(Moniteur belge n°93, du 3 avril 1833)
(Présidence de M. Raikem.)
M. de Renesse fait l’appel nominal à une heure.
M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal, qui est adopté.
Plusieurs pétitions sont analysées et renvoyées à la commission.
Il est donné lecture de différents messages du sénat qui renvoie à la chambre le projet de loi sur les distilleries, et qui annonce qu’il a adopté dans la séance d’hier le projet de loi portant des modifications à la loi monétaire, et celui tendant à accorder un crédit provisoire au ministre de la guerre pour le mois d’avril.
Plusieurs membres demandent l’impression du projet de loi des distilleries.
Sur la demande de M. Gendebien, ce projet est renvoyé à l’ancienne commission pour qu’elle donne son avis sur les amendements qui ont été introduits, et qu’elle fasse faire les impressions qu’elle jugera convenable.
L’ordre du jour est la suite de la délibération du budget de la guerre sur le pied de guerre.
La discussion continue sur l’amendement de M. Jullien, qui a obtenu la priorité hier.
M. le président. - La parole est à M. Desmaisières.
M. de Brouckere. - Il me semble qu’il faudrait entendre d’abord les explications de M. le ministre de la guerre.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Messieurs, la proposition de honorable M. Jullien a pour objet de supprimer les allocations qui dérivent de la mise de l’armée sur le pied de guerre, ou, ce qui revient à peu près au même, de son organisation en divisions et en brigades, prêtes à entrer en campagne.
Ces allocations se composent de cinq articles distincts, dont je peux vous faire connaître le montant exact.
1° Indemnités de frais de bureau.
Sur la somme totale de 164,500 francs, portée au chapitre 3, celle de 50,110 francs s’applique exclusivement au pied de paix pour l’intendance territoriale, l’inspection et les directions de l’artillerie et du génie, et l’état-major des places ; une autre somme de 40,040 francs est exclusivement destinée aux frais d’espionnage et de police : ces deux sommes réunies donnent un total de 90,150 francs. Il ne reste donc pour les allocations relatives au pied de guerre que la somme de 74,350 francs.
C’est donc uniquement sur cette somme que pourraient porter les réductions proposées, et comme le premier trimestre est déjà écoulé, la somme réductible se trouve elle-même déjà réduite à celle de 55,762 florins.
Cependant, messieurs, on est généralement d’accord que l’armée doit rester organisée en divisions et en brigades ; dans cet état de choses, il faut nécessairement un chef d’état-major à chacune de ces divisions, des commandants d’artillerie et du génie dans chaque division, des commandants en chef de l’artillerie et du génie, un intendant en chef et des intendants, enfin un chef d’état-major général.
Chez toutes les puissances de l’Europe il est attaché une allocation, en forme d’indemnité, à chacune de ces fonctions, et celles qui sont proposées au budget de 1833 sont fixées d’après les arrêtés et règlements encore en vigueur, et ont de plus reçu la sanction de la loi même par celle du budget de 1832, où toutes ces indemnités ont été positivement accordées.
J’étais donc fondé à les proposer au budget de 1833, et je le suis également à en réclamer le maintien.
C’est d’ailleurs sur une somme de 55,762 francs que pourraient porter aujourd’hui les réductions, et l’économie en résultant ne serait que bien minime.
2° Traitement extraordinaire des officiers-généraux pour frais de table et de représentation.
Ce traitement est fixé par l’arrêté du 29 mars 1815, et a été accordé depuis le 1er mai 1832, époque de la mise de l’armée sur le pied de guerre.
Le montant total de cette allocation est, pour l’année, de la somme de 92,160 fr.
Savoir :
6 généraux de division, à 7,680 fr. : 46,080 fr.
12 généraux de brigade, à 3,840 fr. : 46,080 fr.
Ce traitement extraordinaire est accordé pour l’objet spécial qu’il indique, dont je vous ai fait connaître l’importance réelle, aux officiers-généraux de toutes les armées de l’Europe, non seulement en temps de guerre, mais encore en temps de paix, pour tous les généraux qui ont un commandement, et ce traitement est partout plus considérable qu’il n’est en Belgique. Les généraux de l’armée qui nous est opposée jouissent d’indemnités beaucoup plus fortes, et les refuser aux généraux de l’armée belge serait les priver d’un droit inhérent à leur grade, d’un droit acquis en vertu des règlements existants.
Si donc l’on conserve l’organisation de l’armée en divisions et brigades, ce que je ne peux mettre en doute, il faudra, pour commander ces divisions et ces brigades, des officiers-généraux, et tout général commandant une brigade ou une division a droit à des frais de table et de représentation, pour recevoir les officiers qui se trouvent sous ses ordres.
Ce ne peut être sérieusement que l’on veut prétendre qu’ils ont à cet effet leurs rations de vivres de campagne.
La somme réductible, par suite du premier trimestre écoulé expiré, est seulement de 69,120 fr.
3° Rations de vivres de campagne.
La fixation du nombre des rations est la même que celle qui existe en Hollande, 18 rations pour les généraux de division, 12 rations pour les généraux de brigade.
Ce nombre a été déterminé par celui des domestiques et gens attachés au service des officiers-généraux. Mais ces rations de vivres ne leur sont accordées que lorsqu’ils se trouvent à l’armée ou dans un quartier-général où les troupes reçoivent des vivres de campagne. Partout ailleurs, et à Bruxelles entre autres, le général de division, comme le simple sous-lieutenant, reçoit une indemnité de 42 centimes par jour, quel que soit le nombre des rations qui leur sont attribuées.
Ainsi tombent tous les griefs élevés sur les rations de vivres distribuées à l’état-major général lorsqu’il est à Bruxelles. Chaque officier ne reçoit, je le répète, qu’une indemnité de 42 centimes par jour, ce qui fait 12 fr. 60 c. par mois, depuis le lieutenant-général jusqu’au sous-lieutenant.
Jamais ces rations de vivres de campagne n’ont été comptées dans l’évaluation du traitement des officiers-généraux, et c’est à tort qu’on a prétendu en grossir celui des généraux de notre armée.
4° Rations de fourrages.
L’allocation de ces rations est encore la même qu’en Hollande, mais beaucoup moins considérable qu’en France
12 rations pour les généraux de division ;
8 rations pour les généraux de brigade.
Ce nombre est fixé d’après les bases suivantes, pour les généraux de division :
4 chevaux de monture ;
2 chevaux de domestique ;
2 chevaux de calèche ;
4 chevaux de fourgon.
Les règlements et arrêtés en vigueur restreignent le nombre des rations à distribuer à celui des chevaux existants, et les mesures sont prises pour arrêter les abus qui ont pu avoir lieu sur le remboursement en argent d’une partie des rations ; le nouveau règlement qui va paraître, en réduisant la fixation des rations au strict nécessaire, mettra fin aux abus qui ont pu exister.
Ainsi je peux donner l’assurance que les réductions possibles à faire sur cette dépense seront incessamment effectuées.
Il est une autre espèce de dépenses qui se rapporte à celle dont il est question, et sur laquelle on avait pris le change quand j’en ai parlé à la dernière séance.
Les officiers-généraux et supérieurs de l’armée, obligés pour la plupart du temps de se loger à leurs frais dans les quartiers-généraux, on ne trouvant pas d’écuries suffisantes pour loger leurs chevaux dans les maisons où ils sont logés, reçoivent 42 centimes par jour par chaque cheval qu’ils possèdent en sus du nombre de ceux qui leur sont accordés sur le pied de paix, pour les indemniser du loyer des écuries qu’ils sont obligés de se procurer.
Ainsi, un général de division, qui a droit à 4 chevaux pour le pied de paix, et qui en a 9 par exemple, reçoit cinq fois 42 centimes par jour, c’est-à-dire 2 fr. 10 c., ce qui fait par mois 63 francs pour le loyer d’écurie de ses chevaux.
5° Frais d’entretien d’un fourgon et du conducteur.
Il est une dernière allocation qui a pour objet l’entretien d’un fourgon remis à chaque général dans le courant de l’année 1832, et qui se monte par an à 870 francs pour le général de division et à 630 pour le général de brigade.
Un fourgon est indispensable à l’armée pour le service de chaque officier-général et des officiers qui sont attachés à sa personne et à son état-major, pour transporter ses papiers, ses effets et ses vivres.
Les officiers-généraux reçoivent dans tous les services de l’Europe non seulement une forte gratification d’entrée en campagne, mais encore la somme nécessaire pour l’achat d’un fourgon et des chevaux pour son attelage.
Les officiers n’ont pas reçu de gratification d’entrée en campagne ; mais le gouvernement a reconnu qu’il était juste le leur fournir un fourgon et de leur allouer des fonds pour son entretien. Je fais remarquer qu’ils doivent le rendre en bon état à la cessation du pied de guerre.
C’est donc une dépense annuelle, pour les 18 officiers-généraux qui ont des commandements dans l’armée, de la somme totale de 12,780 francs.
Voilà, messieurs, le montant exact des dépenses qui résultent des allocations sur le pied de guerre accordées aux officiers-généraux de notre armée, et dont je vais rappeler ici les chiffres :
1° Indemnité de frais de bureau, 74.350 fr. ;
2° Frais de table et de représentation, 92,160 fr. ;
3° Entretien des fourgons, 12,780 fr.
Total. 179,290 fr.
Quant aux rations de vivres, on ne peut raisonnablement les refuser aux officiers-généraux quand les troupes sous leurs ordres les reçoivent ; et, pour ce qui concerne les rations de fourrages, on ne peut également ne pas les allouer pour le nombre de chevaux qu’ils possèdent.
Mais, en calculant toutes ces rations au maximum des allocations et aux prix établis par les derniers marchés, la dépense totale pour les vivres sera de 40,191 fr.
Celle pour les fourrages, de 54,750 fr.
Total. 94,941 fr.
Répartie entre 18 officiers-généraux.
Je n’ai dissimulé aucune des allocations accordées aux officiers-généraux sur le pied de guerre, et les deux dernières sont loin de s’élever au taux du maximum, où je les ai établies.
Mais, pour compléter entièrement le tableau de toutes les dépenses qui dérivent des allocations relatives au pied de guerre où se trouve l’armée, je dois vous faire connaître le montant de celles que reçoivent tous les officiers de notre armée.
Elles sont de deux espèces :
1° Les vivres de campagne, ou l’indemnité représentative ;
2° L’augmentation du nombre des rations de fourrages, sur le pied de paix.
1° Vivres de campagne.
D’après le tableau rectifié du chapitre du budget, et qui va être imprimé et distribué aux membres de la chambre, le nombre de rations de vivres à distribuer en nature aux officiers de l’armée est de 651,540 fr., lesquelles à 45 c. font 293,193 fr.
651,540 journées d’indemnité représentative, à 42 c. l’une, 273,646 fr. 80 c.
Total : 566,839 fr. 80 c.
Voilà, messieurs, la totalité de la dépense qu’entraîne la distribution des vivres de campagne à plus de 3,000 officiers, y compris les gardes civiques, ce qui fait revenir la dépense moyenne à moins de 190 fr. par officier.
2° Rations de fourrages.
Le supplément de rations de fourrages qui résulte du pied de guerre, sur le pied de paix, est très approximativement de la quantité de 1,500 rations, qui au prix moyen de 1 fr. 25 c. établit une dépense totale de 684,375 fr.
J’en fais dresser le tableau exact qui sera imprimé et distribué à la chambre.
Mais je dois faire observer que, les fourrages ne devant être donnés qu’à raison des chevaux existants, cette dépense est susceptible d’être réduite d’un tiers au moins ; ainsi, je ne la porte à son maximum que pour la somme de 456,250 fr.
Voilà donc, messieurs, la totalité exacte et réelle du montant de toutes les allocations généralement quelconques qui dérivent de la mise de l’armée sur le pied de guerre, et que je vais ici récapituler :
Traitements extraordinaires et indemnités aux officiers-généraux et aux chefs de service de l’armée : 179,290 fr.
Vivres de campagne et fourrages aux officiers-généraux, calculés au maximum : 94,941 fr.
Vivres de campagne et indemnité représentative aux officiers : 566,839 fr.
Supplément de rations de fourrages sur le pied de guerre : 456,250 fr.
Total général : 1,297,320 fr.
Cette somme ne représente même pas 2 p. c. sur la dépense totale de l’armée, et je vous le demande, messieurs, répond-elle au taux que vous vous figuriez qu’elle devait être ?
J’ai voulu faire connaître bien exactement à la chambre le montant réel de toutes ces allocations pour détruire les exagérations auxquelles elles ont pu donner lieu, avant de me livrer aux considérations générales que je vais maintenant exposer sur les inconvénients qui résulteraient de l’adoption de la proposition de l’honorable M. Jullien.
Je commencerai d’abord par poser en principe qu’il n’y a que trois positions possibles à l’existence d’une armée :
Celle du pied de paix, où toutes les troupes sont en garnison ;
Celle de rassemblement, où les troupes sont échelonnées pour se former au premier ordre en corps d’armée ;
Celle du pied de guerre, où les troupes sont prêtes à entrer en campagne le jour même qu’elles en reçoivent l’ordre.
Pour mettre notre armée dans la première position, il faudrait caserner toutes nos troupes, et vous savez, messieurs, que nous n’avons de casernes fournies d’effets de literie que pour en recevoir le tiers environ : il faut donc nécessairement que les deux autres tiers soient campés ou cantonnés chez l’habitant.
Il y a aujourd’hui 14 p. c. de bénéfice à faire distribuer les vivres de campagne, puisque la ration ne coûte que 45 c., et que la nourriture chez l’habitant est payée 52.
Ainsi, il faut nécessairement que l’on maintienne le service des vivres de campagne, et surtout pour l’avoir organisé en cas d’opérations militaires qui exigeraient des mouvements.
Je ferai maintenant connaître que, d’après les règlements français qui ont établi les conditions des troupes sur le pied de rassemblement, le nombre des rations de vivres et de fourrages à distribuer aux officiers-généraux et autres, est absolument le même que celui qui est accordé sur le pied de guerre.
La seule différence qui existe entre ces deux positions, est que les rations de vivres et de fourrages sur le pied de rassemblement sont remboursées en argent dans les lieux où ces deux services ne sont pas organisés ; tandis que, sur le pied de guerre, toutes ces rations doivent être distribuées en nature.
Ainsi, messieurs, que notre armée soit mise sur le pied de rassemblement ou qu’elle reste sur le pied de guerre, il n’y aurait pas, d’après les règlements français, de différence sur le nombre de rations à distribuer.
Après ces considérations toutes matérielles et de chiffres, permettez-moi de vous exposer maintenant quelques observations sous le rapport militaire.
L’armée hollandaise est sur le pied de guerre ; elle est organisée en brigades et en divisions. Elle a des généraux, des états-majors, des administrateurs.
Un signal peut mettre en mouvement tons les corps qui la composent ; cinq ou six marches, si notre armée n’était pas prête à combattre, peuvent la porter près de l’enceinte où vous délibérez.
Veuillez donc songer, messieurs, qu’il n’y a pas même d’armistice entre la Hollande et la Belgique ; que le roi de Hollande peut envoyer d’un moment à l’autre, à ses généraux, l’ordre de franchir la frontière.
Les événements déplorables du mois d’août 1831 sont-ils déjà si loin de nous, et faut-il perdre sans retour ce que nous avons pris tant de peine à établir pour les réparer ?
Vouloir désarmer dans un tel état de choses, c’est se mettre à la discrétion de son ennemi, c’est abdiquer sa nationalité.
Je dis que c’est vouloir désarmer que de détruire l’organisation actuelle de notre armée ; car l’expérience n’a que trop prouvé qu’il faut, pour constituer une armée, autre chose que des hommes, et même que des régiments.
Là où manquent l’ensemble et l’organisation, il ne saurait y avoir de véritable force.
S’il fallait renvoyer dans leurs foyers, une partie de nos soldats et conserver à l’armée son organisation actuelle, ou détruire cette organisation sans renvoyer de soldats, peut-être conseillerais-je de préférer le premier parti.
Une armée est une machine dans laquelle l’absence d’un rouage peut compromettre le mouvement de tous les autres : si vous supprimez toutes les allocations de campagne, vous n’aurez plus de généraux, d’officiers d’état-major, d’administrateurs, ou du moins ne pourriez-vous plus exiger que, sans équipages, ils se missent en campagne au premier signal.
Je vous ai fait connaître, messieurs, quelle serait l’économie qui résulterait de la suppression de ces allocations.
Des camps allaient être formés ; sous le rapport de l’instruction, de la discipline, de l’esprit de corps, cette mesure devait avoir les plus heureux résultats, présenter de véritables économies bien entendues, et alléger la charge des logements chez l’habitant.
Vous rendriez impossible l’exécution de cette mesure par la suppression des vivres de campagne.
C’est aux généraux hollandais seulement qu’il sera permis d’exercer leurs troupes, de vivre au milieu d’elles et d’obtenir, avant l’heure du combat, cette confiance de la part des troupes qui contribue si puissamment aux succès.
A tort ou à raison, nos alliés ont regardé comme contraire à leur politique que la Belgique vidât elle-même sa querelle avec la Hollande.
Peut-être leur intervention aurait-elle été moins prompte, moins décisive, si vous n’aviez organisé, et comme il convient qu’elles le soient, des forces assez imposantes pour prendre l’offensive.
Et cet avantage, vous allez le perdre, en détruisant l’organisation de notre armée sur le pied de guerre ?
Et si, plus tard, nos alliés changent de politique, s’ils ne sont plus disposés à faire de nouveaux efforts, de nouveaux sacrifices pour le maintien de notre indépendance, où trouverons-nous la force nécessaire pour nous passer de leur intervention, si ce n’est dans notre armée fortement organisée et toujours prête à entrer en campagne ?
J’ai fait assez de réductions sur les dépenses de l’armée pour réclamer le droit de m’élever contre celles que l’on propose aujourd’hui.
Avec un ennemi tel que celui que nous avons, et dans l’état politique actuel de l’Europe, vous n’exigerez pas, messieurs, que le gouvernement assume la responsabilité de l’avenir, si on le prive des moyens de maintenir l’armée sur le pied où elle est aujourd’hui.
Comme chargé de la direction du département de la guerre, je repousse la responsabilité que ferait peser sur moi l’adoption de la proposition que je viens de combattre.
M. Desmaisières. - Messieurs, malgré que je partage l’opinion de l’honorable M. Jullien, à l’égard des allocations de guerre, je me vois obligé de combattre en ce moment l’amendement qu’il a proposé, comme étant trop général et ne pouvant pas s’appliquer, du moins entièrement, à tous les divers articles du budget auxquels il paraît vouloir l’appliquer. En effet, il est des allocations de guerre qui, sur le pied où l’armée se trouve actuellement placée, peuvent être entièrement supprimées, sauf à les allouer ensuite pour le cas de guerre réelle ; mais il en est d’autres qui ne peuvent éprouver que des réductions partielles, et d’autres encore qui me paraissent devoir être entièrement conservées. Pour vous le prouver, je n’ai pas besoin, messieurs, de sortir du chapitre 3, et je m’en félicite, parce qu’ainsi il y aura plus d’ordre dans la discussion.
L’article premier se compose de deux spécialités, savoir les frais de bureau et les frais de police. Quant à la première de ces spécialités, je ne vois pas qu’il puisse y avoir lieu à grande différence en dépenses pour cet objet sur le pied actuel d’avec le pied de guerre réelle. Mais quant à la seconde, c’est-à-dire les frais de police, je crois qu’une diminution est possible en ce moment, parce que l’armée, étant à l’intérieur du pays la police militaire, est fortement aidée par la police civile, et par suite coûte beaucoup moins,
Je pense que cet article devrait donc être divisé en deux paragraphes, ou plutôt qu’il faudrait en faire deux articles différents. L’article premier serait intitulé : « frais de bureau, » et serait porté à 124,460 fr., et l’article 2 aurait pour titre : « frais d’espionnage et de police, » et serait porté à 40,000 fr., sauf les réductions qui seraient proposées et adoptées.
La dépense de l’article 2, « frais de route et de séjour, » est purement éventuelle : un tarif, établi par un arrêté, détermine ces allocations par lieue ou par journée pour les divers grades des militaires. L’amendement de l’honorable M. Jullien ne pourrait donc s’appliquer ici tout au plus que partiellement, c’est-à-dire que le tarif pourrait être réduit du dixième, du quart, du tiers ou d’une fraction quelconque, pour le cas du pied de guerre actuel. Toutefois, je dois vous observer, messieurs, que les frais de route et de séjour, pour mission ou reconnaissance, ne sont point payés aux officiers qui jouissent des autres allocations de guerre.
Après l’article 2 viendra, si vous l’adoptez, l’amendement que j’ai proposé, relativement aux frais de table des généraux. Lorsque j’aurai eu l’honneur tout à l’heure de vous le développer, vous verrez qu’il satisfait (du moins en grande partie) au désir de l’honorable M. Jullien. Enfin, quant aux articles 3 et 4, qui sont relatifs aux transports généraux et au chauffage des corps de garde, ce sont là des dépenses purement éventuelles.
Vous voyez donc bien, messieurs, que j’ai eu raison de vous dire, en commençant, que l’amendement de M. Jullien, qui tend à supprimer entièrement toute espèce d’allocation de guerre pour le pied de guerre actuel, ne peut s’appliquer généralement à toutes les allocations demandées de ce chef, et qu’il est de ces allocations auxquelles il ne peut que s’appliquer partiellement. Je crois donc que l’honorable auteur de la proposition devrait se borner pour le moment à proposer un amendement à l’article premier du chapitre 3, actuellement en discussion, sauf à en proposer d’autres successivement aux articles du budget qui viendront après, s’il le juge nécessaire.
M. A. Rodenbach. - Messieurs, je suis assez partisan des économies, et je l’ai prouvé en mainte occasion dans cette enceinte. Mais, après les considérations que vient de faire valoir M. le ministre de la guerre, je ne donnerai pas mon assentiment à la proposition de l’honorable M. Jullien.
M. le ministre nous a dit qu’en Hollande, l’armée est sur le pied de guerre : je crois qu’il y aurait imprudence de notre part à en agir autrement. Nous devons être ici sur le qui-vive. L’ennemi peut nous attaquer à l’improviste, et il est nécessaire que nous soyons sur nos gardes. D’ailleurs, on nous a fait voir que les économies qu’a eues en vue l’honorable auteur de la proposition n’étaient nullement considérables. Le chiffre n’en serait pas assez élevé pour que cela puisse nous engager à changer totalement l’organisation de notre armée. Cependant, je crois que la somme de 16,000 fr. qu’on demande est exagérée, et qu’on pourrait trouver quelques économies à faire sur certains objets ; par exemple, sur les frais de bureau. L’amendement de notre collègue, M. de Brouckere, me paraît aussi être admissible.
M. Jullien. - Messieurs, je ne reviendrai pas sur les motifs de ma proposition ; car, dans la discussion générale aussi bien que dans la discussion particulière qui a eu lieu hier, ils ont été suffisamment développés. Je répéterai seulement, afin que les plus inattentifs m’entendent, qu’en droit et d’après notre droit politique nous ne pouvons pas, sans violation des traités auxquels nous avons souscrit, nous constituer en état de guerre ; qu’en fait nous ne sommes pas en guerre, et que si un simulacre de guerre a existé sur notre territoire, vous savez tous que nous n’y avons pris aucune part, précisément à cause des traités qui nous lient.
Maintenant, il s’agit d’examiner quelle peut être l’étendue de ma proposition. Je n’ai pas entendu que cette proposition pût s’appliquer aux objets qui pourraient léser les intérêts de l’armée. Si elle tendait à enlever à l’armée, aux officiers supérieurs, comme aux soldats, la moindre parcelle de ce qui leur est légitimement dû, je ne l’aurais pas faite, ou bien je me serais empressé de la retirer. Mais elle n’a pas d’autre but que de rappeler le budget de la guerre lui-même à des économies désirées depuis longtemps par la nation et, en passant successivement en revue tous les tableaux de la cour des comptes, nous pouvons apprécier les articles auxquels elle doit ou ne doit pas s’étendre et devant lesquels elle doit se modifier.
D’abord je dirai que je tiens pour vrais les tableaux de la cour des comptes, parce qu’elle ne peut pas présenter de pièces sans qu’il y ait des parties prenantes. Du reste, il serait très facile de s’instruire à cet égard ; car, si je ne me trompe, M. le président pourrait demander à cette cour si les tableaux contiennent des dépenses réelles, effectives ou seulement des indications, et elle s’empresserait d’y répondre.
Je vais passer en revue les différents articles auxquels ma proposition pouvait s’étendre dans sa généralité.
D’abord viennent les 7,446 fr., montant des rations de fourrages pour 12 chevaux des généraux de division. Mais, d’après les observations que nous a présentées à cet égard M. le ministre de la guerre, et surtout d’après la promesse qu’il nous a faite de veiller sévèrement à la répression des abus qui se sont glissés dans cette matière, je ne demande plus que ma proposition s’étende à ces rations de fourrages.
La raison en est simple : un général de division peut avoir 12 chevaux quand il entre en campagne ; mais dans ce moment je crois pouvoir assurer qu’il n’y en a pas un seul qui ait 12 chevaux à son service, parce que ces messieurs doivent être persuadés comme nous qu’ils ne sont pas tellement près d’entrer en campagne qu’ils aient besoin de doubler ou de tripler leurs équipages. D’ailleurs, quand il leur plairait de les tenir au complet, dès l’instant qu’on ne pourra fournir ces fourrages qu’aux chevaux, qu’on ne les fournira plus en argent comme cela a eu lieu, et qu’on fera le contrôle exact des chevaux, c’est un point qui devient indifférent pour la chambre, et il faut s’en rapporter à la loyauté des généraux et à la surveillance de M. le ministre de la guerre. Ainsi, sous ce rapport, je modifierai ma proposition. Voilà pour un article.
Mais il n’en est pas de même de l’article qui concerne les 3.285 fr. pour vivres de campagne. A cet égard, messieurs, je ne vous répéterai pas tout ce que d’honorables orateurs vous ont dit avec moi ; on vous a fait remarquer qu’il y aurait quelque chose d’absurde à donner des vivres de campagne aux généraux qui se trouveraient dans les places, dans les villes comme à Bruxelles ou ailleurs, et qu’ils ne pouvaient raisonnablement exiger qu’on leur payât ces vivres de campagne alors qu’ils n’étaient pas en campagne. Pour cet article donc je maintiendrai ma proposition, car je n’ai rien entendu qui puisse m’engager à en agir autrement.
Le troisième article est relatif aux frais de bureau pour le lieutenant-général d’état-major, frais qui s’élèvent à 10,010 fr., et pour les chefs d’état-major à 2,500 francs. M. le ministre de la guerre nous a expliqué ce qu’il comprenait dans le chiffre de cet article pour l’état de guerre et pour l’état de paix. Eh bien ! ma proposition se réduira à ce qui appartient à l’état de guerre. Je ne vois pas la nécessité de payer de ce chef au lieutenant-général 10,010 francs comme s’il était en campagne, comme s’il devait organiser des bureaux, ouvrir de grandes correspondances, enfin faire face à tous les besoins. Je restreins donc ma proposition à ce qui excède l’état de paix.
Le quatrième article est celui qui a rapport aux frais de représentation, de table et de logement des officiers-généraux.
Si vous allouez ces dépenses, vous allez entrer dans une voie de profusions et de prodigalités, dans laquelle vous ne pourrez plus vous arrêter ; car, y a-t-il une seule raison qu’on puisse vous donner pour ces officiers-généraux qu’on ne pourrait également invoquer pour tous les hauts fonctionnaires de l’Etat ? Les ministres, les présidents de nos cours, les archevêques, les évêques ; les gouverneurs de province, qui doivent aussi faire les honneurs de leurs places, ne seront-ils pas en droit de vous demander aussi des frais de table et de représentation ? Si vous les accordiez, vous seriez en contradiction avec vous-mêmes, et je vais vous le prouver.
Depuis deux ans on vous demande au budget des affaires étrangères une indemnité de 10 et de 20,000 f. pour frais de représentation ; eh bien, toutes les sections ont été d’accord pour la rejeter, et je ne crois pas commettre une indiscrétion en disant dès à présent que le rejet a eu lieu aussi à la section centrale.
Cependant, messieurs, s’il est une science au monde qui s’accommode le mieux de dîners et avec des dîners, c’est bien certainement la diplomatie.
Ce n’est pas qu’on n’ait pas senti cette vérité dans vos sections et que de la manière dont les machines gouvernementales sont maintenant organisées, on n’ait pas reconnu la différence du département des affaires étrangères avec les autres départements ; mais c’est les autres départements ; mais c’est qu’aussi on a senti les charges énormes qui pèsent sur le peuple, et que là où l’on n’a pas le nécessaire, il y a de la démence à penser au luxe et au superflu.
Le cinquième article concerne l’entretien des fourgons, et il comprend 1,140 fr. 20 c. Sur ce point je m’en rapporte entièrement à la sagesse de M. le ministre ; s’il déclare que la position des officiers les oblige à ne pas disloquer leurs équipages, j’amenderai encore ma proposition à cet égard.
Voilà, messieurs, tous les chapitres des tableaux de la cour des comptes, car je ne vous parlerai pas des frais de route et de séjour d’où résultent encore de très fortes dépenses. Je ne comprends pas trop comment un général de division, pour visiter sa troupe dont une partie est au nord et une partie au midi, doit recevoir des frais de voyage à raison de 6 fr. par lieue, et de 31 fr. par journée de séjour ; car dans un grade aussi élevé, avec un traitement et des avantages proportionnés à ce grade, il me semble que les frais de route sont de trop, ou tout au moins exagérés.
Il y a encore un autre article sur lequel je ne m’explique point, c’est celui qui porte 2,364 fr. 20 c. pour achat de 4 chevaux et harnais aux généraux de division et à l’intendant en chef. Je ne sais si c’est une faveur qu’on leur accorde, si cette somme leur est allouée à titre de prêt ; tout ce que je sais, c’est que je la trouve sur le tableau, et plus tard vous la trouverez sur vos comptes.
En résumé, je crois avoir clairement démontré que je n’entends étendre ma proposition qu’à tout ce qui constitue de véritables faveurs, à ce qui n’existait pas jusqu’à présent dans notre budget de la guerre, à des innovations qui pourraient entraîner de graves conséquences parce qu’elles nous conduiraient à accorder à tous les hauts fonctionnaires de l’Etat ce qu’on donnerait aux officiers supérieurs de l’armée.
On nous parle d’imminence des hostilités, et de la nécessité de ne pas diminuer nos forces. Mais personne ne veut réduire le chiffre de l’armée. Ce chiffre se trouve porté à 130,000 hommes ; si l’Etat en avait besoin de 140,000, et que le pays pût les fournir, il les fournirait. Mais ce n’est point là la question. La question c’est de savoir si quand on paie bien une armée, si quand on donne aux officiers de cette armée des traitements et des soldes supérieurs à ceux des principales puissances militaires de l’Europe, on doit encore se jeter dans des prodigalités ruineuses. C’est pour éviter ces prodigalités que j’avais fait ma proposition, et sous ce rapport je la maintiendrai.
M. Angillis. - La proposition de l’honorable M. Jullien, telle qu’il l’a modifiée, ne présente plus à mes yeux aucune difficulté. Je ne répéterai pas tout ce que l’orateur a dit à l’appui de sa proposition ; mais je dirai qu’elle renferme une précaution sage, une précaution conseillée par l’expérience et que la législature ne peut pas négliger.
Relativement aux frais de table et de représentation, je ne conçois rien à toutes ces dépenses qui ne sont que des largesses mal entendues. Tout fonctionnaire, quel que soit son grade doit dîner et traiter à ses frais, et quand on est témoin de toutes les privations que doivent s’imposer beaucoup de ceux qui aident à supporter les dépenses de l’Etat, pour réunir leur part dans ces frais, on ne peut voir sans une profonde douleur l’extension que l’on veut donner à certaines dépenses. Quand le peuple nous a envoyés ici, il nous a donné la mission de consentir, en son nom, à toutes les dépenses strictement nécessaires au service public ; en accordant plus que le strict nécessaire, ce serait outrepasser les bornes de notre mission, et violer le premier de nos devoirs.
Nos ministres, messieurs, n’obtiennent rien pour frais de représentation, et vous vous rappellerez que, l’année dernière, la chambre a retranché l’allocation demandée pour M. le ministre des affaires étrangères, et j’espère qu’il en sera de même cette année-ci ; car, pour ce qui me regarde, je déclare que jamais je n’accorderai rien à qui que ce soit pour frais de représentation. N’oublions pas, messieurs, que la nation souffre, qu’une immense responsabilité pèse sur nous ; car la nation viendra un jour nous demander compte, non seulement de ce que nous aurons fait, mais encore de ce que nous aurons négligé de faire.
Je voterai donc pour la proposition, et à cette occasion je dois faire observer, qu’il est dans l’intérêt même de ceux qui désirent faire adopter le budget, de tâcher d’obtenir une grande majorité ; c’est cette majorité qui donne à la loi la force morale, la puissance de la persuasion qui ajoute tant à la force du commandement. Cette force morale est la meilleure garantie de l’exécution de la loi ; elle inspire la confiance au peuple tandis que le contraire arrive quand le budget n’obtient qu’une faible majorité. Nous avons vu, sous l’ancien gouvernement, les mauvais effets de cet ordre de choses. Ne rejetons donc pas, messieurs, des amendements raisonnables, des amendements qui tendent à prévenir les abus ; car, en agissant ainsi, vous finirez par créer une opposition qui pourrait avoir une influence fâcheuse sur d’autres budgets.
M. de Haerne. - J’ai à relever une phrase du discours de l’honorable auteur de la proposition sur laquelle porte en ce moment la délibération. Je veux parler d’un des arguments qu’il a présentés et qui même se trouve en quelque sorte dans cette proposition.
M. Jullien a dit, afin que tout le monde le comprenne, même les plus inattentifs, que d’après notre droit politique nous ne pouvions pas faire la guerre, que nous n’étions pas en état de guerre. Je crois que c’est sur le principe de la neutralité consacré dans le traité du 15 novembre, que l’honorable membre s’est appuyé. Mais je ne comprends pas de cette manière la neutralité, et les concessions qui nous ont été arrachées par la diplomatie sont assez dures d’ailleurs pour que nous puissions donner à ce principe une interprétation plus favorable.
Par la neutralité (et ici je rappellerai les débats qui ont eu lieu sur cette grave matière, tant au congrès que dans la dernière session de la chambre), par la neutralité on a entendu non pas que la Belgique ne pût pas se constituer en état de guerre, qu’elle ne pût pas se défendre quand ses intérêts les plus chers seraient lésés, mais seulement on a entendu qu’il lui était interdit de faire des traités d’alliance offensive et défensive pour déclarer la guerre à une tierce puissance.
Ce n’est donc pas dans les circonstances actuelles qu’il convient d’invoquer le principe de la neutralité pour opérer des réductions dans l’armée, car nous sommes en guerre, et quoique nous n’en soyons pas venus aux actes d’hostilité, notre état est l’état de guerre. Nos droits reposent sur la base du droit public même qui a été proclamé par la conférence, et que nous avons admis, mais que la Hollande n’a point admis. Ces droits sont attaqués, la Hollande occupe notre territoire ; nous pouvons même rester sur la défensive, et même prendre l’offensive contre elle. Voilà comme j’entends la neutralité. (Marques d’adhésion.)
L’honorable auteur de la proposition a consenti lui-même à la restreindre à ce qui concerne l’état de guerre. A cet égard je partage assez son avis. Il peut proposer des économies sur les spécialistes ; et je me rallierai à lui, à moins qu’on ne m’en détourne par des objections graves, et pour autant que ces économies n’empêchent point l’armée d’entrer en campagne quand il en sera besoin, et ne gêneraient aucunement pour l’éventualité d’une attaque.
M. Brabant, rapporteur propose un amendement dont il est donné lecture, et qui est conçu en ces termes : « Les frais de représentation et les vivres de campagne ne seront accordés aux officiers-généraux et supérieurs que pour autant qu’ils passeront dans le camp, ou que les troupes sous leurs ordres seront cantonnées dans une zone de cinq lieues de la frontière ennemie. »
Messieurs, dit cet honorable membre, on n’a pas contesté ces allocations des officiers supérieurs quand ils sont sur le pied de guerre. La seule chose contre laquelle on s’est récrié, c’est la largesse qu’on accorderait à des généraux stationnés dans les places ou les villes, comme à Bruxelles, par exemple. L’amendement que je propose serait un article réglementaire, et limitant le pouvoir d’accorder ces allocations.
- L’amendement est appuyé.
M. H. Vilain XIIII. - Je demanderai à M. le ministre si des frais de représentation ne sont pas accordés à d’autres qu’à des officiers-généraux et à des généraux de brigade, car je vois que l’intendant-général figure pour cet objet dans les tableaux de la cour des comptes.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Les divers faits présentés par l’honorable M. Jullien méritent quelques explications. Il les a fondés sur le tableau dressé par la cour des comptes, et que je trouve très inexact attendu qu’il comprend dans le même chapitre des objets qui se rapportent à d’autres chapitres. Il est porté dans ce tableau 3,285 fr. pour vivres de campagne aux officiers supérieurs ; mais, d’après les calculs qui ont été faits et le prix, ils ne sont que de 2,880 francs.
L’honorable orateur s’est élevé contre la distribution des vivres de campagne aux généraux qui sont à Bruxelles. Je déclare qu’il n’a été distribué de vivres de campagne à aucun général séjournant dans cette ville.
Il a aussi parlé des 2,500 francs de frais de bureau des généraux de division. Mais j’ai déjà expliqué qu’ils étaient touchés par les colonels d’état-major et non pas ces généraux.
Quant aux frais de représentation que l’orateur s’est étonné de ne pas voir figurer au budget de 1832, la raison en est simple ; c’est que ce budget rédigé à la fin de 1831 fut discuté en février et mars 1832, et alors on était dans l’opinion que les ratifications allaient arriver, et que la paix était sur le point de se conclure, de sorte que le ministre de la guerre de ce temps n’a pas pu prévoir le cas. Plus tard, les officiers-généraux ont représenté que, d’après les arrêtés existants, ils avaient droit à des frais de représentation, et c’est sur mon rapport que le Roi décida que ces frais leur seraient délivrés.
Comme le budget était sur le pied ordinaire, il était très naturel de prendre ces frais sur les dépenses extraordinaires ou imprévues. Je ne vois rien là que de très raisonnable.
Le tableau de la cour des comptes porte une somme pour logement des officiers supérieurs, comme s’ils étaient logés aux frais de l’Etat. Je déclare qu’aucun officier-général ne reçoit un centime pour frais de logement, et sous ce rapport les chefs de notre armée sont moins bien traités que ceux de France. La somme dont il s’agit est affectée au loyer d’un hôtel que le gouvernement a dû prendre pour l’établissement des bureaux de l’état-major et le logement de l’état-major.
Pour les frais de route et de séjour, les officiers supérieurs n’y ont aucun droit en temps de guerre ; ils ne peuvent les demander qu’en temps de paix. Une exception a été faite et elle était raisonnable, c’est pour les missions extraordinaires confiées au général Desprez ; lui seul a été indemnisé.
Enfin, pour l’achat de 4 chevaux mis à la disposition des généraux, un procès-verbal est rédigé à cet égard par l’intendant militaire qui fait le signalement de ces chevaux, et les officiers supérieurs à qui on les a donnés sont obligés de les remettre au moment où l’armée n’est plus en état de guerre.
Quant aux dépenses imprévues, il peut se faire qu’il en ait été porté dans divers chapitres des budgets ; mais je déclare que dans celui que j’ai présenté il n’y a plus qu’un seul article de dépenses imprévues, et il clôt ce budget.
M. H. Vilain XIIII. - M. le ministre n’a pas répondu à mon interpellation relativement à l’intendant-général.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - L’intendant-général, ayant rang de maréchal de camp, a réclamé une allocation pour frais de représentation, et il l’a touchée.
M. Brabant, rapporteur. - Il me semble que si M. le ministre se ralliait à l’amendement que j’ai proposé, il n’y aurait plus aucune difficulté pour les allocations dont il s’agit. La chambre est unanime sur ce point qu’il faut faire tous les frais nécessaires à l’entretien de l’armée. Ce sont les abus qu’elle veut éviter. Eh bien mon amendement a pour but de les prévenir. Si on viole la loi, la responsabilité du ministre sera engagée.
M. Verdussen. - Au moment où l’honorable M. Jullien a présenté son amendement, je le trouvais inadmissible, mais il vient de le modifier. Cependant je le trouve encore trop général, et par contre je regarde celui de M. Brabant comme n’étant pas assez étendu. Je crois qu’il faudrait ajouter dans ce dernier amendement les frais de bureau. A ce sujet je ferai remarquer une particularité assez singulière ; c’est que c’est en état de paix que les officiers supérieurs jouissent de l’indemnité, et en état de guerre, quand ils en ont le plus besoin, ils n’en jouissent pas. Par exemple, c’est alors qu’on entre en campagne que l’indemnité de 10,100 francs devrait être accordée.
Il y a là, ce me semble, une anomalie.
M. Brabant, rapporteur. - Tous les frais de bureau, à l’exception de ceux du major-général de l’armée et de l’intendant en chef, sont alloués au pied de paix comme au pied de guerre. Maintenant les besoins du major-général dans l’état actuel sont-ils aussi grands qu’ils le seraient en cas d’hostilités ? Je crois pouvoir affirmer que c’est absolument la même chose. Le major-général est maintenant en correspondance avec tous les chefs des troupes de première ligne, de deuxième ligne et des garnisons. Sa position est donc absolument semblable à ce qu’elle serait si l’on en était venu aux hostilités.
M. Gendebien. - Je n’y comprends plus rien. M. le ministre de la guerre est convenu, à diverses reprises, que les 10,100 fr. dont il s’agit n’étaient pas accordés à titre de frais de bureau, mais comme supplément de traitement, et M. le rapporteur de la commission affirme maintenant que cette somme peut être absorbée par les correspondances, comme si elles occasionnaient d’autres dépenses que du papier, des plumes et de l’encre...
M. Brabant. - Je n’ai pas dit cela ; j’ai dit que si cette somme était due en temps de guerre, il fallait aussi l’allouer en temps de paix, parce que les frais étaient les mêmes.
M. Gendebien. - Il me semble toujours que M. le ministre devrait proposer à cet égard un article pour supplément de traitement, s’il juge qu’il est dû, ainsi qu’un autre article pour les frais de bureau, afin de ne pas persister dans une inconstitutionnalité que j’ai établie, et qu’on n’a pas osé contester.
J’arrive maintenant à un autre objet que je ne puis pas admettre, et, s’il passe, je voterai contre tout le budget de la guerre ; je veux parler des frais de représentation des généraux. Je demanderai à M. le ministre de la guerre sur quels fonds il a pris, pour l’année 1832, et sur quels fonds il veut prendre ces frais pour 1833…
M. Brabant. - M. Desmaisières présentera un amendement à cet égard.
M. Gendebien. - Je prie M. Brabant de ne pas m’interrompre ainsi à chaque phrase, car il me serait impossible de suivre le fil de mes idées. J’adresse à M. le ministre de la guerre une demande, et cette demande est pertinente ; je désire savoir comment il se permet d’accorder des frais de représentation, alors qu’il ne propose pas d’allocation à la chambre sur ce sujet. L’année dernière, on les a pris, je suppose, sur les dépenses imprévues, et on entend probablement encore faire de même cette année. Mais alors ce ne sont plus des dépenses imprévues, et ensuite une pareille manière d’agir est inconstitutionnelle, car la constitution ne permet de conférer des pensions, des gratifications et des indemnités qu’en vertu d’une loi.
Nous venons enfin d’apprendre que l’intendant en chef de l’administration milliaire (et je déclare que je ne parle point ici de M. le commissaire du Roi, mais de son collègue ; car j’ai confiance dans le premier : il n’en est pas de même de tous les autres employés de cette administration), nous venons d’apprendre, dis-je, que l’intendant en chef a aussi des frais de représentation. La chose est inutile, inconvenante ; elle est peut-être même immorale. Vous voyez que quand on est une fois lancé dans une mauvaise voie, il n’y a plus de raison de s’arrêter. C’est vraiment donner à l’intendant en chef des moyens de corruption, car dans quel but traiterait-il splendidement les officiers et les fournisseurs avec lesquels il est en rapport ?
Pourquoi lui allouer les mêmes rations pour les chevaux qu’à un général de brigade ? Je doute qu’il ait le même nombre de chevaux. Il a les mêmes vivres de campagne, d’après ce que vient de dire M. le ministre de la guerre. Indépendamment de tout cela, on lui donne 12,600 francs pour frais de bureau, et je ne sais pas qu’il ait des frais de bureau. Je reviendrai sur cet article quand il en sera temps.
Ainsi, 12,600 fr. d’une part, et 10,994 fr. de l’autre, cela fait 23,594 francs, sans compter les grosses indemnités de route et de séjour ; plus 11,600 francs de traitement. Il faut trancher le mot : cela est scandaleux. A quoi bon, d’ailleurs, l’intendant en chef ? Il est complétement inutile : un intendant de seconde classe pourrait remplir les mêmes fonctions sans nous coûter aussi cher. En France je conçois la nécessité ; il y a là de bonnes raisons pour que le personnel soit plus nombreux que le nôtre et qu’il soit dirigé par un intendant, par la raison que l’administration se charge de tout, que les manipulations et la surveillance sont bien autres, puisque les fournitures se font en régie ; mais ici à quoi bon ? Je pense qu’un intendant de deuxième classe ou un sous-intendant de première classe pourrait faire toute la besogne.
En quoi consiste-t-elle en effet ? A s’assurer que les fournisseurs ont dans les magasins la quantité de vivres suffisante conformément aux clauses du cahier des charges, à viser les bons, à les réunir et les totaliser à la fin du mois, et voilà tout. Quels sont les frais de bureau pour tout cela ? On ne dépense rien si ce n’est 2 à 300 francs pour papier et plumes ; les hommes qui travaillent sous l’intendant en chef appartiennent, d’ailleurs, à l’administration.
Ainsi donc, sans entrer dans les difficultés qui sont relatives au passage du pied de paix au pied de guerre, je demanderai si la somme de 2,500 fr., allouée aux généraux de division pour frais de bureau, est nécessaire ; si elle est nécessaire, celle de 430 que l’on donne aux généraux de brigade ne me paraît pas suffisante. Voilà le malheur, chez nous on proportionne les indemnités au chiffre du traitement. Le major-général qui n’a presque pas de dépenses à faire a des traitements, des indemnités et des gratifications considérables, tandis que le chef de brigade, qui en a beaucoup, n’obtient que 430 francs.
On a dit que les frais de bureau, pour les généraux de division n’étaient pas touchés par le général, mais par le colonel d’état-major. Peu importe ! Il s’agit de savoir s’ils sont nécessaires soit au colonel d’état-major soit au général, et c’est ce qu’on n’a nullement établi.
On a parlé de jeunes gens que les généraux de division payaient à raison de 1,000 et de 1,200 fr. Mais est-ce que ces généraux n’ont pas des officiers pour faire le peu d’écritures qu’ils ont à tenir ? Au besoin n’ont-ils pas des sous-officiers ?
Quant aux fourgons, je persiste à croire qu’ils sont un luxe inutile dans un pays comme le nôtre. On vous parle d’archives, je ne conçois pas qu’elles soient si considérables. Il me semble que les généraux de division n’ont pas besoin d’une bibliothèque, et qu’une ou deux bonnes cartes du pays leur suffisent ; quelques lettres à garder, etc., un cheval de bât doit suffire pour tout cela.
Je comprends la difficulté de bien établir par amendement une catégorie fixe de dépenses qu’on devrait supprimer, en attendant que notre armée soit sur le pied de guerre. Mais nous pourrons, en discutant article par article, retrancher les dépenses inutiles. L’article que propose l’honorable M. Brabant semble lever la difficulté en apparence. Il propose de restreindre l’allocation aux chefs supérieurs dont les troupes se trouvent dans une zone de cinq lieues de la frontière ; mais il est très possible que les divisions qui stationnent en arrière se trouvent en même temps sur le même champ de bataille : il n’y a pas de raison pour établir cette instruction. Je pense donc qu’il faut en revenir à discuter article par article toutes les allocations aux divers officiers-généraux, et, pour une bonne fois, régulariser toutes les choses si irrégulières. D’après ces considérations, je ne pourrai appuyer la proposition de M. Brabant ni celle de M. Jullien, sauf à y revenir après la discussion et le vote des divers articles.
M. Brabant. - Les observations de M. Gendebien viennent de me convaincre qu’il y a une lacune dans mon amendement. Je prierai M. le président d’y ajouter ces mots : « hors les cas d’hostilités, etc. »
M. de Robaulx. - Je n’appuierais pas l’amendement de M. Brabant si cet amendement ne permettait pas de discuter les articles ; car je demande comme M. Gendebien qu’on délibère séparément sur chaque article, et qu’on rejette ce qui est exagéré ; mais quand vous aurez adopté toutes les spécialités, arrivera cet amendement par lequel vous déciderez que les allocations admises ne seront délivrées que quand les officiers supérieurs seront réellement en campagne ou quand leurs troupes seront à telle distance de la frontière. Cet amendement peut donc se concilier avec les observations de M. Gendebien.
Cet honorable membre a dit, relativement à l’intendant en chef, que c’étaient des employés de l’administration qui faisaient sa besogne, et qu’il n’avait pas même de bureaux.
Si cela est vrai, cet intendant nous en a imposé et d’une manière très impudente ; car je vois dans le rapport de la section centrale une déclaration ainsi conçue :
« Quant à l’indemnité de 12,600 francs accordée à l’intendant en chef de l’armée, il déclare qu’elle est employée comme suit :
« 1° Traitements des employés particuliers (un secrétaire et trois commis) : fr. 7,800 ;
« 2° Garçon de bureau : fr. 750 ;
« 3° Loyer d’un local pour les bureaux : fr. 1,700 ;
« 4° Chauffage et éclairage : fr. 750 ;
« 5° Frais de bureau, impressions, papier, etc : fr. 1,800.
« Total : fr. 12,800.
« Il certifie de plus que cette indemnité, réglée par les arrêtés existants, est indispensable pour monter et assurer le service de l’intendance générale de l’armée. »
Si donc ce qu’a dit M. Gendebien est exact, il est certain qu’il faudrait rejeter l’allocation, parce que l’intendant nous en aurait imposé.
M. de Bassompierre, commissaire du gouvernement. - En parlant de l’intendant de l’armée, un honorable orateur a bien voulu faire mon éloge, et cet éloge je l’ai accepté avec plaisir, parce que mes services sont purs et désintéressés. Mais c’est avec douleur que je l’ai entendu en même temps se prononcer d’une manière moins favorable à l’égard d’un de mes collègues. J’ai été mortifié pour l’honneur du corps qu’on l’ait représenté sous des couleurs peu avantageuses, ce qu’il ne mérite nullement, et je suis persuadé que l’honorable M. Gendebien, s’il voyait que les renseignements qui lui ont été donnés sont inexacts, lui rendrait pleine justice. Je répondrai maintenant à quelques observations qui ont été faites.
L’intendant-général, messieurs, fait le service de l’administration, reçoit les ordres du ministre qu’il transmet aux divisions, est chargé de veiller à ce que les vivres ne manquent point, passe les marchés, etc. Il faut pour tout cela un fonctionnaire qui soit d’un caractère convenable.
Quant à l’allocation elle est nécessaire, car dans toutes les armées de l’Europe elle est fixée à un taux supérieur. Pour ce qui est des intendants et sous-intendants, ils sont chargés de la surveillance des magasins de l’entrepreneur ; ils doivent viser les bons, les enregistrer, passer des revues.
Vous concevrez aussi qu’un commis est d’une indispensable nécessité.
Je pense, messieurs, que ces renseignements vous auront convaincus que le nombre des intendants n’est pas exagéré et se trouve même au-dessous de ce qu’il devrait être.
Quant à l’intendant en chef, il ne se sert pas des employés du ministère de la guerre. Je ne saurais dire combien il a d’employés, il doit en avoir un nombre suffisant ; mais ce que je sais, et ce que je puis assurer, c’est que sa correspondance est active et ne laisse rien à désirer.
M. Jullien. - Messieurs, pour abréger la discussion et y mettre de l’ordre, j’adopte l’idée qui a été présentée par l’honorable orateur, c’est-à-dire, de discuter les parties de l’article qui ont été l’objet de ma proposition générale. Je retirerai en conséquence cette proposition générale pour en donner la monnaie dans les applications particulières.
M. de Robaulx. - On doit examiner d’abord les parties spéciales de l’article ; l’article lui-même ne peut être mis en délibération qu’après.
M. Brabant, rapporteur. - Mon amendement n’empêche pas de voter sur chacune des sections de l’article. On peut donc procéder de la manière demandée ; mais je n’en voterai pas moins contre la proposition de M. Jullien, parce que les frais de bureau sont utiles en temps de paix comme en temps de guerre.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Nous en sommes à la discussion du chapitre 3 et à l’article premoer de ce chapitre, lequel article comprend les frais de bureau.
La proposition de M. le rapporteur est relative aux vivres de campagne et au traitement extraordinaire pour frais de représentation. Il y a deux propositions faites sur la somme de 169,000 fr., comprise dans l’article premier. J’ai dit qu’il y avait 90,000 fr. pour l’état de paix, et 79,000 pour l’état de guerre. Toutes ces observations sont faites d’après l’ancien budget. Il y a déjà des sommes allouées ; il ne serait pas possible de les faire rembourser. M. de Brouckere a proposé une réduction de 14,000 fr. ; avec cette réduction je pourrai marcher.
M. Osy. - Je proposerai une réduction de 28,500 fr. parce que le ministre a augmenté de cette somme les indemnités, les frais de bureau pour cette année. L’année dernière la somme portée au budget était moindre que celle que l’on demande, et le service a été fait.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Mais l’année dernière il n’y avait que trois divisions ; cette année il y en a six ; c’est là ce qui a occasionné l’augmentation.
M. Brabant, rapporteur. - Vous avez accordé hier la priorité à l’amendement de M. Jullien ; j’ai fait observer qu’il trouverait mieux sa place dans la discussion des articles ; j’ai fait un sous-amendement qui restreint la pensée de M. Jullien dans de justes limites, et je demande que l’on délibère sur mon sous-amendement.
M. Gendebien. - Je demande que la chambre considère comme une discussion générale tout ce qui a été dit ; il faut discuter maintenant sections par sections. Viendra ensuite l’amendement de M. Brabant.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Si vous discutez l’article partie par partie, c’est mettre l’administration dans la chambre. Dans toutes les discussions de budget que j’ai suivies en France, les chambres délibèrent sur les articles et non sur leurs sections. On propose des réductions ; on les motive ; mais quand la réduction est faite, c’est au gouvernement à s’arranger pour faire marcher le service. Si vous faites des réductions sur des spécialités, il faudra que le gouvernement révoque des règlements en vigueur.
M. Gendebien. - Il serait peut-être fort commode d’enlever un article du budget montant à 164,500 fr. Cet article se compose de 23 ou 24 sommes différentes, et nous pouvons être d’avis de rejeter celle-ci et de conserver celle-là.
Si on vote par sections, il faudra que le gouvernement révoque des règlements ; mais le gouvernement ne peut faire de règlements, prendre des arrêtés que lorsque le budget est voté, et pour sa mise à exécution. Ces arrêtés qui sont exécutifs ne peuvent nous lier les mains. Nous ne devons avoir aucun égard aux règlements qui ont été faits.
Je le répète, il est impossible de nous tirer d’embarras sans voter paragraphe par paragraphe.
M. de Brouckere. - Il faut discuter l’article premier du chapitre 3 ; nous pouvons présenter des réductions dont il est susceptible. J’en ai demandé une de 14,000 fr. M. Osy en demande une de 28,500 fr.
Nous avons expliqué les motifs de nos demandes ; mais je ne vois pas un grand avantage à discuter sections par sections.
Je regrette que M. le ministre de la guerre ait réuni les indemnités avec les frais de police, qui sont tout à fait d’une nature différente.
Je propose une réduction de 14,000 fr. sur les indemnités. La réduction faite, j’ai peur que, pour l’éluder, on ne prenne les 14,000 fr. sur les frais de police. Je proposerai la division de l’article en deux, dans le cas où M. le ministre ne déclarera pas que les 14,000 fr. dont il a consenti la diminution ne seront pas pris sur les frais de police.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Je conçois toute la justesse de la remarque de M. de Brouckere. Les frais de police ne devraient pas en effet être avec les indemnités. Je comprends qu’il vaudrait mieux faire un article séparé des frais de police.
M. de Brouckere. - Les indemnités seraient réduites à 110,000 fr.
M. Jullien. - La proposition de M. Brabant a le même inconvénient que la mienne ; il faut examiner sections par sections. Maintenant que l’article premier est divisé en deux, et que la première partie comprend l’indemnité, comme il y a une somme de 69 mille francs qui est considérée comme la conséquence de l’état de guerre, je demande la suppression de cette somme.
M. Angillis. - Si vous voulez sortir du mauvais pas où nous sommes, il faut voter sections par sections : vous êtes dans une espèce de labyrinthe : les paragraphes suivis les uns après les autres peuvent seuls vous en donner l’issue.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Je demande que l’on vote article par article, mais non ligne par ligne ou paragraphe par paragraphe, parce que ce serait de la part de la chambre administrer et même agiter des questions personnelles. Les réductions, quoique motivées, sur des paragraphes doivent être votées en masse sur les articles.
M. de Robaulx. - Quand on demande que les frais de bureau ne soient pas alloués à tel officier, il n’y a pas de personnalité. C’est la fonction et point le fonctionnaire que l’on examine. Les paragraphes sont là ; on peut proposer des amendements sur chacun d’eux. Quand les allocations partielles auront été votées, on votera leur ensemble pour faire l’article ; puis on délibérera sur la restriction proposée par M. Brabant. Je demande que les amendements soient déposés sur le bureau.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau). - Tous les droits de la chambre sont conservés du moment qu’on ne conteste pas le droit de proposer des réductions sur chacune des sections. Si un article est composé de 20 paragraphes, les membres peuvent proposer des réductions sur tel ou tel paragraphe, ou même proposer la suppression du paragraphe ; ensuite, quand toutes les réductions sont faites, on résume le total et on le met aux voix. Ce total fait l’article du budget. Mais le ministre n’est pas obligé par le vote qui a eu lieu sur les paragraphes de les réduire au taux qu’on a proposé de les réduire ; s’il y était obligé, l’administration passerait dans la chambre.
M. Gendebien. - Ce que vient de dire le ministre est juste ; nous perdons un temps précieux et nous n’en finissons pas. Si l’on suivait ma proposition, nous en finirions sur-le-champ.
M. Brabant, rapporteur. - J’avais hier parlé contre la priorité demandée pour l’amendement de M. Julien, cet amendement ne peut être discuté que lorsqu’on en sera aux articles réglementaires. Je demande si la chambre veut continuer à donner la priorité à l’amendement de M. Jullien.
M. Jullien. - Ma proposition générale n’a plus la priorité ; je l’ai retirée.
M. le président. - M. Osy demande une réduction de 28,500 fr.
M. de Robaulx. - Pourquoi demande-t-on cette réduction ? On ne l’a pas expliqué : je veux des économies ; mais je veux connaître pour quel motif on les fait.
M. Osy. - Je ne veux pas indiquer comment M. le ministre fera pour opérer l’économie de 28,500 fr. J’ai déjà dit que l’année dernière la somme des indemnités demandées était de 28,500 fr. moins élevée que celle que l’on demande maintenant.
Cependant le service n’a pas éprouvé d’entraves ; je pense qu’il pourra marcher cette année avec la même réduction. Le nombre des divisions est augmenté, est doublé, a dit M. le ministre ; mais il peut donner en indemnité à chacune d’elles la moitié de ce qu’il donnait, et le service n’en ira pas moins bien. Je ne prescris rien ; j’indique que ma réduction est possible ; je la justifie.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - J’ai expliqué à la section centrale les motifs de l’augmentation résultant de l’augmentation du nombre des divisions, et du nombre des commandants du génie.
M. Gendebien. - Les réductions proposées ne sont pas suffisantes. La somme de 10,100 fr. donnée au chef de l’état-major-général en frais de bureau est de beaucoup trop forte ; 2,500 fr. suffiraient.
Les généraux de division pourraient se contenter de la somme donnée aux généraux de brigade. Je propose la suppression complète des frais de bureau accordés aux intendants de l’armée : ils n’ont rien à faire qu’à viser des bons. L’intendant en chef de l’armée, qui se fait donner présentement 12,600 fr. pour frais de bureau, avait autrefois refusé toute allocation aux intendants près des divisions de l’armée ; il a consenti à donner à chacun d’eux, et ils sont au nombre de sept, 2,500 fr., afin d’être autorisé à recevoir 12,600 fr. On m’a affirmé qu’auparavant il avait refusé les frais de bureau.
Pour la gendarmerie, je ne sais pourquoi il y a un intendant ; c’est un corps sédentaire ; il a le temps de faire sa comptabilité ; un quartier-maître devrait suffire. Je supprime sur ce point 2,500 fr. de frais de bureau.
En tout, je propose sur l’article une réduction de 64,000 fr.
Quant aux autres parties de l’article, je n’ai pas eu le temps de les vérifier ; elles sont, je crois, susceptibles d’économies.
Le commandant du génie et les inspecteurs ont des frais de bureau trop considérables ; on pourrait trouver des économies à faire sur ces paragraphes.
M. de Bassompierre, commissaire du Roi. - On a dit que précédemment des frais de bureau n’étaient pas accordés aux intendants près des divisions de l’armée ; c’est une erreur : on ne payait pas les frais de bureau quand il n’y avait pas d’intendants près des divisions ; voilà ce qui est exact.
Quant à la gendarmerie, le sous-intendant n’y a pas toujours été. En 1819 il y avait un sous-lieutenant-quartier-maître près de chaque compagnie, avec 1,000 fr. d’indemnité ; donc 9,000 fr. d’indemnité.
On a nommé un sous-intendant qui reçoit 1,200 fr. d’indemnité ; sous ce rapport, il y a économie ; et nous avons le corps le plus régulièrement administré de l’armée, car tout est à jour dans cette administration.
M. Dumont. - Une des causes principales pour lesquelles notre délibération se trouve embarrassée, c’est parce que les détails de l’article premier sont mal présentés : sous le titre de frais de bureau, on a confondu des indemnités de toute espèce.
On a dit hier que le chef de l’état-major-général ne dépensait pas 10,100 fr. en frais de bureau ; il y a donc dans cette somme une indemnité pour traitement. M. Gendebien ne veut accorder que 2,500 fr., sauf ensuite à accorder un supplément du traitement.
Je voudrais que l’article premier soit rédigé de manière à pouvoir être voté en connaissance de cause : il faut que le ministre ou la commission fasse cette rédaction. Nous ajournerions le vote de l’article premier et nous passerions au vote des autres articles.
M. Gendebien. - Je propose une économie de 50,000 fr., celle de 64,000 fr. que je demandais pouvant paraître trop forte. Si vous adoptez ma réduction, vous pourrez faire encore d’autres économies. Au lieu d’un intendant-général qui vous coûte 12,000 fr., vous pourriez mettre un intendant de seconde classe, et vous seriez par là dispensés des frais de représentation. L’intendant, dit-on, représente le ministre, lequel représente le Roi, auquel il faut une grosse liste civile et de représentation en représentation il faut donner de fastueux dîners à tout le monde, tandis que les malheureux contribuables manquent souvent de pain.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Je vois que la discussion a pris une marche régulière. L’article premier en fait deux. Sur les 124,500 fr. de frais de bureau et d’indemnité, M. Gendebien propose une réduction de 52,000 ; M. Osy en propose une de 28,500 ; M. de Brouckere en propose une autre de 14,000 fr. Nous avons entendu leurs motifs. M. le président n’a plus qu’à mettre aux voix ces réductions en commençant par la plus forte.
M. Dumont. - J’ai fait une motion d’ordre ; je voudrais qu’elle fût mise à exécution.
- La motion d’ordre de M. Dumont, mise aux voix, n’est pas admise.
M. le président.- Je vais mettre aux voix l’article réduit selon l’usage.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau). - Jamais cette marche n’a été suivie, si ce n’est hier. Dans tout le cours de l’année dernière on a mis aux voix les réductions et une réduction est un amendement. C’est ainsi que cela se pratique dans la chambre des députés en France. Il me serait facile de prouver que toute autre marche conduirait à l’absurde, et que cela mettrait les membres dans une position fausse.
M. le président. - En mettant aux voix la réduction, il faut ensuite mettre aux voix le chiffre réduit ; en mettant d’abord aux voix le chiffre, on épargne un vote.
D’après l’amendement de M. Gendebien, le chiffre de l’article premier se réduit à 74,500 fr.
- Cet amendement, mis aux voix, est rejeté.
M. le président. - D’après la proposition de M. Osy, le chiffre de l’article premier serait réduit à 96,000 fr.
- Cet amendement est mis aux voix et rejeté, après deux épreuves.
M. le président. - D’après l’amendement de M. de Brouckere, le chiffre de l’article premier se réduit à 110,000 fr.
- Cet amendement est mis aux voix et adopté.
Ainsi l’article premier reste fixé à 110,000 fr.
« Art. 2. Frais de police : fr. 40,000. »
- Cet article est adopté sans discussion.
L’article 2 du chapitre 3 devient l’article 3 :
« Art. 3. Frais de route et de séjour : fr. 120,000. »
Telle est la proposition de la section centrale.
La réduction sur la demande du gouvernement est de 30,000 fr.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Je me suis réuni à l’avis de la section centrale, parce que cette dépense est très éventuelle et qu’il est impossible de fixer le chiffre.
M. Osy. - Je trouve le tarif des frais de route et de séjour trop élevé. On donne 6 fr. par lieue et 30 fr. par jour ; c’est évidemment une rétribution exagérée. Ces messieurs auxquels on accorde de si fortes indemnités, je les ai vus voyager en diligence, je les ai vus voyager avec les chevaux du train et aller plus vite qu’en poste ; alors, ils prennent indûment des frais de poste, mais encore ils ruinent les chevaux du gouvernement.
M. Dumortier. - C’est un véritable abus, s’ils sont payés quand ils voyagent avec les chevaux du train.
M. de Bassompierre, commissaire du Roi. - Les officiers-généraux ou supérieurs qui ont des chevaux pour caissons ne peuvent pas en faire usage pour voyager ; s’ils s’en servent, c’est par suite d’un abus. Quant à la réduction du tarif, M. le ministre de la guerre se propose de l’exécuter.
Il faut remarquer que l’on ne paie pas les frais de route en même temps que les frais de séjour ; on ne séjourne pas quand on est sur la route : il n’y a pas cumul. D’ailleurs, on ne paie que sur des faits prouvés.
M. Gendebien. - C’est la troisième fois qu’on nous promet la révision des tarifs : on l’a promise sous le ministère de M. Ch. de Brouckere ; on l’a promise l’année dernière ; on la promet cette année.
M. le commissaire du Roi a l’intention de tenir sa promesse, je n’en doute pas ; mais il cédera bientôt peut-être à des exigences, à des influences qui ont trop d’action sur le ministre. Quant à moi, je voterai contre l’article. Ces frais de route de 6 francs par lieue et de séjour de 30 fr., sont épouvantables, donnés à des officiers qui d’ailleurs ont de gros traitements.
M. Verdussen. - Les indemnités de route et de séjour sont exagérées ; elles peuvent être réduites d’un tiers. Je fais la proposition formelle de réduire le chiffre de l’article de 20,000.
M. le président. - Cela réduit le chiffre de l’article à 100,000 fr.
M. Osy. - Je crois que 80,000 fr. seraient suffisants ; car on peut réduire d’un tiers.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Déjà on s’est occupé du travail sur le tarif ; et je peux prendre envers la chambre l’engagement formel que dans huit jours d’ici ce travail sera terminé et sera publié. Je ferai remarquer que ce sont les officiers supérieurs qui reçoivent l’indemnité contre l’élévation de laquelle on réclame, et que les officiers inférieurs ne reçoivent que des frais de poste fort minimes : nous ne ferons, dans le nouveau tarif, de réductions que sur les indemnités les plus élevées.
M. Gendebien. - Je propose la réduction du chiffre de l’article à 60,000 fr. Quand on voyage en poste, il n’en peut coûter, pour une seule personne, que 3 fr. par poste, et vous accordez 6 fr. Ensuite, je ne puis concevoir comment une seule personne, qui a de gros appointements, pourrait dépenser 15 fr. en sus de son traitement. En réduisant l’allocation à la moitié, vous accorderez beaucoup plus qu’il ne faut.
Cependant, je me borne à appuyer l’amendement de M. Osy.
M. de Bassompierre, commissaire du Roi. - Si un général voyage, il reçoit les frais de voyage ; c’est quand il séjourne qu’il a les frais de séjour. Le tarif est basé sur les lieues du pays et non sur les lieues de poste. Il y a une carte routière au département de la guerre sur laquelle les frais de route sont accordés. Les lieues de cette carte sont même plus grandes que les lieues ordinaires du pays ; elle ne porte que 9 lieues, par exemple, de Gand à Anvers, tandis qu’on en compte ordinairement 11.
- La réduction, proposée par M. Osy, mise aux voix, est rejetée.
Le chiffre de 100,000 fr., résultant de la proposition de M. Verdussen, mis aux voix, est adopté.
« Art. 4. Transports généraux : fr. 200,000. »
Telle est la proposition de la commission.
La réduction sur la proposition du gouvernement est de 100,000 fr.
M. le ministre de la guerre (M. Evain) consent à cette réduction.
- L’article est adopté sans discussion.
« Art. 5. Chauffage et éclairage des corps de garde : fr.200,000. »
- Cet article est adopté sans discussion.
« Art. 1er. Administration centrale : fr. 25,040. »
- Cet article est adopté sans discussion.
« Art. 2. Pharmacie centrale : fr. 109,450. »
- Cet article est adopté sans discussion.
« Art. 3. Hôpitaux sédentaires. Personnel : fr. 231,738 35 c. »
- Cet article est adopté sans discussion.
« Art. 4. Hôpitaux sédentaires. Matériel : fr. 240,000. »
M. Brabant, rapporteur. - Je ferai remarquer que M. le ministre de la guerre avait demandé la réunion de deux articles en un.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Les articles sont votés ; je les admets.
- L’article 4 est adopté sans discussion.
« Art. 5. Ambulances : fr. 541,725.
Telle est la proposition de la section centrale.
La réduction sur la demande du gouvernement est de 17,045 fr. 83 c.
- Cet article est adopté sans discussion.
M. Desmanet de Biesme. - Je voudrais que l’on engageât les membres de la chambre à venir plus tôt, à venir à midi et demi pour la séance de demain.
M. Dumortier. - Plusieurs membres sont pressés de se rendre dans leurs familles. Si nous ne prenons pas les moyens de terminer promptement, nous ne serons plus en nombre pour délibérer. Je voudrais qu’on commençât demain la séance à 10 heures.
- Plusieurs voix. - Non ! non ! A midi ! à midi !
M. le président. - L’appel nominal demain sera fait à midi et un quart.
- La séance est levée à 4 heures et demie.