(Moniteur belge n°110 du 3 octobre 1831)
(Présidence de M. de Gerlache.)
La séance est ouverte à une heure.
M. Lebègue donne lecture du procès-verbal. Il est adopté.
M. Liedts lit le sommaire de quelques pétitions et demandes en naturalisation, qui sont renvoyées à l’examen de la commission.
L’ordre du jour est le rapport de la section centrale sur la proposition d’enquête.
M. Dumortier, rapporteur de la section centrale, monte à la tribunal et s’exprime ainsi. - Messieurs, la proposition qui vous a été faite dans la séance du 23 de ce mois, d’ouvrir une enquête sur les causes et les auteurs de nos revers dans la dernière campagne, a été reçue dans vos sections avec une unanimité bien remarquable ; aucune voix ne s’y est élevée pour s’y opposer. Si quelques membres, en très petit nombre, ont varié sur la nécessité de commencer l’enquête dans les circonstances actuelles, vos sections n’en ont pas moins unanimement adopté le principe ; elles ont senti que, lorsque l’honneur national est gravement compromis par les agents du pouvoir, le droit que nous confère la constitution constituait un devoir. Elles ont senti que le sentiment de notre propre dignité exigeait impérieusement de montrer à l’Europe entière les vrais auteurs de nos désastres, que la honte devait en retomber sur ceux qui ont ainsi exposé notre indépendance ; qu’enfin l’histoire nous saurait gré de nos efforts pour parvenir à la connaissance de la vérité, et disculper la patrie des assertions calomnieuses que quelques étrangers cherchent à déverser sur un peuple dont la bravoure ne saurait être révoquée en doute, et qui n’a dû des revers momentanés qu’à l’incurie de quelques chefs.
La section centrale a donc l’honneur de vous proposer par mon organe d’adopter la proposition, et de déclarer qu’une enquête sera faite sur les causes et les auteurs de nos revers pendant la dernière campagne, laissant à la sagesse de la commission que vous délégueriez à cet effet le soin de déterminer l’époque où elle croira devoir commencer ses travaux. Elle pense, en outre que la commission d’enquête pourrait être composée de sept membres, nommés au scrutin secret par la chambre.
- La chambre décide que la discussion de la proposition d’enquête commencera après l’adoption du projet de loi sur les armes de guerre, lequel sera discuté demain dimanche.
L’ordre du jour est la suite de la discussion du règlement.
Les articles 36 et 37 sont adoptés en ces termes :
« Art. 36. Après la lecture de la proposition suivant l'ordre dans lequel elle a été déposée, son auteur proposera le jour où il désire être entendu.
« Au jour que la chambre aura fixé, il exposera les motifs de sa proposition. »
« Art. 37. Si la proposition est appuyée par cinq membres au moins, la discussion est ouverte, et le président consulte la chambre pour savoir si elle prend en considération la proposition qui lui est soumise, si elle l'ajourne ou si elle déclare qu'il n'y a pas lieu à délibérer. »
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere) est introduit ; il demande la parole et présente un projet de loi tenant à accorder un crédit supplémentaire de 300,000 florins au département de l’intérieur pour parer aux frais de réparation des digues de l’Escaut. Nous remarquons dans ce rapport, dont nous ferons connaître le texte, que trois coupures sont déjà réparées, que les autres pourront l’être avant l’hiver, sauf la coupure de Lillo, qui n’a pas moins de 150 mètres de longueur sur 17 de profondeur à la marée basse. (Sensation pénible.)
Le ministre annonce qu’il faut renoncer à l’espoir de réparer cette digue avant l’hiver. Tous les moyens de transport du pays ne suffiraient pas à charrier sur les lieux la terre glaise nécessaire à la réparation de la rupture.
- La chambre ordonne l’impression et la distribution du projet et de l’exposé des motifs.
M. le ministre de la justice (M. Raikem) succède à M. de Muelenaere à la tribune et présente le projet de loi dont la teneur suit :
« Léopold, Roi des Belges,
« De l’avis de notre conseil des ministres, nous avons arrêté et arrêtons :
« Nos ministres de la justice et de l’intérieur sont chargés de présenter aux chambre, en notre nom, le projet de loi dont la teneur suit :
« Art. 1er. Quiconque aura entretenu avec une puissance ennemie ou ses agents des intelligences qui auraient pour but de nuire à la Belgique, sera pour ce seul fait puni d’une emprisonnement de six mois à deux ans, sans préjudice de plus fortes peines dans les cas prévus par le code pénal.
« Art. 2. Sera puni de la même peine, et sans préjudicie de peines plus fortes, dans les cas prévu par ledit code, quiconque aura donné aux sujets d’une puissance ennemie des instructions qui auraient pour but de nuire à la situation militaire ou politique de la Belgique.
« Art. 3. Les étrangers non autorisés par le gouvernement à établir leur domicile en Belgique, et qui se trouveront sur le territoire du royaume sans y avoir une mission des puissances neutres ou amies reconnues par le gouvernement du Roi, sont placés sous la surveillance spéciale du gouvernement, qui pourra leur enjoindre de sortir du territoire belge, ou de résider dans la commune, le canton, l’arrondissement ou la province qu’il leur désignera.
« Art. 4. Dans le cas où l’étranger sortirait de la commune, du canton, de l’arrondissement ou de la province à lui désignée pour lieu de résidence, il pourra être arrêté par la force publique et conduit à la frontière.
« S’il rentre en Belgique, il sera, pour ce seul fait, condamné à un emprisonnement qui ne pourra être moindre de trois mois ni excéder une année.
« A l’expiration de sa peine, il sera conduit à la frontière.
« Art. 5. L’emprisonnement préalable pourra toujours avoir lieu dans les cas prévus par la présente loi.
« Art. 6. L’administrateur de la sûreté publique exerce ses fonctions sous l’autorité immédiate des ministres.
« Il exerce les fonctions d’officier de police judiciaire, dans toute l’étendue de l’arrondissement de Bruxelles. Il peut, dans tout le royaume, requérir les officiers de police judiciaire de faire tous actes nécessaires à l’effet de constater les crimes, délits et contraventions, et d’en livrer les auteurs aux tribunaux chargés de les punir.
« Art. 7. Il est autorisé à délivrer des mandats d’amener.
« Il interrogera sur-le-champ les personnes inculpées.
« Il les renverra de suite devant le juge d’instruction, auquel seront transmis l’interrogatoire et les pièces pouvant servir de conviction.
« Art. 8. L’administrateur de la sûreté publique est, en outre, autorisé à décerner des mandats de dépôts contre les vagabonds, les gens sans aveu et les mendiants, ainsi que contre ceux qui ont été condamnés à des peines afflictives ou infamantes.
« Il pourra également en décerner contre les étrangers inculpés d’un crime ou d’un délit, et contre toute personne inculpée d’entretenir des intelligences avec les ennemis ou leurs agents.
« Art. 9. Dans le cas de mandat de dépôt, il renverra les inculpés devant le juge d’instruction, au plus tard dans les 8 jours de la date du mandat. Toutes les pièces seront transmises à ce juge.
« Art. 10. L’administrateur de la sûreté publique est autorisé à procéder à des visites domiciliaires pour faire la perquisition des papiers, effets et généralement de tous les objets qui seraient relatifs à la connaissance des crimes et délits commis contre la sûreté intérieure ou extérieure de l’Etat.
« Il y procédera, accompagné soit du juge d’instruction, soit du juge de paix du canton ou d’un des suppléants, soit de tout autre juge, lesquels, à la première réquisition, seront tenus d’y satisfaire sous peine de destitution.
« Art. 11. L’administrateur de la sûreté publique dressera un inventaire des papiers, effets et autres objets qu’il aura saisis. Cet inventaire sera signé, tant par lui que par le juge suppléant qui l’aura accompagné dans la visite.
« Art. 12. Le Roi nomme et révoque les commissaires de police ; le gouvernement pourra révoquer tous autres agents de la police.
« Art. 13. Le Roi peut changer, quand il le trouve convenable, le juge d’instruction, qu’il choisit parmi les juges du tribunal de première instance.
« Art. 14. La présente loi n’aura force obligatoire que jusqu’à la paix.
« Bruxelles, le 1er octobre 1831.
« Léopold ;
« Par le Roi : Le ministre de la justice : Raikem. »
M. A. Rodenbach. - Je demande la parole. Messieurs, ce projet de loi me paraît très urgent et de la plus grande importance. En conséquence, je demande que l’impression, la distribution et le renvoi immédiat aux sections soient ordonnés. Cela est d’autant plus nécessaire que naguère encore des autorités belges ont visé des passeports qui avaient été délivrés par des généraux ennemis. Je pourrais nommer les personnes, j’ai eu les passeports en main. J’ajouterai qu’il y a dans la Belgique liberté entière pour les espions, et si un Libry-Bagnano se présentait aux portes de Bruxelles, il ne lui serait rien fait.
- L’impression et la distribution sont ordonnées.
On reprend la discussion des articles du règlement, et la chambre adopte, après quelques discussions de peu d’intérêt, ceux dont la teneur suit :
« Art. 38. Si la chambre décide qu'elle prend la proposition en considération, cette proposition est renvoyée à une commission ou à chacune des sections, qui la discutent et en font rapport. »
« Art. 39. La discussion qui suivra le rapport de la section centrale ou de la commission est divisée en deux débats, la discussion générale et celle des articles. »
« Art. 40. La discussion générale portera sur le principe et sur l'ensemble de la proposition. Outre la discussion générale et la discussion des articles, la chambre pourra ordonner une discussion sur l'ensemble de chacune des divisions d'une proposition. »
« Art. 41. La discussion des articles s'ouvrira successivement sur chaque article, suivant son ordre, et sur les amendements qui s'y rapportent. »
« Art. 42. Les amendements sont rédigés par écrit et déposés sur le bureau. »
« Art. 43. La chambre ne délibère sur aucun amendement si, après avoir été développé, il n'est appuyé au moins par cinq membres.
« Si la chambre décide qu'il y a lieu de renvoyer l'amendement dans les sections ou à une commission, elle peut suspendre la délibération. »
« Art. 44. Si la discussion est renvoyée à une autre séance, les amendements, avec le nom des proposants, sont imprimés et distribués aux membres. »
« Art. 45. Lorsque des amendements auront été adoptés, ou des articles d'une proposition rejetés, le vote sur l'ensemble aura lieu dans une autre séance que celle où les derniers articles de la proposition auront été votés.
« Il s'écoulera au moins un jour entre ces deux séances.
« Dans la seconde, seront soumis à une discussion, et à un vote définitif, les amendements adoptés et les articles rejetés.
« Il en sera de même des nouveaux amendements qui seraient motivés sur cette adoption ou ce rejet. Tous amendements étrangers à ces deux points sont interdits. »
« Art. 46. Quoique la discussion soit ouverte sur une proposition, celui qui l'a faite peut la retirer ; mais si un autre membre la reprend, la discussion continue. »
(Remarque du webmaster : le Moniteur belge s’écarte à partir de cet instant du règlement officiel de la chambre comme suit : L’article 47 ne contient que le dernier alinéa ci-dessous : « Le résultat des délibérations etc. » ; le règlement officiel contient un article 48 qui sera inséré à la fin de la discussion des articles. Cet article est également repris à sa place dans la présente version numérisée. Les numéros d'articles qui suivent correspondent au règlement adopté.)
« Art. 47. Toute résolution est prise à la majorité absolue des suffrages, sauf ce qui est établi par le règlement, à l'égard des élections et présentations. En cas de partage des voix, la proposition mise en délibération est rejetée.
« La chambre ne peut prendre de résolution qu'autant que la majorité de ses membres se trouve réunie.
« Le résultat des délibérations de la chambre est proclamé par le président en ces termes : La chambre adopte, ou La chambre n'adopte pas.
« Art. 48. Les élections et présentations de candidats se font au scrutin secret. »
« Art. 49. L'assemblée se partage, par la voie du sort, en six sections. »
« Art. 50. Chaque section nomme, à la majorité absolue des votants, un président, un vice-président et un secrétaire. »
« Art. 51. Le renouvellement des sections a lieu chaque mois par la voie du sort. »
« Art. 52. Chaque section examine les propositions et amendements qui lui sont renvoyés, suivant l'ordre indiqué par la chambre.
« Après leur examen, elle nomme un rapporteur à la majorité absolue des votants. »
« Art. 53. Lorsque les deux tiers des sections auront terminé l'examen, les rapporteurs qu'elles auront nommés en donneront avis au président de la chambre, qui les réunit, sous sa présidence, en section centrale, après avoir prévenu les sections qui seraient encore en retard. »
(Remarque : le bout de phrase : « après avoir prévenu, etc. » ne se trouve pas dans le Moniteur.)
« Art. 54. La section centrale nomme, à la majorité absolue, un de ses membres pour faire le rapport à l'assemblée.
« Art. 55. Ce rapport contient, outre l'analyse des délibérations des sections et de la section centrale, des conclusions motivées.
« Il sera imprimé et distribué au moins deux jours avant la discussion en assemblée générale, sauf les cas où la chambre en décide autrement. »
« Art. 56. La chambre forme dans son sein, pour le cours de chaque session, deux commissions permanentes, savoir :
« Une commission des finances et des comptes ;
« Une commission de l'agriculture, de l'industrie et du commerce. »
« Art. 57. Ces commissions sont composées de sept membres ou d'un plus grand nombre si la chambre le juge convenable.
« Art. 58. Les membres de chaque commission sont nommés au scrutin et par bulletin de liste à la majorité absolue, conformément à ce qui est prescrit par l'art. 6. »
« Art. 59. Les deux commissions permanentes sont chargées, chacune dans les matières qu'indique sa dénomination :
« 1° De fournir à la chambre tous les renseignements qu'elle les charge de recueillir sur une proposition ;
« 2° D'examiner les propositions que la chambre leur renvoie ; de faire rapport et présenter des conclusions motivées sur ces propositions ;
« 3° De préparer des projets de résolutions, s'il y a lieu, sur des pétitions assez importantes pour que la chambre juge à propos de les leur renvoyer ;
« 4° De préparer à la chambre des projets de résolutions. »
« Art. 60. Tous les mois, chaque section nomme un de ses membres pour former la commission des pétitions. Cette commission est chargée de l'examen et du rapport des pétitions. »
« Art. 61. Indépendamment des commissions permanentes et de la commission des pétitions, il peut en être formé pour l'examen d'une ou plusieurs propositions, soit par élection au scrutin et à la majorité absolue ou relative, soit par la voie du sort, soit , à la demande de la chambre, par le président. »
« Art. 62. Chaque commission nomme dans son sein, à la majorité absolue, un président, un secrétaire, et pour chaque affaire un rapporteur. »
« Art. 63. Les rapports des commissions seront imprimés et distribués au moins trois jours avant la discussion en assemblée générale, si la chambre n'en décide autrement. »
« Art. 64. Dans le cas où l'auteur d'une proposition ne serait pas membre de la commission chargée de l'examiner ou de la section centrale, il aura le droit d'assister aux séances de cette commission ou de cette section, sans voix délibérative. »
« Art. 65. La commission des pétitions sera tenue de faire, chaque semaine, un rapport sur les pétitions parvenues à la chambre, et ce, par ordre de date d'inscription au procès-verbal ; en cas d'urgence, la chambre peut intervertir cet ordre.
« Il sera imprimé et distribué, trois jours au moins avant la séance où le rapporteur de la commission doit être entendu, un feuilleton indiquant le jour où le rapport sera fait, le nom et le domicile du pétitionnaire, l'objet de la pétition et le numéro sous lequel elle est inscrite au registre de la commission. »
- La séance est levée à 4 heures et demie.