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Furnémont Léon (1861-1927)

Portrait de Furnémont Léon

Furnémont Léon, Louis socialiste

né en 1861 à Charleroi décédé en 1927 à Saint-Gilles

Représentant 1894-1904 (Charleroi) et 1906-1913 (Namur)

Biographie

(Extrait des Hommes du Jour, 1895-1896, n°15)

Léon Furnémont, député pour l’arrondissement de Charleroi , conseiller communal de Bruxelles

Ce n'est pas le fait le moins saillant de l'histoire du Parti progressiste que la séparation qui se produisit, en septembre 1894, entre les dirigeants et les jeunes du parti, à la veille de la grande bataille qu'on allait pour la première fois livrer, devant le corps électoral universalisé.

Jusque là, le Parti progressiste bien uni et discipliné, avait mené gaillardement, aux côtés de la classe ouvrière organisée, l'ardente campagne pour les idées et les réformes démocratiques en tête desquelles figurait le suffrage universel pur et simple.

Les dissentiments se dessinèrent lors des laborieux travaux de la Constituante, en présence des tâtonnements et des pourparlers de tout genre nécessités peut-être par la difficulté réelle qu'il y avait d'aboutir dans cette question de révision constitutionnelle.

Les jeunes eussent voulu voir les chefs progressistes adopter une attitude plus déterminée, plus nette, et se prêter moins aux parlottes et aux conversations de couloirs qui devaient amener fatalement une solution du genre de celle qui nous est échue.

La polémique entre la direction politique de La Réforme et Le Peuple au sujet de l'opportunité qu'il y avait eu de déclarer la grève générale pour triompher des résistances et du mauvais vouloir du gouvernement, vint aggraver cette situation.

Aussi vîmes-nous un groupe de jeunes progressistes fonder un journal hebdomadaire, La Justice, franchement et nettement socialiste, en prévision des événements qui, dans leur esprit, devaient fatalement s'accomplir.

Enfin, les pourparlers officiels que le conseil général de la Fédération (en l'absence de Paul Janson, mais sur les instances de M. Emile Feron) décida d'engager avec la Fédération libérale, vinrent mettre le feu aux poudres.

L'opposition se dessina nettement, La Justice combattit avec la plus grande énergie et son action fut telle que les pourparlers n'aboutirent pas.

Le Congrès Progressiste ne put que le constater et, à la demande de Paul Janson, réserver sur la question des alliances, la liberté d'attitude des groupes fédérés.

Battu de ce côté, Emile Feron se replia sur l'arrondissement de Bruxelles, préconisant pour cet arrondissement, la triple alliance dont l'impossibilité et l'impraticabilité venaient d'être démontrées.

Le leader progressiste, malgré les instances d'amis anciens et dévoués, apporta à la défense de cette idée, l’habileté , l'énergie et la persévérance qu'il avait coutume de mettre au service de ses idées.

Il réussit à accoupler l'Association libérale et la Ligue, mais il divisa son parti et vit le parti ouvrier se détourner de lui.

* * *

Ce préambule était nécessaire pour rappeler brièvement l'activité politique de Léon Furnemont qui mena avec ses amis, Brunet, Grimard, Hallet, La Fontaine, toute cette campagne en faveur de l'union de toutes les forces démocratiques, ouvrières et bourgeoises.

C'est à cette mémorable séance de l'Association libérale, tenue en septembre 1894, à la Cour d'Angleterre, que s'effectua la désagrégation du parti progressiste.

La salle était bondée, les esprits étaient surexcités au plus haut point, la soirée s'avançait, chacun était pressé d'aboutir. Des deux côtés de l'assemblée des discours éloquents avaient été prononcés et Paul Janson lui-même abandonnait la tribune aux acclamations mille fois répétées d'une foule emballée au rappel des services rendus par le tribun progressiste.

L'heure n'était plus aux longs discours. Léon Furnémont l'a compris, il escalade la tribune, et la tête haute, l'allure énergique, il rappelle le martyrologe de la classe ouvrière, les fusillades de Tilleur, Roux, Quenast, Mons, Borgerhout, où le pavé des routes est encore rouge du sang des travailleurs ; il montre le parti doctrinaire approuvant à la Chambre toutes les tueries et il interpelle directement Paul Janson :

« Quelle est donc, s'écrie-t-il, cette puissance, nouvelle Circé, qui a transformé les hypocrites de la Ligue libérale en amis sincères de la classe ouvrière ? ... »

Et les phrases se succèdent rapides, impétueuses, soulevant les applaudissements des uns, les murmures des autres, mais précisant avec netteté et concision les raisons de la politique défendue par lui et ses amis.

« Vous allez, continua-t-il, combattre avec énergie ceux qui se proposent d'affamer le peuple et vous inscrivez sur votre drapeau le nom de l'impopulaire ministre des finances, que le peuple appelle l'homme des impôts de consommation.

« Vous vous posez en défenseurs de la petite épargne, compromise par les agissements véreux des financiers cosmopolites, et vous aurez sur votre liste les commensaux ordinaires et les amis fidèles des banquiers juifs qui ont fait les émissions des valeurs argentines.

« Vous avez à votre programme le referendum qui tend à restituer à la souveraineté populaire son caractère de sincérité et de véritable grandeur, et vous recommanderez au corps électoral celui qui considère le referendum comme une mauvaise farce.

« Vous craignez le verdict des campagnes, et pour essayer de ramener à vous les paysans égarés, pensez-vous qu'il faille leur présenter ceux qui les ont outragés du nom de barbares ? Au moins, pour contrebalancer l'influence cléricale sur les travailleurs des campagnes, faut-il rallier à nos idées et à nos candidats l'unanimité des travailleurs des villes ?

« Est-il bien nécessaire pour cela que nous marchions à la bataille avec ceux qui méprisent ce qu'ils appellent la racaille des grandes villes ? »

Les acclamations retentissent maintenant, tant l'orateur a mis de chaleur et d'émotion réelle dans ce discours. Furnémont profite de l'avantage qu'il vient de prendre. Il menace maintenant et lance cette déclaration de guerre :

« Notre hostilité envers la Ligue libérale est irréductible. Quelles que soient vos décisions, nous lutterons jusqu'au dernier moment et nous affirmons qu'aucun doctrinaire ne représentera l'arrondissement de Bruxelles au prochain Parlement. »

L'assemblée n'est pas encore remise de l'émotion, bien naturelle, que lui cause cette déclaration, que Furnémont termine son discours en adressant aux progressistes cette suprême prière :

« Je vous conjure, Messieurs, de ne pas abdiquer entre les mains de la Ligue libérale. On dit que les doctrinaires tendaient aux progressistes et aux ouvriers des bras fraternels. Je me rappelle le vers fameux : « J'embrasse mon rival, mais c'est pour l'étouffer. » Je me défie des étreintes doctrinaires, et je leur préfère la main loyale et désintéressée du peuple, avec lequel nous lutterons jusqu'à la mort pour conquérir la véritable démocratie. »

* * *

On sait ce qui advint. L'alliance doctrinaire fut votée, au milieu d'un tumulte indescriptible, où domina la voix de Paul Janson, criant à Furnémont : « Vous venez de commettre un crime contre la classe ouvrière ! »…

Léon Furnémont et ses amis tinrent parole. Ils quittèrent l'Association libérale et prirent rang dans le Parti ouvrier.

Mais, si l'Association libérale donna tort aux jeunes progressistes, les événements leur donnèrent raison. La liste de concentration libérale fut battue à Bruxelles, tandis que les socialistes recueillaient le chiffre énorme de 40,000 suffrages.

Au ballottage, les socialistes apportaient leurs voix aux progressistes; mais la liste libérale n'en éprouva pas moins un lamentable échec et pour cette raison que, unis en présence du socialisme qui venait de faire en province une trouée formidable, les doctrinaires prirent peur des progressistes et d'eux-mêmes, et coururent se réfugier dans les bras de l'Eglise, l'éternelle consolatrice des affligés et des timorés.

Tandis que MM. Janson et Feron étaient battus à Bruxelles, Léon Furnémont était élu à Charleroi, sa ville natale, grâce aux suffrages des ouvriers qui ne se laissèrent pas impressionner beaucoup, on en conviendra, par la condamnation publique prononcée par Paul Janson.

* * *

Léon Furnémont est né à Charleroi le 17 avril 1861. Il n'a donc que 34 ans. Son père, établi de longues années à Charleroi, s'était retiré des affaires et habitait Ixelles, dont il devint conseiller communal.

Le caractère et les tendances du futur député de Charleroi se manifestent pour la première fois en 1874, alors qu'il terminait ses études professionnelles au collège communal de la ville de Nivelle», placée alors sous l'administration pudibonde de M. Jules De Burlet.

M. De Burlet poursuivait de sa haine M. De Facqz, l'excellent démocrate qui dirigeait à cette époque le pensionnat communal de Nivelles, et il était parvenu à le faire renoncer à ses fonctions.

Ce fut l'occasion d'une jolie révolte dans le collège. A la tête de ce mouvement protestataire figuraient Léon Furnemont et Fernand Michel, un progressiste un peu refroidi, qui fut battu par les socialistes aux élections d'octobre, dans l'arrondissement de Soignies.

Cette courageuse attitude n'empêcha pas Furnémont de quitter Nivelles chargé de prix et de distinctions.

Nous le retrouvons en 1875 à Liège, étudiant à l'école des Mines. Il y fonda un cercle d'Etudiants progressistes en 1879, avec un programme politique et économique réclamant le suffrage universel, la République, la réglementation du travail, le minimum de salaire, etc.

Il fallait un drapeau à ce cercle ; après des discussions passionnées, Furnémont fit choisir le drapeau rouge.

En 1880, il collabora au journal quotidien L'Observateur et publia des articles remarquables par le fond et par la forme et où se précisaient ses tendances politiques et économiques.

* * *

Les études d'ingénieur ne lui sourient guère. Il quitte l'école des Mines après avoir conquis son diplôme d'élève ingénieur et se rend à Bruxelles, où il commence des études de droit.

Tout de suite il devient collaborateur assidu de L'Etudiant, créé par un de nos plus spirituels et charmants confrères, Fritz Rotiers, aujourd'hui rédacteur à La Chroniqe et directeur de L'Eventail.

A Bruxelles les idées de Furnémont devaient le mener droit à l'Association libérale où se livrait alors entre Janson et ses amis d'une part, et les doctrinaires d'autre part, le bon combat démocratique.

Successivement Furnémont fait partie des comités électoraux Feron, Arnould, Robert, Picard, dans lesquels il combat les candidatures d'Eug. Van Bemmel et Léon Vanderkindere, qui n'étaient rien moins que ses professeurs à l'Université libre.

Il modifie l'organisation des Jeunes Gardes, provoque en 1882, la fédération de toutes les associations similaires du pays et forme ainsi ce noyau de jeunes gens que nous retrouvons plus tard au premier congrès progressiste.

Il collabore en même temps à La Tribune, journal montois qui eut son heure de succès.

En 1884, Furnémont conquiert brillamment son diplôme de docteur en droit et quitte l'Université, non sans y avoir laissé le souvenir d'un joyeux étudiant ayant participé à des farces demeurées célèbres dans les fastes de la vie universitaire.

* * *

La propagande pour la Libre Pensée requiert alors toute son activité. Il devient président du cercle des Soirées populaires rationalistes, et se rend tour à tour aux congrès internationaux de Londres, de Paris et de Madrid, où il s'efforce avec succès de faire admettre par la Libre Pensée les solutions socialistes.

Ses grandes qualités de propagandiste et son réel talent d'orateur le signalent à l'attention des Libres Penseurs de Bruxelles, qui le portent à la présidence en 1890.

Il prend la direction de La Maison, journal spécial, dans le but d'aviver et d'unifier la propagande rationaliste.

* * *

Son activité dans le parti progressiste ne fut pas moins grande. Elu délégué au premier congrès en 1887, il vota avec une centaine de ses amis pour le suffrage universel pur et simple alors que Paul Janson défendait la solution du savoir lire et écrire.

Plus tard il prit part à la propagande pour la nation armée, organisa des centaines de conférences avec Lorand, Brunet, Bens, Grimard, Lemonnier et d'autres, pour faire connaître le programme progressiste ; enfin il fit avec les orateurs du Parti ouvrier cette magnifique campagne en faveur du suffrage universel, pour laquelle il avait été chargé par la Fédération progressiste de rédiger une conférence type qui eût le plus grand succès.

Furnémont fut d'ailleurs de toutes les propagandes et de tous les congrès progressistes. Nommé membre du conseil général, ce fut à lui qu'on eut recours pour la rédaction du rapport sur les questions économiques soumises au dernier congrès, au cours duquel il prononça un très scientifique discours sur le rachat des charbonnages par la collectivité.

* * *

Léon Furnémont fut deux fois candidat aux fonctions de conseiller communal à Bruxelles.

Il échoua la première fois, en 1887, avec toute la liste de l'Association libérale qui se présentait en protestant contre la conversion des emprunts communaux et unie à la classe ouvrière dont les représentants figuraient sur une liste commune sans avoir dû passer par les formalités d'un poll.

Il fut élu en 1890, et s'occupa surtout au conseil communal des questions touchant à l'enseignement. On lui doit l'enquête sur la situation des enfants pauvres fréquentant les écoles communales. Pendant la dernière discussion du budget il proposa d'allouer un subside de 10.000 francs à l'Université nouvelle, où il professe aujourd'hui le cours d'histoire contemporaine.

On se souvient du scandale qui survint à l'Université, lorsque au mépris de toutes les traditions de la libre discussion, on suspendit le cours d'Elysée Reclus. Furnémont fut un de ceux qui protestèrent le plus énergiquement contre cet acte d'intolérance.

A la suite de ces événements, M. Goblet d'Alviella fut contraint de donner sa démission de vénérable de la loge des Amis Philanthropes et fut remplacé par Léon Furnémont, premier surveillant, à qui échut l'honneur d'ouvrir les portes des loges à Elysée Reclus et d'y installer les étudiants qui tenaient à suivre les cours de l'éminent géographe.

* * *

Avec un passé aussi bien rempli, Furnémont était tout indiqué pour être l'un des premiers élus du suffrage universel, d'autant plus qu'il joint à une facilité de parole peu ordinaire, une grande intelligence qui lui a permis de beaucoup étudier et de tout retenir. Aussi son succès, facilité par ses manières affables, a-t-il été considérable auprès des travailleurs de l'arrondissement de Charleroi qui l'ont envoyé siéger à la Chambre, le second de la liste, par 70,356 suffrages.

Au Parlement, Léon Furnémont a pris plusieurs fois la parole et toujours à su se faire écouter.

Nous ne citons que pour mémoire son discours sur l'emploi des explosifs dans les mines, où l'élève ingénieur a su démontrer sa parfaite connaissance de la question ; son discours sur la proposition d'amnistie où il fit un éloquent appel à l'oubli des discordes passées ; son intervention dans la dotation du Comte de Flandre et dans la discussion de la loi communale.

La question coloniale paraît l'intéresser spécialement. Il fait partie de la commission des XXI, chargée d'examiner le projet de cession du Congo présenté par le gouvernement, et aidé des membres de la minorité, il saura défendre énergiquement les intérêts du pays.

* * *

Quelques mots sur l'homme privé.

Léon Furnémont est dans toute l'acception du terme un honnête et loyal garçon, d'un commerce agréable, dont on recherche volontiers la compagnie.

Ennemi de toute pose et de toute retenue, il adore se montrer comme il est, sans se préoccuper du qu'en dira-t-on !

Par-dessus tout, il aime à rire et à plaisanter et ne saurait pour rien au monde renoncer à une saillie spirituelle, lorsqu'elle lui passe par le cerveau.

Ses collègues du Conseil communal, où il dispute à Emile Demot le record des à-propos spirituels, en savent quelque chose ; les habitués de la Chambre et les lecteurs des Annales n'ignorent pas ce côté original et réellement amusant du caractère de Léon Furnémont.

Toutes ces qualités du cœur et de l'esprit, Léon Furnémont les met au service de la politique qu'il défend et lui amène la confiance et l'estime de ses mandants.

Jeune encore, il a déjà rendu de grands services à la démocratie, et il tient brillamment sa place parmi la petite phalange qui combat au parlement pour l'émancipation et l'amélioration de la classe ouvrière.

Ch. D.


(Extrait de La Wallonie, du 3 décembre 1927)

Léon Furnémont, est mort vendredi matin, à Saint-Gilles, chez sa fille aînée, Mme Lucien Fuss, entouré de ses enfante et de ses petits-enfants. Il a succombé une pneumonie. A l'âge de 66 ans.

Sa vie fut consacrée à la démocratie

Député socialiste de Charleroi, puis de Namur, Léon Furnemont a joué, dans la politique belge, un rôle de premier plan.

Il était né à Charleroi dans une famille de commerçants le 17 avril 1861.

Il entra jeune dans le mouvement démocratique où sa grande valeur personnelle le mit tôt en évidence.

Le caractère et les tendances au futur député socialiste se manifestèrent pour la première fois en 1874, alors qu'il terminait ses études au collège communal de Nivelles. Le bourgmestre catholique, M. de Burlet. était parvenu à faire renoncer à ses fonctions, M. de Facqz, un démocrate qui dirigeait le pensionnat. Ce fut l’occasion d'une révolte dans le collège, menée par Léon Furnemont.

En 1875, il est à Liége étudiant à l’école des mines, il y fonde en 1879 le Cercle des étudiants progressistes. dont le programme comprend le suffrage universel, la République, la réglementation du travail et le minimum de salaire. Comme drapeau, après des discussions passionnées, Furnemont fait choisir le drapeau rouge.

En 1880, il collabore au journal quotidien L’Observateur. Mais les études d'ingénieur ne lui sourient guère. Aprè avoir conquis son diplôme d’élève ingénieur, il commence à Bruxelles ses études de droit. Il entre à l'Association libérale, où Paul Janson menait alors le combat contre les doctrinaires. Successivement. il fait partie des comités électoraux Feron. Arnould, Robert, Picard. et combat les candidatures de ses professeurs. MM. Van Bemmel et Léon Vanderkindere.

Il provoque en 1882 la Fédération des Associations de Jeunes Gardes qu'on retrouvera plus tard au premier congrès progressiste. En 1884, il est docteur en droit et quitte l'Université en y laissant de bons et joyeux souvenirs.

La Libre Pensée requiert alors toute son activité. Il est nommé président du Cercle des Soirées populaires rationalistes de Bruxelles et fait admettre par les congrès de Londres, Paris et Madrid, des solutions socialistes.

Ses grandes qualités de propagandiste et d'orateur le portent à la présidence de la Libre Pensée de Bruxelles en 1899. Il dirige La Raison. Il organise les congrès Internationaux de la Libre Pensée à Genève et à Rome en 1904, comme secrétaire de la Fédération universelle des Libres Penseurs, dont Marcelin Berthelot et Guillaume Degreet étaient les présidents d’honneur. Il est vénérable de la loge maçonnique les Amis Philanthropes.

Elu délégué au premier congrès progressiste de 1887, il vote avec une centaine de ses amis le S. U. pur et simple. alors que Paul Janson détendait la formule du savoir lire et écrire.

Plus tard. il prend part à la propagande pour la nation armée, et organise des centaines de conférences avec Emile Brunet, George Lorand, Georges Grimard. Rens, M. Lemonnier et d'autres. Enfin. il fait avec les orateurs du Parti ouvrier cette magnifique campagne en faveur du suffrage universel, pour laquelle il avait été chargé par la Fédération progressiste de rédiger une conférence-type qui obtint le plus grand succès.

Nommé membre du conseil général du parti progressiste, il rédige le rapport sur les questions économiques et prononce au dernier congrès un très scientifique discours sur le rachat des charbonnages par la collectivité I

En 1894, avec Max Hallet et Georges Grimard, il entre dans le Parti ouvrier dont il devient un des militants les plus actifs et les plus aimés. « Je préfère la main loyale et désintéressée du peuple, disait-il au meeting de la Cour d'Angleterre, et nous lutterons avec lui pour conquérir la véritable démocratie. »

Léon Furnemont est deux fois candidat aux fonctions de conseiller communal à Bruxelles. Il échoue la première fois, en 1887, avec toute la liste de l'Association libérale unie à la classe ouvrière. Il est élu en 1890. Il s'occupe surtout de l'enseignement et on lui doit l'enquête sur la situation des enfants pauvres fréquentant les écoles communales.

C’est lui qui défend et fait voter par le conseil communal de la capitale l'octroi d'un subside à la soupe scolaire des écoles communales et la soupe scolaire des écoles libres, en déclarant que la faim n'a pas de religion. Ce militant de la Libre Pensée n'avait, en effet, rien d'un sectaire, et il nous dit souvent que la solution de la question scolaire en Belgique était dans la coexistence de l'enseignement officiel et de l'enseignement libre subsidié et contrôlé.

Il professe le cours d'histoire contemporaine à l'Université nouvelle.

Avec un passé aussi bien rempli, Furnemont était tout indiqué pour être un des premiers élus du suffrage universel, d'autant plus qu'il joignait à une facilité de parole peu ordinaire, une grande intelligence, une grande faculté d'assimilation, une grande mémoire. II prend part à la campagne épique de 1894 avec Vandervelde et Destrée, et les travailleurs de Charleroi l’envoyèrent siéger la Chambre, le deuxième de la liste, par 70,356 suffrages.

Au Parlement, Furnemont prend fréquemment la parole et toujours sait se faire écouter. Nous ne citons que pour mémoire son discours sur l'emploi des explosifs dans les mines, son discours sur la proposition d'amnistie, où il fait un éloquent appel à l’oubli des discordes, son intervention dans la discussion de la loi communale. Il s'intéresse aussi à la question coloniale et fait partie de la Commission des XXI, chargée d'examiner le projet de cession du Congo.

En juillet 1899, quand le projet électoral Vandenpeereboom déchaîne la tempête, quand l'opinion publique fait sauter le ministre catholique et sa loi détestable, c'est le discours d'une haute habileté de Furnemont qui dénoue la crise et l’éloquent leader socialiste est porté à l'ordre du jour de son parti et félicité par toute la presse pour le service ainsi rendu au pays.

Il prend part à tous les débats politiques importants. Dans la discussion de la question des congrégations, c’est lui qui propose au ministre de la justice d'accorder la personnification civile aux associations religieuses, à condition de l'accorder aussi aux associations ouvrières. Le ministre catholique ne répondit pas.

Le député socialiste s’occupe spécialement de la question militaire et défend les solutions démocratiques. Aussi son travail parlementaire lut. assure une grande influence politique, en même tempe que 90n caractère lui attire les sympathies de la classe ouvrière.

En 1904, un accident du régime électoral de la R. P. le fait échouer avec 73,000 voix contre 40,000 aux catholiques, à 30 voix de quotient de moins.

Mais le Parti ouvrier ne voulut pas qu'un homme d'un talent aussi souple et d'une conviction aussi ardente, restât éloigné du Parlement. En 1905, il est nommé délégué à la propagande dans l'arrondissement de Namur, et en 1906. il est élu député de Namur, sur la liste du cartel démocratique, occupant la première place. Il le reste jusqu'à la veille de la guerre, puis il se retire dans la vie privée.

Toutefois, jusqu'au dernier jour, il s’intéresse à la vie du Parti ouvrier et au socialiste international et avant-hier encore il demanda à lire premier numéro du Populaire.

Il collabora aussi au Peuple. Il y écrivait une Quinzaine politique, alerte et savoureuse. Il arrivait le matin, s'asseyait à la table de la rédaction. dans la salle commune. II numérotait huit feuillets, écrivait le titre sur le premier, sa signature sur le dernier, lançait ses réparties et ses critiques, puis sa plume courait, d'un seul jet, et l'article partait pour l’atelier.

Furnemont, orateur ou journaliste, avait la coquetterie de bien faire, ce qu’il faisait, et toujours Il préparait soigneusement ses discours. Un des plus émouvants d’une haute élévation, est celui qu'il prononça sur la tombe d'Alfred Defuisseaux.

Dans toute l’acception dun terme. Léon Furnemont était un honnête et loyal garçon, un bon camarade. d'un commerce agréable et recherché. aimant les lettres et les arts. Ennemi de toute pose, il adorait se montrer tel qu'il était. Pour rien au monde, il n'aurait renoncé à un trait d'esprit.

Car de l'esprit, il en avait à revendre. Il disputait Emile De Mot, l'ancien bourgmestre, le record des propos spirituels. II était d'ailleurs de ses interruptions qui valaient un discours et démontaient l'adversaire. Ses mots à l'emporte-pièce, gais et piquants, étalent parfois féroces.

On se rappelle la flèche acérée lancée à la Chambre à l'énorme baron Duquesne, bourgmestre de sa commune : « Vous êtes la plus grosse tête de Vaulx. »

Sa verve étincelante faisait merveille et il était un contradicteur redoutable. Gouailleur et primesautier, il avait la répartie vive et rapide. Un jour, dans un meeting. dans l'arrondissement de Dinant, un curé l'interrompit : « Vous êtes les ennemis de la famille. » Et Furnemont de tirer de don portefeuille une photographie de ses quatre enfants : « Faites-en autant, Monsieur le curé ! »

Toutes ses qualités de cœur et d'esprit, son talent. son savoir, son éloquence chaude et généreuse, Léon Furnemont les mit au service de la classe ouvrière et de la démocratie.

Il a rendu au socialisme des services considérables que la classe ouvrière n'oubliera pas.

A l'heure où il disparaît, nous saluons avec émotion sa mémoire, car nous l'avons fraternellement aimé, et nous présentons à ses enfants nos condoléances sincères.

Le corps de Léon Furnemont sera incinéré à Paris.


(Extrait du Journal de Charleroi, du 3 décembre 1927)

Ce matin est décédé à Bruxelles Léon Furnémont. Elu député de Charleroi, sa ville natale, en 1894, il représenta longtemps cet arrondissement à la Chambre, puis devint député de Namur. Au lendemain de l'armistice, il ne demanda pas le renouvellement de son mandat.

Furnémont est mort des suites d'une pneumonie, chez sa fille aînée, Mme Lucien Fuss, entouré de tous ses enfants et petits-enfants. Il était âgé de 66 ans.

C'est avec tristesse, une sincère tristesse que nous venons apporter à nos lecteurs la nouvelle de la mort de Léon Furnémont et nous avons ta conviction que tous ceux qui l'ont connu éprouveront le même sentiment.

Car Furnémont comptait dans notre arrondissement de nombreux amis et admirateurs. Il fut de cette vaillante équipe de jeunes bourgeois venus au parti socialiste, poussés par leur aspirations démocratiques, insuffisamment satisfaites par le programme du parti libéral progressiste, dirigé par les Janson, Feron, Eugene Robert.

Léon Furnémont fut élu député de Charleroi à la première consultation du corps électoral sous le régime du suffrage élargi, remplaçant le suffrage censitaire. Avec Vandervelde, Destrée,_ Léopold Fagnart, Caeluwaert, Cavrot, Léonard, LambiIIotte, il formait le bloc de l'arrondissement de Charleroi au sein du Parlement.

Ah ! quelle belle équipe et comme on aime à se souvenir de la part brillante qu'elle prit dans les débats parlementaires et dans la campagne de propagande pour le Suffrage Universel.

Et qui ne se souvient de l’éloquence spirituelle, mordante parfois mais le plus souvent railleuse, de Léon Furnémont. A la Chambre, il prononça des discours d'une haute portée et ses interruptions ironiques, pétillantes d'esprit, ont démonté maints orateurs des partis adverses.

Mais son ironie ne pouvait manquer de lui susciter des ennemis implacables, et dans le parti catholique ; il s’en trouva de peu scrupuleux qui s’efforcèrent - ne pouvant combattre avec succès cet adversaire sur le terrain des idées politiques – de le frapper dans sa vie privée.

Et bien que les tribunaux, en dernier ressort, aient proclamé son innocence, Léon Furnémont ne cessa pas d’être calomnié par des adversaires de mauvaise foi.

Et par ces attaques perfides et traîtresses, Léon Furnémont fut moralement abattu ; il se retira son sa tente, ne prit plus part à nos luttes mais les suivit toujours avec une sympathie passionnée.

C’est un ami, un frère que nous perdons et nous saluons sa mémoire avec une respectueuse émotion.


Voir aussi : la notice biographique de PUISSANT J., sur le site du Maîtron (consulté le 9 décembre 2025)