(Moniteur belge n°51, du 20 février 1832)
(Présidence de M. de Gerlache.)
La séance est ouverte à une heure et demie.
Après l’appel nominal, le procès-verbal est adopté.
M. le président. - L’ordre du jour appelle le rapport de la commission sur les nouveaux crédits provisoires, demandés par le ministère.
M. d’Elhoungne présente ce rapport, dont la conclusion est que la commission est d’avis d’accorder les crédits en masse, sans adopter les sous-répartitions indiquées par le projet de loi.
- La chambre ordonne l’impression et la distribution de ce rapport ; la discussion est fixée à lundi prochain.
La suite de l’ordre du jour est le rapport des pétitions.
M. Poschet, premier rapporteur. - « Plusieurs propriétaires des communes de Lomprez et de Neufchâteau demandent l’achèvement de la route de Falmignoul à Beauraing, par Lomprez. »
La commission propose le dépôt au bureau des renseignements et le renvoi au ministre de l’intérieur.
M. Zoude demande la parole, et présente à l’appui de la pétition un mémoire, pour prouver que l’achèvement de la route dont il s’agit est utile et nécessaire. Ce mémoire, ajoute-t-il, est signé par plusieurs personnes honorables, au nombre desquelles je figure. (Rire général.) Je demande qu’il soit renvoyé avec la pétition à M. le ministre de l'intérieur.
M. de Robaulx. - Je ne m’oppose pas à ce que l’on envoie la note, mais il ne faut pas qu’il soit fait mention que la chambre l’a ordonné ; car, si chaque membre voulait en présenter de semblables sur les pétitions auxquelles il s’intéresse, il s’ensuivrait que les ministres ne s’y reconnaîtraient plus.
- Le double renvoi est ordonné. M. Zoude dépose son mémoire pour être joint à la pétition.
M. Poschet, rapporteur. - « Le sieur P.-J. Waxweiler, à Bastogne, ex-principal du collège de Saint-Hubert, demande une pension ou une indemnité. »
La commission propose le dépôt au bureau des renseignements et le renvoi au ministre de l’intérieur. »
M. Zoude appuie la demande du pétitionnaire.
- Le double renvoi proposé est adopté.
M. Olislagers, deuxième rapporteur. - « La régence de la commune de Leugnies s’adresse à la chambre au nom d’une veuve de la commune, qui a épuisé toutes les voies légales pour obtenir l’exemption de son fils unique, qui pourvoit à sa subsistance. »
Le rapporteur conclut au renvoi à M. le ministre de l'intérieur.
M. Goethals demande que l’on passe à l’ordre du jour, parce qu’il y a force de chose jugée par les états-députés, qui sont juges compétentes et qui prononcent en dernier ressort.
M. Jullien. - Je ne pense pas que les décisions des états députés soient en dernier ressort.
M. Goethals. - Pardon ! la loi sur la milice le dit formellement.
M. Jullien. - Je ne veux point le contester, puisque notre honorable collègue l’assure ; cependant cela ne peut être qu’une exception à la règle générale qui est le droit commun, et, dans le doute, j’appuierai le renvoi.
M. Dumont fait observer que maintenant encore on s’adresse aux ministres pour faire réformer un arrêté des députations.
M. Leclercq pense, en effet, que la disposition dont parle M. Goethals est une exception à la règle commune, et que c’est une garantie accordée aux citoyens ; car le législateur a voulu qu’ils fussent jugés par des magistrats élus du peuple, et cela en dernier ressort, pour que leur sort ne fût pas laissé à l’arbitrage d’un ministre.
M. Goethals donne lecture d’un article de la loi sur la milice, où il est dit que les états députés jugent en dernier ressort.
M. H. de Brouckere. - Malgré ces expressions, les décisions des états députés étaient, sous l’ancien gouvernement, et d’après un article de la constitution, soumises au roi. Je sais que notre loi fondamentale n’est plus de même aujourd’hui ; mais je ne pense pas, comme M. Leclercq, que cela ne puisse avoir lieu. Au surplus, cette question est oiseuse maintenant. Il suffit que la pétitionnaire déclare qu’elle a épuisé tous les degrés de juridiction pour passer à l’ordre du jour.
- L’ordre du jour est mis aux voix et adopté.
M. Olislagers, rapporteur. - « Le sieur Cellier-Blumenthal, à Bruxelles, demande le rapport immédiat de la loi de 1822 sur les distilleries, et soumet de nouvelles observations sur cette branche. »
M. A. Rodenbach. - Le pétitionnaire se plaint-il de ce que l’on ait fait fermer son établissement de distillerie ? Je désire le savoir, car un distillateur nous a fait distribuer un imprimé où il adresse ce reproche à l’administration.
M. Duvivier. - Je demande la parole. Je prie la chambre de me permettre de lui lire la note suivante :
L’article premier de la loi sur les distilleries statue que la base de l’impôt est la capacité des cuves ou celle de l’alambic, multipliée par le nombre de renouvellement de mise en macération ou de bouillées, selon que l’une ou l’autre fournît la plus grande quantité imposable de matière.
Dans les distilleries à alambics ordinaires, l’emploi de l’alambic et le nombre de bouillées qui s’y effectuent se déterminent par l’opération matérielle du remplissable et de la décharge de ce vaisseau aux heures indiquées à cet effet.
Mais, dans les appareils à vapeur dits de Cellier-Blumenthal, la distillation est continue, c’est-à-dire que les matières y sont passées sans interruption pendant tout le cours de la distillation ; on n’y peut distinguer les bouillées ; il faut donc en régler l’emploi, non pas chargement ou bouillée, mais par heure de distillation, et les quantités que ces appareils distillent par heure sont ordinairement de 10 à 12 hectolitres de matière et plus.
L’article 25 de la loi ne permet l’usage de ces appareils à vapeur que moyennant l’autorisation de l’administration, qui peut les admetre ou les refuser, et qui, d’après les termes formels de cet article, peut fixer les conditions auxquelles elle consent à cette admission.
L’autorisation qu’elle accorde à cet effet s’établit par un contrat d’abonnement, contenant les conditions requises : telle que celle de se soumettre à une prise en charge par heure, proportionnée aux dimensions, etc. ; celle de renoncer à la fraude ; celle encore de ne point excéder le nombre d’heures de distillation que le distillateur déclare lui-même pour cette opération, et qui devient ainsi la base du droit. Enfin, il y est stipulé que, si le distillateur enfreint les conditions ou se livre à la fraude, il sera privé de l’autorisation de l’article 25, que l’administraton se réserve de lui retirer dans ce cas, avec le droit d’y faire apposer les scellés. L’auteur de l’imprimé distribué aux membres de la chambre cite cette mesure comme un arrêté ; mais ce n’est point un arrêté, c’est une clause, une stipulation insérée dans un contrat d’abonnement que l’article 25 autorise l’administration à régler par des conditions et même à refuser.
Eh bien ! quand on viole ce contrat, elle retire l’autorisation : il n’y a rien en cela que de très équitable, très légal et très naturel ; et, par suite de ce retrait, l’usage de l’appareil cesse d’être autorisé.
Il est de plus à remarquer qu’ici ce n’est plus l’article 30, tolérant une prolongation de demi-heure pour les bouillées ordinaires, qui est applicable à l’espèce, mais seulement la convention par heure de distillation continue : base du droit qui ne peut être excédée sans fraude.
Voilà ce que l’auteur de l’imprimé appelle le droit de fermer toutes les distilleries, tandis que ce n’est ici qu’une sanction pénale, une conditions spéciale, nécessitée par la nature de l’appareil, que l’administration a la faculté de contracer dans l’acte d’autorisation, et qu’elle ne stipule que pour les seuls appareils à vapeur à distillation continue.
Lorsque, dans un alambic ordinaire de 5, 8, 10 ou 12 hectolitres, un distillateur fait une bouillée de plus que celles déclarées, il fraude les droits sur ces quantités.
Quand, dans un alambic à vapeur, le distillateur distille une demi-heure, ou une heure de plus que le nombre d’heures servant de base à l’impôt, qu’il a déclarées, il commet la même fraude que le premier, puisqu’il distillerie, sans droits, une quantité de 5 à 12 hectolitres, avec la différence que cette contravention ne peut pas être constatée comme pour l’autre en quantités, mais seulement en durée ou excès de temps.
Ces abonnements et ces conditions sont très légaux, fondés sur les termes exprès de l’article 25 de la loi ; et l’auteur de l’imprimé exagère sans mesure quand il prétend que l’on ferme des distilleries, car jamais une seule distillerie n’a été fermée par l’ordre de l’administration. Il exagère encore quand il prétend que cette condition de fermeture est imposée pour toutes les distilleries, car elle ne l’est qu’aux seules distilleries à vapeur, où elle constitue une condition spéciale indispensable pour empêcher la fraude d’excès de temps de la distillation continue.
Si l’exécution de cette condition devait être appliquée, les tribunaux deviendraient juges de la légalité de cette application, dont le cas ne s’est pas encore présenté. Mais l’article 25 ne permet pas d’en contester, pour ces appareils, le droit à l’administration, et le pétitionnaire est le seul qui se soit plaint de cette disposition, quoique, n’étant pas distillateur, il n’ait sous ce rapport aucun droit de s’en plaindre. Si des distillateurs, réellement intéressés à contester à l’administration le droit qui lui est attribué à l’égard des appareils à vapeur par l’article 25 de la loi, voulaient élever cette contestation, le recours aux tribunaux leur est ouvert et leur offre un moyen légal et constitutionnel de faire réformer des mesures administratives, s’il en existait qui ne fussent point conformes à la loi.
M. A. Rodenbach répond que par voie d’abonnement on en vient à l’arbitraire ; il soutient qu’un distillateur a vu arrêter ses travaux par l’administration et il pense, au surplus, que l’ancienne loi sur les distilleries doit cesser de nous régir.
M. Duvivier. - Mais il y a une loi pourtant ; il faudrait faire attention à cela, et ne point toujours venir nous faire des reproches d’illégalité. D’ailleurs, la nouvelle loi est sur le point d’être terminée.
M. Berger. - Messieurs, en supposant même que le pétitionnaire soit dans l’erreur, relativement aux faits que M. Duvivier vient d’expliquer, sa pétition n’est pas moins importante, par rapport aux principes qu’elle exprime. Le pétitionnaire vous entretient de l’état de détresse de nos distilleries, et propose l’abrogation complète de la loi du 26 août 1822, en réclamant pour cette industrie la même liberté qui existe pour tant d’autres. Il est certain, messieurs, qu’aucune autre industrie ne mérite davantage votre intérêt, votre sollicitude. Indépendamment que, d’un produit de notre sol, elle crée un objet de commerce, ce n’est qu’au moyen de son concours que le cultivateur est en état de nourrir le bétail nécessaire à l’engrais de ses terres et au défrichement des landes couvertes de bruyères.
La loi du 26 août 1822 sur les distilleries indigènes est si désastreuse ; elle a porté la ruine dans tant de familles ; il est tellement difficile, sinon impossible, de faire une bonne loi sur cette matière ; à cet égard, la Belgique est placée dans une position si fâcheuse, entourées qu’elle est de la Prusse, de la France et de la Hollande, tous pays où la distillation est dans un état florissant, que j’ai la conviction que réellement il n’y a qu’une liberté entière de cette industrie qui puisse nous affranchir une bonne fois du tribut que nous payons sur ce rapport aux Etats voisins. Il est très vrai, messieurs, ainsi que le dit le pétitionnaire, que, par suite de cette loi désastreuse sur les distilleries, le nombre des bestiaux a tellement diminué dans plusieurs de nos provinces, qu’il suffit à peine à la consommation de ses habitants. Messieurs, on cherche des encouragements pour l’agriculture dans des traités de commerce avec les pays limitrophes ; mais il est des encouragements plus efficaces que tous les traité de commerce, et pour lesquels nous n’avons pas besoin du consentement d’autrui ; ils consistent dans l’abrogation des mauvaises lois de finances et industrielles, que la Hollande nous a léguées.
Chose étrange ! c’est l’oppression et le despotisme insultants de ces lois qui ont fait prendre aux masses une part si vive à la révolution ; et, maintenant que les Hollandais sont chassés, nous manquons de courage pour nous débarrasser de leur triste héritage !
J’ajouterai encore une observation : c’est en vain que vous aurez écrit le mot de liberté dans votre charte, si le despotisme règne dans vos lois de finances et industrielles ; quand il n’y aura pas de liberté pour l’industriel, le distillateur, le cultivateur, à qui s’appliquera en définitive ce mot magique, tracé en si beaux caractères dans le pacte fondamental !
Comme le ministre des finances s’occupe en ce moment d’une nouvelle loi sur les distilleries, je demande que la pétition lui soit renvoyée, et je souhaite vivement que les principes de liberté que le pétitionnaire professe soient adoptés par le gouvernement comme l’unique moyen de guérir l’une des plaies les plus profondes dont le gouvernement précédent ait frappé la Belgique agricole.
M. Helias d’Huddeghem. - Le ministère devrait bien nous présenter la nouvelle loi sur les distilleries, pour faire cesser ces réclamations sans nombre et les discussions fréquentes qu’elles soulèvent.
M. Duvivier. - Je répèterai ce que je viens de dire tout à l’heure. Le projet de loi est terminé ; seulement M. d’Elhoungne, qui est rapporteur de la commission, a désiré le revoir avant qu’il fût soumis à la chambre.
- Le dépôt au bureau des renseignements et le renvoi au ministre des finances, proposés par M. Berger, sont ordonnés.
M. Olislagers, rapporteur. - « Le sieur Van Hal, négociant à Turnhout, réclame contre l’établissement de la nouvelle ligne de douanes, qui comprend dans ses limites un établissement de blanchisserie de fils et toiles qui alimente un grand nombre de familles. »
La commission propose le renvoi au ministre des finances.
M. de Nef. - Messieurs, je crois, à l’occasion de cette pétition, devoir vous soumettre quelques observations essentielles.
Le pétitionnaire exprime le vœu que la loi sur la ligne des douanes, dont le projet a été présenté dans la séance du 20 janvier dernier, détermine elle-même le rayon et ne l’abandonne pas au libre arbitre du pouvoir exécutif, comme fait le projet.
Les opérations préliminaires, que les employés ont déjà commencé à faire, m’ont aussi convaincu de la justice de cette demande, et je pense qu’il serait à désirer que M. le ministre des finances ajoutât au projet de loi la détermination précise du rayon qu’il se propose d’établir : de cette manière, on calmerait les justes inquiétudes de plusieurs populations considérables, qui se voient à la veille d’une ruine presque totale, et parmi lesquelles je puis citer la ville de Turnhout, qui se trouve précisément dans ce cas, et dont je connais spécialement les localités.
Cette ville, qui débitait jadis en France le produit de ses nombreuses fabriques, a vu en 1814 tarir les sources de sa prospérité, et ce n’est que très difficilement qu’un certain nombre d’ouvriers parvient encore à s’y procurer par le travail des moyens de subsistance, tandis qu’un plus grand nombre s’en trouve même absolument privé et sans ressources. Aujourd’hui, la manière dont on veut y tracer la ligne de douanes vient la menacer d’une nouvelle calamité, et lui porterait le dernier coup.
La ligne, telle qu’elle y est projetée, viendrait aboutir jusqu’au commencement des rues habitées par la population agglomérée, et renfermerait ainsi dans son sein plusieurs hameaux ou dépendances de la ville, et qui contiennent une population de 3 à 4,000 habitants.
Si ce projet recevait son exécution, la ville se trouverait réellement séparée en deux. Les habitants de la partie comprise dans l’intérieur de la ligne seraient véritablement anéantis ; les nombreux tisserands qui se lasseraient d’être constamment soumis à la formalité des permis ou passavants, engageraient souvent des rixes avec les douaniers, dont le personnel devrait par suite être augmenté à grand frais : enfin, la ruine de plusieurs établissements viendrait encore diminuer le travail et ajouter à la misère de la classe ouvrière.
S’il y avait nécessité absolue, si le service des douanes exigeait indispensablement ce résultat, je serais le premier à déclarer qu’il faudrait se soumettre et se résigner ; mais il n’en est pas ainsi : il suffit de retracer la ligne entre Turnhout et Bar-le-Duc d’un quart de myriamètre, et dès lors tous les inconvénients disparaissent, en même temps que le service des douanes, loin d’en souffrir, ne fera au contraire qu’y gagner. L’espace, qui formera alors la ligne ou territoire réservé, se composera presque entièrement d’une bruyère plate, où il n’est pas possible de circuler sans être de suite aperçu à une grande distance ; cet espace sera donc extrêmement facile à surveiller ; il ne faudra plus délivrer une masse de permis ou passavants, dont la complication enfanterait le désordre et favoriserait la fraude ; enfin, la surveillance étant ainsi plus simple et plus facile, le personnel pourra être moins nombreux, et, par suite, moins onéreux pour l’Etat.
D’ailleurs, ce que je demande pour la ville de Turnhout, et toute autre qui se trouve dans le même cas, est entièrement conforme à l’esprit de la loi antérieure du 26 août 1822, et à ce que M. le ministre des finances disait lui-même dans son rapport ou discours prononcé dans la séance du 20 janvier dernier.
« Au surplus, dit M. le ministre, en déterminant le cours du nouveau rayon, le gouvernement fera tout ce qui sera possible pour concilier les intérêts du commerce et des populations des frontières, avec les garanties et la protection dues à l’industrie nationale et au trésor : si, par exemple, une rivière ou canal, une route, une population considérable se trouve à peu près à la distance d’un myriamètre de la frontière, on les laissera, autant que possible, au-dehors de la ligne. »
J’ajouterai encore que, si la ligne de douanes a été portée aussi loin dans la ville de Turnhout, c’est parce que l’on a mesuré la ligne en partant de l’extrémité d’une langue de bruyère, qui avance dans le territoire belge et qu’il ne fallait pas considérer seule comme formant la séparation des deux pays. En opérant ainsi, on a fait diamétralement le contraire de ce que nous a dit M. le ministre des finances, au sujet des communes considérables se trouvant à peu près à la distance d’un myriamètre de la frontière ; et, par conséquent, les craintes que l’on conçoit sur l’arbitraire laissé au pouvoir exécutif sont entièrement fondées.
Je demande donc le renvoi de la pétition à M. le ministre des finances, qui, de plus, sera prié de faire connaître à la chambre le projet du rayon qu’il se propose de tracer, afin que, pour toutes les populations considérables qui se trouvent dans le même cas que Turnhout, la loi elle-même réduise la profondeur du rayon à un demi ou à trois quart de myriamètre. De cette manière, tout sera concilié : les intérêts de plusieurs milliers d’habitants ne seront pas sacrifiés ; et, d’autre part, avec un bon système de douanes, des droits modérés, des fortes amendes, et un personnel composé de bons employés, le trésor n’aura rien à craindre de la fraude, surtout quand il s’agit d’un terrain aussi facile à surveiller.
M. Destouvelles. - Les explications que demandent M. de Nef sont inutiles, car elles se trouveront dans le projet de loi que présentera le gouvernement sur cet objet.
M. de Nef. - Mais il ne sera plus temps alors, car la ligne de douanes sera tracée.
M. Destouvelles. - Eh bien ! vous présenterez un amendement, si elle ne l’est pas de la manière que vous l’entendez.
M. de Nef. - Je demande que la pétition soit renvoyée, avec prière au gouvernement de réduire, pour toutes les populations qui se trouvent dans le même cas que la ville de Turnhout, la profondeur du rayon à 1/2 ou 3/4 de myriamètre.
M. le président. - Le ministère lira votre demande.
M. de Nef. - Alors c’est bon.
M. le président met aux voix le renvoi pur et simple, et déclare qu’il est ordonné.
M. de Nef. - Avec la prière… (Rire général.)
M. Olislagers, rapporteur. - « Quatre habitants de la commune de Tarciennes réclament contre la proposition de MM. de Robaulx et Seron, relative à l’instruction. »
La commission conclut à l’ordre du jour.
M. Seron. - Messieurs, il me sera permis sans doute de dire un mot au sujet de la pétition attribuée à quelques habitants de la commune de Tarciennes, et dans laquelle il est parlé uniquement de moi, et nullement de mon honorable collègue et ami M. de Robaulx. En développant, à la séance du 20 janvier dernier, notre proposition sur l’enseignement primaire, j’ai cité des faits, mais à l’exception des hommes de la révolution de 1789 et 1790 qui appartiennent à l’histoire : je n’ai nommé ni les personnes, ni leur domicile, ni leur canton, ni leur province. Cette réticence, dont la tribune française offre fréquemment des exemples, m’a paru sage et parlementaire. Cependant il est des hommes qui se sont écriés : « Ce que vous avancez est faux ; c’est de nous que vous avez voulu parler. » Mais, si mes assertions sont inexactes, comment donc ont-ils pu s’en faire l’application ? Comment n’ont-ils pas craint que le public se rappelât la maxime triviale : qui se sent rogneux se gratte, et leur dît : « Messieurs, c’est vous-mêmes qui vous êtes nommés. »
Notre proposition a été attaquée avec violence dans un grand nombre de journaux, non pas, ainsi qu’on a bien voulu le dire, à cause des développements qui l’ont suivie, mais visiblement parce qu’elle contrariait les vues d’un parti. Effectivement, n’est-il pas vrai qu’à son apparition, isolée, nue, dépouillée de toute explication, de tout commentaire, on lui reproche de porter atteinte à la liberté, et qu’elle nous valût les épithètes de « ministériels » et d’« intolérants » ?
Depuis, et tout récemment encore, on a imprimé que nous voulions rompre l’union, nous dont, au contraire, le vœu le plus ardent est que les citoyens restent unis pour être forts. On nous a peints, tant les passions raisonnent juste, comme des ennemis de la révolution de 1830. Est-ce parce que nous croyons que, pour avoir un but raisonnable, elle doit améliorer la condition des classes nécessiteuses et tourner au profit de la nation entière, au lieu d’être exploitée par quelques hommes dans leur intérêt particulier ?
Mais nos adversaires, disons mieux nos ennemis, ne se bornent pas à nous calomnier dans les feuilles publiques : mécontents, peut-être, de ce que nous ne leur avons pas fait l’honneur de leur répondre, ils distillent aujourd’hui leur venin dans de prétendues pétitions qu’ils n’ont pas le courage de signer. La pièce, messieurs, dont vous venez d’entendre une courte analyse, est pseudonyme ; j’en tiens la preuve, que je suis prête à déposer sur le bureau de la chambre. C’est une déclaration de M. le bourgmestre de la commune de Tarcienne lui-même, de laquelle il résulte que les noms des pétitionnaires sont supposés. Voici cette déclaration : « Le soussigné, bourgmestre de la commune de Tarciennes, province de Namur, certifie qu’il n’existe pas d’individus dans sa commune portant les noms de J.-N. Bridart, F.-M. Dorange, T. Minaux, Fait à Tarciennes, le 13 février 1832. Signé, Piret. »
Ces courtes explications, messieurs, vous donneront une idée de la candeur, de la franchise et de la bonne foi des âmes charitables qui essaient de me dénigrer. Elles vous prouveront que leur haine, je dirai leur rage, est capable de tout, puisqu’elle ne craint ni d’abuser du droit sacré de pétition, ni de commettre un faux.
M. de Robaulx. - Vous voyez que les individus qui nous calomnient se sont cachés sous l’anonyme. Je demande, d’après le règlement, que la pétition soit écartée, c’est-à-dire, que la chambre ne prenne aucune décision.
M. H. de Brouckere. - La commission, n’ayant point été informée de cette circonstance, avait conclu à l’ordre du jour ; mais maintenant que nous le savons, j’appuie la proposition de M. de Robaulx.
- La pétition est écartée comme pseudonyme.
La chambre ordonne le dépôt au bureau des renseignements des pétitions :
« 1° Du sieur Egide Verbist, médecin à Gheel, qui demande le rapport de la disposition de la loi qui assimile les chevaux et voitures des médecins aux chevaux et voitures de luxe. »
« 2° Du sieur Destaville, à Liége, qui demande la promulgation d’une loi ayant pour objet de déclarer que toute démission ou révocation de fonctions publiques, soit honorifiques ou rétribuées, sera motivée, et une expédition entière de la décision sera notifiée à l’éliminé, etc. »
« 3° Du sieur Henry, avocat à Furnes, qui demande la promulgation d’une loi d’après laquelle le Roi puisse conférer les ordres militaires, conformément à l’article 76 de la constitution. »
« 4° Du sieur F. Nollet, à Ath, qui demande la suppression d’une des trois universités du royaume, qui serait remplacée par une école centrale d’industrie. »
« 5° De huit entrepreneurs de roulage et voituriers de Bruxelles et Liége, qui prient la chambre d’adopter le projet de loi relatif aux barrières et ponts à bascule, présenté par M. Incalle. »
Cette dernière pétition est, en outre, renvoyée au ministre de l’intérieur.
Le renvoi au ministre de la justice et le dépôt au bureau des renseignements de celles :
« 1° Des administrations communales de Nassogne, qui demandent, lors de la nouvelle organisation judiciaire, la conservation de la justice de paix de leur canton. »
« 2° Des régences des communes de Beveren, Zwyndrecht, etc., qui demandent un tribunal civil à Saint-Nicolas. »
« 3° Et de la régence de Saint-Nicolas, qui demande, pour le district de ce nom, le rétablissement du tribunal de première instance, qui y était sous le gouvernement français. »
Le renvoi à la commission d’industrie et au ministre des finances :
« De celle du sieur Nollet, qui propose à la chambre d’adopter, lors de la discussion du projet de loi sur les distilleries, un nouvel instrument, connu sous le nom d’alcoomètre centésimal. »
Le renvoi à la commission des mines de celles :
« 1° Du comité des houillères des environs de Charleroi, qui adresse des observations tendant au maintien de la loi du 21 avril 1810 sur les mines. »
« 2° de l’administration de Morcalmé, qui adresse des observations relatives au projet sur les mines. »
« 3° D’un grand nombre d’habitants des communes de Roux, Lodelinsart et Châteelmeau (Hainaut), qui demandent que l’ancienne législation, qui permettait au propriétaire du sol d’exploiter le fond, soit remis en vigueur. »
« 4° De la régence de la commune de Fraire-Fairoul (Namur), qui adresse des observations relatives au projet de loi sur les mines. »
Le renvoi au ministre de la guerre :
« De celle du sieur Alleman, à Diest, ex-lieutenant-adjudant au deuxième bataillon de tirailleurs-francs, qui demande, en indemnité de la perte de son grade, un emploi civil pour subvenir à la subsistance d’une nombreuse famille. »
Le renvoi au ministre de l’intérieur :
« De celle des sieurs Lowette et Knapen, à Horpmael, qui demandent la révocation du bourgmestre de leur commune et du sous-secrétaire, résidant tous deux à plus d’une lieue de distance. »
Le dépôt au bureau des renseignements pour la première partie, et le renvoi au ministre de l’intérieur pour la seconde partie :
« De celle du sieur Daubreby, maçon à Bruxelles, qui réclame : 1° le paiement du reste de l’indemnité qui lui a été alloué du chef des pertes éprouvées dans les journées de septembre ; 2° et à être rémunéré jusqu’à concurrence de la somme de 1,000 fl., comme membre de la commission chargée de visiter les lieux dévastés. »
Enfin, la chambre passe à l’ordre du jour sur celles :
« 1° Du sieur Oakes, baronnet anglais, résidant à Tournai, qui demande, comme étranger, à être exempté du paiement des emprunts.
« 2° Et de quatre habitants de Renaix, qui réclament contre des dépenses du conseil cantonal relatives au premier ban de la garde civique, et demandent l’interprétation de la législation.
- La séance est levée à 4 heures moins un quart.