(Moniteur belge n°139, du 1 novembre 1831)
Dans le comité général d’hier, ont été entendus : M. Leclercq, contre le projet ; et pour M. Desmanet de Biesme, M. Verdussen, M. H. Vilain XIIII, M. F. de Mérode et M. Van Meenen.
Nous donnons ci-après certains discours des honorables représentants.
M. F. de Mérode. - Messieurs, les orateurs qui vous ont exposé notre situation présente ont dû vous convaincre de l’impossibilité du refus aux exigences de la conférence de Londres, si, privés de l’appui de la France, nous devions tenter de nous soustraire à la force qui nous dicte ses lois. Je n’affaiblirai donc point, par d’inutiles répétitions, ce qui vous a été présenté hier encore avec concision et clarté par notre honorable collègue M. Fallon. Je dirai seulement quelques mots sur cette ressource extrême, cette guerre générale de propagande, que d’ardents patriotes, en France et en Belgique, appelaient de tous leurs vœux. Si, dès les premiers jours qui suivirent la révolution de juillet, les affaires intérieures et extérieures de la France eussent été dirigées par un système libéral, plein de franchise, de loyauté et de nature à frapper de reconnaissance et d’admiration tous les cœurs généreux, nul doute que la puissance française n’eût été capable d’ébranler par l’influence morale, auxiliaire, irrésistible de son génie militaire, le despotisme au-delà de ses limites, comme elle avait su frapper au-dedans, d’un coup de foudre, la violation du pacte que Charles X avait juré de maintenir.
Mais Louis-Philippe était-il maître d’exécuter cette solennelle et sublime promesse : « La charte sera désormais une vérité » ? Je l’ignore ! Ce que je sais c’est qu’en France l’intolérance persévérante n’a cessé d’exercer sa destructive domination. Le parti vainqueur opprime le parti vaincu, et quel remède à ce mal, lorsque le ministère est peut-être moins persécuteur que l’opposition ? Il faut le dire, messieurs, (car c’est un fait déplorable) l’esprit de réaction antireligieuse, compromet, chez la grande nation, qui devrait être le modèle des autres, l’affranchissement de l’Europe. Des hommes qui prétendent servir la sainte cause de la liberté, et s’approprient tyranniquement le monopole de l’intelligence humaine, pourraient-ils être forts à l’extérieur lorsqu’ils divisent au-dedans ? Lorsque, rendant la charte un mensonge pour les catholiques français, ils ferment arbitrairement leurs écoles, changent des séminaires et casernes, et occupent de vaillants soldats à prendre d’assaut un couvent de trappistes ? N’est-ce pas plutôt ainsi, messieurs, qu’on parvient à éloigner d’un roi qui donne avec sa famille l’exemple de toutes les vertus domestiques, leurs cœurs de bons et nombreux citoyens qui demeurent ou deviennent carlistes parce que leurs droits sont despotiquement méconnus ? Comment ce libéralisme, infidèle à son propre nom, pourrait-il rallier les sympathies des peuples catholiques qui entourent la France ? Vous le savez, messieurs, lors de la révolution de juillet, tous en Belgique admiraient cette noble résistance exempte de vengeance et d’excès. Plus tard, si la charte nouvelle, versant sans exception sa rosée bienfaisante, eût protégé le plus précieux des droits de l’homme, les Belges auraient, au besoin, joyeusement confondu leur nom avec le nom de Français. Malheureusement l’intolérance saisit bientôt la liberté promise. Elle devint un privilège exclusif et non la propriété de chacun. Dès lors, faiblesse intérieur, émeutes, scandales et déconsidération à l’étranger. Vous avez, sans doute, attentivement exploré la discussion récente à la chambre des députés sur les désordres qui tourmentent les département du midi et de l’ouest. Dans ces derniers, 48,000 hommes ne peuvent se multiplier assez pour empêcher les pillages et les meurtres de bandes vagabondes, que la population mécontente du régime nouveau ne réprime point. Sans doute, la France est forte par l’instruction (manque quelques mots) de ses soldats ; mais cette force, purement militaire, suffirait-elle pour lutter avec les armées de l’Europe continentale, et risquer de plus une guerre maritime avec l’Angleterre, dont la réforme n’étouffe point la jalousie contre l’agrandissement de sa rivale, et ne paralyse nullement la prépondérance sur l’Océan ? Ces considérations, messieurs, retiennent le cabinet français. Elles ne sont point le résultat de la pusillanimité, mais le calcul de la prudence ; et, lorsque l’on examine les discordes que font naître en France les idées rétrogrades et des prêtres et des libéraux et des nobles, généralement privés de l’excellente éducation constitutionnelle que Guillaume a su répandre chez nous, n’est-il pas remarquable que cette terre française, refuge des institutions libres, malgré les erreurs qui n’y règneront pas toujours, ait encore la puissance d’arrêter seule sur le continent le débordement du bon plaisir des souverains absolus ? Etait-il possible au plénipotentiaire de Louis-Philippe de stipuler en notre faveur des conditions plus équitables ? Je le crois, messieurs. Cependant rappelez-vous que, dès l’origine des préventions germaniques sur le Luxembourg, un député connu par sa haute érudition diplomatique, et plus occupé d’elle, sans doute, que des principes de juillet, se hâta de déclarer à la tribune française que nos compatriotes luxembourgeois étaient la propriété des Nassau. Souvenez-vous qu’un maréchal, premier ministre des affaires étrangères, reconnut au plus vite, et sans information préalable, la possession inadmissible du troupeau humain échangé à Guillaume contre les bipèdes de Segen, Adhamar, et autres dont je ne me rappelle pas les noms. Ces précédents ne furent rien moins que favorables aux négociations postérieures de M. le général Sébastiani qui, au surplus, se console avec une facilité légère en disant : « La Belgique ne perd que quelques lambeaux de territoire. » C’est ainsi que, sans mauvaise volonté, je me plais à le croire assurément, il qualifie 300,000 Belges, arrachés à leur patrie par la dernière combinaison de la conférence.
Quoi qu’il en soit, pour nous engager au suicide, parce qu’une pénible mutilation nous est imposée, on nous dit qu’il vaut mieux périr que de subir un traité déshonorant. Les mots pusillanimité, lâcheté, infamie, rentrent dans le vocabulaire de cette discussion, comme lorsqu’il s’est agi des 18 articles. S’il y a déshonneur, messieurs, ce n’est pas chez un peuple peu nombreux, privé de défenses naturelles et plié sous le joug d’une force supérieure, mais chez les plénipotentiaires des puissances qui se jouent de leurs promesses et récompensent, par des conditions plus avantageuses, la rupture déloyale de l’armistice qu’elles avaient provoqué primitivement, et déclaré inviolable sous la garantie de leur immuable volonté. Pour nous effrayer, on ajoute à ces mots terribles les plus sombres prévisions : « Industrie, commerce, agriculture, tout va s’abîmer dans le néant. » Avant de me persuader que la fertile Belgique doive éprouver une telle prostration d’esprits vitaux, qu’elle doive périr, je voudrais qu’elle essayât de vivre encore ; et alors comme alors, s’il faut périr, périssons en connaissance de cause ; mais n’imitons pas le célèbre héros hollandais Van Speyk, qui probablement, après avoir trop bu, fit sauté sa canonnière dans l’Escaut, sans savoir pourquoi. Je sais qu’il est des intérêts personnels ou locaux qui s’accommoderaient facilement de la division du pays, par l’espoir de voir réunir à la France telle ou telle province. Prenez-y garde, messieurs, si de pareils vœux se réalisaient, ce ne seraient plus trois cent mille de vos concitoyens dont il faudrait vous séparer, en conservant les chances d’un meilleur avenir, mais la moitié, les deux tiers de vos provinces, qui passeraient sous d’antipathiques dominations. Parmi les objections contre le projet de loi auquel on vous propose de vous soumettre, la plus forte, à mes yeux, est notre séparation de nos frères du Luxembourg et du Limbourg : là, messieurs, est pour moi la plaie sanglante du traité qui nous opprime. Si la Belgique ne peut échapper à ce malheur, qu’avant tout notre gouvernement s’occupe du sort de nos compatriotes, et emploie tous les moyens de les soustraire aux vexations d’un pouvoir qui jusqu’ici s’est montré trop dépourvu de sagesse et de générosité.
M. H. Vilain XIIII. - Messieurs, j’occuperai peu vos instants ; car, au milieu de ces douloureuses et cruelles circonstances, le moment me paraîtrait mal choisi de me livrer à de vives mais inutiles récriminations, et jusqu’à ce jour de longs discours ont peu servi au salut du pays, de ce malheureux pays dont il conviendrait plutôt de voiler les derniers désastres.
La Belgique, depuis trois cents ans, a servi tout à tour d’arène et de pâture aux généraux et aux diplomates ; il paraît qu’aujourd’hui encore sa destinée n’est pas changée.
Il paraît que, toujours riche mais toujours dépouillée, toujours productive mais toujours envahie, son destin est d’être tantôt (manque quelques mots) tantôt la victime que l’on sacrifie à la paix générale.
Problème sanglant que l’Europe s’obstine à résoudre aux dépens de quatre millions d’hommes, et dont la solution échappera aux tentatives de la diplomatie aussi longtemps que celle-ci s’occupera plutôt à caser la Belgique à la convenance de ses voisins qu’à consolider le bonheur de ses habitants.
On s’accorde à reconnaître que la question belge renferme la tranquillité de l’Europe ; qu’afin que la Belgique n’inspire aucune convoitise à ses voisins, il faut qu’elle s’appartienne à elle-même ; que, pour qu’elle s’appartienne à elle-même, qu’elle soit paisible, il faut qu’elle soit heureuse ; et quand il s’agit de la rendre heureuse, on lui refuse les éléments indispensables à sa prospérité, des sécurités à son commerce, des débouchés à son industrie, des frontières à sa défense ; et, tournant toujours dans le même cercle vicieux, voulant une Belgique, mais s’obstinant à la faire restreinte et difforme, on crée ainsi, non une nation indépendante, mais une peuplade appauvrie, ayant la conscience de sa propre faiblesse, sans force, sans esprit public, toujours prête, pour échapper à sa ruine, à se jeter dans les bras d’un de ses puissances voisins ; on crée ainsi, dis-je, non un élément de paix générale, mais une source nouvelle et toujours renaissante de jalousie, de convoitise et de misère, pour perpétuer les discordes du continent.
Voilà l’œuvre de la conférence, voilà la nouvelle erreur politique qu’elle a commise, et commise pour nos malheurs ! La paix de l’Europe, le désarmement général, ce sont là les illusions qu’elle caresse, le rêve qu’elle poursuit pour le bonheur commun ! Mais, le bonheur d’une nation centrale étant compromis, la clef de voûte de l’édifice européen était mal posée, peut-on espérer paix et stabilité pour le repos du continent ? Cela n’est pas à présumer, et cet espoir est vain : après les embarras que la conférence vient de résoudre, surgiront sous peu de nouveaux embarras. Quatre points capitaux doivent être aplanis pour obtenir la pacification entre les deux pays : la délimitation du territoire, la répartition de la dette, les débouchés commerciaux à faciliter, l’écoulement des eaux des Flandres à régler ; et quatre commissions, mi-partie belges et hollandaises, seront appelées à trancher ces difficultés. Mais comme les intérêts des deux pays sont divergents, que les haines nationales sont en lutte, que l’existence même de chaque peuple est en péril, bientôt de graves débats viendront diviser ces conseils, bientôt une mutuelle partialité présidera à leur décision, et alors il est à craindre qu’à chaque question à résoudre les commissaires seront en désaccord, et que la conférence, au lieu de deux puissances, aura quatre commissions à diriger. Une nouvelle série de protocoles verra le jour pour aplanir ces difficultés toujours renaissantes, toujours plus aigries, et, devant ces difficultés vitales pour les deux pays, et par cela même plus ou moins européennes, les (manque un mot) n’oseront désarmer : elles n’obtiendront pas une paix réelle, paix qu’elles chercheront toujours et ne trouveront jamais.
Ce sera donc une trêve et non une pacification que la conférence aura conclue, et cela pour avoir refusé à la Belgique les éléments, les conditions de son bonheur : car un pays malheureux ne peut être tranquille. Mais cette trêve, toute fugitive, toute passagère qu’elle est à mes yeux, devons-nous la rejeter ? Voilà la question. Devons-nous repousser cet acte qui, tout imparfait, tout déplorable qu’il se trouve, doit cependant nous faire pays, nous admettre au rang des nations ? Je n’oserais m’y résoudre, spectateur que je suis des apprêts au-dehors de la conférence pour nous contraindre à l’acceptation, et de la force majeure au-dedans qui exige impérieusement de nous un résultat quelconque. Je dis force majeure, messieurs ; car, après treize mois de lutte, la nation a épuisé toutes les ressources de ses trésors, tous les ressorts de son esprit public. Les contribuables sont prêts à refuser les impôts, et l’étranger nous éloigne son crédit. Cependant l’entretien d’une armée nombreuse doit chaque jour être couvert ; les besoins prochains et plus impérieux encore de la classe ouvrière, pendant le prochain hiver, doivent être prévus et apaisés ; le trésor des villes est épuisé, le zèle des campagnes est éteint ; la nation est donc ainsi arrivée au moment, ou de se décider par un coup de désespoir, par la guerre, ou de céder à la volonté des puissances et à la nécessité des temps, sauf à recueillir dans ce désastre quelques débris du naufrage.
Voilà les puissantes considérations qui m’obligent à fléchir devant ce traité désastreux. Je n’accepte pas, je ne refuse pas ces propositions ou plutôt ces stipulations de paix ; je m’y soumets avec toutes les arrière-pensées de l’opprimé contre son oppresseur, avec tout l’espoir d’un meilleur avenir, non dans l’équité de la conférence, mais dans la justice de notre cause, dans le concours futur des nations amies et indépendantes.
(Moniteur belge n°145, du 7 novembre 1831) M. Desmanet de Biesme. - Messieurs, dans les circonstances douloureuses où nous nous trouvons, peu d’entre nous voudraient, sans doute, chercher à influencer l’opinion de l’assemblée sur des questions où de toutes parts surgissent pour la Belgique malheurs et calamités. Choisir entre ces divers maux, telle est notre pénible mission ; faire connaître à mes commettants les motifs de mon choix, tel est le seul but que je me propose.
Lorsque les 24 articles ont été présentés à notre acceptation, l’indignation qu’ils ont soulevée parmi nous a été unanime ; forcés cependant de nous en occuper, chacun, dans le silence du cabinet, a dû s’adresser cette simple question : « Quel sera le sort de la Belgique, si nous refusons cet inique traité ? Quel moyen avons-nous d’empêcher l’acte de violence de s’accomplir. » N’en trouvant aucun, je me vois réduit à me soumettre à ce qui constitue le droit selon la diplomatie, la force.
L’énumération de toutes les injustices que renferme le traité est inutile ici : assez d’autres se sont chargés de ce soin, et certes personne n’a songé à les contredire ; mais notre situation peut-elle être aggravée par le refus ? C’est ce qui me paraît incontestable.
La France, signant l’acte spoliateur, est la règle de ma conduite. Que nous exhalions ici notre douleur en plaintes amères sur son abandon ; que nous l’accusions de notre sacrifier à sa politique, bien ou mal entendue ; que l’on s’écrie en Belgique comme en Italie, en Italie comme en Pologne : « France ! France ! malédiction sur toi qui leur refuse une main secourable, alors qu’ils sont près d’y tomber ! » ; ces cris de désespoir nous sont, sans doute, permis ; mais croyez qu’appuyé sur ses 221, M. Casimir Périer n’y répondra que par un ironique sourire. Le fait existe, il est patent, et nous ne pouvons nous soustraire à ses funestes conséquences.
Je sais, messieurs, que ces considérations n’arrêtent pas les adversaires du système de la nécessité, seul argument que nous puissions et voulions faire valoir en faveur de notre opinion. Ils croient qu’en refusant on pourrait peut-être amener la France à soutenir nos intérêts. Mais, en admettant que l’on y parvienne, je ne vois, dans cette hypothèse même, qu’une guerre générale avec ses chances douteuses, traînant à sa suite une hideuse restauration à main armée ; guerre dont, dans tous les cas, la Belgique serait le théâtre. Ce motif seul suffirait pour déterminer mon vote en faveur de l’acceptation. Mais cette guerre même, est-il en notre pouvoir de la faire naître ? Je ne le pense pas.
La politique est fondée sur des intérêts, non sur des sentiments. Or, on ne réfléchit pas assez que c’est à la France que nous sommes sacrifiés, plus encore qu’à la Hollande même. La révolution belge, en résultat, a plus servi ceux de la France que de la Belgique. Que lui importe que vous payiez quelques millions de plus et que l’on vous arrache quelques provinces, alors qu’elle se débarrasse de cette gênante ceinture de forteresses qui la serrait si fortement, alors qu’à une puissance hostile succède une puissance neutre, si plus amie ! un peuple vassal enfin, sous un fier suzerain ? Car telle sera notre position vis-à-vis d’elle ! Et vous pensez que les Français, bons juges de leurs intérêts, iraient compromettre pour vous ces avantages ? Non, non ; connaissez mieux cette nation : tout se bornerait à quelques beaux discours de l’opposition, qui, blâmant bien haut le ministère, l’applaudirait tout bas. Oui, en Belgique, on peut maudire M. de Talleyrand, mais il a bien mérité de la France ; et cet odieux traité termine dignement la carrière du Nestor de la diplomatie.
Messieurs, je ne vois, je vous l’avoue, dans la politique actuelle des cabinets, aucun gage de stabilité ; la conférence me semble s’être plus occupée du présent que de l’avenir : elle a tourné des obstacles qu’elle n’a pas osé franchir. De ce vague qui règne dans cette politique, les peuples éprouvent un malaise indéfinissable, et l’on sent que l’Europe doit encore éprouver une commotion avant d’obtenir de la stabilité. Que cette secousse sociale se fasse au profit de la liberté et du despotisme, qui pourrait le prévoir ? Mais il est permis de croire que la situation présente de la Belgique ne sera qu’un état de transition vers un autre ordre de choses meilleur ou pire, selon ce que les événements amèneront. Envisageant la question sous le rapport de la nécessité et la reconnaissant comme évidente, je me demande si presque tous les grands Etats de l’Europe n’ont pas dû tour à tour courber la tête sous son joug inflexible. Et, sans remonter au-delà d’événements dont nous avons tous été les témoins, qu’était l’Autriche après Wagram ? Qu’était la Prusse à la paix de Tilsit ? Ces puissances, qui parlent aujourd’hui un langage si hautain à la pauvre Belgique, étaient-elles assez humiliées, lorsqu’en 1812 elles se traînaient à la suite de l’armée française, pour combattre la Russie, leur alliée naturelle ? Et deux années n’étaient pas écoulées que, des hauteurs de Montmartre, elles dictaient leurs ordres suprêmes à la France, qui s’y soumettait. Malheureuse, cédant à la force, la Belgique peut aussi espérer de meilleurs jours.
On a beaucoup parlé dans cette enceinte de la perte totale de l’industrie par l’acceptation des 24 articles ; comme j’aime, dans les choses que je ne connais qu’imparfaitement, à fonder mon opinion d’après les avis de ceux qui, par état, sont propres à l’éclairer, plutôt que sur des discours où la passion se substitue souvent à la froide raison, j’ai cru devoir consulter quelques industriels que je n’ai pas été chercher parmi ceux qui puisaient au million Merlin.
Ils m’ont dit : « Si ceux qui plaignent aujourd’hui l’industrie avaient daigné la consulter avant de pousser les masse au renversement de l’ordre établi, et même depuis, de grandes calamités eussent été prévenues ; actuellement les faits sont accomplis. Ce ne sont pas les 24 articles qui tueront l’industrie, c’est la révolution qui lui a porté le coup fatal. Le traité, s’il est bien exécuté, peut, sinon lui rendre sa splendeur, lui laisser encore un reste de vie. Dans tous les cas, nous répudions les chances d’une guerre générale, comme propres à améliorer notre situation présente : la révolution belge s’est faite en faveur des intérêts moraux, ce but vous l’avez obtenu. Nous pouvons gémir ; mais nous aussi nous devons obéir aux nécessités que l’imprévoyance et l’impéritie ont amenées à leur suite. »
On a parlé d’appel au pays ; ce serait aussi le vœu de ceux qui pensent qu’il faut se soumettre aux dures conditions qui nous sont imposées ; et, si le temps ne nous pressait, nous serions les premiers à le provoquer. J’ai dit.