(Moniteur belge n°160, du 9 juin 1833)
Les membres des deux chambres se sont réunis aujourd’hui, à midi, dans le local des séances de la chambre des représentants, sous la présidence de M. Van Hoobrouck de Mooreghem père, sénateur. MM. Liedts et Dubois, tous deux représentants, remplissent les fonctions de secrétaires.
La tribune est remplacée par le trône et par le dais qui le surmonte. Le fauteuil de M. le président est en face du trône.
L’assemblée est nombreuse, quoique beaucoup de sénateurs soient absents.
M. le baron Evain, en costume d’officier général, est au banc des ministres. M. Rogier, ministre de l’intérieur, et M. Duvivier, ministre des finances, sont assis à côté du général.
On remarque aussi que M. Lebeau, ministre de la justice, est au nombre des ministres présents.
Les tribunes publiques sont garnies de spectateurs ; elles ne peuvent contenir tous ceux qui se présentent.
M. de Mooreghem père, président, propose de procéder, par la voie du sort, à la désignation de la députation qui sera chargée de recevoir le Roi, quand S. M. fera son entrée dans le palais de la représentation nationale. Cette proposition est adoptée.
Six sénateurs et douze représentants composent la députation. Le sort amène les noms suivants :
Sénateurs. MM. le comte de Robiano, le comte Dubois, Van Hoobrouck de Mooreghem, le comte Baillet, le vicomte de Jonghe d’Ardoie, le comte Eugène de Robiano.
Représentants. MM. Liedts, le comte de Robiano de Borsbeek, Poschet, de Laminne, Dewitte, le chevalier de Theux, Ullens, Raikem, baron de Terbecq, Milcamps, Rouppe.
Avant une heure, des salves d’artillerie annoncent le départ du Roi des Belges de son palais.
En ce moment, M. le comte Latour-Maubourg, ambassadeur de France, et sir Robert Adair, ambassadeur d’Angleterre, prennent place dans une tribune réservée. Ils sont entourés de divers agents diplomatiques, parmi lesquels on distingue particulièrement M. l’envoyé extraordinaire des Etats-Unis.
A une heure le Roi, en uniforme de général de la garde civique, entre dans la salle ; il est précédé par la grande députation des chambres et suivi par les officiers généraux de l’armée. Il est accueilli par les plus vives acclamations.
Le Roi monte sur son trône, se couvre, s’assied, et prononce le discours suivant :
« Messieurs.
« Des événements, qui ne sont pas sans une grande importance pour la Belgique, se sont accomplis depuis l’ouverture de la session 1833.
« La France et la Grande-Bretagne, en exécution de leurs engagements, nous ont mis en possession de la forteresse qui menaçait une de nos plus opulentes cités. Une convention, conclue par ces mêmes puissances, procure à la Belgique la plupart des avantages matériels attachés au traité du 15 novembre, sans lui enlever encore les parties de territoire, dont la séparation sera toujours pour nous le plus dur des sacrifices.
« Le traité du 15 novembre est resté intact. Je veillerai à ce que, dans l’arrangement définitif avec la Hollande, il ne soit porté aucune atteinte aux droits qui nous sont acquis.
« Un désarmement partiel va devenir possible ; il sera exécuté de manière à diminuer les charges du trésor, sans affaiblir l’organisation de l’armée, et en maintenant l’intégrité de ses cadres.
« Nous nous rapprocherons ainsi de l’état de paix, autant que la prudence politique peut le permettre.
« J’ai la satisfaction de vous annoncer, messieurs, que, dans les circonstances où nous nous trouvons placés, il ne sera pas nécessaire d’imposer des charges nouvelles. Les ressources votées par les chambres suffiront pour faire face aux dépenses de l’année. Les recettes ordinaires présenteront même un excédant considérable, si, comme tout le fait espérer, les huit derniers mois de l’exercice répondent aux quatre premiers.
« Le moment est venu, messieurs, où le gouvernement, aidé de votre concours, pourra donner une attention soutenue et des soins efficaces aux améliorations intérieures du pays.
« Au premier rang des intérêts qui doivent nous occuper, se placent ceux de notre industrie et de notre commerce.
« Les négociations entamées à cet égard avec la France ont commencé sous d’heureux auspices ; elles seront continuées avec persévérance. Nous avons obtenu des Etats-Unis d’Amérique les stipulations les plus favorables à l’une des branches les plus importantes de notre industrie.
« Tout en continuant de chercher à l’extérieur des débouchés utiles au commerce et à l’industrie, nous n’avons pas perdu de vue ceux qu’ils réclament encore en beaucoup de nos localités. L’administration a senti la nécessité de donner, sous ce rapport, aux travaux publics une impulsion nouvelle.
« Je recommande à l’attention et au patriotisme des chambres le projet de grande communication de la mer et de l’Escaut à la Meuse et au Rhin, que réclament les besoins et les vœux du pays presque tout entier.
« Outre les lois des budgets et des comptes, celles d’organisation provinciale et communale vous seront présentées. Vos délibérations seront appelées aussi sur la loi des distilleries, qui doit exercer une haute influence sur l’état de notre agriculture, déjà si florissante.
« Messieurs, les éléments de prospérité que renferme la Belgique frappent tous les yeux, comme ses institutions libérales attestent l’état avancé de sa civilisation. C’est aux pouvoirs qui président à ses destinées de faire fleurir, par leurs communs efforts, ces éléments de prospérité, et ces institutions qui, sagement développées, seront la base la plus solide de notre nationalité, et nous promettent le plus riche avenir. »
- Ce discours a produit une vive impression. Aussitôt qu’il est prononcé, des applaudissements éclatent de toutes les parties de la salle.
Le Roi se retire ; il est reconduit par la grande députation des chambres, et la séance royale est terminée.
(Présidence de M. Pirson, doyen d’âge)
Immédiatement après la séance royale, MM. les sénateurs se retirent dans la salle de leurs séances, et MM. les représentants se forment en assemblée publique et générale. M. Pirson. à titre de doyen d’âge, occupe le fauteuil ; MM. Nothomb, Liedts, Dubois, Quirini, pris parmi les plus jeunes membres de l’assemblée, remplissent provisoirement les fonctions de secrétaires.
M. Pirson ouvre la séance, et prononce le discours suivant. - Messieurs, à l’ouverture de la session dernière, l’âge m’avait déjà appelé à l’honneur de présider momentanément la chambre des représentants. Les grands et nombreux travaux législatifs qui se présentaient à l’imagination de tous m’avaient autorisé à recommander à mes collègues l’assiduité et surtout l’abandon de toutes discussions oiseuses qui ne pouvaient que faire perdre du temps.
Nous arrivons lorsque tout ce qui avait été commencé a dû être abandonné.
Nous arrivons forts de l’opinion publique, qui a fait avorter une conspiration infâme. Non, la Belgique n’aura jamais une chambre introuvable. Si chacun de nous voulait récriminer, nos discussions seraient interminables, et ne produiraient aucun avantage au pays, qui déjà a porté son jugement.
Vengeons-nous en faisant de bonnes lois. Que le plus souverain mépris achève la honte de tous ceux qui veulent diviser les Belges. Une tolérance sage pour toutes les opinions franches et loyales sauvera la Belgique : l’union fait notre force.
Le Roi a usé de sa prérogative d’après les conseils de ses ministres ; il en usera peut-être d’après ceux du pays.
Quoi qu’il en soit, gardons-nous de rien faire et de rien dire qui puisse la violenter ; car alors nous n’aurions plus de gouvernement, nous serions dans l’anarchie. Hé ! à qui de nous pourrait-elle profiter !
Crions tous, dans toute la sincérité de notre âme : Dieu sauve le Roi et la patrie !
D’après le règlement, dit M. le président, la chambre doit, dans le cas de renouvellement intégral, former six commissions de sept membres chacune, afin de procéder à la vérification des pouvoirs. Les membres de ces commissions doivent être désignés par le sort. Je crois que c’est là ce que nous avons à faire avant tout. Voici les procès-verbaux des élections. (En disant ces mots, M. le président montre un volumineux paquet de papiers que l’on a déposé sur son bureau.)
M. de Theux. - Je crois qu’il faudrait déterminer les attributions de chaque commission avant de les former par la voie du sort, c’est-à-dire, que je crois qu’il faut indiquer maintenant de quelles élections chacune aura à s’occuper. Si la mesure que je propose n’est pas prise préalablement, il pourrait y avoir conflit dans les attributions des commissions ; c’est un inconvénient qu’il faut éviter.
M. le président. - Il faut que l’on fasse une proposition formelle sur cet objet ; il ne m’appartient pas d’en faire.
M. de Brouckere. - Voici la proposition que je soumettrai à la chambre. Les travaux des commissions seraient répartis aussi qu’il suit :
La première aurait à s’occuper des élections du Brabant.
La seconde, des élections de la Flandre orientale.
La troisième, des élections de la Flandre occidentale.
La quatrième, des élections du Hainaut et de Namur.
La cinquième, des élections d’Anvers et du Limbourg.
La sixième, des élections du Luxembourg et de Liége.
- Cette proposition est admise sans opposition.
M. le président. tire au sort la formation des six commissions.
Voici leur composition :
Première commission : MM. de Roo, A. Rodenbach, Pollénus, Corbisier, Boucqueau de Villeraie, de Sécus fils, Morel-Danheel.
Deuxième commission : MM. H. Vilain XIIII, Dellafaille, Hélias d’Huddeghem, Milcamps, Raikem, de Longrée, Fleussu.
Troisième commission : MM. Dugniolle, Domis, Trenteseaux, Dubus, le baron de Terbecq, le baron d’Hane, Ernst.
Quatrième commission : MM. Meeus, de Laminne, Vandenhove, Cols, Van Hoobrouck de Fiennes, Dubois, Lardinois.
Cinquième commission : MM. Gendebien, Nothomb, Donny, Ullens, Wallaert, d’Huart, Simons.
Sixième commission : MM. Brabant, Dumortier, Coppieters, Ch. Rodenbach, Rogier, Quirini, Frison.
M. Dumortier. - Il me semble que les commissions pourraient se réunir ce soir même et préparer des rapports pour demain. (Adhésion générale.)
M. le président. - Il paraît qu’on veut que les commissions se réunissent immédiatement. (Oui ! oui !) J’invite en conséquence MM. les membres des commissions à se retirer dans les salles particulières préparées à cet effet.
Demain il y aura séance publique à midi.
- La séance est levée.