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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 6 avril 1832

(Moniteur belge n°99, du 8 avril 1832)

(Présidence de M. de Gerlache.)

La séance est ouverte à une heure.

Appel nominal et lecture du procès-verbal

Après l’appel nominal, le procès-verbal est lu et adopté.

Pièces adressées à la chambre

M. Lebègue analyse ensuite quelques pétitions, qui sont renvoyées à la commission.

Projet de loi portant le budget du ministère des finances de l'exercice 1832

Discussion du tableau des crédits

Chapitre IV. Administration de l’enregistrement et des domaines

Article premier

M. le président. - La séance est suspendue un instant, en attendant que M. Osy finisse de rédiger le rapport de la section centrale sur les articles relatifs à l’enregistrement, qui lui ont été renvoyées hier.

Après cinq minutes d’attente, M. Osy entre dans la salle, et il présente à la chambre le rapport dont il s’agit, et qui est ainsi conçu :

La section centrale a examiné s’il convient de maintenir la remise de 1 3/4 p. c. pour le montant de l’enregistrement et des domaines, sur une recette évaluée à 8,987,655 fl. ; à raison de 1 3/4 p. c., la remise serait de 157,284 fl.

L’administration fait en outre une recette pour les provinces et des tiers de 460,000 fl., à raison de 1 3/4 p. c., soit 8,050.

Ensemble, 165,334 fl.

Le minimum fixé par l’arrêté du gouvernement provisoire étant de 135,300 fl., il y a un excédant de 30,034 fl.

La section centrale a pensé que le montant de 1 3/4 était trop élevé, même dans ces circonstances ; comme, d’après toutes les prévisions, les recettes de l’enregistrement se monteront au-delà de 10,000,000 fl., elles donneraient un nouvel excédant de dépenses de 17,500 fl.

Un membre de la section centrale a proposé de n’allouer que 1 p. c. deux 1/4, ce qui n’a pas été appuyé pour cette année ; cependant la majorité de la section croit qu’à la paix, et à partir de l’année 1833, il faudra arriver à ce taux. La section vous propose d’allouer, cette année une remise de 1 1/2 p. c., ce qui donnera, pour les employés de l’administration centrale et pour ceux dans les provinces, une dépense de 141,715 fl., toujours comptant sur un produit pour le trésor de 8,987,635 à 460,000 fl. pour les provinces et le tiers.

Si cette proposition d’allouer 1 1/2 p. c. pour tous les employés de l’administration et des domaines est adoptée par la chambre, la section centrale vous propose de revenir sur le vote de l’article 6, chapitre premier, de l’administration centrale, et de n’allouer que 41,970 fl. 25 c. au lieu de 43,000 fl. En voici le compte :

Le minimum des traitements pour l’administration centrale est de 31,150 fl.

Sur le pied de 1 1/2 p. c., l’augmentation étant de 15 1/2 p. c., il y a lieu d’accorder un crédit de 35,978 fl. 25 c., et pour 10 expéditionnaires 6,000 fl., total 41,978 fl. 25 c.

Ayant donc porté à l’administration centrale 35,978 fl. 25 c. reste pour les employés dans les provinces une somme de 105,736 fl. 75 c.

Nous devons vous prévenir que M. le ministre des finances a déclaré à la section centrale que les employés de l’enregistrement ne prélèveront rien pour les recettes des biens vendus par le syndicat, et c’est d’après cette déclaration que nous avons établi nos calculs.

Nous observons encore que, conformément à l’article 115 de la constitution, ce ministre devra porter, l’an prochain, au budget des voies et moyens le produit de 5 p. c. que le trésor touche pour la recette qu’il fait pour le compte des provinces, ce qui cette année, sur une recette présumée de 300,000 fl. fera une somme de 15,000 fl. S’il arrivait, comme on n’en peut douter que les produits de l’enregistrement s’élevassent au-delà du chiffre porté au budget des voies et moyens, il y aura lieu de voter un crédit supplémentaire, toujours sur le taux de 1 1/2 p. c., afin de porter le montant de la remise à la hauteur du produit réel, et pour que la cour des comptes puisse ordonnancer ce supplément.

Tantième à raison de 1 1/2 p. c. sur une recette présumée de 8,987,655 fl.

Pour l’administration de l’enregistrement, tant au département des finances que dans les provinces, 134,815 fl.

Tantième au même taux pour une recette présumée de 300,000 florins à effectuer au profit des communes et des provinces : fl. 4,500.

Tantième en raison de la même remise sur une recette présumée de 160,000 florins provenant des dépôts et consignations : fl. 2,400.

Traitement des expéditionnaires de l’administration centrale : fl. 5,000.

Total : fl. 146,715.

L’administration renseignera le produit de la retenue de 5 p. c. à prélever à titre d’indemnité sur les recouvrements à opérer pour compte de tiers. A l’avenir, ces articles figureront au budget des voies et moyens. L’administration individuera pareillement le produit des contingents assignés aux établissements publics pour la garde de leurs bois.

La situation de la caisse des dépôts et consignations sera fournie avec le même budget et le compte réglé par la chambre des comptes.

L’administration centrale ne touchera aucune remise sur les recettes en los rentent ou rentes rédiméables.

M. d’Huart. - Je demande l’impression et la distribution de ce rapport, parce qu’il est impossible de saisir les chiffres qu’il contient à une première lecture.

M. le président. - La question est infiniment simple. La section centrale propose d’adopter le droit de 1 1/2 p. c. au lieu de 1 3/4.

M. d’Huart. Pardon, M. le président, la question est très importante, car il s’agit de revenir sur une décision de la chambre. D’ailleurs, l’impression n’apportera aucun retard à la délibération du budget ; car nous pouvons passer aux articles subséquents.

M. le président donne une seconde lecture du rapport.

M. d’Huart et M. Destouvelles insistent pour l’impression, en faisant remarquer que c’est une question qui mérite toute l’attention de la chambre, puisqu’il s’agit de changer un arrêté par un amendement au budget.

M. d’Elhoungne appuie la proposition et il demande qu’on imprime en même temps un amendement qu’il a rédigé dans le sens du rapport.

- La chambre, consultée, ordonne l’impression et la distribution du rapport et de l’amendement, et ajourne la discussion des articles auxquels a trait ce rapport à lundi prochain.

Article 2

On passe ensuite à la discussion du chapitre IV, section 2, intitulé : « Remises des receveurs, » pour lesquelles il est porté au budget une somme de 180,000 fl.

La section centrale propose d’appliquer aux receveurs d’enregistrement le tarif du 11 janvier 1831, d’où résulterait sur l’objet dont il s’agit une économie d’environ 50,000 fl.

M. Fayder, commissaire du gouvernement, fait remarquer que les receveurs ont des frais de commis et de bureau. Il lui semble impossible qu’on veuille faire peser sur eux une réduction aussi considérable que celle dont il est parlé dans le rapport de la section centrale. Il demande le maintien du tarif qui régit en ce moment ces employés.

M. Milcamps. - Messieurs, la section centrale a comparé, dans son rapport, les receveurs de l’enregistrement aux receveurs des contributions. Je ne vois pas, quant à moi, qu’il y ait aucune comparaison à établir entre ces deux sortes de fonctionnaires. Il faut prendre en considération la capacité et les connaissances des receveurs d’enregistrement. Chacun sait combien de registres ils sont obligés de tenir et les connaissances qu’ils doivent posséder pour percevoir les droits, tandis que les receveurs des contributions ont leur marche toute tracée et ne rencontrent jamais de difficultés. Je ne pense donc pas qu’on puisse les assimiler les uns aux autres, et je demande que l’on maintienne le tarif actuellement existant.

M. Bourgeois. - Je ne crois pas non plus qu’il y ait de comparaison à faire entre les receveurs d’enregistrement et les receveurs de contributions. Si ces derniers n’ont pas de frais de bureau, d’un autre côté ils ont pour la perception des tarifs avec une taxe fixe, tandis que les receveurs d’enregistrement ont besoin de grandes connaissances en droit pour savoir de quelle nature est l’acte qu’on leur présente. Il faut qu’ils soient au courant de toutes les lois judiciaires et des règlements et lois qui concernent leur administration. Il y a en outre un arrêté qui exige qu’ils soient licenciés en droit, ou qu’ils aient travaillé deux ans chez l’avoué ou chez l’avocat, et ensuite qu’ils aient fait un surnumérariat de plusieurs années encore pour parvenir à leurs fonctions. Or, je demande après cela si on peut les comparer aux receveurs de contributions.

Il y a encore une autre considération à envisager, c’est que ces derniers sont obligés de travailler à leur bureau tous les jours jusqu’à une heure fixe, tandis que les receveurs de contributions ne sont pas occupés plus de deux ou trois jours par semaine.

Quant à la question de savoir si, comme on l’a proposé, on doit leur accorder un traitement fixe, je répondrai par un seul exemple. Messieurs, quand une société ou un propriétaire chargent quelqu’un de faire leurs recettes, s’il donnent un traitement fixe à ce receveur, il n’apporte pas le même zèle aux recouvrements que, lorsqu’on lui accorde un tantième sur ces recouvrements, parce qu’il est toujours sûr de toucher ses émoluments, que la recette soit plus ou moins considérable. Il en est de même pour le cas qui nous occupe. Maintenant, comme je ne connais pas bien l’arrêté du 17 janvier 1831, qui fixe le tantième des receveurs, je demanderai qu’il soit aussi imprimé avec le rapport de M. Osy.

M. Fayder, commissaire du Roi, cite un passage du discours de M. le ministre des finances en réponse au rapport de la section centrale, où il est dit que le directeur-général et les sous-directeurs de l’enregistrement en France sont plus rétribués que les directeurs-généraux et les directeurs des autres branches d’administration, et cela en raison de l’importance de leurs fonctions. Ce passage contient, en outre, l’opinion de M. Dalloz sur l’administration de l’enregistrement et des domaines, qu’il regarde comme s’élevant au-dessus de toutes les autres administrations financières, qui sont purement fiscales, tandis que celle-ci exige des hommes instruits et dignes de la confiance des citoyens qui n’ont pas assez d’acquis pour discuter leurs intérêts.

Il insiste pour que l’on conserve le taux actuel du tarif.

M. d’Elhoungne répète que le crédit demandé est exagéré, par rapport au chiffre de la recette présumée porté au chiffre des voies et moyens, et il propose un amendement tendant à réduire l’allocation à 271,934 fl. 35 c. Quant aux capacités des employés de l’enregistrement, il est bien loin de méconnaître qu’ils appartiennent à une toute autre catégorie que ceux des autres administrations financières ; mais il pense cependant que la simple connaissance des généralités du droit leur suffit pour apprécier la perception qu’ils doivent faire sur les actes. Il déclare que, pour lui, il n’a pas encore vu un seul licencié en droit receveur d’enregistrement.

M. Ch. de Brouckere. - On a déjà suffisamment établi la différence qui existe entre les receveurs d’enregistrement et les receveurs des contributions, et je ne reviendrai plus sur ce point, mais le dernier orateur me semble avoir ravalé les receveurs de l’enregistrement. Il a dit, messieurs, qu’il n’en avait pas vu qui fussent licenciés en droit ; mais cela n’ôte rien à leur capacité, car on peut être licencié sans être bon jurisconsulte : c’est un titre qui a été bien souvent accordé par complaisance ou à prix d’argent. Remarquez, messieurs, que le chiffre porté par le gouvernement ne peut en rien charger les contribuables, puisque les receveurs ont un tantième sur les receveurs. Or, comme le montant de la recette ne peut être fixé qu’a posteriori, il est inutile de présente à cet égard aucun amendement.

M. Fayder, commissaire du Roi, appuie l’observation de M. Ch. de Brouckere, contrairement à l’opinion que M. Dumortier avait émise hier, que la constitution n’oblige pas la législature à fixer le chiffre d’une manière invariable.

M. d’Elhoungne. - messieurs, j’ai déjà dit à la séance d’hier que pour l’appréciation des dépenses relatives aux traitements à accorder aux agents du gouvernement, il fallait partir d’une base ; or, cette base, c’est le budget des voies et moyens ; les dépenses ne peuvent être appuyées que sur ce fondement. L’orateur répète que si la recette excède la somme présumée, il sera facile de présenter un crédit supplémentaire.

M. le ministre des finances (M. Coghen). - D’après les observations qui vous ont été présentées , vous voyez qu’on ne peut en aucune manière assimiler les receveurs des contributions aux receveurs d’enregistrement. Quant à la recette, il est impossible, comme l’a dit M. Ch. de Brouckere, d’en fixer dès aujourd’hui le montant. Il n’y a donc aucune difficulté à adopter le chiffre que j’ai proposé.

M. A. Rodenbach désirerait savoir si le système de division des bureaux est avantageux au gouvernement.

M. Fayder, commissaire du Roi, répond que ce mode est adopté pour faciliter le travaux dans les bureaux qui ont une très grande étendue.

M. Barthélemy soutient qu’il est inutile de fixer le chiffre au budget. (Aux voix ! aux voix !)

- Plusieurs orateurs qui avaient demandé la parole y renoncent.

M. Dumortier, dont le tour d’inscription vient ensuite, la réclame, et à peine a-t-il articulé quelques mots qu’il se retourne vers les tribunes publiques, et dit. - Je ne sais pas pourquoi, messieurs, on se permet de siffler un membre de la représentation nationale…

M. le président. - Si une personne a en effet sifflé dans les tribunes, on va la faire sortir à l’instant.

- Plusieurs membres. - Mais nous n’avons pas entendu siffler.

M. H. de Brouckere. - On n’a pas sifflé ; non, on n’a pas sifflé.

M. Dumortier. - Je vois, messieurs, que lorsqu’il s’agit de fixer les traitements des employés, on cherche à obtenir des sommes très fortes ; mais on oublie de ménager les sueurs du peuple. On a parlé des connaissances qu’exigeait l’enregistrement ; mais ne faut-il pas des connaissances spéciales dans toutes les parties ? Un receveur d’enregistrement ne pourrait pas plus remplir les fonctions d’un receveur de contributions que celui-ci ne pourrait remplir celles de receveur d’enregistrement.

M. d’Elhoungne vous a fait remarquer avec raison qu’il suffisait pour être bon receveur, de connaître les généralités du droit, et on ne l’a pas réfuté quand on a répondu que les licenciés n’étaient pas des jurisconsultes. Ce que nous avons eu en vue dans la section centrale, c’est que l’arrêté du 24 janvier n’a opéré de réduction aux remises des receveurs que sur les recettes au-dessus de 120,000 fl., tandis que celui du 11 janvier en a opéré à l’égard des receveurs de contributions, sur les moindres sommes. C’est cette injustice que nous avons voulu faire disparaître.

Quant à la possibilité de fixer les traitements de l’administration centrale, je le prouverai facilement lorsqu’on en sera venu à cet objet lundi prochain.

On a dit, messieurs, que les particuliers accordaient tant sur la recette de leurs receveurs. Les particuliers font comme ils le veulent, tandis que nous nous devons suivre la marche qui nous est tracée par la constitution.

M. Ch. de Brouckere répond, à l’observation faite par M. Dumortier, qu’il n’y a pas eu deux systèmes de réduction, mais qu’on a procédé relativement à chaque administration sur les mêmes bases. Il ajoute. - Quant à ce qu’a dit M. Dumortier qu’il fallait des connaissances spéciales partout, je ferais remarquer qu’un pareil argument ne détruit en rien les observations fort justes qu’on avait présentées. Pour être receveur des contributions, messieurs, il ne faut que savoir compter ; mais pour être receveur d’enregistrement, il faut connaître la législation civile. J’ai vu 3 jurisconsultes être partagés d’avis sur une perception, et ne s’arrêter à une opinion qu’après de longs débats. Je ferai remarquer, en terminant, l’habitude que l’on a, pour combattre des arguments, de parler sans cesse des sueurs du peuple. C’est par des phrases sonores qu’on répond à des raisonnements justes qu’on ne peut réfuter.

M. Destouvelles soutient que les receveurs d’enregistrement doivent avoir de plus grandes connaissances que les autres, et il s’oppose à la substitution d’un tarif à un autre que propose la section centrale.

- La clôture de la discussion est mise aux voix et prononcée.

La proposition de la section centrale est rejetée.

Le chiffre de 271,934 fl. 35 c. proposé parM. d'Elhoungne est adopté.

Article premier, paragraphe 12

« Art. 12. Traitement fixe des premiers commis et commis adjoints des directeurs : fl. 14,700. »

Le gouvernement a proposé, depuis le budget, une majoration de 3,600 fl.

M. Fayder, commissaire du Roi lit la note du discours de M. le ministre des finances, qui explique que c’est par une erreur de calcul que la somme de 3,600 fl. avait été portée en moins.

- La proposition de la section centrale, tendante à réduire l’allocation de 5,700 fl. est mise aux voix et rejetée.

Un amendement de M. d’Elhoungne, fixant le chiffre à 15,700 fl., est également mis aux voix. L’épreuve étant douteuse, on passe à l’appel nominal. 26 membres se prononcent pour l’amendement, et 41 contre. En conséquence, il est écarté.

L’allocation est fixée à 18,300 fl.

Article 2, paragraphes 13 et 14

Le chiffre de l’article 13 est maintenu.


« Art. 14. Traitement des employés de toute nature dans les provinces : fl. 14,547. »

- La section centrale propose une réduction de 2,547 fl. qui est adoptée.

Article 2, paragraphe 15

« Art. 15. Traitement des agents forestiers : fl. 112,796. »

La section centrale propose de n’allouer que 100,000 fl.

M. Zoude. - En lisant les observations du ministre sur les traitements des agents forestiers, vous aurez remarqué que la section centrale a été induite en erreur par une transposition de chiffres, et que cette erreur devait avoir pour conséquence la proposition d’une réduction.

En effet, si l’inspecteur de Liége avait joui d’un traitement de 3,262 fl. 50 c., au lieu de 2,362 fl. 50 qui est le chiffre réel, il y aurait eu une disproportion choquante avec celui de Dinant, beaucoup plus riche en bois, et rétribué seulement par 1,500 fl.

Une telle disproportion aurait annoncé quelque chose d’irrégulier, et eût présenté un caractère de partialité qui n’aurait pas inspiré une grande confiance dans les opérations de l’administration forestière. Mais au moyen de la rectification, la différence entre les traitements se justifie, en ce que les bois de l’inspection de Dinant sont resserrés dans les limite d’un seul arrondissement judiciaire, tandis que les bois de l’inspection de Liége sont épars dans les province de Liége et de Limbourg, dont plusieurs à des distances éloignées, ce qui rend les opérations de cet inspecteur plus longues et par suite plus dispendieuses. Ajoutez à cela que l’inspecteur de Liége est chargé seul de tout le contentieux pour les affaires forestières portées à la cour supérieure.

Quant au traitement des gardes sur lesquels retomberait malheureusement encore la réduction proposée, je vous ferai remarquer que, d’après un tableau que j’ai sous les yeux, le taux moyen de leur salaire n’est que de 146 fl. Si vous le réduisez, n’aurez-vous pas à craindre qu’en compromettant l’existence de ces agents, vous ne les exposiez aux séductions qui pourraient faire perdre en un jour toute l’économie que vous vous proposeriez pour une année ?

J’ai dit, messieurs, que si vous adoptiez la réduction, les agents subalternes en seraient principalement les victimes, donc les intérêts de l’Etat plus directement compromis, et j’en ai la preuve en main ; en effet, je vois que, sur une réduction que l’administration a opérée elle-même, les employés supérieurs y contribuent seulement pour 1744, tandis que les simples gardes en supportent la 11ème partie. Si on suivait la même échelle, le traitement d’un garde ne serait plus que de 120 florins. Cependant, messieurs, il n’est personne qui, habitant le voisinage des bois, ne connaisse combien un forestier doit apporter de zèle et d’exactitude pour remplir convenablement ses fonctions. Or, ce zèle, vous ne pouvez l’obtenir que par un salaire qui le mette à l’abri du besoin, et il est à voir chez moi, comme partout ailleurs sans doute, que le bois le plus dégradé est presque toujours celui dont le garde est le plus mal rétribué. Mais voyons ce que nous demande l’administration forestière : 40 cents par bonnier ou environ 62 cents pour le salaire réuni des agents forestiers de tous les grades.

Or, je n’hésiterai pas à en appeler à tous les propriétaires forestiers, assez nombreux dans cette enceinte, et je leur demanderai si l’administration de leurs bois est sensiblement moins coûteuse. Pour mon compte, je réponds négativement : et notez bien, messieurs, que sur le chiffre total qui, depuis la destitution de Stappers, n’est plus que de 110,996 fl., le trésor reçoit en remboursement des communes, établissements, etc., etc., une somme de 75,500 fl., ce qui réduit la charge du trésor à 35,496 fl.

Le ministre, dans son rapport, n’élève ce remboursement qu’à la somme de 69 6/5 ; mais le ministre n’a établi son calcul que sur les sommes qui étaient rentrées alors.

Toutefois, messieurs, sur la somme totale de 112,796 fl. que vous demande le gouvernement, je vous propose de n’allouer que celle de 100,000 fl.

La différence serait couverte par l’économie de 1,800 fl. résultant de la destitution de Stappers, et je laisserais à l’administration le soin de répartir le restant, de manière cependant à ce que les agents subalternes fussent exempts de toute nouvelle réduction. Une économie plus considérable compromettrait évidemment le service, et ne pourrait être que préjudiciable au domaine de l’Etat.

D’ailleurs, messieurs, veuillez faire attention qu’au moyen des réductions opérées par le ministre, et de l’amendement que j’ai l’honneur de vous proposer, la dépense de ce service pour 1832 est soulagée de plus de 21 p. c.

M. d’Huart. - Je m’oppose à la réduction de 12,796 fl. que la section centrale propose de faire subir à l’allocation de 112,796 fl. demandée pour le traitement des agents forestiers.

Habitant d’une province où se trouvent en majeure partie les forêts du domaine et les bois communaux, je suis en situation d’apprécier comment le service forestier se fait et quelle est la besogne des agents de cette administration. Je ne crains pas de dire que, s’il est une des sommes demandées au budget qui ne soit pas raisonnablement susceptible de réduction, c’est bien celle dont il s’agit en ce moment. Aucuns fonctionnaires ne sont aussi mal rétribués que les agents forestiers, qui pourtant ont une surveillance de tous les instants à exercer et des fatigues continuelles à supporter.

Pour s’assurer de la modicité de leurs appointements, il n’y a qu’à considérer la moyenne du traitement de tous les fonctionnaires, inspecteurs, sous-inspecteurs et gardes-généraux compris : elle ne s’élève pas à 220 fl. par tête.

Par une partialité digne du gouvernement hollandais, les forestiers ont été ainsi maltraités parce que, tous les bois se trouvant exclusivement dans les provinces méridionales, les emplois étaient occupés par des Belges qui n’étaient pas, comme on sait, les benjamins du roi Guillaume.

Vous ne voudriez pas, messieurs, aggraver une injustice, qui a pesé pendant 15 ans sur une classe très intéressante de fonctionnaires ; vous ne réduirez dont point leurs traitements, et vous ne forcerez pas non plus le gouvernement à rendre leur tâche plus pénible qu’elle ne l’est déjà, en le mettant dans la nécessité de diminuer le personnel de l’administration forestière, ce qui dans ma conviction compromettrait gravement le service.

La section centrale a pensé qu’il y aurait lieu de réduire à fl. 1,500 le traitement de tous les inspecteurs forestiers, ses raisonnements à cet égard, basés, ainsi que l’a dit l’honorable M. Zoude, sur une erreur qui se trouve rectifiée dans le dernier rapport fourni par le ministre des finances, tombent nécessairement d’eux-mêmes. De toute manière et quelque partisan que je sois des économies, je ne consentirai jamais à anéantir tout zèle et toute émulation, en arrachant aux employés la perspective d’obtenir, après une longue carrière, un traitement de 2 à 3 mille florins, avec le grade le plus élevé de l’administration.

Je ne vois de réduction possible sur l’allocation de 112,796 fl. demandée, que celle de 1,800 fl. consentie par M. le ministre, résultant de la suppression de la place de l’inspecteur de Stappers.

Dans la pensée qui paraît avoir dominé M. le ministre des finances, lors de la confection de son budget, que le traité de paix serait immédiatement mis à exécution, il a omis de comprendre dans sa demande d’allocation les traitements des agents forestiers du sol à abandonner en vertu de ce traité dans les provinces du Limbourg et du Luxembourg. Les évènements ayant trompé l’attente de M. le ministre, il y a lieu aujourd’hui de pourvoir au salaire de ces fonctionnaires, qu’il serait injuste de placer dans une position exceptionnelle ; et j’aurais l’honneur de vous proposer à cette fin un amendement tendant à majorer l’allocation ministérielle d’une somme de 19,343 fl. nécessaire, suivant les explications jointes au budget, pour le paiement des agents forestiers des parties cédées du Limbourg et du Luxembourg.

Je ne pense pas, messieurs, que ce soit aujourd’hui le moment de s’occuper de la question d’administration des bois communaux, qui a suscité tant de réclamations sous le précédent gouvernement ; elle trouvera naturellement sa place lors de la discussion des lois provinciale et communale. Consacrant alors l’application des principes posés dans l’article 108 de la constitution, qui assurent aux conseils provinciaux et communaux l’attribution de tout ce qui est d’intérêt provincial et communal, on fera cesser les inquiétudes de ceux qui craignent la continuation de l’ordre de choses actuel, en ce qu’il touche à la haute direction des bois communaux.

M. Pirson. - Ce n’est point contre le chiffre du budget qui pourvoit au traitement des agents forestiers que je m’élève. Mais je saisis cette circonstance pour réclamer, au nom des communes et des particuliers, l’affranchissement de leurs propriétés boisées. La loi fondamentale des Pays-Bas assurait aux communes (article 155) « la direction pleine et entière de leurs intérêts particuliers et domestiques. »

Cependant, leurs propriétés boisées sont restées jusqu’aujourd’hui sous la direction et l’administration des forestiers du gouvernement. Je ne ferai pas aujourd’hui l’énumération du tort qui résulte pour les communes des formalités et de toutes les exigences de la foresterie, et des dépenses qu’elle occasionne. Là un grade forestier, en dissidence avec l’administration communale, suscite toutes sortes d’entrave relativement à l’exploitation des coupes : souvent elles ne sont levées qu’au moyen de quelque cadeau en nature ou en argent. Quelquefois un garde a dans son triage de surveillance des bois éloignés de la commune qu’il habite, en sorte que cette surveillance est à peu près nulle.

Pour donner soi-disant à vivre à un garde forestier, on lui alloue un traitement souvent en disproportion avec la valeur réelle et le revenu de certains bois communaux. On ne tient pas compte de l’aménagement des coupes déjà mesurées ; il faut bien que l’arpenteur de l’administration vive. Ainsi, mesurage nouveau à chaque renouvellement de coupe. Lorsque j’étais commissaire de district, j’ai cherché à abréger les formes. Par exemple, je renvoyais les demandes en délivrance de coupes à l’inspecteur forestier, en l’invitant à me les remettre avec son avis. Je donnais le mien, et les envoyais au gouvernement ; mais bientôt on a rétabli les formes hollandaises. On a voulu que ces demandes parcourussent d’abord toute la hiérarchie du domaine en ligne ascendante et descendante ; et puis la même opération recommence, dans la hiérarchie administrative proprement dite. Tous ces délais, sans être dispendieux, sont pourtant très nuisibles, en ce que les autorisations arrivent souvent en temps inopportun.

Si cet état de choses continuait avec la stagnation de la forgerie, bientôt on verrait plusieurs communes abandonner leurs propriétés boisées, pour se soustraire à des impôts trop élevés et à des frais qu’elles ne pourraient plus acquitter.

Notre constitution actuelle consacre, comme la précédente, le droit que doivent avoir les conseils communaux d’administrer les biens de leurs communes respectives. Il faut que l’article 108 de notre constitution devienne une vérité ; il ne faut pas que les droits communaux soient éludés comme sous le gouvernement précédent. J’espère donc que le ministère tiendra note de mes observations et qu’il s’empressera de faire cesser un état de choses qui ne peut pas exister plus longtemps.

Voilà ce que j’avais à dire dans l’intérêt des communes.

Voici d’autres observations dans l’intérêt des particuliers.

La France nous a légué, en fait de bois particuliers, une législation qui est tombée en désuétude sous certains aspects. On n’exige plus des propriétaires une déclaration des coupes de bois qu’ils se proposent de faire. On ne les soumet plus à la demande d’autorisation pour faire des défrichements. Mais, chose inconcevable, les commissions des gardes particuliers de bois doivent encore être soumises aux agents forestiers du gouvernement.

Je conçois que, pour l’ordre public, une autorité soit chargée de s’assurer si un garde particulier jouit d’une réputation intacte. Mais ce ne sont point les agents forestiers qui doivent être chargés de cette mesure de police ; ce devrait être le procureur du Roi près le tribunal, par devant lequel tout garde particulier est tenu de prêter serment de remplir ses fonctions avec fidélité et en honnête homme.

Je crois qu’une disposition du ministre de la justice suffirait à cet égard, et qu’il n’y aurait pas besoin d’une loi.

Je désire que MM. les ministres de l’intérieur et de la justice veuille bien prendre note de mes observations.

On ne pourra, avant la fin de cette année, changer le système, j’en conviens.

Le ministère tout entier aura à s’occuper des moyens de transition, non seulement en ce qui concerne la foresterie, mais encore en ce qui concerne les contributions, les instructions, etc.

J’observe que, si l’on est arrêté par ce qu’on appelle droits acquis d’un grand nombre de fonctionnaires et d’employés, on n’opérera aucune des réformes réclamées par l’intérêt du trésor et des contribuables.

Quant au chiffre relatif au traitement des agents forestiers, s’il s’élève des objections, je me réserve de donner des explications qui sont à ma connaissance. Je crois que le chiffre amendé par le gouvernement lui-même doit être maintenu.

M. le président se dispose à mettre les amendements aux voix.

M. Ch. de Brouckere. - Mais je m’étonne que le gouvernement n’ait rien dit sur la demande d’une majoration faite par M. d’Huart.

M. d’Huart répond que M. le ministre des finances lui a dit qu’il avait présenté lui-même un amendement à cet égard.

- La proposition de M. Zoude, tendante à réduire le chiffre demandé par le gouvernement de 2,796 fl. 25, est adoptée.

La séance est levée à 4 heures.