Washer Gustave, François, Philippe libéral
né en 1835 à Bruxelles décédé en 1912 à Bruxelles
Représentant entre 1878 et 1884, élu par l'arrondissement de Bruxelles(Extrait de Les Hommes du jour, Bruxelles, 1884, n°38)
M. Gustave Washer
Il y a un proverbe qui dit : aux derniers les bons.
Quoique Washer vient à la fin, dans l'ordre alphabétique, il n'en est pas meilleur pour cela ; au contraire.
Washer est Bruxellois. Nous ne savons au juste quel est son âge. Il y a quelques jours nous lui avons écrit pour lui demander quelques détails biographiques et il nous a répondu :
« ... J'ai beau chercher dans tout mon passé, je n'y trouve rien, mais absolument rien qui vaille la peine d'être porté à la connaissance de mes contemporains ou qui soit digne de passer à la postérité.
« Je me considère comme étant un trop mauvais sujet pour faire partie de votre galerie des
Hommes du Jour. »
Voilà M. Washer jugé par lui-même. Le portrait n'est point flatteur mais n'en est que plus
fidèle.
Le député de Bruxelles est un ancien marchand de dentelle. Cela vaut bien à tout prendre la profession d'avocat. Il est aussi un des chefs de l'administration des Hospices de Bruxelles. Il est un des hommes qui font le plus de bien et rend le plus de services. Celui qui a la protection de Washer est sûr d'arriver. C'est une qualité, et malgré sa politique louche et servile tout à la fois, Washer compte beaucoup de partisans à cause des services rendus. On raconte que l'ancien député de Charleroi, M. Drion, était populaire à cause des commissions qu'il faisait à Bruxelles pour ses électeurs et pour Mesdames leurs épouses. On voyait Drion, rentrant chaque jour à Charleroi, de nombreux paquets sous le bras. Washer, lui, s'il est réélu, le devra également aux services et recommandations dont il est
si débonnaire...
Washer ne sait pas parler ; il se contente de voter à la Chambre. Naturellement, il vote très mal et comme le lui indique M. Frère, dont il ne se sépare jamais. Nature de serviteur, Washer est non seulement le domestique du ministère mais encore celui de la gauche qui en a fait son Whipper-in.
On a bien ri lors de la période électorale où Washer fut présenté comme candidat. Ne sachant pas parler, il accoucha de cette phrase bien bruxelloise : Klappen zyn geen oorden ! Ce qui veut dire : des paroles, ce n'est pas de l'argent ! Vous allez en conclure peut-être que Washer est un homme d'argent ? Erreur, mes amis. On dit qu'il ne touche point l'indemnité parlementaire et nous le croyons volontiers. Il est vrai qu'il s'est rattrapé dans ces derniers temps, et a touché une quinzaine de mille francs sur l'enquête scolaire.
Comme ministériel, Washer s'est rallié à toutes les vues gouvernementales. Bévues serait plus en situation.
C'est ainsi qu'il a voté tous les impôts, qu'il a attaqué l'extrême-gauche lors de la proposition de révision et qu'il continuera à voter tout ce que M. Frère voudra. Ce n'est pas un représentant cela, c'est un valet. Et quel valet ? Un valet doctrinaire, ce qui dit tout.
Pour lui il n'y a pas de programme, ni de promesses qui tiennent. Le ministère veut ceci ou cela, il suffit et Washer obéit.
Nous pensions citer les paroles prononcées par Washer lorsqu'il s'est séparé de la petite chapelle de l'extrême-gauche [note du webmaster : ce discours a été prononcée dans la séance de la Chambre des représentants du 4 juillet 1883. Voir Annales parlementaires. Chambre des représentants, session 1882-1883, pp. 1431-1432]. Mais la place nous manque malheureusement. Quoi qu'il en soit, la petite chapelle ne peut que gagner à cette sortie de Mercure. Si la grande chapelle de l'Hôtel continental pouvait à son tour se séparer de Washer, elle prouverait son intelligence des affaires politiques et renverrait ainsi, aux hospices, ce farceur qui n'a aucune aptitude, ni aucune idée pour représenter le corps électoral de Bruxelles.
(Extrait de La Meuse, du 18 juillet 1912)
Un oublié
On vient d’incinérer, au Columbarium de Paris, le cadavre d'un homme qui eut son heure de popularité dans le monde politique belge. Cet homme est M. Gustave Washer, ancien membre de la Chambre des Représentants sous le dernier cabinet libéral.
Depuis quelque vingt ans, Gustave Washer vivait dans la retraite. au milieu des siens qu'il aimait, s'occupant de bonnes œuvres qu'il multipliait à souhait, dépensant sa belle et verte vieillesse au profit des malheureux et des sociétés philanthropiques de la Capitale. Il meurt à 77 ans. Et Il s'en allé sans bruit, somme un sage, sou
tenu par cette pensée réconfortante qu'il avait terminé sa tâche ici-bas.
Je le voyais de loin en loin ; je le trouvais invariablement gai, les yeux rieurs sous ses grosses lunettes d'or.
Il avait été le premier « père fouetteur », le « Whip » de I’anciene majorité libérale. Lorsque M. Joutez, il y a une couple d'années, hérita de ces fonctions qui étaient, en quelque sorte tombées en désuétude, j'allai voir, dans son hôtel de l'Avenue Louise, Gustave Washer.
Il me rappela, avec une joie qui le remuait, l'agonie et la fin du régime auquel il avait appartenu.
La Chambre d’alors allait être livrée à des factions : au dedans, l’indiscipline ; au dehors, des divisions qui mettaient aux prises, les libéraux entre eux.
« - L'absentéisme, me dit Gustave Washer, avait pris des proportions telles, que le sort même du Cabinet pouvait en dépendre ; c'est alors que Frère-Orban qui disposait, en politique du don de double vue, réunit ses plus fidèles collaborateurs, ses amis les plus sûrs et créa, à l'instar des, libéraux anglais, une fonction nouvelle, celle de « Whipper », qu’il me chargea de remplir - et que je remplis.
Le « Wio » est le berger qui s'efforce de rassembler lès brebis au troupeau; il les empêche de se livrer à la débandade, toujours dangereuse puisqu'elle est l'opposé de la discipline. J'étais chargé de veiller à ce que tous nos collègues fussent présents aux séances. Chaque fois que l'on prévoyait un vote de quelque importance, je convoquais la gauche par dépêche, dont, soit en passant le Bureau faisait les frais, non l'Etat. Un membre était-il retenu loin du Parlement pour une raison plausible, je lui cherchais, à droite, un paireur, de façon à annihiler l'effet de son absence. Je préparais les réunions soit du Bureau, soit de la majorité ; bref je faisais de sorte que le Parti eût à souffrir le moins possible des inconséquences des siens. J'exerçai mes fonctions jusqu'à la chute du Gouvernement, chute prévue, en quelque sorte, par le manque de cohésion qui caractérisa la majorité de 1878 à 1884. Tous ceux qui ont _ connu cette époque ont eu l'impression nette que l'on allait vivre des temps troublés ; mais aucun de nous n'eut jamais pensé que la crise que nous allions traverser dut être si longue… »
Gustave Waher avait espéré voir, avant de mourir, son parti reprendre le pouvoir. Qui dit que la désillusion du 2 juin n'a pas contribué à précipiter la fin de cet excellent homme que notre génération, trop injuste. a déjà oublié ?
(Extrait de La Gazette de Charleroi, du 7 juillet 1912)
M. Gustave Washer
La semaine dernière, on a incinéré au four crématoire du Père-Lachaise le corps de M. Gustave Washer, mort à l’âge de 77 ans.
Washer fut mêlé naguère aux luttes bruxelloises. C’était alors l'ami des Van Humbeek et des Bara et le grand admirateur de Frère-Orban. Député de Bruxelles, il devint questeur et participa activement à la vie politique de l'époque. L’enquête scolaire lui valut les attaques des cléricaux, des journaux satiriques qu'ils répandaient partout. Elles ne l’émurent nullement.
M. Gustave Washer garda intactes ses idées philosophiques et publiques si depuis longtemps il ne s'était retiré de la mêlée, Et la délaite du 2 Juin, alors qu'il se penchait déjà vers la mort, lui fut néfaste.
C'était un partisan convaincu de la crémation et, par testament, il demanda que son corps ne fût pas enterré. La Belgique n'ayant pas de temple crématoire, ses restent furent envoyés à Paris, où ses cendres reposeront non loin de celles de Léon Defuisseaux et de plusieurs autres Belges.
(Extrait de L’Indépendance belge, du 1 septembre 1878)
L'Association libérale et Union constitutionnelle de Bruxelles vient d'adresser aux électeurs la circulaire que voici :
« Bruxelles, 31 août 1878.
« Vous êtes appelé le 5 septembre à élire un membre de la Chambre des représentants pour l'arrondissement de Bruxelles.
« L'Association libérale et Union constitutionnelle a l'honneur de présenter à vos suffrages :
« M. Gustave Washer, ancien industriel, membre du conseil des hospices.
« Il est bon que l'arrondissement de Bruxelles ait parmi ses représentants des hommes spécialement au courant des questions industrielles et commerciales. M. Washer a appris à connaitre ces questions retiré des affaires, il peut donner à la chose publique toute son expérience et son activité. Il est président d'une chambre syndicale. Depuis bien des années il siège au conseil des hospices où il s'est efforcé d'introduire dans le service de la bienfaisance les légitimes réformes réclamées par l’opinion.
« Le libéralisme de M. Washer est trop bien connu pour soit nécessaire d’insister sur ses opinions politiques. Son dévouement sincère et complet à la cause du progrès vient encore de s'affirmer par les déclarations les plus nettes dans les réunions électorales. Partisan de la sécularisation de l'enseignement dans son acception la plus large. il a apporté son concours à la création d'écoles gardiennes, à la réorganisation des orphelinats, à la fondation de nos deux écoles normales et à l'établissement de l'école modèle.
« C'est la garantie qu'à la Chambre son appui sera acquis sans restriction à toutes les mesures préconisées et soutenues par notre populaire et tant regretté Ernest Allard.
« Le parti catholique n'ose plus même entamer la lutte ; cependant. en présence de certaines tentatives pour dénaturer le sens de l'élection du 5 septembre, il importe que nous nous rendions tous au scrutin pour affirmer une fois de plus par un vote sérieux el réfléchi en faveur de M. Washer la politique d'union dans l'action qui a caractérisé la victoire libérale du 11 juin dernier.
« Agréez, monsieur, l'assurance de notre considération distinguée,
« Le secrétaire, » D. GHEUDE.
« Le président, GUSTAVE JOTTRAND. »
(Extrait de L’Echo du Parlement, du 28 août 1878)
Chronique électorale [à l’occasion de la désignation du candidat libéral de Bruxelles]
M. Washer. – « Les orateurs que vous venez d’entendre m’accordent quelque intelligence des questions commerciales, je les en remercie. En revanche, on insinue qu’en matière de politique, je suis un imbécile. Messieurs, j’ose protester.
« Je ne suis peut-être ni un homme politique ni un orateur. Pour mol l'éloquence consiste à faire pénétrer dans l'esprit des autres, les convictions dont on est pénétré soi-même. Je me sens cette force-là, et pas une autre. (Applaudissements.) « On s'étonne, messieurs, que je ne fasse un discours politique. Cela ne serait peut-être pas si difficile que vous le pensez. J’ai eu la bonne fortune de mettre la main sur un recueil extrêmement rare, intitulé la Cuisine politique. Je ne me rappelle plus, en ce moment, le nom de l'auteur.
« Le chapitre I est intitulé: « Des discours en temps d'élections » et voici la recette qu'il donne pour le grand discours qui doit précéder le poll :
« Vous prenez quelques phrases du congrès libéral de 1846 : séparation des églises et de l'Etat, amélioration du sort du prolétaire, etc. Vous relevez cela par quelques pointes d'esprit, si vous en avez, et vous assaisonnez le tout par quelques grains de bon sens. si vous en possédez. (Hilarité). L'auteur constate que ces deux denrées sont toujours rares. Puis vous délayez jusqu'à extinction de chaleur naturelle.
« Le discours, qui est le résultat de ce travail, produit toujours son effet, un effet parfois soporifique sur les auditeurs d'élite. Messieurs, je vous considère comme tels, aussi n'ai-je pas voulu suivre les recettes de l’auteur du livre, pensant que vous n'aimeriez pas un plat vulgaire. (Hilarité prolongée.) (…) »