(Moniteur belge n°36, du 5 février 1832)
(Présidence de M. de Gerlache.)
La séance est ouverte à deux heures.
M. Lebègue fait l’appel nominal.
M. Dellafaille lit le procès-verbal ; il est adopté.
M. Lebègue analyse plusieurs pétitions, qui sont renvoyées à la commission.
M. Destouvelles demande la parole, et fait une motion d’ordre tendante à ce que la section centrale présente un rapport particulier sur chaque budget, et qu’on les discute séparément. Ce mode offrirait l’avantage d’une grande célérité ; car on pourrait envoyer, au fur et à mesure de leur délibération, chacun de ces budgets au sénat, de sorte que les deux chambres y travailleraient simultanément, tandis que si, on les vote en masse sur un rapport général, il en résultera un fort long retard. L’orateur fait encore valoir, à l’appui de ce qu’il propose, une autre considération, c’est que, dans le cas où l’on ne diviserait pas les budgets, les membres seraient obligés de les voter en masse, bien qu’ils crussent devoir en refuser certaines parties. Par ces deux motifs, il croit que la chambre adoptera sa motion.
M. Dumortier. - Messieurs, nous venons de terminer l’examen du budget des finances. La section centrale y a introduit quelques économies, non point par suite d’une boutade, mais après une mûre délibération, et après avoir envisagé tout le budget dans son ensemble. Si maintenant vous allez le scinder, il y aura des choses qui vous paraîtront fort singulières. L’orateur ajoute que, depuis qu’il a été nommé rapporteur de la section centrale, il n’a cessé de travailler au rapport général, qu’il y travaille encore, et qu’il lui serait impossible maintenant de décomposer son travail pour en faire des rapports particuliers. D’ailleurs, la loi que le gouvernement a présentée est une, et il pense que la section centrale ne peut et ne doit faire qu’un seul rapport ; mais la chambre délibérera sur l’un, puis sur l’autre des budgets, et ensuite votera sur le tout.
M. Delehaye. - J’adopte tout à fait la motion d’odre de M. Destouvelles, et je puiserai mes aurguments pour la soutenir, précisément dans ce qu’a dit M. Dumortier. Il a déclaré que le travail des budgets était à la veille d’être terminé, et qu’il l’avait déjà examiné comme rapporteur général. Eh bien ! je ne vois pas pourquoi il ne pourrait pas être scindé ; il me semble même que cela, loin d’offrir des inconvénients, serait d’une grande facilité ; car ce qui aurait été adopté pour le ministère de la justice, par exemple, pourrait l’être aussi pour les autres. Quant à l’objection qu’a faite l’honorable membre, et qui consiste à dire qu’il ne nous a été présenté qu’une seule loi, et que nous devons procéder en conséquence, la chambre peut ordonner la division de cette loi sur la proposiiton d’un de ses memberes, puisque chacun de nous a le droit d’initiative.
M. Destouvelles. - J’avas déjà présenté mes vues à M. Dumortier ; c’est parce qu’il y a refusé son assentiment, que j’ai cru devoir les soumettre à la chambre, pour qu’elle juge entre nous. Je crois que mon système entre dans la véritable voie constitutionnelle ; mais vouloir voter le budget en masse, c’est nous ramener au régime hollandais. On a dit que nous ne pouvions pas scinder le budget, parce que la loi présentée par le gouvernement était une ; mais le gouvernement consent à ce qu’elle soit divisée, et la chambre peut l’ordonner. L’orateur revient ensuite sur les avantages que présente sa proposiiton.
- La discussion se prolonge. Parlent encore pour la motion : M. Barthélemy, M. Delehaye, M. H. de Brouckere, M. Leclercq et M. Destouvelles ; et contre : M. Dumortier, M. Dubus, M. d’Elhoungne et M. Ch. Vilain XIIII. M. Dewitte et M. A. Rodenbach demandent que la proposition soit déposée dans les formes ordinaires.
Enfin, la question est ainsi posée : Sera-t-il fait un rapport séparé et successivement sur chaque budget ?
Elle est mise aux voix et adoptée.
M. Dumortier. - Je voudrai qu’on me dît maintenant, si je devrai mettre un projet de loi séparé à la fin de chaque rapport ; car il faut un projet pour discuter.
M. Destouvelles. - M. Dumortier peut toujours présenter un rapport, et c’est alors qu’on verra quel mode devra être fixé pour la discussion. (Oui ! oui ! Appuyé !)
L’ordre du jour est le rapport des pétitions.
M. Gendebien propose, par une motion d’ordre, qu’à l’avenir on imprime sur le feuilleton, à la suite des pétitions, les conclusions de la commission chargée de leur examen.
- Après une légère discussion, cette motion est mise aux voix et adoptée.
M. Dewitte, premier rapporteur de la commission des pétitions. - « Le sieur Courte, maître d’école depuis 36 ans à Forêt (Liège), demande une pension à cause de ses infirmités. »
La commission propose le renvoi au ministre de l’intérieur et au bureau des renseignements.
M. Leclercq combat ces conclusions, par le motif que le pétitionnaire devait s’adresser directement au ministre.
M. H. de Brouckere. - Mais le ministre répond à des demandes de ce genre que l’on doit s’adresser à la chambre, parce qu’il faut une loi pour accorder des pensions.
M. Delehaye demande le dépôt au bureau des renseignements pur et simple, qui est appuyé par M. le ministre de la guerre (M. Ch. de Brouckere) et ordonné.
M. Dewitte, rapporteur. - « La régence et plusieurs habitants de Gédinnes (Dinant) demandent l’achèvement de la route projetée de Beauraing par Bieffe. »
M. Pirson, dans un discours écrit, appuie le renvoi au ministre de l’intérieur, et présente plusieurs observations, qu’il dépose parmi les pièces accompagnant la pétition.
Le renvoi au ministre de l’intérieur est ordonné.
M. Dewitte, rapporteur. - « Le sieur Arnould Vanderhaegen, ex-sous-lieutenant au 12ème régiment de ligne, à Grammont, demande sa mise en activité de service, ou une pension conforme à son grade. »
La commission propose le renvoi au ministre de la guerre.
M. Gendebien demande que M. le ministre de la guerre donne des explications catégoriques sur la pétition, pour que le sort de plusieurs autres officiers, qui se trouvent dans le même cas, soit définitivement fixé. Il cite le nom du sieur Delson, qui a combattu dans les journées de septembre, et qui a beaucoup contribué au triomphe de la liberté. Ce brave militaire, dit-il, après avoir quitté son état pour combattre en faveur de la cause de Léopold, est destitué par son ministre, sans une mention honorable, tandis que je connais de très jeunes officiers qui sont maintenant dans leurs grades, sans avoir aucun titre à montrer. Je désire donc que la pétition soit renvoyée au ministre de la guerre, avec invitation de s’expliquer.
- Cette proposition est adoptée.
M. Dewitte, rapporteur. - « L’épouse Broglia, né de Mathieu, fabricante à Anvers, réclame le paiement de fournitures faites par elle au 5ème bataillon de chasseurs, d’après un mémoire imprimé qu’elle y joint. »
La commission propose l’ordre du jour, par le motif que la pétitionnaire s’est adressée au ministre de la guerre, et que celui-ci a répondu qu’il ne pouvait faire droit à sa demande.
M. Gendebien demande le renvoi au ministre de la guerre. Il rappelle les services rendus par le mari de la dame Broglia, et il croit que ces services seuls suffisent pour que la pétition soit soumise à un examen ultérieur.
M. H. de Brouckere. - La commission a pensé que le renvoi au ministre de la guerre était tout à fait inutile, puisque le ministre a déjà répondu qu’il était possible que les fournitues eussent été faites, mais qu’il ne pouvait prendre sur lui de les payer, attendu que ceux qui les ont commandés n’avaient pas le droit de les faire.
M. Gendebien insiste pour le renvoi.
M. le ministre de la guerre (M. Ch. de Brouckere). - Je ne puis pas m’expliquer sur la question avant que des affaires du même bataillon soient jugées par la haute cour, qui en est saisie.
M. Gendebien. - C’est une raison de plus de renvoyer la pétition à M. le ministre de la guerre.
- Le renvoi au ministre de la guerre est ordonné.
M. Dewitte, rapporteur. - « Les officiers du 3ème régiment de chasseurs à pied, brigade Mellinet, renouvellent leur demande de réintégration dans leur grade ou une pension. »
La commission propose le renvoi au ministre de la guerre.
M. Gendebien. demande le renvoi au ministre de la guerre, avec invitation de s’expliquer.
- Cette proposition est adoptée.
M. Gendebien. - Je viens de recevoir une lettre d’un ancien adjudant sous-officier nommé Catheaux, qui a été arrêté d’une manière tout à fait illégale ; et quand il a demandé les motifs de cette détention arbitraire, on lui a imposé silence, en lui disant que, s’il faisait des observations, il serait reconduit par la gendarmerie, jusqu’à la frontière. C’est un Français, qui est réclamé par l’ambassade française.
M. le ministre de la guerre (M. Ch. de Brouckere). - L’administrateur-général de la police, qui est venu ce matin, m’a parlé par hasard de cette personne ; je me souviens qu’il m’a dit qu’elle était réclamée par l’ambassade de France, mais voilà tout ce que j’en sais. Je ne vois pas ce que cette arrestation peut avoir de commun avec les officiers du 3ème bataillon de chasseurs à pied, dont on vient de lire la pétition.
M. Gendebien. - Je n’ai pas raconté cela comme ayant trait à la pétition dont il s'agit, ni comme interpellation à M. le ministre de la guerre ; c’était seulement pour informer la chambre de la conduite illégale des agents de la police judiciaire.
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - J’ai reçu communication de ce fait ; j’ai demandé pourquoi cette personne était arrêtée, on m’a dit qu’elle était accusée de plusieurs délits.
M. Gendebien. - L’arrestation n’en a pas moins été faite d’une manière arbitraire, et sans mandat d’amener, à ce que m’assure le pétitionnaire, et je dois le croire jusqu’à ce qu’on me prouve qu’il en est autrement. (Murmures.)
- On reprend le rapport des pétitions.
M. Milcamps, deuxième rapporteur. - « Le sieur Devillers, saunier à Fosses (Namur), adresse à la chambre des observations relatives au projet de loi sur les sels.
- La commission propose le renvoi à la commission d’industrie et le dépôt au bureau des renseignements, qui sont ordonnés.
M. Milcamps, rapporteur. - « Le sieur Piérard, avocat à Thurin, signale des abus résultant d’une fausse interprétation de la loi sur la milice. »
L’auteur de cette pétition demande que la loi soit exécutée ou interprétée dans le sens que le frère d’un subsistué soit exempt.
Les lois sur la milice étant précises sur ce point, il a paru qu’il ne pouvait avoir lieu à interprétation de ces lois.
S’il s’agit d’une exemption définitive que réclame celui dont le frère a rempli son terme de service par substitution, cette exemption ne peut avoir lieu ; car la loi du 21 avril 1820 n’accorde cette exemption qu’au frère de celui qui a rempli son terme de service, soit en personne (article 22), soit par remplacement (article 23). Or, on ne peut étendre la faveur de l’exemption à des cas non énoncés dans la loi.
Toutefois, la pétition vous étant présentée dans l’intérêt général et dans une forme convenable, la commisison vous propose, par mon organe, de la déposer au bureau des renseignements.
- Adopté.
La chambre ordonne sans discussion le dépôt au bureau des renseignements des pétitions :
« 1° Des bourgmestres du canton de Vieille-Salm, qui demandent la conservation de cette justice de paix et la réunion du canton à la province de Liége ; »
« 2° Et de plusieurs habitants des communes de Melzèle et Nieuwkerken, qui demandent que, lors de la nouvelle circonscription judiciaire, il soit établi un tribunal civil à Saint-Nicolas. »
Cette dernière pétition est, en outre, renvoyé au ministre de la justice.
- Au ministre de la guerre :
« De celle de la veuve Houbar, à Liége, qui demande une pension, son mari, ayant été tué dans les rangs de l’armée nationale ; »
- Et à la commission des mines :
« De celles des sieurs Tallois, à Ham-sur-Heure, et de la régence de Florennes, qui adressent des observations sur le projet de loi relatif aux mines. »
Enfin, la chambre a passé à l’ordre du jour sur les pétitions :
« 1° Du sieur Germonprez, instituteur, à Vulite, qui se plaint d’avoir été privé, par le bourgmestre de cette commune, de sa pension et de son établissement ;
« 2° Du sieur Elias-Soute, cultivateur, à Becelaere (Ypres), qui signale à la chambre l’abus d’une mesure exceptionnelle dont son fils est frappé par son lieutenant-colonel dans la garde civique ;
« 3° Du sieur Philippe-Jacques, qui énumère les services qu’il a rendus à la révolution, et demande de l’avancement pour récompense.
- Le rapport des pétitions est épuisé.
M. le président annonce qu’il n’y a rien à l’ordre du jour pour demain.
La séance est levée à quatre heures un quart.