(Moniteur belge n°40, du 9 février 1834 et Moniteur belge n°41, du 10 février 1834)
(Moniteur belge n°40, du 9 février 1834)
(Présidence de M. Raikem)
M. de Renesse fait l’appel nominal à 2 heures.
M. H. Dellafaille donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier, qui est adopté sans réclamation.
M. de Renesse donne connaissance d’une pièce adressée à la chambre ; elle est renvoyée à la commission des pétitions.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Messieurs, d’après le vœu précédemment exprimé dans cette chambre, je dépose aujourd’hui un état qui fait connaître le résultat des produits obtenus par suite de la nouvelle loi des distilleries. Cet état indique :
1° L’importance des fabrications dans les distilleries, de 1829 à 1833.
2° Le droit dû par suite des fabrications de 1831, 1832 à 1833.
3° Le droit recouvré pendant lesdits exercices de 1831, 1832 et 1833, en présentant toutefois la séparation des anciens et nouveaux droits.
4° Les quantités d’eau-de-vie indigène exportées avec décharge de droits depuis la mise en vigueur de la loi du 18 juillet 1833.
- La chambre ordonne que cet état sera imprimé et distribué.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Messieurs, le Roi m’a chargé de présenter aux chambres un projet de loi, tendant à proroger les lois relatives à la taxe des barrières dont les effets cessent au 31 mars de cette année.
Déjà, en votant le budget des voies et moyens de l’année courante, où les revenus des barrières figurent pour une somme de 2,265,000 francs, les chambres ont adopté en principe le maintien de cette taxe, dont la perception entachée d’illégalité sous le gouvernement déchu a été réglée, depuis la révolution, par des lois particulières.
Ces lois, qui depuis trois ans ont subi à trois reprises l’examen et la discussion de la législature, ont paru pouvoir être maintenues sans inconvénient, telles qu’elles ont été adoptées l’année dernière, sauf quelques modifications dont la plus importante consiste dans une diminution de droits résultant de la conversion du cents en deux centimes.
Le nombre actuellement existant des pièces de cuivre nationales a permis d’admettre pour cette année cette réduction qui était vivement réclamée par plusieurs provinces.
Le projet de loi que j’ai l’honneur de vous soumettre, messieurs, est un de ceux qui doivent être discutés d’urgence ; et comme, eu égard surtout aux projets plus importants qui réclament tout le temps et tous les soins de la chambre, celui-ci ne semble pas de nature à provoquer de longues discussions, je crois devoir en proposer le renvoi à l’examen d’une commission.
- La chambre ordonne l’impression et le renvoi à une commission qui sera nommée par le bureau.
M. le président. - La parole est à M. d’Hoffschmidt pour le développement de sa proposition.
M. d’Hoffschmidt. - Messieurs, il serait sans doute superflu que j’entrasse dans de longs développements relativement à la proposition que j’ai eu l’honneur de vous soumettre ; chacun de vous sait que notre pays, qui est essentiellement agricole, a le plus grand intérêt à ce que des débouchés lui soient ouverts pour la grande quantité de bétail qui s’y élève et dont nous exportons une très forte partie sans nuire à la consommation intérieure.
Le gouvernement l’a si bien compris, que c’est certainement le point le plus important de la mission que doit remplir la commission qu’il a nommée pour aller à Paris, dans le but de négocier avec le gouvernement français des changements à son tarif de douanes ; et il est à désirer, messieurs, que cette mission soit couronnée de succès, surtout relativement au point duquel j’ai l’honneur de vous entretenir ; car les cultivateurs de toutes nos provinces indistinctement se trouvent dans un état de gêne qui pourrait dégénérer si le prix des céréales se maintenait au taux actuel, et que le bétail vînt à baisser de valeur par suite, par exemple, du licenciement éventuel de notre armée joint aux droits élevés qu’il supporte à son exportation en France.
Ils sont établis par tête comme il suit, dans les deux pays (successivement en fr. et c. : Droits d’entrée en France - Droits de sortie de la Belgique) :
Cheval, 50-00 ; 6-00
Taureau, bœuf et vache, 12-50 ; 2-00
Génisse, 12-50 ; 1-00
Veau d’un an, 12-50 ; 0-40
Veau, 3-00 ; 0-20
Cochon, 12-00 ; 0-10
Mouton, 5-00 ; 0-20
Agneau, 0-30 ; 0-10
Vous voyez, messieurs, que ces droits réunis équivalent à peu près à une prohibition, surtout pour le bétail du Luxembourg qui était d’une valeur beaucoup moindre que celui des autres provinces, ne se vend qu’à très bas prix, parce que le marchand qui doit payer ces droits exorbitants par tête préfère naturellement les payer pour une bête qui a beaucoup de valeur que pour celle qui en a infiniment moins.
Aussi cette province, qui prospérait sous l’empire par suite de la réunion à la France, est-elle retombée dans un état qui approche de la misère, et cela parce qu’elle n’a plus de débouchés pour son bétail, qui est à peu près son unique ressource.
Pardonnez-moi, messieurs, cette petite digression sur ma province à propos d’une question d’intérêt général, je ne me la suis permise que parce que cette province se trouve dans une position tout à fait exceptionnelle par suite de son sol ingrat.
Qui croirait, messieurs, qu’en présence du tarif français, qui ruine notre industrie agricole, nous imposons nous-mêmes notre bétail à la sortie ? Qui croirait que nous mettons des entraves à l’exportation de ce produit général de la Belgique, et cela pour faire rentrer quelques milliers de francs au trésor, tandis que nous devrions donner plutôt des primes d’exportation ?
Cette espèce d’anomalie serait vraiment aussi étrange que nuisible à nos intérêts, si ce n’était encore là une conception hollandaise, ce qui rend la chose moins inexplicable. Mais, messieurs, il est temps de faire disparaitre ces sortes d’abus, que rien ne justifie ; le moment est venu surtout de rectifier celui que je vous signale, puisque nos commissaires chargés de négocier des modifications au tarif français devront bien à la fin se rendre à Paris. Et, messieurs, vous concevez combien il serait absurde, ridicule, de demander à nos voisins qu’ils diminuent les droits qu’ils ont imposés à l’entrée de notre bétail sur leur territoire, si nous-mêmes nous laissons subsister un droit de sortie sur le même produit.
Ce serait, en effet, donner un argument irrésistible à MM. Thiers et de St-Cricq, qui déjà ne paraissent pas très disposés à revenir du système prohibitif qu’ils préconisent si contrairement à nos intérêts, et voire même à ceux de la France.
Les motifs que je viens de vous énoncer brièvement, sont si concluants et si généralement appréciés, qu’ils suffiraient sans doute, messieurs, pour me faire espérer que vous prendrez ma proposition en considération ; mais une objection pourrait m’être faite et je veux la prévenir.
Le droit imposé à la sortie de quelques-unes des espèces de notre bétail est si modique que l’on pourrait, pour ainsi dire, le considérer comme un simple droit de balance établi pour constater nos exportations, et dès lors l’on dira peut-être qu’il a un but d’utilité sans pouvoir nuire au commerce.
Ce raisonnement pourrait être admis, messieurs, si le gouvernement français diminuait suffisamment ses droits d’entrée, parce que, dans ce cas, la fraude ne serait plus une nécessité.
Les marchands français pourraient introduire chez eux notre bétail, même de la plus petite espèce, en payant des droits médiocres ; mais, messieurs, si la France, au lieu de diminuer ses droits, persiste à les maintenir au taux actuel, la fraude seule peut nous procurer le débouché que nous réclamons et qu’une politique mal entendue nous a fait refuser jusqu’à présent.
Il est donc évident qu’il serait contraire à nos intérêts d’empêcher cette fraude ; et, messieurs, ce serait la rendre à peu près impossible, que de laisser le moindre droit à la sortie de notre bétail, puisque alors il y aurait toujours deux lignes de douane à franchir au lieu d’une ; car il ne faut pas croire qu’un fraudeur puisse s’aviser de payer un droit de balance à la douane belge, et puis essayer de passer en fraude en France ; il serait à peu près certain d’être pris, et voici pourquoi :
Les douaniers de deux pays limitrophes s’entendent toujours pour empêcher la fraude, et leurs lignes étant très rapprochées, ceux qui reçoivent le droit insignifiant pour lequel un négociant ne s’expose pas, savent prévenir à temps leurs voisins qu’ils doivent se mettre en embuscade sur tel point. Il est dès lors facile de concevoir que lorsqu’il n’existe qu’une douane à franchir, la fraude devient infiniment plus facile.
De sorte que, messieurs, le plus faible droit à la sortie de notre bétail pourrait nous être très préjudiciable si le gouvernement français persiste (contrairement aux principes plus généralement reconnus en économie politique) à obliger ses consommateurs à user de moyens que la saine morale répudie, mais cependant que nous aurions tort, quant à nous, de repousser, puisque nous sommes la partie lésée. Ajoutez à ce motif, qui, selon moi, mérite toute votre attention, celui qu’il faut le moins possible entraver les communications par des acquits à caution et autres formalités de ce genre, qui sont toujours la suite inévitable d’un droit de douane, quelque minime qu’il soit ; et vous n’hésiterez. sans doute pas, messieurs, à supprimer totalement des droits de sortie que nous avons laissés subsister trop longtemps.
M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, tout en appréciant la proposition de notre honorable collègue M. d’Hoffschmidt, je viens réclamer l’urgence d’y donner suite. Cette urgence, messieurs, dérive de ce que la sortie du bétail de notre pays, doit être favorisée dans l’intérêt général, mais plus particulièrement des petits propriétaires et des cultivateurs qui, dans ce moment, se trouvent à la gêne ; et que, lorsqu’il est question de faire chance avantageuse, on ne peut trop se hâter, je ne dis pas de résoudre à vue la question, mais bien de la discuter.
- La prise en considération est mise aux voix et adoptée.
La proposition est renvoyée à la commission d’industrie.
La chambre ordonne l’insertion des développements au Moniteur.
M. de Brouckere. - Puisque le reste de cette séance doit être exclusivement consacré à des rapports de pétitions, il ne sera pas hors de propos de rappeler que depuis trois semaines une pétition, par laquelle la ville de Venloo réclame la propriété d’un passage d’eau, a été renvoyée par la chambre à M. le ministre de l’intérieur avec demande d’explications. Les explications n’ont pas encore été fournies par M. le ministre. Je désirerais savoir s’il sera bientôt en mesure de les donner.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je donnerai ces explications à la chambre à la prochaine séance de pétitions.
M. Poschet, rapporteur de la commission des pétitions. - « Par pétition en date du 29 janvier 1834, le sieur P. de Windt, cultivateur à Bouchaut, demande que la chambre étende le rayon de la douane belge au-delà de son habitation, et qu’elle prenne dans ce rayon tout le territoire occupé par les Belges dans les polder Clara et lsabelle, et aussi permette l’entrée libre dans la Belgique de ses bestiaux et de tous les autres produits de son exploitation.»
Le réclamant expose que, depuis la révolution, il a toujours supporté les charges de la Belgique et même les logements militaires, et que, malgré l’occupation du territoire qu’il habite par les troupes belges, on lui défend l’entrée de ses denrées et de ses bestiaux en Belgique, en sorte qu’il se trouve sans débouchés ; car il ne peut non plus les exporter en Hollande. Votre commission a pensé que cet homme ne pouvait rester dans cette position ; elle a l’honneur de vous proposer le renvoi de la pétition à M. le ministre des finances avec demande d’explications.
M. Van Hoobrouck. - Messieurs, après le rapport que vous venez d’entendre, il me reste peu de chose à ajouter. La question est si simple, l’injustice dont le pétitionnaire est victime est si palpable, que M. le ministre pourrait bien dès à présent donner les explications que l’honorable rapporteur demande.
En effet, messieurs, si l’on vous disait que l’administration des finances a tout à coup tracé une ligne de démarcation entre les fractions des provinces du Limbourg et du Luxembourg, qui doivent être un jour cédées à la Hollande, et que leurs habitants sont dès aujourd’hui assujettis, dans leurs relations avec le restant du royaume, aux taxes établies par notre système de douanes, vous accueilleriez une pareille prétention du fisc avec la plus juste indignation. C’est cependant, à la lettre, ce qui arrive dans le district d’Eccloo sur les parties de territoires dont le traité du 15 novembre a loti nos voisins.
Le sieur de Windt, qui réclame aujourd’hui votre intervention a bâti sa ferme sur une de ces étroites langues de terre qui devront un jour être cédées à la Hollande ; mais jusqu’ici elle a constamment été occupée par nos troupes. Le fermier a concouru à toutes les charges nationales, et cependant, messieurs, lorsqu’il s’agit de profiter du bénéfice de son incorporation actuelle à la Belgique, le fisc intervient à l’instant pour lui interdire l’accès de nos marchés, lui opposant sa qualité future de Hollandais ; de sorte que le malheureux pétitionnaire, sans relations possibles avec la Hollande, dont il est séparé par un bras de mer non navigable, est aussi isolé de la Belgique par les injustes et odieuses prétentions de l’administration des douanes, avec cette différence toutefois qu’en possession des troupes belges, et obéissant à nos lois, il est cependant considéré alternativement comme indigène ou étranger, d’après qu’il s’agit d’acquitter les charges nationales, ou de profiter des avantages, des relations commerciales avec notre pays.
Je signale ce fait, et je le recommande à l’attention spéciale de la chambre et du ministère, parce que ces mesures mesquines et tracassières se répètent sous mille formes différentes dans toute l’étendue des frontières maritimes de la Flandre. Il est bien pénible de penser qu’une contrée qui a vu fondre sur elle toutes les calamités qui marchent à la suite des dissensions civiles, soit en même temps si maltraitée par les prétentions vexatoires et impolitiques de notre propre administration.
A cette occasion j’aurai l’honneur de vous rapporter un fait qui vous paraîtra incroyable, mais qui m’a été garanti par un employé même des douanes.
La législature vote annuellement des fonds pour l’entretien et la réparation des digues et ouvrages de mer dans les polders.
Il existe sur toute la lisière de nos frontières une seule écluse principale de déchargement. La capacité de cette écluse était évidemment trop petite pour donner passage aux eaux que le défaut d’autre écoulement accumule sur notre territoire. Le ministre de l’intérieur accorda les fonds nécessaires pour la construction d’une seconde écluse de secours attenant à la première ; ces deux écluses sont placées sur le sol occupé par nos troupes, et tout porte à croire qu’elles resteront en notre possession le traité des 24 articles et devant être, à cet égard, diversement interprété.
Eh bien messieurs, l’administration des douanes a frappé d’un droit de sortie les bois destiné à la construction de cette écluse ; de manière que la fiscalité a trouvé, dans son inépuisable génie, le moyen de prélever un impôt jusque sur la générosité de M. le ministre de l’intérieur. Ces mesures étroites seraient bien ridicules si elles n’avaient pas l’inconvénient d’être souverainement odieuses et d’avoir pour résultat d’aliéner l’esprit de ces intéressantes populations dont il serait si urgent de se ménager la bienveillance.
Je suis loin d’adresser ici des reproches à M. le ministre des finances, ou à l’administration des douanes à Bruxelles. Je leur dois cette justice de déclarer hautement que, chaque fois que j’ai eu recours à ces fonctionnaires, j’y ai rencontré le désir le plus sincère d’adoucir autant que dépendait d’eux le sort de ces populations et la rigueur des lois à leur égard ; mais il est, dans l’administration inférieure, des hommes auxquels le public prête d’autres sentiments, et qui, par une rigidité sans exemple, ont donné lieu à bien des plaintes.
Quant à la pétition qui nous occupe plus spécialement, j’aurai l’honneur d’adresser une interpellation à M. le ministre des finances, et je lui demanderai s’il considère comme faisant partie du royaume de Belgique tous les territoires qui sont en possession de nos troupes, et qui obéissent à nos lois. Dès lors pourquoi, lorsqu’il n’existe aucune entrave aux relations des habitants des fractions des provinces de Limbourg et de Luxembourg, qui doivent être un jour cédées à la Hollande, il en existe à l’égard des fractions de Flandres qui, sur une moindre échelle, se trouvent cependant dans la même position.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je pense qu’en raison de la gravité et de l’importance des faits allégués par l’honorable M. Van Hoobrouck, la commission a très bien fait de conclure à ce que la pétition me soit renvoyée avec demande d’explications. Je demanderai des renseignements aux autorités locales ; je vérifierai si les agents de l’administration sont inculpés avec raison, et je rendrai compte à la chambre des faits que j’aurai recueillis.
M. Van Hoobrouck. - Qu’on lise la pétition, et la chambre verra qu’elle mérite toute son attention.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je ne conteste pas les faits signalés par le pétitionnaire, mais je ne puis pas non plus les admettre ; je dis seulement que je les vérifierai. Ce ne serait pas d’ailleurs la première fois que des pétitionnaires auraient avancé des faits dénaturés on controuvés.
M. Jullien. - Je m’oppose à la lecture de la pétition, la discussion à laquelle elle donnerait lieu serait prématurée et aboutirait toujours à la question de savoir si la pétition doit être ou non renvoyée à M. le ministre des finances.
M. Gendebien. - J’ignore complètement le contenu de la pétition ; mais l’honorable M. Van Hoobrouck le connaît puisqu’il dit qu’il est de nature à appeler les investigations de la chambre.
Il atteste la gravité des faits que le pétitionnaire indique. Il est utile, il est nécessaire que la chambre les connaisse, pour savoir si elle doit exiger que M. le ministre donne promptement des explications. On a dit que les pétitionnaires pouvaient dénaturer les faits ; mais il faut faire la part à tous les fonctionnaires inculpés qui peuvent être intéressés aussi à les dénaturer. Il n’y a pas plus de faveur ici pour les uns que pour les autres ; devant cette chambre ce sont tous des citoyens. Il ne peut y avoir d’inconvénient à ce que nous connaissions tous les faits aussi bien que M. le ministre. Je demande la lecture de la pétition.
M. Poschet, rapporteur, donne lecture de la pétition qui relate les faits énoncés par M. Van Hoobrouck.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Afin que chacun des membres de l’assemblée puisse vérifier les faits comme je le ferai moi-même, je demande le dépôt au bureau des renseignements.
- La chambre ordonne le renvoi à M. le ministre des finances, avec demande d’explications, et le dépôt au bureau des renseignements.
M. Poschet, rapporteur. - « Par pétition en date du 23 septembre 1833, plusieurs négociants en vins et liqueurs, de Gand, proposent diverses modifications à la loi et au tarif sur les eaux-de-vie. »
Cette pétition contient beaucoup d’observations sur l’élévation des droits sur les spiritueux, et sur le mode de perception de l’impôt. La commission propose le renvoi à M. le ministre des finances et le dépôt au bureau des renseignements.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. Poschet, rapporteur. - « Par pétition en date du 15 janvier 1834, plusieurs portefaix et ouvriers de Namur exposent leur misère et demandent que la chambre avise aux moyens de leur donner du travail. »
La commission a pensé que M. le ministre de l'intérieur pourrait peut-être secourir la misère des pétitionnaires ; elle propose en conséquence de lui renvoyer la pétition.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Il serait à désirer que ce renvoi fût motivé. Je ne m’oppose pas au renvoi ; mais je dois dire que, si ce sont des secours pécuniaires que l’on demande, le ministère de l’intérieur n’a aucun fonds pour cela.
M. Jullien. - Si les ouvriers de Namur demandaient des secours, je comprendrais que leur pétition fût repoussée par l’ordre du jour. Mais si j’ai bien compris le rapport ils demandent du travail. M. le ministre de l’intérieur, à la tête de tous les travaux qui se font dans le royaume, trouvera peut-être du travail et ainsi un moyen de salut pour ces malheureux. Il y aurait manque d’humanité, manque de justice à ne pas voter ce renvoi.
- La pétition est renvoyée à M. le ministre de l’intérieur.
M. Poschet, rapporteur. - « Par pétition en date du 20 janvier 1834, le sieur Everart de Ligny, adresse des observations sur le système actuel des poids et mesures. »
- La commission propose et la chambre adopte le renvoi à la commission chargée de l’examen de la proposition de M. Seron.
M. Poschet, rapporteur. - « Par pétition non datée, plusieurs habitants de Liége adressent des observations sur le système actuel des poids et mesures. »
La commission propose le renvoi à la commission chargée de l’examen de la proposition de M. Seron.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. Poschet, rapporteur. - « Par pétition en date du 11 janvier 1834, les administrateurs du polder de Lillo adressent des réclamations contre le projet de loi sur les indemnités. »
« Par pétition en date du 8 janvier 1834, plusieurs habitants d’Anvers, victimes des dégâts causés par le bombardement de 1830, se plaignent de ce que le projet de loi relatif aux indemnités ne soit pas de principe équitable pour les pertes mobilières. »
La commission propose le dépôt de ces deux pétitions au bureau des renseignements.
M. Legrelle. - Comme le projet de loi contre lequel réclament les pétitionnaires émane de M. le ministre de l'intérieur, je pense qu’il a intérêt à connaître ces pétitions ; en conséquence, je demande le renvoi à M. le ministre de l'intérieur.
- La chambre ordonne le dépôt au bureau des renseignements et le renvoi à M. le ministre de l'intérieur.
M. Poschet, rapporteur. - « Par pétition en date du 25 septembre 1832, deux courtiers de navire d’Ostende signalent des infractions aux divers articles du code de commerce relatifs aux courtiers. »
Votre commission, ayant pensé que les faits avancés par les pétitionnaires doivent être considérés comme des délits, a conclu au renvoi à M. le ministre de la justice, à qui il appartient de les réprimer.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
M. Poschet, rapporteur. - « Par pétition non datée, le sieur A. Descrime, négociant à Mons, adjudicataire de diverses fournitures militaires pour la garde civique, le 6 juin 1831, réclame une indemnité pour ses approvisionnement, et demande que la chambre alloue un fonds à cet effet. »
Le pétitionnaire avait fait l’entreprise des fournitures pour la garde civique du Hainaut. Il dit que les choses étant arrangées, les besoins ayant été moins considérables qu’on ne l’avait prévu, un grand nombre d’objets d’une valeur de 7,000 florins lui sont restés. Votre commission a pensé que la demande d’indemnité que le pétitionnaire forme à ce titre n’est pas fondée, et que s’il lui restait des fournitures, c’était le résultat de son propre fait ; en conséquence elle vous propose l’ordre du jour.
M. Gendebien. - Je n’ai pas bien compris les observations de M. le rapporteur, et lorsqu’il dit que les choses se sont arrangées, je ne sais trop ce que cela signifie. Si le pétitionnaire réclame une pour des fournitures dont il s’est approvisionné dans l’objet de remplir les conditions d’un contrat qui ensuite n’aurait pas reçu son exécution, la demande me paraît fondée. Nous avons des exemples d’indemnités accordées à des fournisseurs par M. le ministre de la guerre et M. le ministre de l’intérieur pourrait, peut-être avec plus de justice, en accorder une au pétitionnaire.
M. Poschet, rapporteur. - Déjà cet homme s’est adressé à M. le ministre de l'intérieur. Celui-ci a demandé à M. le ministre de la guerre s’il ne pourrait pas se charger de ces fournitures ; il en a reçu la réponse que l’armée n’en avait aucun besoin en ce moment. Du reste le pétitionnaire n’avait pas passé de contrat avec le gouvernement. Il avait fait une entreprise ; il s’est trompé sur l’étendue des besoins, il pensait que nous aurions la guerre. Lorsque j’ai dit que les choses se sont arrangées, j’ai voulu dire que la paix s’était maintenue.
Si la spéculation du pétitionnaire n’a pas réussi, le gouvernement ne lui doit pour cela aucune indemnité : il n’avait pas pris avec lui l’engagement de faire la guerre pour lui faire débiter ses fournitures.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Le pétitionnaire s’est rendu adjudicataire de fournitures pour la garde civique ; il s’est trompé dans son entreprise et s’est approvisionné au-delà des besoins. Je suis intervenu auprès de M. le ministre de la guerre pour qu’il prît les fournitures restées en trop au sieur Descrime : M. le ministre de la guerre m’a répondu que cela lui était impossible, attendu que les approvisionnements actuels excédaient les besoins de l’armée. Dans cet état de choses, je ne pense pas qu’il y ait lieu à me renvoyer la pétition.
M. de Brouckere. - Mon honorable ami M. Gendebien n’a pas prétendu que le sieur Descrime avait des droits acquis : mais il a pensé, et je pense aussi, qu’il n’y avait pas d’inconvénient à renvoyer la pétition, afin que si l’occasion s’en présentait, on prît ses fournitures. On dit que dans ce moment on n’en a aucun besoin, on en aura peut-être besoin dans 6 mois. J’appuie le renvoi proposé.
M. de Muelenaere. - En quoi consistent les fournitures du sieur Descrime ?
M. Poschet, rapporteur. - Ce sont des havresacs, des sabres, des gibernes.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Que voulez-vous, messieurs, qu’un ministre de l’intérieur fasse de cela ? cela conviendrait mieux à M. le ministre de la guerre.
M. Gendebien. - D’après les explications données par M. le ministre de l’intérieur, je ne persiste pas à demander que la pétition lui soit renvoyée, mais je demande le renvoi à M. le ministre de la guerre.
- La chambre ordonne le renvoi de la pétition à M. le ministre de la guerre.
M. Poschet, rapporteur. - « Par pétition en date du 16 septembre 1833, le sieur N.-L. Dumont, de Liége, ex-receveur des contributions, réclame un secours. »
- La commission propose l’ordre du jour
M. Legrelle. - Je ne vois pas pourquoi la pétition ne serait pas renvoyée à M. le ministre des finances.
M. Poschet, rapporteur. - Le pétitionnaire n’a aucun droit ; il fonde sa demande sur ce que son fils, à qui il avait confié la gestion de sa recette, en a dilapidé les fonds.
M. Gendebien. - C’est une jolie recommandation.
- La chambre, conformément aux conclusions de la commission, prononce l’ordre du jour.
M. Poschet, rapporteur. - « Par pétition en date du 11 janvier 1834, plusieurs maîtres de roulage de Namur réclament, dans l’intérêt de leur industrie, un traité de commerce avec la France et la Hollande. »
La commission propose le renvoi au ministre de l’intérieur.
M. de Robaulx. - Il faudrait renvoyer la pétition à la conférence de Londres. (On rit.)
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
M. Poschet, rapporteur. - « Par pétition en date du 11 décembre 1833, le sieur J. Digaud, fils, de Hasselt, demande que le gouvernement mette le département des finances à même de procéder au remboursement des cautionnements, au taux de leur valeur représentative. »
- La commission propose et la chambre adopte le renvoi à la section centrale chargée de l’examen du budget de la dette publique.
M. Poschet, rapporteur. - « Par pétition en date du 22 janvier 1834, les administrateurs du bureau de bienfaisance et de la fabrique de l’église de Beaumont demandent que la chambre adopte une disposition qui proroge le délai fixé par l’article 2262 du code civil relatif au renouvellement des titres de créances. »
La commission propose le renvoi au ministre de la justice et le dépôt au bureau des renseignements.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Quoique je ne m’oppose pas au renvoi proposé, je crois devoir faire observer que le gouvernement a fait tout ce qui a dépendu de lui pour porter à la connaissance du public que le délai déterminé par le code civil pour la prescription trentenaire était sur le point d’expirer ; M. le ministre de l’intérieur l’a fait savoir par la voie administrative, et moi-même par celle des parquets, en recommandant qu’on priât les notaires d’en donner avis à tous ceux qui pouvaient y être intéressés.
Le gouvernement n’a pas eu à s’occuper de la question de la prorogation du délai fixé par la loi ; il ne croit pas devoir prendre l’initiative à cet égard.
M. de Robaulx. - J’ai quelques mois à dire dans le même sens que M. le ministre, quoiqu’il ne soit pas dans mes habitudes de l’appuyer ; mais c’est dans l’intérêt public. Il semblerait, d’après la réclamation des pétitionnaires, que l’expiration du délai fixé pour la prescription doit libérer tous les débiteurs dont les titres n’ont pas été renouvelés. Tel n’est pas l’esprit de la loi. Et ceux qui ont fait le service d’une rente en vertu de titres non renouvelés ne peuvent opposer la prescription. La prescription est la peine de la négligence, elle n’est pas le prix de mauvaise foi. Ceux qui, dans une telle position, refuseraient le service de la rente, outre l’animadversion publique qui leur serait acquise comme à tous les hommes de mauvaise foi, encourraient les frais du procès. La question n’est pas douteuse.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je ne viens pas contester les observations de l’honorable M. de Robaulx. Je n’ai pas tranché la question. J’ai seulement fait savoir que les disposition de l’article du code civil devaient recevoir leur exécution dans un délai rapproché. Ce délai expire, en effet, dans le mois de mars prochain. Je ne me suis pas prononcé sur les cas auxquels il devait être appliqué. Je ne me suis pas expliqué sur le fond de la question. Dans tous les cas, les opinions du ministre ne sont rien devant le tribunaux.
M. de Puydt, autre rapporteur, est appelé à la tribune. - « Le sieur Charon, entrepreneur à Bruxelles, demande que la chambre autorise M. le ministre de la guerre à lui donner une indemnité égale à la perte qu’il a essuyée par suite d’événements imprévus. »
- Renvoi au ministre de la guerre.
M. de Puydt, rapporteur. - « La dame Stéphanie Mage, épouse Lenoir, à Jemmapes, dont le mari s’est engagé, demande sa radiation des cadres de l’armée. »
- La commission propose de passer à l’ordre du jour.
M. Gendebien. - Je désirerais savoir si la pétitionnaire motive sa réclamation.
M. de Puydt, rapporteur. - Elle donne pour motif que son mari s’est engagé sans sa permission.
M. Gendebien. - Sans doute, si ce sont là les seuls motifs, la réclamation n’est pas fondée. J’ai été invité à appuyer la pétition de la dame Lenoir par des personnes de Jemmape, qui m’ont écrit à ce sujet.
Dans un moment où l’on renvoie en congé la moitié de l’armée, je ne sais pas jusqu’à quel point il peut être utile de conserver sous les drapeaux un homme qui, dans un moment de délire, a pris service et le lendemain s’en est repenti. Si la peine ne retombait que sur lui seul, il y aurait encore une raison d’équité qui devrait nous engager à accueillir sa réclamation. Mais il ne souffre pas seul, il a une famille qui le réclame, à l’existence de laquelle il est nécessaire. Nous ne pouvons pas repousser une pétition qui nous est adressée dans de pareilles circonstances.
Je sais que, d’après les principes qui régissent l’armée, celui qui a pris un engagement doit le remplir ; mais je pense que dans la situation actuelle, lorsqu’on renvoie un grand nombre de soldats dans leurs foyers, M. le ministre de la guerre ferait bien de comprendre le sieur Lenoir parmi ceux qui sont l’objet de cette mesure. Je demande, en conséquence, que la pétition lui soit renvoyée.
M. Van Hoobrouck. - La dame Lenoir nous demande bien que son mari lui soit rendu, mais nous ne voyons nullement que le mari consentirait à rentrer dans ses foyers. (On rit.)
M. Gendebien. - Je crois inutile d’insister sur l’observation du préopinant ; je sais que l’autorité maritale doit prévaloir. Le ministre de la guerre ne peut pas obliger un mari de cohabiter avec sa femme ; la police des ménages ne lui est pas dévolue ; il n’accorderait le congé au mari qu’autant qu’il voudrait en profiter.
M. Jullien. - Dans l’intérêt public, on ne devrait pas admettre les engagements de pères de famille qui souvent se font par spéculation. Ils se déchargent ainsi de leurs femmes et de leurs enfants, qui tombent à la charge des bureaux de bienfaisance. Au lieu de faciliter leur entrée dans les cadres de l’armée, on devrait les en repousser ; car on met à la charge de la commune une femme et 4 ou 8 enfants, qu’un homme par paresse abandonne pour s’engager, lorsqu’il aurait pu les nourrir par son travail.
Je soumets ces considérations au ministre de la guerre. Si le sieur Lenoir est dans cette position, on fera bien d’accorder le congé que demande sa femme. Il paraît que c’est le vœu de sa femme et de toute sa famille, de le voir rentrer dans ses foyers.
M. Dumortier. - Je regrette de me trouver en ce moment en désaccord avec les honorables membres avec lesquels je vote ordinairement. Je vous ferai observer, messieurs, que si nous renvoyons sans motif les pétitions qui nous sont adressées, la chambre deviendra un bureau de transmission de pétitions : il vous en arrivera des nuées ; vous en encombrerez les bureaux des ministres, qui de leur côté ne feront plus attention aux renvois que vous ordonnerez. C’est dégrader la législature que d’en faire la pétitionnaire des pétitionnaires.
Quand, en effet, ordonnons-nous le renvoi d’une pétition à un ministre ? Lorsqu’elle signale un abus ou renferme une réclamation juste, faite par un citoyen à qui le ministre a refusé de faire droit et qui a épuisé tous les moyens de recours. Je comprends que la dame Lenoir , qui est privée de son mari, désire le ravoir, mais qu’elle s’adresse au ministre. J’ai assez de confiance en M. le ministre de la guerre pour être persuadé qu’il fera droit à la réclamation si elle est fondée, et si la loi lui permet de la prendre en considération.
M. Gendebien. - Il s’agit ici d’une question de morale publique. Qu’importe que la chambre soit considérée comme un bureau de transmission de pétitions ? Nous devons accueillir les réclamations qui nous paraissent fondées. Il s’agit ici d’un père de famille réclamé par sa femme et ses enfants, et peut-être aussi par le bureau de bienfaisance.
Il y a une différence entre la discussion actuelle et celle qui a eu lieu dans une autre circonstance, à l’occasion de questions d’exemptions du service militaire.
Quoiqu’il y eût alors urgence à décider immédiatement, divers amendements furent présentés et une seule question de mariage entraîna un retard de trois semaines. Ici il s’agit de mariage consommé. Aucune loi n’oblige M. le ministre de la guerre à retenir un père de famille sous les drapeaux, quand il renvoie tant de militaires dans leurs foyers. L’honorable préopinant n’a, dans cette circonstance, consulté, ni son cœur, ni ses antécédents. Je ne pense pas qu’il ait parlé sérieusement.
Je demande le renvoi au ministre de la guerre. La pétitionnaire s’est vainement adressée à lui. Il est probable que la pétition aura été interceptée ; car le ministre n’aurait pas laissé sans réponse la réclamation d’une femme qui demande son mari, des enfants leur père et peut-être du pain. Votre renvoi n’eût-il pour effet que de faire arriver jusqu’à lui la pétition, vous devriez l’ordonner.
M. Dumortier. - Je me suis opposé au renvoi pour qu’on ne fît d’une question personnelle une question de principe. S’il s’agissait de renvoyer dans leurs foyers tous les militaires mariés, ce serait une question générale. Mais ici c’est un cas particulier, une seule personne, une femme qui réclame son mari. Si vous admettez sa réclamation, demain vous recevrez trois ou quatre mille pétitions de militaires qui sont dans le même cas.
Beaucoup de maris se sont engagés et ont touché le prix de leur engagement. S’ils venaient aussi vous demander à rentrer dans leurs foyers, admettriez-vous leurs demandes, ou les repousseriez-vous ?. Vous ne pourriez les repousser sans vous mettre en contradiction avec vous-mêmes. Alors il vaudrait mieux dire de suite que le ministre doit renvoyer dans leurs foyers tous les militaires qui ont une femme. Rien ne justifie que la pétitionnaire soit dans une position particulière qui mérite de fixer l’attention de la chambre. M. Gendebien a sans doute personnellement reçu des renseignements. Mais ces renseignements nous ne les connaissons pas, et nous ne pouvons juger que d’après ceux qui nous sont exposés.
M. de Puydt, rapporteur. - Je ferai remarquer que le renvoi au ministre la guerre serait sans objet. Car la pétitionnaire s’est adressé à lui plusieurs fois ; le ministre n’a pas jugé à propos de répondre à sa demande, assurément parce qu’il a considéré qu’il n’y avait pas lieu de prononcer la radiation.
M. de Robaulx. - Messieurs, le renvoi d’une pétition à un ministre s’ordonne quand le pétitionnaire a épuisé tous les moyens de droit. La dame Lenoir, dit-on, s’est adressée au ministre ; il ne lui a pas répondu. Cela c’est un déni de justice, Il y a déni de justice toutes les fois qu’on refuse de décider pour ou contre la réclamation. C’est donc précisément ici le cas de renvoyer la pétition.
Si mes souvenirs sont fidèles, sous le gouvernement précédent, jamais on n’acceptait un engagement sans le consentement de sa femme.
- Plusieurs membres. - C’était pour les remplacements.
M. de Robaulx. - Je ne sais si on allait plus loin que la loi ; mais j’ai connu un commandant de place, le colonel Breda, qui n’acceptait jamais d’engagement d’un homme marié, sans que sa femme y consentît.
Le renvoi de la pétition n’implique au reste aucune injonction. Le ministre s’informera des raisons qui ont pu amener cet homme à s’engager : s’il y a des intérêts de famille froissés, si la famille réclame la présence d’un père, et que la loi ne fasse pas obstacle à son retour, il y aura tel égard que de droit ; il le renverra en congé limité on illimité.
Je ne partage pas la crainte manifestée par l’honorable M. Dumortier, de voir une partie de l’armée nous adresser des pétitions semblables à celle de la dame Lenoir. Nous avons effectivement 130,000 hommes sous les drapeaux, mais les drapeaux sont sur les clochers des villages et c’est là que sont nos soldats. Peut-être le mari de la dame Lenoir est-il en ce moment chez lui et la pétition n’a-t-elle pour but que d’empêcher son rappel.
M. Legrelle. - Si on veut faire de la chambre un bureau de transmission de pétitions, je ne vois pas d’inconvénient au renvoi proposé ; mais si, en ordonnant un renvoi vous entendez déclarer que la réclamation avait un caractère de gravité tel qu’elle méritait de fixer votre attention, je ne vois pas de motif pour renvoyer la pétition qui vous est soumise. Je viens de la lire pour m’assurer si réellement il s’agissait d’un père de famille. Je n’ai rien vu dans la pétition qui l’indiquât, et si cela était, on n’aurait pas manqué de le dire pour exciter d’autant plus l’intérêt de la chambre.
Une pétition bien plus grave m’a été remise ; je n’ai pas voulu en saisir la chambre, parce que c’était une affaire qui ne concernait qu’un seul individu ; j’ai remis directement cette pétition au ministre de la guerre en le priant d’y faire droit. Il s’agit d’un jeune homme qui a pris un engagement de deux ans, dont l’engagement est fini et qui ne peut obtenir de rentrer dans ses foyers.
M. de Muelenaere. - Je pense que le renvoi ne présente aucun inconvénient et aura avantage de remettre sous les yeux du ministre une réclamation qui aura été perdue au milieu des demandes nombreuses qui lui sont adressées. Le ministre examinera s’il y a lieu de la prendre en considération, si ce militaire peut être renvoyé dans ses foyers sans porter préjudice à autrui, si son engagement n’est pas en déduction du contingent de sa commune.
Le renvoi doit donc être pur et simple, sans rien préjuger, C’est dans ce sens que je l’appuie.
- L’ordre du jour proposé par la commission n’est pas adopté. Le renvoi au ministre de la guerre est ordonné.
(Moniteur belge n°41, du 10 février 1834) M. de Puydt, rapporteur. - « Le sieur J.-B. Deweerdt, ancien militaire à Hemixem, demande une pension. »
- Renvoi au ministre de la guerre.
M. de Puydt, rapporteur. - « Le sieur Rimbaut, chevalier de la légion d’honneur, à Bruxelles, réclame l’intervention de la chambre pour obtenir un duplicata de son brevet de légionnaire et lui fasse obtenir l’arriéré de sa pension. »
La commission propose le renvoi à la commission chargée de l’examen de la proposition de M. Corbisier.
M. d’Huart. - Je demanderai si le rapport de cette commission ne sera pas bientôt présenté.
Il devient urgent de faire droit aux réclamations qui ont motivé la proposition de M. Corbisier. Nous différons constamment, pendant que des malheureux attendent leurs pensions. Si la commission présentait son rapport, on pourrait prendre une décision immédiatement. Je demanderai à M. Gendebien, qui est membre de cette commission, si le rapport doit être fait incessamment.
M. Gendebien. - Il semble qu’il y a une fatalité attachée à cette affaire. Plusieurs membres de la commission se sont tour à tour absentés pour cause de maladie ou d’affaire. Moi-même j’en ai été éloigné quelque temps par une indisposition ; maintenant encore trois membres sont absents, de manière que pour le moment, il n’est pas possible de fixer le jour où on pourra faire un rapport. Je puis cependant assurer la chambre qu’il n’est aucun des membres qui ne désire que ce rapport soit fait le plus tôt possible.
La commission a eu à traiter des questions très délicates, auxquelles plusieurs séances ont été consacrées. A notre première réunion, nous nous occuperons des questions qui restent encore à examiner, et le rapport pourra ensuite être fait.
- Le renvoi proposé est adopté.
M. de Puydt, rapporteur. - « Treize réfugiés italiens à Bruxelles réclament pour eux les mêmes subsides que ceux alloués par le gouvernement à l’émigration polonaise. »
- Dépôt au bureau des renseignements.
M. de Puydt, rapporteur. - « Le sieur de Garcia de la Vega, propriétaire à Flottoys près Namur, se plaint de l’emplacement des barrières sur la route d’Andennes à Ciney. »
La commission propose le renvoi au ministre et le dépôt au bureau des renseignements.
M. Pollénus. - Je pense qu’il vaudrait mieux renvoyer la pétition à la commission qui sera chargée d’examiner la loi relative aux barrières.
- Cette proposition est adoptée.
M. de Puydt, rapporteur. - « Trois propriétaires de moulins dans les environs de Venloo, demande une expertise pour les indemniser de leurs pertes depuis 1830, en suite de l’inactivité où se sont trouvées leurs usines. »
- Renvoi au ministre de la guerre.
M. de Puydt, rapporteur. - « La dame veuve de Prins, de Bruxelles, dont le mari est mort à la suite des blessures qu’il a reçues en septembre, réclame la pension à laquelle elle a droit. »
- Renvoi au ministre de l’intérieur.
M. de Puydt, rapporteur. - « Le sieur de Robaulx, d’Hantès-Wihéries (Hainaut) réclame des modifications au système financier, relativement aux droits d’entrée sur les ardoises. »
La commission propose le dépôt au bureau des renseignements.
M. de Robaulx. - Quoique le nom de mon frère se trouve ici, je parlerai avec l’indépendance qui domine tous mes votes.
Le but de la pétition est de faire diminuer le droit d’entrée sur les ardoises de Fumay. Je ferai observer que depuis plusieurs années on a ouvert en Belgique un grand nombre d’exploitations d’ardoises. Je sais que les ardoises du pays ne sont pas d’une qualité aussi bonnes que celles de France. Aussi elles se vendent à un prix infiniment moindre. Cependant on a cru devoir protéger les exploitations de Couvens, de Budessart et autres, en frappant les ardoises françaises d’un droit élevé. Le pétitionnaire allègue un fait sur lequel il motive sa pétition, il assure qu’il n’y a plus aujourd’hui qu’une ardoisière en activité. Je ne sais si le fait est exact.
Mais, dans tous les cas, nous ne devons admettre les demandes en diminution de droit qu’avec beaucoup de circonspection, surtout quand nous voyons la France si peu disposée à faire quelque chose pour notre commerce. Quelle que soit ma sympathie pour la France, elle ne va pas jusqu’à la duperie. Nous avons fait beaucoup d’avances à la France : elle n’a voulu jusqu’ici rien nous donner en compensation. Je voudrais que nous conservassions notre tarif au taux où il est, afin d’avoir quelque chose à offrir en échange des modifications que nous demanderons à la France d’apporter à son tarif de douanes.
En déposant la pétition au bureau des renseignements on ne préjuge rien, et la publicité donnée aux réclamations du pétitionnaire engagera les propriétaires d’ardoisières belges à venir nous présenter leurs observations. Nous pourrons ainsi, quand le temps en sera venu, juger, en connaissance de cause si nous pouvons, sans danger pour l’existence des ardoisières belges, réduire les droits sur les ardoises françaises.
M. A. Rodenbach. - Je demanderai le renvoi au ministre de l’intérieur. Il paraît que notre tarif, en ce qui concerne les ardoises, est assez élevé ; peut-être quand nous aurons à conclure un traité de commerce avec la France, pourrons-nous lui offrir une réduction sur ce point, en compensation des avantages qu’elle nous accordera.
M. Dumont. - Les faits allégués dans la pétition ne me paraissent pas exacts. Il est vrai qu’il y a plusieurs ardoisières qui chôment, mais il y en a une qui prospère, et si vous diminuez les droits d’entrée sur les ardoises françaises cet établissement sera anéanti. Les ardoisières françaises, étant situées sur la Meuse, ont une grande facilité pour écouler leurs produits, tandis que les ardoisières belges, qui sont situées au milieu des terres, ont à payer des frais de transport très considérables.
Nous avons en outre beaucoup d’ardoisières dans le Luxembourg.
M. de Robaulx. - Vous voyez que j’avais raison. Le préopinant vient de nous dire que les faits n’étaient pas complètement exacts. Le ministre prendra des renseignements sur l’état des ardoisières en Belgique, et pourra donner des instructions en conséquence aux commissaires qu’on enverra à Paris, si tant est qu’on doive y en envoyer.
M. d’Huart. - Nous avons dans le Luxembourg des ardoisières très productives et dont les produits sont excellents. Ceux de l’exploitation de Bertrix, notamment, sont préférables aux ardoises de Fumay. Mais, pour que ces exploitations puissent prospérer, il faudrait plutôt augmenter les droits sur les ardoises françaises que de les diminuer. Si on accordait à nos exploitations le transit par la rivière de la Semois, elles pourraient écouler plus facilement leurs produits. Plusieurs pétitions ont été adressées dans ce but à la chambre, et, dans les négociations à entamer avec la France, c’est un point sur lequel le gouvernement devra porter son attention.
Je ne pensais pas prendre la parole sur cette pétition, ne croyant pas qu’il pût être nécessaire de venir démontrer qu’il n’y a pas pénurie d’ardoises en Belgique
M. Dumont. - Puisqu’on a envisagé la question sous le rapport des négociations à ouvrir avec la France, il faut que je fasse connaître que les ardoisières de Fumay ont demandé la faculté du transit par la Belgique : nous pourrions y consentir en demandant la même faculté pour les produits de Budessart qui, en passant par la France, trouveraient un écoulement facile sur la Meuse. C’est le défaut de communication qui jusqu’ici a empêché cette exploitation de prendre de l’extension.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Si j’avais pensé qu’à l’occasion de cette pétition on eût dû discuter le fond de la question, j’aurais dit de suite que le gouvernement n’était nullement disposé à baisser le droit sur les ardoises françaises, d’autant moins que la France a prohibé le transit des ardoises belges. Ce droit sera tenu en réserve pour devenir un objet de compensation, lorsque la France aura renoncé à l’interdiction de transit, dont elle a frappé nos ardoises. Le gouvernement s’est déjà occupé de cette question, et des instructions à cet égard ont été données à nos commissaires.
M. le ministre des affaires étrangères (M. F. de Mérode) - En facilitant l’écoulement des produits de nos ardoisières par la Meuse, ils pourront circuler facilement dans toute la Belgique, et on couvrira les toits en ardoises au lieu de paille qui est plus utile pour faire du fumier.
M. Davignon. - Je puis certifier que les ardoises du Luxembourg sont d’une qualité très supérieure. La commission d’industrie les a soumises à une analyse sévère, et le résultat a été très satisfaisant. Il s’établit en ce moment une autre ardoisière qui deviendra très importante si on obtient le transit par la France.
- La chambre ordonne le renvoi de la pétition au ministre de l’intérieur, et le dépôt au bureau des renseignements.
M. de Puydt, rapporteur. - « Le sieur P.-J. Baudelet, de Bouffiaux (Hainaut), réclame la même modification à la loi du 8 janvier 1824 que le sieur de Robaulx. »
- Renvoi au ministre de l’intérieur et dépôt au bureau des renseignements.
M. de Puydt, rapporteur. - « Le sieur G. Vernier, capitaine de cavalerie en non-activité à Tournay, admis à la pension supplémentaire des Indes, réclame l’intervention de la chambre pour obtenir le paiement de cette pension. »
La commission propose le renvoi au ministre des finances.
M. Gendebien. - Je propose d’ajouter : avec demande d’explications.
Déjà plusieurs pétitions semblables à celle qui nous est soumise ont été renvoyées au ministre sans que les pétitionnaires aient obtenu justice. Il faut pourtant que justice leur soit faite. Le sieur Vernier et tous les officiers qui se trouvent dans la même catégorie, qui ont servi dans l’Inde, ont subi des retenues très fortes sur leur traitement, pendant qu’ils faisaient un service mortel pour la plupart de ceux qui l’acceptaient. On refuse maintenant de leur payer la pension à laquelle cette retenue leur donnait droit, à prétexte que le fonds destiné à servir ces pensions est à La Haye. Pour les administrateurs qui se trouvent dans ce cas, on n’a pas été si rigoureux ; l’Etat est venu au secours des pétitionnaires, il a fait des avances afin qu’on pût les payer en attendant que par suite de la liquidation le fonds qui est à La Haye fût restitué. On devrait, à plus forte raison, appliquer cette mesure aux militaires qui ont couru toutes les chances d’une véritable tontine. Cependant on leur refuse ce qu’on accorde aux employés civils.
Il est tel officier que je pourrais citer qui avait une pension de 1,200 florins pour son service aux Grandes-indes, et depuis, un traitement de non-activité de 1,000 florins. Cet officier prit dès le principe une part très active à notre révolution : il ne se cacha pas derrière la coulisse, pour venir après le combat comme tant d’autres s’emparer des positions les plus brillantes ; il dirigea nos volontaires dès les premiers jours de la révolution, et pour avoir combattu pour la liberté, pour nous avoir aidés à chasser l’ennemi, sa pension, de 2,200 florins qu’elle était, se trouve réduite à 2,000 florins.
Il est temps de faire cesser une pareille anomalie. Comment voulez-vous que ces officiers supportent patiemment et toujours patiemment de pareilles injustices ? de quel œil voulez-vous que cet officier, que je vous cite, voie des officiers, qui ne sont que capitaines alors qu’il était major, passer colonels et généraux, le plus souvent sans avoir rien fait, lorsque lui reste major, perd la pension qu’il avait après avoir exposé sa vie pour établir l’ordre de choses actuel ?
Je demande le renvoi de la pétition avec demande d’explications. Il faut que la chambre se prononce. Il y a nécessité de faire cesser un état de choses aussi intolérable pour une représentation nationale qui se respecte, que pour les victimes qui réclament.
Ces officiers n’envient pas la large part que se sont faite ceux qui disposent du budget ; ils ne demandent que justice, et l’on ne peut pas la leur refuser, alors que tant d’autres sont comblés de faveurs.
M. le président. - Je vais mettre aux voix le renvoi au ministre des finances, avec demande d’explications.
- Un membre. - Je pense que M. Gendebien a demandé le renvoi au ministre de la guerre.
M. Gendebien. - J’ai appuyé le renvoi au ministre des finances avec demande d’explications. Il s’agit d’une mesure financière, d’un titre en vertu duquel on avait droit à une pension et auquel on a porté atteinte.
M. le ministre de la guerre (M. Evain) - Quelques officiers de l’armée avaient obtenu des pensions sur le fonds des Indes. Ces pensions étaient réglées sur un taux plus élevé que les pensions ordinaires. Elles étaient inscrites au trésor, quoiqu’elles fussent payées sur un fonds spécial.
Plusieurs réclamations en paiement de ces pensions m’ont été adressées ; je me suis concerté avec M. le ministre des finances, qui m’a informé que le fonds sur lequel on payait ces pensions étant resté en Hollande, il avait cru devoir en suspendre le service jusqu’après la liquidation avec la Hollande. Je crois que le renvoi de la pétition doit être fait au ministre des finances qui prendra des mesures pour faire droit aux réclamations des huit ou dix officiers qui se trouvent dans le cas de Vernier.
M. d’Huart. - C’est à tort que le pétitionnaire se plaint d’être privé de sa pension depuis trois ans. Depuis la révolution il est entré au service en qualité de capitaine de cuirassiers, de lieutenant qu’il était. Il est maintenant, je ne sais pourquoi, en disponibilité. Il jouit de sa demi-solde. Je ne comprend pas sa réclamation.
M. Dumortier. - Je désirerais donner un renseignement. Le pétitionnaire ne réclame pas de pension militaire ; il l’a obtenue ; il jouit d’un traitement de demi-solde. Comme ayant appartenu à l’armée des Indes, il a obtenu également une pension sur un fonds spécial crée en faveur de cette armée ; il en réclame le paiement. Il a le droit de se plaindre à cet égard ; car tels et tels officiers reçoivent l’intégralité de cette pension, d’autres une partie, tandis que lui ne reçoit rien. Il y a là injustice. J’appuie le renvoi proposé pour qu’il soit pris une mesure générale et que tous les pensionnaires soient mis sur la même ligne. Je demande en outre le renvoi à M. le ministre de l’intérieur, attendu qu’il y a au budget de son département des fonds alloués pour des besoins analogues.
M. Gendebien. - S’il s’agissait de demande de crédit, je comprendrais le renvoi au ministre de l’intérieur ; mais il s’agit de pensions accordées, c’est donc le ministre des finances que cela regarde. De plus, il s’agit de pensions militaires ; il y a donc lieu en outre au renvoi au ministre de la guerre.
Si on objecte l’élévation de ces pensions, je ferai observer que les militaires auxquels elles ont été accordées ont subi des retenues considérables ; j’ignore le taux de ces retenues pour tous les militaires, mais je sais que pour un major elles s’élevaient à 35 florins par mois. Le pétitionnaire a subi une retenue analogue pendant 12 ans. Je demande si, après avoir mis pendant si longtemps à une tontine aussi meurtrière que celle des Indes, il n’a pas droit à une pension plus élevée que les pensions civiles. Je demande le renvoi aux ministres des finances et de la guerre.
M. d’Huart. - Le pétitionnaire se plaint amèrement de ce que sa pension n’est pas payée. Mais il n’était que lieutenant dans l’armée des Indes. Il est monté d’un grade en passant dans l’armée belge ; il a été nommé capitaine de cuirassiers, et touche à ce titre un traitement de disponibilité. Il ne peut pas cumuler deux traitements à la fois. J’ai voulu faire cette observation en faveur de M. le ministre de la guerre, et faire voir qu’il s’en fallait qu’il eût rejeté inhumainement la demande du pétitionnaire.
M. Dumortier. - Je retire ma proposition de renvoi au ministre de l’intérieur.
- La chambre ordonne le renvoi de la pétition à M. le ministre des finances et à M. le ministre de la guerre.
M. Gendebien. - Au commencement de la séance, l’honorable M. H. de Brouckere a demandé des explications à M. le ministre de l’intérieur au sujet d’une pétition ; j’aurais imité son exemple relativement à une pétition envoyée à M. le ministre des affaires étrangères, s’il avait été présent à la séance ; comme il se trouve en ce moment dans la salle, je désirerais lui adresser une interpellation.
Il y a un mois que la chambre a entendu un rapport sur la pétition du sieur Vittembeck ; il demandait que le gouvernement prît des mesures propres à faire rentrer en Belgique les Belges au service du roi Guillaume dans les Grandes-Indes. Cette pétition a été accueillie par la chambre qui l’a renvoyée à M. le ministre des finances avec demande d’explications ; je demande s’il est maintenant en mesure de les donner.
(M. Gendebien donne lecture d’une lettre par laquelle M. Vittembeck réclame son fils qui se trouve au nombre des Belges au service de la Hollande, aux Grandes-Indes, et continue ainsi :)
On abuse de la bravoure des Belges ; les Hollandais ont soin de les mettre toujours aux postes les plus périlleux. Si le gouvernement ne veut pas prendre des mesures en leur faveur, qu’il renonce donc au vernis philanthropique qu’il cherche à se donner.
Alors que nous avions de nombreux prisonniers hollandais et qu’on nous sollicitait de les rendre, nous avons répondu que nous ne les renverrions que si on nous rendait les Belges prisonniers. Il y eut alors des échanges de prisonniers. Depuis lors on n’a plus parlé d’échange, et on n’a pas plus pensé aux Belges qui sont aux Grandes-Indes qu’aux prisonniers de Maestricht.
Il est temps que cet état de choses finisse, et que le gouvernement, s’il n’a pas su conserver un plus grand nombre de Belges, songe au moins à protéger ceux qui lui restent.
M. le ministre des affaires étrangères (M. F. de Mérode) - J’avouerai avec bonne foi que je n’ai pas connaissance de la pétition. Je crois même que je n’étais pas au ministère lorsqu’elle y été envoyée ; mais je me mettrai en mesure, pour la première séance de pétitions, de donner les explications demandées.
M. Gendebien. - je ne prétends pas porter une accusation contre M. le ministre ; mais j’ai fait une réclamation que j’étais en droit de faire.
M. de Puydt, rapporteur. - « Par pétition…
M. Eloy de Burdinne. - Il est plus de quatre heures et demie ; la chambre n’est plus en nombre. -
M. Dumortier. - Cette pétition est urgente.
M. Gendebien. - Il s’agit d’une simple mesure d’ordre ; la chambre n’a pas besoin d’être en nombre.
M. de Puydt, rapporteur. - « Par pétition en date du 26 décembre 1833, le sieur Obert, fabricant de soieries à Bruxelles, demande que la chambre modifie le tarif des douanes sur l’industrie sétifère, et adresse quelques observations relatives à cette industrie. »
La commission propose le renvoi au ministre de l’intérieur et le dépôt au bureau des renseignements.
M. A. Rodenbach. - Messieurs, en 1832, M. Obert, fabricant de foulards, à Bruxelles, s’est adressé à la chambre à l’effet d’obtenir du gouvernement la libre entrée des tissus de soie anglais et des Indes, propres à l’impression. Par suite de cette pétition, ce négociant n’obtint que la faculté d’échanger en douane des tissus imprimés contre des tissus écrus avec la condition expresse de réexporter.
Cette protection, messieurs, n’est point suffisante pour conserver l’impression des foulards belges dans notre royaume. Le vice existant dans notre tarif de douanes doit disparaître si nous voulons maintenir dans notre pays cette intéressante branche d’industrie. On paie à la douane pour une pièce de tissu écru pesant un kilogramme, d’une valeur de 40 francs, environ 9 francs 50 centimes ou 20 p. c.
Remarquez, messieurs, que ces foulards écrus perdent au débouillissage 25 p. c. ; la preuve, c’est que la pièce de foulards anglais ou des Indes imprimée, par conséquent débouillie, pèse un quart de moins sur la pièce d’un kilo. Il s’ensuit que les foulards qui nous arrivent de l’Angleterre tout imprimés ne paient de droits que sur les 3/4 d’un kilog., tandis que le tissu écru qui doit subir ici la manutention et le débouillissage est imposé pour tout le kilogramme. Il importe aussi, messieurs, de vous faire connaître que les Anglais ont sur la livre de soie anglaise le drawback ou plutôt une prime d’exportation de 3 schellings 6 pences, soit 12 p.c. Les Anglais peuvent donc, à l’aide de leur drawback, importer en Belgique des foulards imprimés sans droits, puisque la prime qu’ils obtiennent à la sortie suffit pour payer le droit d’entrée à la douane belge. Il est donc constant, messieurs, que le tarif actuel doit nécessairement anéantir la fabrique de M. Obert.
Si les tissus soie écrue, destinés à l’impression, ne sont pas considérés comme matière première et les droits perçus comme tels, c’est-à-dire 2 florins par 100 kilog. ; si notre industrie sétifère était parvenue au point de pouvoir fabriquer des foulards comme en Angleterre ou dans les Indes, je m’opposerais formellement à la demande de M. Obert ; mais puisque Lyon même vient de reconnaître, par la voie de sa chambre de commerce, que ses fabricants sont encore dans l’impuissance de pouvoir tisser pareils foulards, nous ne pouvons point songer à nous passer des soies écrues des Indes et de l’Angleterre, et nous devons dire avec les membres de la chambre de commerce de Lyon : « Permettons l’introduction des foulards écrus de l’étranger, et nos fabricants-imprimeurs feront alors eux-mêmes ce que les Anglais font pour nous. »
Je pense donc, messieurs, que nous devons fortement protéger cette industrie née depuis la révolution : cet établissement est d’une telle importance qu’il fait mouvoir dans le pays environ 1 million, dont 600,000 francs de marchandises s’exportent et 400,000 francs de marchandises se consomment dans le pays. Francfort, Leipsiek, la Suisse, l’Italie et la France reçoivent nos produits concurremment et de préférence à ceux de Lyon. Les foulards belges y sont reconnus et demandes comme de la meilleure fabrication.
Au surplus, messieurs, nous ne pouvons pas, par notre mauvais tarif, anéantir une fabrique qui occupe 150 personnes parmi lesquelles on compte 43 imprimeurs qui gagnent de 5 à 7 francs par jour. En outre, des graveurs, des coloristes, des dessinateurs et grand nombre d’ouvriers y trouvent une honorable existence. C’est pour ces motifs, messieurs, qu’outre le renvoi au ministre et le dépôt au bureau des renseignements, je demande que la pétition soit également adressée à notre commission de commerce et d’industrie, avec prière de nous en faire promptement un rapport et un projet de loi d’urgence.
M. Ch. Vilain XIIII. - Il n’y aurait qu’à formuler un projet de loi ; la chambre l’adopterait en une séance.
M. Gendebien. - Nous devons des remerciements à l’honorable M. A. Rodenbach pour les éclaircissements qu’il vient de nous donner. Toutefois ils sont prématurés, et seraient plutôt à leur place dans la discussion du nouveau tarif sur la nécessité duquel nous sommes tous d’accord.
- La chambre ordonne le renvoi de la pétition à M. le ministre de l’intérieur et à la commission d’industrie, et le dépôt au bureau des renseignements.
M. le président. - Lundi à midi séance publique pour la discussion du budget de l’intérieur.
- La séance est levée à 4 heures 3/4.