(Moniteur belge n°195, du 14 juillet 1833)
(Présidence de M. Raikem)
M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal à midi et demi ; la rédaction en est adoptée.
Plusieurs pièces adressées à la chambre sont renvoyées à la commission des pétitions.
M. le président. - Nous en sommes restés à la dernière proposition ; voici comme elle est conçue :
« Allocations à faire à titre de subside aux provinces ou sociétés qui se chargeraient à leurs frais de l’établissement des communications :
« De Binche vers Beaumont ;
« D’Enghien à Grammont ;
« De Tournay à Renaix ;
« De Lessines à Renaix ;
« De Huy vers Tirlemont ;
« De Bierset vers Hannut ;
« De Châtelet vers Anthée ;
« De Lierre vers Aerschot. En tout 62,000 fr. »
Plusieurs amendements sont proposés sur ce dernier numéro. MM. Zoude, A. Rodenbach, de Nef, Eloy de Burdinne, Fleussu, Frison en sont les auteurs.
M. le président propose d’entendre le développement de ces divers amendements et en donne lecture. Les voici :
« J’ai l’honneur de proposer d’allouer une somme de 15,000 fr. pour un commencement d’exécution de la route de Charleroy à Beaumont. » (Frison)
« J’ai l’honneur de proposer d’accorder au gouvernement sur les produits des barrières une somme de 147,000 fr., pour être répartie à titre de subside aux provinces, communes, sociétés qui se chargeraient à leurs frais de communication. » (Fleussu)
« J’ai l’honneur de proposer à la chambre d’accorder à la route de Marche à Bouillon, par Saint-Hubert, la somme de quarante mille francs. » (Zoude)
« Je propose à la chambre d’allouer un subside de 10,000 fr. sur l’excédant du produit des barrières, exercice 1833, pour commencer la construction d’une partie de route, destinée à remplir la lacune qui existe dans la communication entre Courtray et Roulers, passant par Iseghem et Rumbeek. » (A. Rodenbach)
« J’ai l’honneur de proposer à la chambre d’allouer pour un commencement d’exécution de la route de Passchendaele à Roulers, 15,000 fr. sur le service de 1833. (A. Rodenbach)
« J’ai l’honneur de proposer à la chambre, pour un commencement d’exécution de la route de Turnhout à Diest, par Gheel, vingt mille francs sur le service de 1833. » (de Nef)
M. Dumortier. - Je demande la parole sur la route de Tournay à Renaix.
M. Teichmann, commissaire du Roi, demande la parole. - Messieurs, dit-il, dans le budget de l’intérieur et dans ma proposition, il a été fait une distinction claire entre les différentes catégories de communications. Dans la première catégorie de ma proposition, celle qui se termine aux allocations à titres de subside, ne sont comprises que les routes de première ou de seconde classe. Dans la catégorie qui suit, à laquelle doit s’appliquer l’allocation à des sociétés ou des provinces qui se chargeraient à leurs frais de certaines communications, ne sont comprises aucune des routes, ni de première ni de seconde classe. C’est eu égard à cette classification que le gouvernement dans le budget, et que moi, dans la proposition que je vous ai soumise, avons demandé qu’une somme globale de 62,000 fr. fût laissée à la disposition de l’administration.
Par ce moyen, une partie de cette somme pourrait être allouée soit à des provinces, soit à des sociétés à titre de don, de prêt, ou à titre d’engagements réciproques à prendre entre les sociétés, les provinces et le gouvernement ; en sorte que le gouvernement serait en position d’amener avec discernement l’exécution de plusieurs communications dans l’intérêt général, dans l’intérêt des localités et souvent aussi dans l’intérêt des routes considérées comme propriétés du domaine public.
Je demanderai donc qu’avant de passer outre à la discussion sur les routes qui sont indiquées dans la seconde catégorie, on épuise la discussion qui pourrait être ouverte sur les communications qui rentrent dans la première. Et comme la route de Tournay à Renaix est indiquée dans la seconde catégorie, je demande qu’on ne discute les faits allégués en faveur de l’établissement de cette communication que quand ou aura terminé ce qui concerne les communications de première et de deuxième classe.
M. Dubus. - M. le commissaire du Roi a fait deux catégories dans sa proposition : sur quoi est fondée cette distinction des routes ? Est-ce là caprice de l’administration qui détermine la classe dans laquelle une route est comprise, ou bien une route est-elle classée selon l’intérêt dont elle est pour le pays ? A coup sûr, ce classement ne doit pas être laissé au caprice ; il faut apprécier l’avantage dont une route peut être, afin de savoir si elle est de première ou de deuxième classe, ou si elle est route provinciale.
Selon la pensée du gouvernement, une route provinciale est celle dont les points de départ et d’arrivée sont dans une même province. Quand les routes établissent des communications entre plusieurs provinces, ou avec une ville principale d’un pays voisin, ces routes sont d’un plus haut intérêt, et on les met dans la deuxième classe. Les routes qui partent du centre, qui partent de la capitale pour communiquer avec les pays voisins, les routes frontières, sont dans la première classe ; voilà la distinction qu’on doit faire entre les routes.
Il est évident, par là, que plusieurs des routes placées dans la première catégorie par M. l’inspecteur-général sont de la deuxième classe ; mais je n’ai point à rechercher ce que l’administration a déclaré relativement aux routes ; je n’ai à examiner que ce qu’elles sont en elles-mêmes.
L’an dernier, on vous a présenté un projet de loi déterminant la classification des routes ; là, la pensée du gouvernement est claire ; eh bien ! il est plusieurs routes, placées par la proposition dans la dernière catégorie, qui ont été placées, par le projet de loi, dans la deuxième classe : telle est la route de Tournay à Roubaix, celle de Huy à Tirlemont.
M. Teichmann, commissaire du Roi. - Les motifs que l’orateur fait valoir pour placer la route de Tournay à Roubaix dans la deuxième classe, sont fondés sur les modifications que le gouvernement proposait dans la classification des routes ; mais ces modifications sont restées en projet.
Jusqu’à ce jour, cette route a été entretenue avec les fonds provinciaux ; les droits de barrière ont été perçus au profit de la province ; mais ni la loi sur les barrières, ni une loi spéciale, ni un arrêté du gouvernement n’ont changé la position de cette route, qui a été considérée, sous l’ancien gouvernement, comme une route provinciale. Il est impossible à l’administration, quels que soient ses motifs pour reconnaître que la route est d’une haute importance, d’y appliquer une partie des fonds disponibles, à moins que ce ne soit à titre de subside.
M. de Theux. - M. le commissaire du Roi voudrait qu’on discutât ce qui concerne les routes de première et de seconde classe comprise dans le budget. Je ferai remarquer à l’assemblée que nous ne discutons pas le budget, mais bien la proposition faite par l’honorable commissaire. Or, toutes les spécialités ont été discutées ; reste à nous occuper des routes pour lesquelles on demande une allocation globale.
Quant aux distinctions faites par M. le commissaire du Roi entre les routes, je suis d’accord avec lui ; cependant il me semble que parmi les routes comprises dans l’allocation globale, il en est qui sont au moins de deuxième classe : telle est celle de Huy à Tirlemont. Le gouvernement s’en est même réservé la propriété dans l’acte de concession, Cette route mérite d’autant plus les faveurs du gouvernement, que la province de Liège a fait un fonds de 160,000 fl., payables en 20 années, et dont elle ne retirera jamais rien. Je demande si contre une route de cette espèce on pourrait opposer une fin de non-recevoir ?
M. Teichmann, commissaire du Roi. - Quelque puissantes que soient les considérations développées relativement à la classification des routes, il faut bien que le gouvernement parte de ce qui est : dans les routes de première et de seconde classe vous ne trouverez pas la route de Huy à Tirlemont, ni la route de Roubaix à Tournay.
Le gouvernement ne peut donc accorder des subsides à ces routes, à moins que leur classification ne soit changée. Quelques routes peuvent devenir de deuxième classe à certaines conditions, et c’est pour cela que le gouvernement demande la possibilité de pouvoir prendre, soit avec les provinces, soit avec les particuliers, des engagements tels que les intérêts du pays ne soient pas lésés.
M. Trentesaux. - Je ne vois pas pourquoi ce qui n’a pas été fait jusqu’à présent ne pourrait pas être fait actuellement, lorsqu’on donne des raisons décisives pour le faire. Il n’y a point de route, en Belgique, qui ait joué de malheur comme cette route de Tournay à Roubaix. Une espèce de fatalité s’est constamment attachée à tous les projets conçus, à tous les efforts tentés pour exécuter cette route. Je défie qu’on me cite dans toute la Belgique deux points de l’importance des villes de Tournay et Renaix et aussi rapprochés, et ne jouissant pas de l’avantage d’une chaussée bien conditionnée.
Il y a vingt-cinq à trente mille âmes à Tournay ; il y a douze à quatorze milles âmes à Roubaix. Quels sont les causes de cette espèce de fatalité qui a frappé ces deux points ? Je crois l’avoir découvert ; c’est que tout ce pays se trouve à l’extrémité de deux provinces ; vous savez qu’en général la sollicitude des provinces se porte vers le centre et se dirige rarement vers les extrémités, si tant est qu’elle s’y dirige quelquefois. Les états de Tournaisis ont commencé la route mais le Hainaut n’a rien fait, mais la Flandre n’a rien fait, et ce point important a été complètement oublié.
On vous a exposé, dans le rapport de la section centrale, que la route de Tournay à Roubaix est commencée depuis 30 ans. Il y a peut-être un myriamètre à construire ; l’utilité de cette route, la somme qu’elle coûtera, sont des considérations qui devraient en faire voter l’exécution ; on dépensera peut-être 100,000 fr.
M. Teichmann, commissaire du Roi. - En dépensant le double, la route serait faite à bon marché.
M. Trentesaux. - Vous dites 150,000 fr. ? Soit.
M. Teichmann, commissaire du Roi. - 200,000 fr. et plus !
M. Trentesaux. - L’utilité de la route serait immense pour l’agriculture de ce pays. Le sol y est froid, humide ; c’est un sol compact. A côté du vice du sol, la nature a placé le remède. Tout le monde sait que la chaux est ce remède, non la chaux comme engrais, mais la chaux opérant sur les terres compactes de manière à les rendre meubles. Cette chaux de Tournay se répand sur toutes le terres de la rive gauche de l’Escaut ; sur la rive droite, faute de route, on ne peut aller à la chaux, comme on dit dans la contrée ; ainsi par la communication que nous réclamons vous vivifierez.
Dans un rayon de trois lieues aux environs de Tournay, les villages n’ont pas d’autre débouché, d’autre marché que celui de cette ville. Les chariots des villages situés du côté qui n’a point de chemin pavé, sont attelés de cinq chevaux, tandis que les chariots des autres villages ne sont attelés que de deux chevaux, quoiqu’avec des charges plus fortes.
Je terminerai en disant que je ne pense pas qu’on puisse indiquer un seul point du royaume où, pour une somme aussi peu importante, vous puissiez obtenir un résultat d’une valeur aussi grande. J’espère, messieurs, que si je n’ai pas porté la conviction dans vos esprits, j’aurai du moins l’avantage de vous avoir déterminés à examiner la question, et que si la contrée dont je vous ai entretenus n’obtient rien aujourd’hui, vous ne pourrez pas lui faire éprouver un refus semblable à la première occasion.
M. Desmet. - Je demande la parole pour une motion d’ordre : je crois qu’on doit commencer la discussion par l’amendement de M. Fleussu.
M. le président. - M. Eloy de Burdinne demande une allocation de 70,000 fr. pour construire une route de Huy à Tirlemont. Il a la parole pour développer son amendement.
(Moniteur belge n°196, du 15 juillet 1833) M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, en déposant mon amendement, j’avais pour but d’obtenir une somme suffisante pour activer une construction de première importance. Je vais chercher à en convaincre la chambre, qui voudra bien m’accorder un moment d’attention ; je la réclame de son indulgence.
De tout temps, messieurs, l’utilité d’une communication de Huy à Tirlemont fut reconnue. Avant la réunion à la France, le territoire qu’elle devait parcourir appartenait à divers pays et à des provinces différentes. Ce motif a fait ajourner la construction d’une communication qui, à l’époque de la réunion de la Belgique et de la principauté de Liége à la France, a été considérée d’une utilité de premier ordre.
Vers l’an 1810, si je me le rappelle bien, le gouvernement reconnut l’utilité de cette construction. Après de nombreuses réclamations de la part du conseil d’arrondissement de Huy, le gouvernement prit des mesures pour en assurer l’exécution. Des centimes additionnels furent imposés pendant deux ans au moins ; et à l’époque de 1814, il y avait des fonds destinés à cette construction.
Vous dire, messieurs, ce qu’ils sont devenus, est chose assez difficile ; mais je les suppose dans une caisse sans fond, soit caisse d’amortissement ou du syndicat ; premier échec que rencontra cette construction.
En 1815, le royaume des Pays-Bas a remplacé le gouvernement de l’empire, et les états de Liége n’ont pas perdu de vue la route de Huy à Tirlemont : ils ont réclamé près du gouvernement en 1817 (si ma mémoire est fidèle) la confection de cette communication.
Vers 1818, ordre fut donné à M. de Ketelbuter, ingénieur en chef du Waterstaat de la province de Liége, de se rendre sur le terrain et de faire le nécessaire pour les travaux préparatoires.
M. l’ingénieur se rendit à Huy, et reconnut que, pour sortir du bassin de la Meuse et gagner le plateau de la Hesbaye, il ne pouvait tracer la route en ligne droite : des rochers et le lit de la Méhaigne y mettaient obstacle. Il reconnut que, pour sortir du bassin de la Meuse et gagner les hauteurs, on devait faire un quart de cercle, soit à droite soit à gauche. M. l’ingénieur donna la préférence en le traçant à gauche.
Son rapport fait au gouvernement, il l’envoya aux états de Liége qui réclamèrent sur le motif qu’ils voulaient que le waterstaat donnât à droite et non à gauche pour sortir du bassin de la Meuse ; enfin l’ingénieur persista à vouloir donner à gauche, les états à droite, et finalement on ne donna ni d’un côté ni de l’autre. Cette construction fut ajournée, et finalement le gouvernement informa les états de Liége que la route ne se confectionnerait qu’autant que la province voudrait la faire construire à ses frais ; deuxième échec.
La province, faute de moyens pécuniaires, ne put se charger d’une dépense de 240,000 fl. que devait coûter cette construction sur son territoire, environ 6 lieues 174.
Une société d’actionnaires s’est formée, à la tête de laquelle s’est placé M. le comte de Fiquelmont, à qui je rends bien volontiers hommage du zèle qu’il a mis à se procurer des dons, des actions, des prestations des communes qui, par leur position, étaient appelées à profiter de cette communication ; il sollicita en outre près des Etats, avec le même zèle, un subside qui fut accordé dans la session de 1825, et fixé à 160,000 fl., payables en 20 ans.
Il n’est pas inutile de faire remarquer que le roi Guillaume, qui n’était jamais des derniers à prendre des actions dans les entreprises où des avantages étaient patents, compléta le nombre d’actions : il en eut pour environ 25,000 fl., de manière que les dons, les prestations, les actions réunis à la somme votée par les états (mais remarquez-le bien, messieurs, en vingt ans) donnèrent le total de 240,000 fl., montant des devis que devait coûter cette construction de Huy à Tirlemont sur le territoire de la province de Liège.
En 1829, la demande d’autorisation fut faite au gouvernement, et par arrêté du roi en date du 17 juillet 1830, elle fut accordée. Voici cet arrêté :
« Arrêté royal du 17 juillet 1830, maintenu dans toutes ses dispositions par arrêté du comité central du gouvernement provisoire, en date de 15 février 1831.
« Art. 1er. La construction de la route de Huy à Tirlemont, réunissant celles de 1ère et de 2ème classe de Liège à Louvain, de Louvain à Namur, et de Namur à Liége par Hannut, le long de la rive gauche de la Méhaigne, est autorisée par la présente.
« Art. 2. La société particulière, formée à Huy pour l’établissement de cette route, est également autorisée.
« Le règlement de l’association, délibéré par la commission des actionnaires, est approuvé tel qu’il est annexé à notre présent arrêté.
« Art. 3. Cette construction aura lieu sous la surveillance immédiate du département du waterstaat, de l’industrie nationale et des colonies, d’après les directions et dimensions qui seront ultérieurement arrêtées par nous.
« Art. 4. Ladite société est autorisée à ouvrir, au taux de 4 p. c., un emprunt équivalant à la totalité de la dépense nécessitée par l’établissement de cette route.
« Art. 5. Le produit des barrières à établir sur la route, et dont le placement sera ultérieurement déterminé par nous, suivant le tarif en usage sur les grandes routes et les routes provinciales, sera affecté en premier lieu au paiement des frais d’entretien et de réparation, des salaires des surveillants des travaux, etc. Les neuf dixièmes de l’excédant seront appliqués au paiement des intérêts des actions, et au remboursement des capitaux, à l’exception de la somme de 160,000 fl. votée par la province, et des dons votés par les communes.
« Le dixième de ces fonds restera en réserve pour couvrir les dépenses imprévues.
« Art. 6. La société rendra compte annuellement au département de l’intérieur du revenu mentionné à l’article précédent, et de l’emploi qui en a été fait.
« Art. 7. Après le remboursement de l’emprunt ouvert par la société, celle-ci restera pendant dix ans dans la jouissance du produit des barrières. A l’expiration de ce terme, la route et ses dépendances deviendront la propriété du gouvernement.
« Les fonds qui, à cette époque, se trouveront en caisse, seront délivrés à la société, déduction faite des frais et dépenses mentionnés à l’art. 5.
« Art. 8. Si, par des circonstances imprévues, le droit de barrière venait à être supprimé, nous garantissons à la société le remboursement d’une somme égale aux revenus qu’elle perdrait par cette circonstance.
« Dans le cas où nous diminuerions le tarif du droit, nous garantissons à la société le paiement d’une somme égale à la différence des produits de l’ancien droit et du nouveau.
« Art. 9. La société ne pourra être privée des droits qui lui sont assurés par notre présent arrêté, que pour inexécution ou contravention aux dispositions y énoncées.
« Notre ministre, etc. »
Vous allez voir, messieurs, que pour la troisième fois la route de Huy à Tirlemont joua de malheur.
Le roi Guillaume, actionnaire principal, nous a quittés sans payer ses actions, et de ce chef il résulte un déficit de 60,000 fr. environ.
Vous concevez, messieurs, que 60,000 fr. payables en 20 ans ne représentent que l’intérêt du capital, et les actionnaires avaient l’espoir d’obtenir du gouvernement une avance égale au montant de la somme votée par les états, ou au moins une somme de 100,000 fl., à récupérer sur les 13 années des 20 ; et à l’époque on avait droit de prétendre au million d’industrie, au moins dans certaines localités. Je doute cependant que la province de Liége, surtout la partie de la Hesbaye, eût éprouvé cette faveur.
Quant à moi, j’espère plus actuellement qu’à l’époque où nous étions sous le règne du roi Guillaume, c’est-à-dire que je compte sur la coopération de la chambre pour mettre à fin un projet d’utilité générale sous tous les rapports.
Je vais entreprendre de vous retracer l’utilité de la route dont il est question.
1° La ville de Huy possède une multitude de manufactures de diverses espèces, que je vais énumérer au moins en partie.
En première ligne je place : 1° la forgerie, qui est très considérable ; 2° les manufactures de zinc ; 3° de fer-blanc ; 4° les alunières ; 5° les belles tanneries ; 6° les distilleries ; 7° les papeteries ; 8° les faïenceries ; 9° les salines, etc., etc.
Je m’arrête, messieurs, sur cette énumération ; plusieurs de nos honorables collègues, j’en suis bien persuadé, traiteront cette question mieux que moi, et suppléeront, j’en suis bien convaincu, aux omissions que je pourrais commettre.
Je ne crois pas cependant inutile ici, messieurs, de vous faire observer que le commerce de Huy a des relations fréquentes avec Tirlemont, Louvain, Malines, Anvers et la Campine, et que pour transporter ses produits, ou recevoir les matières premières nécessaires à alimenter ses établissements, il est obligé, pour se rendre à la première ville ci-dessus désignée, de se diriger par Namur ou Liége, et faire 5 à 6 lieues sans se rapprocher du point où il doit se rendre. De Huy à Namur, ou Liége, il y a près de 6 lieues ; de Liége à Tirlemont il y en a près de 11. De manière que de Huy à Tirlemont il y a 16 lieues par Liége et 14 à 15 par Namur. Le commerce de Huy, pour transporter ses produits à Tirlemont et vice versa, doit parcourir au moins une distance de 14 lieues, tandis que par la route projetée cette distance est réduite à 8 ; différence de près de moitié. On me dira peut-être que cette distance est moins forte de Huy à Anvers, ville avec laquelle Huy a plus de relations ; cette observation est exacte ; nous allons voir la différence. De Huy à Anvers, par Namur et Louvain, communication la plus courte, il y a 23 lieues, et par suite de la construction de la route dont il est ici question, la distance qui sépare ces deux villes est de 19 lieues ; différence en moins 4 lieues, ou environ une journée de charroi.
Il résulte donc que l’absence d’une communication directe de Huy à Tirlemont constitue le commerce et l’industrie de la ville de Huy en dépense d’une journée de charroi pour chaque charretée de marchandises qu’elle reçoit ou qu’elle expédie vers ou de Tirlemont, Louvain, Malines ou Anvers.
Eh bien, messieurs, en accordant la somme que je réclame de 60,000 fr. aux actionnaires de la route de Huy à Tirlemont, pour achever cette communication, vous affranchissez l’industrie et le commerce de Huy d’une énorme contribution : plus vous contribuez à faire fleurir ses fabriques, plus, selon moi, messieurs, vous ferez acte de justice, tout en créant une source de prospérité, non seulement à Huy, mais encore au Brabant, au Luxembourg, à Anvers, à la Campine, et à l’agriculture de la Hesbaye et du Condroz, et aux vignobles de Huy.
Je n’en dirai pas davantage, messieurs, sur le rapport de l’intérêt que doit éprouver l’industrie manufacturière et commerciale de Huy, résultant de la confection de la route projetée.
Je laisse ce soin à d’autres plus versés que moi dans ce genre de source de prospérité publique, et leur tâche est facile.
D’autres branches d’industrie sont appelées à profiter de cette communication : les belles carrières de Vinalmont, à une lieue de Huy, et contiguës à la route, sous le rapport de ses pierres de la plus grande beauté, et propres à en faire les plus beaux édifices, et en outre, de la meilleure qualité pour convertir en chaux, ayant à une demi-lieue la houille pour cette opération. Louvain, Tirlemont et autres lieux viendront s’approvisionner à ces carrières de pierre et de chaux, et la route sera destinée à favoriser les propriétaires des carrières de Vinalmont, ainsi que la population du Brabant, d’Anvers et autres lieux. En outre, les houillères maigres et grasses abondantes, et se trouvant à une lieue et moins de cette route, seront transportées vers Tirlemont pour approvisionner ces localités ; les malheureux pourront s’en procurer à un taux qui dépassera peu la moitié de ce qui leur en coûte actuellement.
Je ne finirais pas si je devais tout dire sur ce sujet ; mais je dois vous parler de l’agriculture. En ma qualité de cultivateur, je croirais manquer à mon devoir si j’omettais de vous parler des avantages que cette route doit procurer à l’agriculture, première branche sans contredit de l’industrie de la Belgique, et qui donne à vivre aux deux tiers de sa population, mais qui malheureusement est si peu appréciée dans presque tous les pays et dont on ne se souvient en général que pour en tirer des ressources pécuniaires ; en un mot, c’est une mine qu’on exploite comme le ferait un usufruitier en temps-raccourci. Je m’arrête ; je désire de n’avoir pas souvent l’occasion de rentrer dans cette matière, que je ne renonce pas à traiter et que je ferai le cas échéant.
Revenons à l’avantage de la route sous le rapport de l’agriculture. Je ferai d’abord observer que le sol qu’elle traverse, est un sol marécageux en grande partie ; que, pendant quatre à cinq mois d’hiver, les chemins sont impraticables pour les voitures, et que pour ce motif les produits des terres destinés à être livrés à la consommation des villes doivent être transportés à dos de chevaux, de manière que deux forts chevaux emploient une journée pour transporter au marché quatre hectolitres de froment, tandis que si la route était construite, les deux chevaux attelés à une charrette en transporteraient dix fois autant avec moins de peine et pourraient au retour ramener des marchandises ; en un mot, les frais de transports, qui coûtent 10, seraient réduits à moins de deux : donc 80 p. c. de bénéfice. Notez que l’espace qui est sans route est de 12 lieues sur 8. En jetant les yeux sur la carte, on peut vérifier ce que j’avance.
Ce sol susceptible d’amélioration a besoin de chaux et d’engrais étrangers ; les cultivateurs pendant l’hiver pourraient s’occuper de ces transports ; la route étant confectionnée, en outre, pendant cette saison, ils pourraient s’approvisionner de chauffage, et ne devraient pas souvent négliger la culture des terres pendant l’été, pour faire leurs provisions d’engrais et de combustibles. Ce temps précieux serait exclusivement employé à soigner la culture, et tout agronome sait que les produits sont en rapport au soin que l’on met à bien cultiver, et surtout en temps sec, quand il s’agit de travailler une terre compacte.
Un autre avantage, messieurs, et qu’il n’est pas inutile de vous signaler, c’est le suivant. La presque totalité des bâtiments d’exploitation de la Hesbaye est couverte en chaume, et l’on sait que ces chaumes distraits de l’exploitation occasionnent un déficit dans les engrais. La route établie, on pourrait pendant l’hiver, en conduisant les grains à Tirlemont, ramener des tuiles qui serviraient à remplacer les chaumes, et par suite les métairies couvertes de tuiles ne seraient plus autant exposés aux incendies si fréquents en Hesbaye. Outre les avantages que je viens de signaler en faveur de l’agriculture, je prétends que le commerce de Tirlemont, Louvain et autres lieux, ainsi que leurs fabriques, en retireront un avantage réel, ainsi que les fabriques de tuiles, de bière de Hougarde et autres.
Ce que je viens d’avoir l’honneur de dire sur les avantages à procurer à l’agriculture de la Hesbaye, se rattache à la partie située sur la rive droite de la Meuse, nommée Condroz, qui pourra transporter vers Louvain, à infiniment moins de frais, ses avoines, ses orges, ses semences de trèfles,etc. ; en outre, les douves ou clappes pour faire des tonneaux, cercles, écorces et autres produits, avantage incalculable sous tous les rapports.
Mais, messieurs, s’il ne s’agissait que d’une communication à établir de Huy à Tirlemont, pas de doute que cette communication serait d’un intérêt majeur. Mais, messieurs, il s’agit d’un plan bien plus vaste que je vais vous faire connaître : une société d’actionnaires est prête à poursuivre cette route de Tirlemont à Huy vers Terwagne, et comme il est question de prolonger la route de Liège à Terwagne jusqu’à Marche, une communication sera établie d’Anvers, Malines, Louvain, Tirlemont, etc., en ligne presque droite, jusqu’à Marche, et bien plus courte qu’en passant par Namur.
Vous n’ignorez pas, messieurs, qu’à Huy il y a un fort assez important ; si le hasard voulait qu’il fût attaqué, cette route de Huy à Tirlemont faciliterait les moyens de le secourir.
Je me résume et vous prie d’accorder 60,000 fr. comme subside ou comme avance à récupérer sur les fonds que donne la province pour une construction qui, selon moi, est la plus importante de toutes celles pour lesquelles on réclame des fonds. Pour vous convaincre de l’exactitude des faits que je viens de vous signaler, je vais vous lire l’exposé de la situation de la province de 1830 :
« Les difficultés qu’on avait d’abord rencontrées, relativement à l’insuffisance de fonds pour l’ouverture de la route de Huy à Tirlemont, ont été à peu près surmontées. La partie projetée dans la province de Liége, sur six lieues et un quart de développement, est évaluée à 240,000 fl. Le fonds voté par les états en 1825, à charge de la province, est de 160,000 fl. ; les actions recueillies chez des propriétaires ou des capitalistes s’élèvent à 65,000 fl., et S. M., à laquelle, ainsi que nous l’avons annoncé dans le dernier exposé de la situation de la province, la liste de souscription a été présentée lors de son séjour à Liége, a bien voulu, par arrêté du 1er août 1829, déclarer prendre pour son propre compte le nombre d’actions qui manquaient alors, pour couvrir les frais de construction de la partie de la route dont il s’agit.
« L’administration du waterstaat, de concert avec la commission des actionnaires, s’occupe des levées des plans, des nivellements et devis ; et l’on espère être en mesure de mettre bientôt une partie du projet en adjudication. »
Cette route, messieurs, sera très fréquentée, j’en ai la certitude, et sera d’un grand produit sous tous les rapports ; pour ce motif, le gouvernement est intéressé à ce qu’elle soit achevée le plus tôt possible, puisqu’aux termes du contrat il est appelé à en devenir le seul propriétaire, après que les actionnaires seront remboursés aux termes dudit contrat ; et comme la province fait don de 160,000 fl. (près de 350,000 fr.), ce don est encore à l’avantage du gouvernement ; et, messieurs, on ne doit pas ici se le dissimuler, un capitaliste qui connaîtrait ses intérêts n’hésiterait pas à faire la dépense que je réclame du gouvernement, s’il était appelé à jouir des avantages que la contrée donne au gouvernement, qui ne sont pas les seuls, comme il est facile de le démontrer et que chacun saura apprécier.
Si j’avais mission de la part des actionnaires, je n’hésiterais pas à vous demander de résilier un contrat du … août 1830, et je le garantis, en moins de deux ans cette route serait construite et en rapport, et la société ou le financier qui se trouverait subrogé en tierce place et degrés du gouvernement, ferait une excellente spéculation.
En voici la preuve :
La route coûtera environ 680,000 fr.
La province donne 350,000 fr.
Les actionnaires, environ 200,000 fr.
Le gouvernement ou le financier qui le remplacerait, environ 130,000 fr.
Total 680,000 fr., somme égale à la dépense.
Ainsi pour une avance de 130,000 fr., au bout de quinze à vingt ans on acquerrait une route qui rapporterait net 25,000 fr. au moins.
Cette construction offre trop d’avantages pour l’Etat, pour que l’on hésite un instant à accorder les sommes que je réclame.
Dans tous les cas, j’ai rempli mon devoir ; la chambre jugera de cette question ; si j’ai erré, c’est de bonne foi, elle décidera ; et si elle est contraire à ma proposition, j’aurai à me résigné. J’ai dit.
(Moniteur belge n°195, du 14 juillet 1833) - L’amendement est appuyé.
M. A. Rodenbach. - Messieurs, le commissaire du Roi nous a dit que le but du gouvernement était d’avoir à sa disposition une somme globale pour la distribuer entre les provinces, les communes, les villes qui seraient disposées à coopérer aux dépenses de l’établissement des routes : je pense que les bouts de routes que je demande par mes amendements sont dans ce cas. Je retire donc les amendements que j’ai présentés.
Mais, tout en retirant mes amendements, je ferai observer que les barrières produisent dans ma province un excédant de 130,000 fr. Jusqu’à présent il ne lui a été alloué que 30,000 fr. J’aime à croire que le gouvernement, observateur des règles de la justice distributive, ne donnera pas à une province quatre ou cinq fois plus qu’à une autre.
M. le président. - M. Frison demande 15,000 fr. pour un commencement d’exécution de la route de Charleroy à Beaumont. La parole est à M. Frison pour exposer les motifs de sa proposition.
M. Frison. - Messieurs, je répondrai en quelques mots à une assertion émise dans la séance d’hier par un honorable membre ; l’arrondissement de Charleroy est particulièrement favorisé, vous a-t-on dit ; on ne lui refuse rien. Eh bien ! messieurs, la route de Charleroy à Beaumont est projetée depuis longtemps, les plans en sont achevés, et aucun commencement d’exécution n’a encore eu lieu. Cette route produira un débouché indispensable aux agriculteurs de l’arrondissement ; elle les mettra en rapport avec les marchés de deux villes, entre lesquelles il n’y a pas d’autre communication qu’un chemin de terre, totalement impraticable en hiver ; elle offrira de plus une communication militaire tellement urgente, que c’est par cette voie que nous arrivent les prompts secours de la France : cette considération est d’autant plus grave, messieurs, que nous sommes condamnés à ne pas nous défendre nous-mêmes. Apres que des négociations diplomatiques ont échoué, l’armée française seule paraît être chargée de la défense de nos droits, de notre indépendance et de notre honneur.
Je ne vois donc point le motif, messieurs, qui pourrait porter à rayer du projet qui vous est soumis la route de Charleroy à Beaumont ; je demande donc qu’elle y soit maintenue ainsi qu’elle l’est au budget, article du service général des routes ; l’honorable M. Teichmann avouera d’ailleurs que, dans son projet devenu celui de l’honorable M. Jullien, c’est par erreur que la route de Charleroy à Beaumont a été omise.
M. Fleussu. - Messieurs, lorsque la chambre dissoute a formulé la loi sur les barrières, elle a érigé en principe que les excédants des produits seraient appliqués à l’entretien, à l’amélioration ou à la construction des routes ; nous sommes aujourd’hui occupés à faire l’application de ce principe ; mais s’ensuit-il que la législature doive déterminer l’emploi de ces produits ? Je ne le pense pas, et je crois que du système contraire résulteraient les plus graves abus ; que ce serait arrêter le gouvernement dans ses mouvements, et le mettre dans l’impossibilité de faire tout le bien que les circonstances lui permettraient d’opérer.
Il faut prendre garde, messieurs, de faire de l’administration dans la chambre ; on l’a dit souvent, cependant, depuis que le projet est en discussion, il me semble que nous n’avons fait que de l’administration ; j’en ai fait l’observation dès le premier jour de la discussion.
Est-ce à la législature à examiner et à pouvoir apprécier les travaux que réclame chacune des routes de l’Etat ? Que doit faire la législature ? Elle doit mettre en pratique le principe inscrit dans la loi des barrières, elle doit accorder au gouvernement un crédit pour autoriser l’emploi des produits des barrières, elle doit accorder provisoirement un crédit de 600,000 fr. ; voilà sa première besogne. Par la seconde elle doit veiller à ce que les produits des barrières ne soient pas détournés de leur emploi. Tout le reste appartient au gouvernement, tout le reste est du ressort des mesures administratives.
Aussi, messieurs, remarquez-le bien (et la remarque vous en a déjà été présentée par le judicieux M. Dubus), dans le budget de l’intérieur qui vous est soumis, à côté du crédit total demandé pour les travaux des routes, il y a l’indication des travaux qu’on se propose de faire et l’évaluation des dépenses qu’ils occasionneront ; mais cette indication n est faite qu’à titre de renseignement ; elle est là comme note explicative, et cette note explicative n'avait pas, dans le budget, fait partie intégrante de la loi des finances. Mus par les considérations que le gouvernement avait développées, vous auriez ouvert le crédit et vous vous seriez bornés là ; mais ici ce n’est plus comme dans le budget, c’est article par article que nous allons voter, et je crains que le gouvernement ne se trouve gêné dans son action.
Je suppose que M. l’inspecteur-général, ou tout autre, ait obtenu des renseignements qui ne soient pas fondés ; je suppose qu’une route exige des dépenses non prévues ; je suppose que ces dépenses doivent être faites d’une manière instantanée : le gouvernement se trouvera dans l’impossibilité de faire les réparations nécessaires. Cependant il se pourra que le gouvernement ait à sa disposition une somme capable de couvrir les frais d’amélioration, parce qu’une autre route n’exige pas qu’on fasse la dépense des sommes qui lui ont été affectées, et le gouvernement ne pourra pas faire l’amélioration. Voilà le système dans lequel nous nous engageons. Je ne sais s’il existe un seul gouvernement auquel on prescrive ce qu’il faut qu’il fasse relativement aux routes. Nous ne devons pas faire de l’administration dans la chambre ; nous n’avons à voir que les dépenses, qu’à juger de leur nécessité.
Il faut bien qu’on s’en rapporte à la responsabilité ministérielle sur la distribution des dépenses. Tout ce que nous pouvons faire, c’est de veiller à ce que le produit des barrières ne soit pas détourné de son affectation. Si nous allons au-delà, nous excédons la limite de nos attributions.
M. Teichmann avait divisé le produit des barrières en deux parties ; la première était affectée à la construction de routes nouvelles et à la réparation des grandes communications, c’est-à-dire aux routes de première et de seconde classe ; il avait laissé une partie de la somme pour venir au secours des provinces, des communes ou des sociétés qui se montreraient disposées à faire des sacrifices pour établir des routes dans certaines localités ; et je crois que c’était sagement fait.
La section centrale s’est écartée de ce système ; elle a trouvé qu’il était convenable de spécifier l’emploi de toute l’allocation et le chiffre affecté aux routes de province s’est élevé à 197,000 fr. Avec cette somme il y aurait eu de quoi satisfaire à toutes les exigences. Si on l’eût laissée à la disposition du gouvernement, j’aurais appuyé la demande faite de comprendre dans les travaux la route de Huy à Tirlemont.
L’utilité de cette communication vient de vous être démontrée de la manière la plus lucide. Cette route établie, il y aurait communication directe entre le Brabant méridional et la partie de la province de Liége où se trouve Huy. A côté de ces avantages il en est un plus grand encore, c’est que par le moyen d’un simple embranchement on parviendrait à établir des communications entre les Ardennes et la capitale de la Belgique.
S’il nous était resté la somme de 197,000 fr., j’en aurais réclamé une part pour une route aussi malheureuse que celle dont a parlé l’honorable M. Trentesaux. On dirait que le sort de cette route est d’être toujours projetée et jamais exécutée ; comme celle dont vous a entretenus M. Trentesaux, elle a eu un commencement d’exécution dans l’autre siècle : elle a été commencée par un prince de Liége ; elle a été poussée à deux lieues de cette ville, et les travaux ont été arrêtés par la révolution qui a éclaté à la fin du siècle dernier. Sous l’empire, l’utilité de la route a été reconnue. Les habitants ont longtemps payé des centimes additionnels pour cette communication ; les états provinciaux avaient arrêté que les travaux seraient continués.
Mais il est un grand nombre de routes qui semblent urgentes, nécessaires, et nous avons peu d’argent à notre disposition : que faut-il faire dans cette circonstance ? Mettre le gouvernement à même de tirer le meilleur parti possible de l’allocation ; or pour atteindre ce but, il faut le laisser juge des circonstances, lui donner la faculté de pouvoir négocier avec les sociétés, les provinces, les communes qui voudront établir des routes. Par ce moyen le capital à la disposition des ponts et chaussées pourra être doublé, triplé.
En bonne administration, vous le savez, les routes, pour être secondaires comme toutes celles dont il est question, ont toujours été faites aux dépens, partie des communes, partie des provinces, partie de l’Etat.
Voilà le seul moyen d’avoir des routes : c’est d’intéresser dans leur exécution ceux qui en tirent des avantages ; c’est que le gouvernement vienne seulement à leur secours. Si vous voulez que la Belgique soit sillonnée de routes, laissez donc une somme au gouvernement pour qu’il puisse encourager de pareilles entreprises.
Je vous ferai remarquer, messieurs, qu’il pourrait très bien arriver que nous allouerions une somme de 50,000 francs pour une route et que la somme ne pût procurer aucun avantage : on reprend les travaux d’une route ; mais avec 50,000 fr. on peut être obligé de s’arrêter encore, tandis que le gouvernement avec cette somme aurait pu encourager la confection de travaux que des sociétés ou des provinces auraient terminés, et dont tout le monde aurait profité.
Je citerai à l’appui de ce que je viens de dire la route de Huy à Tirlemont : elle n’a pas besoin de fonds ; mais ceux qui lui sont affectés par les ressources que la province s’est procurées sont échelonnés à des termes tellement éloignés qu’on ne peut rien maintenant ; eh bien ! le gouvernement pourrait s’arranger avec les actionnaires et faire les avances nécessaires. Il pourrait exiger le remboursement, et employer les sommes qui en proviendraient à d’autres routes. Vous voyez de combien d’avantages on serait privé si on laissait le gouvernement sans influence dans la répartition des fonds. Je pense qu’il y a lieu de le laisser en possession de la somme de 147,000 fr. pour les distribuer dans les provinces, dans les communes déterminées à faire des sacrifices.
M. le président. - La discussion est ouverte sur la disposition du projet de loi et sur les amendements.
M. Zoude. - Messieurs, hier, au sortir de la salle, quelques honorables membres m’ont paru croire que la route que je sollicite de Marche à Bouillon par Saint-Hubert était d’un intérêt purement local ; je dois m’expliquer à cet égard. La route que je demande est la même que le commerce de Liége n’a cessé de réclamer depuis plus de 30 ans ; c’est elle qui doit ouvrir une communication directe de Liége avec Paris par Bouillon et Sedan ; c’est elle qui doit servir de complément à la route de Terwagne pour laquelle vous avez voté hier une somme de 80 mille francs.
C’est la seule qui établira jusqu’alors une communication entre les deux grandes routes de Namur et Dinant à Arlon, qui, marchant dans une direction presque parallèle, n’auront dans une longueur de près de 20 lieues que ce seul point de jonction.
C’est cette route enfin qui déjà donnera des facilités d’écoulement à ces belles ardoises dont j’ai eu l’honneur de vous parler, ardoises qui, lors de l’achèvement des communications, fourniront annuellement au roulage 1,200 voitures à quatre colliers.
Enfin, messieurs, la route que je demande est en faveur d’une province qui surpasse en étendue la cinquième partie du royaume, et cependant, lorsque dans les autres provinces il y a 160 lieues de routes, canaux et rivières navigables, le Luxembourg en possède 5, c’est-à-dire que la cinquième partie du royaume a moins d’une lieue livrable à la circulation, lorsque les autres en ont trente-deux.
Vous ne vous étonnerez plus, messieurs, de ce qu’un pays dont le sol recouvre tant de richesses se trouve ainsi dépourvu de toute industrie et de tout mouvement commercial.
Cependant, messieurs, ne voulant pas arrêter d’autres travaux que la chambre pourrait reconnaître comme urgents, je bornerai ma demande de secours pour cette année à la somme de 20,000 fr.
Avec ce subside nous pourrons déjà exécuter beaucoup de travaux, parce que les communes intéressées, étant sûres de la bienveillance de la chambre, s’empresseront à fournir le contingent auquel elles se sont engagées.
M. Desmet. - Messieurs, je viens appuyer la proposition faite par l’honorable M. Fleussu et vous demander aussi que la somme de 147,000 fr. soit laissée au gouvernement qui en disposera comme il trouvera le plus utile à l’achèvement des routes qui sont à charge des provinces, et connues sous le nom de routes provinciales ou de troisième classe ; car il me semble que l’administration est plus à même de connaître quelles sont les routes provinciales qui ont le plus urgent besoin d’être achevées. C’est aussi l’administration qui a les plans, détails et devis estimatifs des travaux à faire ; elle saura donc mieux apprécier quelles sont les sommes à distribuer pour la construction de chacune desdites routes, et nous devons supposer qu’elle mettra de l’impartialité dans sa répartition ; car elle n’aura en vue que l’intérêt général, et elle doit connaître les parties du royaume qui réclament le plus d’être améliorées dans leurs voies de communication.
Vous pourrez, messieurs, trouver étrange que je m’oppose ici à l’amendement de MM. Dumortier et Dellafaille, puisque ces honorables membres vous ont dit que la route de Tournay à Renaix est tout à fait en faveur de ma province ; mais je dois vous faire remarquer qu’au n°12 de la proposition de M. Jullien, figure une autre route de la Flandre orientale, qui pour elle est d’un autre intérêt que celle de Tournay à Renaix, et que la généralité réclame avec plus d’instances ; je veux parler de la route de Grammont à Enghien.
Quoiqu’elle ait été biffée par la section centrale, cependant c’est une route de la plus haute importance ; elle est la continuation de la route de Gand vers Enghien, Hal et Soignies, et la partie du Hainaut où se trouvent les carrières et les fosses à houille ; elle lie de ce côté, par la ligne la plus directe, les provinces du Hainaut, du Brabant à celle de Flandre, et ouvre une voie de transport, qu’on ne cesse de réclamer, des charbons de terre et pierres de taille, aux contrées populeuses situées entre Alost, Ninove, Sotteghem et autres parties des districts d’Alost et d’Audenarde, et même de celui de Gand, sur un rayon qui s’étend de 8 à 10 lieues.
Pour que cette route soit achevée, elle n’exige plus que la fermeture d’une petite lacune d’une lieue et demie de longueur ; alors cette intéressante communication commerciale entre la Flandre et le Hainaut se trouvera entièrement ouverte ; mais, aussi longtemps que la lacune existe, elle rend la route impraticable, et tout en privant le public d’un débouché de première nécessité, elle prive aussi l’Etat de revenus considérables que la grande fréquentation de cette nouvelle voie lui procurerait. L’utilité de cette route est incontestable, et M. le commissaire du Roi pourra vous l’attester, elle est une des plus intéressantes des routes provinciales.
Ce n’est pas que je veuille déprécier celles pour lesquelles d’autres membres demandent aussi des subsides, mais je ne crains point d’avancer qu’elle ne doit céder à aucune pour le bien que son achèvement rendrait au public, tant sous le rapport général que sous celui des localités ; et en particulier elle ne doit certes pas céder le pas à celle de Tournay à Renaix ; car on est dans l’erreur quand on vous dit que cette route de Tournay à Renaix est nécessaire pour que Gand et Audenarde puissent correspondre par une route pavée avec Tournay.
Mais, messieurs, vous ne savez donc que la plus belle route du pays existe entre Audenarde et Tournay ? Je n’en connais point de plus belle, tant sous le rapport de l’agrément pour la traverser, car de quart d’heure en quart d’heure vous rencontrez un village ou un bourg, que sous celui de la facilité, puisque, se trouvant dans le vallon de la rive gauche de l’Escaut, vous n’avez aucune montagne à passer, tandis que, pour aller d’Audenarde à Tournay par Renaix, vous ne profiterez rien dans la distance ; et cela est tellement exact que quand le chemin de Tournay à Renaix sera achevé, vous n’aurez aucun voyageur ni voiture de transport d’Audenarde qui donnera la préférence à ce dernier ; on continuera à prendre la route qui passe par Avelghem et Bossut, de sorte donc que de la Flandre orientale ce sera le seul canton de Renaix qui profitera de cette route pour communiquer avec Tournay.
Du reste, je ne vois pas que la ville de Tournay ait tant de motifs de se plaindre qu’elle n’ait point sa quote-part dans les voies de communications vers l’intérieur du royaume ; je crois même qu’aucune ville du pays n’en a autant.
1° Elle a une route vers Courtray, Menin et Ypres, et vers Deynze et Gand ; 2° celle d’Audenarde et Gand par Avelghem ; 3° celle vers Bruxelles par Ath et Enghien ; 4° celle vers Mons par Bassicle ; et 5° celle vers Leuze et Renaix, qui se trouve à la droite de celle qu’on réclame et à une petite distance. Et d’ailleurs, en laissant la somme à la disposition du gouvernement, il aura soin de la distribuer aux routes qui en ont le plus besoin. Dans cette occasion je le reconnais pour le meilleur juge, et la chambre, en lui laissant les soins de cette distribution, agira d’après le vœu de la généralité, et elle se mettra à l’abri de blesser la justice distributive et de courir le blâme de ceux à qui elle aurait pu causer du tort.
M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, notre honorable collègue, M. Fleussu, lorsqu’il nous a parlé des avantages que présenterait la route de Tirlemont à Huy, si par suite il y avait un embranchement de Huy à Terwagne, ignorait probablement que depuis longtemps une société d’actionnaires se proposait de faire cette construction et qu’ils attendent pour cela que la route soit parvenue jusqu’à Huy.
Je vais vous en donner la preuve par l’exposé de la situation de la province de Liège, session de 1830. Il y est dit :
« Le projet des routes à construire entre Huy et Hamoir est toujours resté sans suite.
« Nous avons déjà eu l’honneur de vous informer que son exécution semblait subordonnée à la réalisation du projet de route de Huy à Tirlemont. »
Mais, messieurs, l’honorable M. Fleussu a donné encore dans une erreur, j’entends une erreur de bonne foi, quand il a dit que les fonds étaient faits pour la route de Huy à Tirlemont, que$ seulement les termes de paiement en étaient trop éloignés. Il y a une autre lacune, c’est que le roi Guillaume a pris des actions pour environ 20 à 25,000 fl.. et que ces actions sont aussi arrêtées. Il est donc nécessaire que le gouvernement accorde un subside pour cette route. Voici une lettre que j’ai reçue du président de la société des actionnaires de Huy ; elle est datée du 30 juin 1833 :
« La route de Marche à Terwagne, on la fera, le gouvernement l’a décrétée ; tout le monde me sollicite de travailler à ce que celle de Huy à Terwagne, le long de Hoyout, soit également exécutée.
« Je ferai observer que celle de Huy à Tirlemont doit être confectionnée au moins jusqu’à Hannut avant qu’on puisse entreprendre celle de Huy à Terwagne. Il est essentiel que nous puissions continuer et achever celle de Tirlemont, par le motif que les actionnaires éloignés de Huy croient que nous ne parvenions pas à achever cette route, et grand nombre d’entre eux refusent de faire face à leurs engagements sous ce prétexte.
« Quant à celle de Huy à Terwagne, elle ira bien. J’ai déjà dit depuis trois ans cent actions ; et je continuerai à déployer tout le zèle possible. Lorsqu’il sera temps, j’aurai les actions nécessaires à cette partie de route. »
Il y a encore beaucoup de considérations qui se rattachent à cet objet, entre autres celle que la route dont il s’agit se dirigera vers Stavelot dont plusieurs habitants, qui sont de grands industriels, réclament cette communication, et sont prêts à se réunir à cet effet aux actionnaires de la route de Huy à Terwagne.
M. de Theux. - Je ne m’attacherai à combattre que la proposition de M. Fleussu, parce que je la considère comme une censure de ce que nous avons fait depuis trois jours. En effet, messieurs, que vous propose-t-il ? De laisser à la disposition du gouvernement l’emploi de l’excédant de la somme qui reste encore disponible ; sur quoi fonde-t-il cette proposition ? Sur ce qu’en affectant des sommes spéciales à telle ou telle route, vous faites de l’administration. Or, qu’avons-nous fait jusqu’ici ? Nous avons voté des allocations pour une série de routes. C’était donc avec la discussion de la proposition de M. Teichmann qu’il fallait faire cette motion que je regarde comme une véritable motion d’ordre, comme une espèce de question préalable.
Notez, messieurs, que l’honorable M. Fleussu n’a pas été toujours de l’avis qu’il a émis dans cette séance, car c’est lui-même qui a proposé d’affecter 27,000 fr. à la route de Liége à Hannut. D’où vient donc ce changement ? Je n’en chercherai pas la cause ; mais il me semble que dans tous les cas cette somme de 27,000 fr. n’aurait pas été votée par la chambre, parce qu’il y a d’autres routes beaucoup plus urgentes que celle-ci. Ce n’est pas que j’en conteste l’importance, et je crois que si cette route exigeait un subside, il lui serait accordé par la suite ; mais il y a maintenant des communications bien plus considérables à l’achèvement desquelles il faut préalablement pourvoir.
On a dit que si on laissait ces fonds à la disposition du gouvernement, il provoquerait des propositions nouvelles de la part des provinces, des communes et des compagnies, et qu’au moyen de cette somme on aurait un grand nombre de routes de plus. Eh bien ! j’admettrai le motif, mais non pas la conséquence. Dans ce cas, la province d’Anvers a consacré des fonds considérables à la route de Lierre à Aerschot. Maintenant n’est-il pas conforme au système de M. Fleussu de lui allouer un subside ?
De même la province de Liége a dépensé 160,000 fl. pour la route de Huy à Tirlemont. N’est-il pas juste aujourd’hui que le gouvernement fasse les fonds de cette route qui est devenue sa propriété ?
La province du Hainaut a également dépensé des sommes pour la route de Tournay à Renaix. N’est-il pas juste encore que le gouvernement accorde un subside pour cet objet ?
C’est en faisant honneur aux engagements qui ont été pris en quelque sorte, que la chambre et le gouvernement provoqueront des propositions nouvelles ; mais si on laisse la somme à la disposition du gouvernement, il restera stationnaire, et de cette manière, loin d’encourager, on découragera toutes les entreprises.
Je pense donc que rien n’est plus raisonnable que de pourvoir maintenant à la continuation des trois routes qui peuvent être considérées comme nationales, savoir celle de Lierre à Aerschot, celle de Tournay à Renaix en poursuivant jusqu’à Gand, et celle de Huy jusqu’à Tirlemont, trois routes dont deux sont la propriété de l’Etat, et dont l’autre le deviendra si le gouvernement veut en achever la construction. Sans doute il faut s’assurer au préalable de l’abandon de la troisième ; il faut qu’une délibération du conseil provincial ait lieu à cet effet ; mais c’est là une mesure de précaution que nous devons laisser aux soins et à la prudence du gouvernement.
M. Liedts. - Je n’aurais pas pris la parole, messieurs, si je ne venais d’entendre un député des Flandres soutenir que c’est à tort que les honorables députés de Tournay veuillent faire envisager la route de Tournay à Renaix comme étant aussi favorable à la Flandre orientale qu’au Hainaut. Je maintiens, au contraire, avec ces honorables représentants, qu’il est impossible de faire un plus grand bien à une partie de la Flandre qu’en achevant cette route.
Je n’ajouterai qu’une seule considération aux nombreux motifs qu’on a fait valoir : vous serez peut-être étonnés d’apprendre, messieurs, qu’il existe en Flandre, d’ailleurs si riche, un canton où presque la moitié de la population est pauvre et est à la charge de l’autre moitié. Cependant ce fait est vrai, messieurs, et ce canton est celui de Renaix. C’est là que j’ai vu, dans les bois, des familles passer, hiver et été, dans des espèces de tanières. La ville de Renaix elle-même, sur une population de 12,000 âmes, compte à peu près 6,000 pauvres.
D’où vient cette misère ? Ce n’est pas au défaut d’activité qu’il faut l’attribuer, ni même à la nature du sol mais, au moins en partie, à l’impossibilité où l’on s’y trouve d’aménager les terres, qui ont besoin, plus que toute autre partie des Flandres, de la chaux de Tournay ; achevez la route, vous verrez l’agriculture faire des progrès rapides et l’aisance augmenter dans tout le plat pays.
La misère qui règne dans le plat pays de ce canton y entretient nécessairement l’ignorance ; de là cette multiplicité de crimes et de délits qu’on y remarque. Comparez les registres du tribunal correctionnel d’Audenarde, vous verrez que, sur le nombre des vols des sept cantons de l’arrondissement, le canton de Renaix en fournit presque la moitié. Plusieurs d’entre vous se rappelleront sans doute que, peu avant la révolution, la cour criminelle de Gand, dans le but d’inspirer la terreur, ordonna l’exécution sur les lieux de sept criminels condamnés à la peine capitale. Ces détails, messieurs, qu’il me coûte un peu d’avouer, prouvent combien la civilisation est peu avancée dans le plat pays du canton de Renaix.
Hier, j’ai entendu appuyer la proposition de la route de Furnes à Dunkerque sur la nécessité de joindre deux cantons riches ; cette nécessité, messieurs, est bien plus grande quand il s’agit de joindre un canton pauvre à un canton riche ; c’est le seul moyen de faire participer le canton pauvre au bien-être de ses voisins. Je me joins volontiers aux députés de Tournay pour appuyer la route de Tournay à Renaix, parce que je suis persuadé qu’elle est au moins aussi utile à la Flandre qu’au Hainaut, et que particulièrement dans le canton de Renaix, elle aura pour effet de donner un nouvel essor à l’agriculture, d’augmenter et de répandre l’aisance dans le plat pays, et, par une conséquence naturelle, d’y avancer la civilisation.
M. Dumortier. - Messieurs, ce que vient de dire l’honorable préopinant est de la plus stricte vérité, et il est incontestable qu’il n’existe pas dans tout le royaume de district qui d’une part offre plus d’éléments de prospérité que celui dont il a parlé, et qui de l’autre ait moins de communications. Mais avant d’arriver aux diverses objections qui ont été faites, je dirai que j’ai vu avec le plus vif étonnement un honorable député de Liége nous opposer une espèce de fin de non-recevoir, et prétendre que nous ne devons plus voter de spécialités, quand depuis deux jours nous n’avons fait que voter des routes pour les provinces des bords de la Meuse. De toutes les allocations que nous avons accordées, plus des deux tiers sont affectés à ces provinces. C’est donc maintenant une chose inconvenante que de prétendre nous enlever la part la plus mince de l’excédant du produit des barrières pour en enrichir encore ces mêmes provinces.
Hier, messieurs, il s’agissait d’une route de Bierset vers Hannut, et l’on trouvait tout naturel, tout légitime de demander l’exécution de cette route. Mais aujourd’hui que l’espoir d’obtenir cette route s’est évaporé, on vient nous dire que nous faisons de l’administration, que nous empiétons sur le pouvoir exécutif ; et pourquoi, messieurs ? parce que l’espoir qu’on avait a été déçu, parce que personne n’a voulu voter cette dépense quand le chemin de fer suivant la même direction en exigerait une dix fois plus forte. Et voilà, messieurs, comment on change d’avis quand on veut employer tous les produits d’une province au profit de la sienne. Je regrette qu’un homme aussi éclairé que M. Fleussu se soit exposé à ce qu’on lui fît cette observation.
Il y a donc injustice à venir nous reprocher une part très minime dans l’excédant du produit des barrières. La province du Hainaut, messieurs, entre dans cet excédant pour plus de la moitié. Elle fournit à elle seule une somme de 3 à 400,000 francs, et cela, messieurs, est le fruit des routes que nous avons créées avec nos propres deniers, routes dont on s’est injustement emparé au profit de l’Etat, ainsi que l’on démontré MM. Fallon et Boucqueau. Il y aurait inconvenance à nous contester le droit de participer à la somme qui reste disponible, et ce serait, comme je l’ai dit hier, une véritable monstruosité que d’établir le Hainaut en coupe réglée pour en transporter les produits sur les bords de la Meuse.
Ce n’est pas que je nie les besoins qui peuvent se faire sentir de ce côté. Moi-même j’ai reconnu la nécessité de constructions nouvelles dans cette partie du royaume, et je suis encore prêt à appuyer toutes les demandes basées sur la justice qui seront faites pour ces provinces.
Mais ce n’est pas une raison pour nous priver de communications indispensables qui mettront en contact des populations très nombreuses ; car, ainsi que je l’ai déjà fait observer, il s’agit ici, non de 20 ou 30,000 habitants, mais de 3 à 400,000 habitants. Eh bien existe-t-il une route d’une plus grande importante ? Non, certainement.
On a objecté que ce n’était pas une route de première ou de deuxième classe. M. Teichmann nous a dit que les routes sur lesquelles on a voté jusqu’ici appartiennent à ces catégories ; que les autres ont été construites par les provinces, et que le gouvernement n’a rien à leur accorder de ce chef. Si ce système était suivi dans toutes ses conséquences, alors il serait peut-être difficile d’y répondre ; mais l’honorable M. Teichmann n’ignore pas que vous avez déjà voté un crédit de 90,00 fr. pour la route de Marche à Liége, et ce sont les provinces qui l’ont construite. Si donc vous avez admis ce crédit, vous ne devez pas exclure d’autres besoins analogues.
D’ailleurs vous avez un précédent. Que dit la loi des barrières que vous avez adoptée dans la session dernière ?
« Les fonds provenant des routes de première et de deuxième classe seront affectés à l’entretien et à l’amélioration des routes. »
Ainsi, il n’est pas stipulé que cet excédant doit être employé pour les routes de première et de deuxième classe, mais bien pour toutes les routes en général. M. le commissaire du Roi en a exposé les motifs dans la discussion de la loi dont je viens de citer une disposition, et ces motifs, les voici : « La classification des routes est inexacte. Il y a des routes qui sont d’un intérêt national. Je place dans cette première classe celles du royaume qui s’approchent le plus directement possible des pays voisins. Il y a ensuite des routes qui ne sont pas d’une importance aussi notable, mais qui s’étendent sur le sol de plusieurs provinces. Il est évident qu’il y aurait tout au moins de l’imprudence à laisser à l’administration provinciale l’entretien et l’amélioration de ces communications. Ce sont là des routes de deuxième classe. »
Voilà comment s’exprimait M. Teichmann dans la séance du 9 mars. Dans celle du 11 mars et toujours dans la même discussion, il disait encore :
« Il est constant que dans nos communications par terre il y a des lacunes qu’il est indispensable de combler, et si le droit équivaut aux frais d’entretien, il sera impossible de les remplir. Dans la province du Hainaut, celle qui est la plus riche en routes et en minéraux, il reste encore à faire les routes de Tournay à Renaix, de Renaix vers Lessines, de Tournay vers la France. »
Ainsi, au rang des routes les plus importantes que vous signalait M. le commissaire du Roi en mars dernier, venait en premier lieu celle pour laquelle nous vous réclamons un subside, et l’honorable députe était bien loin alors de dire qu’on ne pouvait y affecter l’excédant du produit des barrières ; au contraire, il disait : « C’est à la législature d’en déterminer l’emploi. » Du reste la loi est positive à cet égard ; elle ne fait pas de distinction pour les routes de première ou de deuxième classe, elle porte que l’excédant du produit sera appliqué à des améliorations et à des constructions nouvelles, et dès lors les objections que l’on élève ne sont nullement fondées.
Maintenant, messieurs, je dirai quelques mots sur la route de Tournay à Renaix. J’ai été vivement étonné, ou plutôt je n’ai pas été étonné du tout, d’entendre un député des Flandres parler contre cette route.
En effet, si l’existence de cette communication est excessivement importante pour le district de Renaix, elle serait fort préjudiciable à la ville que représente l’honorable membre. Le commerce des toiles, qui fait la principale prospérité des Flandres, se transporte sur le marché d’Alost, tandis que quand vous aurez créé la route dont il s’agit, et que les négociants français ne seront plus obligés de faire vingt lieues de détour pour se rendre à Renaix, le marché d’Alost perdra évidemment, et celui de Renaix gagnera. Mais cette considération nous importe peu. L’intérêt de localité ne doit jamais nous toucher.
Cette route, messieurs, est une route de première classe, puisqu’elle met en contact plusieurs provinces avec un royaume étranger. En effet, sans cela, messieurs, il n’y a pas de communication directe de Gand avec Paris, ni surtout avec Douay.
Un honorable préopinant vous a montré les crimes et délits qui se commettent dans l’arrondissement de Renaix. Or, le seul moyen d’y introduire plus de civilisation, d’améliorer la condition morale des habitants, c’est de leur procurer des communications.
Dans l’état actuel des choses (vous ne le croirez peut-être pas messieurs), pendant six mois de l’année il n’existe aucune communication de Renaix à Tournay. On est obligé de porter à dos d’homme les toiles qu’on destine à Tournay, parce que le terrain est tellement mauvais que, pendant toute la saison pluvieuse, il est impossible d’y arriver avec des chevaux, C’est parce qu’il n’y a pas de communication de ce côté, que les céréales se vendent constamment à deux francs meilleur compte sur le marché de Renaix que sur celui de Tournay, qui n’en est qu’à quatre lieues. Et cela s’applique à toute la partie de la Flandre orientale située sur la rive gauche de l’Escaut.
L’honorable M. E. Desmet a parlé d’une route sur la rive de l’Escaut. Quant à moi je ne pense pas qu’une route construite sur une rive puisse servir aux habitants d’une autre rive. C’est comme si l’on prétendait que la route de Huy à Liège est utile aux habitants des Ardennes.
Il a dit encore que les environs de Tournay avaient cinq routes. Oui, messieurs, mais ces routes nous les avons créées avec nos propres deniers. Nous ne devons rien pour cela à l’Etat ; c’est lui au contraire qui nous doit, car il nous enlève le produit de ces routes après nous avoir spoliés de nos propriétés.
J’aurais voulu qu’on me répondît sur l’observation que j’ai faite hier, qu’il n’y avait pas de communication pavée de Tournay à Valenciennes, de Tournay à Roubaix, et de Tournay à Renaix. Nous ne demandons rien pour les routes de Tournay à Valenciennes et Roubaix, parce que nous avons l’espoir qu’elles se feront sans l’intervention du gouvernement ; mais pour celle de Renaix il faut nécessairement que le gouvernement y intervienne, parce qu’on s’est emparé de toutes les routes du Hainaut, sous prétexte qu’elles sont de deuxième classe, et que toutes ses routes provinciales se bornent maintenant à quatre bouts de routes qui ne produisent presque rien. Ainsi, nous ne pouvons compter sur aucun secours de la province ; et pour ce qui est des particuliers, l’esprit d’associations n’est pas encore assez développé pour qu’on puisse y compter pour obtenir ce résultat. Voici à cet égard ce que disait le gouverneur du Hainaut, à la session de 1829 :
« Vos nobles seigneuries ont manifesté le vœu de voir achever la route de Tournay vers Renaix ; la députation aurait désiré que les ressources provinciales pussent y subvenir, mais cela est impossible. Il reste à adjuger l’achèvement de la route jusqu’à la limite de la Flandre orientale. Déjà on a cherché inutilement à y parvenir à deux reprises ; le moyen de subvenir au paiement de sa construction par la concession temporaire des droits de barrières n’a pas eu de succès ; il ne s’est pas présenté d’amateurs. »
Vous le voyez, messieurs, il ne reste qu’un seul moyen d’exécuter cette importante communication, c’est sur l’excédant du produit des barrières, et c’est bien le moins que l’on puisse faire pour la province de Hainaut que de lui accorder le subside que nous demandons. Cette route, au reste, est plus nécessaire encore à la Flandre qu’au Hainaut.
Je répète qu’il n’y a qu’un seul moyen d’améliorer la civilisation des populations de cette localité, c’est de faire la route dont il s’agit aux frais de l’Etat, et je demande qu’on vote le crédit nécessaire à cet effet.
M. Teichmann, commissaire du Roi. - Je remercie l’honorable préopinant de m’avoir fourni l’occasion de faire remarquer à la chambre combien j’ai été conséquent avec ma conduite précédente.
J’ai présenté un projet de classification, et j’ai établi les principes d’après lesquels devait se faire cette classification. J’ai défini ce que j’entendais par routes de première et de deuxième classe, et par routes provinciales. J’ai indiqué comme travaux indispensables ceux de la route de Renaix à Tournay. Mais on n’a point admis la classification que je proposais. Que me restait-il à faire ? Je devais donner au gouvernement les moyens d’exécuter des ouvrages que j’avais reconnus être les plus utiles, et je ne le pouvais qu’en plaçant la route de Renaix à Tournay dans une catégorie qui n’est ni la première ni la seconde classe. Si l’assemblée veut bien se rappeler les développements que j’ai présentés lors de la discussion de la loi des barrières, elle verra que j’ai tenu toutes mes promesses avec une rigoureuse exactitude.
M. Fleussu. - Je tiens à ce qu’on ne se trompe pas sur mes intentions relativement à la route de Huy à Tirlemont. Si l’utilité de cette route n’avait pas été défendue avec autant de talent, et n’avait pas été démontrée jusqu’à l’évidence, j’aurais fait moi-même des efforts en sa faveur. Toutefois on m’a prêté deux erreurs, et je dois répondre quelques mots à cet égard.
J’ai prétendu, dit-on, que les fonds pour la route de Huy à Tirlemont étaient assurés. J’ai avancé, comme cela est, que les fonds de cette route étaient assurés, mais qu’ils étaient échelonnés par termes tellement éloignés qu’elle ne pourrait être achevée avant quinze ans.
On m’a prêté une autre erreur. Vous ne savez donc pas, m’a-t-on dit, qu’il existe une société d’actionnaires pour la route de Huy à Terwagne ? Messieurs, il ne s’agit point de société, mais de communication. J’ai signalé tous les avantages qui résulteraient pour le pays si cette communication existait. Mais elle n’existe pas.
Je viens maintenant répondre à quelques objections qui ont été faites contre ma proposition.
Le premier orateur qui l’a combattue l’avait d’abord accueillie avec beaucoup plus de bienveillance. Je croyais même qu’il n’était pas loin de s’y rallier. Bien grand donc a été mon étonnement lorsque je l’ai rencontré pour adversaire.
Je présente, dit-on, la censure de tout ce que la chambre a fait jusqu’à présent. Ce n’est pas moi, messieurs, qui chercherai à mettre la chambre en contradiction avec elle-même ; on sait que je respecte trop ses décisions pour cela. On objecte que nous avons alloué des crédits et que nous avons désigné l’emploi spécial ; mais je voudrais bien une explication à cet égard. Est-ce par hasard que vous voulez faire entrer dans la loi l’emploi détaillé des sommes que vous avez votées depuis trois jours ? Alors vous justifiez ma proposition ; car vous mettez le gouvernement dans une position telle qu’il lui sera défendu de transférer une somme d’un article à un autre. Qu’une route réclame une forte dépense pour des dégâts qu’elle aurait éprouvés, si vous garrottez ainsi le gouvernement, il se trouvera dans l’impossibilité d’améliorer une route qui, faute de cette amélioration, restera impraticable.
On objecte ensuite que ma proposition est tardive : Pourquoi donc ? Ne vous souvenez-vous pas que je l’ai produite dès le commencement ; que j’ai dit que vous faisiez du pouvoir exécutif, de l’administration ? Il est fort étonnant que l’honorable membre veuille me mettre en contradiction avec moi-même, tandis que c’est lui qui se trouve dans ce cas.
Mais je n’ai pas toujours pensé de même ; j’ai demandé 27,000 fr. pour une route. D’où vient donc ce changement ? L’honorable membre auquel je fais allusion ne l’a pas dit. Cependant un autre membre, à la franchise duquel je me plais à rendre hommage, parce que la franchise distingue toujours un beau caractère, a eu le courage de me le dire. Mais il m’est bien permis, à moi, de repousser les motifs qu’il a mis en avant. Ces motifs appartiendraient à un esprit étroit, et j’avoue que je me croyais placé plus haut dans l’esprit de l’honorable membre. Est-ce par hasard par esprit de localité que, de son côté, il défend avec tant de chaleur la route de Renaix à Tournay ? Laissons, messieurs, toutes ces personnalités. Si la route de Renaix à Tournay est nécessaire, on pourra présenter au gouvernement toutes les considérations qu’on a fait valoir devant nous, et le gouvernement sera mieux à même que personne de les apprécier.
Le premier des orateurs auxquels je réponds a dit qu’il y avait trois routes à achever. Eh bien ! je le répète, si l’on donne de bons motifs au gouvernement pour prouver l’achèvement de ces routes, il les admettra. Mais voulez-vous voir jusqu’où l’on va ? La route de Tournay à Renaix ne peut être achevée qu’avec une somme de 300,000 fr. Or, on ne demande que 60,000 fr. Ainsi cette route ne sera pas faite entièrement, et voilà, encore ce malheureux pays qui est forcé de rester dans l’incivilisation, le crime et le meurtre. Si l’on demandait 50,000 fr., et qu’à côté de cela une société proposât de faire 150,000 fr., alors le gouvernement aurait, en vous les accordant, mon approbation.
On a parlé d’un député de Liége qui voulait absorber tous les revenus du Hainaut en faveur des communications des bords de la Meuse. Messieurs, jetez les yeux sur la carte, et vous direz après si c’est la province de Liége qui a tout absorbé.
M. Jullien. - Messieurs, avant d’entrer dans l’examen des différents amendements qui sont proposés, je crois urgent de reconnaître encore une fois notre position et surtout de faire notre compte, car je m’aperçois que les prétentions qu’on élève excèdent de beaucoup les moyens qui nous restent. Nous sommes tous d’accord en principe qu’il s’agit d’appliquer l’excédant du produit des barrières. Cet excédant doit être successivement employé aux améliorations et aux constructions nouvelles. Vous savez, messieurs, ce qu’on a compris par améliorations ; c’étaient des embranchements, des lacunes à combler.
Je n’ai pas besoin de vous dire ce que c’est que des constructions nouvelles. Eh bien, il y a 602,000 fr. à répartir. Toute cette somme est absorbée dans les douze premiers articles de la proposition de M. Teichmann, à l’exception de 85,000 fr. auxquels je vous proposerai d’ajouter 62,000 fr. pour améliorations à faire aux différentes routes et communications qui sont énumérées dans le dernier article de cette proposition, ce qui fait un total de 147,000 fr. De cette manière, je crois que vous satisferez à toutes les demandes, et que vous resterez dans le règlement ; car je soutiens que vous ne pouvez, sans violer le règlement, vous occuper de constructions autres que celles contenues dans la proposition. Pour toutes les autres constructions qui y sont étrangères, on doit suivre les formalités du règlement ; elles doivent être soumises à l’examen des sections, et par suite de la section centrale.
Mais je combats l’amendement parce que M. Fleussu ne donne aucune limite à sa proposition.
On nous a dit que depuis deux jours nous avions fait de l’administration, que nous étions sortis de nos attributions pour envahir celles du gouvernement. Je serais certainement de l’avis de M. Fleussu, si nous nous occupions de dépenses d’entretien et de réparation de routes ; mais lorsqu’il s’agit de communications nouvelles, de constructions nouvelles, ou d’améliorations qui équivalent à des constructions nouvelles, je pense que la législature doit être consultée ; car alors on soulève des questions de crédit, d’expropriation, de disposition du sol. Comprenez-vous en effet une grande communication sans une grande étendue de sol sur lequel elle soit assise ?
Maintenant, messieurs, que s’agit-il de faire ? Je m’emparerai de l’idée de M. Fleussu et en quelque sorte de son amendement, pour laisser au gouvernement le soin de répartir l’argent qui nous reste, mais à cette condition qu’il restera dans les limites de la proposition, sans pouvoir en sortir. Par ce moyen il sera possible de faire exécuter la route de Huy à Tirlemont ; par ce moyen on satisfait encore, du moins en partie, à la demande de M. Dumortier relativement à la route de Tournay à Renaix, En effet, messieurs, il est probable que la part qu’il obtiendra dans les 147 mille francs sera plus considérable que celle qu’il aurait obtenue dans 62 mille. Enfin, messieurs, par là vous aurez l’avantage de rester dans votre règlement, car vous aurez affaire à un véritable amendement. On peut bien vous demander, à l’occasion du projet de M. Teichmann, d’augmenter ou de diminuer une allocation ; ce n’est là qu’un amendement, mais il n’est pas permis de faire une proposition nouvelle sans sortir du règlement.
J’adopte donc le chiffre de 147,000 fr., et je proposerai de restreindre le choix du gouvernement dans les articles du projet et dans la nomenclature des derniers numéros du projet de M. Teichmann.
M. Teichmann, commissaire du Roi. - Il y a une erreur dans le budget de l’intérieur, en ce que dans la somme de 62,000 fr. ne figure pas la dépense nécessaire pour la communication de Charleroy à Beaumont, communication qui se trouve cependant indiquée à la page 82. Je déclare que mon intention a été de la comprendre dans mon projet, et je demande l’autorisation de la rétablir parmi les travaux auxquels les 62,000 fr. doivent être affectés.
- Nombre de voix. - Oui ! oui !
M. Jullien. - Si M. le commissaire du Roi a fait une erreur, j’en ai fait une aussi nécessairement, et je demande la permission de la réparer. (On rit.)
M. de Brouckere. - Je crois que pour abréger une discussion déjà très longue, il faudrait que le bureau invitât MM. les membres à parler sur l’amendement de M. Jullien ; en effet, s’il est admis, toutes les autres réclamations tombent d’elles-mêmes, et il est inutile d’entendre des arguments en faveur de telle ou telle localité. D’ailleurs, je regarde cet amendement comme tellement rationnel, que je ne doute pas qu’il soit adopté.
M. d’Hoffschmidt. - M. Dumortier nous a dit tout à l’heure, en combattant la proposition de notre honorable collègue M. Fleussu qu’il était impossible que la province du Hainaut construisît des routes à ses frais puisqu’on lui avait retiré le produit des routes de seconde classe.
Mais qu’a-t-on donc fait du produit de ces routes perçu en vertu du décret du congrès national du 6 mars 1830 ?
Si les rapports que j’ai reçus à cet égard sont exacts, ces produits versés dans la caisse provinciale du Hainaut seraient au moins de 500,000 fr. pour les deux années, et cette somme suffit, semble-t-il, pour faire les routes réclamées avec tant de chaleur.
M. Dumortier. - Ce que vient de dire le préopinant prouve précisément la nécessité d’exécuter la route que nous demandons. Il est très vrai que la province a perdu le produit des barrières ; et sans doute les fonds ont été employés à faire d’autres routes. Mais, parmi les états du Hainaut, il n’y a pas un seul représentant de l’arrondissement de Tournay, et comme les intérêts de Mons et de Charleroy sont les mêmes, il en résulte que l’excédant des produits a été employé à l’avantage de ces deux localités.
M. Dubus. - J’ai un mot à répondre à l’honorable M. de Brouckere. Je dirai que je m’oppose à ce qu’on donne la priorité à la proposition de M. Fleussu sur les autres amendements.
Que signifie l’adhésion qui lui a été donnée par M. Jullien ? C’est que M. Jullien modifie sa proposition principale. Les amendements qui s’appliquaient tout à l’heure à la proposition principale s’appliquent maintenant à la proposition modifiée. Or, il est un article du règlement qui porte que tous les amendements seront mis aux voix avant le projet auquel ils se rapportent ; je sais bien que la modification est présentée par M. Jullien, et que dès lors, pour lui, le règlement n’est plus intéressé dans la question. Mais je soutiens que la seule marche régulière à suivre est celle qui a été suivie jusqu’à présent.
M. Jullien. - Le règlement existe pour moi tout aussi bien que pour l’honorable M. Dubus. Je pense m’y être conformé en adhérant au principe de M. Fleussu, sauf à restreindre le gouvernement dans les limites de ma proposition. Toutes les fois qu’une modification est faite à un projet et qu’elle est adoptée, c’est le projet modifié qui passe d’abord.
Il n’y a pas ici de violation à la règle. Je n’ai jamais entendu soutenir mes propositions mordicus, et quand une observation est faite dont la justice me frappe, je suis le premier à l’adopter.
M. Dubus. - Je crois que je vais être d’accord avec le préopinant sur la question du règlement. Il s’est rallié à la proposition de M. Fleussu ; elle est devenue la sienne propre, et c’est à elle que tous les amendements présentés se rapportent.
Or, la règle et les précédents veulent que les amendements passent avant la proposition principale.
M. le président. - La parole est à M. Desmet.
M. Desmet. - Je voulais seulement faire observer que M. Dumortier a été fort mal informé dans les allégations qu’il nous a faites.
M. Dubus. - Je n’ai pas été moins étonné que plusieurs de mes honorables collègues, en voyant qu’après être entrés dans une voie de distribution, et après avoir amplement satisfait aux intérêts et aux besoins de certaines provinces, on propose tout à coup de s’arrêter, de tout refuser à des intérêts qui ne sont pas moins pressants que les autres. Hier, vous avez examiné tous les besoins qui vous étaient énoncés, et vous avez accordé satisfaction à tous ceux qui vous ont paru légitimes ; pourquoi donc ne pas continuer cette marche ? Est-ce parce que plusieurs provinces ont obtenu tout ce qu’elles demandent ? Presque la moitié de la somme totale à distribuer, vous l’avez affectée à des travaux de communication qui doivent avoir lieu du côté de la Meuse, et vous n’avez pas encore donné un sou pour le Hainaut, dont les produits ont puissamment contribué à former l’excédant qu’on se partage. Je vous le demande, le moment est-il bien choisi pour s’arrêter ?
On a dit que si la proposition était faite, c’est parce qu’on ne pouvait agir autrement sans faire de l’administration, du pouvoir exécutif, parce qu’on serait exposé à allouer des subsides insuffisants.
Ce n’est pas la première fois aujourd’hui que l’on règle d’avance l’emploi de l’excédant du produit des barrières. Autrefois il était réglé par les états des provinces, il l’est aujourd’hui par la représentation nationale. Comment procédaient les états des provinces ? abandonnaient-ils aux députés des états la répartition des crédits ? Non, messieurs, ils les réglaient toujours eux-mêmes, et il n’est pas arrivé pour cela qu’on n’ait su que faire des crédits votés, et cela n’arrivera pas davantage aujourd’hui. Comment est-on venu nous dire comme objection que l’allocation pourrait être insuffisante ! Mais lorsque vous avez accordé 60,000 fr. pour la route de Venloo, vous saviez bien aussi qu’ils ne suffiraient pas ; vous vouliez seulement gagner une année, et c’est ce que nous voulons aujourd’hui.
On a ajouté que la classification des routes devait faire l’objet d’une loi, que cette loi n’était pas faite, et que par conséquent la route que nous sollicitions devait continuer à être regardée comme route provinciale, et n’avoir droit que sur les fonds de l’allocation globale. Il me semble, messieurs, que si vous votez une somme spéciale pour une route qui n’est pas proclamée route de 2ème classe par un arrêté, bien qu’elle le soit réellement par son importance, le gouvernement ne sera pas beaucoup embarrassé pour cela, car il est entièrement libre sur cette matière. En effet, d’où résulte la désignation de route de 2ème classe ? D’un arrêté ; eh bien, rien n’empêche au gouvernement de réparer par un arrêté son omission, et de proclamer la route dont il s’agit, route de 2ème classe.
On a présenté l’année dernière un projet de loi sur la classification des routes. Celle de Tournay se trouvait comprise parmi celles de 2ème classe ; que feriez-vous en accordant un crédit spécial pour elle ? vous ne feriez que reconnaître ce que le gouvernement a reconnu depuis un an. Vous seriez de plus, en votant un crédit, d’accord avec le gouvernement sur le point de la nécessité des travaux. La route de Tournay à Renaix a été présentée comme l’une des plus urgentes. C’est M. le rapporteur qui l’a dit au mois de mars, et il vient de le répéter tout à l’heure.
On a dit encore qu’il était nécessaire de s’entendre avec l’administration provinciale. Sans doute il est nécessaire que la province fasse un sacrifice, mais à ce sujet j’ai deux réponses à faire. D’abord c’est que la province a déjà fait des avances ; les anciens états de Tournay ont commencé la route ; les états du Hainaut ont ajouté un crédit, et la moitié de la route qui traverse cette province est achevée. Quant à la partie de la route qui s’étend dans la Flandre le gouvernement a le temps de s’entendre avec ce pays.
Je dirai enfin que si la province n’a rien accordé à Tournay lorsque l’excédant était considérable, il n’est pas du tout probable qu’elle lui fasse des avances, lorsque cet excédant se trouve réduit. Par tous ces motifs je m’oppose à ce que la priorité soit accordée à l’amendement de M. Fleussu.
M. Teichmann, commissaire du Roi. - Je demande à expliquer comment il se fait que, tout en reconnaissant la possibilité d’établir des sommes spéciales et déterminées pour les routes de 1ère et de 2ème classe, on ne puisse cependant pas admettre la possibilité de fixer une allocation déterminée pour les routes comprises dans la 2ème catégorie de mon projet.
C’est, messieurs, que les travaux de la 2ème catégorie pourraient être exécutés, en partie au moins, par des concessionnaires, et que nous ne savons quelles sommes ils demanderaient pour les achever entièrement.
Pour citer un exemple, on nous avait dit que la communication de Binche à Beaumont pourrait être adjugée à des concessionnaires moyennant l’abandon du produit de la route. La concession a été offerte et personne ne s’est présenté. Il serait possible de l’offrir maintenant en ajoutant une certaine somme à l’abandon des produits. Peut-être se présentera-t-il des sociétés ; les travaux seront adjugés à celle qui demandera la somme la plus faible ; mais quelle sera cette somme ? nous l’ignorons.
Il est encore d’autres routes qui se trouvent dans la même catégorie. Si vous obligez le gouvernement à allouer d’avance des sommes déterminées, elles pourront ne pas suffire pour l’achèvement de la route (c’est ce qui est arrivé à la route de Tournay), et alors vous aurez empêché qu’une communication ne fût terminée entièrement.
C’est là que gît la difficulté, et c’est là le motif pour lequel nous insistons afin qu’aucune allocation ne soit établie pour les travaux de la deuxième catégorie.
Quant aux craintes manifestées par le préopinant, que la route de Tournay ne reçoive pas sa part dans les allocations, elles ne sont pas fondées. Le gouvernement n’hésitera pas, je le crois, à favoriser des travaux utiles, et je prie l’honorable M. Dubus de remarquer que la marche que j’ai indiquée est la plus certaine pour arriver au but qu’il se propose ; car j’espère que l’allocation accordée par le gouvernement déterminera l’autorité communale ou provinciale, ou même les particuliers qui doivent retirer de grands bénéfices de la route, à faire un sacrifice qui hâte l’exécution des travaux d’une année. Je ne vois pas pourquoi les députés de Tournay se refuseraient à adopter une marche qui a pour but de donner satisfaction à de justes réclamations.
M. d’Huart. - M. d’Hoffschmidt a présenté tout à l’heure une observation qui me paraît très importante, et sur laquelle on a passé bien légèrement. Il a demandé ce qu’était devenu le produit des barrières de 1831 et de 1832, dont la province du Hainaut a perçu les fonds. Si cet argent lui a été laissé, ce serait pour nous un puissant motif d’insister afin que la route de Tournay fût construite sur ces fonds-là. S’ils ont été employés à des communications nouvelles, il faut qu’on nous le dise, afin que nous sachions dans quelle partie de la province ces travaux ont eu lieu, et si l’arrondissement de Tournay a été aussi négligé qu’on le prétend.
M. Teichmann, commissaire du Roi. - Je ne sais pas jusqu’à quel point on a le droit de demander compte au Hainaut des deniers qui lui ont été abandonnés par la loi. Je répondrai cependant qu’ils ont été employés aux travaux de la route de Lessines à Renaix, et de celle de Tournay vers Valenciennes.
M. Dumortier. - Si les fonds dont il s’agit avaient été affectés à des travaux de route en faveur de Tournay, nous aurions très mauvaise grâce à nous plaindre. Mais il ne faut pas vous y tromper. Sur le dernier million qui a été mis en caisse, une seule dépense de 10,000 fr. a été faite pour une lacune de la route de Tournay à Valenciennes. Quant aux travaux, nous n’y avions aucune espèce d’intérêt. Quand des dépenses se font chez nous, ce n’est jamais en notre faveur. Voilà comment on nous traite depuis quinze ans. C’est une chose monstrueuse, et c’est pour cela que nous ne cessons de réclamer le rétablissement de la province que nous avions avant la révolution française.
M. Gendebien. - Je n’entends pas justifier le Hainaut des reproches qui lui ont été adressés. Je n’ai aucune notion sur son administration, car il y a bien longtemps que j’ai quitté cette province. Mais si une injustice aussi flagrante que celle que l’on nous a signalée avait eu lieu, quelques plaintes n’auraient pas manqué d’arriver jusqu’à moi, et je penche donc à croire qu’il y a quelqu’exagération dans les griefs. Je dirai ensuite que je ne crois pas qu’il y ait lieu à rendre compte de l’emploi des fonds provenant de l’excédant du produit des barrières.
Il y aurait bien une autre observation à présenter ; je veux parler de cette injustice par laquelle on enlève à une province le produit des sacrifices qu’elle avait faits. Mais je l’abandonne maintenant pour y revenir plus tard.
Lorsque toutes les provinces ont participé au même avantage, nous aurions mauvaise grâce à demander au Hainaut des comptes. S’il a reçu une plus forte somme, quelle conséquence faut-il en tirer ? c’est que le Hainaut a produit davantage. Vous lui avez retiré la traverse de Braine-le-Comte et d’autres travaux encore, en sorte qu’il n’obtiendra rien dans la distribution actuelle. Cependant, en partant de l’observation de M. d’Huart, il y aurait une grande injustice à ne rien accorder à une province qui a mis près de deux millions dans la caisse.
Je crois qu’il faut se rallier à l’amendement de M. Jullien : pour moi je compte assez sur la justice du gouvernement et de M. le commissaire du Roi, pour espérer que les fonds seront répartis d’une manière convenable.
M. Dumont. - Il m’est impossible de laisser passer sans réponse les allégations du député de Tournay. Cet arrondissement, à l’en croire, a toujours été sacrifié ; cela n’est pas exact. J’étais même dans l’opinion contraire, et voici pourquoi : c’est que la députation de Tournay a toujours été plus nombreuse, et que d’ordinaire ce n’est pas le grand nombre qui se laisse opprimer par le petit.
Il ne faut pas s’étonner qu’on ait fait plus de routes pour Charleroy et Namur que pour Tournay. Il n’en existait aucune pour les cantons limitrophes de ces diverses provinces, et ils étaient abandonnés de l’administration. Charleroy, si riche aujourd’hui, n’avait pas de route ; on en a fait deux, et permettez-moi d’ajouter qu’on a eu plutôt en vue l’intérêt militaire que l’intérêt commercial ; on a voulu mettre la forteresse de Charleroy en communication avec celles de Philippeville et Mariembourg. La route de Beaumont à Charleroy a été entreprise par des particuliers, et n’a rien coûté à la province. J’ai voulu répondre pour détruire l’influence qu’on voulait exercer sur M. le commissaire du Roi, et pour empêcher qu’on ne fît donner à un arrondissement plutôt qu’à un autre.
M. d’Huart. - M. Gendebien a semblé conclure de mes paroles que j’étais disposé à n’accorder aucun subside pour le Hainaut. Ce n’est pas ce que j’ai voulu dire, Mais avant de voter une allocation nouvelle, il m'importait de savoir où les anciennes avaient été dépensées. La préférence accordée autrefois à telle ou telle partie de la province aurait déterminé mon vote d’aujourd’hui.
M. A. Rodenbach. - Je demande si c’et l’intention du gouvernement de consacrer 145,000 fr. aux travaux de la deuxième catégorie, de majorer ainsi, de doubler la somme qu’il avait primitivement demandée ; je demande encore si on ne froissera pas les intérêts des routes sur lesquelles nous avons économisé.
M. Teichmann, commissaire du Roi. - Si le gouvernement n’a d’abord demandé qu’une somme de 62,000 fr., ce n’était pas qu’il ne fût pas tout à fait convaincu de son insuffisance ; mais il avait à satisfaire en même temps à d’autres intérêts, et c’est pour cela qu’il s’est contenté de demander si peu. Je pense qu’il sera très facile de distribuer les 145,000 fr. d’une manière utile à l’intérêt général.
M. A. Rodenbach. - Je demande à M. le commissaire du Roi s’il se rallie à l’amendement de M. Jullien.
M. Jullien. - M. le commissaire du Roi n’a besoin de se rattacher à aucun amendement ; il n’est ici que pour donner des renseignements.
M. A. Rodenbach. - Je crois qu’il se rallie à l’amendement de M. Fleussu et non à celui de M. Jullien, parce que son intention est d’avoir les 145,000 fr., afin de s’en servir pour les besoins réclamés dans diverses localités. (La clôture ! la clôture ! La clôture de la discussion générale.)
M. Legrelle. - Il faut que la question principale qui est celle des amendements soit examinée ; si quelques membres l’ont discutée, ce n’est pas une raison pour que d’autres ne puissent prendra la parole.
M. de Brouckere. - Tous les orateurs ont parlé sur les amendements ; et d’ailleurs dix membres demandent la clôture.
M. Verdussen. - On n’a fait ressortir, ni les avantages de l’amendement de M. Fleussu, ni ceux de l’amendement de M. Jullien. (La clôture ! la clôture !)
- La clôture de la discussion générale est prononcée.
M. le président. - Il y a maintenant l’amendement de M. Jullien, l’amendement de M. Fleussu, et enfin celui de MM. Dumortier et Dellafaille relativement à la route le Tournay à Renaix.
M. de Brouckere. - Je demande la priorité pour l’amendement de M. Jullien.
M. Dumortier. - Toujours et dans toutes les questions on a mis les amendements aux voix avant la question principale. L’amendement de M. Jullien est l’exclusion de tous les autres, on ne doit le mettre aux voix que le dernier. Je demande la priorité pour mon amendement, comme étant le plus ancien.
M. Fleussu. - J’entends répéter à chaque instant que mon amendement n’est pas autre chose que la question principale. Il n’en est pas ainsi ; j’augmente la somme de 62 mille francs, je la porte à 145,000 ; je demande si c’est là la proposition principale. M. Jullien a présenté ensuite un sous-amendement, il a voulu que les localités désignées pussent seules prétendre à la distribution. Il est de règle générale qu’on doive discuter d’abord sur l’amendement qui s’écarte le plus du projet. Or, ma proposition est essentiellement préalable, puisqu’elle tend à écarter les autres amendements ; si elle est rejetée, ce sera le cas de mettre aux voix la question de priorité sur les autres amendements
M. Dubus. - Je crois qu’on ne peut pas mettre aux voix la proposition de M. Jullien sans mettre aux voix le règlement lui-même.
Voici la disposition du règlement : il veut que la proposition, qui s’écarte le plus de la proposition principale soit mise aux voix la première. Quelle est la proposition principale ? c’est celle de M. Teichmann, portant un chiffre de 62,000 fr. Il était de la nature même de la proposition de M. Jullien de n’être mise aux voix qu’après toutes les allocations spéciales ; car ce n’est qu’alors que nous pourrons savoir s’il y a un résidu. Voilà ce que la raison disait, et M. Julien l’a bien senti, lorsqu’après que les allocations spéciales eurent été refusées, il vient à l’instant même ajouter 87,000 fr. aux 62,000 fr. de la somme à distribuer.
Ainsi donc, messieurs, M. Jullien s’étant rallié à la proposition de M. Fleussu, elle devient la proposition principale ; et en second lieu rien ne se rapproche plus de la proposition principale que le prétendu amendement de M. Fleussu ; c’est pour cela qu’il a été si facile à M. Julien de s’y rallier.
On vous a dit que c’était une question préalable et qu’elle devait passer la première. D’après ce principe, plus une proposition a d’étendue, plus elle a de droits à la priorité. Que devient donc cet article du règlement qui permet de demander la division sur une question complexe ? Ici la question est évidemment complexe, et je veux la division en demandant la priorité pour l’amendement relatif à la route de Tournay. Si ma réclamation n’est pas admise, vous violez le règlement et tous les précédents à la fois.
M. de Brouckere. - Je suis étonné qu’on vienne s’opposer à la priorité en faveur de l’amendement de M. Fleussu, alors que notre seul but est de gagner du temps. C’est vraiment une question préalable que nous demandons puisque l’amendement tend à écarter tous les autres ; le bon sens veut qu’une proposition semblable obtienne la priorité.
M. Dumortier. - Je m’étonne que le préopinant vienne invoquer le bon sens. Le bon sens d’aujourd’hui n’est donc pas celui d’hier (on rit), car hier le préopinant lui-même proposait d’intercaler mon amendement entre le paragraphe 4° et le paragraphe 5°, avant les travaux pour lesquels il est accordé une somme globale.
M. Legrelle. - Rappelez-vous la proposition de M. Fleussu telle qu’elle était conçue d’abord et dans toute sa pureté ; il en résultait que tous les amendements que l’on repousse avaient droit à la bienveillance du gouvernement ; maintenant, par l’amendement de M. Jullien, on veut établir un privilège en faveur des huit routes entre lesquelles 145,000 fr. seront répartis, et l’on vous propose d’exclure toutes les demandes qui vous sont faites.
- Dix membres demandent la clôture.
M. Dubus. - Je m’oppose à la clôture. (Bruit. la clôture ! la clôture !)
- La clôture est mise aux voix et adoptée.
M. le président. - Il y deux propositions...
M. Dubus. - Je demande la parole pour la position de la question. Je ferai remarquer que M. Jullien est l’auteur de la proposition, et que son amendement ne cesse pas d’être la proposition principale. (Aux voix ! aux voix !)
- La chambre consultée accorde la priorité aux propositions de MM. Jullien et Fleussu.
M. Jullien. - Je ferai remarquer que je porte le chiffre à 147,000 fr., et que j’y comprends la dépense de la route de Charleroy à Beaumont.
M. Legrelle. - Il est évident que la proposition de M. Fleussu s’écarte davantage du projet primitif. Je reprends cette proposition.
M. le président. - La proposition de M. Fleussu est reprise par M. Legrelle. (Aux voix ! aux voix !)
- La chambre accorde la priorité à la proposition de M. Jullien sur celle de M. Fleussu, reprise par M. Legrelle.
- La proposition de M. Jullien, ainsi qu’elle a été modifiée dans le cours de la discussion, est mise aux voix et adoptée.
M. Dumortier a voté contre.
M. le président. - Il sera voté demain sur l’ensemble.
M. Dumortier. - Je demande qu’on insère mon vote négatif au procès-verbal pour qu’on sache bien que je n’ai pas pu obtenir justice dans la chambre des représentants.
M. le président. - Je pense que M. Dumortier n’a pas exprimé sa pensée, autrement le règlement me ferait un devoir de le rappeler à l’ordre.
- Cet incident n’a pas eu d’autre suite.
La séance est levée à quatre heures et demie.