(Moniteur belge n°196, du 14 juillet 1832)
(M. Destouvelles occupe le fauteuil.)
La séance est ouverte à une heure.
M. Dellafaille procède à l’appel nominal.
M. le président. - Nous ne sommes que 47 membres présents. La séance est suspendue jusqu’à ce que nous soyons en nombre.
- Quelques membres arrivent successivement. La chambre se trouve en nombre à une heure vingt minutes.
M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier ; il est adopté sans réclamation.
M. le président. - Messieurs, j’ai l’honneur de prévenir la chambre que M. le ministre des affaires étrangères m’a écrit pour m’annoncer qu’il se rendrait à la séance à deux heures, pour faire son rapport à la chambre.
M. Liedts lit deux messages du sénat : le premier annonçant l’adoption du projet de loi de crédit demandé par M. le ministre de la justice ; le deuxième, l’adoption du projet de loi sur la presse.
Le même donne lecture d’une lettre de M. Jonet, annonçant qu’obligé de siéger à la cour de cassation, il ne pourra se rendre la séance qu’à deux ou trois heures.
M. le président. - M. Serruys a déposé une proposition sur le bureau ; elle sera renvoyée aux sections pour savoir si elles en autorisent la lecture.
M. Serruys. - M. le président, la proposition que j’ai eu l’honneur de déposer est de la plus grande urgence ; si la chambre voulait permettre que j’en fisse la lecture...
M. le président. - L’article 35 du règlement s’y oppose. Vous savez qu’aux termes de cet article toute proposition, après avoir été déposée et signée par son auteur, doit être renvoyée aux sections et ne peut être lue que si celles-ci le permettent.
M. Brabant. - La proposition de M. Serruys n’est pas une proposition proprement dite ; c’est une partie du travail de la commission chargée de faire le rapport du projet de loi sur les distilleries.
- Plusieurs membres demandent à la fois la parole.
M. Liedts. - S’il est vrai que la proposition de M. Serruys ne soit qu’une partie du travail de la commission, il n’y aurait pas lieu de la renvoyer aux sections. C’est un simple rapport que M. Serruys demande à faire.
M. le président. - M. Serruys a déposé sa proposition, rédigée en projet de loi ; elle doit former, selon lui, une loi transitoire ; je ne vois pas que ce soit là un rapport, ni qu’on puisse se dispenser de lui faire suivre la voie indiquée par le règlement.
M. A. Rodenbach. - C’est une partie du rapport sur le projet de loi des distilleries que M. d'Elhoungne doit faire demain. Renvoyer cette proposition aux sections, c’est vouloir entraver la loi sur les distilleries. Qu’on la garde pour demain, afin qu’elle soit lue en même temps que le rapport de M. d'Elhoungne.
M. Gendebien. - Quand une proposition est faite sur un projet par un membre de la commission chargée de l’examiner, il importe peu que ce soit en vers ou en prose que la proposition soit faite, ou qu’elle soit rédigée en forme d’articles ; elle doit être lue sans être renvoyée aux sections. Ce n’est pas d’ailleurs le cas d’être aussi sévère sur l’exécution du règlement.
M. H. de Brouckere. - C’est à M. Serruys à dire s’il a fait sa proposition en sa qualité de membre de la chambre, ou si c’est comme membre de la commission. Si c’est comme membre de la chambre, M. le président a raison de dire que le règlement doit être exécuté ; si c’est comme membre de la commission, cette proposition peut être considérée comme un rapport et n’a pas besoin d’être renvoyée aux sections.
M. le président. - En la déposant, l’honorable M. Serruys a dit que c’était en son propre nom, et il l’a signée seul.
M. Serruys. - Il m’importe peu qu’on considère ma proposition comme faite en mon nom personnel ou comme faisant partie du rapport ; mais il est certain que la chose est assez urgente pour que la lecture en soit nécessaire. (Parlez ! Parlez !)
M. le président. - Veuillez donner lecture de votre proposition.
M. Leclercq. - Ce n’est pas une proposition.
M. Serruys. - Dans l’incertitude si, avant de se séparer, il restera à la chambre assez de temps pour délibérer sur le projet de loi concernant les distilleries, que vous avez renvoyé à l’examen d’une commission spéciale, et dont le rapport vous sera présenté demain, je pense qu’il est de toute nécessité et d’urgence de faire des changements à quelques dispositions de la loi provisoire du 4 mars 1831 comme éminemment préjudiciables à la prospérité de nos distilleries et du commerce national.
En conséquence, j’ai l’honneur de faire à la chambre la proposition suivante :
« Léopold, Roi des Belges,
« A tous présents et à venir, salut.
« Par dérogation aux articles 3 et 4 de la loi provisoire du 4 mars 1831, et en attendant qu’une nouvelle loi sur les distilleries ait été portée, la décharge du droit d’accise pour les eaux-de-vie indigènes reportées à l’étranger, soit directement ou d’un entrepôt, aura lieu à raison de 6/7 de la prise en charge par hectolitre d’eau-de-vie à 50 degrés ; et la faveur de l’entreposage de ces eaux-de-vie est rétablie telle qu’elle est accordée par la loi générale du 26 août, n°38, et par la loi spéciale de la même date, n°37, concernant l’accise sur les eaux-de-vie indigènes.
« Mandons et ordonnons, etc. »
M. Barthélemy. - Je demande l’impression et la distribution du projet et son renvoi à la commission.
M. H. de Brouckere. - Mais c’est la commission elle-même qui présente ce travail.
M. Goethals. - Le renvoi à la commission ne peut être voté, attendu qu’elle a déjà examiné le projet et que ce n’est qu’une partie du travail auquel elle s’est livrée qu’on vous présente.
M. d’Elhoungne. - Messieurs, l’assertion que la proposition dont on vient de vous donner lecture serait le travail de la commission n’est pas tout à fait exacte. Je vais expliquer ce qui a eu lieu à cet égard.
Quelques membres, mus par un excès de zèle, auraient désiré qu’immédiatement après le rapport de la commission la chambre procédât à la discussion de la loi. D’autres ont pensé qu’un projet d’une telle importance, et qui touchaient à des intérêts si divers, ne pouvaient sans une grande imprudence être discuté et voté avec précipitation. Ils ont donc émis l’opinion que si la discussion immédiate de la loi était demandée, ils la combattraient de toutes leurs forces. Ceux-là ont pensé qu’il fallait que le projet fût imprimé, qu’il fût publié et livré à l’examen du public afin que les observations auxquelles il donnerait lieu puissent éclairer la chambre.
Tout le monde sent bien que la session est sur le point de finir, et que la discussion du projet ne pourra jamais avoir lieu qu’à la prochaine réunion des chambres ; c’est dans cette prévision que l’honorable M. Serruys a cru, dans l’intérêt des distilleries et du commerce, devoir proposer à la chambre une loi transitoire, par laquelle on permettrait l’exportation des eaux-de-vie du pays, que l’administration a rendue impossible par l’insertion d’un amendement proposé à la loi du 3 mai 1831.
Remarquez, messieurs, que les armateurs belges sont obligés de faire importer en Belgique des eaux-de-vie de Schiedam pour les faire réexporter en Amérique. Cela vient de ce que les eaux-de-vie indigènes ne sont pas admises en entrepôt, et que, obligés d’aller en prendre de petites quantités chez un distillateur et chez un autre, les armateurs ne pourraient en former tout à coup des cargaisons complètes. C’est pour cela que M. Serruys a fait sa proposition, qui est d’une grande importance et sur laquelle je ne sais pas si la chambre se trouvera assez éclairée pour voter. Mais je le répète, le projet de M. Serruys n’est pas le travail de la commission.
M. Berger. - Comme membre de la commission, je prendrai la liberté de faire observer que M. Serruys lui a soumis son projet et qu’il a réuni l’assentiment de la majorité.
M. d’Elhoungne. - Si la commission veut adopter ce projet, elle le peut, mais pour ma part je n’ai considère la communication de M. Serruys que comme une communication officieuse ; et la preuve que la commission n’a pas travaillé à ce projet, c’est que M. Serruys seul l’a signé.
M. le président. - Le projet sera imprimé et distribué.
M. Poschet. - Je demande le renvoi aux sections. (Non ! non !)
- Cette proposition est rejetée.
L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif aux concessions et péages.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Messieurs, les observations qui ont été faites dans les discussions précédentes m’ont déterminé à vous présenter, par forme d’amendements, quelques dispositions additionnelles. Cependant j’aurai l’honneur de faire observer que ces dispositions étaient déjà le fond du système du gouvernement, mais qu’il ne les avait considérées que comme réglementaires.
Jusqu’à présent aucun règlement d’administration générale n’existait sur la matière ; néanmoins la marche que l’on suivait garantissait suffisamment l’intérêt public et privé.
Pour vous faire comprendre le système du gouvernement, je vais vous donner lecture de deux projets d’arrêtés qui devaient servir de règle pour l’exécution de la loi. Ces arrêtés sont conformes en partie au système qui est pratiqué en France. Là il n’y a pas de loi réglant en détail l’instruction des demandes en concession, ni le mode de concession, ni ses conditions.
Tout ce qui concerne le mode d’instruction est réglé par une ordonnance du 28 février 1831. C’est, partie dans cette ordonnance, partie dans les conférences que j’ai eues avec les membres les plus éclairés de l’administration, que j’ai pris les éléments de deux projets d’arrêtés dont je vais vous donner lecture. Voici comment le premier est conçu :
« Considérant qu’il importe que les décisions du gouvernement pour l’exécution des travaux publics soient subordonnées à l’observation de règles constantes propres à assurer les intérêts généraux du pays et à les concilier, autant que possible, avec les intérêts locaux et privés ;
« Sur le rapport de notre ministre de l’intérieur,
« Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :
(Cet arrêté est relatif au mode d’instruction et d’enquête.)
« Art. 1er. Toute proposition d’ouvrir une route ou un canal, de perfectionner ou de créer la navigation d’un fleuve ou d’une rivière, de construire un chemin en fer, ou en général d’exécuter des ouvrages pouvant exiger des expropriations pour cause d’utilité publique, sera instruite de la manière ci-après déterminée.
« Art. 2. Le conseil des ponts et chaussées, lorsqu’il sera réuni, ou à défaut de ce conseil une commission d’ingénieurs, émettra son avis sur la possibilité d’exécution du projet.
« L’auteur de la proposition sera entendu par le conseil ou la commission ; il donnera les renseignements qu’il jugera utiles et répondra aux observations qui lui seront faites.
« Le conseil ou la commission fera un rapport sur l’ensemble, indiquera en masse les dépenses nécessaires à la mise à exécution et prendra ses conclusions : si elles tendent au rejet de la proposition, le rapport sera communiqué à l’auteur du projet avec la décision ministérielle.
« Art. 3. Lorsque la possibilité d’exécution sera reconnue, le ministre ordonnera une enquête ; elle s’ouvrira sur un avant-projet rédigé par l’auteur de la proposition et indiquant le tracé général, les dimensions principales des ouvrages les plus importants et l’appréciation sommaire de la dépense.
« Lorsque des droits devront être perçus pour couvrir les frais de l’entreprise, le tarif en sera joint à l’avant-projet. »
Vous voyez, messieurs, que ceci répond déjà à l’objection que le gouvernement voulait écarter tous les projets faits par des particuliers ou par des sociétés.
« Un nombre d’exemplaires du projet, égal au moins à celui des provinces que la ligne des travaux traverse ou embrasse, et à fixer par le ministre, sera fourni au département de l’intérieur.
« Art. 4. Le ministre de l’intérieur fera parvenir au gouverneur de chacune des provinces traversées par la ligne des ouvrages, ou éminemment intéressées à leur exécution, un exemplaire de l’avant-projet, qui sera soumis à l’examen du public pendant un délai d’un mois au moins, et de trois mois au plus, selon la décision du ministre ; un registre sera ouvert pendant ce temps au chef-lieu de la province : les observations auxquelles l’avant-projet pourra donner lieu, y seront annotées dans l’ordre du dépôt.
« Le dépôt du plan et l’ouverture du registre seront annoncés par avis inséré au Moniteur et dans l’un des journaux de la province ou de chacune des provinces intéressées, et renouvelés chaque mois ; ils seront également annoncées dans le mémorial administratif de la province.
« Art. 5. Il sera formé au chef-lieu de chacune des provinces que la ligne des travaux devra traverser, une commission d’enquête composée de 7 membres au moins et 11 au plus ; elle sera présidée par un membre de la députation du conseil provincial désigné par le ministre ; une moitié des autres membres sera également nommée par le ministre, l’autre moitié sera au choix de la députation ; les uns et les autres seront pris parmi les principaux propriétaires, négociants, armateurs ou chefs d’établissements industriels.
« Les membres de cette commission n’auront droit à aucune indemnité.
« Art. 6. La commission se réunira immédiatement après l’expiration du délai fixé en exécution de l’article 4 ; elle examinera les déclarations consignées ou indiquées au registre de l’enquête, elle entendra l’auteur du projet, elle pourra aussi entendre les ingénieurs des ponts et chaussées et des mines employés dans la province, et après avoir recueilli, auprès de toutes autres personnes qu’elle jugera utile de consulter, les renseignements dont elle croira avoir besoin, elle donnera ses conclusions motivées, spécialement sur l’utilité publique du projet, la hauteur des droits à percevoir, s’il y a lieu, et la durée de leur perception ; ces diverses opérations devront être terminées dans un nouveau délai d’un mois.
« Art. 7. Le procès-verbal de l’enquête sera clos et transmis immédiatement à la députation du conseil provincial ; celle-ci l’adressera avec son avis au ministre de l’intérieur ; cet envoi aura lieu dans les 15 jours qui suivront la date du procès-verbal.
« Art. 8. Les chambres de commerce des villes intéressées à l’exécution des travaux seront consultées sur les avantages ou les inconvénients de l’entreprise projetée.
« Les procès-verbaux de leurs délibérations devront être remis à la députation du conseil provincial avant l’expiration du délai fixé en l’article 6.
« Art. 9. Si la décision du gouvernement n’était point encore arrêtée à l’époque de la réunion des conseils provinciaux, le conseil pourra être également consulté.
« Art. 10. L’instruction étant terminée, il sera rédigé un programme et un cahier des charges indiquant les points essentiels du tracé, les dimensions des ouvrages principaux, les conditions à remplir dans le but d’assurer les intérêts généraux et ceux des tiers ; les garanties d’exécution exigées par l’administration ; le mode de surveillance de celle-ci, s’il y a lieu ; le tarif des droits à percevoir et la durée de la perception, le délai dans lequel les travaux seront commencés et achevés.
« Art. 11. Lorsque les travaux projetés se lieront aux ouvragess militaire du royaume, directement ou indirectement, le ministre de l’intérieur concertera avec le ministre de la guerre les mesures à prendre pour leur exécution. Il n’est point dérogé aux règles qui déterminent les attributions du génie militaire.
« En ce qui concerne les travaux à exécuter aux frais des provinces ou des communes, on se conformera aux dispositions actuellement existantes.
« Art. 13. Notre arrêté, ordonnant l’exécution des travaux, donnera ouverture aux formalités et enquêtes prescrites par la loi du 8 mars 1810 sur les expropriations. »
Vous connaissez, messieurs, les dispositions de cette loi. Elle veut que l’enquête spéciale ou de détail soit faite sur les lieux, après le dépôt du plan de toutes les propriétés dont l’expropriation deviendra nécessaire par l’exécution de la route, du canal ou de toute autre entreprise projetée. Toutes les parties intéressées doivent pouvoir prendre connaissance des plans, les examiner et faire leurs critiques et leurs observations ; ce n’est qu’après l’accomplissement de toutes ces formalités que l’expropriation peut être faite.
Le deuxième projet d’arrête est relatif au mode d’adjudication.
On a cherché par cet arrêté à concilier les deux modes de concessions à terme et à perpétuité, et à garantir les intérêts de l’auteur ou des auteurs du projet.
Voici les termes de cet arrêté :
« Art. 1er. Toute proposition qui serait faite par une société particulière d’exécuter des ouvrages publics à ses frais moyennant la perception, soit temporaire, soit perpétuelle, de certains péages, sera instruite conformément à notre arrêté du....
« Art. 2. Lorsque les programme et cahier des charges formés de la manière prescrite par l’article 10 de l’arrêté susmentionné auront reçu notre approbation, les pièces seront communiquées à la société : celle-ci fera connaître endéans le mois si elle entend exécuter les ouvrages aux clauses et conditions desdits actes.
« Art. 3. A défaut par la société d’accepter l’entreprise dans le délai utile, sa proposition sera censée non avenue.
« Art. 4. Dans ce cas le projet deviendra la propriété du gouvernement, et, sauf la restriction indiquée à l’article suivant, la société n’aura droit à aucune indemnité.
« Art. 5. Il y aura lieu à indemnité lorsque le projet aura reçu un commencement d’exécution dans les cinq années de la communication des programme et cahier des charges à la société auteur.
« Art. 6. Lorsque la société acceptera l’entreprise aux clauses et conditions des programme et cahier des charges, elle en fera la déclaration par acte authentique.
« Art. 7. Il sera ensuite procédé à une adjudication publique aux mêmes clauses et conditions, de la manière ci-après indiquée.
« Art. 8. Lorsque la concession devra être perpétuelle, le cahier de charges contiendra un tarif maximum des péages à percevoir et l’adjudication aura lieu au rabais sur ce tarif. Celui qui offrira un rabais de 5 pour cent ou davantage obtiendra l’entreprise, à charge d’une indemnité en faveur de la société primitive ; par contre, celle-ci aura la préférence si le rabais reste au-dessous de 5 p. c.
« Art. 9. Lorsque la concession ne devra être que temporaire, l’adjudication aura lieu, soit au rabais sur le tarif proposé comme maximum, soit sur le temps de jouissance, suivant que l’un ou l’autre système sera le plus conforme aux résultats de l’enquête ; celui qui offrira un rabais de 5 pour cent ou davantage obtiendra l’entreprise ; mais, en ce cas, la société primitive aura le droit à une indemnité ; elle aura la préférence toutes les fois que le rabais restera au-dessous de la limite qui vient d’être indiquée.
« Art. 10. L’indemnité à laquelle aura droit la société auteur du projet, dans les cas prévus par les articles 5, 8 et 9 ci-dessus, sera établie en raison des sommes et du temps consacrés aux travaux préparatoires et du mérite de conception du projet ; une clause du cahier des charges en déterminera le montant ; elle sera réglée par le ministre sur l’avis du conseil des ponts et chaussées ou la commission d’ingénieurs nommée pour la rédaction des programme et cahier des charges ; il aura égard aux données résultantes de l’enquête.
« La société qui aurait refusé d’accepter le cahier des charges pourra, au cas prévu par l’article 15 du présent arrêté, réclamer l’exécution de la clause concernant l’indemnité, soit de la société concessionnaire, soit du gouvernement, si c’est lui qui exécute.
« Art. 12. Les adjudications de travaux publics à exécuter par voie de concession ne seront définitives qu’après notre approbation.
« Art. 13. Les adjudications de travaux publics à exécuter par voie de concession à perpétuité seront faites en vertu d’une loi spéciale. »
Tel est l’ensemble des dispositions que l’administration se proposait de suivre, en cas d’adoption du projet de loi. Vous voyez qu’elles sont propres à concilier tous les intérêts. L’instruction, l’enquête, les droits des sociétés auteurs de projets, et les divers modes d’adjudication, y sont définis et réglés. Il avait paru inutile de soumettre ces détails à la sanction des chambres, parce qu’ils ne regardent que l’administration qui est chargée de s’éclairer sur l’utilité des entreprises projetées ; et c’est au pouvoir exécutif qu’il appartient de régler ce qui est d’exécution.
C’est ainsi que cela se pratique dans un pays où le pouvoir législatif est parfaitement entendu.
Quant aux critiques qui ont été faites sur le mode de concessions suivi jusqu’à ce jour, elles ne peuvent concerner l’administration belge. Chaque fois qu’un projet lui a été soumis par son auteur, ou qu’elle-même en a conçu quelqu’un, l’autorité provinciale a été entendue, aussi bien que l’autorité locale ; et les intérêts de toutes les parties qu’aurait pu léser l’entreprise ont été soigneusement stipulés
Jamais l’administration n’a imposé ses projets ; elle a reçu tous ceux qui lui ont été présentés ; elle les a examinés, et indiqué les améliorations dont ils lui paraissaient susceptibles, et elle en a laissé l’exécution à leurs auteurs pour autant que l’exécution ne se rapportait qu’à des intérêts secondaires.
Ici je dois répondre au reproche qu’on a adressé au gouvernement de tout faire dans l’intérêt d’un corps, celui des ingénieurs des ponts et chaussées. Le gouvernement n’a jamais mérité ce reproche, et un fait récent que je citerai suffira pour détruire cette objection. Un nouveau projet a été proposé, tendant à diminuer les frais de construction de routes et à faciliter les transports tant pour la charge que pour la célérité.
L’administration des ponts et chaussées a accueilli l’auteur de ce projet avec faveur, elle lui a indiqué les améliorations dont il pouvait être susceptible, et on a alloué une somme à l’auteur pour qu’il fît l’essai de son projet. C’est ainsi que l’administration des ponts et chaussées entend ses devoirs.
Cette administration n’intervient pas non plus dans les travaux que les particuliers jugent à propos de faire exécuter sur leurs propriétés ; c’est ainsi que personne n’a songé à intervenir dans la route que la banque fait actuellement construire sur les terrains qui lui appartiennent : chaque fois qu’un propriétaire ou qu’une association de propriétaires se bornera à exécuter des travaux sur ses propriétés, l’autorisation ne sera pas nécessaire.
Il me reste à faire quelques observations sur le système des concessions à terme et à perpétuité.
Pour repousser les concessions à terme, on vous a dit que les ouvrages étaient mal exécutés, que l’entrepreneur avisait seulement aux moyens de pourvoir à la solidité de l’ouvrage par la durée de sa concession ; messieurs, c’est parce qu’on ignore les clauses des cahiers des charges qu’on a émis cette assertion. Tout cahier des charges contient pour les concessionnaires l’obligation la plus formelle d’exécuter les travaux de la manière la plus convenable, et de les remettre, à l’expiration du terme de la concession, en bon état. Et c’est seulement à l’expiration de ce terme que les ouvrages sont remis à l’administration, qu’il y a procès-verbal de réception, et que le concessionnaire est déchargé, ainsi que ses cautions.
Au surplus, on aura remarqué que le gouvernement, en vous présentant son projet, n’a rien préjugé sur les concessions à terme ou à perpétuité : les unes et les autres sont libres ; elles sont ouvertes à la concurrence des amateurs.
Si d’une part le péage dans les concessions à perpétuité est à plus bas prix que dans les concessions à terme, on ne peut pas disconvenir que les concessions à terme offrent un appât aux entrepreneurs, en ce sens qu’ils prévoient dans un temps donné le remboursement des avances qu’ils font pour une entreprise qui, quoi qu’on en dise, a toujours quelque chose de chanceux par les éventualités. Toute personne qui voudrait entreprendre une concession à terme, moyennant un remboursement dans un temps donné, ne voudrait pas entreprendre une concession à perpétuité. Dans tous les cas ce sera le désir de l’entrepreneur qui servira de règle ; c’est sa proposition qui formera la base de l’enquête et de l’adjudication.
M. le président. - Je dois faire observer que toutes ces considérations rentrent dans la discussion générale qui est close.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Ces explications m’ont paru nécessaires pour lever les incertitudes qui ont été manifestées lors de cette discussion.
Messieurs, c’est l’expérience, c’est le temps qui déterminera le meilleur système à adapter aux intérêts du pays.
La liberté est amie du progrès ; la liberté doit être favorisée dans un pays où toute latitude est laissée à l’industrie. Il ne faut d’ailleurs pas perdre de vue que, dans toute espèce de concessions, il existe toujours une base qui sert de point de départ : Cette base c’est l’abondance des transports qui doit avoir lieu sur les routes et les canaux ; ni le gouvernement, ni les sociétés qui voudront entreprendre des travaux, n’auront intérêt à la fixation d’un péage élevé qui pourrait paralyser les transports ; le gouvernement et les sociétés ont le plus grand intérêt à ce que les transports soient les plus multipliés possible.
Il ne me reste plus, messieurs, que peu de mots à dire sur les amendements que j’ai proposés.
Déjà vous en avez conçu le sens et le système d’après les projets d’arrêtés organiques.
L’article 2 nouveau est celui qui mérite le plus d’attention, parce qu’il offre l’avantage du vingtième à la société auteur du projet ; mais on doit remarquer que si la société jouit de cet avantage, elle contracte aussi des obligations envers le gouvernement ; car, pour jouir de cet avantage, elle doit au préalable avoir soumissionné les travaux mis en adjudication ; et il est facile de concevoir de quelle importance il est d’ouvrir une adjudication sur une mise faite par un adjudicataire assuré. Dans le cas présent, la société qui ne voudra pas risquer d’être évincée par le rabais et fera sa mise la plus basse possible.
Le monopole n’est pas à craindre ici, puisque l’auteur du projet soumissionné sera obligé de l’exécuter dans un temps déterminé ; ainsi tout abus paraît impossible.
La fixation de l’indemnité à accorder à cette société, au cas qu’elle soit évincée par le rabais, doit dépendre des circonstances particulières, et on conçoit qu’il ne faut ici qu’une disposition générale, parce que tel projet aura un grand mérite, tel autre au contraire aura un mérite très mince. Pour juger de ce mérite, on trouvera des données dans les procès-verbaux de l’enquête, et dans ceux de l’administration des ponts et chaussées.
Au moyen de ces explications, je crois avoir satisfait aux observations qui ont été faites dans les discussions précédentes.
M. Barthélemy. - Je demande la parole.
M. le président. - Avant de donner la parole, je voudrais que l’assemblée décidât de quelle manière elle entend délibérer.
M. Gendebien. - Il me semble que vous devez être tous convaincus de l’impossibilité de procéder immédiatement à la discussion du projet ou de l’un des projets qui sont présentés. Je propose, en conséquence, de renvoyer tous les amendements à une commission qui serait chargée de faire son rapport à la séance de demain, sauf à la chambre de décider ensuite s’il faut, après le rapport entendu, délibérer séance tenante, ou ajourner le projet.
On nous a lu aujourd’hui deux projets d’arrêtés. La lecture de ces projets serait de nature à nous tranquilliser s’ils étaient présentés comme loi, parce que nous pourrions les discuter ; en en éloignant beaucoup de choses inutiles, nous pourrions peut-être faire une bonne loi.
Si le ministre avait présenté à la chambre le projet d’arrêté qu’il a lu, je crois que nous en aurions pu faire sortir une loi ; mais, quant à présent, la lecture de cet arrêté ne fait que nous mettre dans la nécessité d’être plus circonspects, car j’ai entendu des choses que je n’admettrais jamais en loi et encore bien moins en arrêté.
J’ai remarqué dans le nouveau projet du ministre qu’il s’agit encore de permettre le rabais sur la durée de la concession ; mais messieurs, c’est là le vice de toutes les concessions faites sous le roi Guillaume. Les péages sont tellement élevés sur la Sambre qu’il est impossible d’en faire usage ; vous voyez donc qu’il y a nécessité absolue de nommer une commission centrale à l’effet de prendre connaissance de tous les projets et de tous les amendements, et notamment de tous les projets d’arrêtés. Cette commission fera son rapport demain ; elle le fera après-demain ; mais vous devez tous être convaincus de l’impossibilité de discuter actuellement, attendu le vague où nous laissent les projets d’arrêtés.
M. Barthélemy. - J’avais demandé la parole pour combattre les amendements ; quant à la nomination de commissions, c’est nous renvoyer aux calendes grecques. Relativement aux arrêtés, c’est l’administration qu’on met en loi.
M. Mary. - Si le gouvernement représentatif doit représenter l’inertie, j’appuie la proposition de M. Gendebien ; mais, messieurs il ne doit pas en être ainsi : une loi est nécessaire, une loi provisoire. Il est inutile de renvoyer tous les amendements à une commission spéciale, puisque vous avez eu une discussion générale pendant deux jours.
Cette discussion a dû vous éclairer sur la nécessité de la loi. Il s’agit maintenant de discuter les articles ; à chaque article viendront les amendements. L’article premier peut être adopté puisqu’on ne demande pas qu’il soit modifié. M. Gendebien a fait des amendements sur les articles 2 et 3 ; M. le ministre a fait aussi des amendements sur les articles 2 et 3 ; nous les examinerons, nous verrons si nous pouvons les admettre.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Je regrette qu’un honorable membre ait perdu le souvenir de ce qui s’est fait dans l’assemblée. Il a dit qu’un ministre a été mis en demeure par la chambre de présenter un projet de loi complet sur la matière : je nie l’assertion ; il n’a été question que du péage. En effet, c’est la seule chose dont la chambre ait à s’occuper ; le reste est réglementaire. Et je m’appuie de nouveau sur l’exemple de la France, exemple que nous pouvons prendre en considération.
On a dit qu’il fallait consigner dans la loi plusieurs dispositions qui sont dans les arrêtés ; toute administration qui se respecte ne s’écarte pas des règlements généraux qu’elle trace, à moins de prendre sur elle la responsabilité de leur inobservation.
On a dit que l’administration avait un faux système : j’ai consulté des hommes très éclairés et portant autant d’intérêt au commerce qu’aux communications, et ils ne partagent pas l’avis des adversaires de la loi. Dans les critiques sur le rabais de la durée, on perd de vue une garantie qu’offre le règlement, c’est l’enquête ; dès que la hauteur du péage est jugée utile par le gouvernement, il y a à cet égard une sécurité entière. Il n’y a qu’une seule chose à voir, c’est de connaître le prix des travaux ; et pour les connaître, c’est par l’adjudication au rabais qu’on doit s’y prendre. Le rabais est ainsi purement relatif au coût des travaux.
M. Goethals. - Je prends la parole pour appuyer la proposition de M. Gendebien : je remarque parmi les amendements présentés par le gouvernement un article nouveau qui me semble prêter beaucoup de latitude à aux spéculateurs du monopole. Je ne sais pas comment il sera possible dans une discussion immédiate de prévoir les inconvénients des articles préparés ; c’est une commission qui doit peser ces inconvénients.
M. Pirmez. - Si l’on voulait entrer dans un nouveau système, je ne pense pas que ce serait d’ici à demain, d’ici à après-demain, d’ici à une semaine, à un mois qu’on pourrait y parvenir. On ne peut arriver à des modifications convenables qu’en donnant de la publicité aux vues nouvelles, qu’en appelant à prendre part à la discussion tous les hommes éclaires ; mais si on veut prendre une mesure provisoire, il faut adopter la proposition de M. Mary.
M. H. de Brouckere. - Je viens appuyer et appuyer de tout mon pouvoir la proposition de M. Gendebien. Si vous ne l’adoptez pas, je ne sais pas comment la discussion pourra avoir lieu. Des projets tout nouveaux ont été présentés par le ministre de l’intérieur et par plusieurs membres. Le projet primitif était composé de trois articles ; aujourd’hui on en propose un en six articles. L’article deux est amendé et entièrement changé ; et de plus, on propose trois articles nouveaux. Outre cela, comme je l’ai dit, nous avons quatre amendements proposés par nos collègues, et l’un de ces amendements contient six articles. Comment discuter sur ces propositions qui sont contraires les unes aux autres ?
L’on nous a dit que la proposition de M. Gendebien était la même que celle que l’on a rejetée hier ; j’avais proposé la remise de la délibération sur la matière jusqu’au mois de novembre.
M. Gendebien demande le renvoi à une commission qui fera son rapport le plus tôt demain ; ainsi la proposition n’est pas la même.
Un autre membre. - L’honorable M. Mary assure qu’admettre la proposition de M. Gendebien, ce serait reconnaître que le gouvernement représentatif n’a de force que la force d’inertie, parce qu’aucune concession ne pourrait être donnée ; mais le ministre vous dira que, dans l’état de la législation actuelle, plusieurs concessions ont été données par lui ; ainsi je ne comprends pas qu’on puisse dire que le gouvernement représentatif soit une force d’inertie.
Je répondrai à M. le ministre que la législation française n’est pas telle qu’il nous la dépeint. Il faut en France une loi pour les concessions. Les concessions s’accordent au moyen d’adjudications ou sous-adjudications. S’il n’y a pas d’adjudication, il y a une loi pour la concession ; s’il y a une adjudication, il y a encore une loi. Soit que le gouvernement agisse directement, soit qu’il agisse indirectement, c’est toujours en vertu d’une loi qu’il fait la concession. J’ai sous les yeux des lois de toutes les dates, et d’après lesquelles des concessions ont été données directement ou ont été mises en adjudication.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - On a dit qu’il fallait toujours une loi spéciale en Fiance pour donner des concessions, on a cité des exemples de ce genre ; mais je puis attester que d’autres exemples prouvent que des concessions ont été faites par ordonnances. Crainte de me tromper sur les usages de la France, j’ai pris des informations à Paris même, près de l’administration, et je me suis assuré de l’exactitude des faits que j’avance.
M. Gendebien. - Messieurs, je ne m’étais pas attendu qu’à l’occasion d’une proposition bien simple sur la demande du renvoi des amendements à une commission, je serais compris dans l’accusation solennelle d’inertie.
Je sais qu’on me reproche trop d’empressement, trop d’activité ; quant au reproche d’inertie, je le renverrai à son auteur ; il s’en débarbouillera comme il voudra... J’ai cru donner des preuves d’activité en plus d’une occasion...
Quant à la proposition que j’ai l’honneur de vous faire, elle est de toute nécessité ; car M. le ministre des affaires étrangères est maintenant au banc des ministres, et la séance va finir pour faire place à des communications diplomatiques et aux explications qui suivront. S’il y a inertie, elle sera le résultat d’un fait et d’un fait qui m’est étranger.
Le ministre a dit qu’il niait fortement l’assertion d’avoir été mis en demeure de présenter un projet complet. Un projet complet ! J’aurais eu grand tort de l’exiger : mais j’ai demandé un projet développé sur la matière. Le ministre a bien senti la nécessité de le faire, lorsqu’il y a quatre ou cinq mois on lui a dit qu’il n’avait pas le droit de concéder le chemin en fer pour l’Allemagne sans loi ; il a répondu qu’il présenterait une loi. Nous n’exigions pas un projet complet ; mais nous ne voulions pas d’une loi anticonstitutionnelle.
Le ministre, voulant se laver du reproche de faux système relativement au rabais sur la durée du temps, a dit avoir consulté des hommes de l’art : avec toute la considération que l’on doit aux hommes de l’art, aux hommes instruits, nous préférons les préceptes de l’expérience : voyez le canal d’Antoing ; voyez ce qui a été fait pour la Sambre ; voyez ce qui s’est fait pour le canal de Charleroi ; voyez ce qui s’est fait en France. Tel concessionnaire qui a dépensé 100 mille francs pour une écluse en a reçu 1,400 mille en très peu de temps. Il y a en France des hommes habiles, et cependant il y a des abus, et nous devons empêcher les abus de se présenter.
Il y a des garanties par les enquêtes : cela empêchera-t-il le ministre de mettre un rabais sur le nombre d’années de la concession, de prendre le faux système ? On fait une enquête sur un objet ; on la fait avec ou sans zèle ; mais l’homme à consulter particulièrement, c’est celui dont l’intérêt privé se trouve mis en jeu ; c’est aux enchères qu’il se manifestera, et l’intérêt privé sera d’accord avec l’intérêt général, si c’est sur le rabais du péage que se fait l’adjudication et non sur le rabais des années.
Le public peut être frappé d’une rétribution double dans une concession par le rabais des années.
Un de nos honorables collègues a cité un grand nombre de lois qui accordent des concessions ; le ministre assure qu’il y en a eu de faites par ordonnances. Je répondrai au ministre que s’il n’y a pas dans la charte française un article 113 comme dans notre constitution, il ne peut avoir analogie entre ce qui se passe en France et ce qui se passe chez nous.
Vous sentirez la nécessité de remettre jusqu’à demain la suite de la discussion. D’ailleurs vous ne pouvez faire autrement : les communications devaient être faites à deux heures, et il est deux heures et demie.
M. Mary. - Je n’ai pas l’intention d’attaquer les membres de l’assemblée. J’examine les opinions ; je les combats quand elles sont contraires à ma conviction ; je suis étonné de l’acrimonie qu’a mise le préopinant en répondant aux orateurs qui ne partagent pas ses vues.
Il est évident que si vous envoyez les amendements à une commission, il faudra qu’elle ait le temps d’examiner le cas dans son ensemble et dans ses détails ; elle ne viendra pas à bout de ce travail avant la fin de la session.
Oui, le ministre a accordé des concessions ; mais à quelle époque ? C’est avant qu’on eût soulevé la question de légalité ; depuis que cette question a été agitée, le ministre n’a plus voulu accorder de concessions. Il avait mis en adjudication publique les travaux du chemin en fer d’Anvers en Allemagne ; il a sursis à l’adjudication jusqu’à ce qu’il eût une loi.
Je persiste à croire que vous pouvez entrer dans la discussion des articles.
M. Barthélemy demande la parole. (Aux voix ! aux voix !)
M. le président. - La demande de la clôture est-elle appuyée ? (Oui ! oui !)
- La chambre ferme la discussion.
M. le président. - Je vais mettre aux voix la proposition de M. Gendebien, tendant à ce que tous les amendements soient renvoyés à une commission qui ferait son rapport demain, s’il était possible.
- Une première épreuve est douteuse ; on demande et l’on procède à l’appel nominal.
32 membres votent le renvoi.
33 membres votent contre.
Les amendements ne seront pas renvoyés à une commission.
Voici les noms de membres qui ont pris part à cette délibération :
Ont voté pour : MM. Taintenier, Brabant, Coppens, Coppieters, H. de Brouckere, de Haerne, d’Elhoungne, Dellafaille, Desmet, Destouvelles, de Terbecq, d’Hoffschmidt, Dumortier, Gendebien, Goethals, Helias d’Huddeghem, Liedts, Nothomb, Osy, Raymaeckers, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Tiecken de Terhove, Vanderbelen, Van Innis, Van Meenen, Vergauwen, Verhagen, Vuylsteke et Watlet.
Ont voté contre : MM. Barthélemy, Berger, Davignon, W. de Mérode, de Muelenaere, de Nef, de Roo, de Theux, Devaux, Dewitte, Dubus, Dugniolle, Duvivier, Hye-Hoys, Lardinois, Lebeau, Lefebvre, Legrelle, Mary, Milcamps, Morel-Danheel, Olislagers, Pirmez, Polfvliet, Poschet, Raikem, Rogier, Serruys, Thienpont, Ullens, Vandenhove, Verdussen et Zoude.
M. Bourgeois, qui n’avait pas assisté à la discussion, s’est abstenu.
M. le président. - Messieurs, usant de l’autorité que m’accorde l’article 33 de la constitution, j’invite les personnes qui sont dans les tribunes publiques à se retirer.
La chambre se forme en comité général et secret à deux heures et demie.
Noms des membres absents sans congé, à la séance de ce jour : MM. Cols, Dams, Dautrebande, de Foere, Delehaye, de Meer de Moorsel, de Sécus, Desmanet de Biesme, Domis, Dumortier, Fallon, Fleussu, Gelders, Jacques, Jaminé, Jullien, Pirson, Seron, Charles et Hippolyte Vilain XIII.
(Moniteur belge n°197, du 15 juillet 1832) Rapport fait à la chambre des représentants et au sénat par le ministre des affaires étrangères, sur l’état des négociations, en comité général les 12 et 13 juillet 1832.
« Messieurs, je n’ai plus à vous faire connaître la marche que le gouvernement du Roi s'est proposé de suivre depuis que le traité du 15 novembre a reçu la sanction commune des cinq cours ; je vous ai en quelque sorte d'avance communiqué les instructions qui devaient diriger nos agents à l'étranger, et ma tâche aujourd'hui doit se borner à vous montrer qu'elles ont été pleinement exécutées.
En portant à votre connaissance, dans la séance du 12 mai dernier, la ratification russe qui venait compléter la sanction de la conférence, je vous disais que le gouvernement avait arrêté son plan de conduite ; permettez-moi de vous rappeler les expressions dont je me suis servi dans cette grave occurrence.
« Les modifications ne pouvant se faire que de gré à gré, il est impossible qu'on négocie de nouveau sans le concours, sans la participation de la Belgique ; le gouvernement refusera de prendre part à de nouvelles négociations avant que le traité n'ait reçu un commencement d'exécution dans toutes les parties non sujettes à négociation ; c'est-à-dire, qu'il exigera avant tout que le territoire belge soit évacué. C'est un préalable indispensable ; il en fait la condition sine qua non. Jusque-là il ne participera à aucune négociation ; par son refus il peut arrêter tous les projets ultérieurs. » Le gouvernement, exposant d'une manière aussi précise sa politique extérieure, prenait une initiative dont il ne s'était pas dissimulé les dangers ; par leurs adresses au Roi, les deux chambres ont adhéré à ce plan de conduite, et fort de l'appui des deux grands corps de l'Etat, le ministère a pu mettre plus d'unité dans ses vues, plus d'énergie dans son langage.
C'est le 12 mai que j'exposais à la chambre des représentais le plan adopté par le gouvernement ; dès le 7, ce plan avait reçu un commencement d'exécution par la note que M. Van de Weyer avait remise à la conférence et que les journaux ont récemment publiée.
(Note du webmaster : cette lettre, non reprise dans le Moniteur était la suivante) :
Note adressée a la conférence par M. Van de Weyer, le 7 mai 1832.
« Le soussigné, plénipotentiaire de S. M. le roi des Belges, après avoir procédé avec LL. EE. les plénipotentiaires d'Autriche, de la Grande-Bretagne, de France, de Prusse et de Russie, à l'échange des ratifications du traité du 15 novembre 1831, a reçu dans la journée du 5 mai le protocole n° 59, d'une conférence tenue au Foreign-Office le 4, et la lettre d'accompagnement que LL. EE. lui ont fait l'honneur de lui adresser. Le soussigné croirait manquer au plus impérieux de ses devoirs s'il ne saisissait pas avec empressement l'occasion d'exprimer dès à présent la pensée du gouvernement de S. M. le roi des Belges, relativement à l'exécution dudit traité.
« Cette exécution ouvre dans ses détails la voie à des négociations partielles dans lesquelles les deux pays, séparés par ce traité, pourront consulter leurs convenances et leurs intérêts mutuels. Mais une expérience récente, que l'on pourra étayer encore d'exemples assez connus, a montré que l'on ne doit compter ni sur l'empressement du cabinet de La Haye à exécuter les conventions arrêtées, ni sur son désir d'aplanir les difficultés pour arriver à une conclusion définitive. En effet, six mois et plus se sont écoulés depuis la communication, faite par la conférence, des 24 articles de séparation. Le gouvernement du roi ne pourrait donc, sans compromettre le sort du commerce et de l’industrie en Belgique, et sans nuire à tous les intérêts d'une nation qui a fait au maintien de la paix en Europe tant et de si douloureux sacrifices, abandonner à de nouvelles incertitudes, ni exposer à de nouveaux délais l'exécution finale du traité du 15 novembre.
« En conséquence, le soussigné pense que le moment est arrivé de déclarer, qu'avant de se concerter sur l'exécution des points ci-dessus indiqués, il convient que le territoire irrévocablement assigné à la Belgique soit complètement évacué, que la citadelle d'Anvers soit remise aux autorités militaires belges, et la libre navigation rendue à la Meuse. Cette évacuation rentre tout à fait dans les vues des cinq cours, d'abord parce qu'elle avait été stipulée par la conférence et consentie par S. M. le roi de Hollande dès le mois de novembre 1830, époque de la signature de l'armistice, et en second lieu parce que le maintien du statu quo actuel entretiendrait de fait un état d'hostilités, dont les cinq puissances cherchent cependant à prévenir le retour.
« En conséquence, et pour que les engagements contractés par S. M. le roi de Hollande soient accomplis et que la paix soit définitivement assurée, le soussigné demande au nom de S. M. le roi des Belges l'évacuation des places, villes et points occupés par les troupes hollandaises sur le territoire belge ; et afin de mieux en assurer l'exécution, le soussigné ajoutera la proposition de la mesure suivante, à savoir que, si au 25 mai la citadelle d'Anvers et les autres points occupes n'étaient pas évacués et que la navigation de la Meuse ne fût pas libre, la Belgique se trouverait dès lors entièrement libérée de tous les arrérages de la dette comme une compensation très incomplète des frais considérables auxquels ce pays a été entraîné par la prolongation d'un état de guerre incompatible avec les stipulations d'un armistice indéfini. Dans le cas de quelque autre délai ultérieur, S. M. prendrait, de concert avec les cinq puissances, telles mesures qu'on jugerait utiles pour arriver à l'exécution du traité, le tout sans préjudice à la juste indemnité que la Belgique est en droit de réclamer pour le passé, par suite du refus prolongé de S. M. le roi de Hollande d'adhérer aux 24 articles.
« Le soussigné, etc.
« Londres, le 7 mai 1832.
« (Signé) Sylvain Van DE WeYER.»)
La veille de la séance du 12 mai j'avais transmis à Londres une nouvelle note destinée à renforcer celle du 7 mai ; vous vous rappelez que cette deuxième note a reçu une fâcheuse publicité sans avoir pu être remise à la conférence, et qu'il était devenu, par cette circonstance, nécessaire d'en modifier la forme tout en conservant le fond.
Sur ces entrefaites, S. M. a jugé convenable d’accréditer près de la conférence de Londres M. le général Goblet ; les instructions et les pleins pouvoirs donnés au nouveau plénipotentiaire ont été en tous points conformes aux vues que j’avais manifestées publiquement et qui avaient été partagées par les chambres.
Dès son arrivée à Londres, le général Goblet a adressé à la conférence une première note ainsi conçue :
« Note adressée à la conférence de Londres, par le général Goblet, sous la date du 1er juin 1832.
« Le soussigné, plénipotentiaire de S. M. le roi des Belges, a l'honneur de porter à la connaissance de LL. EE. les plénipotentiaires d'Autriche, de France, de la Grande-Bretagne, de Prusse et de Russie, qu'il a été chargé par son souverain d'appeler l'attention de la conférence sur l'exécution immédiate dont le traité du 15 novembre 1831 est susceptible dans ses principales parties.
« Le soussigné croit inutile de rappeler les engagements contractés par les cinq puissances, dans les notes du 15 octobre annexées aux 24 articles ; si ces engagements avaient eu besoin d'une confirmation, S. M. le roi des Belges l'aurait trouvée dans la sanction commune dont le traité du 15 novembre est aujourd'hui revêtu. La conférence remplissant la haute mission qui lui est confiée et ne voulant pas abandonner à de plus longues incertitudes des questions dont la solution immédiate est une nécessité pour l'Europe, s'est constituée arbitre entre la Belgique et la Hollande, en portant une décision finale et irrévocable ; ce serait méconnaître ses intentions que de supposer qu'après six mois d'attente, les négociations pussent être rouvertes sans que le traité du 15 novembre, destiné à les clore définitivement et à raffermir l'ordre général, eût reçu un commencement d'exécution.
« Le soussigné est donc intimement convaincu que la note remise par M. Van de Weyer, sous la date du 7 mai, est conforme aux vues de la conférence ; en se référant à cette note, il est chargé d'ajouter que S. M. le roi des Belges se croit en droit, et que son gouvernement a pris la résolution de ne participer à aucune négociation sur les points qui sont l'objet de réserves, avant l'évacuation du territoire irrévocablement reconnu à la Belgique.
« S. M. le roi des Belges ne pense pas que cette marche puisse être réprouvée par aucun des actes posés par son plénipotentiaire ; s'il en était autrement, le gouvernement belge se verrait dans la pénible obligation de désavouer son agent. La conférence a, dans le protocole n° 59, du 4 mai, nettement défini la position de la Belgique, en déclarant que l'état de possession territoriale est irrévocablement fixé, et en plaçant ainsi cette partie du traité en dehors de toute négociation : le soussigné s'estime heureux de pouvoir surabondamment invoquer cette déclaration à l'appui de la demande présentée par son gouvernement.
« Le soussigné saisit cette occasion d'offrir, etc.
« Londres, le 1er juin 1832.
« Signé, Goblet. »
Le gouvernement néerlandais ayant, le 7 et le 29 mai, soumis à la conférence des propositions contraires, non seulement au traité du 15 novembre, mais même en quelque sorte au principe de l'indépendance belge, le général Goblet a fait parvenir aux plénipotentiaires des cinq cours une deuxième note conçue dans les termes suivants :
« Deuxième note adressée à la conférence par le général Goblet, le 8 juin 1832.
« Le soussigné, plénipotentiaire de S. M. le roi des Belges, a eu l'honneur de soumettre à LL. EE. les plénipotentiaires d'Autriche, de France, de la Grande-Bretagne, de Prusse et de Russie, réunis en conférence à Londres, une note en date du 1er juin, destinée à expliquer et à compléter une communication faite antérieurement sous la date du 7 mai par M. Van de Weyer.
« Le gouvernement de S. M. le roi des Belges, ayant acquis la connaissance des notes adressées à la conférence par les plénipotentiaires des Pays-Bas, sous la date du 7 et du 29 mai, et annexées aux protocoles n° 61 et 63, ne peut s'empêcher de faire part à LL. EE. des pénibles réflexions que ces communications sont de nature à faire naître et des nécessités qui en résultent.
« Le soussigné s'empressera d'exprimer avant tout le sentiment qu'a fait éprouver à son gouvernement la déclaration d'inadmissibilité dont la conférence a frappé, dans son 63ème protocole, les propositions des plénipotentiaires hollandais ; le gouvernement belge n'aurait jamais pu avoir le moindre doute à cet égard, et il a pu apprendre cette déclaration sans surprise, mais non sans une vive satisfaction.
« Le gouvernement belge a puisé dans les communications faites par les plénipotentiaires des Pays-Bas la conviction, sans doute partagée par la conférence, que leur cour, en persistant à présenter des propositions non susceptibles de discussion, a voulu rendre toute négociation impossible.
« En effet, en reproduisant les propositions du 30 janvier, les plénipotentiaires des Pays-Bas ont dénié toute valeur politique aux ratifications qui sont venues, postérieurement à cette époque, revêtir d'une sanction commune et ineffaçable le traité du 15 novembre ; en n'attribuant aux négociations d'autre objet que celui de régler les conditions d'une séparation entre les deux pays, ils ont même dénaturé le sens de l'annexe A du protocole n°12, du 27 janvier 1831, et se sont entièrement placés hors des voies suivies par la conférence et tracées par tous ses actes antérieurs, même par ceux qui, dans le temps, ont été acceptés par leur gouvernement. Le soussigné, pour se dispenser d'entrer dans quelques démonstrations sur ces derniers points, se référera au mémoire de la conférence du 4 janvier 1832.
« La conférence a déclaré, dans son protocole n°39, du 4 mai, qu'il ne lui restait plus qu'à s'occuper des mesures propres à amener l'exécution du traité du 15 novembre.
« Le traité est devenu le droit de la Belgique ; il est du devoir de son souverain de le maintenir.
« Le gouvernement belge a, par la note du 1er juin, déclaré qu'il ne pouvait prendre part à aucune négociation avant l'évacuation de son territoire ; par sa note du 7 mai, il avait proposé, en cas de refus, de déclarer la Hollande déchue, à partir du 25 mai, de tous les arrérages de la dette, sans préjudice aux moyens coercitifs que S. M. le roi des Belges se réservait de provoquer.
« Le soussigné ne peut que réitérer cette déclaration et cette proposition. En conséquence, il a l'honneur de demander que la conférence veuille bien déclarer formellement que la Hollande a perdu, à dater du 25 mai, tout droit aux arrérages de la dette ; que les frais de l’état de guerre, occasionnés par le refus du gouvernement des Pays-Bas d'adhérer aux 24 articles, sont mis à la charge de la Hollande, et qu'ils seront décomptés sur les sommes qui pourraient être dues par la Belgique.
« En demandant derechef l'évacuation immédiate du territoire belge, le soussigné prendra la liberté d'ajouter, d'après les nouvelles instructions reçues de sa cour, que l'impossibilité de négociations ultérieures étant constatée par les communications des plénipotentiaires des Pays-Bas, il y a lieu de fixer l'époque très prochaine où le traité du 15 novembre recevra son exécution dans toute sa plénitude par l'emploi des mesures qui résultent des engagements contractés par les notes du 15 octobre 1831, annexées aux 24 articles.
« S. M. le roi des Belges déplore vivement les nécessités résultant des derniers actes des plénipotentiaires des Pays-Bas, si peu conformes aux vues de paix dont sont animées les cinq puissances, et que la Belgique a partagées en s'imposant de si grands sacrifices.
« Le soussigné saisit cette occasion pour offrir, etc.
« Londres le 8 juin 1832.
« (Signé) Goblet. »
C'est en réponse à ces deux notes du 1er et du 8 juin, que la conférence a, le 11, transmis au plénipotentiaire belge la communication suivante :
« Réponse de la conférence aux deux notes du plénipotentiaire belge.
« Les soussignés, plénipotentiaires d'Autriche, de France, de la Grande-Bretagne, de Prusse et de Russie réunis en conférence à Londres, se font un devoir d'informer le plénipotentiaire de S. M. le roi des Belges, à la suite des demandes qu'il leur a adressées, que la conférence de Londres fait auprès de S. M. le roi des Pays-Bas les démarches qu'elle a jugées, d'un commun accord, les plus propres, 1° à conduire aussitôt que possible à l'évacuation complète et réciproque des territoires respectifs entre la Belgique et la Hollande ; 2° à amener un état de choses qui assure immédiatement à la Belgique la jouissance de la navigation de l'Escaut et de la Meuse, ainsi que l'usage des routes existantes pour ses relations commerciales avec l'Allemagne, aux termes du traité du 15 novembre ; 3° enfin à établir, quand l'évacuation réciproque aura été effectuée, des négociations à l'amiable entre les deux pays sur le mode d'exécution, ou la modification des articles au sujet desquels il s'est élevé des difficultés.
« Les soussignés saisissent cette occasion pour offrir à M. le plénipotentiaire de S. M. le roi des Belges l'assurance de leur haute considération.
« (Signé) Wessenberg. Neumann, Talleyrand, Palmerston, Bulow, Lieven, Matuszewic.
Cette réponse de la conférence est pour nous un acte d'une grande valeur politique ; par cette note, la conférence s'est placée sur la même ligne que le gouvernement belge en admettant en principe que des négociations nouvelles ne pourront s'ouvrir qu'après l'évacuation du territoire. Cependant plusieurs points des notes du 1er et du 8 juin étaient passés sous silence ; et c'est ce qui engagea le plénipotentiaire belge à accuser réception de la réponse dans les termes suivants :
« Le soussigné, plénipotentiaire de S. M. le roi des Belges, a eu l'honneur de recevoir la note qu'ont bien voulu lui adresser, sous la date du 11 juin, LL. EE. les plénipotentiaires d'Autriche, de France, de la Grande-Bretagne, de Prusse et de Russie, réunis en conférence à Londres, et il s'est empressé d'en porter le contenu à la connaissance de son gouvernement.
« Il résulte de cette note :
« 1° Que la conférence considère comme un préalable indispensable à toutes négociations ultérieures, l'évacuation complète des territoires respectifs entre la Belgique et la Hollande, la libre navigation de l'Escaut et de la Meuse, et l'usage des routes existantes pour les relations commerciales delà Belgique avec l'Allemagne ;
« 2° Que les négociations auxquelles pourraient encore donner ouverture quelques dispositions du traité du 15 novembre, ne peuvent s'entendre que de négociations à l'amiable, et de gré à gré, entre la Belgique et la Hollande, négociations qui, si elles n'amenaient pas de résultat de nature à pouvoir être accepté par la Belgique, laisseraient subsister le traité en son entier.
« Le gouvernement belge aurait cru méconnaître l'esprit d'équité qui anime la conférence en doutant qu'elle n'approuvât entièrement la marche qu'il s'est cru en droit d'adopter par suite de la sanction commune donnée par les cinq cours au traité du 15 novembre ; cependant il lui tardait de recevoir de la part de ces cours la manifestation formelle de cette approbation. Il l’a trouvée dans la note de LL. EE. les plénipotentiaires en date du 11 juin ; mais il n'a pu s'empêcher de regretter que, dans cette note, LL. EE. aient passé sous silence plusieurs points importants traités par le soussigné dans ses notes du 1er et du 8 du même mois, et sur lesquels, d'après les ordres de son souverain, le soussigné prendra la liberté d'appeler de nouveau, et de la manière la plus instante, l'attention de la conférence.
« Dans les deux notes rappelées ci-dessus, il avait eu l'honneur de proposer :
« De fixer l'époque à partir de laquelle il y a lieu de mettre à la charge de la Hollande les frais d'armement supportés par la Belgique, et de considérer celle-ci comme libérée du paiement des arrérages de la dette ;
« De fixer également l'époque à laquelle il serait procédé à l'exécution du traité du 15 novembre, par l'emploi de moyens coercitifs.
« Le soussigné ne peut douter que ces propositions ne soient conformes aux vues des cinq cours ; elles sont d'ailleurs puisées dans les droits de la Belgique.
« En effet, il est incontestable que c'est à charge du gouvernement hollandais qu'il faut mettre tous les délais qu'a éprouvés la négociation depuis le jour où la conférence s'est vue, par la volonté des parties et la force des choses, investie d'un arbitrage suprême : c'est donc sur celle des parties qui a persisté à décliner les effets de l'arbitrage, que doivent retomber les conséquences de ces retards.
« En adhérant purement et simplement, dès le 14 novembre 1831, aux 24 articles, la Belgique devait se croire, pour l'avenir, placée hors de la nécessité de maintenir les armements ; et elle ne les a maintenus, augmentés même, que par suite de la non-adhésion du gouvernement hollandais. Si elle a souscrit aux conditions onéreuses que lui impose le traité du 15 novembre, c'était surtout par la considération très simple que l'état de guerre devait immédiatement cesser et lui procurer une compensation pour ces sacrifices.
« Cette compensation est venue à manquer et le gouvernement belge a continué à supporter des frais d'armement qui excèdent mensuellement trois millions de florins, et qui par conséquent surpassent de beaucoup les arrérages de la dette. La Belgique ne peut donc trouver dans la seule libération de ces arrérages le dédommagement auquel elle a droit.
« Après le refus du gouvernement hollandais d'accéder aux dernières propositions de la conférence, il est hors de doute que la déclaration de la déchéance des arrérages ne sera point par elle seule une mesure de nature à amener l'exécution du traité du 15 novembre de la part de ce gouvernement. La conférence doit être maintenant convaincue que ce résultat ne peut être obtenu que par des moyens coercitifs auxquels il est d'autant plus instant d'avoir recours, qu'il est devenu indispensable de mettre un terme à des incertitudes politiques dont la prolongation ne manquerait pas d'avoir les conséquences les plus graves pour le repos de l'Europe.
« Par suite des faits et considérations qui précèdent, le soussigné a l'honneur de demander formellement à LL. EE. les plénipotentiaires des cinq cours :
« 1° Qu'à partir du 1er janvier 1832, jusqu'à la paix, les frais d'armement supportés par la Belgique soient de plein droit mis à la charge de la Hollande, à raison de trois millions de florins par mois, et que la Belgique soit autorisée à décompter ces frais des sommes qu'elle doit ou qu'elle pourrait devoir à la Hollande ;
« 2° Que le gouvernement hollandais n'ayant pas consenti à l'évacuation préalable des territoires et places reconnus à la Belgique, ainsi qu'à la jouissance de la navigation de l'Escaut et de la Meuse, et à l'usage des routes existantes pour les relations commerciales de la Belgique avec l'Allemagne, la conférence veuille bien arrêter immédiatement l'emploi des moyens coercitifs nécessaires pour atteindre ce but.
« Le soussigné se flatte que ces demandes recevront un accueil favorable de LL. EE. les plénipotentiaires.
« Si, contre toute attente, il en était autrement, le gouvernement de S. M. le roi des Belges se verrait forcé de prendre des mesures propres à amener la fin d'un état de choses que l'espoir seul d'un dénouement prochain a pu lui faire supporter aussi longtemps. Les sacrifices auxquels il a consenti en faveur du bien général sont assez nombreux pour qu'il ne soit point exposé au reproche d'avoir soumis la paix de l'Europe à une crise dont il répousse, dès à présent, toute la responsabilité.
« Le soussigné saisit cette occasion, etc.
« Londres, le 29 juin 1832.
« (Signé) Goblet. »
Nous en étions arrivés là, lorsque le Journal officiel du gouvernement néerlandais, du 3 juillet, a porté à notre connaissance un nouveau projet qui porte atteinte au traité du 15 novembre dans ses parties essentielles ; je me suis empressé, d'après les ordres du roi, d'enjoindre au plénipotentiaire belge, de la manière la plus formelle, de restituer ces propositions si elles lui étaient soumises, et de réclamer avec une nouvelle force l'exécution du traité du 15 novembre et l'emploi de moyens coercitifs. Je m'estime heureux de pouvoir vous annoncer que le général Goblet a prévenu les intentions du gouvernement, et que dès le 7 juillet il avait remis à la conférence une note dont la copie m'est parvenue dans la matinée d'hier, et dont vous approuverez, comme moi, le langage plein de fermeté.
« Note du 7 juillet
« Le soussigné, plénipotentiaire de S. M. le roi des Belges, a eu occasion de remarquer, dans la discussion qui s'est élevée hier au sein de la conférence, que non seulement le but de la mission dont il est chargé auprès de LL. EE. les plénipotentiaires d'Autriche, de France, de la Grande-Bretagne, de Prusse et de Russie, a été perdu totalement de vue, mais que la conférence elle-même s'est déjà sensiblement éloignée de la marche tracée par ses actes antérieurs. C'est avec le plus vif regret, que le soussigné a vu la tendance nouvelle que l'on paraît vouloir faire prendre à la négociation, et dans cet état de choses, il éprouve le besoin de rappeler à LL. EE. quelques-uns des actes posés, tant par elles que par lui et son gouvernement, afin de replacer la question sur son véritable terrain.
« Dans sa note du 1er juin, le soussigné a eu l'honneur de porter à la connaissance de LL. EE. les plénipotentiaires « qu'il était chargé par son gouvernement d'appeler l'attention de la conférence sur l'exécution immédiate dont le traité du 15 novembre était susceptible dans ses principales parties, et de déclarer que S. M. le roi des Belges se croyait en droit, et que son gouvernement avait pris la résolution de ne participer à aucune négociation sur les points qui sont l'objet de réserves, avant l'évacuation du territoire irrévocablement reconnu à la Belgique. » Il a ajouté que cette marche non seulement ne pouvait être réprouvée par aucun des actes posés par M. Van de Weyer, mais qu'elle lui semblait être de nature à être approuvée par la conférence ; « ce serait, en effet, méconnaître les intentions des puissances que de supposer qu'après six mois d'attente les négociations pussent être rouvertes sans que le traité du 15 novembre, destiné à les clore définitivement, eût reçu un commencement d'exécution. »
« Déjà la nature des relations que le soussigné était destiné à entretenir avec la conférence, se trouvait nettement définie par la déclaration qui vient d'être rappelée, lorsque la connaissance des notes des plénipotentiaires hollandais, en date du 7 et du 29 mai, lui a fourni l'occasion de la réitérer dans sa note du 8 juin, dans laquelle il a ajouté que le traité du 15 novembre « était devenu le droit de la Belgique, et qu'il était du devoir de son gouvernement de le maintenir. »
« La réponse que LL. EE. les plénipotentiaires des cinq cours ont bien voulu faire à ces deux notes, le 11 juin dernier, est venue approuver la marche que le gouvernement de S. M. le roi des Belges s'était cru en droit d'adopter par suite de la sanction commune dont les cinq cours avaient revêtu le traité du 15 novembre. En faisant auprès du cabinet de La Haye les démarches propres « à établir, quand l'évacuation réciproque aura été effectuée, des négociations à l'amiable entre les deux pays, sur le mode d'exécution ou la modification des articles au sujet desquels il s'est élevé des difficultés, » la conférence a reconnu à la Belgique le droit de demander avant tout l'évacuation de son territoire.
« Après un acte aussi positif, le soussigné n'a pu voir sans un vif sentiment de surprise, la conférence élever des doutes sur des droits reconnus par elle. Dans cet état de choses, il ne peut s'empêcher de réitérer la déclaration formelle que son souverain ne consentira à aucune négociation sur ceux des 24 articles qui en sont susceptibles, avant l'évacuation réciproque des territoires respectifs ; en se référant pour tous les autres points à sa note du 29 juin, il croit devoir informer LL. EE. qu'il se verrait dans la nécessité de repousser toute proposition contraire à la résolution qu'il vient de rappeler.
« La Belgique et son Roi, dussent-ils même s'exposer aux chances de l'avenir le plus incertain, n'admettront jamais la possibilité d'un manque de foi dans les cinq grandes puissances de l'Europe. Les engagements dont le soussigné réclame l'exécution, n'ont point été concédés à la Belgique ; ils lui ont été imposés par ces mêmes puissances, et ce seraient elles qui maintenant cesseraient de les reconnaître. Il rejette loin de lui une telle pensée dont la réalisation aurait sans doute les conséquences les plus fatales au repos de l'Europe.
« Le soussigné saisit cette occasion pour réitérer, etc.
« Londres, le 7 juillet 1832.
« (Signé) Goblet. »
Les pièces que j'ai fait connaître jusqu'à présent ont rapport à l'exécution du traité du 15 novembre ; il est un autre objet que les chambres ont vivement recommandé à la sollicitude du gouvernement. C'est avec un profond sentiment de peine que S. M. voit se prolonger la captivité de l'honorable M. Thorn dont le gouvernement hollandais n'a osé avouer l'arrestation, tout en manifestant le désir d'en profiter. Vous avez connu par la voie de la presse le protocole n°66, et la note belge qui l'avait provoqué ; nous attendons avec impatience la décision de la diète germanique qui déjà précédemment a improuvé le fait.
Note relative à M. Thorn, adressée par le plénipotentiaire belge à la conférence le 13 juin 1832 (non reprise dans le Moniteur)
« Milord,
« J'ai l'honneur de faire parvenir à votre Exe., avec prière de la mettre sous les yeux de LL. EE. les plénipotentiaires des quatre autres cours, une note ayant pour objet d'insister une dernière fois auprès de la conférence sur la nécessité de l'élargissement de M. Thorn.
« Aux considérations consignées dans cette note, je crois devoir prendre la liberté d'ajouter que la captivité prolongée de M. Thorn aigrit considérablement les esprits en Belgique, tandis que le mépris que fait impunément le gouvernement hollandais des invitations réitérées de la conférence, doit nécessairement faire retomber sur celle-ci un discrédit que, dans les circonstances actuelles, il importe de ne pas laisser se propager dans la nation.
« Déjà l'on a remarqué que toutes les fois qu'il s'agit de vaincre l'obstination et l'entêtement du cabinet de La Haye, la conférence parait frappée d'impuissance.
« Je ne dois pas laisser ignorer à votre Exe. que le gouvernement belge est résolu à ne pas transiger dans cette affaire : après avoir épuisé tous les moyens de conciliation pour obtenir justice, comme il n'a déjà que trop sacrifié à cette considération de paix générale qu'on lui oppose sans cesse, il se verra forcé, pour donner satisfaction à l'opinion des chambres et de la nation, de recourir à quelque mesure extraordinaire qui ne peut qu'éloigner la Belgique des voies de conciliation et de paix dans lesquelles elle s'est renfermée si fidèlement jusqu'à ce jour.
« J'ose espérer que LL. EE. les plénipotentiaires des cinq cours apprécieront comme elles doivent l'être, les observations qui précèdent, et que LL. EE. ne permettront pas que la Hollande continue à se jouer des puissances et à méconnaître les engagements qu'elles ont contractés avec la Belgique, qui, jusqu'à ce jour, n'a cessé de compter sur leur exécution, en les remplissant, en ce qui la concernait, avec la plus scrupuleuse exactitude. Veuillez agréer, Milord, etc.
« Londres, le 13 juin 1832.
« (Signé) Goblet. »
Protocole n°66 de la conférence tenue au Foreign-Office, le 15 juin 1832 (non repris dans le Moniteur)
« Les plénipotentiaires des cinq cours s'étant réunis en conférence, ont pris lecture de la note ci-jointe qui leur a été présentée par le plénipotentiaire de S. M. le roi des Belges, relativement à la détention prolongée du sieur Thorn et à l'inutilité de toutes les démarches faites par la conférence de Londres pour obtenir l'élargissement de cet individu.
« Considérant qu'en effet, les dernières démarches de la conférence de Londres auprès du gouvernement de S. M. le roi des Pays-Bas, restent depuis plus de quinze jours sans résultat ni réponse ; que d'autre part, n'approuvant ni la détention du sieur Thorn ni les conditions mises à son élargissement par le roi grand-duc de Luxembourg, d'après la déclaration verbale de son plénipotentiaire, relatée au protocole n°62, la confédération germanique a suspendu ses résolutions définitives dans l'attente de celles de la conférence de Londres ; qu'enfin, la détention du sieur Thorn a eu lieu sur un territoire du ressort de la confédération germanique et déclaré neutre par elle, et qu'en se prolongeant, cette mesure, qui avait été originairement prise sans aucun ordre de la part du roi grand-duc, menace d'amener de nouvelles représailles de la nature la plus fâcheuse et de compromettre tout à la fois la tranquillité publique dans le grand-duché et la sûreté de la forteresse fédérale de Luxembourg, la conférence de Londres s'est décidée à consigner dans le présent protocole les déterminations suivantes.
« D'après les motifs énoncés ci-dessus, les plénipotentiaires de France, de la Grande-Bretagne et de Russie, ont invité les plénipotentiaires d'Autriche et de Prusse, en leur qualité d'organes de la diète de la confédération germanique, à appeler l'attention de cette assemblée, de la manière la plus pressante, sur la nécessité indispensable de prévenir de graves complications, en avisant à l'élargissement du sieur Thorn, et à représenter à la diète que plus d'un mois s'étant écoulé en réclamations stériles auprès du roi grand-duc, et d'un autre côté, le sieur Thorn ayant été mis et se trouvant encore en état d'arrestation sur un territoire dont la confédération germanique elle-même a déclaré la neutralité, il ne reste évidemment à la diète, dans l'exercice légitime du pouvoir dont elle sait user avec tant de sagesse, qu'à investir le plus promptement possible le commandant militaire de la forteresse de Luxembourg de l'autorité nécessaire pour effectuer l'élargissement immédiat du sieur Thorn.
Il s'entendrait de soi-même que dès qu'il aurait été mis en liberté, la conférence de Londres réclamerait auprès du gouvernement belge l'élargissement de tous les individus mentionnés dans les protocoles 60 et 62.
Les plénipotentiaires d'Autriche et de Prusse ont déclaré qu'ils porteraient sans aucun retard cette demande à la connaissance de la diète de la confédération germanique.
« (Signé) WesseNberg. Neumann, Talleyrand, Palmerston, Bulow, Lieven, Matuszewic. »
Tels sont les principaux actes qui ont signalé notre politique extérieure, depuis que le traité du 15 novembre a été revêtu de la sanction de toutes les cours représentées à la conférence.
Le gouvernement n’a plus à vous soumettre le système qu'il a cru devoir adopter ; ce système est devenu le vôtre ; nous continuerons à employer les moyens propres à en assurer le succès. Nous attendons chaque jour les nouveaux actes de la conférence ; et, loin d'avoir aucune raison de douter qu'elle ne persiste dans toutes ses résolutions antérieures, et notamment dans le principe de l'évacuation préalable qu'elle a solennellement posé, nous avons, au contraire, tout lieu de croire que les nouvelles propositions hollandaises éprouveront le sort du projet du 30 janvier. Il est impossible que la conférence, sans se mettre en contradiction flagrante avec ses propres actes, et sans violer ouvertement la foi des traités prenne une résolution différente. De son côté, le gouvernement du Roi ne déviera, sous aucun prétexte, de la ligne qu'il s'est tracée.