(Moniteur belge n°280, du 7 octobre 1833)
(Présidence de M. Raikem)
M. Liedts fait l’appel nominal à midi et demi.
A une heure moins un quart le procès-verbal est lu.
M. Jullien. - A-t-on mis au procès-verbal que M. le ministre de la guerre a retiré son projet de loi relatif aux pensions, par les motifs exposés dans le rapport fait au nom de la section centrale qui a examiné ce projet ?
M. Liedts. - On a mis simplement que M. le ministre de la guerre avait retiré le projet de loi.
M. Jullien. - Je demande que les motifs qui ont déterminé le ministre soient insères au procès-verbal.
M. le président. - Il sera fait droit à la réclamation ; la rédaction du procès-verbal est adoptée.
- M. Ch. Vilain XIIII est présent à la séance ; il prête serment.
M. Dumortier. - J’ai annoncé dans la séance d’hier que mes intentions étaient de faire des interpellations à M. le ministre des affaires étrangères ; il n’est pas à la séance.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Mon collègue le ministre des affaires étrangères n’est pas arrivé à Bruxelles depuis trois jours, comme l’avait annoncé M. Dumortier qui avait été mal informé ; il n’est arrivé qu’hier au soir, avec l’intention de dire aux chambres, avant leur séparation, tout ce qu’il pourra dire sans compromettre les intérêts dont il est chargé. Mais, pensant que la chambre ne se séparerait pas aujourd’hui, il s’est préparé à faire son rapport demain ; cependant, lui ayant fait connaître la juste impatience qu’avait la chambre de terminer ses travaux, je l’ai invité à accélérer autant qu’il était en lui, le rapport qu’il se propose de soumettre aux chambres, et je crois pouvoir annoncer qu’avant la fin de la séance, qu’avant le vote définitif du budget, il se rendra dans cette enceinte. Toutefois, si le vote définitif devait absorber plus d’une séance, il demanderait à n’être entendu que demain.
Nous ne parlerons que des amendements sur lesquels il y a eu une nouvelle discussion.
« Art. 2. Traitements des employés, autres que ceux proportionnels de l’enregistrement : fr. 390,860. »
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Messieurs, je me trouve forcé de vous présenter une nouvelle proposition sur un des articles du budget du département des finances ; vous vous rappellerez sans doute qu’il y a eu une véritable confusion, et que même il n’a pas été possible de s’entendre sur les chiffres, lors de la discussion de l’article 2 du chapitre premier relatif aux traitements des employés des administrations centrales, à l’exception de celle de l’enregistrement. En effet, je n’ai pu parvenir à faire admettre qu’en faisant une concession de 12,000 fr. sur les majorations réclamées par le ministère et qui s’élevaient, ainsi que l’avait remarqué la section centrale, à une somme de 28,981 fr. 96 c. ; l’augmentation de dépense, comparativement à la somme votée en 1832, n’était plus que de 16,981 fr. 98 c.
Il est résulté de cette discussion que l’on a adopté, pour le personnel des administrations centrales, l’allocation proposée par M. le rapporteur de la section centrale, sans doute parce que les longs débats qui se sont élevés sur le calcul des chiffres présentés de part et d’autre ont fait perdre de vue les motifs puissants sur lesquels j’avais appuyé la demande de cette majoration. L’honorable rapporteur a dit en substance, pour repousser toute majoration :
« Que l’administration avait pu marcher avec ce qui a été alloué l’année dernière ; que l’on adoptait pour principe de la laisser dans la même position, puisque la section centrale proposait la même allocation qu’en 1832 ; que le nombre d’employés du ministère des finances étant moindre qu’en 1832, la moyenne des traitements avec la même allocation serait plus élevée de 360 fr. ; et qu’il était donc tout à fait raisonnable de demander une majoration. »
Je déclare, messieurs, que si ces assertions étaient vraies, il serait absurde de venir réclamer une majoration quelconque ; mais aucune n’est exacte au fond, et les faits vont vous le prouver.
D’abord, il est constant que l’administration n’a pu marcher au moyen du crédit accordé pour l’exercice 1832, puisque déjà j’ai eu l’honneur de vous prévenir qu’un crédit supplémentaire de 700 fl. doit vous être demandé sur cet article, pour liquider les dépenses dudit exercice ; mon honorable prédécesseur eût été forcé de réclamer un supplément d’allocation beaucoup plus considérable, dans le courant même de l’exercice 1832, si, comme je l’ai déjà fait connaître dans une séance précédente, un retard accidentel dans l’organisation de l’administration des monnaies, comprise dans le même article du budget, ne lui avait permis de disposer, en faveur d’autres branches de service, d’une somme assez considérable, non dépensée pour cette spécialité. Il résulte de là qu’en maintenant l’allocation votée en 1832, il sera impossible de faire face à la somme des traitements, tels qu’ils existaient pendant ledit exercice.
Mais, a-t-on ajouté, le nombre d’employés du ministère des finances est moindre qu’en 1832.
Non, messieurs, au contraire ; il y a au ministère des finances six employés effectifs et quatorze surnuméraires de plus qu’en 1832 ; il est vrai que le budget même a pu induire en erreur à cet égards : d’après les indications y renseignées (l’enregistrement excepté) cinq employés de moins que lors de la présentation du budget de 1832 ; mais j’ai eu l’honneur de vous faire remarquer, à cet égard, que l’année dernière on avait compris, dans le nombre des employés indiqués au budget, des surnuméraires qu’on n’y a plus fait figurer cette année.
C’est pour ce motif que l’administration des postes était portée en 1832 pour 16 employés, et qu’elle ne l’est que pour 13 au budget de 1833, tandis que ce nombre serait de 25, si les douze surnuméraires qui travaillent actuellement dans les bureaux de cette administration étaient présentés comme employés effectifs.
J’ajouterai que la trésorerie générale ne comprenait en 1832 que 39 employés, bien qu’elle figurât au budget dudit exercice pour 46 ; car dans ce chiffre étaient aussi portés 5 nouveaux employés qui devaient être nommés dans l’intérêt du service, si l’allocation eût été accordée intégralement, et de plus 2 surnuméraires qui ne sont plus renseignés au budget, quoique leur nombre soit maintenant de 5 dans cette administration ; mais, par suite du refus de la majoration demandée, 2 employés seulement ont été adjoints aux 39 qui existaient antérieurement, et ils n’ont pu être nommés que tardivement, parce que, dans la somme allouée, on ne pouvait leur trouver de traitement que pour quelques mois ; d’où résulte encore une augmentation de dépense pour l’exercice courant, comparativement à 1832.
D’un autre côté, l’administration des contributions directes, douanes et accises, s’est trouvée, depuis la présentation du budget de 1833, dans la nécessité d’augmenter son personnel de deux employés ; l’un d’eux est attaché à la division des accises dont M. le rapporteur de la section centrale a pensé que le travail devait diminuer, par suite de l’introduction d’une nouvelle loi sur les distilleries ; tandis qu’il est arrivé précisément le contraire. Ainsi, messieurs, l’administration centrale des finances comprend en réalité 6 employés et 14 surnuméraires de plus que lors de la présentation du budget de 1832, savoir : 2 employés et 3 surnuméraires pour la trésorerie, 2 employés pour les contributions, 1 pour le cadastre et 1 pour les monnaies, et 11 surnuméraires de plus pour les postes, messageries et secrétariats.
Il résulte de ce qui précède que la moyenne des traitements, loin d’être plus forte qu’en 1832, serait beaucoup plus faible avec la même allocation, lors même que cette allocation eût suffi en 1832, ce qui n’est pas.
Ainsi, messieurs, j’ai réfuté complètement les motifs sur lesquels M. le rapporteur de la section centrale appuyait son refus de toute majoration, puisqu’il est démontré, par suite des explications que je viens de donner :
1° que l’administration centrale n’a pu marcher avec la somme votée pour l’exercice 1832 ;
2° qu’ainsi l’administration ne resterait pas dans la même position qu’en 1832, en la restreignant à cette allocation ;
3° Que le nombre d’employés n’est pas diminué, mais qu’il est, au contraire, augmenté de six.
4° Que la moyenne des traitements, loin d’être augmentée, serait au contraire considérablement diminuée.
M. le rapporteur de la section centrale a avancé, dans une séance précédente, qu’il me serait impossible de donner la moindre raison plausible pour soutenir la majoration réclamée.
Messieurs, mes motifs peuvent se résumer ainsi qu’il suit :
« Une majoration de crédit est indispensable, parce que l’allocation de 1832 n’a pas suffi, et parce que j’ai été forcé, dans l’intérêt du service, d’augmenter le nombre d’employés, qui, malgré cette augmentation, est encore bien restreint, comparativement à ce qui existe ailleurs. »
Mais, messieurs, voulez-vous savoir comment sont rétribués nos fonctionnaires, comparativement aux employés des mêmes grades dans les pays voisins, ces fonctionnaires qui composent un corps administratif de l’Etat à l’égard duquel on n’a pas craint d’employer des épithètes qui ne peuvent porter d’atteinte qu’à la dignité de nos débats ?
Eh bien ! messieurs, nos administrateurs sont moins rétribués que les sous-directeurs en France, nos directeurs moins que les chefs de bureau, nos chefs de division comme les sous-chefs de bureau. Enfin tous nos employés supérieurs des administrations centrales sont à peine rétribués la moitié de ce qui est affecté aux emplois analogies dans tous les autres gouvernements de l’Europe, et aux Etats-Unis d’Amérique. Remarquez-le bien, messieurs, à peine à la moitié, et je l’avance sans crainte d’être contredit ; car il suffit, pour s’en convaincre, d’ouvrir le budget de France, et d’avoir quelques notions sur l’organisation des administrations centrales dans d’autres pays.
En Angleterre, neuf administrateurs de l’accise seulement ont 25,000 fr. ; aux Etats-Unis, les chefs de division jouissent de 16,000 fr. de traitement.
Pour vous convaincre, messieurs, qu’il est impossible d’administrer avec plus d’économie, du moins en ce qui concerne les administrations centrales, je vous ferai remarquer qu’il résulte d’un tableau mis sous les yeux de la chambre, en 1832, que la seule trésorerie générale, à La Haye, coûtait 158,300 fl. (en fr., 334,891) : ici, avec cette somme, nous faisons marcher le service du secrétariat-général, de la trésorerie-générale, des contributions directes, douanes et accises, des poids et mesures, des postes et messageries, du cadastre, des monnaies, et de la garantie des matières d’or et d’argent ; ces administrations réunies coûtent près d’un millions de francs pour le royaume des Pays-Bas.
En France aussi, après les nombreuses réductions qu’a amenées la révolution de juillet, les branches analogues d’administration donnent lieu à des frais infiniment plus élevés, comparativement aux produits. L’administration centrale des droits indirects, par exemple, figure au budget pour une somme de 540,000 fr. pour un produit de 100 millions. Dans la même proportion, un produit de 60 millions devrait donner lieu à une dépense de 270,000 fr., au lieu du tiers environ de cette somme figurant à notre budget pour l’administration des contributions directes, douanes et accises.
C’est en présence de pareils faits, c’est lorsque l’administration, malgré la plus grande modération dans l’exécution des lois fiscales, est parvenue à faire augmenter chaque année le principal des revenus du trésor, qu’une somme de 16,981 fr. 98 c., indispensable pour continuer à obtenir les mêmes résultats, serait refusée au gouvernement ! Non, messieurs, j’ai trop de confiance en votre prudence et en votre sagesse, pour ne pas être convaincu que vous n’entraverez pas la marche de l’administration, en rejetant la demande d’un supplément de crédit dont la nécessité vous est démontrée.
Je demande donc que l’article 2 du chapitre premier du budget soit portée à 381,981 fr. 98 c., ou plutôt à une somme ronde de 382,000 fr.
M. Dumortier, rapporteur. - Lorsqu’on se rappelle ce qui s’est passé dans la discussion du budget des finances, et que quand on voit ce que l’on veut encore nous faire faire aujourd’hui, il semble que l’assemblée ne soit plus qu’une société de commerce et de trafic, où l’on marchande, où l’on vend au plus offrant et dernier enchérisseur.
Cette manière de procéder n’a rien de conforme à la dignité de la chambre. Lorsque les mandataires du peuple ont fixé un chiffre, le ministre devrait le respecter un peu plus qu’on ne le fait aujourd’hui ; il devrait tenir compte des intentions et des répugnances que nous avons manifestées et cesser tous ces efforts déplorables pour nous entraîner sur le bord d’un abîme. Car, messieurs, vous le savez, un gouffre est ouvert devant nous, et l’on voudrait nous y pousser.
Vous venez d’entendre M. le ministre vous parler de six employés nouveaux. C’est là une précieuse découverte dont se félicite M. le ministre ; mais il est bien étonnant qu’il ne l’ait faire qu’hier. Toutefois, je persiste à dire que les chiffres de la section centrale sont exacts. Vous avez tous sous les yeux les budgets précédents ; parcourez-les, et vous y trouverez précisément ceux qui se trouvent dans le rapport.
Si les détails qu’on nous donne aujourd’hui sont exacts, les tableaux remis à la section centrale ne le sont donc pas, je vous défie de sortir de ce cercle. Ne nous y trompons pas, messieurs ; c’est une comédie que l’on nous fait jouer.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Ce n’est pas moi qui vous la fais jouer.
M. Dumortier, rapporteur. - Ce n’est pas non plus la section centrale, puisqu’elle a eu la délicatesse de ne voter aucune réduction. Une autre fois, puisque l’on veut marchander, nous porterons des réductions sur le chiffre de l’année précédente, afin d’obtenir le même chiffre. C’est ainsi que l’on procède dans les trafics.
L’honorable M. Coghen a fait marcher le service avec une somme moins forte que celle que nous accordons cette année ; il sera donc facile au ministre actuel de faire face aux besoins.
On est venu comparer le traitement de nos employés avec les traitements des employés de France et d’Angleterre ; mais choisissez donc un peu mieux vos termes de comparaison, prenez la Hollande. La Hollande a-t-elle cherché à augmenter ces dépenses ? Non, messieurs, elle a fait comme la noble et héroïque Pologne, lorsqu’elle a voulu se réserver les moyens de soutenir longtemps la lutte avec la Russie, elle a diminué ses dépenses ; la Hollande a opéré des réductions sur tous les traitements ; on a supprimé tous les administrateurs pour les remplacer par des chefs de division ; et c’est en procédant par économie qu’elle espère dompter la Belgique ; car, messieurs, au point où sont arrivées les affaires, toute la question entre la Belgique et la Hollande se résume dans une question d’argent. Il s’agit de savoir lequel des deux pays se ruinera le dernier. Voyez maintenant si vous préférez un système dispendieux qui nous perde, à un système économique qui nous sauve.
M. de Brouckere. - Lorsqu’il a présenté son budget, M. le ministre des finances a demandé pour ce chapitre une augmentation de 381,981 fr. 98 c ; sur le chiffre de l’année dernière ; mais, de son propre mouvement, il l’a bientôt réduit de 12,000 fr. Après une discussion extrêmement longue dans laquelle on ne s’est pas très bien entendu ni compris (mouvements divers), on a rejeté cette augmentation. Aujourd’hui, M. le ministre renouvelle sa demande, et, quant à moi, je déclare que s’il parvient à nous prouver que cette somme est nécessaire aux besoins du service, je la voterai ; car, messieurs, bien que j’appartienne à cette partie de la chambre que l’on nomme l’opposition, partie de la chambre que l’on a si souvent accusée de vouloir tout détruire, tout bouleverser ; ni moi, ni mes honorables amis, nous m’émettrons jamais un vote qui puisse compromettre les différents services, empêcher que leur marche soit régulière et même facile.
L’opposition a depuis longtemps fait ses preuves, elle a assez montré combien ses intentions étaient loyales, elle a maintes fois confondu ses calomniateurs.
Il y a ici une question de fait, sur laquelle M. le rapporteur de la section centrale et M. le ministre ne sont pas d’accord et sur laquelle nous devons cependant nous entendre. M. le rapporteur prétend qu’il résulte des tableaux présentés à la commission que le nombre des employés a été diminué, tandis que la dépense est devenue plus forte ; et elle recule devant une contradiction pareille.
De son coté M. le ministre soutient que le nombre des employés est vraiment augmenté ; il explique ce qu’il y a eu d’erroné dans les tableaux remis à la section centrale. Il affirme que des surnuméraires ont cessé d’être portés sur ces tableaux où ils figuraient d’abord. A moins de preuve du contraire, je dois croire à l’allégation de M. le ministre, puisque bien certainement le rapporteur n’a pu s’assurer par lui-même qu’elle était inexacte ; et si rien ne vient détruire ma conviction, je voterai le chiffre qu’il nous demande.
J’ai vu d’après les explications de M. le ministre, que le crédit de l’année dernière n’avait pas suffi. On devra vous demander de ce chef un crédit supplémentaire de 700 florins, et portant le retard que l’on a pu mettre dans l’organisation des monnaies avait permis de disposer, sur l’allocation votée pour cet article, d’une somme de fl. 2,589-15. Vous avez pu voir que les appointements de M. l’inspecteur-général du cadastre ont été portés au budget à 10,500 fr., c’est-à-dire qu’ils ont été augmentés de fr. 2,116-40 ; et personne ne s’est récrié contre cette augmentation, parce que l’on a trouvé juste sans doute que ce fonctionnaire, qui est le chef d’une administration comme MM. les administrateurs, fût traité d’une manière aussi favorable que ces derniers ; reste donc, messieurs, une somme de près de 8,000 fr ; pour subvenir au paiement de six nouveaux employés que l’on affirme être indispensables : 8,000 fr. pour 6 employés, ce n’est certes pas une somme exorbitante, et il n’y aura pas là de quoi les rétribuer très largement.
J’accorderai donc à M. le ministre le supplément d’allocation qu’il sollicite ; je l’accorderai parce que, bien que faisant souvent de l’opposition, bien que blâmant la plupart du temps et les principes et la conduite du ministre, je ne veux pas avoir à me reprocher d’avoir entravé la marche du gouvernement ni d’un seul service. L’opposition que je vais est toujours consciencieuse, et quand je renonce à en faire, c’est encore ma conscience qui me sert de guide.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Les allocations accordées au ministère, en 1832, n’ont pas été suffisantes ; ainsi en nous mettant dans la même position qu’en 1832, on nous met dans l’impossibilité de marcher ; c’est de là que vient l’erreur de M. le rapporteur de la section centrale. Si mon prédécesseur a pu subvenir aux frais du service, c’est qu’ayant des crédits en masse, il a pu prélever sur celui qui était accordé pour les monnaies, et donc on n’a pas fait usage, les sommes nécessaires pour maintenir le service de l’administration centrale. Néanmoins mon prédécesseur, n’ayant pas eu à sa disposition des allocations suffisantes, a été obligé de congédier six employés, ce qui a beaucoup nui au service de la trésorerie. Un bureau d’archives nous est nécessaire ; s’il n’est pas bientôt créé, les papiers seront incessamment dans un effroyable chaos ; dans quelques temps, on ne pourra plus trouver au ministère les documents dont on aura besoin, et l’on sera dans le plus grand embarras.
Je persiste dans la demande d’augmentation de 16,000 fr.
M. A. Rodenbach. - M. de Brouckere dit : Puisque le ministre a augmenté le nombre de ses employés, il faut augmenter l’allocation ; je n’admets pas cette conséquence. S’il plaisait à M. le ministre des finances de porter le nombre des employés à 250, est-ce que nous devrions allouer des fonds pour solder ce bataillon de bureaucrates ? En Angleterre, où l’administration financière est beaucoup plus étendue, il y a moins d’employés à l’administration centrale ; il en est de même aux Etats-Unis. Il ne faut pas augmenter les employés, il faut les stimuler ; au lieu de s’occuper de leur besogne, on m’a dit que les employés des finances assistent à nos séances. Que le ministre conserve les laborieux, les intelligents ; qu’il congédie les médiocrités. Il ne faut garder que les hommes qui ont réellement du talent ou des dispositions, et l’envie d’en acquérir.
M. Dumortier, rapporteur. - La section centrale n’a point proposé de diminution, elle s’est bornée à écarter les augmentations ; c’est ce qui résulte des documents qui sont sous vos yeux.
On dit que l’année dernière le ministre a prélevé une somme sur les monnaies pour faire marcher le service ; je ne sais comment on aurait pu prélever la moindre somme (5,000 fr. dit-on) sur celle de 20,000 fr. qui avait été allouée pour les monnaies.
Ce que l’on veut au ministère des finances, c’est d’augmenter les traitements de chacun des employés ; il y a eu avancement dans l’armée ; on veut qu’il y ait avancement dans les bureaux des finances.
M. de Kerckhove, commissaire du Roi. - Je demande la permission de présenter quelques réflexions sur ce que l’on vient d’alléguer.
M. A. Rodenbach. - Aux voix ! l’appel nominal ! l’appel nominal !
M. de Kerckhove, chef de la trésorerie, commissaire du Roi, donne des détails sur le service de l’administration spéciale dont il est le chef ; il la compare aux administrations analogues dans d’autres pays, et s’efforce de prouver que les allocations qu’il demande sont loin d’être trop élevées.
M. Jullien. - Tout le débat roule véritablement sur une question de fait. M. le rapporteur, pour appuyer son assertion, présente des tableaux, le ministre répond que ces tableaux sont erronés ; à cela M. le rapporteur fait observer que les tableaux ont été fournis par le ministre lui-même.
M. Dumortier, rapporteur. - Et par la cour des comptes.
M. Jullien. - Nous sommes à la fin de l’année ; il faut que les employés soient payés ; si vous refusez l’allocation, il faudra que le ministre les paie lui-même. Messieurs, c’est une question de bonne foi, d’équité ; il faut tenir les engagement pris avec les employés.
M. Meeus. - Je viens également appuyer le chiffre demandé par le ministre des finances. Ce n’est pas par quelque mille francs d’économisés sur le budget que l’on trouvera les véritables économies à faire dans un pays ; et puisque j’ai la parole, je suis obligé d’attirer votre attention sur une annonce faite, par le ministre, et que vous avez sans doute lue.
L’annonce est relative à l’émission des bons du trésor à trois, à quatre, à six et à sept mois, aux conditions de 5 p. c. avec un demi de commission et une jouissance à peu près d’un quart p. c. résultant des termes pour le paiement. J’ai relu l’annonce deux fois avant d’en croire le contenu. Comment ! dans un moment où les bons du trésor se négocient à 4 p. c., on nous demande pour des sommes considérables à ce taux : le ministre des finances, contrariant les intérêts du commerce, les intérêts de l’industrie (car le commerce et l’industrie ne peuvent désirer qu’on fasse élever le taux de l’argent), viendra proposer un intérêt de plus de 6 p. c. Il est connu du public que les bons du trésor sont reçus à 4 p. c. à la banque. La trésorerie de la banque a reçu l’ordre formel d’accepter ainsi même pour de fortes sommes ; et si d’ailleurs on veut proposer aujourd’hui à la banque d’Anvers un million de bons du trésor, on les acceptera à 4 p. c.
Je comprends qu’il a fallu faire un sacrifice pour créer la dette flottante ; il a fallu se servir d’un puissant auxiliaire pour la première émission de bons. J’ai été charmé que la maison Rothschild s’en soit mêlée.
Quand on délibérait sur l’émission des bons du trésor, qu’on se souvienne de ce que j’ai dit. En créant des bons du trésor, ai-je dit alors, et en les rendant payables à Paris, vous ne faites non plus un papier de portefeuille, mais un papier de change. A l’avenir le ministre ne devra consulter que le cours de la bourse pour connaître le change de Paris, et, laissant aux négociants un petit avantage sur ce cours du jour, il est sûr d’émettre des bons du trésor la quantité dont il aura besoin pour son service.
Je le répète, si demain le ministre des finances faisait escompter à la bourse d’Anvers un million de francs de bons du trésor, ce million serait accepté avec empressement, et d’autant plus que le papier sur Paris est tellement rare que le numéraire sort de la Belgique.
L’escompte est à 3, 3 1/2 p. c. ; depuis deux jours il est augmenté à 4 et 4 1/2 p. c. ; la mesure du ministre a sans doute provoqué cette augmentation. Un autre inconvénient va résulter de cet état de choses ; les capitalistes vont retirer les capitaux qu’ils ont chez les industriels pour vous les porter.
Je n’aurais pu attendre à la session prochaine pour vous parler de cette affaire. Il vaut mieux prévenir le mal que le signaler quand il est consommé.
Messieurs c’est dans les opérations financières que sont les économies ; il ne faut pas payer des commissions sans motifs. Votre crédit est fait, vous ne devez plus consulter que le cours de la bourse pour le taux de l’intérêt : si cela ne vous suffit pas, examinez le cours du change sur Paris, et vous verrez que le papier à trois mois se négocie à trois pour cent.
M. de Kerckhove, commissaire du Roi. - Je conçois très bien que la société générale ne soit pas contente, parce que toutes les provinces ont été appelées à concourir. Elle aurait préféré que le ministère passât par ses mains.
Quant à ce qui concerne l’émission des bons du trésor par le gouvernement et le cours à établir, on ne peut pas faire ce que ferait un simple banquier. Car un arrêté royal est nécessaire pour en fixer le taux.
Je rappellerai ce qui s’est passé au mois de décembre dernier ; on lisait alors qu’il n’y avait que pour 15 jours de numéraire en caisse. Eh bien ! par des mesures sages que le trésor a prises à cette époque, on a pu suffire à tous les besoins jusqu’au mois de mars et suivants, et on a procuré ainsi un bénéfice considérable à l’Etat.
M. d’Huart. Messieurs, je vous ferai observer que nous sommes bientôt au dixième mois de l’année. Déjà huit mois d’exercice sont écoulés, et il serait bien difficile d’opérer une économie de 17,000 francs.
Je donnerai maintenant une explication relative au tableau de la cour des comptes. M. le ministre voulait augmenter le traitement des employés, mais il a consenti à une réduction de 12,000 fr., et l’on devra retenir sur le dernier trimestre l’augmentation que l’on a voulu donner.
M. Dumortier. - Il est étonnant, messieurs, que l’on vienne blâmer M. le ministre d’une émission de bons du trésor que je regarde comme avantageuse. Oui, et, selon moi, M. le ministre a agi dans cette circonstance comme un bon citoyen. Si maintenant la banque trouve que l’opération présente de si grands bénéfices, qu’elle la fasse.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je voudrais que cette question qui, ce me semble, n’aurait pas dû être soulevée par l’honorable membre, fût traitée dans une autre circonstance, lorsque nous aurions à la discuter toute seule. Alors je donnerai les motifs qui nous ont dirigés ; quant à présent, je crois que l’on doit revenir à la question du budget je la crois tellement mûre que je n’insiste plus, et que je m’en rapporte avec confiance aux lumières de la chambre.
M. Lardinois. - Je ne m’arrêterai pas non plus, messieurs, à l’inconvénient soulevé par l’honorable M. Meeus ; je dirai cependant que je ne partage pas son avis sur les conditions proposés pour une nouvelle émission de bons du trésor. Je ne les trouve pas aussi onéreuses qu’on veut bien le dire : d’ailleurs une considération domine cette affaire, c’est de s’assurer de la réussite de l’opération ; et d’un autre côté il est temps que le gouvernement cherche à s’affranchir de ceux qui veulent l’exploiter. J’arrive maintenant à la question principale.
Dans la discussion du budget des finances l’honorable rapporteur s’est souvent prévalu de l’opinion de la section centrale ; en effet, les résolutions énoncées dans le rapport ont été délibérées par la section centrale ou sont censées l’avoir été.
Ainsi donc, les réductions proposées sur le chiffre ministériel sont l’ouvrage de la section et non pas celui du rapporteur. Je vous ferai cependant observer que nous avons été souvent indécis sur ces résolutions ; les unes ont été votées à l’unanimité, les autres à une majorité d’une ou deux voix. Cette irrésolution avait sa source dans le manque de renseignements ; car vous savez que le budget qui nous a été présenté était un ouvrage informe et irrégulier.
J’ai voté aussi, messieurs, contre la majoration de 28,000 francs ; mais aujourd’hui M. le ministre a fait valoir de nouvelles considérations qu’il avait négligées jusqu’à ce jour. Je trouve ses motifs fondés et je ne puis m’empêcher de lui allouer une allocation ; en conséquence je propose de lui accorder 10,000 francs au lieu de 16,981 fr. 98 c. Il y aura toujours de ce chef une différence sur le chiffre ministériel d’environ 19,000 fr.
M. Meeus. - Dans les réponses que vous venez d’entendre, on a paru voir en moi le gouverneur de la banque bien plus que le député. Je n’hésite pas à déclarer que si ma qualité de gouverneur devait m’interdire le droit d’émettre mon opinion sur toutes les questions qu’il me paraîtra convenable de traiter, je devrais cesser à l’instant de faire partie de cette honorable assemblée. C’est précisément parce que ma position avait quelque chose de difficile et de délicat, que j’ai voulu élever la voix, afin de soulever une question qui intéresse et les chambres et l’Etat.
Deux des honorables préopinants ont dit que le gouvernement ne devait pas se mettre dans la dépendance de la banque : c’est aussi mon opinion, mais il faut que le gouvernement la fasse concourir comme toutes les institutions, au bien général du pays, sans relever d’aucune. Mais il ne s’agit pas ici de la banque. Messieurs, la question n’a pas été placée là : il fallait que le gouvernement expliquât à la chambre pour quels motifs il sacrifiait des intérêts de 1 1/2 à 2 p. c. sur une somme de cinq millions, alors qu’il se rencontre des preneurs pour les bons du trésor à 4 pour cent l’an ; car messieurs, ce n’est pas seulement à la bourse de Bruxelles qu’il y a des acheteurs pour les bons à ce taux, mais on les recherche encore à Anvers. C’est sur ce fait, que j’ai posé, qu’on n’a pas osé s’expliquer, car il est incontestable.
Je le répète, les bons du trésor peuvent-ils ou non se négocier à 4 pour cent ? Oui, messieurs, on peut les négocier à ce taux et, je le déclare, pour de fortes sommes. Ainsi, au lieu de faire un appel aux capitaux et de raréfier ainsi le numéraire, on devait subvenir aux demandes qui sont faites journellement pour les bons du trésor ; cela certes n’obligeait pas à passer par les mains de la banque.
Un arrêté royal pouvait autoriser le ministre des finances à émettre des bons du trésor par l’entremise d’agents de change, mais non au-dessus d’un taux limité. La négociation eût eu lieu par les agents du trésor ; par ce moyen l’opération était régulière et le pays faisait une économie bien plus forte et bien plus réelle que celle, messieurs, que vous opérez trop souvent pour de bien faibles sommes, sur les traitements d’employés qui servent bien l’Etat.
M. d’Huart. - L’honorable préopinant a vainement essayé de me mettre en contradiction avec moi-même. L’année dernière, mes observations s’étaient appliquées à l’article de la trésorerie, et elles étaient si bien fondées, que la chambre a réduit l’allocation dont j’avais trouvé le chiffre trop élevé ; mais aujourd’hui, il ne s’agit pas de la trésorerie, c’est un tout autre article.
M. A. Rodenbach. - On nous a souvent accusés de parcimonie envers les employés subalternes ; eh bien prouvons que les accusations sont mal fondées, en votant la somme proposée par M. Lardinois. C’est en vue de ces employés que je voterai pour elle. Nous saurons toujours si nos intentions à cet égard ont été remplies.
- Le chiffre proposé par M. le ministre est mis aux voix et rejeté.
Le chiffre de 375,000 fr. proposé par M. Lardinois est adopté.
« Art. 1er. Traitement des employés : fr ; 87,428. »
La chambre a voté 80,000 fr.
M. d’Huart. - Messieurs, ce que je me propose de vous dire ne concerne pas le chiffre en discussion ; c’est une observation que j’aurais à la vérité dû vous présenter lors de la première délibération, mais qu’il m’a échappé de vous soumettre alors. Comme elle est très importante, j’espère que vous voudrez bien m’entendre.
D’après la convention régulatrice de la société générale des Pays-Bas, convention passée en 1823 entre le ministre des finances et le gouverneur de la société, il devait être établi dans la province de Luxembourg quatre agents de la société, savoir : à Luxembourg, Neufchâteau, Diekirch et Marche. Lors de la révolution, l’agent placé à Neufchâteau, et qui n’était pas partisan du nouvel ordre de choses, quitta sa résidence pour se rendre à Luxembourg où il se trouve encore aujourd’hui.
Depuis lors, ou au moins peu après, il n’y a plus eu d’agents de la banque à Neufchâteau, et les habitants des cantons de Bouillon, Florenville, Paliseul et Neufchâteau sont tenus à des démarches très longues et très coûteuses lorsqu’ils ont des sommes à recevoir ou des paiements à faire : c’est un abus, qui ne devrait pas exister, puisque la banque perçoit ses remises sans retenue, et qu’il est juste qu’elle satisfasse à ses obligations, tandis que le gouvernement observe celles qui lui sont onéreuses.
Il est possible toutefois que la société générale ne profite pas directement de cet abus, car on m’a assuré que son ancien agent, réfugié à Luxembourg au milieu de nos ennemis, touche régulièrement les mêmes appointements qu’autrefois ; mais ceci est loin de faire le compte des habitants dont j’ai parlé tantôt, qui sont assujettis à des démarches dispendieuses, et qui pourtant soldent leur part des remises de la banque pour être servis par elle.
Je ne puis assez m’élever contre un tel état de choses, trop longtemps toléré, et je réclame vivement pour que M. le ministre des finances y apporte un prompt remède.
M. de Kerckhove, commissaire du Roi. - En 1831 la société générale a demandé la suppression de l’agent de Neufchâteau comme ayant peu de paiements à faire. Cet employé d’ailleurs s’était réfugié à Luxembourg. La société générale avait peu de fonds en caisse et ces motifs ont amené la suppression de l’agent dont il s’agit. Son rétablissement a été demandé, il en a été écrit à la société générale qui n’a pas encore répondu : le gouvernement verra à faire droit aux réclamations qui lui sont adressées.
M. d’Huart. - M. le ministre n’avait pas le droit de supprimer l’agent dont il s’agit. Son établissement résulte d’une convention à laquelle M. le ministre des finances ne pouvait pas toucher. Je voudrais savoir où il a puisé son droit.
M. Dumortier, rapporteur. - Je voudrais que M. le ministre s’expliquât sur ce point. J’allais lui adresser les mêmes plaintes. Il est des communes qui souffrent beaucoup de la suppression de l’agent de Neufchâteau : les habitants doivent, dans certaines localités, faire 22 lieues pour aller chercher un mandat ; 22 lieues pour aller, 22 lieues pour revenir, font plus de 40 lieues ! Vous voyez, messieurs, que ce sujet mérite explication.
M. de Kerckhove, commissaire du Roi. - J’ai déjà eu l’honneur de déclarer à la chambre que le gouvernement avait écrit à la société générale et qu’il attendait sa réponse.
M. Coghen. - On a supprimé un agent dont le besoin se faisait alors assez peu sentir ; mais aujourd’hui que l’on réclame son rétablissement, la banque, j’en suis certain, ne s’y refusera pas.
- Cet incident n’a pas d’autre suite.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - A l’article du magasin général, la chambre a alloué 22,000 fr. pour le papier « destiné aux registres et impressions, » à l’usage de l’administration de l’enregistrement.
Cette somme était nécessaire pour remplir le contrat d’adjudication dans lequel l’administration de l’enregistrement est comprise pour 1,690 fr.
Mais comme le papier destiné à être timbré doit être d’une espèce toute spéciale, par ses dimensions et son filagramme on en a fait une adjudication et un article à part. Le prix à payer pour 1833, en suite de l’adjudication, est de 16,842 fr. 49 c., et l’allocation demandée, en somme ronde, de 17,000 fr.
Si, comme la chambre semble l’avoir reconnu par son vote, la somme de 22,000 fr. n’excède pas celle nécessaire pour le papier destiné aux registres et impressions, il s’ensuivra que si on maintient la suppression de l’article pour le papier à timbrer, l’on ne pourra plus frapper de timbre, et cette espèce d’impôt sera supprimée de fait. On en demande donc l’allocation. Il est à remarquer que c’est d’ailleurs revenir sur un vote précédent, émis pour un objet spécial qui absorbera probablement tout le crédit, et qui n’avait donné lieu à aucune observation de la part de la section centrale, que de vouloir, après coup, appliquer sur ce même crédit une dépense de cette importance. La chose est impossible.
M. Dumortier, rapporteur. - Il est certain que la demande n’est en aucune manière justifiée.
Je conviens que le papier pour le timbre doit être dans un magasin particulier, que ce papier doit être d’une fabrication spéciale ; mais tous les papiers sont compris dans un seul article pour lequel vous avez voté 80,000 fr. Sur ces 80,000 fr., les papiers de l’enregistrement sont compris pour 22,000 fr. : demander maintenant 17,000 fr,, c’est un doublement.
M. Brabant. - Y a-t-il nécessité d’allouer les 17,000 fr. ? Le ministre dit qu’on lui fournit, par suite d’une allocation, les papiers nécessaires au timbre pour 17,000 fr. ; on accorde 22,000 fr : il y a donc 5,000 fr. pour les rognures du papier timbré.
M. A. Rodenbach. - Il me semble que, d’après les renseignements fournis, la bureaucratie recevra une augmentation de 10,000 fr., augmentation demandée par le cadastre.
M. Thiry, commissaire du Roi. - Loin que pour le cadastre il y ait eu augmentation de crédit relativement aux papiers, il y a eu diminution ; mais autrefois les papiers du cadastre figuraient dans un article à part. C’est ce qui a pu occasionner l’erreur où sont tombés quelques honorables membres.
M. Faider, commissaire du Roi. - Je suis obligé de soutenir la demande de 17,000 fr. qui vous est faite pour le papier timbré. Je suis marchand de papier, messieurs ; mais pour en vendre, il faut que j’en achète. Si l’année dernière on a demandé moins, c’est que des papiers restaient en magasin. Je fais un assez bon commerce à des prix assez élevés ; aussi j’ai par année une couple de millions de profit. (Aux voix ! aux voix ! aux voix !)
- Le chiffre de 17,000 fr. est adopté.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Messieurs, vous avez fait figurer pour mémoire au chapitre des non-valeurs un article pour remboursements et restitutions. Une somme de 100,000 florins avait été allouée pour cet objet en 1832, mais il n’en a point été fait usage, parce que ce budget ayant été voté tardivement, l’on n’avait pu changer le mode de comptabilité suivi jusqu’alors ; la chambre n’a point ignoré ce fait, puisqu’elle a transféré, par la loi du 10 juillet 1832, ce crédit au chapitre de la dette publique, pour suppléer à la suppression de la caisse de retraite.
Il ne pourrait de même être fait usage d’aucun crédit de cette nature pour 1833, car toutes les restitutions de droits mal à propos perçus ou les remboursements de droits perçus pour le compte de gouvernements étrangers (tels que le port de lettres jusqu’à la frontière belge), ont été effectués conformément au mode établi et suivi jusqu’ici, c’est-à-dire en déduction respective de recette, et il ne serait plus possible de revenir sur des faits consommés.
Quant aux abus que l’honorable rapporteur a signalés, comme ayant eu lieu en France à l’occasion des sucres, il fait entièrement confusion.
On ne restitue pas les droits sur les sucres en France, mais on leur accorde une prime à la sortie, équivalente ou supérieure à ces droits, et c’est dans l’application de cette prime que des abus ont eu lieu, mais non dans la comptabilité qui se tient à cet égard.
En Belgique, les sucres, comme les autres marchandises qu’on exporte avec remise des droits, sont pris en charge au compte des débiteurs, et la décharge s’effectue lors de l’exportation.
Il n’y a donc point de recette effectuée, il ne peut en conséquence y avoir lieu à restitution, et aucun abus du genre de celui signalé par l’honorable M. Dumortier ne peut avoir lieu.
Lors de la formation du budget de 1834, j’aurai égard à la décision, qui sera définitivement prise par la chambre sur cet objet ; mais dans le budget de 1833, cet article ne pourrait figurer que pour mémoire, puisque les décharges et les remboursements qui ont dû avoir lieu, sont, ainsi, que je viens de le dire, déjà opérés suivant le mode existant.
Relativement à l’article intitulé par l’honorable rapporteur « attribution d’amendes et de confiscation, » il serait tout à fait contraire à la lettre et à l’esprit des articles 113 et 115 de la constitution et au texte de la loi générale, article 232, de comprendre un poste de cette nature au budget, car il est évident qu’on ne peut en faire ni une recette ni une dépense pour le compte de l’Etat. Ce système est conforme à celui professé par l’honorable M. Angillis dans son rapport sur le compte de 1830, et dont je donnerai un extrait ci-après.
Quant aux dépenses pour ordre que l’honorable rapporteur a fait introduire également pour mémoire dans notre budget, j’ai partagé moi-même l’erreur dans laquelle il se trouve ; mais après un examen plus approfondi, j’ai reconnu qu’il n’existait jusqu’ici chez nous, à l’exception de la taxe sur les brevets d’invention, aucune recette, ni aucune dépense de cette catégorie.
Que sont en effet les dépenses pour ordre ? celles qui s’opèrent pour le compte et pour le service de l’Etat, mais qui sont couvertes par un produit spécialement affecté à ces dépenses.
Aussi voyons-nous, en France, figurer dans un chapitre pour ordre en dehors du chiffre du budget, les recettes et les dépenses de l’imprimerie royale, du conseil de l’instruction publique, des brevets d’invention, de la légion d’honneur, etc., etc. ; mais nous n’y voyons pas entrer les frais d’ouverture des entrepôts, celles d’expertise, etc., parce que ces recettes et ces dépenses ne se font pas pour le compte de l’Etat, et que ce serait surcharger de chiffres étrangers à la direction des affaires, les budgets du pays.
Il est vrai qu’au budget des recettes de France, comme au chapitre des non-valeurs, figurent des chiffres pour amendes et confiscations ; mais ce ne peut-être que des amendes perçues pour compte du trésor, comme nous faisons figurer chez nous les amendes de l’enregistrement, dans le tableau des voies et moyens ?
Il en est de même des frais d’expertise, et mon opinion trouvera quelque sympathie dans l’esprit de cette chambre, lorsque je lui rappellerai que tel était aussi, messieurs, celle de l’honorable président rapporteur de la commission spéciale des finances (M. Angillis) qui, dans son rapport du 25 juillet dernier, sur le compte du trésor pour 1830, s’exprime ainsi à l’occasion des frais d’expertises et autres recettes affectées spécialement à des objets en dehors du budget de l’Etat :
« Que ces recouvrements ne peuvent être considérés comme un impôt, et que c’est à tort qu’il en est fait recette dans le compte ; on peut bien, ajoute-t-il, régulariser le tout en portant en dépense les paiements faits aux experts, mais cette manière de faire n’offre rien d’utile, et c’est charger les recettes et les dépenses de deux articles superflus. »
Ne croyez pas, messieurs, que le gouvernement soit intéressé à ce que la chose n’ait pas lieu : loin de m’y opposer d’une manière formelle, je n’en fais la remarque que dans l’intérêt de la régularité et je dirai même du bon sens, et je me soumets à l’avance à ce qu’en décidera la chambre ; mais j’ai cru devoir lui faire observer que cette innovation est contraire à ce qui se pratique en France, relativement aux dépenses pour ordre, et contraire à l’opinion de votre commission des finances.
En tous cas, si vous insistez pour le maintien des articles pour mémoire afin de consacrer le principe, il convient de retrancher le chiffre de 25,000 francs fixé pour les frais d’expertise, et de porter cette objet pour mémoire, comme le sont les autres.
M. Dumortier, rapporteur. - Je dois maintenir les propositions de la section centrale.
Je pense, avec le ministre, que les remboursements et restitutions pour trop perçu doivent être portés au budget de cette année comme mémoire : le ministre saura que l’année prochaine il lui faudra établir sa comptabilité de cette manière. Il faut que la comptabilité de l’Etat soit claire, soit précise, soit percée à jour.
Quant aux attributions d’amendes, ne point porter cet article au budget, ce serait agir inconstitutionnellement que de ne pas les porter au budget. La constitution dit que toutes les dépenses faites en vertu des lois doivent être portées au budget.
Le ministre a nié que l’article dont il s’agit fût porté au budget de France. Voilà les budgets de France pour les exercices 1833 et 1834, et cette dépense y est insérée.
Remarquez que le ministre des finances comprend au budget les amendes forestières ; les autres amendes, étant de même nature, doivent y figurer également.
En ce qui concerne les dépenses pour ordre, on doit appeler ainsi celles qui ne se font par pour le compte et pour le service de l’Etat, et qui n’entrent point dans les dépenses générales ; elles doivent, quoi qu’en dise le ministre, figurer au budget.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je n’insiste pas !
- Plusieurs membres. - Puisque le ministre ne conteste pas, aux voix ! aux voix !
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je n’insiste pas, parce qu’il est dans ma pensée que la chambre connaisse tout. La chambre en aura incessamment la preuve ; je m’empresserai de faire figurer au budget toutes les recettes et toutes les dépenses.
- les articles additionnels pour remboursement et pour ordre sont adoptés.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je voudrais que le budget fût obligatoire le lendemain de sa promulgation, et qu’on mît cet article :
« La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa promulgation. » (Appuyé ! appuyé !)
M. Brabant. - Il faut un article premier contenant la somme de toutes les dépenses.
- Cet article premier est adopté.
M. le président. - Il nous reste à procéder à l’appel nominal sur l’ensemble du budget des dépenses du ministère des finances.
- Plusieurs membres. - M. le ministre des affaires étrangères est présent ; écoutons-le ! écoutons-le !
M. le ministre des affaires étrangères (M. Goblet) - Messieurs, l’assemblée désire m’entendre avant le vote définitif du budget ; je suis prêt à prendre la parole.
- Le ministre monte à la tribune, et s’exprime en ces termes (profond silence) :
(Moniteur belge n°282, du 9 octobre 1833) Messieurs, à la veille de clore une session longue et laborieuse, au milieu des inquiétudes qui sont une conséquence assez naturelle de la difficulté que nous éprouvons à terminer nos différends avec la Hollande, le gouvernement croit devoir donner à la représentation nationale quelques explications sur notre situation diplomatique.
Il lui est cependant imposé de le faire avec toute la réserve que requiert l’état encore imparfait des négociations.
En s’écartant, dans les circonstances actuelles, jusqu’à un certain point, des règles établies, il a lieu de compter sur la réserve dont la chambre a bien voulu faire preuve, envers le gouvernement, dans le cours de toutes les transactions qui sont venues successivement améliorer d’une manière très remarquable la situation de la Belgique.
Messieurs, vous avez pu remarquer dans la convention du 21 mai de cette année, conclue entre la France et la Grande-Bretagne, d’une part, et la Hollande, de l’autre, que les parties contractantes n’avaient point perdu de vue un arrangement définitif, au moment même où elles en concluaient un préliminaire. En effet par l’article 5 de ladite convention, elles s’obligeaient à s’occuper, sans délai, d’un traité entre la Belgique et la Hollande.
Le gouvernement belge s’adressant à la France et à l’Angleterre, et répondant à la notification qui lui avait été faite de cette convention, s’exprimait ainsi : « Fort des droits qui sont irrévocablement acquis à la Belgique, le gouvernement du Roi, tout en exprimant ses regrets des nouveaux retards qui peuvent être apportés à la complète exécution du traité du 15 novembre 1831, attendra avec confiance le résultat des nouvelles négociations, annoncées par l’article 5 de la convention, et dans lesquelles les puissances ne peuvent avoir d’autre objet que d’aplanir par des arrangements de gré à gré, entre les deux parties, les difficultés qui s’opposent encore à l’exécution finale de ce traité. »
Cette confiance, messieurs, que la Belgique avait placée dans les intentions des cinq grandes puissances n’a pas été trompée : dans tout le cours des négociations qui viennent d’avoir lieu, les P.P. de ces puissances n’ont, en aucune circonstance, contesté à la Belgique les droits que lui confère le traité du 15 novembre 1831.
Toutefois, et malgré le désir sincère du gouvernement d’en venir à une conclusion définitive basée sur les vrais intérêts du pays, ces négociations n’ont pas encore amené de résultat.
J’ai, messieurs, à vous faire connaître la nature de l’obstacle auquel elle se sont arrêtées, et je ne puis mieux m’acquitter de cette tâche qu’en vous communiquant une note remise à la conférence par les P.P. du Roi, le 28 septembre dernier. Cette note, qui retrace en outre la marche de ces négociations est conçue dans les termes suivants :
« Les soussignés plénipotentiaires de S. M. le Roi des Belges, après avoir laborieusement suivi les nouvelles négociations entamées sous les auspices de LL. EE. les plénipotentiaires d’Autriche, de France, de la Grande-Bretagne, de Prusse et de Russie, à l’effet d’amener la conclusion d’un traité direct entre la Belgique et la Hollande, ont eu lieu de se convaincre que ces négociations pouvaient être considérées comme momentanément interrompues ; et en conséquence, celui des plénipotentiaires qui fait partie du ministère belge a pris la résolution de retourner immédiatement à Bruxelles. Mais, avant que cette résolution ne soit exécutée, les soussignés croient devoir constater, dans une pièce officielle, que si les négociations n’ont pas encore produit de résultat définitif, c’est parce que tous les efforts sont venus échouer contre les obstacles apportés à cette conclusion par le cabinet de La Haye.
« Il suffira aux soussignés de rappeler sincèrement à leurs excellences la marche de la négociation ; ils en sentent d’autant plus le besoin que presque tous les travaux ont eu lieu verbalement et qu’il importe de bien déterminer la nature des obstacles que la conférence et les soussignés ont rencontrés sur leur route.
« A la reprise des négociations, après la convention du 21 mai 1833, la conférence prenant toujours pour base les 24 articles et le traité du 15 novembre 1831, voulut régler d’abord entre la Belgique et la Hollande les stipulations relatives aux arrangements territoriaux, telles qu’elles avaient été arrêtées, dans ce traité, par les cinq grandes puissances, d’une part, et par la Belgique, de l’autre.
« En vertu desdits 24 articles et de ce traité, S. M. le roi des Pays-Bas aurait à recevoir, pour les cessions faites par lui à la Belgique, dans le grand-duché de Luxembourg, une indemnité territoriale dans la province du Limbourg. Cette indemnité eût été acquise à Sadite Majesté, soit en sa qualité de grand-duc de Luxembourg, soit pour être réunie à la Hollande. Mais, comme des droits de tiers étaient intéressés dans cette question, le même traité stipulait (article 5) « que S. M. le roi des Pays-Bas, grand-duc de Luxembourg, s’entendrait avec la confédération germanique et les agnats de la maison de Nassau sur les stipulations renfermées dans les articles 3 et 4 (analysés plus haut), ainsi que sur tous les arrangements que lesdits articles pourraient rendre nécessaires, soit avec les agnats de la maison de Nassau, soit avec la confédération germanique.
« Lorsque, dans la négociation nouvelle, ces mêmes articles fixèrent de nouveau l’attention de leurs excellences, la conférence, qui ne s’est jamais départie de la déclaration portant que le traité du 15 novembre était la base invariable de la séparation, de l’indépendance, de la neutralité et de l’état de possession territoriale de la Belgique ; la conférence, disons-nous, consentit cependant à prendre en considération la demande qui lui fut faite, au nom de leur gouvernement, par messieurs les plénipotentiaires hollandais.
« Cette demande consistait à faire stipuler, dans le traité direct avec la Belgique, que la partie cédée par elle de la province du Limbourg serait acquise à la Hollande en toute propriété, et à régler ainsi, en faveur de ce pays, dans ses rapports avec le grand-duché, une question que le traité du 15 novembre avait laissée et devait nécessairement laisser indécise, à savoir que S. M. le roi des Pays-Bas posséderait cette indemnité, soit en sa qualité de grand-duc du Luxembourg, soit pour être réunie à la Hollande. La proposition de MM. les plénipotentiaires hollandais tendait donc à faire disparaître cette alternative, et entraînait en même temps la suppression des articles 3 et 5 du traité du 15 novembre 1831.
« La conférence, animée du désir d’aplanir les difficultés, s’empressa de communiquer cette proposition aux soussignés et de demander qu’ils consentissent à la suppression de ces deux articles. Les soussignés déclarèrent formellement qu’ils ne pourraient donner leur adhésion au retranchement des articles 3 et 5 du traité, qu’autant qu’ils acquerraient la certitude que cet arrangement serait validé par toutes les parties intéressés. En conséquence, ils n’admirent cette demande que sous la réserve de la production, avant la signature du traité, du double assentiment de la diète germanique et des agnats de la maison de Nassau.
« La conférence apprécia l’importance et la nécessité de la garantie réclamée par les soussignés ; elle admit leur réserve, dont elle avait déjà fait elle-même une condition absolue des arrangements territoriaux en question : de telle sorte que, pour conclure le traité direct entre la Belgique et la Hollande, celle-ci aurait à produire préalablement le double assentiment dont il s’agit.
« Ce pas important étant fait, tout devait faire présager une issue prompte et heureuse à la négociation. La conférence, en effet, consentant à ce que les termes du traité fussent modifiés dans les intérêts territoriaux de la Hollande, en leurs rapports avec le grand-duché de Luxembourg et la confédération germanique, et les soussignés y ayant adhéré sous la réserve ci-dessus indiquée, il ne restait plus au cabinet de La Haye qu’à faire la démarche de rigueur auprès de la diète germanique et des agnats de la maison de Nassau.
« Les soussignés avaient donc lieu de s’attendre à ce que cette démarche fût faite sans aucun retard par le cabinet de La Haye, puisqu’elle était la conséquence nécessaire et forcée de la proposition de MM. les plénipotentiaires hollandais.
« Dans cette juste attente les négociations prirent un développement et une activité qui semblaient annoncer la ferme intention de toutes les parties de clore, par un traité définitif, les questions les, plus épineuses et de régler tous les différends à la satisfaction commune.
« Ce fut, en effet, dans cet intervalle que l’on s’entendit sur l’état de possession territoriale de la Belgique, avec le changement de forme rappelé ci-dessus ; sur la renonciation réciproque des deux parties à toute prétention aux territoires situés dans les limites des possessions de l’autre partie ; sur l’indépendance et la neutralité de la Belgique ; sur l’usage des canaux qui traversent à la fois les deux pays ; sur les ouvrages d’utilité publique et particulière ; sur les séquestres ; sur les stipulations relatives à la faculté de transférer le domicile d’un pays à l’autre, à la qualité de sujet et de propriétaire mixte, à la participation directe ou indirecte aux événements politiques, aux pensions et traitements d’attente, etc., etc.
« Ce fut en un mot, dans cet intervalle que les deux parties paraphèrent provisoirement et réciproquement les articles 1, 2, 6, 7, 8, 10, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23 et 24 du traité du 15 novembre 1831. Ce fut alors aussi que l’on examina de part et d’autre les lacunes de détail que pouvait présenter ce traité, et que l’on proposa de les remplir par des articles supplémentaires. Ce fut alors, enfin, que l’on posa, relativement à d’autres stipulations non moins importantes, des principes généraux sur lesquels les deux parties paraissaient être sur le point de se rapprocher graduellement.
« Cependant, au moment où l’on croyait toucher au terme et tenir la solution de certaines questions, le cabinet de la Haye faisait surgir tout à coup des difficultés inattendues et laissait ses plénipotentiaires dans l’impuissance de les aplanir. Ce fait fixa d’autant plus vivement l’attention de la conférence, qu’elle n’entendait plus parler de la démarche à faire par le cabinet de La Haye auprès de la diète germanique et des agnats de la maison de Nassau ; qu’elle ignorait si cette indispensable formalité avait été remplie, et si elle ne l’était point, pourquoi son accomplissement éprouvait un retard qui paraissait inexplicable.
« On apprit alors avec étonnement que le cabinet de La Haye, à la demande spéciale duquel toute cette transaction avait eu lieu, trouvait que, pour la compléter, les choses n’étaient point arrivées à un degré suffisant de maturité et qu’il révélait ainsi tout à coup la prétention de ne faire la démarche auprès de la diète que lorsqu’il le jugerait convenable, et de la subordonner aux progrès ultérieurs de la négociation, progrès dont le gouvernement hollandais serait resté, dans ce cas, le seul juge.
« Le cabinet de La Haye conservait donc ainsi la faculté de rendre inutiles et vaines, à défaut de l’assentiment de la diète et des agnats, toutes les négociations sur les autres points en litige.
« Cependant, pour mieux constater combien le cabinet de La Haye, entraîné par on ne sait quelles arrière-pensées, sacrifiait les véritables intérêts de la Hollande dans leurs rapports avec ceux du Luxembourg, la conférence suivit encore, pendant quelque temps, MM. les plénipotentiaires hollandais sur le terrain des négociations relatives à l’article 9 du traité du 15 novembre. Là on eut bientôt lieu de se convaincre pleinement que tandis que le cabinet de La Haye déclarait qu’il ne ferait de démarches auprès de la diète et des agnats de Nassau qu’après des progrès ultérieurs sur ces points, il n’avait jamais en réalité donné à ses plénipotentiaires ni les instructions nécessaires, ni les pouvoirs suffisants pour convenir, d’un commun accord, de ces stipulations.
« Ce fut alors que la conférence, ne voulant pas continuer à tourner dans le cercle vicieux où le cabinet de La Haye cherchait à la renfermer, déclara à son tour que tout progrès ultérieur dans la négociation était rendu impossible, et parce que MM. les plénipotentiaires hollandais manquaient de pouvoirs pour signer les stipulations relatives aux arrangements territoriaux qu’ils avaient eux-mêmes proposés, qu’ils avaient même provisoirement paraphés, et parce que S. M. le roi des Pays-Bas différait toujours de faire les démarches nécessaires pour obtenir l’assentiment de la diète germanique des agnats de la maison de Nassau. Les négociations se sont donc ainsi trouvées interrompues.
« Telle est en résumé la marche qu’a suivie la négociation ; telle est en réalité la nature de la difficulté qui en a occasionné la suspension. En plaçant ce récit sous les yeux de la conférence, les soussignés en appellent, avec confiance, à son jugement sur l’exactitude et la fidélité de tout ce qui précède.
« Les soussignés sont convaincus en outre que leurs excellences les plénipotentiaires des cinq grandes puissances réunis à Londres se plaisent à rendre pleine justice au cabinet de Bruxelles, et à reconnaître qu’il a toujours apporté, dans cette négociation, tout en défendant avec force les intérêts et les droits qui lui sont confiés, un esprit de concorde et de conciliation qui eût infailliblement conduit à la solution de toutes les difficultés, si l’autre partie eût été animée des mêmes sentiments.
« Le cabinet de Bruxelles se félicitait de voir la Belgique partager cet esprit de paix et de modération, qui succédait heureusement aux agitations inséparables d’une rupture violente entre deux peuples réunis pendant 15 ans. Les Belges, en effet, rassurés sur une indépendance qui leur est garantie, ne veulent entretenir contre le peuple hollandais ni haine nationale, ni préventions jalouses. Admis les derniers dans la grande famille européenne, ils ont voulu montrer qu’ils comprenaient les devoirs imposés à chacun de ses membres par l’ordre social, et qu’ils seraient tout disposés à les remplir ; ils n’ont négligé aucun moyen pour rétablir des communications commerciales, la base la plus solide d’une paix durable entre deux peuples destinés par leur position et leurs intérêts, à des rapports journaliers Il tardait enfin au gouvernement du Roi de pouvoir prouver que ces deux peuples ne seront jamais plus unis que lorsque leur séparation sera consacrée par leur droit public international, comme elle l’est déjà par le droit public européen. Mais toutes ces tentatives de rapprochement sont venues échouer contre la politique du cabinet de La Haye, dont la nation hollandaise déplorera un jour amèrement les conséquences fatales.
« Dans cet état de choses, il reste aux soussignés, en terminant cet exposé, un dernier devoir à remplir. Et d’abord ils pensent que LL. EE. les plénipotentiaires des cinq cours comprendront aisément que la Belgique, impatiente de savoir ce qu’ont produit trois mois de négociations, est en droit d’espérer quelques éclaircissements de la part de ceux qui ont été chargés de la défense de ses intérêts. Le gouvernement du Roi doit à la nation, qui lui a montré tant de confiance, un exposé fidèle de la véritable situation des affaires, et la conférence ne pourra qu’approuver la résolution que prendra le gouvernement belge de communiquer à la représentation nationale le contenu du présent office.
« Cette communication, les soussignés la doivent à l’Europe, à la Belgique, à eux-mêmes : à l’Europe, afin de constater que, si la paix pouvait encore être rejetée sur son véritable auteur ; à la Belgique, pour reconnaître la confiance qu’elle a témoignée au gouvernement du Roi pendant tout le cour des négociations ; à eux-mêmes, à l’effet d’éviter que l’interruption des négociations et le manque de résultat leur soient directement ou indirectement imputés.
« Enfin, après avoir ainsi rappelé à LL. EE. cette série de faits qui se sont passés sous les yeux de la conférence et de négociations qui ont eu lieu sous ses auspices, les soussignés ne doutent point que les cours d’Autriche, de France, de la Grande-Bretagne, de Prusse et de Russie ne réunissent, en tout temps et en toute circonstance, leurs efforts et leurs puissants moyens pour assurer à la Belgique la paisible et entière jouissance des avantages qui lui ont été garantis par la combinaison d’une convention spéciale avec un traité revêtu de la sanction commune des cinq cours.
« Pleins de cette légitime confiance, les soussignés prient LL. EE. d’agréer les nouvelles assurances de la plus haute considération.
« Londres, le 28 septembre 1833.
« Signés, Goblet, Sylvain Van de Weyer. »
La note que je viens de lire a été remise le samedi 28 septembre ; le 30, les plénipotentiaires du Roi ont été invités à se rendre au sein de la conférence. Ils y ont reçu la déclaration que leur note était accueillie comme étant l’exposé fidèle des motifs qui sont venus entraver les négociations, et l’on a rendu pleine justice aux intentions dont le cabinet de Bruxelles s’est constamment montré animé.
Messieurs, c’est à ce qui précède que doit se borner la communication que j’avais à faire à la chambre ; il importait qu’elle sût à quoi s’en tenir à l’égard des obstacles que les plénipotentiaires du Roi ont rencontrés sur leur route ; il importait qu’elle fût persuadée que le gouvernement, persévérant dans la ligne de conduite qu’il s’est tracée en prenant pour point de départ les traités qui nous lient, a compris la mission que lui donnaient les vrais intérêts de l’Etat.
Si je ne me suis pas étendu sur certains détails des négociations, la chambre en sentira et comprendra facilement les motifs. Ces détails sont relatifs à des questions qui, pour avoir été longuement débattues, n’ont pas cependant abouti à une solution et dont la discussion sera tôt ou tard reprise, pour en venir enfin au traité définitif qui doit mettre un terme à nos différends avec la Hollande. Ma discrétion dans cette circonstance est donc basée sur des raisons que la chambre ne saurait qu’approuver. J’ai une trop haute opinion de sa sagesse pour ne pas oser espérer qu’elle m’en saura gré, et qu’elle voudra bien s’abstenir de toute interpellation dont l’objet rentrerait dans le fond d’un traité qui fera sans doute encore et peut-être bientôt le sujet de nouvelles négociations. (L’impression !)
(Moniteur belge n°280, du 7 octobre 1833) M. Dumortier. - Lorsque dans une séance précédente, j’ai demandé que M. le ministre voulût bien donner à la chambre quelques éclaircissements sur l’état de notre question politique, je m’attendais bien à des explications insuffisantes, ou pour mieux dire, à des explications qui ne nous apprendraient rien. Je m’attendais à ce qu’on vînt avouer que les choses en sont au même point, et que tous les efforts de la diplomatie ont été insuffisants. Mais je ne croyais pas qu’on osât ajouter que le gouvernement persévérerait dans la même voie, qu’il continuerait à se traîner dans la voie humiliante et puérile des négociations. Puisque l’on n’a pas foi dans notre armée, pas foi dans le peuple, je croyais qu’au moins on renoncerait à toute conférence ave la Hollande jusqu’au jour où la Hollande aurait adhéré au traité.
Je demanderai si dans la conférence on a soutenu tous les droits de la Belgique. J’ai vu avec un grand étonnement que l’on n’avait pas parlé dans le rapport des droits de la patrie.
j’ai vu avec une profonde douleur que le gouvernement voulait se traîner péniblement dans l’ornière des 24 articles dans lesquels la nation voudrait que l’on ne fût pas entré.
Ce traité enlève à la Belgique nos frères du Limbourg et du Luxembourg. Qu’a-t-on fait relativement à la dette ? Je ne désire pas que l’on exécute le traité du 15 novembre ; je l’ai toujours repoussé, et quand on l’exécutera, ce sera pour moi un jour de deuil. J’ai trop de foi dans l’existence de la Belgique pour que je désire voir exécuter ce traité. Les habitants du Limbourg et du Luxembourg ont fait comme nous leur révolution en septembre ; ils ont les mêmes droits que nous à être libres et indépendants. Il ne faut pas dire qu’une partie du Luxembourg nous est donné en échange du Limbourg ; le gouvernement ne doit invoquer que les droits de la révolution. Ces droits sont imprescriptibles, comme l’a dit la France. Il m’importe peu que la Hollande nous reconnaisse. Sans doute il voudrait mieux vivre en paix avec tous les peuples ; mais si on ne nous reconnaît pas, nous pouvons nous passer de cette reconnaissance.
Je voudrais que l’on rentrât dans la voie révolutionnaire ; mais puisqu’on nous traîne dans l’ornière des 24 articles, je demanderai du moins ce que l’on a fait pour la dette.
J’espère que le ministre nous donnera des explications à cet égard.
J’omettais de vous soumettre une dernière réflexion.
J’ai vu avec peine que M. le ministre des affaires étrangères, pour faire son rapport, en ait demandé la permission à la conférence. (Bruit.) Cette conduite nous couvre de honte. Il faut parler à la conférence comme on lui parlait lors du congrès, comme on lui parlait dans les grands jours. Les ministres nous prosternent à ses pieds ; prenons, messieurs, une attitude digne d’un peuple libre.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Goblet) - Le discours de l’honorable préopinant contient deux espèces d’interpellations : les unes sont relatives à des détails dans lesquels notre devoir nous défend d’entrer, les autres concernant le traité du 15 novembre ; et sur ce point nous ne pourrons jamais nous rencontrer avec l’honorable membre. Ce traité, nous l’avons considéré, nous, comme l’ancre de salut de la Belgique ; nous avons résolu de ne pas nous en départir, et de le prendre pour base de toutes les négociations. Ainsi je ne puis répondre au désir exprimé par l’honorable membre sur l’anéantissement d’un traité que nous avons pris à tâche de maintenir.
M. Dumortier. - Vous avez dû remarquer le soin avec lequel M. le ministre évitait de nous parler de la dette : nous serions donc fondés à croire qu’il y a eu de ce côté quelque nouvelle concession humiliante pour notre pays. Mais il nous a fait savoir qu’il regardait le traité du 15 novembre comme une ancre de salut. Eh bien ! alors, qu’est donc dans votre opinion la convention du 21 mai ? Si vous avez quelqu’arrière-pensée de liberté et d’indépendance, demandez que l’on fasse disparaître du traité du 15 novembre les articles qui sont humiliants pour nous : d’ailleurs, messieurs, ce n’est pas un traité, puisque le roi Guillaume n’y a pas encore adhéré. Un traité est un contrat qui oblige deux parties : quand une seule a signé, le traité n’existe pas encore ; et, dans tous les cas, nous ne devons pas nous considérer comme étant liés, alors que le roi Guillaume se considère comme parfaitement libre.
Je demande que M. le ministre s’explique sur la dette.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Le discours que vous venez d’entendre respire des sentiments de patriotisme que personne de nous ne méconnaît sans doute, mais il forme, politiquement parlant, un véritable anachronisme ; il est trop âgé de deux ans. Il eût parfaitement trouvé sa place dans la discussion des 24 articles ; aujourd’hui, lorsque ce traité est devenu le droit public du pays par la volonté nationale, dont le gouvernement n’est que le premier agent, nous trahirions notre devoir si nous sortions de ce traité qui a reçu votre sanction. Jamais le gouvernement n’a dissimulé sa pensée à cet égard, il vous a déclaré que la sanction des principes de ce traité deviendrait le but de toutes ses négociations ; que tous ses travaux tendraient à réaliser ce qui est stipulé dans le traité du 15 novembre.
L’honorable préopinant ne tient pas, a-t-il dit, à la reconnaissance du roi de Hollande, et cependant il crie aux armes ! mais pourquoi la guerre ? Pourquoi, puisque vous ne voulez pas que le traité du 15 novembre s’exécute ? ne sommes-nous pas, à l’heure qu’il est, en possession des avantages que nous devons perdre par l’exécution de ce traité ? Est-ce que la guerre vous donnera mieux que la convention du 21 mai, est-ce qu’elle vous assurera davantage la possession du Limbourg et du Luxembourg ? En mettant même de côté les chances défavorables dont un homme d’Etat doit cependant tenir compte, croyez-vous que la guerre vous donnerait plus que vous ne possédez en ce moment ?
Comment, vous ne tenez pas à la reconnaissance du roi de Hollande et vous voulez courir aux armes ! mais que voulez-vous donc ? Il n’y a en politique que deux choses en ce monde, la guerre et la diplomatie. Cette guerre que vous voulez voter dans un élan de patriotisme soumettrait volontiers le projet à la nation, et la nation, j’en suis sûr, répondrait que la guerre est un moyen licite, alors seulement qu’il est prouvé qu’elle est la dernière raison du gouvernement sensé.
Ce n’est pas lorsque vous voyez l’industrie, la confiance renaître ; lorsque nos fonds luttent avec avantage sur les places de l’Europe avec le crédit de nations anciennement établies, qu’il faudrait conseiller la guerre. Oubliez-vous les flots de sang qu’elle fait couler, l’industrie qu’elle ruine, le commerce qu’elle anéantit ? Est-ce là ce qu’on voudrait en échange de toutes les chances d’affermissement politique qui se présentent à l’esprit des hommes qui jugent non avec des passions qui peuvent être fort généreuses, mais avec le sang-froid et la raison d’un homme d’Etat ?
On reproche au gouvernement de garder le silence sur la négociation relative à la dette. Mais ce silence est notre devoir tant que cette question ne sera pas arrivée à maturité. Lorsque le traité définitif vous sera soumis, tous les détails des négociations et des résultats qui les ont suivies vous seront présentés, et alors vous vous convaincrez que tous nos droits ont été énergiquement défendus.
Il n’est plus aujourd’hui question de la flotte. Le traité du 15 novembre a mis fin à nos réclamations ; les pièces publiées prouvent qu’à cet égard encore nous avions fait valoir nos droits. Si elles n’ont pas eu le résultat espéré, c’est par suite de circonstances malheureuses dont le gouvernement ne pouvait pas répondre ; si contre toute attente les droits de la Belgique se trouvaient définitivement lésés, vous auriez à voir si le gouvernement a des reproches à se faire, s’il n’a pas défendu notre cause avec assez de persistance et de dignité. Mais aujourd’hui le gouvernement ne peut vous révéler sa pensée sur tous ces points, car il initierait à ses vues non pas seulement les représentants du peuple belge, mais les ennemis de la nation auxquels il a le plus grand intérêt de cacher ses résolutions finales. (Bien ! bien !)
La chambre vote par appel nominal sur l’ensemble du budget des finances.
61 membres ont voté l’adoption ; 3 membres, MM. Dubois, Dumortier. Ch. Vilain XIIII se sont abstenus. En conséquence, le budget des dépenses du département des finances sera transmis au sénat.
M. Dubois. - Je me suis abstenu parce que je n’ai pas assisté à toutes les séances de la discussion.
M. Dumortier. - Mon intention bien formelle était de voter pour le budget ; mais la manière très insuffisante, avec laquelle M. le ministre des affaires étrangères s’est expliqué sur nos relations diplomatiques, l’assurance qu’il a donné que le gouvernement était destiné à continuer un système qui n’amènera aucun résultat, si ce n’est le déshonneur du pays ; l’aveu qu’il a fait de ne pas vouloir en venir aux dernières raisons des peuples, parce qu’il n’avait pas confiance dans la bravoure de la nation et dans l’avenir, me déterminent à m’abstenir de voter.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je proteste contre l’observation de l’orateur. Jamais le ministère n’a mis en doute le courage du peuple et la valeur de l’armée : rien de pareil n’est sorti de la bouche d’aucun des membres du ministère ; rien de pareil non plus n’est entré dans la pensée d’aucun de nous.
M. Dumortier. - Cela résulte évidemment du rapport du ministre des affaires étrangères ; c’en est la conclusion indispensable.
M. Ch. Vilain XIIII. - Je me suis abstenu parce que je n’étais pas présent à la discussion du budget des finances.
Nom des membres qui ont voté l’adoption : MM. Bekaert, Boucqueau de Villeraie, Brabant, Coghen, Coppieters, Corbisier, d’Autrebande, Davignon, de Brouckere, de Laminne, A. Dellafaille, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, de Nef, de Puydt, de Roo, Desmaisières, Desmanet de Biesme, Desmet, de Stembier, de Terbecq, de Theux, Dewitte, d’Hane, d’Hoffschmidt, d’Huart, Duvivier, Eloy de Burdinne, Ernst, Fallon, Frison, Hélais d’Huddeghem, Jadot, Jullien, Lardinois, Lebeau, Liedts, Meus, Milcamps, Nothomb, Olislagers, Polfvliet, Quirini, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Rouppe, Schaetzen, Simons, Smits, Thienpont, Trentesaux, Ullens, Vandenhove, Vanderbelen, Vanderheylen, Van Hoobrouck, Verdussen, Vergauwen, H. Vilain XIIII, Wallaert, Watlet, Zoude, Raikem.
M. Verdussen, ayant une motion à faire à la chambre, prie M. Liedts de donner lecture à l’assemblée des motifs de cette motion.
Voici les termes dans lesquels ces motifs sont exposés
Messieurs, vous venez d’émettre enfin le vote qui termine un des travaux les plus importants que la nation confie à ses représentants, la fixation des budgets. C’est au commencement du dixième mois de l’exercice, que vous avez mis fin à cette immense discussion, tandis que la dissolution de l’ancienne chambre et les congés limités qu’elle s’est donnés, n’ont guère ôté à la session parlementaire que trois mois de l’année courante.
Cette circonstance et le vœu, tant de fois énoncé dans cette enceinte, d’arrêter les budgets avant l’ouverture de l’exercice auquel ils se rapportent, joints au louable désir qu’a manifesté l’assemblée de faire dorénavant précéder l’examen des dépenses de celui des voies et moyens pour les couvrir, me portent à appeler votre attention et celui du ministère sur le temps qui nous sera désormais indispensable pour couvrir cette partie de nos devoirs publics.
Les considérations que j’aurai l’honneur de vous présenter vous feront sans doute partager ma conviction, que pour sortir de l’ornière vicieuse des crédits provisoires, nous devons aviser à des moyens efficaces que je me permettrai de soumettre à vos méditations.
Pour vous convaincre, messieurs, de l’impossibilité de voter en temps utile les budgets futurs, aussi longtemps que l’époque annuelle de notre réunion reste fixée au second mardi de novembre, il me suffira de vous rappeler le nombre de jours que vous avez consacrés à la discussion publique des différents budgets de 1833, dont 12 jours ont été employés, en décembre 1832, pour les voies et moyens ; 13, en mars et avril 1833, pour la guerre ; 8, en juillet, pour les travaux publics, et 37, depuis le 29 août, pour tous les autres budgets ; total, 70 jours de discussion publique, y compris les dimanches.
Ajoutons à ceci le temps nécessaire à l’examen dans les sections, aux débats et aux rapports de la section centrale, enfin à la discussion particulière et générale du sénat, et nous devons demeurer convaincus qu’il y a impossibilité physique d’éviter les crédits provisoires et par suite d’introduire dans vos dépenses publiques les économies dont évidemment elles seraient susceptibles, si nous n’étions sans cesse dominés et forcés dans nos votes par l’empire du temps, qui nous arrache des concessions, en faveur d’un exercice déjà entamé, que nous refuserions sans doute à un avenir plus ou moins éloigné de nous.
En vain nous flatterions-nous, messieurs, de l’espérance de voir disparaître les inconvénients que j’ai signalés pour les années qui suivront celle dans laquelle nous allons bientôt entrer : non, il en sera pour les exercices qui suivront l’année 1834 comme il en a été pour ceux qui l’auront précédée, car nous ne pouvons pas perdre de vue que la législature a d’autres devoirs constitutionnels à remplir que la fixation des revenus et des dépenses de l’Etat, puisque, indépendamment de la vérification des pouvoirs à des époques fixes, les chambres doivent, à l’ouverture de chaque session, nommer leurs présidents et composer leurs travaux, pour s’occuper ensuite incontinent de la fixation du contingent de l’armée, aux termes de l’article 119 de notre pacte fondamental.
Le moyen qui, suivant moi, porterait efficacement remède aux désagréments attachés à la marche irrégulière de notre administration financière, consisterait à changer l’époque du commencement de chaque exercice annuel, qui, au lieu de s’ouvrir au premier janvier, pourrait dorénavant courir du premier juillet au 30 juin de l’année suivante : c’est là le projet que j’ai l’honneur de livrer à vos réflexions, messieurs, ainsi qu’à celles du ministre, sans que cette proposition doive provoquer aucune décision immédiate de votre part ; l’application préparatoire n’en serait faite qu’à l’ouverture de la session, où il s’agirait de proroger, uniquement pour les six premiers mois de 1834, le régime des lois financières de l’année courante, pour n’appliquer le budget général qui sera ensuite soumis à vos délibérations qu’à partir du premier juillet prochain.
Ce n’est point par caprice ni sans motif que je propose de reculer d’un semestre entier l’ouverture de l’exercice prochain (car je voudrais accoler à l’année 1833 les six premiers mois de l’année suivante) ; je suis persuadé qu’il y aura des sessions où nous aurons besoin de plusieurs mois pour arrêter les budgets dans les deux chambres, surtout lorsque le système actuel des impôts sera en tout ou en partie remplacé par un système moins vexatoire quoique non moins productif.
D’ailleurs, messieurs, si mon projet est accueilli, vous serez appelés, à l’ouverture de la session prochaine, à voter un petit budget transitoire de six mois, qui, en grande partie, pourra se former de la juste moitié des sommes que vous avez fixées récemment, en faisant usage, pour les voies et moyens, de la faculté que vous laisse l’article 111 de la constitution ; je dis : en grande partie pourra se former de la juste moitié des sommes que vous avez fixées récemment, en faisant usage, pour les voies et moyens, de la faculté que vous laisse l’article 111 de la constitution ; je dis en grande partie, car tout en appliquant aux dépenses le principe de l’article 111 précité, vous n’ignorez pas que cette application ne saurait être générale, à cause des allocations qui sont spéciales à chaque exercice, et qui ne peuvent se reproduire dans une année subséquente ; tels sont, par exemple, les crédits ouverts pour les intérêts de la dette flottante ; pour l’exécution de certains travaux public ; pour subvention à la caisse de retraite et autres dépenses essentiellement variables ; mais les articles de cette nature forment le très petit nombre, et leur examen pourrait se terminer entre le 12 novembre, jour ouverture de la session future, et le premier janvier, ce qui certainement ne sera pas le cas, si la législature doit s’occuper de la discussion de tous les budgets de 1834.
Dans le n°278 du Moniteur, je viens de voir, messieurs, qu’un honorable membre du sénat, dans la séance du 3 octobre, s’est déjà sommairement occupé de l’objet sur lequel je me permets d’appeler votre attention ; il croit trouver une garantie suffisante contre les crédits provisoires dans la présentation des budgets pour 1834, au moment même de l’ouverture prochaine des chambres. Tout ce que j’ai eu l’honneur de vous dire tend à prouver que je suis loin de partager la confiance que l’honorable membre place dans l’adoption de cette mesure, et les nombreux articles qui, dans la dernière discussion des budgets, ont été renvoyés pour plus ample examen aux budgets de l’année prochaine, doivent déjà vous faire pressentir des débats vifs et prolongés, auxquels les deux corps législatifs de l’Etat devront nécessairement consacrer plus de six semaines.
Si mon opinion, à laquelle je me persuade que l’article 115 de la constitution n’est pas contraire, trouve quelque appui dans cette assemblée, sauf examen ultérieur, je prierai le ministère de prendre l’objet en sérieuse considération, pour, au besoin, rédiger en conséquence son travail sur les budgets qui suivront ceux que vous venez d’adopter.
M. le président. - Il n’y a plus rien à l’ordre du jour. La chambre s’ajourne indéfiniment.
Messieurs les députés seront avertis à domicile du jour où il y aura réunion.
-La séance est levée à 4 heures.