Gillieaux Victor, Sylvain, Joseph liberal
né en 1832 à Gilly décédé en 1898 à Montignies-sur-Sambre
Représentant entre 1878 et 1894, élu par l'arrondissement de Charleroi(Extrait de La Gazette de Charleroi, du 25 août 1898)
Nous avons annoncé hier la mort, datant de quelques heures, de l'ancien représentant de Charleroi. Cette nouvelle, qu'on n'attendait pas si prompte, a dû émouvoir l'industrie du pays tout entière, à laquelle le défunt avait consacré une vie de labeur, donnant aux intérêts généraux de ses concitoyens autant de soin qu'aux siens propres.
Ce dévouement n'était pas aveugle, comme celui des politiciens actuels, qui pérorent sur tout, ne connaissant rien. Les questions que Victor Gillieaux traitait de préférence, il les étudiait à fond, s'éclairant à la foi des lumières d'une science et d'une expérience consommées. Il avait d'ailleurs une base excellente, dans un diplôme d'ingénieur des mines brillamment conquis à l'Université de Liége et dans un court passage à l'administration.
Mais l'officier des mines donna bientôt sa démission pour s'occuper de l'industrie privée où il acquit une place prépondérante.
La mort le trouve administrateur-délégué de la Fabrique de fer de Charleroi, de celle de Maubeuge, du charbonnage du Petit-Try à Lambusart, administrateur de la Société anonyme du Nord de Gilly, pour ne citer que les entreprises les plus connues dont le nom nous revient l'esprit.
La situation industrielle de Victor Gillieaux le désignait tout naturellement au choix des électeurs de l'arrondissement à une époque où ceux-ci se laissaient guider dans ces choix par la capacité et l'influence des candidats. Il avait alors 47 ans, la fleur de l'âge et il promettait au Parlement un défenseur énergique des intérêts matériels du pays.
Elu le 11 juin 1878, le nouveau député de Charleroi ne mentit pas aux espérances mises en lui : dès les débuts de la session ordinaire de 1878-79, on le voit prendre part à toutes les grandes discussions, surtout celles relatives aux tarifs et aux moyens de transports, aux questions économiques, aux entreprises coloniales, à notre représentation consulaire et commerciale, aux budgets.
A tous moments son activité parlementaire est mise à contribution par ses collègues qui le nomment rapporteur de nombreuses commissions spéciales et de nombreuses sections centrales.
En dehors de l'enceinte parlementaire son dévouement n'était pas moins grand quand il s'agissait de la prospérité du pays liée à celle de l'industrie. C'est ainsi que dans toutes les grandes expositions il fut membre et même président du jury.
Enfin dans le même ordre d'idées, le gouvernement, malgré une divergence d'opinions politiques irréductible, le nomma membre du Conseil supérieur du Commerce et de l'Industrie, nomination qui s'imposait d'ailleurs.
Divergence d'opinions politiques ! dans la VIe publique, Depuis son entrée dan la vie publique, Victor Gillieaux avait vu périr le ministère qu’il soutenait de ses votes sans le servir en partisan fanatique. Il savait faire preuve d'indépendance quand il le fallait.
Pendant les dix ans qu'il siégea devant un cabinet catholique, il en fut de même un adversaire résolu mais sans intransigeance, donnant son concours au gouvernement quand les circonstances l'exigeaient et malgré l'obstination de ministres plus têtus que capables qui ne se rendaient pas toujours aux bonnes raisons du représentant de Charleroi.
Mais dans les deux situations inverses, député de la majorité ou de la minorité, Victor Gillieaux n'oublia jamais qu'il était le mandataire du parti libéral. Il lui resta fidèle dans le malheur comme dans le bonheur.
Toutefois on ne peut dire que Victor GiIlieaux fut à proprement parler un homme la politique. Il avait été élevé à une école où la politique n'était pas encore le but auquel on sacrifiait tout et que poursuivent à leur profit personnel les intrigants et les ignorants. Il y voyait un moyen, un outil pour faire triompher ses idées économiques et défendre les intérêts matériels de ses commettants.
Dès avant son entrée à la Chambre, ses collègues les maîtres de forges l’avaient élevé à la présidence de leur association qu’il occupa depuis 1869 jusqu’à ce jour.
Ce ne fut pas le seul honneur qui échut à Victor Gillieaux. L’Association des ingénieurs de Liége l’élut vice-président. Il était commandeur des ordres de Léopold et de Takovo de Serbie, officier de la Légion d’honneur, chevalier de l’ordre du Christ et de Portugal.
Pourtant c’était un modeste, un simple et un homme pratique. Il appréciait à leur juste valeur les satisfactions de la vanité. Il sera enterré obscurément, sans discours ni couronnes. Il a jugé que son œuvre, son activité pouvaient se passer d’éloges parlés ou écrits et que la pompe de funérailles imposantes n’ajouterait rien au souvenir et aux regrets qu’il laissera dans son pays.
(Extrait de La Meuse, du 24 août 1898)
Mort de M. Victor Gillieaux
Une douloureuse nouvelle nous est parvenue dans la soirée d'hier : M. Victor Gillieaux, l'ancien et éminent représentant à la Chambre de l’arrondissement de Charleroi, a succombé à 7 1/2 heures à un mal qui ne le tenait alité que depuis une dizaine de jours. Au début, l'on était loin de prévoir ce dénouement fatal et l'état du malade n’avait empiré que dans les derniers temps. M. Gillieaux était dans sa 67ème année.
M. Victor Gillieaux était entré à la Chambre le 11 juin 1878, une année où le libéralisme triomphant culbuta le ministère catholique. Il fut successsivement réélu en 1882, 1886, 1890 et 1892. En 1894. lors de la première application du suffrage universel pluralisé, il succomba avec toute la liste libérale. Il avait donc siégé pendant seize ans, apportant dans le débat de toutes les questions industrielles une autorité telle que le pouvoir gouvernemental ne pouvait que difficilement passer outre à ses représentations. Aussi l'arrondissement de Charleroi fit-il une perte des plus préjudiciables par le scrutin de 1894, qui rendit l’honorable M. Gillieaux à la vie privée.
C'est pourquoi, en ces derniers temps, on accueillit avec une vive satisfaction la nouvelle que M. Gillieaux avait accepté la candidature que les libéraux lui avaient offerte à l’un des sièges de sénateurs du Hainaut. On sait à la suite de quels incidents regrettables cette candidature éminemment opportune échoua, en même temps que celle de M. le comte Oswald de Kerchove.
M. Victor Gillieaux a joué dans les industries métallurgique et charbonnière un rôle des plus importants. Il était depuis de longues années le président de l’Association des maîtres de forges, à laquelle sa haute personnalité imprimait un singulier relief. Il avait à différentes reprises soutenu diguement à l'étranger les intérêts et le renom industriel belges.
C’est une grandes figures du bassin qui disparaît et l'on peut dire que sa mort aura, bien au delà de nos frontières, le plus douloureux retentissement.
(Extrait de La Gazette de Charleroi, du 28 août 1898)
Les funérailles de M. Victor Gillieaux
L'enterrement de l'ancien représentant de Charleroi quoique débarrassé de toute pompe officielle a eu un caractère imposant.
Les membres de l'Association des maîtres de forges se sont réunis à 9 1/2 h. dans leur salle des séances où le buste et le portrait du regretté défunt avaient été voilés de crêpe et se sont rendus aux funérailles en corps, conduits par M. Hovine, Simont et de Nimal, membres du bureau, auxquels s'étaient joints les présidents de toutes les associations commerciales et industrielles du Hainaut : MM. Valère Mabile, président de la Chambre de commerce française ; Fourcault, président de l’Association des maîtres de verreries belges ; Passelecq, Hardy et Sottiaux, respectivement présidents des associations charbonnières de Charleroi, deMons et du Centre. On remarquait égaiement dans l'assistance : M. L. Strauss, président du Conseil supérieur de l’Industrie et du Commerce ainsi que de la Fédération des Associations Commerciales et Industrielles de Belgique ; M. Braconier de Macar, président de l'Union des charbonnages, mines et usines métallurgiques de Liége ; Peltzer de Clermont, président de la Chambre de commerce de Verviers ; Ch. Corty, président de la Chambre de commerce d'Anvers, etc., etc.
Aux environs de la mortuaire, les candélabres étaient allumés et couverts de crêpe. Une chapelle ardente avait été élevée dans un des salons où se tenait la famille, ayant à sa tête le frère du défunt, M. Léopold Gillieaux, qui conduisait le deuil.
Parmi les hommes politiques présents nous notons MM. Fourcault-Frison et Tournay-Detilleux, ancien sénateur et sénateur : M. Henrcot, ancien représentant : MM. les échevins Devreux et Dourler.
A citer encore le président du tribunal M. Lemaigre, le commissaire d'arrondissement M. de Dorlodot, le major Verhaeghen, etc., etc.
Le clergé de Montigny-NeuviIle est venu faire la levée du corps.
Le cortège était précédé du drapeau de la Société de Secours mutuels les Disciples de Saint-Eloi de Marchienne-au-pont. Le corps était porté par des ouvriers de la Fabrique de fer venus en très grand nombre à l'enterrement de leur administrateur-délégué.
Les cordons du poële étaient tenus par MM. J. Audent, bourgmestre et sénateur ; Hovine, vice-président de l'Association des Maîtres de forges, Valère Mabill, Camille Wautelet, Evrard, Paquet, directeur-général de la Société d’Escombrera-Bleyberg, présidnt de l’Association des Ingénieurs, sortis des Ecoles spéciales de Liége ; Emile Henin, directeur du charbonnage du Petit-Try et Dufer, directeur de la Fabrique de fer de Maubeuge.
Le service funèbre a eu lieu à l'église de Montigny-NeuviIle, entièrement tendue de noir. L'offrande ne s'est terminée que tard après-midi. Le corps a été ensuite transporté au cimetière de Gilly et inhumé dans le caveau de la famille.