(Moniteur belge n°103, du 12 avril 1832)
(Présidence de M. de Gerlache.)
La séance est ouverte à une heure.
Après l’appel nominal, M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal, qui est adopté.
L’ordre du jour appelle d’abord le rapport de la commission chargée d’examiner le projet de loi tendant à transférer des articles du budget de la guerre d’un chapitre à l’autre.
M. Destouvelles, rapporteur. - Les chambres, au chapitre X du budget de la guerre, ont alloué une somme de 176,650 fl. pour les remontes. Le gouvernement, dans le projet de loi par lui présenté, demande, pour la régularité de la comptabilité, que cette somme destinée aux remontes de la cavalerie et de l’artillerie soient respectivement transférées aux chapitres qui concernent spécialement ces deux armes, et que 77,400 fl. soient portés à l’article 6, et 9,925 fl. à l’article 9 du chapitre II.
Ces transferts n’élevant pas le chiffre du budget, la commission vous propose d’adopter le projet de loi dont il s’agit.
M. Fleussu présente ensuite le rapport de la commission chargée de vérifier l’élection de M. Taintenier, nommé par le district électoral de Mons, en remplacement de M. Blargnies. Il annonce que les opérations ont été trouvées parfaitement régulières, et il conclut à l’admission.
- Cette admission est proclamée par la chambre.
La suite de l’ordre du jour est le rapport de la section centrale sur les articles relatifs aux traitements de l’administration de l’enregistrement et des domaines, qui lui avaient été renvoyés une seconde fois.
M. Dumortier, rapporteur expose que la section centrale, appelée à examiner de nouveau la question de savoir si la remise serait de 1 1/2 ou 1 3/4 sur la recette, n’a pas cru devoir s’arrêter au nombre des employés, mais a été d’avis, après un mûr examen de toutes les pièces, de maintenir sa première proposition, c’est-à-dire de fixer la remise sur la recette à 1 1/2 p. c., et de n’accorder, pour les expéditionnaires de l’administration centrale, que 5,000 fl. au lieu de 6,000 qui étaient demandés.
Quant à l’amendement de M. d'Elhoungne, la section centrale propose d’en supprimer le deuxième paragraphe, et d’admettre tous les autres en modifiant tout à fait la rédaction du dernier.
- La discussion est ouverte sur ce rapport.
M. Thienpont. - Messieurs, je viens appuyer les conclusions de la section centrale. Lorsque je vois que nos recettes présumées ne s’élèvent pas, à vingt millions près, au niveau de nos dépenses, et qu’on reconnaît l’impossibilité de créer de nouveaux impôts pour les y faire atteindre, je sens toute la nécessité de trouver des économies.
Les sections avaient à l’unanimité exprimé le même vœu, et la section centrale vous en a indiqué plusieurs dans ses rapports sur les divers budgets.
Vous avez en conséquence, dans vos précédentes séances, adopté quelques-unes des réductions qu’elle vous a proposés tant dans le matériel que dans les traitements du personnel des diverses administrations. A quelques petites exceptions près, toutes me paraissent pouvoir être admises.
Quoi qu’il en soit, on s’efforce maintenant de vous faire revenir sur ces décisions, non pas sur celles par lesquelles les réductions proposées ont été rejetées, mais sur celles que vous avez admises.
L’article ayant pour objet les remises des employés de l’administration centrale de l’enregistrement, actuellement à l’ordre du jour, est de ce nombre.
Pour y parvenir, on fait sonner bien haut les connaissances spéciales requises en cette partie ; mais, messieurs, c’est encore sur quoi l’on s’est constamment étayé pour combattre toutes les réductions de ce genre qui vous ont été proposées. Ce sont toujours les connaissances spéciales qu’on fait valoir. Je vous déclare franchement que je n’admets point cet argument et encore moins les conséquences qu’on veut en déduire en faveur de ces nombreuses spécialités ; il faut, messieurs, comme on vous l’a dit, des connaissances spéciales pour toute fonctions et emploi quelconques ; et je ne pense pas que la partie qui nous occupe exige des études plus laborieuses et plus pénibles, pour les acquérir, que toute autre.
D’un autre côté, on a parlé des droits acquis. Messieurs, je ne reconnais, quant à la hauteur de son traitement, des droits acquis à aucun fonctionnaire ou employé quelconque, et je saisis cette occasion pour vous déclarer que je trouve tous nos départements ministériels montés sur une échelle trop élevée. Je désirerais que les traitements, notamment des sommités des diverses branches d’administration, fussent fixés au regard de ceux alloués aux membres de la cour des comptes. Je ne puis concevoir à quel titre le traitement d’un administrateur-général ou du secrétaire-général quelconque doive s’élever à quatre ou cinq mille florins, tandis que le président de cette cour, quoiqu’elle tienne cependant le premier rang dans l’ordre hiérarchique, n’en reçoit que trois mille.
Et puisqu’on s’empresse tant de vous faire revenir sur quelques réductions précédemment adoptées, je désire qu’on veuille également examiner s’il ne conviendrait pas, avant d’émettre un vote définitif sur le précédent budget, de revenir aussi sur les traitements que je viens d’avoir l’honneur de vous signaler comme exorbitants et hors de toute proportion, et de les réduire en conséquence.
M. Angillis. - Messieurs, de tous les impôts dont le génie inventif du fisc a doté la terre, sans doute pour le bonheur des peuples, les droits d’enregistrement, du timbre et d’hypothèque occupent le premier rang. Ils procurent d’abondantes ressources, et rentrent dans la caisse sans contrainte et presque sans murmures.
De même que l’impôt, l’administration chargée de sa perception occupe le premier rang parmi les administrations fiscales. Elle n’a aucune similitude avec aucune autre administration, et toutes les comparaisons qu’on a voulu établir manquent de justesse, puisque l’analogie n’existe pas.
J’ai remarqué, messieurs, et dans le rapport de la section centrale, et dans quelques discours qui ont été prononcés à l’occasion du budget des finances, que l’importance, la nature et l’étendue des fonctions des agents de l’administration de l’enregistrement n’ont pas été appréciées à leur juste valeur. De là sont nées toutes ces propositions pour opérer des réductions qui auraient pour résultat certain, ou de faire perdre au trésor une grande partie de sa recette par le découragement de ceux qui ne se croiraient plus assez rétribués, ou de voir vexer les contribuables afin d’augmenter momentanément les produits pour rétablir la remise retranchée. Voilà, messieurs, ce qui arriverait si nous poussions l’économie au-delà de ses limites naturelles.
Cette administration nous a souvent donné le spectacle de son savoir-faire, et notamment sous l’ancien gouvernement ; et en effet, aucune administration ne possède plus de moyens de vexations que celle de l’enregistrement ; la loi du 22 frimaire an VII, sur laquelle repose l’édifice, la plus belle loi qui soit sortie de la révolution française, se trouve tellement défigurée par quelques milliers de décisions, instructions et circulaires, que le véritable sens de la loi se perd pour ainsi dire dans un labyrinthe inextricable. Cette multiplicité indigeste de dispositions engendra une confusion, un chaos où chaque citoyen, au lieu de garanties d’une règle de conduite, ne rencontre souvent qu’un piège perfide.
Ajoutez à cela la loi du 27 décembre 1817 sur les successions : cette loi de mensonges, d’une élasticité épouvantable, se prête merveilleusement à tous les caprices du fisc, et vous aurez une idée de l’immense arsenal que possède cette administration pour vexer les contribuables de toutes les manières. Je sais très bien que les tribunaux sont là pour décider les contestations ; mais le contribuable qui gagne son procès, paie souvent plus en frais que la somme qu’on voulait lui faire payer injustement, de manière que le remède est souvent pire que le mal.
Je ne partage pas, messieurs, l’opinion de la section centrale sur la réduction qu’elle propose : j’espère, en me prononçant ainsi, qu’on ne me taxera pas de vouloir être généreux aux dépens des deniers de la nation ; au contraire, les intérêts du peuple m’ont toujours été plus chers que les miens, car depuis quinze ans j’ai négligé mes propres affaires pour faire celles des autres, et ce, sans aucune vue personnelle ni pour le présent, ni pour l’avenir.
J’ai toujours pensé, messieurs, que la véritable économie pour un Etat comme pour un particulier consiste à faire la dépense à propos : elle est à propos quand elle n’est pas exagérée, quand elle est en rapport avec le besoin du service, avec les connaissances acquises dans l’employé qu’elle tend à rétribuer, son travail, ses obligations et ses frais. Et quand on examine la proposition du gouvernement, sous l’influence des idées que je viens d’émettre, on demeure convaincu que la demande n’est pas trop élevée, et que le nombre des employés supérieurs ne dépasse pas le besoin du service.
Tout ce que M. le ministre des finances a dit dans sa réponse au rapport spécial de la section centrale, relativement à l’administration de l’enregistrement, est très exact. Il est incontestable que pour assurer au trésor ce qui lui revient et ne pas vexer les contribuables, il faut que l’employé chargé de la perception des droits soit un homme instruit, qui possède une connaissance exacte de la langue, de la valeur et de la propriété des mots.
Il doit savoir quel est le droit dû sur l’acte qu’on lui présente ; et, quand on songe à l’immense variété de transactions qui doivent nécessairement avoir lieu dans une nombreuse société d’hommes entre qui les propriétés sont si inégalement réparties, on conviendra qu’il est très facile à un receveur qui ne connaît pas à fond sa besogne de commettre des erreurs, soit en plus, soit en moins. C’est aux vérificateurs, inspecteurs et directeurs à veiller à ce que les fausses perceptions soient promptement rétablies. Et quoiqu’on ait vu que ces MM. se bornent souvent à faire payer un supplément aux contribuables qui ont trop peu payé lors de l’enregistrement des actes, abandonnant à leurs soins particuliers de réclamer la restitution des droits perçus, il n’entre pas moins dans leurs obligations de faire la vérification dans l’intérêt des contribuables comme dans celui du trésor, et, s’ils n’observent pas toujours cette règle, une bonne instruction émanée du ministère des finances peut y remédier.
J’ai entendu dire, au commencement de notre très longue discussion sur les budgets, qu’il fallait payer partie en honneur et partie en argent : cela me paraît de la métaphysique toute pure. Si je comprends bien le mot, honneur veut dire, estime, réputation, probité enfin ; or, messieurs, il n’est pas dans la puissance de la loi de pouvoir distribuer ces choses-là. Payez le fonctionnaire en argent selon les services qu’il est appelé à rendre à l’Etat, et, s’il a de la vertu et des talents, l’honneur lui arrivera par droit de conquête ; car le public, qui raisonne son estime, ne la refuse jamais à celui qui s’en rend digne, quelque place qu’il occupe.
Quant à l’idée de donner un traitement fixe aux directeurs, elle ne me paraît pas heureuse cette idée ; un relâchement dans toutes les branches de cette importante administration serait non seulement à craindre, mais très probable. Réduire le tantième pourrait avoir des inconvénients d’une autre nature, des inconvénients qu’on peut prévoir à présent, mais qu’on ne saurait pas prévenir alors.
Je ne m’expliquerai pas davantage, et je finirai ici mes observations ; je les ai faites, messieurs, dans le double intérêt des contribuables et du fisc, et quand ces deux intérêts sont d’accord, ce qui arrive rarement, la prudence et la justice réclament de conserver ce qui est, au lieu de courir après un mieux incertain ; car il arrive trop souvent que ce qui peut-être ne se réalise jamais.
D’après ces considérations, je voterai contre la conclusion de la section centrale, contre l’amendement de M. d'Elhoungne, et contre toute modification à porter à l’article 6 du chapitre premier déjà voté.
M. d’Elhoungne. - Je ne partage pas, messieurs, l’opinion de l’honorable orateur auquel je succède, car il me semble que sous quelques rapports elle est inexacte quant au fait et quant au principe.
L’orateur revient sur ce qu’il a déjà dit dans les séances précédentes, que la somme de l’article 6 du chapitre premier, et celle des cinq articles du chapitre II sont calculées sur la supposition d’une recette de 11,800,000 fl., évaluation que l’on ne peut admettre, parce que les documents fournis à plusieurs reprises fourmillent d’erreurs, et qu’il faut prendre pour base le chiffre porté au budget des voies et moyens.
Quant au principe de la remise, il faut remarquer qu’en France, où l’enregistrement est traité comme l’enfant gâté de l’administration financière, cette remise pour les employés supérieurs n’est que de 1 p. c., c’est-à-dire 5 p. c. de moins que ce que propose la section centrale. Il soutient encore que les notions générales de droit suffisent pour remplir ces sortes de fonctions, et comparant ceux qui les remplissent aux magistrats qui sont obligés de se livrer à des études bien autrement difficiles, il trouve qu’en adoptant même la proposition de la section centrale, leur sort sera toujours très favorable.
Il termine en disant qu’il ne craint pas, comme M. Angillis, de décourager ces fonctionnaires, mais qu’une autre crainte l’agite en ce moment, c’est de les voir devenir trop avides. Il rappelle qu’autrefois les membres de l’administration de l’enregistrement ont commis des abus scandaleux, et que, par exemple, ils ont fait faire des expertises après des ventes publiques. Plus vous leur donnerez, ajoute-t-il, plus vous nourrirez leurs passions avides ; plus vous leur accorderez, plus ils pressureront les contribuables. La section centrale s’est montrée juste envers le trésor, mais aussi elle a été juste envers le peuple, dont elle n’a pas voulu prodiguer les deniers.
M. le ministre des finances (M. Coghen). - Messieurs, je prends la parole pour défendre l’administration de l’enregistrement. Le résultat de la proposition de la section centrale serait de réduire la remise à 1 1/2 quand elle a déjà été réduite d’un quart sous l’administration de M. Ch. de Brouckere.
On a parlé d’erreurs manifestes de calculs dans l’évaluation de la recette : toute la différence vient de ce que j’avais fixé le budget des voies et moyens d’après le résultat du troisième trimestre connu, tandis que, quand j’ai porté un chiffre supérieur, je l’ai fait d’après le résultat du quatrième trimestre de 1831.
Je reviens à la proposition de la section centrale. Il me semble, messieurs, qu’il serait très dangereux de vouloir rabaisser les employés de l’enregistrement au-dessous de ceux des autres administrations. Il vaut mieux les rétribuer convenablement, afin de ne plus donner lieu aux abus et aux vexations qu’on a signalés. Nous avons des lois et des règles que nous devons suivre, et ne rien hasarder, ce qui serait peut-être très dangereux. N’oublions pas l’intérêt du trésor, et prenons garde de porter le découragement parmi les employés ; si l’on veut réduire la remise à 1 1/2 p. c., il faut la laisser porter sur les domaines ; si l’on ne veut pas qu’elle porte sur les domaines, il faut la maintenir à 1 3/4.
M. Lardinois. - Messieurs, si je n’avais pas la conviction que la chambre a voté des réductions sur le personnel des administrations, parce qu’on nous a laissé dans l’ignorance des faits, et que les renseignements et les explications nous ont plus d’une fois manqué, je ne prendrais pas la parole dans cette occurrence.
La pensée dominante de l’assemblée est l’économie ; et, en effet, comment ne serions-nous pas saisis de cette idée, lorsque nous avons à faire face à une dépense de plus de 90 millions ? Il n’est donc pas surprenant de voir que nous sommes sévères et avares des deniers des contribuables, et si nous avons parfois outrepassé les bornes de l’économie, la faute ne peut être imputée aux députés, mais aux agents du pouvoir qui n’ont pu spontanément éclaircir nos doutes.
Dans notre organisation intérieure, plusieurs moyens se présentent pour arriver à l’économie. Le principe se rencontrera dans l’introduction d’un nouveau système financier, adapté aux vrais besoins de la société. Alors, je ne doute pas que nous pourrons opérer de grandes économies, et simplifier tous les rouages administratifs.
Mais, avant que ces améliorations soient introduites, il y aurait, à mon avis, un vrai danger à réduire sans discernement les traitements des fonctionnaires, parce que vous exposez les services publics à ne pouvoir plus marcher en enrayant la machine administrative.
Une autre considération puissante que vous ne devez jamais perdre de vue, c’est qu’un gouvernement est en péril lorsque l’administration, qui en émane, ne peut plus remplir sa mission faute d’hommes capables pour l’accomplir. Si donc les fonctions publiques ne sont pas convenablement rétribuées, elles seront bientôt occupées par des incapacités qui géreront la chose commune avec ignorance et mollesse, et il en résultera que les intérêts généraux seront chaque jour compromis.
Les observations et les comparaisons qui ont été faites pour justifier les réductions provoquées primitivement contre l’administration de l’enregistrement et des domaines ont laissé dans mon esprit de pénibles réflexions. Ne semblerait-il pas que c’est le bouc d’Israël destiné à expier toutes les iniquités fiscales, réelles ou imaginaires ? Je crois inutile, messieurs, de répéter tout ce qui a été dit pour défendre cette administration ; personne de vous n’ignore que, pour entrer dans le service de l’enregistrement et des domaines, il faut y être préparé par des études solides, à moins de faire toute sa vie un mauvais employé. Il s’agit donc de ne pas lésiner sur les traitements, afin que les employés soient suffisamment payés.
Toute la question consiste maintenant à savoir si la remise à allouer aux employés supérieurs sera de 1 3/4 ou de 1 1/2 p. c. des recettes. Messieurs, vous devez faire attention que le ministère a déjà consenti à ne rien prélever sur les los-renten, ce qui équivaut à une réduction d’un sixième, et, si vous voulez encore réduire la remise de 1 3/4 à 1 1/2, c’est un septième que vous ajouterez à la première diminution. Je pense que ce serait traiter trop sévèrement ce service, de qui ressort une des plus difficiles et principales branches de l’économie financière.
L’honorable M. d'Elhoungne vous a dit plusieurs fois que l’administration de l’enregistrement et des domaines ne coûtait en France qu’un pour cent de la recette : je dois supposer que ce fait est exact ; cependant je vous ferai observer que j’ai consulté le budget de 1831, et je trouve les chiffres suivants :
Recettes présumées de l’enregistrement, timbre et domaines, 190,383,000 fr.
Administration forestière, 24,000,000 fr.
Total, 214,385,000 fr.
Administration centrale de l’enregistrement, du timbre et des domaines, 568,000 fr.
Administration centrale des eaux et forêts, 199,700 fr.
Personnel dans les départements, 2,990,000 fr.
Personnel du timbre, 379,170 fr.
Total, 4,136,870.
Ainsi, sur une recette de 214,385,00 fr., on paie en France, aux employés supérieurs de l’administration centrale et des départements une somme de 4,136,870 fr., ce qui correspond à une remise de près de 2 p. c.
Par ces motifs, je voterai contre la réduction proposée par la section centrale.
M. Destouvelles. - Je désire répondre quelques mots aux observations de l’honorable M. d'Elhoungne sur ce qu’avait dit un honorable collègue qui siège à ma droite. Je ne crois pas, messieurs, que l’opinion de M. Angillis soit inexacte. Peu importe que le montant de la recette soit de 10, 12 ou 13 millions ; il s’agit seulement de savoir quel tantième on accordera aux employés de l’administration de l’enregistrement, et cette question,M. d'Elhoungne n’a fait que l’effleurer. Il est certain qu’on ne peut évaluer d’une manière fixe le chiffre de la rente ; on ne peut en faire qu’une évaluation approximative, d’après les années précédentes. Quant au principe, M. Angillis n’a pas plus commis d’erreur qu’en fait.
M. d’Elhoungne a dit que l’administration de l’enregistrement était l’enfant gâté des gouvernements ; mais recherchons les causes de cette sollicitude intéressée de tous les gouvernements pour elle : c’est qu’elle fait rentrer au trésor des sommes considérables.
L’orateur a ajouté que les fonctionnaires de cette administration n’avaient pas besoin de pâlir sur les livres et de se livrer à des études difficiles comme les magistrats ; aussi ne les avons-nous jamais placés vis-à-vis la magistrature, ce qui serait absurde, mais nous les avons comparés avec les autres administrations, et, sous ce rapport,M. d'Elhoungne lui-même ne conteste pas leur supériorité. Mais après cet aveu, qui lui a été en quelque sorte arraché (on rit), il les met sur la même ligne que les autres.
Ensuite,M. d'Elhoungne s’est étendu sur les abus criants et les vexations de l’administration de l’enregistrement sous le royaume des Pays-Bas abus qui, j’ose l’espérer, ne se renouvelleront pas. Mais plus ces abus sont criants, plus il faut mettre d’attention à en prévenir le retour ; mais pour cela il ne faut pas réduire les fonctionnaires de l’enregistrement ; car vous les mettrez dans cette alternative, ou de négliger les intérêts du trésor, ou de renouveler ce système de vexation de de fiscalité la plus désordonnée dont on s’est plaint. Je crois que la véritable économie serait de laisser les choses dans leur état actuel. J’ai pensée qu’il était de mon devoir de soumettre ces réflexions à la chambre, parce qu’elles partent d’une intime conviction, et je serai heureux si je l’ai fait partager à mes collègues.
M. Delehaye appuie la proposition de la section centrale, et dit que l’administration de l’enregistrement est la seule qui reçoive des émoluments plus forts qu’avant la révolution, puisque le chiffre sous le gouvernement des Pays-Bas était moindre que celui d’aujourd’hui. Il soutient que, quand la rente ne s’élevait qu’à 8,900,000 fr., somme portée au budget des voies et moyens sur laquelle a opéré la section centrale, ces fonctionnaires seraient encore bien rétribués, mais il espère que la recette sera plus élevée, parce que les ventes, qui avaient été arrêtés par défaut de confiance, seront beaucoup plus productives cette année.
M. Jamme. - Un honorable préopinant a dit que toute la question est de savoir si la remise sera de 1 1/2 ou de 1 3/4. Moi je crois au contraire que toute la question est de savoir le montant de la recette, afin de pouvoir fixer les traitements des employés. Or, comme le chiffre ne peut être fixé qu’à la fin de l’exercice, je pense que l’on peut toujours adopter comme terme moyen la proposition de la section centrale. Quant à l’excitation aux vexations fiscales, je crois que dans tous les cas elle serait plus grande encore si la remise était plus forte. En conséquence, j’appuie la proposition de la section centrale.
M. Fleussu. - Je viens combattre au contraire les amendements de la section centrale. Si les employés de l’enregistrement ont toujours été mieux payés que ceux des autres administrations, c’est qu’ils réunissent des connaissances plus étendues et sont astreints à un long surnumérariat. Après ce surnumérariat, ils débutent dans la carrière par une toute petite recette de 4 ou 6 mille francs. Ils n’ont pas même de traitements fixes, car c’est seulement au moyen de remises réglées par des arrêtés qu’ils sont payés.
Avant la révolution, cette remise était de 2 p. c., et elle a été depuis réduite d’un quart. Or, on entend encore la diminuer, et en outre on propose qu’elle ne porte pas sur les los-renten : eh ! messieurs, c’est frapper trop de coups à la fois. Croyez-vous que les employés soient trop payés ? Voyez, par exemple, les traitements des inspecteurs et vérificateurs, et calculez tous leurs frais de déplacement pour aller visiter les bureaux d’enregistrement, les études de notaires, l’état-civil et les justices de paix et même les conservations des hypothèques ; ajoutez à cela qu’ils sont pères de famille, et dites si leurs traitements sont trop élevés.
Quant aux autres fonctionnaires, ils doivent séjourner dans la capitale où la vie est plus chère. Je suis donc de l’avis de M. le ministre des finances que, si l’on veut fixer la remise à 1 1/2, il faut qu’elle porte sur les los-renten, ou bien que, si l’on ne veut pas y comprendre les los-renten, il faut la laisser à 1 3/4. De ces deux propositions, je choisirais la dernière, c’est-à-dire je voudrais porter la remise à 1 1/2, mais je désirerais qu’elle fût perçue sur le tout.
M. d’Elhoungne soutient que le personnel de l’administration ayant été augmenté, les traitements ne doivent plus être élevés, puisque, s’il y a eu réduction de travail, il doit y avoir aussi réduction de salaire. Il répète qu’en France la remise n’est que de 1 p. c., et que cependant ces fonctionnaires sont toujours les plus heureux. Il fait remarquer en outre que la recette depuis la révolution s’est considérablement accrue par les droits de barrières, qui autrefois appartenaient au syndicat, et pour lesquelles il suffit d’un commis par provinces. Quant aux los-renten, il les regarde comme une valeur morte et comme occasionnant des frais ; il ne croit pas qu’il soit juste de les comprendre dans la recette sur laquelle portera la remise.
M. Ch. de Brouckere. - L’honorable préopinant a dit qu’on avait augmenté l’état-major de l’enregistrement. Messieurs, il n’y a pas d’administration où il y ait eu moins de mutations et d’avancements, et cela se conçoit, en réfléchissant qu’il n’y avait pas un seul Hollandais qui fût placé dans cette administration en Belgique. Il y a eu tout au plus 2 ou 3 promotions.
Un autre membre a prétendu que les employés de l’enregistrement percevaient plus aujourd’hui qu’avant la révolution ; mais il a oublié qu’autrefois l’administration se composait seulement du personnel de l’enregistrement, et qu’aujourd’hui les douanes y ont été réunies.
Quant aux los-renten, je ne partage nullement l’opinion de M. d'Elhoungne sur leur valeur ; mais ce n’est pas là qu’est la question. On dit toujours qu’elle consiste à savoir si la remise sera de un et demi ou de un et trois quarts ; mais, messieurs, il faut calculer le montant de la recette, et même, en forçant cette recette à 10 millions et des 100 mille francs, les employés n’auront pas encore autant que ceux de l’administration des contributions : car, dans cette administration, un directeur à 2,500 fl., et ici un directeur n’aura que 2,300 fl. ; de même pour les inspecteurs. Ainsi donc, ils seront moins rétribués, et cependant vous avez reconnu que leurs fonctions exigent de plus grandes connaissances. Vous avez fait la part des receveurs plus large.
Je vous le demande, seriez-vous conséquents avec vous-mêmes si vous faisiez des diminutions tout à fait disproportionnées sur leurs supérieurs ? Dans les contributions il y a deux espèces d’employés. Les employés sédentaires et les employés ambulants. Là on passe aux emplois ambulants sans avoir été sédentaire, tandis que dans l’enregistrement il faut passer par le grade de receveur pour devenir vérificateur, inspecteur, etc. En voulant aujourd’hui rabaisser les traitements des supérieurs comparativement à ceux des receveurs, vous bouleversez le principe sur lequel repose l’administration, et vous punissez ces supérieures de l’avantage accordé à leurs inférieurs.
M. Dumortier. - Il y a deux questions distinctes dans cette discussion, et à cet égard je ne crois pas, comme certains membres, qu’il ne s’agit que des los-renten ; il y a deux questions à résoudre, celle de savoir quel sera le taux de la remise, et celle de savoir sur quoi frappe la remise.
L’orateur s’attache à démontrer que l’année dernière les employés de l’enregistrement ont touché un sixième de plus que sous Guillaume ; car on portait le nombre des employés au double du personnel actuel, c’est-à-dire à 119. La moyenne pour chaque employé, sur 13 millions de recettes et à 2 p. c. de remise était de 2,166, tandis qu’il résultait des comptes fournis à la section centrale que, si l’on fait la répartition entre les 87 employés dont se compose actuellement l’administration de l’enregistrement et des domaines, du produit total de la remise sur 11 millions de recettes, la moyenne pour chacun de ces employés sera de 2,460 fl., c’est-à-dire d’un sixième en sus. Il ajoute que selon lui, on devrait décider que le traitement de ces fonctionnaires ne dépassera pas cette année le taux minimum, ce qui ferait 1 1/4 sur la recette, et il annonce qu’il proposera un amendement à cet égard.
Comparant ensuite les employés de l’enregistrement à ceux des contributions, il trouve que la moyenne pour ces derniers, d’après la somme votée par la chambre, ne s’élève qu’à 900 fl., tandis que pour ceux de l’enregistrement elle serait encore, en calculant la remise sur le pied d’un et demi, de 4,800 fl., c’est-à-dire du double, et cela dans les circonstances les plus défavorables.
M. Ch. de Brouckere. - L’orateur a terminé par une comparaison entre les employés de l’enregistrement et ceux des contributions ; mais il a oublié dix expéditionnaires. Ensuite il faudrait qu’il y eût homogénéité entre ces deux administrations, et entre les travaux de leurs fonctionnaires. Ici il n’y en a aucune ; c’est comme si l’on comparait l’administration de la milice à l’administration communale, dont le travail est tout différent.
Quant aux calculs de M. Dumortier, pour établir que les employés de l’enregistrement ont un sixième en plus qu’avant la révolution, l’orateur démontre qu’ils sont erronés, et prouve avec les mêmes chiffres que, dans tous les cas, ce ne serait qu’un dixième en sus ; mais il faut remarquer qu’autrefois il y avait en outre trois administrateurs à 5,000 fl. et un inspecteur à Liége à 4,000 fl., qui ont été supprimés avec leur intermédiaire qui sont devenus vérificateurs. Le calcul à raison de 119 employés pèche dont par sa base ; mais dans tous les cas, s’il était exact, un dixième en sus ne serait pas trop pour payer les employés des domaines, qui ont été réunis à l’enregistrement. L’orateur fait remarquer en terminant que le gouvernement a hérité du syndicat des complications commerciales et industrielles très difficiles à régler, et il insiste pour que l’on conserve la remise actuelle.
- On demande de toutes parts à aller aux voix.
La clôture est prononcée.
M. Fayder, commissaire du Roi demande que M. le président mette d’abord aux voix la question de savoir si la remise portera sur les los-renten.
- Cette question est mise aux voix et résolue négativement par la chambre.
Ensuite la proposition de la section centrale de réduire la remise sur la recette à 1 1/2 est rejetée. Cette remise reste fixée à 1 3/4.
La chambre, consultée sur la question de savoir si l’on portera à 5,000 fl., comme le propose la section centrale, ou à 6,000 fl., comme l’a demandé le ministre, pour les expéditionnaires de l’administration centrale, se prononce pour cette dernière somme.
Le chiffre total du chapitre IV entier, s’élevant à 286,180 fl. 75 c. est également adopté.
La chambre décide ensuite qu’elle entendra immédiatement le rapport de la section centrale sur les articles relatifs à la vérification des poids et mesures.
M. Dumortier, rapporteur, annonce que la section centrale n’a fait aucun changement à la proposition de M. le ministre des finances, et il conclut à l’adoption du chiffre de 40,000 fl. demandé pour cet objet.
M. A. Rodenbach. - Dans une de nos précédentes séances, je me suis plaint de l’abus scandaleux qui existait dans le mode de perception de poinçonnage des poids et mesures. J’ai dit que la recette de ces droits n’était soumise à aucun contrôle, et que quelques vérificateurs ne versaient pas au trésor la totalité du produit.
Je sais que le ministre des finances se propose de redresser l’abus que j’ai signalé à la chambre, puisqu’il va faire établir partout des registres à souches pour la délivrance des quittances, et qu’il a proscrit la mesure de faire opérer la recette par les receveurs des contributions directes. Précédemment les droits de poinçonnage ne rapportaient que 44,000 fl. ; je suis persuadé qu’en suivant le nouveau mode projeté, ils s’élèveront au moins à 60,000 fl.
J’appuie donc la proposition de 40,000 fl., parce que je pense que le ministre aura égard cette fois-ci à mes observations. Mais pourquoi le ministre ne s’empresse-t-il pas à nous présenter le projet qui depuis quelques mois est dans les cartons du ministère ? Car le poinçonnage depuis 25 ans n’a servi qu’à salarier les employés, et à condamner de temps en temps à la prison et à l’amende quelques pauvres petits boutiquiers qui n’avaient pas été avertis de la visite du vérificateur, ou qu’il n’avaient pas été assez prestes pour cacher leurs vieux poids et mesures.
L’on devrait, à l’instar de la France, suivre le système binaire autrement appelé usuel, c’est-à-dire des doubles, demis, quarts, etc., pour en faire l’application aux usages communs, et particulièrement à la pratique du commerce en détail.
De plus, les vérificateurs devraient aller de commune en commune.
M. Ch. de Brouckere croit que la vérification des poids et mesures ne devait pas être transférée au budget des finances, parce que ce n’est pas un objet fiscal, mais un objet scientifique, qui appartient au département de l’intérieur ; et il émet le vœu qu’on change de système de vérification, et qu’on n’astreigne plus les particuliers à faire poinçonner leurs aunes et leurs mesures chaque année, mais seulement à faire présenter chaque année ces mesures poinçonnées une fois pour toutes. (Appuyé.)
M. le ministre des finances (M. Coghen) répond que si l’on a fait ce transfert, c’est pour introduire dans la vérification une surveillance plus stricte. Du reste, il dit que si l’observation de M. de Brouckere est juste pour les aunes et d’autres mesures, elle ne peut s’appliquer aux poids qui se déterminent par l’usage, et qu’on est obligé de plomber chaque année ; il ajoute que le système suivi en France lui semble vicieux.
M. A. Rodenbach. - Je répondrai à M. le ministre que le système usuel, c’est-à-dire le système de division suivi en France, n’est pas vicieux ; preuve : c’est que dans ce pays ce système de poids et mesures est suivi, tandis qu’il ne l’est point en Belgique.
Je conviens qu’en théorie le système décimal est superbe.
Sous la république française, les semaines étaient des décades, les horloges étaient divisées en 10, l’année l’était également. Vous avez tous connus, messieurs, les calendriers de ce temps-là ; mais il a bien fallu abandonner cette scientifique division, dont le peuple n’a plus voulu. Il en est de même en Belgique. Le détaillant et le consommation demanderont toujours une livre, une demi-livre, un quarteron, etc. Je le répète, le système en théorie est beau, mais il est impraticable dans le détail.
- La majoration de 30,000 fl. à l’article premier du chapitre V, pour les traitements des employés des postes est adoptée.
Celle de 10,000 fl. à l’article 3 du même chapitre, pour le matériel, est également adoptée.
On passe ensuite à la discussion générale du budget de l’intérieur.
M. d’Hoffschmidt. - Messieurs, personne ne conteste, je pense, le principe qu’un budget de l’Etat ne doit contenir que des dépenses d’utilité générale ; cependant il en figure au budget soumis à vos discussions qui sont purement locales, sans que la section centrale se soit exprimée à cet égard, ce qui m’a déterminé à énoncer brièvement mon opinion sur celles que, selon moi, nous ne sommes pas même en droit d’allouer.
En effet, messieurs, pouvez-vous, par exemple, faire payer à nos pauvres cultivateurs des campagnes, les leçons de musique que l’on donne à Bruxelles et à Liége, sans commettre un véritable abus de pouvoir ? A cela l’on me répondra peut-être que la dépense est si minime qu’elle sera imperceptible pour les contribuables, tandis qu’elle allègera les charges de deux villes qui en ont de considérables à supporter ; du moins c’est le seul argument que l’on ait fait valoir au budget en faveur de cette allocation évidemment déplacée, mais chacun de nous sait fort bien que nous n’avons pas le droit d’être protecteurs des arts d’agrément, ni d’être généreux avec le denier d’autrui, peu importe la quotité ; car à cet égard c’est le principe et non la somme qui doit diriger.
Je regarderai aussi comme un pur sophisme l’argument par lequel on voudrait faire considérer cette dépense comme étant faite dans l’intérêt général, en disant qu’au moyen des écoles de musique, pour lesquelles on nous demande des subsides, nous pouvons former des artistes qui, comme les Grétry, les Bériot, etc., contribueront à rehausser notre honneur national. C’est indépendamment des secours de leurs concitoyens que ces hommes, qui font certainement honneur à leur pays, ont développé leurs talents. D’ailleurs, il me paraît que les secours doivent être volontaires, au moyen, par exemple, de souscriptions, auxquelles je prendrais part volontiers ; mais pour y faire contribuer les autres, jamais.
Je ne puis reconnaître non plus que la société d’horticulture de Bruxelles puisse être d’un intérêt général, malgré qu’un honorable membre de cette assemblée se soit efforcé de nous persuader au mois de novembre dernier, lors de la discussion sur les crédits supplémentaires, qu’elle fait des essais à l’égard des plantes étrangères, pour découvrir celles qui peuvent s’acclimater chez nous et nous être utiles ; ce que je crois certain, c’est qu’aucune découverte de ce genre n’a encore dédommagé la nation des dépenses qu’elle supporte de ce chef
Je considère dont l’établissement de cette société comme un objet de luxe, dont Bruxelles seul peut retirer de l’agrément et même des avantages, et je voterai contre toute allocation demandée sur ces articles, voulant laisser aux véritables amateurs de fleurs la charge de faire prospérer par eux-mêmes un établissement qui fait honneur à ceux qui le dirigent.
Quant au subsides demandés pour l’école industrielle de Gand, pour l’illustre académie des sciences et belles-lettres de Bruxelles, et même pour les académies des beaux-arts de Bruges, d’Anvers et de Bruxelles j’attendrai, avant de les voter, que l’on m’ait bien convaincu que ces institutions se rattachent plutôt à l’intérêt général qu’à un intérêt de localité ; sinon, je voterai également contre, non que je veuille contester le bien que ces institutions procurent où elles sont instituées, mais parce que je voudrais que les avantages de ce genre fussent plus justement répartis, étant établis aux frais de tous.
Puisque nous en sommes à la discussion générale, je veux, messieurs, vous entretenir un instant d’une inégalité frappante que j’ai remarquée dans les demandes d’allocation faites pour l’instruction publique dans les provinces. A l’article 3 du chapitre VI, il est demandé une somme de 40,315 fl. pour frais des athénées et collèges de dix de nos villes. A l’article 5, il est demandé pour traitements aux instituteurs et autres frais de l’enseignement primaire dans les provinces la somme de 116,124 fl., total pour les deux articles : 156,439 fl.
Eh bien ! messieurs, la province de Luxembourg n’est comprise dans ces deux articles que pour une somme de 8,703 fl., tandis que la petite province de Namur y est portée pour celle de 22,865 fl., disproportion choquante que rien ne peut justifier, car il ne faut pas croire, messieurs, que la province de Luxembourg soit dédommagée d’une autre manière, puisqu’elle ne possède aucun établissement aux frais de la nation du genre de ceux que je viens de signaler, et, quant aux communications, elle n’a pour ainsi dire qu’une seule route, malgré son immense étendue, pendant que de fortes sommes vous sont demandées pour faire des canaux en tous sens dans d’autres provinces.
L’on m’objectera peut-être que cette province, malgré son étendue, rapporte moins à l’Etat que les autres ; mais, messieurs, est-ce parce qu’un pays est pauvre qu’il faut y abandonner l’instruction publique et même les moyens qui pourraient seconder son industrie ? J’appelle l’attention du gouvernement sur toutes les répartitions des avantages procurés aux frais du trésor de la nation, espérant qu’il voudra bien (comme cela a lieu pour les charges) les faire avec la plus grande justice distributive possible.
Je n’aborderai pas, messieurs, les autres points, qui me paraissent devoir subir des modifications ou réduction ; ce serait abuser de votre temps, la section centrale ayant signalé toutes celles qui paraissent susceptibles d’être opérées.
- La séance est levée à 4 heures et demie.