(Moniteur belge n°30, du 30 janvier 1834)
(Présidence de M. Raikem)
M. Liedts fait l’appel nominal à midi et demi.
M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal. La rédaction en est adoptée.
Les pièces adressées à la chambre sont renvoyées à la commission des pétitions.
Une pétition relative aux opérations du cadastre est renvoyée à la commission chargée de constater l’état de opérations cadastrales.
M. Van Hoobrouck appelle l’attention de la chambre sur une autre pétition. - Messieurs, dit-il, un fermier dont les terres sont situées en Belgique et dont les bâtiments d’exploitation sont placés dans le territoire qui doit être un jour cédé à la Hollande, vous fait une pétition dont la chambre devrait s’occuper promptement. Ce fermier, depuis notre révolution, a contribué à toutes les charges publiques ; il a payé les emprunts et les impositions ; il n’a pas été exempt des logements militaires ; cependant, lorsqu’il veut faire entrer une tête de bétail, l’administration des douanes exige qu’il paie les droits d’entrée sur les bestiaux. Evidemment il y a là fausse interprétation dé la loi.
Je demande que l’on déclaré qu’il y a urgence de faire un rapport sur la pétition. Il suffit de signaler une position aussi bizarre à M. le ministre des finances pour la faire cesser. J’ai déjà demandé que la commission des pétitions s’occupât d’une pétition à peu près semblable, et le rapport ne nous en a pas été présenté ; je ne sais à quoi tient cette négligence.
M. le président. - M. Dubus propose de renvoyer le vote définitif de cette loi à un mois.
M. Dubus. - L’une des dispositions du projet de loi était signalée comme urgente, parce qu’elle est relative à l’industriel qui, par sa pétition, a provoqué le projet dont nous nous occupons. Il ne faut pas ajourner à un mois la demande que fait le pétitionnaire, de venir s’établir chez nous avec ses machines, mais on peut ajourner le vote définitif à cinq ou six jours, ou après le vote de la loi des finances. Dans l’intervalle, des renseignements nous viendront sur toutes les dispositions de la loi, si ces dispositions renferment quelque chose de contraire à nos intérêts industriels. Modifiant ma proposition, je demande que ce vote définitif soit ajourné après la loi des finances.
M. Zoude, rapporteur. - Dans son premier rapport, la commission d’industrie a présenté un projet de loi comme urgent ; la chambre a renvoyé ce projet à la commission après une discussion qui a duré une séance, et le vote définitif a été indiqué pour aujourd’hui ; ainsi il y a chose jugée. J’ai regretté que M. Dumortier n’ait pas assisté, dans le sein de la commission à l’examen des différentes propositions qui lui avaient été renvoyées ; il est probable que cet honorable membre se serait rendu aux raisons qui ont été exposées.
Le projet nouveau présenté par la commission est utile à l’industrie en général ; il est urgent relativement à l’industriel dont la pétition nous a été renvoyée. Je demande que la proposition de M. Dubus ne soit pas admise.
M. Dubus. - L’article 45 du règlement dit qu’entre le vote primitif et le vote définitif il s’écoulera au moins un jour ; ainsi il peut s’écouler plusieurs jours, et la chambre est absolument maîtresse de fixer le jour où la chambre votera définitivement.
M. Dumortier. - Si la chambre consent à l’ajournement, je n’ai aucune observation à faire ; mais je crois que l’honorable rapporteur de la commission a eu tort de m’interpeller sur la conduite que j’ai tenue près de la commission. J’ai dit qu’il fallait une loi pour l’industriel pétitionnaire, mais qu’il ne fallait pas que cette loi contînt des propositions étrangères à ce pétitionnaire. Il y a deux propositions dans le projet de loi : l’une est relative à l’introduction en Belgique d’établissements tout formés à l’étranger, et je l’adopte ; l’autre est relative à l’introduction de machines étrangères : mais, comme elle pourrait n’être utile qu’aux industriels en faveur près du ministère, je pense qu’avant de l’admettre, il faudrait entendre les chambres de commerce. L’ajournement de cinq ou six jours peut être accordé ; l’urgence ne signifie rien quand le sénat n’est pas assemblé.
M. Davignon. - Sans vouloir rentrer dans le fond d’une discussion qu’avec raison on considérait comme terminée, je ne puis me dispenser, d’après ce que vient de dire l’honorable préopinant, de vous faire remarquer que les dispositions du projet de loi sur lequel vous êtes appelé à voter, ne sont pas une innovation.
Sous le gouvernement précédent, le roi était investi du pouvoir d’accorder, en franchise de droits, l’entrée dans le royaume des machines et mécaniques, lorsque l’intérêt de l’industrie nationale l’exigeait.
On peut croire, messieurs, que l’on n’a pas fait un mauvais usage de cette faculté, tout illimitée qu’elle était, car aucun abus de ce genre n’a été signalé ; on a assez scruté pour trouver des motifs de récrimination.
Sans doute on ne peut, on ne doit pas pousser trop loin la confiance dans les actes des ministres, quels qu’ils soient, mais je ne puis concevoir l’excès de défiance qu’on voudrait nous inspirer ! on ne l’appuie que sur des craintes vaines, sur des hypothèses. Pour leur trouver un fondement, je devrais admettre que le gouvernement à intérêt à s’opposer au bien-être du commerce et de l’industrie. Je pense au contraire, et vous partagerez mon opinion, messieurs, que sa principale, je dirai même son unique tâche, devra consister désormais à raviver ces branches de la prospérité publique.
Ne cessons, messieurs, d’appeler son attention sur cet important objet ; bien loin d’entraver sa marche, cherchons à l’éclairer. Donnons-lui une sage latitude. Si ses agents en abusaient, nous avons en notre puissance les moyens de les arrêter. Aucun fait, ne portât-il même atteinte qu’à un intérêt individuel, ne peut rester inconnu. Voua avez pour garants, dans le cas présent, la publicité de toute concession, dont la loi impose l’obligation d’une manière impérative, la presse, le droit de pétition, et une arme plus formidable encore, la tribune nationale.
Les restrictions que l’on veut apporter à la loi, aux dispositions de laquelle la presque totalité des membres de cette assemblée ont déjà donné leur adhésion, ne peuvent que la dénaturer et en faire manquer le but.
Il n’y a donc pas lieu à différer le vote définitif du projet dont la chambre a reconnu l’urgence. Je demande que conformément au règlement il y soit procédé immédiatement. Pour ma part, je ne contribuerai pas à établir un précédent dont dans la suite, on ressentirait la fâcheuse influence.
M. Jullien. - Il y a une décision de la chambre contre laquelle je ne vois pas la nécessité de revenir. Vous avez délibéré sur la loi dans la dernière séance ; vous avez ensuite renvoyé le vote définitif à la séance actuelle. Quand une loi est amendée, il faut laisser écouler au moins 24 heures avant de voter définitivement ; cependant on vous demande de retarder ce vote jusqu’après la discussion du budget ; mais quand on aura voté le budget, qui vous dira qu’on ne fera pas une nouvelle motion d’ordre pour retarder le vote de la loi ?
Je ne sais sur quel prétexte on se fonde pour repousser une loi accueillie par tous les amis de l’industrie. Il y a un motif d’urgence pour la voter, on le reconnaît ; mais on craint que le ministre n’accueille pas favorablement les petits industriels, et qu’il ne suive pas la maxime du maître du monde, qui est de laisser arriver à lui les petits plutôt que les grands. S’il en était ainsi, les petits industriels savent bien qu’en s’adressant à la chambre, leur plainte sera écoutée autant et plus que celle des grands industriels ; sous ce rapport, les craintes de M. Dumortier ne me touchent pas et ne doivent pas toucher la chambre.
Si la presse, si l’opinion publique s’élevaient contre la loi, le sénat en sera averti et corrigera ce qu’elle renferme de défectueux. Je demande que l’on procède de suite au vote définitif de la loi.
M. Dubus. - Il n’est pas exact de dire que la chambre a décidé que l’on voterait aujourd’hui la loi qui nous occupe ; la chambre n’a pu prendre de résolution à la fin de sa dernière séance parce qu’elle n’était pas en nombre. C’est actuellement qu’elle peut décider à quelle époque le vote définitif aura lieu. L’honorable préopinant voudrait voter aujourd’hui parce que, dit-il, le sénat, s’assemblant dans quelques jours, fera les changements que l’opinion publique et l’intérêt du pays réclameront ; mais ne vaut-il pas mieux examiner nous-mêmes la loi d’une manière approfondie ? Si nous la votons avec précipitation, elle nous sera renvoyée amendée par le sénat, et nous serons obligés de nous en occuper une seconde fois. Notre devoir, d’ailleurs, n’est-il pas de voter avec maturité tous les projets de loi ? Je bornerai là mes réflexions.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - La loi dont il s’agit a été adoptée à peu près à l’unanimité des membres présents à la dernière séance et je ne pense pas que la chambre veuille recommencer la même discussion dans le cas où une nouvelle pétition lui serait adressée. La loi n’impose pas au gouvernement l’obligation d’admettre à la libre entrée toutes les machines ; elle n’accorde qu’une faculté à l’administration. Il est vrai que les honorables membres, ayant une défiance continuelle dans le gouvernement, ne veulent pas de la loi. En effet M. Dumortier a combattu la loi par les raisons de défiance.
Il est bon que la chambre sache bien quelles sont les intentions des adversaires de la loi. Mais je suis heureux que d’honorables membres aient répondu à leurs craintes. Jusqu’ici ils n’ont pas répondu à ceux qui les ont réfutés. Je crois que la chambre, conformément à ses usages, doit voter immédiatement. (Aux voix ! aux voix ! aux voix !)
M. Brixhe demande la permission de présenter quelques considérations sur le sens de l’article premier de la loi.
M. le président. - Cela ne se peut ; il ne s’agit actuellement que de la question d’ajournement.
- La proposition de M. Dubus est mise aux voix et n’est pas adoptée.
M. le président. - Nous allons successivement mettre aux voix les amendements présentés à la loi.
M. Dubus. - Les paragraphes 2 et 3 de l’article premier sont des amendements, car les dispositions qu’ils renferment n’étaient pas renfermées dans le projet primitif présenté par la commission d’industrie
M. Jullien. - On demande que l’on considère comme amendement ce qui fait partie intégrante de la loi, afin de recommencer la discussion. La commission d’industrie a fait un projet de loi ; on le lui a renvoyé avec des observations pour qu’elle en présentât un second, et on a discuté sur le second projet en le considérant comme une loi nouvelle et non comme une loi amendée. Ce sont les amendements faits à la seconde rédaction qui sont les seuls amendements.
M. Dubus. - Le projet de loi soumis à la chambre, et sur lequel la discussion a été établie, est le projet dont nous avons été saisis par la commission d’industrie dans la séance du 23 janvier.
Des amendements ont été présentés ; on les a renvoyés à la commission qui a proposé une nouvelle rédaction. D’après le texte et l’esprit du règlement, tous ces amendements doivent être remis en discussion aujourd’hui. Le règlement veut éviter le danger de la précipitation : or, ce danger existe aujourd’hui, puisque la chambre a adopté des propositions dans la même séance où elles lui ont été présentées.
J’ai un amendement à proposer au paragraphe 2 de l’article premier. Je voudrais que la dispense du droit fût accordée à tout Belge ou étranger qui introduira des modèles de mécaniques ou d’ustensiles inconnus en Belgique, et non que l’exemption du droit fût accordée à celui qui introduirait des machines ou des ustensiles inconnus en Belgique.
M. de Muelenaere. - Il est impossible de considérer comme amendements les paragraphes 2 et 3 de l’article. M. Jullien a exposé le véritable état des choses ; le projet actuel a été considéré par la chambre comme un projet nouveau ; cela est si vrai que, lors de la présentation de ce second projet, on a ouvert une discussion générale. Ainsi la chambre a décidé virtuellement que le projet de loi n’était pas une loi avec amendements.
M. Dumortier. - C’est par trop fort de venir prétendre que les paragraphes 2 et 3 ne sont pas des amendements ; retranchez donc de votre règlement les dispositions relatives aux amendements, si vous l’entendez ainsi. Le projet primitif contenait deux articles ; tout ce qui est en dehors de ces deux articles est amendement. Ces amendements ont été déposés sur le bureau et signés par leurs auteurs.
A la vérité, ces amendements ont été renvoyés à la commission d’industrie pour qu’elle les coordonnât ; mais cela ne change pas la nature des choses. Vos antécédents établis lors de la discussion de la loi sur les distilleries sont conformes à cette doctrine.
Pourquoi voulez-vous donc écarter une nouvelle discussion ? Est-ce que vous craignez que la chambre ne revienne sur sa première décision ? L’honorable député de Charleroy, district où l’on fabrique des machines, vous a dit que vous alliez tuer l’industrie de cette contrée ; voulez-vous l’empêcher de parler et de vous prouver son assertion ? Ce serait une contre-vérité que de ne pas considérer comme amendements les additions faites à la loi.
M. Brabant. - C’est à la chambre à décider si les paragraphes deux et trois sont des amendements.
M. de Muelenaere. - Je demande la question préalable sur la proposition de M. Dubus, tendant à remettre en discussion les paragraphes deux et trois de l’article premier.
M. Dumont. - Si vous adoptez la question préalable, vous vous écarterez des dispositions de votre règlement. Le règlement veut que la chambre ne vote aucun article sans y avoir bien réfléchi. Dans la dernière séance on a adopté des paragraphes qui avaient été élaborés pour la première fois dans l’assemblée ; il faut donc soumettre à une nouvelle discussion les dispositions qu’il renferme.
M. Jullien. - Il ne s’agit pas de fermer ici la bouche à un député, ce qui serait parfois très difficile, et d’ailleurs ce serait violer le règlement. Toute la question est de savoir si les deuxième et troisième paragraphes sont des dispositions du projet de loi ou des amendements. La nouvelle rédaction qui a été présentée par la commission a été considérée comme étant une loi nouvelle et la preuve, c’est que vous avez fait des amendements à cette rédaction.
Ce sont ces amendements qui doivent être mis en délibération maintenant.
M. Zoude, rapporteur. - La question me semble facile à résoudre. Voici ce qu’a dit la commission d’industrie en vous soumettant le nouveau projet de loi :
« La commission a l’honneur de vous présenter une nouvelle rédaction du projet de loi établie sur de nouvelles bases. Les auteurs des amendements ont déterminé la commission à étendre les dispositions de la loi. »
M. Dumortier. - Eh bien, il s’agit d’amendements.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Voilà encore une séance perdue pour des questions incidentes.
M. Dumont. - L’article 45 du règlement ne veut pas qu’une disposition jetée pour la première fois dans l’assemblée y soit définitivement adoptée. En admettant la question préalable, ce serait procéder par surprise et contrairement au règlement.
M. Zoude, rapporteur. - Nous avons eu pour but d’abréger le temps ; mais si l’on insiste, nous demanderons que la discussion ait lieu.
M. Dubus. - Les raisons que l’on a données pour prouver qu’il ne s’agissait pas d’amendements me semblent les plus forts arguments pour considérer les dispositions de paragraphes 2 et 3 comme étant réellement des amendements.
Si la commission était venue proposer la suppression d’un mot, ou l’addition d’un autre mot, on envisagerait cela comme un amendement ; mais parce qu’elle a fait plus, parce qu’elle a présenté une disposition toute nouvelle, on ne veut pas que vous votiez deux fois ; ce qui en définitive se réduit à raisonner ainsi : Les dispositions insignifiantes, il faut les voter deux fois ; les dispositions importantes, il ne faut les voter qu’une fois.
M. de Brouckere. - Je suppose que les honorables orateurs qui se sont opposés à ce que l’on soumît la loi à un second vote des paragraphes 2 et 3, ont eu pour but d’empêcher la chambre de perdre du temps ; mais ils ne peuvent avoir d’autre but, car il y a vraiment lieu à discuter de nouveau ces paragraphes.
Le second projet présenté par M. Zoude n’est autre chose que le premier projet amendé par la commission. Aussi la commission d’industrie nous a présenté son second travail sous ce titre : « Projet de loi rédigé d’une nouvelle manière… » Une nouvelle rédaction, c’est précisément un amendement. Je demande que l’on prononce sur la proposition de M. Dubus.
- La question préalable est mise aux voix. Deux épreuves sont douteuses. On procède à l’appel nominal.
75 membres sont présents.
33 votent la question préalable.
42 en votent le rejet.
En conséquence, la question préalable n’est pas admise, et la discussion est ouverte sur les paragraphes 2 et 3 de l’article premier.
M. Dubus. - J’ai proposé un amendement au paragraphe 2 : cet amendement est motivé sur ce que j’ai exposé dans la séance précédente et sur ce qui m’a paru être dans les vues de l’assemblée.
M. Brixhe. - Si j’ai bien saisi l’intention de la chambre dans la discussion qui a eu lieu sur le projet de loi relatif à l’introduction des machines étrangères, destinées à créer chez nous des industries nouvelles ou à perfectionner telle ou telle branche de notre industrie déjà établie, je pense que la chambre a entendu que l’exemption du droit ne pourra être accordée que pour la première machine étrangère nouvelle à introduire, et non à plusieurs, et moins encore à un grand nombre de machines de la même espèce.
En effet, il ne pourrait en être autrement que pour autant qu’il fût constaté que nos fabriques de machines ne pussent fournir à l’industrie le nombre de machines semblables à celle dont l’introduction franche de droit aurait été permise. Or, cette crainte se dissipera devant les faits. Car nous comptons en Belgique, surtout à Liège, à Verviers et dans le Hainaut, au moins 15 fabriques de machines parfaitement montées, parmi lesquelles il s’est trouvé plusieurs de premier ordre et que l’étranger nous envie. Ainsi donc nous avons tout entier apaisement sur nos moyens d’intelligence pour l’exécution de toutes machines. Nous avons également tout apaisement quant aux matières premières servant à la confection des machines, puisque les fers et les fontes sont chez nous à des prix aussi peu élevés qu’à l’étranger, et même en Angleterre, et que la main-d’œuvre est chez nous à meilleur marché que dans ce dernier pays.
Ainsi, dès que le besoin d’une nouvelle machine se fera sentir, on peut donc compter qu’on peut, avec avantage, commander chez nous plutôt qu’à l’étranger le nombre de machines dont notre industrie pourra avoir besoin. D’après ces considérations, j’insiste sur ce point qu’il doit être bien entendu qu’il ne pourra entrer que des machines modèles qui, sans nuire aux établissements qui en auraient besoin, profiteraient très activement à nos fabriques, de machines, à nos hauts-fourneaux, ainsi qu’à notre forgerie. Dans le sens des observations que je viens d’avoir l’honneur de vous soumettre et dont j’affirme tous les faits, je propose un amendement qui consiste à ajouter à la fin du paragraphe 2 ces mots :
« Il ne pourra être introduit qu’une seule machine ou ustensile modèle, en franchise des droits, pour chaque industrie ou perfectionnement nouveau.
M. Davignon. - D’après ce qui a été dit dans la séance précédente, je crois qu’il a été bien entendu qu’il s’agissait d’une seule machine. Je ne comprends pas le sens du mot : « machine modèle » qu’on voudrait introduire dans la loi : vous obtiendrez bien en Angleterre la permission d’exporter une machine, mais non un modèle de machine ; il y a les peines les plus fortes contre cette exportation.
M. d’Hoffschmidt. - Il y a la peine de mort !
M. le ministre des affaires étrangères (M. F. de Mérode) - Il peut être dans l’intérêt de l’industrie d’introduire deux ou trois machines semblables, sinon d’en introduire en nombre illimité. Le gouvernement saura apprécier ce qui peut être utile. Si on suppose le gouvernement déterminé à nuire à toutes les industries belges pour être favorable aux industries des étrangers, il faut supprimer ce gouvernement ; c’est un gouvernement ennemi. Restreindre l’introduction à une seule machine, c’est une absurdité.
Dans la loi de 1822 qui laissait au gouvernement hollandais une latitude assez grande, personne n’a réclamé contre les abus de la faculté qui lui était accordée ; si ce gouvernement n’a point abusé, pourquoi celui-ci abuserait-il de la même faculté ?
M. Lardinois. - Si M. Dubus se ralliait à l’amendement de M. Brixhe, qui demande d’une seule machine modèle, je n’aurais point d’observations à présenter : malgré l’universalité des connaissances qui distingue l’honorable. M. Dubus, je ne crois pas qu’il connaisse bien ce qui concerne la confection des machines ; pour en être convaincu, je me fonde sur la rédaction de son amendement.
Il demande qu’on introduise des modèles de mécaniques ou des ustensiles inconnus en Belgique ; il fait voir par là qu’il ne sait pas que dans une machine il faut des modèles pour chaque pièce. Aucun constructeur de machines ne donnera de modèle sur l’ensemble de sa mécanique.
A certaines époques il était défendu, sous peine de mort, d’exporter d’Angleterre les machines à filer, et encore aujourd’hui il y a prohibition pour les machines à tisser le coton et la laine, en sorte que les mécaniciens sont obligés de faire venir les machines pièce à pièce.
M. Dubus craint que la loi ne soit favorable seulement aux grands industriels : ce qui prouve encore ici qu’il ne sait pas comment les choses se passent. En Angleterre et en France, un grand industriel ne s’occupe pas du prix qu’il met à une machine ; plus elle coûte de droits d’entrée et plus il est sûr que les petits industriels ne seront pas ses concurrents. Alors il se garde bien de communiquer ou de laisser voir la machine qu’il fait venir. Au contraire, s’il y a remise de droits, les plus petits industriels pourront faire venir des machines.
Je suis étonné qu’on veuille retarder le vote d’une loi contre laquelle on ne fait aucune objection fondée.
M. Dubus. - Si le gouvernement accordait la remise des droits à un seul particulier pour l’introduction de 50 machines modèles, vous ne trouveriez pas un seul mot dans l’article premier qui indiquât que la loi a été violée. On prétend qu’il faut entendre la loi dans le sens qu’on n’introduira dans le pays qu’une seule machine pour servir de modèle, afin que nos ouvriers puissent en confectionner de semblables ; mais lorsque l’on veut qu’une loi soit entendue dans un sens, on l’écrit dans cette loi. On introduit les machines pour l’utilité du pays, pour qu’elles servent de modèle pour le pays ; c’est sous ce rapport que la loi peut être importante.
J’étais disposé à me réunir à l’amendement de M. Brixhe ; mais les observations présentées par l’honorable préopinant me déterminent à persister dans ma proposition. D’après ma rédaction chaque industriel pourra introduire une machine afin d’en faire exécuter de semblables.
M. Angillis. - Je commence à croire que la chambre n’est pas véritablement éclairée sur la question qui nous occupe, c’est une question ardue. Le premier projet de loi m’a paru d’une utilité évidente, et la rédaction m’en a paru précise et claire, maintenant on vous présente une foule d’amendements appuyés et contredits : vous allez vous engager dans une discussion interminable.
En les adoptant, vous feriez une loi de marqueterie. Je crois qu’il conviendrait d’ajourner tout à fait ce projet, et d’inviter la commission à présenter un projet de loi plus étendu, plus explicite, sur l’objet qui nous occupe.
M. A. Rodenbach. - Je ne puis partager l’opinion de l’honorable préopinant. Il consent à ce qu’une loi soit rendue en faveur de l’industriel qui a fait la pétition sur laquelle la commission d’industrie vous a fait un rapport.
Ainsi cet industriel pourrait introduire 15 machines relatives à sa fabrication, tandis que les industriels d’un autre genre resteraient stationnaires, ne pouvant introduire des machines perfectionnées ; mais pouvons-nous rester stationnaires quand l’industrie marche en Europe ? Les fabricants de Verviers ont fait venir des machines d’Angleterre par suite d’un arrêté pris sous Guillaume, et ils doivent à cette importation de pouvoir fabriquer comme en Angleterre même ; ils sont beaucoup plus avancés dans leur art que les fabricants français, et ils ont sur ces derniers un avantage de 25 p. c. Par cet exemple on voit que les machines sont trop importantes pour que nous n’en votions pas dès aujourd’hui l’importation.
M. le ministre des affaires étrangères (M. F. de Mérode) - Les lois civiles et les lois criminelles doivent avoir une grande rigueur dans leur rédaction ; mais il n’en est pas de même des lois administratives ; celles-ci doivent laisser beaucoup de latitude à l’autorité qui les applique, sans quoi on ne pourrait en faire usage. Il fait écarter les amendements.
M. Lardinois. Je désire faire connaître ma pensée sur le second paragraphe. La chambre, en l’adoptant, n’a pas entendu autoriser l’introduction en Belgique d’un nombre considérable de machines ; elle ne voudrait pas porter ainsi préjudice aux ateliers de construction établis dans notre pays, ateliers qui consomment une grande quantité de houille, de bois, etc., et qui occupent un nombre considérable d’ouvriers. Mais nous n’avons pas à craindre qu’un industriel demande jamais à introduire dans notre pays un grand nombre de machines. Les industriels savent que la construction des machines coûte beaucoup plus cher en France et en Angleterre qu’en Belgique ; ils connaissent trop bien leur intérêt pour faire entrer dans le pays un nombre plus grand qu’il ne leur serait nécessaire pour en faire entrer plus d’une ; car une seule leur suffit.
C’est dans le pays même qui, à cet égard, n’a rien à envier aux autres, qu’ils feront construire d’autres machines, s’ils en ont besoin. Nous avons en Belgique, et notamment à Liége, des ateliers de construction de machines qui ne craignent pas de rivalité, je ne dirai pas en Europe, mais dans tout l’univers.
Par ces motifs, j’adhère à l’amendement de M. Dubus, qui me paraît rendre la pensée de la commission.
M. Jullien. - Je crois vraiment, messieurs, que nous finissons par ne plus comprendre. On a d’abord proposé que le ministre ne pût autoriser l’admission en franchise de droit que d’une seule machine modèle. Ceux qui ont fait cette proposition ont eu en vue d’empêcher qu’on ne portât préjudice aux ateliers de construction établis en Belgique.
On a réfléchi alors que si on limitait l’introduction à une seule machine, on constituerait, en faveur de l’industriel entre les mains de qui elle se trouverait, un véritable monopole. C’est alors qu’on a songé à étendre à tout industriel cette faculté d’introduire une seule machine. Mais, messieurs, c’est aller bien plus loin que le projet ; c’est autoriser l’entrée d’un nombre indéfini de machines fabriquées à l’étranger ; car l’individu qui voudra introduire 2,000 machines trouvera 2,000 individus qui lui prêteront un nom pour en obtenir l’autorisation.
Le but que nous nous proposons tous dans ce projet de loi est de doter le pays de machines nouvelles ou perfectionnés ; celui qu’on atteindrait par ce dernier système serait de porter un immense préjudice aux ateliers de construction établis dans le pays. Vous ne le voudrez pas, messieurs, vous aimerez mieux laisser au gouvernement la faculté de régler lui-même le nombre des machines à introduire. Il pourra accorder à chaque constructeur l’autorisation de faire entrer une machine modèle ; mais si vous l’accordiez à tout industriel, il y aurait des milliers de machines introduites ; vous nuiriez aux fabricants de machines, vous nuiriez à l’industrie au lieu de la servir.
Je m’en tiens donc au premier projet ; je n’en sortirai pas. On a voulu faire quelque chose de meilleur ; je trouve moi que ce qu’on a présenté est beaucoup plus mauvais.
M. Coghen. - J’appuie la proposition de l’honorable M. Jullien, et le maintien du paragraphe 2 de l’article premier. Si on veut établir des restrictions à l’infini, si on se préoccupe toujours de la peur qu’on peut abuser de la latitude de la loi, il est impossible de faire de bonnes lois. Le gouvernement existe pour faire exécuter loyalement les lois, pour veiller aux intérêts du pays ; on ne peut pas supposer qu’il veuille aller contre de tels intérêts. Il est d’ailleurs positif que lorsque des machines d’un certain modèle auront été introduites en Belgique, le ministre n’autorisera pas l’introduction d’autres machines du même modèle ; car dès lors qu’une industrie ne sera plus inconnue, dès lors, en vertu de la loi, l’autorisation ne pourra plus être accordée.
J’appuie donc la rédaction actuelle du second paragraphe, persuadé que le ministère n’en fera aucun abus, persuadé que les abus que l’on redoute ne sont pas possibles en présence de la vigilance de la presse, et de la réunion presque permanente de cette assemblée.
M. Dubus. - Pour vous engager à repousser mon amendement, on vient dire qu’alors même qu’il serait admis, il y aurait encore moyen de faire fraude à la loi, si la fraude est possible.
On dit ensuite que tel industriel qui voudra introduire mille machines trouvera mille personnes qui lui en donneront la faculté en lui prêtant leur nom. Cet industriel ne ferait pas un grande économie sur la remise des droits d’entrée.
C’est un mauvais argument pour combattre un amendement que de dire que la fraude est possible malgré son adoption. Il est constant qu’il a diminué la fraude, qu’il présente des garanties.
On a exprimé la crainte que si un seul industriel faisait venir une seule machine, les autres industriels n’en profiteraient pas. Mais, messieurs, telle n’est pas la conséquence de mon amendement. Ne dépend-il pas en effet du gouvernement d’obvier à cet inconvénient ? Ne peut-il pas accorder à un industriel l’autorisation d’introduire une machine à la condition qu’il la communiquera aux autres industriels ? Dans tous les autres pays, cette condition est imposée ordinairement à l’occasion de l’introduction de machines nouvelles.
M. Dumont. - Je trouve que toutes les rédactions proposées présentent plus ou moins de difficulté. Je partagerais assez l’avis de MM. Jullien et Coghen, et m’en rapporterais volontiers au gouvernement ; mais je voudrais au moins que ses organes, au lieu de garder le silence, vinssent nous dire comme ils entendent se servir de la loi.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je demande la parole.
M. Dumont. - Lorsque le ministre nous aura dit comment il entend la loi, nous aura donné des garanties en déclarant de quelle manière il se promet d’exécuter la loi, je serai disposé à appuyer la rédaction actuelle.
M. Lardinois. - Je propose par amendement de rédiger ainsi le deuxième paragraphe :
« 2° A tout Belge ou étranger qui aura introduit une machine modèle ou des ustensiles inconnus en Belgique, pour l’établissement d’une industrie nouvelle ou le perfectionnement d’une industrie déjà connue. »
Je propose cet amendement pour répondre aux vue de quelques membres de la chambre. Il serait inutile si on voulait avoir confiance dans le gouvernement ; ce qui me paraîtrait plus préférable.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Depuis que la chambre a décidé par le rejet de la question préalable qu’elle continuait cette discussion, j’ai cessé d’y prendre part parce qu’elle m’a paru avoir pour objet de détruire l’ouvrage d’une précédente séance.
Les auteurs des amendements en discussion ont manifesté une défiance continuelle contre le gouvernement ; j’ai cru d’autant plus pouvoir me dispenser de prendre la parole, que plusieurs orateurs ont pris soin de leur répondre et défendre le gouvernement.
L’initiative du projet de loi n’appartient pas au gouvernement : c’est la commission d’industrie qui l’a proposé.
Cette latitude d’autoriser l’entrée en Belgique d’un certain nombre de machines, que par défiance on ne veut pas accorder au gouvernement, cette latitude appartenait à l’ancien gouvernement auquel on a eu tant de griefs à reprocher ; on n’a pas eu sous ce rapport cependant le moindre abus à lui reprocher.
On a manifesté des craintes chimériques sur l’abus que nous pourrions faire de la loi ; on a dit que nous pourrions autoriser l’entrée de mille machines du même modèle. Il est évident cependant que, du moment qu’une machine inconnue aura été introduite une première fois, elle cessera d’être inconnue. Il n’y aura donc plus lieu à accorder d’autorisation.
Non sans doute nous ne voulons pas faire entrer des machines dans le pays par centaines, mais il est possible que nous accordions l’autorisation pour 2, pour 3 machines. Mais si vous voulez borner à une seule l’autorisation que nous pourrons accorder, il nous sera impossible de nous servir de la loi.
Il nous sera, dit-on, possible d’imposer à l’industriel à qui nous aurons accordé notre seule autorisation, la condition de tenir la nouvelle machine à la disposition de tous les industriels ; mais il nous sera difficile de veiller à l’accomplissement de cette condition. Cet industriel pourra la tenir cachée, ou faire en sorte que les autres industriels n’en aient pas facilement l’accès.
Mais si nous pouvons accorder l’autorisation d’introduire un plus grand nombre de machines, l’industriel propriétaire d’une nouvelle machine n’aura plus aucun intérêt à la cacher ; il la livrera sans difficulté aux divers fabricants.
Il est constant, comme vous l’a fait observer l’honorable député de Charleroy, que la main-d’œuvre est à bien meilleur compte en Belgique que partout ailleurs. Nous pouvons donc soutenir et même avec avantage la concurrence avec les pays étrangers. Vous n’avez donc pas à craindre qu’il y ait abus dans le nombre des machines introduites.
La chambre jugera sans doute qu’elle doit agir ici avec quelque libéralité envers le gouvernement ; elle y trouvera sans doute plus d’avantages que d’inconvénients. Pour moi, je repousse, au nom du gouvernement, ces demi-facultés qu’on veut lui laisser. Il vaut mieux qu’il s’en passe que de recevoir des demi-pouvoirs, pour être ensuite empêche d’agir dans des circonstances où il le croira nécessaire.
On demande que nous prenions l’engagement de ne pas abuser de la loi. Tous les ministres prendront toujours cet engagement. Mais je ne puis répondre que de moi et non des ministres qui pourront me succéder ; ceux-là pourront entendre la loi d’une tout autre manière. Cet engagement ne signifie donc absolument rien.
M. Smits. - Je comptais m’interdire la parole dans cette discussion ; mais puisqu’elle se prolonge, puisqu’on insiste encore sur un point qui paraissait décidé, je dirai quelques mots pour ramener la question à sa plus simple expression.
La loi de 1822 donnait au pouvoir exécutif la faculté de faire entrer, en franchise de droits dans le pays, toute espèce de machines, sans aucune exception. On demande aujourd’hui plus de restriction. Mais les machines ne jouiront de la remise que lorsqu’elles auront été mises en activité : n’est-ce pas là une restriction suffisante ? N’est-ce pas au contraire une restriction inadmissible et impossible que celle qu’on nous propose de limiter à un seul le nombre des modèles que l’on pourra introduire ? Mais qu’est-ce qu’un seul modèle ? L’industriel qui l’aura introduit aura-t-il la certitude de faire construire le nombre de machines qui lui sera nécessaire ? Le constructeur ne pourra-t-il pas s’y refuser ? Peut-être ne voudra-t-il pas faire un moule pour un petit nombre de machines qui lui seront commandées !
J’espère que la chambre adoptera un système plus large que celui qu’on lui propose, et qu’elle accordera au gouvernement la confiance dont il a besoin pour protéger efficacement l’industrie du pays.
M. de Muelenaere. - Plusieurs membres de cette chambre s’effraient à tort sur les conséquences de cette loi et sont préoccupés par des craintes qui ne sont nullement fondées. Fions-nous à ce que nous a dit l’honorable député de Verviers, industriel distingué par ses connaissances théoriques et pratiques sur cette matière, à laquelle beaucoup d’entre nous sont étrangers. Il nous a dit que la main-d’œuvre était, en Belgique, à plus bas prix qu’ailleurs ; que les machines construites en France et en Angleterre étaient plus chères que celles de notre pays. Quel intérêt trouverait-on alors dans l’introduction d’un grand nombre de machines ? Elles ne soutiendraient pas la concurrence avec celle du pays. Si ce qui a été dit à cet égard est vrai, et je n’en doute nullement, on ne pourra introduire en Belgique que des machines modèles.
Je partage entièrement l’opinion de l’honorable comte F. de Mérode ; en matière d’industrie et de douanes, nous devons nous en rapporter non à l’arbitraire, mais à la sagesse et à la discrétion du gouvernement, qui use sous sa responsabilité de la latitude qu’on lui accorde. Il est impossible de faire une loi de douanes pour plusieurs années ; car l’industrie varie, sinon constamment, au moins d’année en année. Il faut aussi que le gouvernement puisse prendre les précautions nécessaires pour que la loi ne l’oblige pas à faire du mal au pays.
Un honorable préopinant vous a rappelé que la loi de 1822 accordait à l’ancien gouvernement une latitude plus large, et qu’il n’en a pas abusé. Nous pouvons être assurés que de même, et à plus forte raison, le gouvernement actuel n’abusera pas de la trop grande généralité des termes de la loi en discussion.
M. Lardinois. - Je retire l’amendement que j’avais présenté, déclarant m’en remettre à la discrétion du gouvernement, en ce qui concerne le nombre des machines qui devront être admises à la libre entrée.
- Plusieurs membres. - La clôture !
M. Dubus. - Si je demande la parole sur la clôture, c’est pour faire remarquer que la question a complètement changé de face depuis que cette discussion a été reprise. Si elle ne se prolonge pas davantage, chacun de nous emportera une tout autre idée qu’il ne pouvait avoir à la fin de la dernière séance.
Il était alors entendu qu’on ne se servirait de la loi que pour l’introduction d’un seul modèle ; maintenant au contraire on vient dire que le gouvernement pourra autoriser l’entrée d’un aussi grand nombre qu’il voudra : c’est au moins ce qui résulte des paroles du ministre et de l’honorable préopinant. On dit que ce ne sera en rien dommageable au pays, parce qu’on y fabrique les machines à meilleur marché que partout ailleurs. Mais alors il faut changer la loi des douanes et admettre toutes les machines à la libre entrée ; il n’en résultera plus de dommages pour le pays.
Assurément la loi ainsi comprise n’est plus celle qu’on vous avait présentée en premier lieu ; elle a une portée bien différente. Je ne comprends pas que vous puissiez la voter à l’instant même et sans plus de discussion.
- La chambre consultée ferme la discussion.
La chambre vote sur la proposition de M. Angillis, qui consiste à borner la loi au paragraphe premier et à renvoyer les paragraphes 2 et 3 à une loi spéciale.
M. Brixhe retire l’amendement qu’il avait présenté.
M. Dubus déclare adopter pour son amendement la rédaction qui avait été proposée par M. Lardinois et qu’il a retirée.
- Cet amendement est mis aux voix et rejeté.
La chambre confirme successivement par son vote les dispositions de la loi qu’elle avait adoptées dans sa dernière séance.
La chambre passe au scrutin sur l’ensemble de la loi.
Nombre des votants : 71.
Oui : 70.
Non : 1.
Trois membres se sont abstenus.
La chambre a adopté.
Ont voté pour : MM. Angillis, Bekaert, Brabant, Brixhe, Coghen, Cols, Coppieters, Dams, Dautrebande, Davignon, de Behr, de Brouckere, H. Dellafaille, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, F. de Mérode, W. de Mérode, de Muelenaere, de Nef, C. Vuylsteke, de Roo, de Sécus, Desmaisières, Desmanet de Biesme, Desmet, de Stembier, de Terbecq, de Theux, d’Hane, d’Hoffschmidt, d’Huart, Donny, Dubois, Dugniolle, Duvivier, Eloy de Burdinne, Ernst, Fallon, Fleussu, Goblet, Jullien, Lardinois, Lebeau, Liedts, Meeus, Milcamps, Morel-Danheel, Olislagers, Pirson, Polfvliet, Pollénus, Poschet, A. Rodenbach, Rogier, Rouppe, Schaetzen, Simons, Smits, Thienpont, Trentesaux, Ullens, Vandenhove, Vanderbelen, Van Hoobrouck, Vergauwen, C. Vilain XlIIII, H.. Vilain XIIII, Vuylsteke, Wallaert, Watlet, Zoude, Raikem.
A répondu non : M. Dumortier.
Se sont abstenus : MM. A. Dellafaille, Dubus et Verdussen.
M. le président. - Aux termes du règlement, les membres qui se sont abstenus sont invités à faire connaître le motif de leur abstention.
M. Dellafaille. - Je n’ai pas assisté à la dernière séance où la discussion du projet de loi a été commencée. Je ne me suis pas trouvé assez éclairé pour voter avec connaissance de cause.
M. Dubus. - Je me suis abstenu parce que je pas eu tout le temps que j’aurais voulu pour me livrer à l’examen du projet, au vote duquel j’aurais désiré que la chambre consentît à surseoir.
M. Verdussen. - Je n’ai pas assisté à la discussion principale de la loi ; celle d’aujourd’hui n’a pas suffi pour m’éclairer sur la matière.
M. Lardinois. - Ne voulant pas retarder la discussion des articles du budget des finances, je ne viens pas parler sur son ensemble, quoique je pourrais vous soumettre plusieurs observations critiques à ce sujet ; je désire, pour le moment, une explication de M. le ministre des finances, laquelle réglera ma conduite dans le vote de son budget.
Si l’on venait vous dire, messieurs : « Le secret des lettres a été violé par la poste », je suis persuadé que chacun de vous ressentirait une vive indignation, et l’on ne trouverait pas inique le jugement qui enverrait aux galères l’employé qui se serait rendu coupable d’un pareil forfait.
Les contrats passés entre le gouvernement et les particuliers, et dont la première condition est le secret, peuvent-ils être divulgues sans nécessité absolue et sans la permission positive des parties intéressés ? Je ne le pense pas. Le sceau d’un tel contrat n’est pas moins respectable que celui des lettres, et y porter atteinte c’est troubler l’ordre public.
Cependant, chose inouïe ! un fait de cette nature s’est passé récemment à Bruxelles. Vous comprenez, messieurs, que je veux parler de la publication qui a été faite des débiteurs du million Merlin. A la vue de cette liste publiée, j’ai eu le cœur navré, et je me suis dit que si cet acte pouvait émaner d’un ministre ou du ministère, je concevrais alors une opposition systématique qui tendrait à chasser des affaires publiques l’immoralité et l’infamie.
Eh quoi ! peut-on donc ignorer que le crédit est la base commune du commerce et de l’industrie ? Si vous l’ébranlez, vous compromettez la fortune des citoyens et par là vous exposez la fortune publique qui ne se compose que de la réunion des richesses individuelles.
A-t-on voulu, par cette publication, punir certains industriels insensés qui s’agitent contre l’ordre de choses actuel ? Ah ! dans cette hypothèse, quel moyen ! quelle bassesse ! Laissez arriver ici les plaintes mal fondées, les demandes absurdes, les prétentions exagérées ; on trouvera des hommes pour les combattre, dussent-ils déchaîner contre eux les traits de la calomnie ! Quant à moi, je ne veux me mesurer qu’avec des armes loyales, et je répudie celles qui sont envenimées, comme je répudie ceux qui portant des coups en cachette.
L’année dernière, je faisais encore partie de la section centrale du budget des finances. Le ministre, sur l’ordre de la chambre, produisit à cette section le tableau des débiteurs du gouvernement : il m’a donc été communiqué ainsi qu’à mes honorables collègues de la section. Ce tableau n’était pas nominatif, il indiquait seulement les sommes et les époques ; on ne pourrait donc nous imputer la divulgation qui a eu lieu ; et pour ma part je déclare sur l’honneur que je n’ai commis aucune indiscrétion à cet égard. Je sens trop bien pour cela la valeur du crédit, et ses effets lorsqu’il est attaqué.
En résumé, j’interpelle le ministre des finances pour savoir s’il a donné les mains à la publication dont il s’agit, s’il connaît l’auteur caché qui a fournis les documents et ce qu’il a fait dans cette circonstance. La morale publique et la sécurité des transactions réclament une explication, et je prie M. le ministre de me répondre.
- Plusieurs membres. - Appuyé !
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - La réponse que je ferai à l’honorable député de Verviers sera simple et franche.
J’ai communique lorsque j’en ai été requis, à la section centrale et aux sections particulières, le tableau des prêts faits par l’ancien gouvernement aux industriels qui lui eu avaient fait la demande. Mais je déclare sur l’honneur que je suis étranger à la publication qui a été faite des noms de ces industriels, et que je la considère comme un manque scandaleux à la confiance due à la chambre. (Réclamations dans l’assemblée.)
Je suis loin de dire que c’est de là qu’émane cette indiscrétion : loin de là, je suis assuré de sa discrétion comme de la mienne ; mais je dois dire qu’il n’est pas à ma connaissance qu’elle émane du ministère.
On demande ce que j’ai fait. J’ai été affligé de cette publication au moins autant que qui que ce soit ; j’en ai ressenti une peine profonde. Mais il m’a été impossible de savoir à qui on pouvait l’imputer.
M. Dumortier. - Je ne m’attendais pas, messieurs, à prendre la parole au sujet des interpellations adressées au ministère par M. Lardinois. Mais je ne puis m’en empêcher lorsqu’un ministre vient dire en face à la chambre que sa section centrale a divulgué par une publication infâme le secret de ses délibérations, lorsqu’il vient parler de manque scandaleux de la confiance du ministère envers la chambre...
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je n’ai pas dit cela.
- Un membre. - Vous vous trompez, vous l’avez dit.
M. Dumortier. - M. le ministre voudra bien expliquer sa pensée. Mais je dois protester au nom de la section centrale, dont j’avais l’honneur d’être le rapporteur, et déclarer que la section centrale est incapable d’une pareille bassesse.
Avions-nous demandé connaissance du tableau ? Avions-nous demandé à savoir les noms, les industries des individus auxquels des prêts avaient été faits, les échéances des sommes qui leur avaient été comptées ? Non. Nous avions demandé seulement à avoir une connaissance générale des sommes qui avaient été prêtées par l’ancien gouvernement. Bien plus, ce renseignement est le seul qu’ait eu la section centrale et on vient insinuer que c’est elle qui a fait publier des noms, des industries, des échéances, renseignements qui ne lui ont pas été fournis.
Il est étrange qu’un ministre puisse répondre ainsi de ses employés, déclarer qu’aucun d’eux n’est capable d’une indiscrétion, et qu’il vienne insinuer que la chambre en est capable. J’avais à cœur de repousser, au nom de la section centrale et au mien, une inculpation aussi grave. Si le ministre reconnaît que la chambre est étrangère à la publication dont il s’agit, je n’ai rien à ajouter ; sans quoi ma réponse sera facile.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Il n’est pas à ma connaissance, je le répète, que qui que ce soit du ministère ait participé à la publication de cette liste ; elle n’a été, que je sache, communiquée qu’aux sections de la chambre. L’indiscrétion ne part pas de là, j’en suis convaincu. Mais je le repousse autant que je puis faire, au moins, des personnes attachées à mon ministère.
Je crois que personne dans mes bureaux n’est capable de faire une telle communication, à moins que je ne l’eusse prescrit, et la chambre est persuadée, j’en suis sûr, que je ne le ferai jamais.
M. Coghen. - J’ai été vivement affecté de la publication de la liste des industriels dont il est question. Mais peut-on l’imputer à la chambre, à la section centrale ? Non. Messieurs, j’ai tout lieu de penser au contraire qu’elle provient d’anciens documents depuis longtemps entre les mains de personnes étrangères aujourd’hui aux affaires publiques. Cette liste fait mention d’un grand nombre de prêts acquittés depuis longtemps. Je trouve dans cette circonstance la preuve que le ministère et la chambre sont également étrangers à cette publication.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Ces documents sont antérieurs à ma présence au ministère. Plusieurs des industries portées sur la liste ont réclamé, ont prouvé qu’elle contenait des inexactitudes et ont justifié de remboursements postérieurs. L’indiscrétion que nous déplorons n’a donc pas eu pour base des pièces d’une date récente.
M. Lardinois. - Ce serait une absurdité de vouloir faire peser sur cette chambre le soupçon d’indiscrétion. Je n’ai pas même de soupçon sur M. le ministre des finances. Cette publication ne peut lui être imputée ; car elle est le fait d’un méchant homme. Abandonnons-en l’auteur, quel qu’il soit, au remords et à l’infamie publique, si jamais il est connu.
J’ai demande ce qu’a fait M. le ministre. Il a répondu qu’il avait été profondément affligé. Mais ce n’est pas, ce me semble, le langage d’un homme d’Etat ; ce n’est pas à cela au moins qu’il devrait se borner.
Je ne suis pas jurisconsulte ; mais il me semble cependant qu’on aurait pu poursuivre l’imprimeur ou rechercher au moins l’auteur de cette action infâme.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - J’ai fait part à la chambre de l’affliction que j’ai éprouvée. Je dois ajouter que je ne me suis pas borné à cela. Je me suis livre a de nombreuses recherches, mais je n’ai pu rien découvrir. Ces recherches étaient la seule action que je pusse exercer ; elle ne m’a rien appris, et j’ai passé outre.
M. de Brouckere. - Je ne m’arrêterai pas à l’incident soulevé par M. Lardinois. Nous avons entendu M. le ministre déclarer que la publication de cette liste n’est pas le fait d’un de ses subordonnes ; il est hors de doute qu’elle ne peut être attribuée à aucun membre de cette chambre. Il est donc inutile de nous en occuper plus longtemps. On a parlé de poursuivre les auteurs de la publication ; mais ce n’est pas possible, car ce délit n’est pas prévu dans notre législation
Je veux vous entretenir d’un autre objet qui se rapporte directement au budget. J’ai vu dans le rapport de M. Dumortier sur le budget le blâme qu’il déverse sur deux arrêtes organiques en date des 18 octobre et 30 décembre derniers : le premier organique de l’administration de l’enregistrement et des domaines ; le second, de l’administration des contributions, douanes et accises.
Je dois le dire, je partage à tous égards l’opinion défavorable de votre rapporteur sur ces deux arrêtés, et je ne conçois pas même comment il a pu venir à la tête du ministre l’idée malencontreuse de les publier.
Il se pourrait qu’ils ne fussent pas sous les yeux des membres de la chambre ; je vais leur en donner lecture.
Je passe les 2 premiers articles.
« Art. 3. Un conseil d’administration et de contentieux est créé près le département des finances pour le service des contributions directes, douanes et accises, des poids et mesures et de la partie administrative de la garantie des matières d’or et d’argent ; il est composé de l’administrateur, comme président, de l’inspecteur-général, des deux directeurs et des deux inspecteurs, chefs de division.
« Le conseil pourra appeler à ses séances d’autres fonctionnaires en qualité de rapporteurs ; en cas d’absence de l’administrateur, le conseil sera présidé par le fonctionnaire du grade le plus élevé ou le plus ancien dans ce grade. »
« Art. 4. Seront soumises au conseil d’administration et du contentieux les affaires contentieuses donnant lieu à des amendes ou confiscations, dont le montant d’après le procès verbal s’élève à plus de fr. 400 ; les demandes de remises ou modération d’amendes ; les propositions de candidats aux emplois et d’employés à l’avancement, celles de déplacement, de suspension, de dégradation et de destitution d’employés, de création de nouveaux bureaux de douanes, d’améliorations ou de modifications dans les lois et le système d’organisation de l’administration des bureaux de recettes, la reddition des comptes du conseil d’administration de la masse d’habillement et d’équipement de la douane, et enfin toute question de principe ou mesure administrative qui ne serait pas formellement prescrite ou autorisée par les règlements en vigueur. »
« Art. 5. Les décisions du conseil seront soumises à l’approbation du ministre, avant de pouvoir être exécutées. »
Je demande, et vous aussi, messieurs, quel avantage le ministre peut tirer de telles dispositions. J’ai beau le rechercher, j’avoue que je n’en trouve aucun.
Le but de M. le ministre a été de donner quelques garanties et aux fonctionnaires de son département et aux contribuables sur la justice qui présiderait aux décisions que prendrait le gouvernement à l’avenir. Loin d’attendre plus de justice d’une semblable mesure, je crains que dorénavant il y ait plus d’injustice que jamais. La raison en est toute simple ; c’est qu’il n’y aura plus de responsabilité sur personne, les décisions étant prises par l’administration des finances ; car, vous le savez, lorsque beaucoup de personnes prennent part à une décision où les votes sont secrets, il en résulte que la responsabilité ne pèse sur aucun des membres qui y ont pris part, puisqu’ils y sont tenus vis-à-vis de qui que ce soit de dire quelle a été leur opinion en particulier. Il leur suffira de parler de la décision de la majorité.
Aucune responsabilité ne pèsera non plus sur le ministre des finances : lorsqu’on viendra lui adresser quelque plainte, il répondra que c’est à son conseil d’administration qu’il faut se prendre du mal qui aura été la suite des décisions prises.
Il est vraiment bizarre, messieurs, de voir un ministre renoncer de son plein gré aux attributions qui lui appartiennent, et les arrêtés que je signale sont une véritable abdication de la part du chef du département des finances. Est-ce que quelque administrateur lui aurait donné des sujets de défiance ? Mais alors il fallait solliciter son renvoi, et non annihiler ses fonctions ; car, les administrateurs n’étant plus que présidents des conseils d’administration, ce sont des fonctionnaires devenus absolument inutiles, cette présidence pouvant tout aussi bien être confiée à un directeur.
La nouvelle organisation de M. le ministre aura incontestablement, entre autres conséquences funestes, celle de rendre à l’avenir la décision des affaires plus lente. Il faudra pour chacune attendre la réunion et la décision du conseil, et le conseil retardera sa décision autant qu’il voudra ; or, vous l’avez entendu, les affaires de tout genre, de toute nature, sont du ressort des conseils : contentieux, personnel, nominations, avancements, démissions, déplacements, etc., etc.
Je le répète donc, messieurs, le ministre des finances s’est débarrassé de toute responsabilité ; il s’est borné à se réserver le veto ; car, en vertu des articles 4 et 5, c’est le conseil qui décide, le ministre ne peut qu’approuver ou désapprouver ; il n’a plus qu’à signer ou refuser sa signature, j’allais presque dire qu’il n’était plus qu’une machine à signer.
Les administrateurs sont devenus complètement inutiles : on leur a enlevé leurs attributions pour les donner au conseil, et nous pourrons les supprimer sans crainte, si l’on applique aux autres branches de l’administration des finances ce que l’on a fait pour deux de ces branches.
Il me reste à vous faire remarquer qu’en bouleversant ainsi tout ce qui existait au ministère des finances, on n’a voulu prendre qu’une mesure provisoire. Voici un des considérais de l’arrêté du 18 octobre :
« Voulant introduire de nouvelles améliorations dans l’administration de ces branches du revenu public, en prenant toutefois en considération qu’il serait inopportun, vu les changements que doit subir cette partie de la législation financière, de procéder, en ce moment, à une organisation définitive de toutes les parties de ce service ; sur la proposition de notre ministre des finances par interim, etc. »
Je crois, messieurs, que les arrêtés en question seront plus provisoires qu’on ne le pense. Car si l’on mettait à la tête du département des finances un homme qui eût une volonté et fût décidé à administrer par lui-même, la première chose qu’il ferait serait de les révoquer. Je désire beaucoup que M. le ministre reconnaisse lui-même les vices de son organisation, et y apporte remède
M. Jullien. - Je demanderai, par forme de motion d’ordre, si la discussion générale est ouverte.
M. le président. - Oui, la discussion générale est ouverte.
M. le président. - la parole est à M. H. Vilain XIIII.
M. H. Vilain XIIII. - Contrairement au rapport de la section centrale, je dois, messieurs, féliciter le ministre des finances des deux arrêtés organiques dernièrement publiés et qui, soumettant à un conseil central d’administration l’examen du contentieux ainsi que la présentation ou le déplacement des employés, me paraissent plutôt un progrès vers le bien qu’une direction rétrograde vers la fiscalité hollandaise ou de l’absolutisme de la centralisation.
C’est porter de cette organisation nouvelle un jugement trop prématuré, ce me semble, que d’entreprendre sa critique lorsque le mois de sa création n’a point atteint son terme. Il est plus sage d’attendre l’épreuve du temps, et l’expérience administrative, qui chaque jour arrive aux ministres ainsi qu’aux députés, fera éviter tout ce qu’un pareil conseil pourrait parfois présenter d’arbitraire, et il s’éclairera au contraire des avis d’hommes conservant la tradition des affaires, avis qui nous manquent souvent.
Songez-y, messieurs, l’existence ministérielle est transitoire, sujette à de brusques variations, se liant plutôt à la réussite d’un système politique qu’à l’exécution d’un bon système administratif ou financier, où l’esprit de suite et de pratique journalière est indispensable. Il importe que dans les ministères s’établissent des réunions permanentes d’administrateurs, mais toujours consultatives et qui laissent le ministre sous le poids de toute sa responsabilité, mais où chaque nouveau ministre arrivant au pouvoir soit à même de puiser les premières notions de son mandat. Ainsi on parviendra à donner quelque stabilité à la machine gouvernementale, si on ne peut l’obtenir pour ses chefs.
On craint que, sous l’influence de ce conseil, le ministre ne se soit en quelque sorte mis en curatelle ; mais je ferai observer que la dépendance du ministre dépendra toujours de sa volonté et qu’il pourra en tout temps repousser les empiétements de ses employés subalternes et révoquer ses mesures.
Je ne vois donc aucun danger pour les contribuables dans la substance des deux derniers arrêtés organiques, et je remercie surtout le ministre d’avoir diminué d’un dixième les bureaux de recettes du royaume ; mais je crois que cette suppression de 86 bureaux ne doit point s’arrêter là, et qu’il sera possible, vu la réduction progressive des impôts et la perception moins fiscale des accises, d’organiser plus tard un bureau de perception par canton, le percepteur se rendant à jour fixé dans chaque village et y tenant ses séances à des heures indiquées. Peut-être même que l’expérience démontrera la possibilité d’un système de perception plus simple encore. Ce serait de charger les communes du recouvrement des deniers publics par les soins du receveur communal, et moyennant un tantième, par cela même plus modique qu’il serait cumulé avec les recettes communales. Ce mode a été jadis mis en pratique dans nos contrées ; et l’on a pu juger combien il présentait d’économie et de simplicité. La plupart des communes payaient les subsides à l’Etat par voie d’abonnement, et leurs magistrats devaient en opérer la répartition entre les habitants. Par ce système, on évitait tous ces frais de recettes et ce nombreux personnel d’employés dont nous sommes aujourd’hui accablés.
J’attendrai les éclaircissements de la discussion pour me prononcer sur les majorations de traitement que nous signale la section centrale. Je condamnerai comme elle ces majorations si les gros fonctionnaires en enlèvent les bénéfices aux petits. C’est la loi du monde, mais ce ne doit point être celle d’une administration équitable et bien ordonnée. Je demanderai en outre une plus forte diminution du personnel des accises ; en conservant ce personnel, on ferait manquer le but à la nouvelle loi des distilleries, qui, en abaissant les droits, devait annuler la fraude et conséquemment les frais de surveillance. Les bienfaits de cette loi doivent apparaître non seulement par l’accroissement des usines et des produits mais aussi par la décroissance des frais de perception, profit tout aussi réel pour le trésor. Comment recueillir celui-ci en maintenant un personnel nombreux ?
Le service des douanes exige au contraire, pour le moment, un plus grand nombre d’employés. Sur toutes nos frontières, la fraude est flagrante, et les plaintes du commerce et de l’industrie ont assez souvent retenti dans cette enceinte pour vous en convaincre. Pour y mettre un terme, l’administration des douanes doit redoubler de surveillance ; mais cette surveillance elle-même, tout active qu’elle pourrait être, doit rester sans résultat, si elle n’est point exercée par une plus forte ligne de douanes. La section centrale reconnaît l’insuffisance de nos brigades : elle démontre que la France, à cet égard, est bien mieux défendue ; et cependant, tout en votant les fonds nécessaires à ce service, elle ne propose aucun remède convenable.
Eh bien ! je crois qu’il en existe un très efficace, peu coûteux, et qu’il ne dépend que du gouvernement d’employer à l’instant, c’est de renforcer les lignes de douanes par des détachements de l’armée, soit d’infanterie ou de cavalerie légère, là où les fraudeurs se présentent trop fréquemment ou d’une manière menaçante, et de partager avec la troupe armée le bénéfice des prises. Les militaires sont très aptes à ce service, principalement sur nos longues frontières du nord, où ils sont campés ; et, pendant dix années sous le gouvernement précédent, les douanes ont retiré de grands secours de ces renforts naturels. En ceci, il n’y aurait donc point chose inusitée, mais plutôt application très judicieuse d’une force coûteuse au trésor public par l’inactivité de sa position. L’état de défense que l’obstination de notre ennemi nous force à maintenir servirait ainsi à la protection du commerce et de l’industrie, et le pays serait redevable d’un service de plus à son armée.
Ayant pris à tâche d’examiner quelques branches de l’administration financière, je dois m’étonner que, par rapport au service des postes rurales, la section centrale ait pu être partagée sur son utilité. Cette section aurait dû se rappeler qu’en 1833 la chambre n’avait point montré une semblable incertitude en votant ce service à l’unanimité des suffrages. Ce vote n’a malheureusement point porté ses fruits, et la loi d’application n’a pu être sanctionnée, vu les retards ou la dissolution de la chambre. Mais les avantages de ce service n’en sont pas moins incontestables.
Les Flandres surtout et les provinces populeuses de la Belgique l’appellent de tous leurs vœux, là où les communications rapides sont nécessaires pour les transactions commerciales, pour l’activité de l’industrie et pour la diffusion des lumières. Sous un gouvernement éclairé, il importe que le hameau le plus minime puisse établir ses relations jusqu’au centre, et ce n’est que par un service rural coordonné sur toute la généralité du pays que ce grand bienfait sera obtenu. Si dans quelques provinces les frais dépassent les recettes, les bénéfices à recueillir d’autre part les compenseront. J’espère donc que le ministère persévérera dans le maintien de ce service, en nous présentant la loi sous bref délai ; j’espère surtout que la chambre ne reculera pas devant cette dépense, dont ses précédents lui ont fait contracter l’obligation.
Avant de terminer, je viens demander à M. le ministre quelques explications sur l’administration des domaines : la plupart de ces domaines, et surtout une grande étendue de forêts nationales, ont été aliénés par le gouvernement déchu ; mais le prix de ces bois vendus est loin d’être acquitté malgré que les acquéreurs soient en pleine jouissance et du fonds et des coupes. Plusieurs même auraient pu en opérer des abattages et affaiblir ainsi l’hypothèque que l’Etat doit conserver sur ces biens jusqu’à parfait acquittement du prix de vente. J’espère que l’administration a pris à cet égard toutes des sûretés et qu’elle continue à les prendre.
Je désirerais connaître le montant des sommes acquittées, et de celles qui reviennent encore de ce chef au trésor. Je voudrais enfin que le contrôle de la législature pût s’exercer sur cette partie de l’administration ainsi que sur toute autre, et qu’il fût remis à la chambre une situation des biens aliénés. Le ministre devrait aussi nous énumérer les valeurs des domaines appartenant encore à la Belgique dans ce moment ; car comment supputer les produits qu’on nous porte à 240,000 fr. dans le budget, les frais de culture et d’amélioration élevés à près de 10,000 fr. et ceux des contributions foncières perçus sur ces domaines, si nous ignorons l’état des biens ? Le ministre des finances s’empressera sans doute d’éclairer la chambre cet égard.
M. Angillis. - Messieurs, c’est à l’occasion du budget qu’on examine la marche de l’administration, qu’on rappelle le pouvoir à l’accomplissement de ses obligations s’il les néglige, et qu’on indique les changements et les améliorations que l’intérêt public réclame.
Le département des financés, le plus important de toutes les branches de l’administration publique, exige par son importance même une investigation plus sévère de la part des représentants de la nation. Tout est à reconstruire dans ce département, parce que tout est encore débris. C’est un vieil édifice qu’on a voulu replâtrer, édifice qui peut convenir à quelques individus mais qui n’est pas en rapport avec les principes d’un gouvernement constitutionnel.
Le premier objet que je recommande à l’attention de la chambre, est la comptabilité nationale ; vous aurez remarque, messieurs, que la cour des comptes a signalé les vices du système qui régit l’administration des finances, par suite desquels elle est privée de la plupart des documents élémentaires de la comptabilité, et réduite à l’impuissance de contrôler exactement les faits consignés dans les comptes. Cette cour entre dans de longs développements pour justifier ses plaintes, et un examen attentif m’a démontré que les observations de la cour sont pour la plupart très fondées.
Cet objet, messieurs, est de la plus haute importance ; la comptabilité nationale occupe à mes yeux le premier rang parmi nos institutions. Votre commission des finances dans son rapport sur les comptes du trésor, vous a dit que lorsqu’une comptabilité est bien établie, la dépense et la recette doivent être saisies dès leur origine et suivies dans toutes leurs transformations successives ; alors rien ne doit échapper au contrôle, et telle doit être sa puissance que l’abus, nécessairement dévoilé, doit être rendu impossible.
Je partage, comme de raison, l’avis de cette commission, et il faut que la cour des comptes puisse réviser toutes les pièces relatives à la recette et à l’emploi des deniers publics : pas un document ne doit échapper à ses investigations.
Il faut créer un système d’écritures qui permette de vérifier chaque jour l’état du trésor, et de suivre dans ses moindres détails le mouvement des fonds, et que les dépenses soient soumises à un examen dont la rigueur ne laisse échapper aucune irrégularité.
Quand la chambre pourra être assurée qu’aucune infraction aux principes posés par les lois qui régissent les finances de la nation ne peut lui demeurer cachée, alors elle pourra voter les dépenses publiques avec une entière confiance, et elle pourrait négliger des prendre des précautions qui lui paraissent maintenant indispensables.
J’espère donc qu’il se trouvera dans cette chambre un citoyen assez laborieux pour présenter à la sanction législative un projet qui puisse répondre aux vœux et à l’intérêt de la nation. Je dis, messieurs, dans cette enceinte ; car il n’arrivera jamais d’une autre source.
Un deuxième objet, messieurs, qui a déjà été réclamé plusieurs fois dans cette assemblée, c’est un système d’impôts en rapport avec les besoins réels de l’Etat, les mœurs et les facultés de la nation : il nous faut un système d’impositions qui ménagera l’agriculture et l’industrie, et qui respectera la liberté du commerce.
Les lois financières que les Hollandais nous ont laissées, au lieu d’être claires comme l’arithmétique et la géométrie, sont obscures comme des logogriphes. La triste preuve en est que presque tous les procès sont fondés sur le sens des lois, entendues toujours différemment par les agents du fisc, les plaideurs et les juges. On ne doit pas oublier que, quelque mode d’impôt qu’adopte une nation, elle est dans l’obligation de répartir les charges publiques proportionnellement aux facultés des citoyens ; ainsi donc, pour que les contributions paraissent supportables à chacun, pour que l’on se fasse un devoir de les acquitter exactement, il faut qu’elles soient assises sur chacun dans une juste proportion avec ses facultés, et relativement à celles des autres citoyens. Sans cette condition qui doit être la base de tout impôt direct, les contributions publiques paraîtront toujours vexatoires, et elles le seront en effet pour ceux des citoyens qui sont blessés par l’inégalité dans la répartition.
Si la chambre désire réviser le système d’impôts qui nous régit encore, il faut qu’elle prenne l’initiative ; sans cette mesure, elle n’aura jamais une révision complète. On se bornera à vous proposer de temps en temps des lambeaux de lois qui ajouteront quelques dispositions à une législation déjà trop compliquée. On voudrait remédier à des abus par des lois qui ne seraient pas en harmonie avec la base du système, ces lois feraient naître d’autres abus, qu’il faudrait derechef corriger ; et de cette manière on ne sortirait jamais de ce labyrinthe inextricable dans lequel nous ne pouvons plus rester.
Il faut donc que la chambre nomme une commission dans son sein, chargée de lui présenter, au commencement de la session prochaine, de nouvelles bases pour asseoir les contributions publiques.
L’entreprise sera hardie sans doute, et la tâche laborieuse, mais le zèle croît en raison des obstacles qu’il rencontre, et si la tâche est laborieuse, elle n’est pas au-dessus du dévouement et du patriotisme de cette assemblée.
Je dois encore soumettre à votre attention, messieurs quelques considérations sur la législation de l’enregistrement.
L’administration hollandaise, avec sa sotte prétention de vouloir tout interpréter dans une idée fiscale, a dénaturé le but et le principe de la loi du 22 frimaire an VII, ; car, au lieu de considérer cette loi sous le double rapport d’une loi créant un impôt considérable en même temps qu’elle est destinée à rendre un service public d’une grande importance, on l’a métamorphosée en une loi purement fiscale ; et par l’augmentation excessive de plusieurs droits fixes, on frappe les basses classes d’une une trop forte proportion avec leur modique avoir.
Au lieu d’interpréter les actes d’après les principes de l’interprétation, on ne cherche, le microscope interprétatif à la main, que des sens plus ou moins équivoques pour trouver matière à des droits particuliers, doubles droits et amendes. J’ai annoté plusieurs décisions de l’administration hollandaise, qui ne sont pas seulement en opposition avec les premiers principes du droit, mais encore avec les plus simples notions du bon sens ; aussi, les conséquences du système interprétatif sont les plus déplorables : les contre-lettres et les actes simulés sont souvent une nécessité, et pour peu qu’un pareil régime dure encore, le plus grand mérite d’un notaire consistera, non à rendre la volonté des parties contractantes d’une manière claire et nette, mais à prendre dans la rédaction des actes les plus grandes précautions pour éviter à ses clients des droits qui ne sont pas dus ; et on sait que lorsqu’on est forcé de pousser ces précautions trop loin, le véritable sens de l’acte est dénaturé et les conséquences qui en résultent sont irréparables.
Si l’on considère la loi de frimaire, isolée de toutes ses gloses, commentaires et instructions, on demeure convaincu qu’à côté de ses avantages, elle présente des inconvénients et même des injustices ; car, si cet impôt doit atteindre autant que possible l’universalité des citoyens, et de préférence les plus fortunés, il n’en est certainement pas de plus mauvais que quelque droits de l’enregistrement : je veux parler des droits à payer sur tout acte qui comporte obligations et libération ; ceci est une contribution qui frappe presque uniquement les classes industrieuses.
Un autre inconvénient c’est l’obligation de faire enregistrer les actes sous seing privé avant de pouvoir agir en justice ; il arrive très souvent que l’honnête homme, peu fortuné, se trouve dans l’impossibilité de poursuivre ses droits les plus évidents et qu’il doit les abandonner parce que les frais de l’enregistrement lui ferment le temps de la justice.
Toutes ces causes, les difficultés continuelles de l’application des lois et décisions aux cas particuliers, la rigueur de l’interprétation, et les procédures poursuivies presque toujours par l’administration jusqu’en cassation, sollicitent une révision de cette matière importante.
Après ces observations générales, j’entrerai pour un moment dans l’intérieur du budget, le rapport de la section centrale à la main comme une espèce de carte topographique pour me guider dans ce petit labyrinthe financier.
Vous remarquerez, messieurs, que la section centrale, organe de toutes les sections particulières, ne propose que des réductions peu importantes comparativement au chiffre total du budget. J’examinerai, lors de la discussion des articles, si toutes ces réductions sont fondées. Je dois cependant faire remarquer que, chaque fois qu’on parle de réduire des dépenses qui paraissent exagérées, des plaintes s’élèvent, et on jette les hauts cris. On semble oublier qu’une immense responsabilité pèse sur les représentants de la nation, et si nous avons des devoirs à remplir envers le gouvernement, nous en avons aussi envers nos commettants, et ces devoirs sont également sacrés pour nous.
On a bien fait observer, dans une autre circonstance, que s’il ne s’agissait que de faire passer, par notre entremise, la plus somme possible de la bourse des contribuables dans celle du gouvernement, un corps représentatif serait la plus inutile de toutes les institutions. Il suffirait bien à cet égard de s’en reposer sur les soins de son gouvernement même. Lorsque donc la chambre fait des réductions au budget, c’est qu’elle pense que les dépenses sont exagérées, et qu’on pourrait simplifier la machine gouvernementale ; et du moment qu’elle nourrit cette idée, que le contraire ne lui est pas démontré, elle est obligée en conscience de réduire les dépenses au strict nécessaire. Tels sont les devoirs de la chambre, et elle saura les remplir, et quelles que soient les clameurs, elles ne nous empêcheront pas de soutenir ce que nous regardons comme la vérité.
La section centrale fait remarquer avec raison le système de centralisation absolue qu’on a organisé dans le ministère des finances. Ceci, messieurs, est un retour vers cette bureaucratie qui fait que la France, avec la centralisation universelle de son administration, est actuellement, de tous les Etats de l’Europe, le pays où l’on a le mieux réussi à rendre très difficiles, et presque inexécutables, les choses les plus aisées, lorsqu’on les fait selon les procédés indiqués par le plus simple bon sens.
Cette centralisation absolue est toujours oppressive et despotique ; elle s’empare de tous les détails de l’administration générale et particulière, nomme à toutes les places en réservant les meilleures à ses initiés.
« Il y a chez nous deux genres de places, dit un écrivain anglais ; celles pour lesquelles il faut des hommes qui conviennent et celles qui conviennent aux hommes. Les personnes qui sont en situation de choisir, préfèrent en général les dernières, ; et cela, parce qu’il ne faut d’autre capacité que celle que la providence, dans sa bonté, a départie à toutes les créatures pourvues de deux poches d’une dimension ordinaire ; c’est-à-dire la capacité de recevoir. »
On dirait que cet Anglais a voyagé en Belgique : y aurait-il remarqué de ces éléments malléables, susceptibles d’être combinés avec tous les systèmes, signes sans valeur propre qui entrent dans l’expression de toutes les pensées ?
Si je fais encore partie de cette assemblée lorsqu’on discutera les projets de loi pour les institutions provinciales et communales, je ferai tous mes efforts pour renfermer cette centralisation dans des limites raisonnables.
Les observations de la section centrale sur la création des conseils dans le ministère des finances me paraissent très fondées ; c’est une espèce de ministère dans le ministère ; c’est un rouage qui fera aller la machine qui n’a jamais été trop vite, à pas d’écrevisse. Chacun commandera et personne n’obéira. Un ministre responsable sans pouvoir, voilà ce qu’on peut appeler une lumineuse absurdité.
Je sais bien que la responsabilité ministérielle dont on parle si souvent n’est en effet quant à présent qu’un mot sans valeur, et que cette responsabilité n’effraie pas plus les ministres qu’elle ne leur paraît pas plus redoutable que le tonnerre factice qu’on fait gronder au spectacle ; mais le principe existe, et au moyen d’une loi, elle pourrait devenir quelque chose de sérieux.
L’administration hollandaise en Belgique a été blâmée avec justice ; mais, et il me fait peine à le dire, tous les jours on fait soi-même ce qu’on trouvait alors si révoltant. Il est impossible que l’on veuille s’appuyer l’exemple du passé pour justifier la marche actuelle, car ce qui ne valait rien alors ne peut non plus convenir à présent : si les opinions changent d’après la position où l’homme se trouve, les principes doivent rester immuables.
Ce n’est pas ainsi qu’on travaille au bien-être du pays ; au contraire, c’est en organisant l’administration de la manière la plus simple et la plus économique, en supprimant les rouages et les emplois inutiles ; c’est en exposant avec franchise les besoins de l’Etat, et en ne demandant du peuple que les sommes strictement nécessaires pour le service public : car si un fonctionnaire doit être salarié en proportion de ses travaux et de l’importance de la place qu’il occupe, tout ce qu’on lui donne au-delà est un vol sur la chose publique ; c’est en accordant les places au véritable mérite, et non à la faveur, que la confiance de la nation sera entière et qu’on aura bien mérité de la patrie.
Dans ma longue carrière parlementaire, j’ai toujours signalé, sans passion, mais avec quelque énergie, sans hostilité et sans faiblesse pour le pouvoir, les déviations dans lesquelles il s’est souvent laissé entraîner. En suivant une autre marche, j’aurais peut-être pu obtenir quelque chose qui ne fût pas si stérile que la reconnaissance nationale ; mais le bonheur de mon pays a été mon idée dominante ; mon patriotisme n’a jamais été un rôle que j’avais adopté par spéculation ; c’est un sentiment qui peut être calomnié, mais qui ne me quittera qu’avec le dernier soupir.
M. Donny. - Messieurs, si un honorable préopinant ne s’était constitué défenseur de l’organisation nouvelle du ministère des finances, je n’aimais pas pris la parole. L’honorable M. de Brouckere a fait ressortir d’une manière très lumineuse la singularité de deux actes par lesquels un ministre constitutionnel ne se réserve de ses attributions que la signature, qui ravale sa responsabilité à un misérable droit de veto, qui abandonne à ses buralistes l’exercice de tous les pouvoirs qui lui sont conférés. Je regrette que les arguments de M. de Brouckere n’aient pas d’influence sur les idées d’un autre collègue. Mais puisqu’il en est ainsi, je me lève pour déclarer de la manière la plus formelle que je partage en tout point les idées émises par M. de Brouckere. J’ajouterai quelques observations à celles qu’il vous a déjà présentées.
Cet honorable membre vous a dit que l’arrêté ne présentait aucun avantage. Je suis curieux de savoir quels sont les avantages que le ministre des finances parviendra à signaler. Il vous a dit que les arrêtés pouvaient avoir de graves inconvénients, et il en a ensuite cité quelques-uns. Je me permettra d’en ajouter d’autres.
Il doit résulter des arrêts dont il s’agit un surcroît de dépenses, car il est évident que quand l’instruction d’une affaire exige le concours de cinq ou six personnes, au lieu d’être abandonnée, comme cela pourrait fort bien être, aux lumières d’un chef de bureau capable ; il est évident, dis-je, que cette instruction au moyen d’un conseil doit coûter cinq ou six fois plus que quand elle est faite par un seul individu. Je me trompe, messieurs, quand je dis cinq ou six fois plus ; car, pour que ma proposition fût vraie, il faudrait que chacun des membres du conseil ne fût pas plus rétribué qu’un chef de division, et il n’en est pas ainsi.
Les membres du conseil sont choisis parmi les personnages qu’en style administratif on qualifie de capacités, de spécialités ; ce qui veut dire en langage vulgaire, les employés qui reçoivent les plus gros traitements.
J’ai fait, messieurs, le calcul de ce que coûte par jour le conseil d’administratif institué par l’arrêté du 30 décembre dernier. Eh bien, messieurs, il coûte 112 fr. par jour, tandis qu’un chef de bureau coûte 12 fr. par jour.
C’est-à-dire que le conseil coûte 12 fois autant qu’un chef de division, qui pourrait au moins faire le travail tout aussi bien.
Je sais qu’on pourra me répondre : Si vous vous élevez contre une augmentation de dépense, vous combattez une chimère ; nous ne vous demandons pas une augmentation de crédit dans le budget. Si l’organisation nouvelle n’exige pas d’augmentation de crédit, elle est évidemment un obstacle aux économies qu’on voudrait introduire. Ainsi le résultat est toujours le même pour le trésor.
Augmenter les dépenses de 50 ou 60 mille francs ou empêcher de réaliser une économie de 50 ou de 60 mille francs, qui, sans le changement opéré, eût été possible, me semble la même chose.
Il y a un autre inconvénient qui doit résulter de cette organisation singulière, c’est qu’elle va créer un obstacle de plus à la nomination d’un ministre définitif. Je conçois, et vous concevrez avec moi, qu’un ministre ad interim, pour le peu de temps qu’il est chargé d’un portefeuille, peut s’accommoder d’un pareil ordre de choses ; mais trouverez-vous en Belgique un homme capable et de caractère, qui voulût accepter un département dans lequel on a organisé le bureaux d’une manière constitutionnelle, où les buralistes formes une espèce de conseil législatif, et où il n’aurait qu’un pouvoir exécutif bien restreint ?
Il y a un dernier inconvénient que je veux signaler. Un assez grand nombre de membres de cette assemblée ont témoigné dans les sections le vœu de voir supprimer les administrateurs généraux du département des finances, les considérant comme un rouage inutile. Par suite de l’arrêté, ce rouage n’est plus inutile ; il est au contraire devenu nécessaire. Ces administrateurs sont même maintenant plus nécessaires que le ministre lui-même, car il n’a plus qu’une formalité à remplir ; ce sont les administrateurs qui président le conseil d’administration et décident.
La création de ce conseil est donc un obstacle à l’amélioration que plusieurs d’entre vous désirent et qu’une section a provoquée.
Si j’ai élevé la voix contre un honorable préopinant qui a défendu les arrêtés, je suis au moins de son avis quant à l’approbation qu’il a donnée à la diminution du nombre des bureaux de recettes, opérée par l’arrêté du 30 décembre. Je pense comme lui que le ministre n’est pas encore allé assez loin. J’ai fait, dans le temps, le calcul du point où on pouvait aller sans nuire au service ; et prenant pour exemple un des arrondissements du royaume, j’ai trouvé que sur cet arrondissement on pouvait, en améliorant même le sort des comptables, opérer une réduction de hui mille francs par an, et en appliquant ce système de réduction à tout le royaume, j’ai trouvé une économie possible de 100 mille francs sur cette seule partie du service. Je crois donc pouvoir unir ma voix à cette de mon honorable collègue M. H. Vilain XIIII, pour engager le ministre des finances à prendre cet objet en mûre considération.
M. Jadot. - Je ne partage pas certainement l’opinion des honorables préopinants sur les conseils dont il est question dans les arrêtés des 18 octobre et 30 décembre, et je suis étonné qu’ils n’aient jamais critiqué l’arrêté du 18 mars 1831 qui les crée, car les nouvelles dispositions des deux derniers arrêtés ne font qu’en augmenter les attributions.
L’examen du conseil étendu aux affaires du personnel est une modification qui a été reçue avec une vive reconnaissance pour tous les employés, excepté pour ceux qui jusqu’alors avaient été seuls chargés de diriger le choix du ministre dans la distribution des employés.
Cette mesure, qui est éminemment sage, doit être étendue à toutes les administrations. Quant à moi, je regretterai toujours qu’elle n’ait pas été adoptée plus tôt ; mais dans la proposition que j’en fis le 8 novembre 1831, je voulais que ce conseil avisât et ne décidât pas. Voici ce que contient un de mes rapports de cette époque :
« Ce conseil sera une garantie pour vous-même, sans que vous soyez lié par les propositions qu’il vous soumettra, et qui serviront seulement à éclairer votre justice. Car vous devez toujours rester seul juge de ce qui peut intéresser votre responsabilité, et des considérations qui doivent déterminer votre choix. »
Le ministre d’alors ne goûta pas cette proposition, et il en avait bien le droit ; aussi je ne l’en blâme pas, mais j’applaudis à celui qui vient de l’accueillir, à cause du bien qui en résultera pour les employés ; j’en ai la conviction intime.
Au surplus, messieurs, lorsque le ministre ne décline la responsabilité d’aucun des actes de son ministère, de ceux émanés du conseil comme de tous les autres, je ne vois pas que l’on puisse l’obliger à administrer autrement qu’il ne l’entend pour mettre cette responsabilité à couvert.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Messieurs, l’institution des deux conseils qui se trouve attaquée dans le rapport de la section centrale et par un des honorables préopinants, n’est pas une nouveauté ; ces conseils existaient avant mon entrée au ministère ; ils ont été institués par un décret du 18 mars, qui date de l’époque où le régent était à la tête du pouvoir exécutif. Il est vrai qu’à cette époque les deux conseils dont il s’agit avaient des attributions très bornées ; elles étaient limitées aux affaires contentieuses.
Cette institution, toute limitée qu’elle était, imprima à l’administration une marche saine et rapide, au lieu de l’entraver ; présenta aux contribuables des garanties contre la fiscalité, au lieu de protéger les intérêts du fisc à leur préjudice, comme on a semblé le reprocher. C’est cette amélioration garantie par l’expérience de trois années qui a déterminé le ministre à étendre les attributions de cette institution, et à soumettre à l’examen des conseils d’administration toutes les affaires indistinctement.
Tel a été le but que je me suis proposé, non en instituant des conseils, mais en augmentant les attributions de ceux qui existaient déjà. Je vous prie de ne pas perdre de vue que ces conseils avaient été institués par l’administration de l’enregistrement et dés contributions.
On a adressé trois reproches principaux à ces conseils. On a dit d’abord qu’ils devaient entraîner des lenteurs dans l’expédition des affaires. Messieurs, rien de cela n’est démontré dans la pratique et certes aucun des membres de cette chambre n’en a pu faire l’expérience, tandis que moi j’ai pu apprécier chaque jour leur influence. Eh bien, je déclare qu’il n’y a pas plus de lenteur dans la marche des affaires qu’il n’y en avait auparavant.
On a voulu les entacher d’une sorte de fiscalité ; j’ai déjà dit que le contraire avait lieu. Il est bien reconnu que les contribuables ont moins à craindre la fiscalité quand ils ont affaire à un conseil d’administration, que quand une décision est abandonnée à l’arbitraire d’un seul individu ; par exemple quand il s’agit d’une saisie, d’une confiscation et de tout de qui a trait aux matières contentieuses.
En effet il est plus difficile de trouver quatre ou cinq personnes s’entendant pour exercer des mesures de fiscalité ou entrer dans un système de vexation que de voir une personne prendre une semblable résolution.
N’a-t-on pas vu, ne vous rappelez-vous pas que sous l’ancien gouvernement, dans telle ou telle province, un seule chef imprimait le caractère d’une fiscalité odieuse à tous les actes de son administration, tandis que dans une autre province, où le chef voyait les affaires différemment, on trouvait plus de douceur et de tolérance dans toutes les affaires contentieuses ?
Alors la décision de ces affaires était abandonnée à l’arbitraire d’un seul homme ; en la confiant à un conseil de quatre ou cinq personnes, on pouvait espérer plus de justice.
On a prétendu encore que l’institution des conseils d’administration, ou plutôt l’extension donnée à leurs attributions, avait diminué la responsabilité du ministre ; on a même été plus loin, on a dit que, par suite de ces arrêtés, il n’y avait plus, pour ainsi dire, ni administrateurs, ni ministres.
Messieurs, les conseils, tels qu’ils ont été organisés par les deux arrêtés attaqués, décident tout en manière d’avis. Leur décision n’est rien que celle-ci : « Le conseil décide que l’avis à transmettre au ministre, concernant telle chose, sera de telle nature. » Le ministre y met ensuite son approbation, s’il le juge convenable, après avoir examiné l’affaire. Ainsi, la responsabilité du ministre, loin d’être amoindrie, est, au contraire immensément augmentée. En voici la preuve : En matière contentieuse, d’après le décret du régent du 18 mars, toutes les affaires étaient décidées définitivement par le conseil, sans que le ministre en connût la moindre chose. C’est parce que ce mode de procéder a été reconnu abusif et a soulevé des réclamations, que le ministre a évoqué ces affaires et toutes les autres, pour en décider, par lui-même. Quand des réclamations quelconques avaient lieu contre la décision du conseil agissant sans le concours du ministre, pour y faire droit, le ministre était obligé de se faire renseigner toute l’affaire, depuis son origine jusqu’au moment de la réclamation.
On sent quelle était alors la position du ministre et combien il lui devenait pénible et fatigant de se mettre au courant d’une affaire qui, à son insu, avait subi toutes les phases que l’arrêté prescrit. Aujourd’hui, cela ne peut plus avoir lieu, puisque dès l’origine le conseil, après avoir examiné l’affaire, doit aviser le ministre qui alors prend une décision. Il est donc incontestable que toute décision émane du ministre, soit qu’il modifie l’avis du conseil, soit qu’il le rejette ou qu’il l’adopte. en totalité : tout émane de lui, et rien des conseils, que des avis préparatoires, pour amener la décision ministérielle.
Comment donc peut-on prétendre que la responsabilité ministérielle a subi la moindre atteinte par cette organisation, puisque, comme vient de le dire l’honorable député de Marche, un ministre responsable émarge les décisions qui émanent de lui, sur l’avis des conseils ? Son seing justifie tous les actes quelconques émanant de son ministère.
Je crois avoir répondu au désir manifesté par plusieurs honorables collègues de connaître les avantages attachés à l’institution des conseils d’administration. Je crois être entré dans des détails suffisants pour en faire apprécier l’utilité et démontrer qu’il ne résulte de leur action aucune lenteur dans l’expédition des affaires.
Il est donc clair qu’il ne s’agit pas d’un ministre en curatelle, mais d’un ministre émancipé, puisqu’il s’est attribué l’inspection de beaucoup plus de choses qu’on ne lui en soumettait auparavant.
Quant au surcroît de dépenses dont on a parlé, j’avoue que je ne me serais pas creusé le cerveau pour rechercher l’augmentation à laquelle les conseils d’administration pouvaient donner lieu. On s’est donné beaucoup de peine pour faire des opérations mathématiques sur des hypothèses malheureuses ; car les conseils d’administration sont composés d’agents supérieurs de l’administration qui se trouvent sous le même toit, et qui, indépendamment des jours fixés pour la réunion du conseil, peuvent être assemblés en un instant si le besoin l’exige, et ils ne sont rétribués qu’en raison des emplois qu’ils occupent et qui les appellent à faire partie des conseils
Il y a donc augmentation de travail et non augmentation de dépenses. La réunion de ces conseils a de plus l’avantage de faire connaître aux fonctionnaires qui les composent beaucoup d’affaires auxquelles ils seraient restés étrangers.
On a dit encore que c’était un obstacle à ce qu’un ministre acceptât le portefeuille des finances à titre définitif. Je ne comprends pas, je l’avoue, cette difficulté. Il est évident que si dès demain un ministre était nommé à qui une telle organisation ne convînt pas, il pourrait la faire cesser immédiatement par le fait seul de sa volonté. Quant à moi, j’ai organisé ces conseils parce que j’ai cru mettre ma responsabilité plus à couvert de cette manière ; si un autre ministre croyait devoir exercer ses fonctions d’une autre manière, il pourrait le faire. Je bornerai là, quant à présent, mes observations.
M. Donny. - Je ne répondrai pas à tout ce que vient de dire M. le ministre des finances.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Vous ne le pourriez pas.
M. Donny. - Je vous demande pardon, je le pourrais peut-être.
Je ferai observer à M. le ministre que son opinion n’est d’accord ni avec le texte des arrêtés, ni avec l’opinion du député de Marche. D’après ce que vient de dire M. le ministre des finances, les conseils n’ont qu’un avis préparatoire à donner ; de sorte qu’ils sont là pour éclairer la religion du ministre, et rien autre chose. Comment se fait-il que l’arrêté ait été rédigé d’une toute autre manière ? D’après le texte de l’arrêté, tout est laissé à la décision des conseils, et le ministre n’a qu’à approuver ou rejeter. On n’y parle pas d’éclairer le ministre, mais de décider, sauf le droit du ministre d’opposer son veto.
La preuve que c’est ainsi qu’il faut entendre l’arrête se trouve dans ce qu’a dit l’honorable député de Marche. « J’avais proposé au ministre, vous a-t-il dit, de prendre un arrêté instituant des conseils d’administration ; mais je ne voulais pas que ces conseils décidassent, mais se bornassent à donner un avis. Le ministre n’a pas voulu suivre ce conseil, je regrette qu’il ne l’ait pas fait. » Le texte est donc corroboré par ce qu’a dit cet honorable membre.
Mais si les conseils, comme l’a dit le ministre, n’ont que des avis à donner, à quoi bon avoir eu recours à un arrêté royal pour les créer ? N’avait-il pas le droit d’assembler en conseil ses subordonnés quand il le jugeait convenable, pour leur demander des éclaircissements sur tel ou tel point ? Il était inutile de faire intervenir un arrêté royal sur une chose qu’il pouvait modifier à son gré.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - La dernière observation faite par l’honorable préopinant est une question de prérogative qui ne touche en rien au principe de l’institution. Le ministre aurait-il pu prendre par lui-même l’arrêté ? A-t-il bien fait de le faire prendre par le Roi ? C’est là une question d’attribution et de prérogatives. Il s’agit de l’institution et non du mode d’après lequel elle a été établie. Il est possible que l’autorité du ministre eût été suffisante. Cependant ce n’est qu’après avoir examiné la question que j’ai cru utile de recouvrir au pouvoir royal. Il y avait d’ailleurs conformité d’antécédents ; c’était le régent qui avait pris le premier arrêté qui établissait les conseils et lui conférait une partie des attributions qu’il a maintenant ; j’ai cru que moi qui lui en conférais l’ensemble, je devais à plus forte raison, comme mon prédécesseur, recourir au pouvoir exécutif.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Il s’agissait de modifier un arrêté du pouvoir exécutif ; un ministre ne pouvait pas le faire.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - L’observation que fait M. le ministre de la justice est très fondée. Le chef de l’Etat pouvait seul modifier un arrêté pris par le précédent chef du pouvoir exécutif.
Je n’ajouterai plus que deux mots.
Si j’avais le moindre doute que les conseils dont il s’agit eussent autre chose à faire qu’à présenter un avis, dès demain je ferais résoudre le doute dans le sens que je viens d’exposer à la chambre.
M. de Brouckere. - L’arrêté porte cependant : « Le conseil décide » ; et plus loin il ajoute ; « La décision du conseil ne sera exécutée… »
- La discussion est renvoyée à demain.
La séance est levée à 4 heures 1/4.