendant six années au sieur Panigada, s’il remplit certaines conditions ; jusqu’ici il s’y est conformé autant qu’il a été en lui. La commission qui a examiné sa culture en a rendu un compte très satisfaisant. Le gouvernement n’a pas compromis d’ailleurs de fortes sommes dans ses entreprises ; et il ne s’est engagé qu’avec beaucoup de circonspection.

Ce que j’ai dit du maïs, je le dirai de la culture de la vigne. Nous n’aurons sans doute pas des vins égaux en qualité à ceux du midi de la France, mais nous pourrons avoir des vins de qualités moyennes. Le pays produisait anciennement du vin : pourquoi n’en produirait-il pas encore ? Il est possible que dans l’avenir la culture de la vigne fasse de grands progrès mais il n’entends rien prédire à cet égard.

Je ne répondrai pas longuement à la critique qui a été faite de la culture du mûrier. Cette culture n’est pas très ancienne dans le pays ; elle est cependant plus ancienne que les deux autres. L’expérience répond d’un succès certain. La dernière exposition des soies et soieries à Bruxelles, renfermant des tissus faits avec les soies récoltées en notre pays, a montré ce que nous avons obtenu et ce que nous pouvons espérer. Des primes sont à décerner en 1834 à ceux qui auront cultivé le mûrier de la meilleure espèce, et qui en auront cultivé sur une plus grande étendue de terrain.

M. Dumont. - J’avais demandé la parole ; mais comme l’allocation relative au maïs me paraît peu combattue, je ne crois pas devoir abuser des moments de la chambre

M. Desmet. - Avant de traiter les divers objets de l’article est en discussion, je désire émettre un vœu de l’agriculture.

Nous avons une commission supérieure de manufacture et de commerce, établie près le gouvernement, dont les fonctions sont ou de solliciter des lois favorables à ces deux genres d’industrie, ou de fournir aux ministres des éclaircissements et des observations sur celles qu’ils proposent.

Mais il est remarquable que le premier des arts, la plus importante de toutes les professions, l’agriculture, qui est l’occupation, je puis dire entière, de la nombreuse population de la Belgique, qui est la source de toutes ses richesses et de sa puissance, n’ait auprès du gouvernement aucun représentant pour défendre ses intérêts. Il serait donc très utile d’instituer près du gouvernement une commission supérieure d’agriculture.

Cette commission pourrait correspondre avec les sociétés d’agriculture qui sont déjà établies dans chacune de nos provinces, et d’accord avec elles prendre tous les moyens utiles pour faire faire des progrès à notre agriculture, ou transporter les bonnes pratiques d’une province dans l’autre, et de soigner tout ce qui est nécessaire pour améliorer la race de nos différentes espèces d’animaux domestiques, et soigner leur éducation.

Avant aussi de commencer à justifier la décision de la section centrale sur les fonds à accorder à la culture de la vigne et du maïs, je dois cependant déclarer à l’assemblée que si je ne devais envisager que les deux estimables étrangers qui sont à la tête de ces cultures, je n’hésiterais pas un moment de voter les fonds proposés par le gouvernement ; mais je ne veux traiter que l’utilité de l’encouragement de la culture, et surtout je désire montrer à la chambre que le gouvernement a agi avec légèreté en passant des contrats, et en obligeant l’Etat pour un long terme d’années sans avoir consulté auparavant la législature.

Votre section centrale n’a pu se convaincre de l’utilité de la dépense de 6,000 francs, qu’on réclame pour l’établissement d’un vignoble modèle ; et surtout là où on l’a placé : elle craint même qu’il pourrait devenir, pour les années suivantes, une cause de dépenses ultérieures toujours plus élevée.

Certainement, nous ne devons pas être parcimonieux dans des dépenses qui peuvent être favorables à notre agriculture, et servir à lui faire faire des progrès ; mais cependant il me semble que nous devons éviter les dépenses inutiles et prévenir qu’on ne jette l’argent du trésor à pure perte, qu’on ne fasse que chercher un prétexte pour pensionner quelques privilégiés. Non seulement, dans les circonstances présentes, nous devons faire de l’économie l’objet de nos premiers soins, mais aussi nous devons prévenir les murmures des contribuables, qui, dans ce pays, jugent très sévèrement les allocations que nous faisons, et s’aperçoivent très facilement de l’inutilité de la dépense et particulièrement en fait d’agriculture, où le petit paysan est un très bon juge.

Un honorable membre de cette assemblée, député du district où se trouve le vignoble modèle dont il est question, vous a dit, dans les discussions du budget de l’exercice passé, que le public critiquait fortement la dépense qu’on faisait à charge de l’Etat pour la culture d’une vigne particulière, qui se trouvait dans un terrain peu propre à ce genre de culture.

Quand on veut cultiver une plante, la principale chose qu’on doit chercher, c’est de choisir un terrain qui lui est propre ; si je désire avoir dans mon jardin des plantes de bruyère, je dois commencer à me procurer de la terre des bruyères.

La vigne, plus que toute autre plante, recherche le sol qui lui convient ; elle a, par exemple, nécessairement besoin d’une terre à cailloux ou à silex, et si elle ne l’a pas, on peut désespérer de la réussite de la récolte. Les petits cailloux, en tenant la terre ouverte, y laissent pénétrer la pluie et facilitent l’effet bienfaisant de l’air et du soleil. Ils empêchent la dessiccation et réunissent les terres et l’engrais en des milliers de petites veines, dans lesquelles les racines de la vigne peuvent s’étendre et où elles trouvent une bonne nourriture. C’est justement ce terrain à cailloux qui manque là où on veut placer le vignoble modèle et c’est le principal motif de la critique qu’on fait de cette dépense.

Ce n’est pas d’aujourd’hui qu’on a fait l’essai de transplanter la vigne sur notre sol ; depuis des siècles il a été fait, et ici comme dans tout ce qui concerne l’agriculture, le cultivateur belge a fait preuve de bon sens et de ses profondes connaissances dans cette branche d’industrie : où le terrain était favorable pour cultiver la vigne, on y a conservé des vignobles ; mais on les a abandonnés là où on voyait l’impossibilité de les faire réussir à cause de la nature du sol. On les a aussi conservés dans quelques parties des bords de la Meuse et de la Moselle, où la vigne est cultivée dans toute la perfection qu’on pourrait espérer dans notre climat et sur notre sol, et je ne pense pas qu’aucun étranger serait plus habile que les cultivateurs de ces contrées pour faire faire encore des progrès à cette culture.

Je pense donc que l’allocation qu’on vous propose pour le vignoble de Renaix n’est pas assez justifiée, et que votre section centrale a sagement fait de vous en proposer le rejet.

Le chiffre que j’ai l’honneur de proposer est le plus élevé que les sections ont voté pour l’encouragement du commerce et de l’industrie. Messieurs, je le dis encore, on peut rendre utile une somme plus forte que celle que je propose, mais tout dépend de la bonne distribution, et je dois vous le confesser, j’ai encore peu de confiance dans cette distribution ; accordons donc cette année ces deux cent mille francs, et si l’année prochaine nous voyons que le gouvernement en a fait un bon emploi, nous pourrons augmenter la somme.

Messieurs, si j’ai bien compris M. le ministre, il destine une partie des fonds que nous allons voter à l’encouragement du filage du lin à la mécanique. Je ne discuterai pas avec lui dans ce moment l’utilité de favoriser plutôt le filage à la mécanique que celui à la main, ni le danger qu’il y aurait de chercher un moyen pour jeter dans l’indigence complète plus d’un demi-million de Flamands, et de les placer entre la mendicité et le maraudage ; mais je l’engagerai, avant de mettre son projet à exécution, de daigner consulter les parties intéressées, je veux dire les chambres de commerce des Flandres et les administrations provinciales des deux provinces.

J’ai cru utile de faire cette prière au ministre, afin qu’on sache dans mon pays qu’on ne portera pas la mort ses classes ouvrières sans avoir consulté auparavant ses chefs administrateurs.

Et pour ce qui concerne l’établissement d’une ferme modèle pour la culture du maïs, elle y a objecté qu’elle ne voyait non plus l’utilité de cette dépense, alors que le maïs est connu dans le pays et que sa culture y est dans toute la perfection que le sol permet.

En effet on cultive parfaitement le blé de Turquie dans les Flandres et beaucoup mieux, je peux le dire, qu’à la culture modèle que j’ai vue dans les faubourgs de cette ville ; bonne terre, beaucoup d’engrais, bien et profondément bêcher les terrains, biner souvent et tenir très proprement le champ, voilà toute la culture du maïs, et certes, pour cultiver ainsi, nous ne devons pas avoir de maître d’école étranger pour nous l’enseigner.

Mais ou ne doit pas s’étonner que le maïs ne soit pas plus cultivé dans le pays ; c’est qu’on n’en a pas besoin, ayant d’autres produits qui le remplacent avec plus d’avantage.

Il est possible qu’en Amérique, d’où il paraît être originaire, et dans d’autres contrées, on en fait usage et qu’on s’en sert pour se nourrir ; mais il est certain que partout où on récolte des céréales, le seigle et le froment, on ne l’emploiera que très peu ; d’ailleurs, isolément il ne peut servir à la panification, ne contenant pas de gluten en qualité suffisante.

Il est vrai que les Indiens en font une boisson fermentée, mais je suis sûr que cette boisson ne vaut pas nos bières et qu’on ne pourrait faire la bière dans ce pays.

Et pour faire servir le maïs à la distillation, il est indubitable qu’on en peut tirer de l’alcool comme on en tire des châtaignes, pois, fèves, haricots, glands et des autres végétaux farineux ; mais il est aussi incontestable que dans un pays où on récolte si abondamment le seigle, on ne distillera point de préférence le blé de Turquie, qui d’ailleurs donne très peu d’esprit, et est très difficile à mettre en fermentation, ne contenant dans ses matériaux, comme nous venons de le dire, qu’une très légère partie de gluten.

On prône aussi le maïs par la récolte de ses feuilles qui peuvent servir de fourrages aux animaux ; mais veuillez remarquer qu’on doit récolter ces feuilles dans une saison où nous avons les pâturages et d’autres fourrages verts préférables sous tous les rapports. Ce serait donc, a-t-il semblé à votre section centrale, jeter de l’argent que de consacrer une somme du budget à un établissement qui ne peut être de quelque utilité au pays ; il y a assez d’occasions où on peut l’employer plus utilement. C’est pourquoi votre section centrale vous propose de ne pas voter la somme demandée pour la culture du maïs.

M. Dumortier. - Messieurs, je crains que la séance ne devînt académique en examinant les diverses cultures dont on a parlé ; je me bornerai à examiner le budget, et a vous présenter les observations que M. Van Hoobrouck se proposait de présenter lui-même.

Une première allocation est relative à la culture de la vigne : M. le ministre demande 6,000 fr. pour le vignoble modèle ; cependant il paraît que cette somme n’est pas appliquée à ce vignoble, et qu’elle est destinée pour le directeur de la culture de la vigne. Le propriétaire du vignoble modèle fournit gratis sa vigne au gouvernement et ne reçoit pas d’indemnité ; ainsi la somme est pour le traitement du directeur nommé par le gouvernement. Mais ce traitement ne s’élève qu’à 3,200 fr., et comme le gouvernement demande 6,000 fr. Il y a 2,800 fr. dont je ne connais pas l’emploi. Je prie M. le ministre de vouloir bien le faire connaître.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - C’est pour impressions, frais de voyage.

M. Dumortier. - Telles sont les observations que M. Van Hoobrouck voulait vous soumettre. En voici d’autres :

Je trouve sous la lettre E une somme de 130,000 fr. demandée sur le troisième tiers des fonds de non-valeurs, pour secours à ceux qui sont dans la détresse par suite des pertes résultant de force majeure : je demande à la chambre de vouloir bien ajourner la délibération sur ce crédit en le transférant au titre IV du budget général, relatif aux non-valeurs. C’est une grande faute, en matière de comptabilité, que de faire puiser au budget en deux endroits pour une dépense identique. En divisant la dépense en deux, il en est résulté un autre inconvénient ; c’est que la somme demande à la lettre E est de 26,000 fr. plus forte qu’elle ne devrait être. Les deux tiers des non-valeurs sur l’impôt foncier s’élèvent à 212,000 fr. ; chaque tiers est donc de 106,000 fr. ; ainsi le ministre qui ne doit demandé que le troisième tiers demande trop.

Tout ce qui est relatif aux non-valeurs est déterminé par un arrêté-loi ; on ne peut donc y déroger que par une loi. C’est comme rapporteur de la section centrale que je fais la proposition du transfert.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Il est possible que la proposition de l’honorable préopinant soit fondée ; mais je regrette qu’il ne l’ait pas soumise à la section centrale avant de la présenter à la chambre. C’est une question de comptabilité. Je ne puis adopter l’avis qu’on émet avant d’être suffisamment éclairé. L’article en délibération a passé plusieurs années sous les yeux de la chambre et n’a point trouvé d’opposition.

Il faudrait que l’honorable membre fît une proposition spéciale et qu’elle fût examinée convenablement. Vous comprenez qu’il m’est peu important que la somme figure dans un endroit du budget ou dans un autre ; mais je veux savoir si son transfert peut ou non entraîner des inconvénients.

Quant au propriétaire du vignoble dans la Flandre, la somme de 6,000 francs ne le concerne en rien ; ce propriétaire a confié son vignoble au directeur du gouvernement ; le vignoble profite des améliorations qu’on y fait. Seulement il s’est engagé à rendre accessibles ses vignes à tous ceux qui désirent les visiter. C’est pour le traitement du directeur, les frais d’impression, les frais de route, de défrichement de terrains où l’on veut planter la vigne, que l’on demande 6,000 francs.

M. de Theux. - Le député d’Alost croit que la commission supérieure ne s’occupe que et de commerce, et ne s’occupe pas d’agriculture ; c’est une erreur : dès les premiers jours de mon entrée au ministère, j’ai cru devoir compléter cette commission en lui adjoignant plusieurs membres instruits, particulièrement dans les sciences agricoles, et je pense qu’actuellement les éléments de la commission répondent dans la même proportion à ces trois grandes branches de notre prospérité nationale.

Il est bon que la chambre sache que le directeur du vignoble modèle touchait sous le gouvernement précédent environ 7,000 fr., et qu’aujourd’hui il touche 3,000 fr. pour frais de route et de séjour.

Le propriétaire du vignoble modèle a procuré au gouvernement un avantage très grand, puisqu’il met à sa disposition un terrain assez étendu et un pressoir : le gouvernement a pu éviter par là de faire de grands frais. Les frais se réduisent aujourd’hui à 3,000 ou 4,000 fr.

M. Thienpont. - Dans la discussion du budget précédent, j’ai émis mon opinion relativement au vignoble modèle et à la ferme modèle pour la culture du mais.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Il n’y a pas de ferme modèle.

M. Thienpont. - Le 15 octobre dernier, j’ai été visiter le vignoble modèle, et je me suis convaincu que la somme allouée pour cet objet est en pure perte, et que si jamais il y a lieu de dire « Adieu panier, vendanges sont faites, » c’est bien à l’occasion du vignoble modèle.

Je voterai contre l’allocation.

M. Dumont. - Le député d’Alost nous a dit que le maïs était commun en Belgique ; cependant je ne connais pas cette culture. J’ai bien vu isolément des plants de maïs dans les jardins ; mais on les cultivait comme objet d’agrément. On dit que le maïs est bon pour la nourriture de l’homme et qu’il est très utile aux contrées pauvres ; mais, comme on dit encore qu’il exige des terres fortes, profondes, il me semble asses difficile de concilier cette culture avec celle des contrées pauvres ; car les pays pauvres n’ont pas de terres fortes et profondes.

M. Desmet. - Répondant à l’honorable M. de Theux, je dois lui dire que quand j’ai exprimé le vœu qu’une commission supérieure soit établie près du gouvernement, j’ai voulu parler d’une commission spécialement attachée à l’agriculture et non pas d’une commission mixte pour le commerce, les manufactures et l’agriculture. Ces commissions spéciales existent déjà dans les provinces, et vous devez, messieurs, sentir toute une commission spéciale pour un objet aussi important que l’agriculture, dont les intérêts se trouvent souvent en opposition avec ceux de manufacturière.


M. le président. « A. Encouragement à l’agriculture : fr. 60,500. »

M. de Brouckere. - Je crois qu’il faudrait mettre aux voix 170,500 fr. Depuis le moment où le budget a été présenté, le ministre de l’intérieur a fait une demande nouvelle de 100,000 fr. pour les haras, et cette demande a été accueillie favorablement par la section centrale. Il y a eu de plus une demande subsidiaire de 10,000 fr., faite par le ministre, pour une école vétérinaire, demande qui a encore été accueillie favorablement par la section centrale. On a proposé de supprimer 6,000 francs sur le maïs et 6,000 sur la vigne : je ne répéterai pas les arguments qui ont été produits à l’appui de cette proposition et pour la combattre ; mais, comme je ne veux pas prendre sur moi de refuser deux faibles sommes demandées dans de bonnes intentions, je voterai le chiffre de 170,500 fr., qui comprend les dépenses que je viens d’énoncer.

- Le chiffre 170,500 fr. mis aux voix est adopté et forme le paragraphe A.


« B. Etablissement modèle pour la culture du mûrier et l’éducation des vers à soie : fr. 8,000. »

M. Jullien. - Je demanderai une explication sur les vers à soie. Dans le paragraphe A on parle de la culture du mûrier ; ici on parle d’un établissement modèle ; qu’est-ce que l’établissement modèle ?

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - L’établissement modèle est connu de tout le monde en Belgique : il est situé aux environs d’Ath en un lieu appelé Meslin-l’Evêque : outre les plantations, on s’y occupe de l’éducation des vers à soie, de la formation d’ouvriers, de la filature de la soie, etc. Cet établissement a été fonde à grands frais par gouvernement ; aujourd’hui il coûte 8,000 fr. et il faut prendre sur cette somme 3,000 fr, pour le directeur qui est rempli de zèle. Mais, dit-on, on a déjà demandé des sommes pour la culture du mûrier ; c’est qu’il ne suffit pas de cultiver le mûrier dans un seul endroit, et qu’il faut en propager la culture dans tout le pays.

M. Jullien. - On aurait mieux fait de mettre toutes ces dépenses pour le même objet sous une même lettre.

- Le chiffre de 8,000 fr. mis aux voix est adopté.


« C. Société d’horticulture de Bruxelles : fr. 12,000. »

- Adopté sans discussion.


« D. Avance pour les dépenses à faire sur le fonds d’agriculture détenu par les Hollandais : fr. 65,000 fr. »

- Adopté sans discussion.


« E. Secours sur le troisième tiers du fonds de non-valeurs,, aux personnes réduites à la détresse par suite de pertes résultant d’événements de force majeure : fr. 130,000. »

M. Dumortier. - Lorsqu’à la suite de la révolution on a fait un budget général pour le pays, il a été fabriqué de pièces et de morceaux, et chaque ministère a fait son budget comme il a pu ; depuis lors, nous avons cherché à régulariser la forme des budgets, de manière qu’ils pussent présenter avec ordre les diverses dépenses. C’est ce qui nous a déterminés l’année dernière à former un chapitre pour les non-valeurs, sur le modèle de l’administration financière de la France, qui fait l’admiration de toute l’Europe. D’après des considérations semblables, la section centrale reconnaît actuellement la nécessité de reporter au titre IV du budget général le paragraphe E.

Dans le budget français que j’ai sous les yeux, on voit que les non-valeurs sont dans un seul article.

Le ministre de l’intérieur ne doit rien craindre de ce transfert, puisque le titre des remboursements n’est applicable à aucun autre ministère.

J’ai déjà fait observer que le paragraphe E induisait en erreur, en portant 130,000 francs pour le troisième tiers du fonds de non-valeurs, lequel n’est réellement que de 106,000 francs.

M. Dumont. - Je ne suis pas certain d’avoir compris l’honorable préopinant. Si on transportait les 130,000 fr. au titre IV des remboursements ou des non-valeurs, n’en résulterait-il pas qu’il ne serait ouvert aucun crédit au ministre de l’intérieur pour secours contre la grêle, l’incendie, etc. ? Au titre IV il s’agit de non-valeurs et de restitutions ; dans les divers impôts on perçoit des centimes additionnels pour les non-valeurs : on a porté au titre IV la totalité des centimes additionnels ; mais il ne s’agit pas là de crédit pour le ministre. Voulez-vous ouvrir un crédit pour les objets désignes à la lettre E, il faut le faire ici, car il s’agit de secours et non de restitutions.

M. Trentesaux. - Je voulais présenter à peu près les mêmes considérations que vient d’exposer M. Dumont. Le titre IV est intitulé : Remboursements ; il y a deux chapitres, un de non-valeurs ; un autre de restitutions. Ici il s’agit de secours sur le troisième tiers du fonds de non-valeurs aux personnes réduites à la détresse ; ainsi il s’agit de tout autre chose. On ne peut réunir ce qui est différent.

M. Dumortier. - L’objection est facile à résoudre ; il faudra mettre au titre IV : « Remboursements et non valeurs. » Le crédit total doit être dans un seul article.

M. de Brouckere. - Le ministre pourra-t-il disposer du fonds des non-valeurs ?

M. Dumortier. - En changeant le libellé du titre, vous aurez une comptabilité française et conséquente avec ce que vous avez déjà fait.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Si l’honorable membre demande simplement un changement dans le titre, je ne vois pas la nécessité du transfert.

Je ne vois pas ce qu’il y a d’irrégulier à ce que le ministre de l’intérieur dispose d’une certaine somme mise en réserve dans le budget des voies et moyens pour des besoins spéciaux.

S’il y a différence entre le tiers demandé par le gouvernement et la somme qui figure aux voies et moyens, c’est que le tiers des non-valeurs a été insuffisant les années précédentes pour subvenir aux besoins ; par suite de cette insuffisance, il a faire pour 1834 demander 24,000 fr. de plus que le tiers présumé. C’est encore par suite de cette insuffisance que j’ai été obligé de demander un crédit supplémentaire pour les besoins semblables des années précédentes : le fonds des non-valeurs était épuisé, et cependant il y avait encore des besoins à satisfaire.

M. de Brouckere. - L’honorable M. Dumortier ne conteste point au ministre de l’intérieur la faculté de disposer d’une certaine somme pour des personnes réduites à la détresse par suite d’événements de force majeure ; seulement il pense que la somme ne doit pas figurer au chapitre en discussion, mais au titre IV du budget général de l’Etat. Ce n’est là qu’un déplacement fait pour que notre budget présente plus de régularité.

Je suis assez tenté d’adopter la manière de voir du rapporteur de la section centrale. Mais le tiers du fonds de non-valeur s’élève, non pas à 130,000 francs, mais à 106,000 fr. ; ainsi l’énonciation du ministre de l’intérieur est inexacte. Toutefois le ministre présente une objection : 106,000 francs ne me suffisent pas ; il en faut 130,000. S’il en est ainsi, voici comment il faudrait opérer : il faudrait transférer la somme de 106,000 fr., tiers du fonds de non-valeurs, au titre IV du budget général de l’Etat, et porter ici 24,000 francs. Ces 24,000 francs seront un supplément de crédit au tiers qui sera accordé dans le titre IV du budget général.

M. Dumortier. - Je crois que nous serons tous d’accord sur la nécessité de transférer au chiffre des non-valeurs celui qui nous est demandé ici. Le ministre, d’ailleurs, ne s’y oppose pas. Mais convient-il d’accorder actuellement un crédit supplémentaire de 24,000 fr. ? C’est ce que je ne crois pas. Je ne m’oppose pas à ce que l’on exerce la charité, mais je veux que l’on obéisse à la loi ; il faut suivre la loi existante jusqu’à ce qu’on en ait fait une autre ; or, la loi n’accorde que le troisième tiers des non-valeurs pour secours. Si nous allons d’ailleurs d’augmentation en augmentation, je ne sais où nous nous arrêterons. Pouvons-nous marcher ainsi ?

(Le ministre de la guerre descend de la tribune où il a fait une demande pour des dépenses nouvelles.)

M. Dumortier. - Il y a quarante ans que l’on a trouvé le tiers du fonds de non-valeurs suffisant ; pourquoi ne serait-il pas suffisant actuellement ? Je déclare à la chambre que l’on dégoûtera les rapporteurs de la section centrale si, après qu’ils ont examiné consciencieusement les budgets, on rejette les propositions les mieux fondées, les propositions appuyées sur des lois.

Je demande que l’on se borne à faire le transfert et que l’on refuse toute espèce d’augmentation.

L’année dernière 103,000 fr. ont été demandés, et la somme a paru suffisante.

La chambre doit suivre la loi ; elle doit donner, elle-même, l’exemple du respect pour la loi.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je suis étonné pour ma part de ce que l’honorable préopinant, tout en déplorant le sort des rapporteurs de la section centrale, se mette en opposition avec eux.

La section centrale, à laquelle tous les tableaux de répartition de secours ont été soumis, a vu que le chiffre total du paragraphe était suffisamment justifié ; elle a pris des conclusions favorables en conséquence, et c’est l’honorable préopinant qui, par la vivacité de ses attaques, donnera seul du dégoût, cette fois, aux rapporteurs de la section centrale.

Voici comment le rapporteur s’exprime (page 2 de son travail) :

« Par ces allocations, la somme à employer annuellement en secours, pour pertes résultant d’événements de force majeure, est portée de 103,000 à 130,000 fr., et un supplément de crédit de 50,000 fr. est même réclamé pour les trois exercices antérieurs.

« Il résulte des renseignements obtenus par la section centrale que, pour chacun de ces exercices, le crédit a été insuffisant, quoique les secours accordés n’aient jamais excédé le dixième de la perte. Par suite des retards qu’ont entraînés la régularisation des pièces et la nécessité de recueillir les renseignements, et par suite aussi de la négligence des autorités locales, un grand nombre de demandes de secours appartenant à ces trois exercices sont arrivées tardivement au ministère, et les fonds manquent pour y faire droit.

« Les secours sont accordés sur la proposition du gouverneur, basée sur des procès-verbaux qui constatent des pertes. C’est un contrôleur des contributions, assisté de l’administration locale, qui vérifie les faits conformément au titre Il de l’arrêté du 24 floréal an VIII. Et, vu le grand nombre de réclamations, il n’est alloué de secours qu’à raison du dixième de la hauteur du dommage constaté, et seulement aux personnes qui, par suite de l’événement malheureux qu’elles ont à déplorer, se trouvent réduites à l’état de détresse par la gravité de leurs pertes comparées à leur fortune antérieure.

« L’exiguïté même des secours accordés est cause que le plus souvent les évaluations des pertes sont exagérées. La section centrale a reçu l’assurance que des instructions ont été adressées aux gouverneurs pour obvier à cet abus.

« Partageant l’avis de quatre sections, la section centrale estime que les allocations réclamées doivent être consenties. »

M. Dumont. - L’opinion de la section centrale a été invoquée à tort ; elle ne demande pas le transfert du chiffre sur lequel nous délibérons ; elle ne s’oppose pas non plus à l’augmentation du crédit. Je crois que le transfert ne peut avoir lieu : ce serait gâter l’économie du budget que de l’opérer.

Dans le titre IV, il s’agit de non-recettes et point de dépenses ; il n’y a là aucun crédit à ouvrir. (La clôture ! la clôture !)

M. Dumortier. - Je demande la parole pour un fait personnel.

Ce n’est pas sans étonnement que j’ai entendu le ministre de l’intérieur prétendre que j’ai parlé contre le vœu de la section centrale. Je suis ici son rapporteur, et c’est en son nom que je parle. C’est comme tel que j’ai fait les observations que j’ai soumises à la chambre, et que j’ai signalé les irrégularités qui jusqu’ici étaient passées inaperçues. Le ministre a été forcé d’avouer que j’avais raison, il a été forcé d’avouer que la section centrale avait dit vrai, avait dit juste.

M. d’Hoffschmidt. - Parlez sur un fait personnel ; mais ne rentrez pas dans la discussion.

M. Dumortier. - Vous ne pouvez savoir ce que je veux dire.

M. Lardinois. - Vous ne parlez pas sur un fait personnel.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je n’ai pas reconnu que l’opinion de M. Dumortier fût fondée ; j’ai dit que peu m’importe l’endroit où la somme figure, pourvu que le crédit soit accordé. M. Dumortier prétend qu’il est rapporteur de la section centrale ; je ne le reconnais pas comme tel.

M. Dumortier. - Je suis rapporteur de la section centrale pour la dette publique.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Le rapport n’est pas fait ; je n’en sais rien.

M. Dumortier. - La chambre le sait.

- La chambre, consultée par M. le président, ferme la discussion.

M. de Brouckere. - Je réclame la parole pour la position de la question. Je demande que l’on vote ici 24,000 fr. comme supplément de crédit au tiers des centimes additionnels ou des non-valeurs ; quant au transfert, je cède l’honneur d’avoir fait cette proposition à M. le rapporteur de la section centrale. Le transfert sera de 106,000 fr.

M. Dumortier. - Les fonds de non-valeurs sont réglés sur le budget des voies et moyens ; or, comme vous avez diminué les centimes additionnels sur l’impôt foncier il n’y aura plus 106,000 fr. pour le tiers.

M. le président. - Je vais mettre aux voix l’ajournement de la délibération sur la somme de 106,000 fr., jusqu’à la discussion du budget général ou du titre des non-valeurs.

M. Dumortier. - C’est cela.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Il n’est pas décide en principe qu’il y aura transfert.

M. de Brouckere. - Au lieu de 106,000 fr. mettez : « le tiers du produit des non-valeurs. »

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je demande le renvoi de la proposition à la section centrale.

- Le transfert est mis aux voix. Deux épreuves par assis et levé sont douteuses ; aux termes du règlement on procède à l’appel nominal.

53 membres sont présents.

32 votent le transfert.

21 votent contre le transfert.

En conséquence le transfert. est ordonné. La somme de 24,000 francs demandée par M. de Brouckere comme supplément de crédit est mise aux voix et adoptée.


« F. Secours pour pertes essuyées antérieurement à 1834 et provenant d’événements causés par force majeure : fr. 50,000. »

- Adopté sans discussion.

L’article entier montant à 329,500 francs, mis aux voix, est adopté.

La séance est levée à quatre heures et demie.