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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 12 février 1833

(Moniteur belge n°45, du 14 février 1833)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse fait l’appel nominal à une heure.

M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

- M. Donny écrit qu’il a mal au pied et demande un congé de trois jours.

Le congé est accordé.

Projet de loi autorisant le gouvernement à émettre des bons du trésor

Discussion générale

L’ordre du jour est la discussion du projet de loi relatif à l’émission des bons du trésor, et dont le rapport a été fait au nom de la commission spéciale dans la séance d’hier.

M. Davignon. - Le projet de loi qui vous est présenté au nom de la commission dont j’ai eu l’honneur de faire partie satisfait aux désirs généralement manifestés de la création d’une dette flottante permanente, dont le besoin est reconnu depuis longtemps, et qui est le meilleur moyen de combler la lacune que laisse de temps en temps dans le trésor la rentrée tardive des impôts.

Si le gouvernement dans sa proposition, si la section centrale dans son projet amendé, avaient établi ce principe, tout porte à croire qu’il aurait été admis sans contestation par cette assemblée, comme il l’a été unanimement par votre commission.

Le chiffre de 15 millions a paru suffisant pour les temps ordinaires, et assurément, pour une pareille somme, personne ne sera tenté de reproduire l’objection mise en avant par la section centrale, qu’il faut une hypothèque spéciale et qui soit déterminée dans la loi même. Les contributions, les revenus de l’Etat sont affectés au paiement de ces bons. Il y a donc garantie réelle. J’ajouterai même qu’il n’y aurait pas moins sécurité complète, si pour cette année de gêne financière, qui, on doit l’espérer, sera la dernière, on jugeait à propos de majorer cette somme de 4 à 5 millions.

Sans vouloir rien prescrire au gouvernement pour la négociation, je crois remplir un devoir en émettant le vœu que la mesure proposée atteigne son but véritable, c’est-à-dire que les bons soient émis graduellement et à mesure des besoins ; que tout habitant du royaume soit appelé à y prendre part, en autorisant une émission proportionnelle dans tous les chefs-lieux de province, ou même de chaque arrondissement.

Ces bons, en procurant le placement des capitaux oisifs, sont un moyen de les retenir dans le pays. C’est une mesure dont le besoin se fait sentir ; il importe donc de la faire connaître.

Lorsque cette institution aura atteint le degré de confiance qu’elle a droit d’inspirer, il en résultera une grande facilité pour l’administration financière, une économie pour le trésor par la réduction du taux de l’intérêt, qui en sera la suite naturelle, et un avantage pour les particuliers, qui, au lieu de laisser chômer des fonds, recourront de préférence à ce mode de placement.

On y trouvera, en effet :

Sûreté plus grande peut-être que dans le commerce, et non moindre que dans le placement hypothécaire ;

Fixité des échéances pour les intérêts et disponibilité constante du capital ;

Affranchissement des impôts, etc.

La société générale, dont la direction a déjà dans maintes circonstances, et par une mesure toute récente encore, fait preuve de dispositions bienveillantes et d’une confiance réelle, pourrait, dans l’occurrence, rendre un service signalé à l’Etat. J’en appelle à son patriotisme, et je me dispense d’entrer dans des développements sur cet objet, persuadé que je serai compris.

Si même, pour donner suite à des engagements préalables, ou pour d’autres motifs que je n’approfondirai pas, M. le ministre jugeait nécessaire de traiter l’opération d’une manière différente de celle dont je viens de faire mention, que du moins un terme quelconque soit fixé, pendant lequel il sera libre à tout habitant du royaume de prendre de ces bons au taux d’intérêt réglé, moins la commission, qui resterait acquise au principal contractant.

Il me reste à vous demander, messieurs, s’il ne convient pas de maintenir dans la loi les articles 3 et 4 du projet de M. Coghen, qui sont extraits de la proposition ministérielle ; je veux parler de la fixation du maximum de l’intérêt à 9 p. c. l’an, et de l’allocation de 1 p. c. par semestre pour commission et frais en cas de négociation.

Pour moi, messieurs, j’ai opiné pour l’affirmative. On a dit, et c’est ce qui a déterminé l’adhésion de plusieurs membres de la commission, que M. le ministre en ferait la déclaration devant la chambre ; qu’elle serait insérée au procès-verbal. Vous jugerez, messieurs, si un engagement de cette nature peut vous suffire. Un ministre n’est pas inamovible, et ce n’est pas sur des paroles, mais sur un texte précis de loi que la chambre des comptes doit baser ses investigations.

On a objecté que 6 p. c. sont l’intérêt légal fixé par une loi de 1807, qu’en conséquence on ne pourrait le dépasser sans s’exposer à un rapport que les tribunaux prononceraient en cas de poursuite. Mais pourquoi ne pas parer à tout inconvénient, lorsqu’on le peut sans danger et par une explication claire et précise, surtout lorsque l’on sait, lorsqu’il conste de l’exposé des motifs de M. le ministre des finances, que lors de la première émission qui eut lieu en France en 1814, il fut affecté aux bons royaux un intérêt de 8 p. c. par an ?

Je crois donc, messieurs, devoir persister dans l’opinion que j’ai émise dans le sein de la commission, et j’appuie d’avance l’amendement qu’un de mes honorables collègues se propose de présenter à ce sujet. J’ai dit.

M. de Foere. - Messieurs, j’éprouve le besoin de parler pour repousser les insinuations personnelles dirigées contre moi... (Plus haut ! plus haut !) C’est avec répugnance que je vous entretiendrai de moi, c’est le droit forcé de la défense qui me pousse... (On n’entend pas ! Plus haut !) Je ne cède qu’à cette nécessité ; je ne répondrai qu’à des faits.

L’honorable rapporteur de la section centrale a dirigé contre moi des insinuations de ministérialisme, parce que je soutenais le projet présenté par le ministère. Messieurs, consultez tous mes antécédents parlementaires depuis le temps du congrès et la première session de cette chambre, et je défie qui que ce soit d’extraire de mes votes et de mes opinions particulières aucune parole dictée par des considérations personnelles envers les ministres.

Deux principes me conduisent dans mon existence parlementaire : le premier, c’est le bon droit, la justice ; le second, c’est l’utilité pour mon pays. J’ai prouvé cela par mes antécédents, (Erratum inséré au Moniteur belge n°50, du 19 février 1833 : La faible voix de M. de Foere nous a empêchés de bien rendue le discours qu’il a prononcé dans la séance du 12 février. Le sens en est dénaturé en plusieurs endroits. Nous le reproduisons ici tel qu’il a été prononcé. Quoique aussi fort inexacte, nous omettons la première partie du discours relative à la défense personnelle de l’orateur. Cependant il importe de rétablir un passage qu’il faut lire ainsi :) En votant contre l’exclusion perpétuelle des Nassau, je voyais, dans cette exclusion, une injustice contre des générations qui n’étaient pas encore nées et qui ne pouvaient être coupables. Lorsque le congrès était constitué, j’ai élevé, le premier, et contre mes propres inclinations, la question de savoir si le pouvoir du gouvernement provisoire n’avait pas cessé d’exister. Cependant, le gouvernement provisoire avait mérité mon estime et ma confiance. (Fin de l’erratum.)

La même considération personnelle s’est présentée dans la discussion de jeudi dernier, carM. d'Elhoungne est mon ami depuis 17 ans. C’est à regret que j’ai cru devoir le combattre ; mais l’intérêt de mon pays exigeait que ses opinions fussent repoussées.

Messieurs, il y a un ministérialisme systématique comme il y a une opposition systématique : je n’appartiens ni à l’une ni à l’autre, tous mes votes dépendent de la nature des lois en discussion, et je crois que les membres de l’administration actuelle ainsi que tous les ministres passés ne peuvent dire le contraire. Les ministres actuels, comme ceux qui les ont précédés, savent très bien à quoi s’est tenir relativement à mon opinion. Je discute d’après les circonstances, d’après les projets, et pour le bien-être de mon pays.

L’honorable rapporteur de la section centrale a été étonné qu’un ecclésiastique vous entretienne de finances ; il a soulevé une question d’incompétence.

M. de Robaulx. - A la question ! à la question !

M. Gendebien. - Je demande que l’orateur soit rappelé à la question.

M. le président. - L’orateur peut répondre à un fait personnel.

M. Meeus. - Laissez parler ; l’orateur ne sera pas long.

M. de Foere. - Ce serait faire violence au bon sens de la chambre que d’examiner devant elle une semblable question d’incompétence. Je demanderai au rapporteur de la section centrale…

M. Gendebien. - Il n’est pas ici ; il fallait lui répondre le lendemain.

M. de Foere. - Je lui demanderai s’il sait par quels hommes sont rédigées les Revues, les ouvrages périodiques, où, en Angleterre, on traite les hautes questions d’économie politique, les hautes questions de finances ; eh bien, ces hommes appartiennent tous à l’ordre ecclésiastique. Malthus lui-même, qui s’est fait une si grande réputation, est un membre de l’église anglicane.

Messieurs, après ces réflexions j’examinerai la loi en elle-même... (A la bonne heure !) Je combattrai d’abord le rapport de la section centrale...

M. de Robaulx. - A la question !

M. Gendebien. - M. le président, il s’agit de savoir si l’orateur est dans la question.

M. de Foere. - Combattre le projet de la section centrale, c’est en même temps discuter celui du ministère…

M. Gendebien. - L’orateur n’est pas dans la question !

M. le président. - Je prierai l’assemblée de vouloir bien écouter M. de Foere.

M. de Foere s’assied et discontinue de parler. (Parlez ! parlez !)

M. de Foere. - Je renonce à la parole.

M. Jullien. - Je croyais que l’orateur attaquait le projet présenté par la commission ; mais il ne s’est occupé que de celui de la section centrale. Si cependant il entendait discuter le nouveau projet, je crois que la chambre devrait l’entendre ; la chambre doit se rappeler qu’il y a à profiter à écouter M. de Foere, lorsqu’il traite les matières financières, et l’on se souvient de la lumière qu’il a jetée dans la dernière discussion.

M. de Foere. - Avant de savoir si je suis dans la question ou si je n’y suis pas, entendez-moi ; vous ne pouvez préjuger mon opinion sans la connaître. Je puis très bien défendre le projet présenté par le ministère, en réfutant ceux qui l’ont attaqué.

(Erratum inséré au Moniteur belge n°50, du 19 février 1833 : ) Messieurs, en réfutant le discours que l’honorable rapporteur de la section centrale a prononcé dans la séance de vendredi, je défends en même temps le projet de la commission qui est maintenant l’objet de nos délibérations. Le discours de M. d'Elhoungne est contraire à ce dernier projet tel qu’il nous est soumis. Ce projet de la commission est l’expression exacte des discours que j’ai prononcés dans la séance de jeudi. Le système de l’honorable rapporteur pourrait encore trouver dans cette chambre des approbateurs. Si donc je combats ce système, je défends en même temps le projet de la commission. En ne préjugeant pas les opinions que je vais développer, vous seriez convaincus que je ne m’écarte pas de la question.

« Notre projet, dit l’honorable rapporteur, est non seulement celui de la section centrale, mais c’est aussi celui de toutes les sections. » Pour prouver cette assertion, il cite le rapport d’une seule section. J’ai toujours pensé avec tous les logiciens que, pour prouver une proposition générale, il fallait l’appuyer sur toutes ses parties. Mais, en faisant même la concession que toutes les sections avaient devancé l’opinion de la section centrale, il n’en résulterait aucune preuve contre les nouveaux arguments qui ont été développés depuis.

« Son projet, dit-il, est conforme à ce qui a été pratiqué à l’origine des dettes flottantes en Angleterre et en France. » L’honorable rapporteur fait remonter cette origine en Angleterre à l’an 1688. Si c’est là une raison, messieurs, il faut alors que nous passions par toutes les erreurs financières que l’Angleterre a commises depuis plus d’un siècle et demi, et que nous ne puissions pas profiter de la longue expérience de ce pays en matière financière.

L’honorable rapporteur avoue lui-même plus loin que les billets de l’échiquier en Angleterre, comme une grande partie des bons royaux en France, n’ont plus d’autre garantie que le chiffre du budget des dépenses. Moi, j’ajoute que ce chiffre n’est qu’une garantie nominale. La garantie réelle est dans l’opinion que le public se forme des ressources de ces deux pays et de leur exactitude à payer les intérêts de ces billets et de ces bons. Messieurs, pratiquons ce qui est pratiqué maintenant, et non ce qui l’a été depuis près de deux siècles. M. d'Elhoungne avoue encore que la France y trouve aujourd’hui des avantages ; eh bien ! saisissons ces avantages et votons le projet de la commission. Il est conforme à la pratique actuelle de la France et de l’Angleterre, et, je vous l’ai déjà dit, il est l’expression exacte des opinions que j’ai eu l’honneur de vous développer.

M. d’Elhoungne croit que nos bons du trésor coûteront au pays 8 p. c., et que son emprunt ne lui coûtera que 5 1/2 p. c. Calculons à notre tour : pour qu’un emprunt puisse être levé à 5 1/2, il faut supposer que le gouvernement puisse contracter, dans la situation actuelle du pays, à 90. Ce serait calculer évidemment sur les fluctuations de la bourse, base trop vacillante pour y faire asseoir le crédit du pays. La bourse vient de le prouver : nos fonds de 88 p. c. sont descendus à 83 p. c. Je ne pense pas trop abaisser le chiffre, en admettant la supposition que nous puissions lever un emprunt à 80, ce qui constitue 1 p. c. de perte. Ajoutez-y les 5 p. c. d’intérêt, vous aurez 6 p. c., et 2 p. c. de commission, comme cela se pratique, feront 8 p. c. pour l’emprunt. Ce chiffre est bien loin de celui de 5 1/2.

Nos bons, d’après le projet, porteraient un intérêt de 6 p. c. Je ne leur donnerais que 5 p. c., et, d’après mon opinion, ils marcheraient. Mais admettons 6 p. c. d’intérêt ; le projet du ministre n’offrait que 1 p. c. pour tous frais : 6 et 1 ne font que 7. Encore, d’après ce projet, ces frais, portés à 1 p. c., n’entraient en ligne de compte qu’en cas de négociation, et si le ministre connaît son affaire, il ne les négociera pas. Vous jugerez, messieurs, qui de nous deux à mieux calculé.

La différence devient plus saillante, si vous établissez ce calcul sur le capital. Vous perdrez sur le capital de l’emprunt au moins 20 p. c. Les bons du trésor seront émis au pair.

« Quand on contracte une obligation à terme, continue l’honorable rapporteur, il faut que l’on trouve dans ses propres ressources les moyens de rembourser. Opérer autrement, c’est mettre en pratique la théorie de la banqueroute. »

C’est dénaturer le projet du ministre et mon discours qui l’a défendu. Le ministre ne vous a pas proposé de contracter des obligations à terme, mais des obligations d’une dette flottante dont il faut seulement servir les intérêts. Les moyens de remboursement sont donc inutiles, et la théorie de la banqueroute n’a pas été mise en pratique.

« C’est dans le budget, dit encore M. d'Elhoungne que les créanciers de l’Etat désirent trouver leur garantie ; quand vous faites autrement, vous ne leur en offrez pas. »

Dans le budget comme moyen de remboursement ? Non. Dans le budget pour garantir législativement les intérêts de la dette flottante.

J’aurais confondu la dette flottante avec la dette à terme. Je n’ai pas voulu de dette à terme ; je l’ai repoussée. Je ne l’ai donc pas confondue avec la dette flottante. Je n’ai voulu que celle-ci. La loi du contrat ne nous oblige qu’aux conditions mêmes du contrat. Or, les conditions d’une véritable dette flottante ne nous obligent qu’à en servir les intérêts, et non à en rembourser le capital.

J’ai dit que le projet de la section centrale enlevait aux bons du trésor leur véritable caractère. L’honorable rapporteur cherche à détruire un de ces caractères, celui d’être moins onéreux au pays que ne le serait un emprunt. Pour prouver son assertion, il entre dans le même calcul auquel déjà j’en ai substitué plus haut un autre que je crois plus exact.

M. d’Elhoungne se demande : « Où l’honorable orateur a-t-il vu que la section centrale enlevait au gouvernement la faculté de mettre en circulation, pendant toute la durée des besoins qu’il éprouvera, des bons du trésor ? ce n’est pas dans le projet qu’elle a présenté, ce n’est pas non plus dans le rapport. »

Je l’ai vu et dans le projet et dans le rapport. Dans le projet il est dit textuellement que « les fonds de l’emprunt serviront au remboursement des bons du trésor, » et que « l’échéance de ces bons ne pourra excéder le terme de six mois. » Le rapport en développe ouvertement les motifs.

« On vous a indiqué, poursuit l’orateur, que le gouvernement était investi de la faculté de mettre en circulation des bons du trésor jusqu’à concurrence de 30 millions, aussi longtemps qu’il en aura besoin ; par conséquent, messieurs, le renouvellement est compris dans cette disposition. »

Je n’ai saisi nulle part cette « indication. » Je l’aurais saisie, alors encore je ne comprendrais pas ce que l’honorable rapporteur entend par le « renouvellement » des bons du trésor, à moins qu’il ne veuille qu’après en avoir payé les intérêts, le gouvernement les laisse en circulation ; alors nous sommes d’accord, mais alors aussi il est opposé à son propre système.

« Le gouvernement, par le projet de la section centrale, dit-il encore, n’est pas forcé d’effectuer l’emprunt dans les six mois après qu’il aura été voté ; il ne l’effectuera que dans le moment qu’il jugera convenable. Sous ce rapport, il jouit de la faculté la plus illimité. »

Je n’ai pas lu cette disposition, ni dans le projet, ni dans le rapport qui l’a dicté. Mais je l’aurais lue dans l’une ou dans l’autre ; que devient alors la garantie ou l’emprunt de la section centrale, si cet emprunt ne doit plus servir au remboursement des bons après les six mois de leur échéance ?

« Encore un coup, s’écrie l’honorable rapporteur, on pourra, d’après le projet, tenir en circulation les bons jusqu’à la conclusion de l’emprunt, et l’on fera l’emprunt quand on trouvera les conditions les plus avantageuses pour le pays. »

Je l’ai déjà dit ; je lis dans le projet de la section centrale, article 4 : « Les fonds de l’emprunt serviront au remboursement des bons du trésor ; » et article 7 : « L’échéance ne pourra excéder le terme de six mois. » Comment concilier ces dispositions avec l’assertion que, d’après le projet de la section centrale, on pouvait tenir en circulation les bons jusqu’à la conclusion de l’emprunt, et que l’on ne ferait l’emprunt que quand on eût trouvé les conditions les plus avantageuses pour le pays ? Et encore une fois, où est alors la garantie du remboursement à terme fixe ? le long sommeil de nos (un chiffre illisible) millions n’en eût été que plus déplorable.

Je n’ai pas reproché à la section centrale d’avoir jeté l’alarme dans le pays. J’ai dit que la haute banque, les prêteurs cosmopolites, disposaient de puissants moyens de faire hausser ou baisser les fonds et de jeter, par conséquent, l’alarme dans la famille de l’honnête rentier. Ce reproche ne s’adressait donc pas à la section centrale.

J’avais dit : La section centrale ne néglige pas les intérêts de la banque en portant les frais de commission ou de négociation à 2 p. c. Son honorable rapporteur répond qu’il n’a fait que reproduire à cet égard le projet du ministre. Cependant ce projet, article 3, ne porte ces frais qu’à 1 p. c. Le ministre ne dit pas que ce taux est fixé par semestre. Attendu qu’il veut des bons du trésor en circulation permanente, je dois conclure, jusqu’à dénégation de sa part, qu’il porte, dans son projet, ces frais à 1 p. c. par an. Je soutiens encore que faire monter ces frais à 2 p. c., c’est une véritable monstruosité financière ; j’en appelle à M. Osy lui-même.

Je bornerai ici mes réponses au discours de l’honorable rapporteur, mais j’ai encore deux mots à répondre à un honorable député de Courtray. Il a traité mes principes financiers d’ « idées chimériques, d’utopies. » Je n’ai qu’une seule réponse à lui faire. Elle fera tomber toutes ses objections. M. Angillis est membre de la commission qui vient de nous présenter, à l’unanimité, le projet actuellement en discussion. Cependant son projet est exactement l’expression de mon discours qu’il a combattu. Il en est la dernière analyse. Je n’ai voulu autre chose qu’une dette flottante, resserrée dans les limites fixées par la loi. C’est ce principe que la commission a adopté. J’ai voulu encore reculer l’emprunt (si toutefois il faudra recourir à ce moyen désastreux, ce qui ne m’est pas prouvé), jusqu’au temps où le pays en aurait éprouvé l’urgent besoin, non pour couvrir la dette flottante, mais pour suffire à d’autres besoins du pays. Ce principe est encore constaté par le projet de loi de la commission qui ne parle d’aucun emprunt.

Je finirai ici ma réplique, tout en me réservant le droit de présenter, s’il y a lieu, quelques autres observations sur les articles mêmes du projet. (Fin de l’erratum).

M. Jullien. - Messieurs, en répondant à des faits personnels, l’honorable préopinant s’est véritablement défendu contre des chimères : vous devez vous rappeler la discussion qui a eu lieu en son absence, et vous devez vous souvenir qu’il n’est entré dans l’idée de personne d’attaquer ses intentions, encore moins ses opinions politiques. On n’a pas trouvé étrange qu’un abbé s’occupât de finances, puisque Malthus, que je n’ai pas l’honneur de connaître, et, l’abbé Louis, ministre des finances en France, sont de bons financiers. Dans son premier discours, l’honorable préopinant a fait un peu mon éducation financière. Aujourd’hui il est dans l’erreur : il a considéré le projet de loi en discussion comme le travail définitif de la commission ; ce projet n’est qu’un travail préparatoire.

Pour considérer toutes les difficultés qui naissent de la question, il faut bien se fixer sur ce que l’on entend par bons du trésor. En thèse générale, les bons du trésor, qui constituent ce que l’on appelle la dette flottante, n’ont pas d’autre but que d’escompter les revenus arriérés de l’Etat ; ainsi, par exemple, vous savez que le gouvernement doit percevoir dans un an tous les revenus ; mais cette perception, qui se fait par douzièmes, est souvent arriérée. Eh bien, les bons du trésor ne sont qu’un moyen d’escompter cet arriéré ; ils sont des lettres de change tirées sur l’arriéré du trésor ; et quand on est gêné, on emploie les bons du trésor pour se procurer des ressources sur les rentrées qui ne sont pas encore faites, mais qui se feront nécessairement. Voilà ce que c’est que la dette flottante ordinaire.

Cette dette n’a pas besoin de garantie, d’emprunt : pourquoi ? parce qu’elle est garantie par l’arriéré d’un exercice.

Lorsqu’un Etat a, comme le nôtre, 80 millions de francs de revenu, et qu’il est embarrassé dans les premiers mois d’un exercice, il faut qu’il fasse ressource : il émet des bons du trésor, et, par ce moyen, il peut marcher. C’est le but du projet présenté par la commission.

Si M. le ministre des finances, en proposant une émission des 30 millions de bons du trésor, n’avait pas eu l’intention de couvrir un véritable déficit, il n’aurait pas trouvé d’opposition à son projet dans la section centrale qui a été injustement attaquée. S’il avait demandé de poser en principe une dette flottante ordinaire, qui avait sa ressource, sa garantie dans l’arriéré, on ne pouvait contester ce principe, parce que cet expédient dégage le trésor des embarras qu’il peut éprouver ; mais il a demandé 30 millions afin de combler un déficit et c’est là qu’est la difficulté de la solution du problème.

Par la dette flottante ordinaire, les personnes qui prennent des bons savent qu’elles ont une garantie : un ministre serait prévaricateur s’il émettait des bons pour une valeur plus grande que l’arriéré, que les revenus non rentrés. Mais dès qu’il s’est agi d’émettre des bons du trésor pour combler un déficit, la section centrale s’est arrêtée ; car quelle garantie allez-vous donner à ces bons ? Cette question en a fait naître beaucoup d’autres : on a demandé s’il était possible de croire que les preneurs de bons se contenteraient de ces bons sans une garantie que les ressources de l’Etat et l’envie de les payer ?

Cette difficulté s’est présentée dans la commission spéciale. Elle a admis à l’unanimité le principe de l’émission de 15 millions de bons du trésor, ayant pour hypothèque les impôts non rentrés ; nous avons compris que par là on facilitait pour un mois, six semaines, le service du trésor ; mais quand on en est venu à l’examen de la création de bons du trésor pour couvrir un déficit, alors nous avons pris la résolution de vous présenter nécessairement un autre projet, et trois systèmes ont été présentés dans le sein de votre commission. Les opinions se sont partagées ainsi que je vais avoir l’honneur de vous l’exposer.

Les uns pensaient qu’une émission plus forte que celle de 15 millions de bons du trésor suffirait, sans aucune espèce de garantie. Je ne vous dirai pas quels ont été les développements de ce système ; ce serait anticiper sur la discussion qui s’ouvrira bientôt, lorsque la commission vous soumettra son travail.

Ceux qui admettaient ce système de création de bons du trésor sans garantie s’appuyaient sur les principes lumineusement exposés par le préopinant ; ils disaient que la principale garantie que peut présenter un Etat, c’est sa bonne volonté, ses ressources, et ils soutenaient qu’un pays qui offrait toutes ces garanties n’avait pas besoin d’en offrir d’autres. Voilà sommairement ce que disaient les partisans du premier système.

Le second système était celui de créer un emprunt sans bons du trésor, et l’on prétendait que l’emprunt serait plus facilement réalisé que les bons du trésor qui ne reposait sur rien. Ceux qui appuient ce système disaient : « Nous ne voulons pas de bons du trésor, parce que si vous faites les deux opérations à la fois, vous paierez l’intérêt des bons, plus l’intérêt de l’emprunt ; vous paierez aussi des frais doubles de négociation. »

Enfin, le troisième système, qui réunissait la majorité relative, était un emprunt avec bons du trésor.

Au milieu de toutes ces difficultés la commission s’est arrêtée, elle a vu qu’elle ne pouvait présenter sur-le-champ un rapport complet et un projet complet ; mais elle a senti qu’elle ne pouvait différer d’offrir au gouvernement les moyens de marcher pendant les six premiers mois de l’année. Ces moyens sont contenus dans le projet que nous discutons.

La dette flottante que crée le projet sera permanente ; elle aura, comme nous l’avons dit, son gage dans l’arriéré. Le ministre s’engagera à n’émettre des bons qu’avec l’intérêt de 6 p. c. l’an. Nous attendrons ensuite que la commission présente un projet pour couvrir un déficit : car ce n’est pas avec 15 millions que vous couvrirez un déficit de 32 millions.

Ce déficit est réellement de 48 millions 500 mille francs ; mais on en déduit la dette hollandaise, ou 17 à 18 millions, et il reste 31 à 32 millions. Ce n’est qu’un déficit présumé. Si les circonstances nous permettaient de nous mettre sur le pied de paix, il pourrait ne plus y avoir de déficit ; mais personne n’est en droit de l’espérer.

Vous voyez, messieurs, qu’il ne s’agit actuellement que du premier projet, et que les objections de l’honorable préopinant trouveront leur place dans le second projet.

Quant à moi, j’appuierai de mon vote le projet qui vous est présenté comme étant le seul moyen de mettre le trésor à même de remplir ses engagements.

M. Angillis. - Messieurs, l’honorable M. de Foere a cru voir une contradiction dans les principes que j’ai professés lors de la discussion du projet présenté par la section centrale, et ceux qu’il me suppose de professer en ce moment. Il suffira de dire qu’alors il s’agissait d’une mesure définitive, d’une mesure pour combler un déficit, et que, par le projet en délibération, il ne s’agit que d’une mesure provisoire pour donner au gouvernement plus de facilités dans ses paiements, et de nous procurer le temps de songer à d’autres mesures.

La commission que j’ai l’honneur de présider ne s’est pas dissimulé toute la difficulté de sa tâche ; aussi elle s’est livrée avec ardeur à sa laborieuse besogne, et si elle n’a pas pu vous présenter un travail complet, c’est que le temps lui a manqué pour se livrer aux nombreuses recherches que réclame un travail de cette nature.

Elle a d’abord eu à examiner la situation réelle du trésor et la situation probable à la fin du premier semestre de cette année, et elle a pu se convaincre que la mesure qu’elle vous propose, bien que très urgente, est suffisante et rassurante pour le moment ; elle garantit pour un temps donné la marche de toutes les branches de l’administration publique, et, sans augmenter que très légèrement les charges de la nation, elle procure le temps de voir accomplir les événements, et d’examiner avec calme et maturité les mesures ultérieures que les circonstances nécessiteront, et qui vous seront présentées s’il y a lieu.

La création d’une dette flottante permanente a paru à la commission d’une utilité évidente ; elle a été unanime sur ce point. C’est un moyen ingénieux, qui donne au gouvernement des facilités dans ses paiements, et qui permet d’attendre la rentrée de toutes ses ressources sans recourir à d’autres mesures. En France la dette flottante est du quart de tous les revenus ; en Angleterre elle est à peu près dans la même proportion. Ici elle sera un peu plus que le sixième. Comme nous espérons pouvoir faire comprendre au gouvernement que le budget de l’Etat doit nécessairement être arrêté avant le commencement de l’année, nous avons pensé que cette dette flottante permanente ne pourra jamais dépasser le maximum de 15 millions.

En conservant cette proportion, elle sera toujours fondée sur un principe certain de libération, sur la rentrée des impôts. Ainsi les créanciers auront pour garantie un gage solide. La confiance est la base du crédit, et cette confiance naît d’elle-même à l’aspect d’un pays où la richesse du sol se multiplie par l’activité d’un peuple industrieux. La publicité de notre situation financière est le meilleur moyen d’entretenir cette confiance, et c’est dans cette publicité que tous ceux qui sont unis par quelque lieu à la fortune publique, peuvent juger par eux-mêmes de la loyauté et de la bonne foi de la nation dans l’exécution de ses engagements.

Vous remarquerez, messieurs, qu’on n’a pas fixé dans le projet même le maximum de l’intérêt qui pourra être payé aux porteurs des bons. Nous avons pensé qu’il était prudent de ne pas le faire, car il y a tout lieu à espérer qu’on pourra émettre les bons à un intérêt moindre que le maximum fixé dans le projet de M. le ministre, tandis qu’en fixant l’intérêt dans la loi même, les porteurs veulent toujours obtenir le maximum. Au reste, M. le ministre a formellement déclaré à la commission qu’il ne négociera jamais à un intérêt plus élevé qu’au taux.

D’après l’opinion émise par la section centrale que le gouvernement ne pourra pas racheter les bons du trésor, pour ne laisser aucun doute à cet égard, la commission a cru convenable d’insérer dans la loi même une disposition contraire à cette opinion. La section a pensé, et j’espère que cette idée sera partagée par la chambre, que le gouvernement comme tout particulier peut se libérer par toutes les voies légales et en usage. Il est impossible de supposer que le gouvernement veuille intriguer à la bourse pour racheter ses obligations à meilleur compte, On ne doit pas le mettre dans une position exceptionnelle ; ce que tout particulier peut faire il doit pouvoir le faire également, et on doit se reposer entièrement sur sa loyauté.

D’après ces considérations, messieurs, je pense que le projet peut être adopté tel qu’il a été présenté.

M. l’abbé de Foere. - Un honorable député m’a demandé quelques explications sur la question de savoir quelle serait la garantie d’une émission de bons du trésor, alors que cette garantie ne se trouverait pas remplie par un chiffre du budget ou par un emprunt. Pour entrer dans ces explications, messieurs, j’invoquerai le discours même prononcé parM. d'Elhoungne. Il a avancé lui-même qu’en France comme en Angleterre, une grande partie des bons du trésor et des bons de l’échiquier n’ont d’autre garantie que dans la confiance du crédit publie de ces deux pays.

La garantie de l’émission de bons que nous voulons faire se trouve, comme je l’ai dit déjà, uniquement dans la confiance publique ; et, du reste, pour toutes les obligations que nous aurions à remplir, la chambre est à, le pays est là, pour offrir à tous nos prêteurs toute espèce de garantie possible. C’est seulement dans cette confiance généralement établie que consiste la garantie, et je maintiendrai que, sans aucun chiffre du budget, sans aucun crédit, notre crédit public est supérieur au crédit d’Angleterre et à celui de France ; car on a prouvé par les faits qu’eu égard à l’énormité de la dette de l’Angleterre et à la situation de ce pays, beaucoup de banquiers retiraient leurs fonds de la dette anglaise pour les remplacer sur les fonds du continent. Dans une semblable question, il n’y a que les faits qui puissent répondre aux objections. Quant aux autres arguments, je le répète, c’est du pur romantisme financier. Voilà les explications que j’avais à donner à l’honorable M. Jullien.

Maintenant, je répondrai deux mots à l’honorable M. Angillis. Il m’a fait remarquer que le projet actuel n’est pas un projet définitif, Mais j’ai dû prendre le projet tel qu’il était présenté. Je ne devais pas entrer dans les intentions ultérieures des membres de la commission, pour savoir quelles sont les propositions à faire encore, et j’ai dû croire que le projet qui nous est soumis était définitif.

Du reste, ce projet, je le répète, est l’expression exacte des principes que j’ai développés. Ainsi, c’est toujours tourner dans le même cercle vicieux. La dette flottante est adoptée en principe par le nouveau projet de loi. Ce même projet écarte un emprunt, soit pour garantir la dette flottante, soit pour en rembourser les émissions à échéance fixe. C’est exactement tout ce que j’ai voulu.

En outre, l’honorable membre, tout en combattant mon opinion, lui est cependant tout à fait conforme, sons un rapport fort important. Il soutenait dans la séance de vendredi que, dans tous les cas, un emprunt de 32 millions pourrait suffire. Il a donc été d’accord avec moi sur l’emploi des 17 millions que la section centrale voulait maintenir dans l’inactivité.

M. Meeus. - Messieurs, je suis obligé de prendre la parole pour réfuter quelques-unes des objections faites contre le projet de loi.

Bien certainement ce projet rentre tout à fait dans les principes professés, non seulement par M. de Foere, mais par moi et beaucoup d’autres collègues. Mais lorsque l’honorable préopinant croit que pour fournir au gouvernement les fonds dont il a besoin, on peut émettre des bons du trésor sans y affecter une garantie, il est complétement dans l’erreur, eu égard à la situation actuelle de la Belgique. Il a cité l’Angleterre où, je le sais, la dette est énorme, ainsi qu’en France. Messieurs, en Angleterre, la contexture même des bons de l’échiquier démontre que jamais on n’a eu l’intention de les appuyer sur autre chose que sur les revenus du pays.

Si j’ai bonne mémoire, la disposition qui autorise ces bons est ainsi conçue : « Par arrêté du Roi, le gouvernement est autorisé à émettre ... livres sterling en bons de l’échiquier… Les présents bons seront remboursés sur les premiers subsides à accorder par le parlement, ou bien, après telle date, ils seront reçus en paiement de contributions ou payables à la trésorerie. »

Cette dette flottante est extrêmement recherchée. Dans ce moment-ci les bons reçoivent un très petit intérêt, et il arrive des circonstances où ils ne produisent rien pour les porteurs, ce sont de véritables billets de banque. Mais pouvons-nous, sans nous flatter, nous croire dans une position semblable ? Non, ce serait adopter la plus grande erreur, C’est pour cela que la commission a cru qu’il fallait que notre dette flottante fût représentée par les revenus de l’Etat ; elle se propose de vous présenter à ce sujet un second projet, et alors j’espère qu’on en reviendra à l’opinion que j’ai émise dans la première discussion, de mettre le gouvernement à même de payer ses bons soit avec un emprunt, soit avec des ressources quelconques dont il ne fera usage que dans le cas où il ne pourrait pas faire autrement. Si vous n’adoptez pas cette marche, malgré la richesse du pays et sa bonne volonté, il n’en sera pas moins vrai que le gouvernement, dans le cas où il n’aurait pas les moyens de payer, se trouvera nécessairement réduit à la terrible obligation de ne pas remplir ses engagements. Je crois qu’on y réfléchira bien. En décrétant un emprunt, soit un impôt extraordinaire, le gouvernement n’est tenu d’y recourir que quand il ne pourra plus renouveler les bons du trésor.

M. Dumortier. - Messieurs, je ne m’attendais pas à prendre la parole dans cette discussion, mais l’objet est tellement important que je ne puis m’empêcher de vous présenter quelques observations sur le projet de loi qui vous est présenté.

Il est une chose que vous avez dû tous remarquer, c’est que lors de l’examen du budget des voies et moyens, on a parlé d’émettre des bons du trésor, et aujourd’hui on vous propose une émission de bons du trésor et un emprunt.

- Plusieurs voix. - Pas du tout, il ne s’agit pas d’emprunt maintenant.

M. Dumortier. - Pardon, on dit que la commission nous présentera plus tard un projet d’emprunt. Cela revient au même. Eh bien, je dis pour ma part que je ne vois pas de nécessité de faire face par ce moyen au déficit présumé. On vous a annoncé que ce déficit était de 48 millions, et la section centrale, pour plus de commodité dans ses calculs, a arrondi ce chiffre et l’a porté à 50 millions. Mais ce déficit n’existe pas en réalité. D’abord, il faut réduire de ces 48 millions les 18 millions à payer à la Hollande ; resterait donc 30 millions de déficit. Maintenant il faut encore retrancher de cette dernière somme les économies qu’on apportera sans doute au chiffre du budget, si le ministère est fidèle à sa promesse. On pourra réduire le budget de la guerre de 5 millions au moins. Peut-être même de 8 et 10 millions. Dans tous les cas, le déficit se bornerait à 25 millions de francs seulement au lieu de 50 millions.

En outre, vous le savez, les fonds de l’emprunt Rothschild n’ont pas été entièrement versés dans les caisses de l’Etat. Le premier emprunt de 24 millions a été payé entièrement ; mais quant au second, il en reste encore, par suite d’arrangements qui ont été pris, un tiers à verser au trésor.

- Plusieurs membres. - C’est pour 1832 !

M. Dumortier. - Il est toujours évident que si le gouvernement fait rendre compte à la banque, fait rendre les comptes à liquider, soit sur l’imprimerie normale, soit sur d’autres industries auxquelles le roi Guillaume était intéressé, on pourrait arriver à n’avoir plus qu’un déficit de 20 millions.

D’un autre côté, je sais d’une manière positive que l’impôt a rapporté l’année dernière beaucoup plus qu’on ne s’y attendait, et pour ne citer que le Brabant méridional, il a produit 1 à 2 millions de plus qu’on ne le croyait. Ainsi donc, nous avons lieu d’espérer que l’année prochaine les recettes pourront encore dépasser les prévisions. De cette manière on peut voir à quoi se réduira le déficit et ce que deviendront les présages funestes qui ne sont rien moins que fondés.

On a parlé de garantie ; il est deux sortes de garanties que le gouvernement doit nous présenter, savoir celle du placement des bons, et ensuite celle du remboursement. Je demande avant tout que M. le ministre des finances s’explique, quant à la garantie du placement, et qu’il nous dise s’il est sûr de trouver des prêteurs. C’est un point extrêmement important.

Quant à celle du remboursement, je suis loin de partager encore les craintes qu’on a mises en avant, pourvu que le gouvernement veuille adopter une modification au projet. Cette modification consistera à stipuler que le gouvernement ne pourra avoir d’échéance plus considérable que 3 à 4 millions de francs par mois. Si l’on stipule cette clause dans la loi, nous aurons toute garantie, car ce que la Belgique doit craindre avant tout, c’est que le roi Guillaume, qui est un financier habile et très astucieux, ne s’empare de tous ces bons du trésor et nous fasse faire banqueroute à leur échéance. Mais si le gouvernement n’en a pas à payer pour plus de 3 à 4 millions par mois, alors il n’y aura pas de danger.

J’ai entendu préconiser le système de bons du trésor permanents. Pour moi, je regarde cette mesure comme étant essentiellement nuisible à un pays, car ces bons paient un intérêt. Or, si vous en émettrez pour 15 millions à 6 p. c., vous aurez à payer un million d’intérêts. Ce n’est pas cette marche qu’il faut suivre ; il faut en venir au vrai principe, et dire avec M. Huiskinon que quand les recettes ne couvrent pas les dépenses, il est nécessaire de diminuer ces dépenses, à les mettre en harmonie avec les revenus. Je regarde donc une institution permanente de bons du trésor comme très nuisible ; mais, si l’on veut en faire usage pour un cas de nécessité, comme aujourd’hui, une émission de ces bons peut être fort utile.

Toutefois je ne veux pas que cette émission ait lieu chaque année, parce que d’abord cette marche serait désastreuse et ensuite inconstitutionnelle. En effet, l’article 115 de la constitution porte : « Chaque année, les chambres arrêtent la loi des comptes et votent le budget. Toutes les recettes et dépenses de l’Etat doivent être portées au budget et dans les comptes. » S’il est indubitable qu’une émission de bons du trésor est une recette de l’Etat, c’est un moyen de lui procurer de l’argent. Si donc vous établissez une disposition perpétuelle, il est évident que vous violez la constitution. C’est ainsi qu’on l’entend en France, car chaque année on vote dans le budget des voies et moyens un article autorisant la création de bons royaux. Voici l’article du budget de 1832 :

« Le ministre des finances est autorisé à créer, pour le service de la trésorerie et les négociations avec la banque de France, des bons royaux portant intérêt payables à échéance fixe.

« Les bons royaux en circulation ne pourront excéder deux cent cinquante millions, etc. »

Je proposerai à cet égard un amendement tendant à ce que l’émission qu’on propose, et à laquelle je consens, ne s’applique qu’à l’exercice courant.

J’aurais voulu aussi qu’on fixât le maximum du taux de l’intérêt. Les arguments qu’on oppose ne signifient rien, car si M. le ministre des finances s’oblige à ne pas négocier les bons au-dessus de 6 p. c., il n’y a aucune difficulté à le mettre dans la loi. De cette manière, nous aurons une garantie de plus.

Enfin je désirerais voir dans la loi une disposition ordonnant la destruction des bons qui seront retirés de la circulation. C’est pourquoi je demanderai que l’on y ajoute un article qui prescrive que les bons du trésor, retirés de la circulation, seront anéantis en public et en présence de la cour des comptes. Je pense que c’est une mesure indispensable dans l’intérêt commun des preneurs et de l’Etat.

M. Jullien. - Je prie l’assemblée de ne pas perdre de vue qu’il ne s’agit pas du tout en ce moment d’un emprunt ni des moyens de faire face à un déficit ; il s’agit simplement de discuter le projet de loi qui a été présenté par la commission ; pour créer une dette flottante ordinaire, ainsi que je l’ai déjà expliqué. Quand cette commission apportera son second travail à la chambre, si ce travail parle d’emprunt, alors l’honorable membre et d’autres qui voudraient s’y opposer pourront élever leurs objections. En ce moment, c’est se livrer à des discussions prématurées que d’examiner les conséquences d’un emprunt, lorsqu’il n’en est pas question.

L’honorable préopinant a manifesté la crainte qu’on ne puisse pas placer les bons du trésor. Il me semble que cela ne cadre pas trop avec l’opinion favorable qu’il a de nos ressources et de notre crédit. Si nous inspirons de la confiance, si nous avons du crédit, nécessairement nous devrons trouver à placer ces bons, et l’avis de tout le monde est qu’on les placera. D’ailleurs, si on ne les place pas, qu’en résultera-t-il ? C’est qu’il n’y aura pas d’émission, voilà tout.

On vous a soumis, messieurs, une autre observation, dont on a cherché à vous faire une espèce d’épouvantail. Ne craignez-vous pas, vous a-t-on dit, que le roi Guillaume, ce financier si habile et si astucieux, ne vienne s’emparer de vos bons et vous fasse faire banqueroute ? Je réponds : Non, je ne le crains pas ; car si le roi Guillaume prend nos bons, il nous donnera de l’argent… (On rit.) Et l’argent du roi Guillaume est aussi bon que celui de tout autre. (Nouvelle hilarité.) Je crois même que cela nous mettra dans cette position avantageuse qu’étant à la fois créanciers et débiteurs du roi Guillaume, nous pourrons nous payer avec son argent que nous aurons entre les mains. (Rire général.) Ainsi l’honorable orateur peut dissiper toute crainte à cet égard.

Mais je ne le comprends pas très bien quand il dit qu’il ne veut ni emprunt ni bons pour la suite. Il faut cependant trouver les moyens de payer nos dettes. Or il n’y a pas d’autre moyen que des bons du trésor, un emprunt ou toute autre ressource financière. Mais en ce moment, je le répète, il ne s’agit que d’une émission de 15 millions de bons du trésor.

On a parlé d’un empêchement constitutionnel provenant de l’article 115 de la loi fondamentale. Eh bien ! si l’on veut, pour faire cesser tout scrupule sur ce point, on pourra renouveler chaque année, dans le budget des voies et moyens, l’autorisation de faire une nouvelle émission. Au reste, si le projet ne s’exprime pas d’une manière aussi claire, on est libre d’y faire un amendement.

On a dit en outre que l’on aurait voulu voir limiter le taux de l’intérêt et de la négociation. C’est une observation qui a été faite aussi dans le sein de la commission. Mais on y a répondu avec raison, je crois, que ce serait mettre le trésor dans une condition désavantageuse ; car l’amateur de bons dirait au gouvernement : Vous pouvez aller jusqu’à 6 p. c. et 1 p. c. de commission, je veux avoir tout cela.

Il a paru plus avantageux à la commission de laisser cela à la disposition du ministre des finances, et de s’en remettre à sa promesse de ne jamais dépasser ce taux, Du reste, je ne crois pas que ce soit possible, car vous connaissez notre législation en matière usuraire. Elle défend de prendre un intérêt au-dessus de 6 p. c. en matière commerciale, et de 5 p. c. en matière ordinaire ; cette réflexion que j’ajoute était inutile, car la chambre ne court aucun risque d’abandonner ce point à la conscience de M. le ministre des finances.

Je crois avoir par là répondu à toutes les objections de l’honorable préopinant.

M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Messieurs, je serai bref dans le peu d’observations que je prie l’assemblée d’écouter avec indulgence.

Mes honorables collègues, MM. Julien et Meeus, vous ont dit tout ce que vous deviez connaître. Vous savez d’avance ce qui doit vous être proposé par la commission que vous avez nommée ; son travail est divisé en deux parties parfaitement distinctes.

Une première constitue la dette flottante mise au-dedans de nos ressources des voies et moyens. C’est une manière d’employer ces mêmes voies et moyens avec beaucoup plus de facilité que si l’on attendait nos revenus au fur et à mesure qu’ils sont versés au trésor. Divers événements influent sur ces rentrées : il faut donc pouvoir parer à cet inconvénient. Le moyen le plus simple, c’est celui proposé en ce moment à la chambre, et qui a été soutenu par des orateurs beaucoup plus habiles que moi. Ils vous ont montré que c’était un moyen de service déjà adopté par l’Angleterre, la France et aussi par la Hollande. Je dis donc que l’objet de la délibération est une dette flottante mise dans les voies et moyens.

Quant à la dette également flottante qui pourra être proposée, et qui sera mise en dehors des voies et moyens, pour compléter ces mêmes voies et moyens, c’est une tâche réservée à la commission. C’est ce qui devra être la seconde partie de son travail, et je ne doute pas qu’elle s’en acquitte avec tout le zèle et toute l’intelligence dont elle a fait preuve.

On a demandé s’il ne conviendrait pas de fixer le taux de l’intérêt et celui de la négociation. A cet égard, non seulement j’ai contracté l’obligation d’honneur et de responsabilité, vis-à-vis de la chambre, de ne rien faire qui ne soit dans le sens et l’esprit de la discussion, mais encore je serai lié par votre procès-verbal qui ne manquera pas de limiter ce taux. Ainsi donc, je ne pense pas qu’un ministre pourrait s’affranchir de cette double obligation, et aussi longtemps que le Roi me fera l’honneur de me maintenir au pouvoir, ce n’est pas moi qui dévierai jamais de ce devoir.

Quant à la question de savoir si nous pourrons placer les bons, nous ne manquerons pas d’amateurs. Déjà des maisons respectables se sont présentées ; mais avant tout il faut que la loi soit connue et qu’elle jette les bases des opérations à faire pour ce placement.

On m’a donné le conseil de faire ces émissions en très petite quantité. Nul doute que ce conseil ne soit suivi, car le gouvernement ne veut point qu’il puisse arriver à l’échéance une masse de bons auxquels il ne pourrait faire face.

Je crois avoir ainsi résumé les points essentiels de la discussion. Cette tâche, je le répète, m’était très facile après les développements des honorables membres de la commission. J’attendrai la discussion des articles, et s’il y a lieu d’en soutenir le contexte, je le ferai.

- La discussion générale est close.

Discussion des articles

Article premier

La chambre passe à la discussion des articles.

« Art. 1er. Le gouvernement est autorisé à émettre chaque année des bons du trésor à échéance fixe. »

M. le président. - Il y a un amendement proposé par M. Verdussen. Il demande que l’on supprime les mots « chaque année, » et qu’on les remplace par les mots « au pair. »

M. Verdussen. - J’ai à justifier devant vous l’amendement que je propose. Il est court, et cependant il est complexe. Je demande la suppression des mots « chaque année, » parce que ces mots impliqueraient que le gouvernement est autorisé à toujours répéter d’année en année la même opération ; c’est la perpétuité. Sous ce rapport l’expression est tout à fait oiseuse ; mais elle est plus que cela : elle est nuisible ; elle pourrait faire croire que chaque année les bons de l’année précédente doivent être renouvelés au premier janvier ; ce n’est pas ce que vous voulez prescrire. Le nouveau projet ne fixe pas à six mois la durée des bons du trésor ; il laisse au ministre la faculté n’en créer à 6 mois, à 7 mois, etc., ce qui peut comprendre plus que les deux semestres d’un exercice.

Pour ce qui est de l’addition des mots « au pair, » je dirai que, malgré la confiance que je place dans le ministre actuel des finances, je peux craindre dans l’avenir que ses successeurs ne méritent pas de l’obtenir. M. le ministre des finances peut fort bien nous assurer qu’il ne négociera pas au-dessus de 6 pour cent ; mais il ne peut nous répondre de ceux qui lui succéderont.

Un membre, qui siège à ma gauche, a élevé une question de constitutionnalité ; je ne pense pas comme lui que l’émission des bons du trésor doive se trouver nécessairement dans le budget ; dans le budget doit se trouver l’intérêt présumé des bons du trésor, mais pas autre chose.

Les explications données par l’honorable membre qui siège à ma gauche, me déterminent à proposer l’addition d’autres mots ; je voudrais qu’on mît : « des bons portant intérêt, » quoique cette addition puisse paraître inutile.

M. Meeus. - Je viens m’opposer à une partie de l’amendement. Je reconnais qu’il n’y aucun inconvénient à ce qu’il soit mis dans la loi que les bons du trésor seront négociés au pair, mais si vous effacez les mots « chaque année, » vous pourrez tomber dans un grave inconvénient. Le gouvernement ne peut faire usage des revenus arriérés d’un exercice qu’en émettant des bons du trésor ; il s’ensuit que le gouvernement doit pouvoir émettre, chaque année, des bons pour une valeur égale à cet arriéré. L’escompte de l’arriéré ne peut avoir lieu au commencement de l’année ; il ne doit s’effectuer qu’en mars, avril, mai ; car de cette manière nous paierez moins d’intérêt.

M. Dumont. - Messieurs, je ne crois pas que l’article premier ait rien de contraire à la constitution ; je sais bien que toutes les recettes et toutes les dépenses doivent figurer au budget ; mais cela n’empêche pas que l’on ne puisse décréter des dépenses pour plusieurs années. Est-ce que le traitement des membres de l’ordre judiciaire n’est pas déterminé pour plusieurs années ?

M. Osy. - Je regrette de n’être pas d’accord avec M. Meeus ; j’appuie l’amendement : c’est toujours avant la fin de l’année que les voies et moyens doivent être votés ; c’est à cette époque que vous autoriserez le ministre à émettre des bons.

M. Verdussen. - La chambre a l’initiative de créer une dette flottante permanente, ce qui paraît devoir exclure les mots « chaque année. » Je ne vois pas la nécessité de conserver ces mots.

M. Dumortier. - J’insiste pour la suppression des mots « chaque année ; » on ne peut pas enchaîner la législature future par une loi. On soutient que les lois peuvent engager l’avenir ; quand on lit la constitution, on trouve que les impôts n’existent que pour un an. On répond à cela que les bons du trésor ne sont pas un impôt ; mais la loi, en parlant d’impôts, a parlé des ressources pour les services publics.

Si vous autorisez l’émission de bons du trésor, le ministre, avec cette ressource, pourrait retarder l’époque de la convocation des chambres et de la discussion du budget. Les budgets doivent toujours se voter avant le 1er janvier. Je propose l’amendement suivant :

« Le gouvernement est autorisé à émettre, pour faire face aux besoins de l’exercice courant, des bons du trésor à échéance fixe et dont l’intérêt ne pourra pas excéder 6 p. c. par an. »

M. Dumont. - Il me paraît que la rédaction proposée par M. Dumortier renverse le principe de la loi. Si le projet avait pour but de combler un déficit, j’admettrais l’amendement ; mais il n’a pas ce but ; nous voulons seulement faciliter le service de trésor.

M. le président. - Voici un amendement de M. Coghen :

« Le gouvernement est autorisé à émettre, au pair, des bons du trésor portant intérêt et à échéance fixe. »

M. Osy. - L’amendement de M. Dumortier ne rentre pas dans le principe de la loi. La loi ne veut pas couvrir un déficit ni faire face à des dépenses. On ne veut que faciliter les besoins du service. J’appuie l’amendement de M. Verdussen ou celui de M. Coghen.

M. Coghen. - On a paru douter que les bons portassent intérêt si on ne l’énonçait pas dans la loi ; c’est pour lever ce doute que j’ai mis les mots « portant intérêt. » M. Dumortier a confondu deux objets différents ; c’est quand le second projet sera soumis à la chambre que l’on pourvoira aux besoins de l’Etat.

M. Dumortier. - Je ne partage pas les craintes du préopinant ; cependant je me rallie à l’amendement de M. Verdussen, mais je tiens toujours à la seconde partie de mon amendement qui fixe le taux de l’intérêt.

M. Verdussen. - Je me rallie à l’amendement de M. Coghen.

M. de Brouckere. - Je partage l’opinion de ceux qui veulent que les bons du trésor ne soient émis que pour l’exercice courant ; mais je ne crois pas que la constitution défende une émission de plusieurs années ; elle dit seulement que toutes les dépenses doivent être portées au budget ; ainsi la liste civile, votée pour toute la durée d’un règne, est portée au budget.

Il s’élève une autre question ; c’est celle de savoir s’il n’est pas à désirer que l’autorisation de créer des bons du trésor se borne à l’année courante. MM. Dumortier et Meeus ont démontré que l’opération annuelle était sans inconvénient ; nous renouvellerons l’autorisation si le budget des voies et moyens nous est présenté avant le mois de janvier.

M. Dumortier. - Les observations du préopinant méritent toute l’attention de la chambre ; et puisqu’il paraît y avoir du doute, il me semble qu’il faut insérer dans le projet de loi que l’émission est pour l’exercice courant.

M. Osy. : Je viens de préparer un amendement qui me paraîtrait concilier toutes les opinions :

« Le gouvernement est autorisé, pour faciliter le service du trésor pendant l’exercice 1833, à émettre des bons du trésor portant intérêt et à échéance fixe. »

- L’amendement de M. Osy mis aux voix est adopté unanimement.

M. Dumortier propose un amendement ainsi conçu : « L’intérêt des bons du trésor ne pourra excéder 6 p. c. l’an. »

M. Coghen. - J’avais insisté moi-même au sein de la commission pour qu’on insérât le maximum de l’intérêt et des frais de négociations. Mais, d’accord avec la majorité, j’ai consenti à n’en pas faire mention d’après l’engagement formel pris à cet égard par M. le ministre des finances.

M. Osy. - Je trouve que la consignation de la déclaration de M. le ministre au procès-verbal équivaut à un article de la loi. J’appui en conséquence la proposition de M. Dumortier en demandant toutefois qu’on y ajoute « 1 p. c. pour les frais de commission. »

M. le ministre de la justice (M. Lebeau). - Il me semble, en effet, que la distinction entre l’insertion de la déclaration de M. le ministre des finances au procès-verbal, et une disposition analogue dans la loi, est puérile, maintenant que cet engagement sera connu par tous les amateurs, par toutes les parties prenantes. Je crois qu’en le mettant dans la loi, vous aurez cet avantage de faire disparaître une distinction qui nuirait à la dignité des travaux de la chambre. D’ailleurs, cet engagement pris par un ministre ne lierait pas ses successeurs. Je concevrais qu’on eût omis cette disposition, si l’on s’en était rapporté à ce que le ministre avait déclaré dans la section centrale ; mais du moment où l’on veut avoir un engagement public, il ne peut y avoir aucun inconvénient à l’introduire dans la loi, et je crois que M. le ministre le désire autant que la chambre.

- L’amendement est appuyé.

M. Verdussen propose d’en revenir à la rédaction du premier projet de la section centrale.

- Cette proposition n’a pas de suite.

M. Meeus. - Je crois qu’au lieu de dire : « 1 p. c. pour les frais de négociation, » il fait mettre : « pour les frais de toute nature ; » car le gouvernement sera sans doute heureux de rendre ces bons payables à Paris. (Oui ! oui !)

- L’amendement ainsi modifié est mis aux voix et adopté. Il forme un paragraphe additionnel à l’article premier en ces termes :

« L’intérêt de ces bons ne pourra excéder 6 p. c. l’an, et les frais de toute nature ne pourront dépasser le maximum de 1 p. c. par semestre. »

Article 2

L’article 2 est également adopté dans les termes suivants :

« Art. 2. L’émission des bons du trésor pourra se renouveler plusieurs fois dans le courant de l’année de manière cependant qu’il n’en soit jamais maintenu en circulation pour une somme dépassant celle de 15 millions de francs. »

Article 3

« Art. 3. Les bons du trésor seront soumis préalablement à leur émission au visa de la cour des comptes. »

M. Meeus. - Je demande la parole pour bien se mettre d’accord sur le sens de cet article. Il faut qu’à l’échéance des bons émis en premier lieu le gouvernement puisse avoir à sa disposition d’autres bons pour remplacer ceux-là. Ainsi donc, voici comment il faut entendre le mot « préalablement. » Le gouvernement émet aujourd’hui 15 millions de bons du trésor jusqu’au 1er juillet. A cette époque il n’a pas les fonds nécessaires pour les payer. Que doit-il faire ? Il doit demander à la cour de comptes, quinze jours ou trois semaines avant l’échéance des premiers, son visa pour de nouveaux bons.

M. de Brouckere. - Je ne sais pas si la chambre partagera l’opinion de l’honorable M. Meeus, mais si elle partage cette opinion, il faut nécessairement revenir sur l’article que vous venez de voter tout à l’heure ; car, d’après cet article, le ministre des finances ne peut en aucun cas mettre en circulation plus de 15 millions, Si à l’époque de l’échéance les 15 millions ne sont pas payés, ils resteront en circulation, et vous voulez cependant en émettre d’autres. Il est évident que la cour de comptes refusera son visa, et elle devra le faire d’après l’article 2 de la loi.

M. Brabant. - La rédaction de l’article 2 a été adoptée par la commission afin d’empêcher tout obstacle au renouvellement des bons. Nous avions décidé que l’explication que M. Meeus a donnée tout l’heure vous serait soumise. Remarquez que cette explication est très conciliable avec la disposition de l’article 2 ; car, en statuant que l’on ne pourrait maintenir en circulation qu’une somme de l5 millions, l’on n’a pas voulu mettre le ministre des finances dans l’obligation de compter des écus au porteur du bon, tandis que celui-ci se contenterait d’un nouveau bon. Remarquez d’ailleurs que les papiers mis au pouvoir du ministre ne sont pas en circulation.

M. Verdussen. - J’appuie ce que vient de dire M. Brabant, Je citerai un exemple. Je suppose que l’on émette 15 millions de bons à deux époques différentes. 1 million vient à échoir au mois d’août ; eh bien, il faut que le trésor le paie, et alors il en émet d’autres. La cour des comptes n’autorisera cette émission nouvelle qu’après le mois d’août.

M. Coghen. - Je crois que si l’on maintient l’article tel qu’il est rédigé, la cour des comptes se refusera à donner son visa, et elle aura droit de le faire. Le seul moyen de remédier à cet inconvénient, ce serait de majorer le chiffre de 15 millions jusqu’à 20 millions. De cette manière on aura toute facilité pour renouveler les bons, et la cour des comptes ne sortira point de son mandat.

M. de Brouckere. - Je suis d’accord avec M. Verdussen et M. Brabant ; mais d’après ce que nous avait dit M. Meeus, il paraissait que tandis qu’il y aurait 15 millions en circulation, on pouvait en émettre encore d’autres. Je conçois bien que si au 1er août il doit rentrer un million de bons du trésor, on en fasse viser d’avance un million de nouveaux pour être mis en circulation à cette époque.

M. Meeus. - Je n’ai pas poussé aussi loin l’argument. J’ai dit : Nécessairement il faut que le gouvernement, quand il n’aura pas de fonds pour payer à l’échéance, négocie quinze jours à l’avance de nouveaux bons pour payer les autres, Je ne vois qu’un seul moyen d’y remédier, c’est d’adopter la proposition de M. Coghen et de porter le chiffre à 20 millions.

M. Brabant. - Je crois que la somme de 15 millions est suffisante ; car, j’en atteste tous mes honorables collègues, il résulte des documents que nous avons eus, que le gouvernement n’aura besoin de faire que des émissions mensuelles de 4 millions. Mais il faudra émettre 4 millions de bons pour le service du mois de mars ; mais quand on émettra ceux du mois d’avril, les bons de mars seront rentrés.

M. Meeus. - L’honorable membre confond entièrement les bons du trésor comme mesure de principe et comme mesure d’exception. Les bons que nous votons aujourd’hui sont pour faciliter la marche du gouvernement en attendant les rentrées. Ainsi, les 15 millions Rothschild doivent servir à 1832. Que va faire le ministre des finances ? Il va escompter ces 15 millions, et, par conséquent il pourra solder toutes les dépenses de cet exercice. Nous examinerons, dans la commission, le moyen de faire face pour 1833 à ce déficit. Si le ministre a la faculté de renouveler les bons, on pourra se passer soit d’un emprunt, soit d’un nouvel impôt.

M. Verdussen. - Je serais très porté à soutenir la disposition qui permettrait de faire viser cinq millions de bons, en sus des quinze millions dont l’émission sera autorisée par la loi, si je n’étais arrêté par un scrupule. Quelle garantie avez-vous que lorsque le ministre aura pour 20 millions de bons à sa disposition, il n’en émettra que pour 15 millions ? Rien ne pourra l’en empêcher s’il veut le faire, et quand l’époque du renouvellement viendra, il sera tout aussi embarrassé que si on n’avait mis à sa disposition que les 15 millions. Il me semble que l’on pourrait rédiger la loi de telle manière que cet abus ne fût pas possible.

M. de Brouckere. - La proposition de M. Coghen ne lève pas toutes les difficultés, car lorsque vous aurez dit qu’il ne sera émis que pour 15 millions de bons du trésor, s’il plaît au gouvernement d’émettre les 20 millions qui seront à sa disposition, il le pourra. Il y aurait peut-être un moyen de rendre la loi fort claire en ajoutant à l’article 2 : et celle de cinq millions pour faciliter le renouvellement.

M. Coghen. - Je me rallie à cette proposition.

M. de Brouckere. - M. Coghen s’y rallie, c’est que sans doute il la trouve bonne. (On rit.) Assurément je n’ai pas la présomption d’avoir des connaissances financières supérieures à celles de M. Coghen, mais il me semble que par mon amendement on ne pourra pas se méprendre sur le sens de la loi.

M. Verdussen. - L’amendement de M. de Brouckere ne peut s’allier à l’article 2 ; la rédaction de l’ensemble de l’article serait vicieuse, avec cette addition.

M. de Robiano de Borsbeek. - Voici, je crois, une proposition qui parerait à tous les inconvénients. L’article premier porte : « Le gouvernement est autorisé, pour faciliter le service du trésor pendant l’exercice de 1833, à émettre au pair des bons du trésor, etc. » On ajouterait ici : « pour la somme de 20 millions. » L’article 2 disant ensuite qu’il ne pourra en être émis que pour 15 millions, il en resterait cinq millions de flottants.

M. Verdussen. - Je pense que si M. de Brouckere voulait formuler son amendement, de manière à ce que sa rédaction pût s’allier à celle de l’article 2, cet amendement conviendrait très bien.

M. Osy. - Je crois qu’il n’y aurait plus de difficulté si nous ajoutions à l’article 2 ces mots : « et en réserve celle de cinq millions pour faciliter le renouvellement. »

M. Fallon. - Il me semble que l’amendement de M. de Robiano concilie tout. Dans l’article premier, vous consacrez l’émission des bons ; portez l’autorisation à 20 millions ; viendra ensuite l’article 2 qui restreint l’autorisation à une émission de 15 millions, et toute incertitude cesse.

- Plusieurs voix. - Il ne faudrait pas dire « émettre, » dans l’article premier.

M. de Robiano de Borsbeek. - Je propose de dire « créer. »

M. Coghen. - Si en effet on mettait à l’article premier : » le gouvernement est autorisé à créer chaque année. »

- Plusieurs voix. - Non pas chaque année.

M. Coghen. - Pour l’exercice 1833, 20 millions de bons du trésor, et qu’on laissât l’article 2 tel qu’il est, la loi serait très claire.

M. Gendebien. - Je propose d’ajouter à l’article 3 un paragraphe ainsi conçu : « Néanmoins, la cour des comptes est autorisée à viser 5 millions de bons du trésor qui resteront en réserve, pour faciliter le renouvellement de ceux qui seront en circulation. »

- Plusieurs voix. - Très bien ! très bien !

M. de Brouckere et M. Coghen. - Je me rallie à l’amendement de M. Gendebien.

- Une voix. - Au lieu de mettre : « est autorisé à viser, » il faut dire : « visera. »

M. Meeus. - L’amendement de M. de Robiano ne remplirait pas le but de la loi ; car ce n’est pas de la création de 20 millions de bons du trésor seulement qu’il s’agit, mais de beaucoup plus, de 60 millions par exemple ; en effet, si on les met à l’échéance de 3 mois, le gouvernement étant autorisé à en avoir toujours pour 15 millions d’émis, à chaque trimestre on en créera 15 nouveaux millions, ce qui fera 60 millions pour l’année.

M. Gendebien. - En matière de législation nous devons nous servir de termes impératifs mais, dans le cas de mon amendement, cela n’est pas nécessaire, parce qu’il peut arriver que le gouvernement n’ait pas besoin de faire viser pour plus de 15 millions ; il est alors inutile d’en faire une obligation à la cour des comptes, qui ne peut viser qu’autant qu’on le lui demande : toutefois, on peut employer le mot « visera, » parce qu’il est certain que si on ne lui en fait pas la demande, elle ne visera pas.

- Une voix. - Il faut dire « pourra viser. »

M. Dumortier. - Ou bien je ne comprends rien à la question, ou bien nous tournons toujours autour d’un cercle vicieux. Il s’agit ici de poser des limites au gouvernement, c’est ce que ne font pas les amendements proposés. Je suppose en effet que le visa de 20 millions étant autorisé, le gouvernement ait besoin de 5 millions au mois de janvier ; que le 1er février il ait encore besoin de 5 millions, et de pareille somme le 1er mars et le 1er avril. Voilà les 20 millions dépensés. Que fera-t-on si au 1er mai on a encore besoin de 5 millions ? Où les trouvera-t-on ? Les amendements ne remédient donc à rien. Il y aurait une chose plus simple à faire ; ce serait d’astreindre le gouvernement à ne pas dépasser un certain chiffre d’émissions par chaque échéance.

M. Coghen. - La rédaction de l’amendement de M. Gendebien est suffisante ; car de cette manière il y aura toujours pour 15 millions de bons en circulation, et les 5 millions de réserve serviront à parer aux besoins des renouvellements à mesure des échéances.

M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Je désire savoir s’il est bien entendu que cette réserve de 5 millions sera mise à la disposition du ministre : il faut que cela soit bien expliqué ; car, en rapprochant les mots : « pourra viser, » du mot : « réserve, » la cour des comptes croirait peut-être qu’elle est autorisée à garder ces bons par devers elle. (Non ! non !)

M. Gendebien. - Qu’on mette : « visera. »

M. de Brouckere. - En ajoutant : « et mettra à la disposition du ministre. »

M. Boucqueau de Villeraie. - Voici la rédaction que j’aurai l’honneur de proposer ; par elle l’article 3 serait ainsi conçu : « Les bons du trésor seront soumis, préalablement à leur émission, au visa de la cour des comptes, laquelle est autorisée, pour faciliter le renouvellement, à en viser et à en remettre au trésor 5 millions au-delà des 15 millions mis en circulation. » (Appuyé ! Appuyé !)

- L’amendement de M. Boucqueau de Villeraie est mis aux voix et adopté.

Article 4

L’article 4 est ensuite adopté sans discussion en ces termes : « Le gouvernement pourra racheter les bons du trésor. »

Article 5

On passe à l’article 5 ainsi conçu : « Il sera rendu un compte spécial aux chambres de toutes les opérations relatives à la négociation des bons du trésor. »

M. Meeus. - Messieurs, vous savez qu’en France l’émission des bons du trésor n’a lieu qu’en vertu d’une ordonnance royale. Je ne pense pas que cela doive être mis dans la loi, mais j’ai besoin d’expliquer ma pensée aux ministres pour qu’ils entendent la chose comme moi. Je désire qu’à l’avenir un arrêté royal fixe les règles d’après lesquelles se fera l’émission des bons du trésor ; qu’au nombre de ces règles, le preneur soit tenu de signer le bordereau, où le taux de l’intérêt sera stipulé. Ce sont des formalités qui doivent mettre la chambre à même de bien juger la manière dont l’émission aura été faite, et comment le ministère aura usé de cette faculté.

M. Coghen. - Cela doit être ainsi.

M. de Brouckere. - Je voudrais adresser une question à la commission. L’article 5 porte qu’il sera rendu compte de l’opération. Mais quand ?

- Plusieurs voix. - Chaque année.

- D’autres voix. - A la fin de l’année !

M. de Brouckere. - Plusieurs membres répondent à la fois ; j’avoue que je n’ai pu saisir leur réponse.

M. Mary. - On obvierait à tout en disant : « annuellement. »

M. Verdussen. - On ne peut mettre « annuellement, » puisqu’il ne s’agit de l’émission des bons que pour l’année 1833. Il faudrait dire : « à la fin de l’exercice. »

M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Voici comment on pourrait rédiger l’article 5 :

« A la fin de l’exercice il sera rendu un compte spécial aux chambres de toutes les opérations relatives à la négociation des bons du trésor. »

- Cette rédaction est adoptée.

Article additionnel

M. le président. - Voici une proposition de M. Dumortier, à placer entre les articles 4 et 5 :

« L’annulation des bons du trésor retirés de la circulation aura lieu publiquement en présence de la cour des comptes. »

M. Dumortier. - Ceci est conforme à ce qui se pratique en France et partout où on émet des bons du trésor. C’est une mesure d’ordre qui, je pense, ne peut souffrir de difficulté.

M. Meeus. - Je dois combattre la proposition de l’honorable M. Dumortier, dont je ne comprends pas l’utilité. Je conçois qu’on fît ce qu’il propose s’il s’agissait de bons au porteur, mais pour des bons à échéance fixe la chose est parfaitement inutile. L’échéance annule.

M. Coghen. - Ces bons du trésor, quand ils seront payés, seront annulés par un timbre d’annulation ; mais ils doivent rester comme pièces de comptabilité.

M. Dumortier. - M. Meeus aurait raison si les bons du trésor ne pouvaient pas être rachetés ; mais dès que vous admettez le rachat, il faut admettre l’annulation immédiate, et je ne vois pas pourquoi cette annulation ne se ferait pas devant la cour des comptes.

M. Verdussen. - Le seul moyen d’annuler ces bons c’est de les laisser échoir.

- La proposition de M. Dumortier est mise aux voix et rejetée.


M. le président. - Le projet, provisoirement adopté par la chambre, se trouve ainsi conçu :

« Léopold, Roi des Belges,

« A tous présents et à venir, salut.

« Nous avons, de commun accord avec les chambres, décrété et nous ordonnons ce qui suit :

« Art. 1er. Le gouvernement est autorisé, pour faciliter le service du trésor pendant l’exercice 1833, à émettre, au pair, des bons du trésor portant intérêt et à échéance fixe.

« L’intérêt ne pourra pas excéder 6 p. c. l’an, et les frais de toute nature ne pourront dépasser le maximum d’un p. c. par semestre.

« Art. 2. L’émission des bons du trésor pourra se renouveler plusieurs fois dans le courant de l’année, de manière cependant qu’il n’en soit jamais maintenu en circulation pour une somme dépassant celle de 15 millions de francs.

« Art. 3. Les bons du trésor seront soumis, préalablement à leur émission, au visa de la cour des comptes, laquelle est autorisée, pour faciliter le renouvellement, à en viser et à en remettre au trésor 5 millions au-delà des 15 millions mis en circulation.

« Art. 4. Le gouvernement pourra racheter les bons du trésor.

« Art. 5. A la fin de l’exercice, il sera rendu un compte spécial aux chambres de toutes les négociations relatives aux bons du trésor.

« Mandons et ordonnons, etc. »


La chambre décide ensuite qu’il n’y aura séance qu’après-demain. On s’occupera du vote de la loi, d’un rapport de pétitions et du commencement de la discussion sur la loi relative aux distilleries.

La séance est levée à quatre heures.