Defnet Gustave, Jean-Baptiste socialiste
né en 1858 à Namur décédé en 1904 à Namur
Représentant 1894-1904 , élu par l'arrondissement de Namur(Extrait de Les Hommes du jour, Bruxelles, Lefèbvre, 1894-1895, n° 12)
Gustave Defnet, député pour l’arrondissement de Namur
Chaque fois que des transformations sociales se sont accomplies, à chaque situation nouvelle créée par les grands mouvements politiques ou économiques, des hommes nouveaux ont surgi ; ignorés la veille, ils se sont révélés avec des qualités, des connaissances qui les ont portés naturellement au premier rang.
Après le vote de la révision, le personnel parlementaire belge ne croyait pas à une modification aussi profonde dans les mœurs politiques que celle qui vient de se produire. On comptait bien sur une orientation un peu plus accentuée, mais on ne doutait nullement que le parti clérical et le parti libéral ne fussent encore les arbitres des destinées du pays. Certes, dans quelques milieux réputés révolutionnaires, voire même anarchistes, quelques candidats socialistes passeraient à travers les mailles du suffrage plural. On avait fait la part du feu. Le fait avait peu d'importance et les nouveaux élus, subjugués par la majesté du parlementarisme, devaient bientôt se rendre à merci, réduits au rôle de comparses, dans une assemblée de vieux parlementaires habitués à toutes les ficelles de couloirs, préparés depuis longue date par leur instruction et leur éducation au gouvernement et à la gestion des affaires publiques.
Le résultat des élections du 14 octobre 1894 frappèrent nos gouvernants de stupeur. M. De Burlet avoua son effroi, mais il se ressaisit vite. Les trois quarts des nouveaux députés sortaient des usines et des mines : on en aurait vite raison.
Bien plus, le spectacle serait amusant et l'on escomptait déjà les gaffes que ne manqueraient pas de commettre ces inconnus, et leur timidité en face de nos maîtres serait tout à fait réjouissante.
Il fallut en rabattre.
Ces mineurs, ces métallurgistes, ces tisserands, ces employés, tinrent tête à la majorité ; toutes les questions furent passées au crible du plus sévère examen ; ils déposèrent une série de projets de loi qui dénotaient chez leurs auteurs une étude approfondie des questions les plus abstraites ; leurs discours bien étudiés, éloquemment prononcés attirèrent l'attention du public et les députés socialistes devinrent les lions du jour.
Parmi ces nouveaux arrivés, Gustave Defnet est certes un des plus sympathiques et un de ceux sur lesquels il est permis de compter.
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Gustave Defnet est né à Namur - la plus belle ville du monde, disait le regretté Wilmart - le 25 décembre 1858.
Après de très maigres études à l'école communale, il entre, à l'âge de quatorze ans, en qualité d'apprenti typographe, à l'imprimerie du journal L'Opinion libérale, de Namur.
Son apprentissage terminé, il vient à Bruxelles et est embauché à l'imprimerie Vanderauwera, installée alors rue de la Sablonnière.
Dès cette époque, il s'occupe de politique progressiste et de Libre-Pensée. Il se fait recevoir aux Cosmopolitains.
En 1877 survient la grande grève des typographes Il y prend part.
Le tirage au sort ne favorisa pas Defnet. Il prit un mauvais numéro à la conscription et fut incorporé au 1er chasseurs à pied.
Cinq mois après, il devient sous-officier et fut ensuite désigné en qualité de secrétaire du lieutenant-colonel de Haes, qui commandait le camp de Beverloo.
Au régiment, il fit simplement son devoir ; estimé de ses camarades et de ses chefs, c'est avec regret qu'on le vit partir à l'expiration de son service.
Rentré dans la vie civile, Defnet cherche, mais en vain, du travail ; il fait toutes les imprimeries à la recherche d'un gagne-pain ; ne trouvant rien, il est obligé de s'expatrier. Il va d'abord dans le Nord de la France où il fonde une société typographique, puis à Paris où il séjourne pendant quelques mois. En 1882, il est contraint de rentrer en Belgique pour rejoindre son régiment qui prend part aux grandes manœuvres du Luxembourg.
Libéré définitivement du service militaire, Defnet se marie, et le lendemain de ses noces est atteint par le chômage. Le long calvaire recommence, aggravé par les charges nouvelles ; travaillant parfois un jour, remplaçant un camarade de temps en temps, donnant un coup de main par-ci, par-là, bref la misère. Il se décide alors à retourner à Namur et rentre à L'Opinion libérale, dont il était sorti apprenti.
L'amour des voyages le reprend, nous le trouvons à Givet en qualité de chef d'atelier, et, en 1884, il entre dans l'équipe de La Réforme qui venait de se fonder à Bruxelles. Il quitte cette place pour entrer à l'imprimerie Edouard Maheu, en qualité de correcteur.
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On se rappelle cette année fameuse de 1884 ; le parti libéral renversé, les grandes manifestations de la rue, l'intense campagne républicaine menée par Le National belge, la création de la Ligue ouvrière bruxelloise, berceau du parti ouvrier actuel. Defnet se jette dans la mêlée, il prend la parole dans les meetings, se multiplie, devient secrétaire de la Ligue ouvrière et collabore à La Voix de l'ouvrier, ressuscitée par Louis Bertrand.
Successivement il est investi d'importantes fonctions. Tour à tour secrétaire de l'Association libre des typographes, puis, en 1885, membre du conseil général du Parti ouvrier.
Cette année-là, Jean Volders, Bertrand et d'autres dévoués, créent le journal Le Peuple, organe de la démocratie socialiste, petite feuille à deux centimes et dont les débuts furent si difficiles. Parmi les rédacteurs du vaillant journal se trouvait Adolphe Tabarant, un écrivain français de grand talent, que ses articles, trouvés subversifs par le gouvernement, firent expulser. Defnet le remplaça, et, pendant dix ans, il continua le bon combat qui aboutit au triomphe de l'année dernière.
Secrétaire général du Parti ouvrier, Defnet fait preuve en ces difficiles fonctions d'un grand talent d'administrateur et de brillantes qualités de propagandiste.
La Fédération typographique belge le choisit comme président, et il remplit son mandat avec une activité remarquable.
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Délégué au Congrès ouvrier international de Paris, en 1889, Defnet se rencontre avec quelques délégués mineurs d'Angleterre, de France et d'Allemagne. Il organise une assemblée de ces délégués et fait voter diverses résolutions parmi lesquelles une a pour but d'inviter les mineurs des différentes nations à se constituer en Fédération nationale et à s'organiser ensuite internationalement.
Appliquant quelques semaines plus tard la résolution qu'il a fait voter, il rédige les statuts de la Fédération des ouvriers mineurs belges et convoque ceux-ci dans un congrès national qui se tient à Jumet-Gobyssart, près de Charleroi.
L'article principal des statuts de la nouvelle Fédération proclame que « tous les mineurs fédérés s'engagent à reconnaître comme devant être la base de leur conduite, l'Association entre tous les prolétaires sans distinction de métier, de croyance, de religion ou de nationalité, et cela dans le but de mettre fin à l'esclavage du salaire vis-à-vis du capital, esclavage qui est la source de toutes les misères et de toutes les servitudes morales et matérielles qui accablent les travailleurs. »
Les statuts sont votés à l'unanimité.
C'est la première fois qu'on est parvenu en Belgique à réunir dans un même faisceau les quatre grands bassins houillers du pays, et la nouvelle est accueillie avec joie dans les centres industriels.
Defnet pousse alors activement à l'entente internationale. Il est l'âme du premier congrès des mineurs de tous les pays qui se tient à Jolimont et qui a un retentissement universel. Au second congrès international, convoqué à Paris, Defnet soutient énergiquement la cause de la grève générale et prend une part importante à tous les travaux du congrès, qui dure huit jours. L'année suivante, il participe avec non moins de succès au congrès international de Londres ; il y fait voter, malgré les ouvriers anglais, que la journée de huit heures s'étendra à tous les mineurs, à ceux de la surface comme à ceux du fond.
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En 1889, Defnet refusa de s'associer à la grève générale provoquée par les ouvriers du Hainaut, et c'est lui qui, dans le procès du grand complot, démasqua les infamies de l'agent provocateur Pourbaix, le protégé de M. Beernaert.
Son attitude énergique, au cours de ce procès si tristement célèbre, lui valut de multiples témoignages de sympathie de la part de ses coreligionnaires politiques.
En 1890, Defnet est l'âme de la première grève générale qui, au bout de vingt jours, détermine enfin le vote de la révision par la Chambre des Représentants.
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Le 19 octobre 1890, Defnet est candidat aux élections communales de Saint-Gilles. Il arrive en tète de la liste avec 1,384 voix sur 2,344 votes valables.
Le 5 janvier 1891, lors de la prestation de serment, Defnet déclare considérer comme arbitraire l'obligation de prêter serment au Roi et à la Constitution, attendu qu'il était républicain et que d'autre part la Constitution devait être révisée.
Comme conseiller communal, Defnet fit partie des sections de l'Instruction publique et de la Police. Il prit part aux discussions soulevées à propos d'importantes questions, telles que celles des eaux, du futur hôpital de Saint-Gilles, des habitations ouvrières, de la bienfaisance publique, et fit voter un grand nombre de vœux politiques.
Cette activité, ce dévouement à la chose publique, avaient placé Defnet en vedette. Aussi, le 5 octobre 1893, fut-il élu échevin des finances, par 19 suffrages sur 22 votants.
Dans ces importantes fonctions, Defnet s'est montré administrateur hors ligne, travailleur infatigable. Il s'est signalé par une série de mesures au profit des travailleurs et il a gagné rapidement une popularité de bon aloi. Voici quelques-uns des actes posés par Defnet au Conseil Communal.
C'est sur sa proposition que la dénomination de « Courte rue Fontainas » fut remplacée par celle de « rue César De Paepe », hommage mérité rendu à la mémoire du grand socialiste que la démocratie belge pleure tous les jours.
Il fait inscrire au budget un crédit permettant de distribuer gratuitement des assiettes de soupe aux enfants pauvres.
Le Conseil Communal de Saint-Gilles, sur la proposition de Defnet, décide, à l'unanimité, que le 14 juin 1892, date des élections pour la Constituante, sera considéré par l'administration communale comme jour férié.
Le 8 décembre 1892, il fait voter un vœu en faveur du suffrage universel.
En 1893, il vote un crédit de 2,000 francs en faveur des ouvriers sans travail.
Le 9 mai 1893, Defnet interpelle sur les mesures de police prises dans la commune lors des récentes grèves pour le suffrage universel, proteste contre la présence d'un corps de gardes civiques étrangers sur le territoire de la commune et fait voter un ordre du jour en ce sens, ordre du jour annulé par délibération de l'autorité gouvernementale.
Il vote le dégrèvement des taxes d'égout, de pavage, etc., en faveur des constructions ouvrières.
La même année, Defnet accuse M. Crabbe, commissaire de police, d'irrégularités très graves dans son service et oblige le bourgmestre à infliger un blâme au chef de sa police. La décision du bourgmestre est cassée par le ministre de l'intérieur. Pendant plusieurs jours, cette affaire passionne l'opinion publique, vu la situation redoutable du fonctionnaire attaqué.
Defnet soutient énergiquement, à différentes reprises, les installations maritimes et détermine le vote de 666.000 francs comme part d'intervention de la commune de Saint-Gilles.
L'article si important du programme du parti ouvrier concernant le minimum de salaire, fait l'objet de ses préoccupations. Ce minimum est actuellement inséré dans tous les cahiers de charges pour la mise en adjudication des travaux communaux.
C'est sur les instances de Defnet que le personnel inférieur de la police et de l'administration est mieux représenté au sein des comités (masse d'habillements, caisse des pensions, etc.).
Grâce à la campagne qu'il a menée en 1894 contre les administrations des Hospices et des Bureaux de Bienfaisance, la situation des orphelins, des vieillards à l'hospice, des indigents secourus à domicile, est sensiblement améliorée.
Pour le personnel de l'administration, l'échelle d'avancement a été modifiée en sa faveur, et le traitement minimum a été fixé à 1,000 francs au lieu de 600 qu'il était antérieurement.
Enfin, le 1er mai est considéré à Saint-Gilles comme jour férié ; un congé est donné à tout le personnel de l'administration, des écoles, etc.
Depuis quatre ans qu'il fait partie de l'administration communale de Saint-Gilles, Defnet s'est occupé à faire entrer dans la pratique de nombreux points du programme ouvrier, et tout récemment il a encore fait la proposition de nommer une commission chargée d'examiner la question relative à l'exploitation en régie du service de l'éclairage de la commune. Telles sont, brièvement esquissées, quelques-unes des améliorations obtenues au point de vue communal par le représentant du parti ouvrier.
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Au mois d'août 1894, Defnet commence sa campagne électorale dans l'arrondissement de Namur. Il ignorait à ce moment s'il serait secondé par les progressistes, et si même ceux-ci seraient disposés à la lutte.
Il forme une ligue ouvrière à Namur et organise des meetings dans tous les quartiers ouvriers de la ville.
Il donne cinquante-huit meetings durant la période électorale, donnant l'exemple d'une activité remarquable et qui peut être comparée à celle de Georges Lorand dans l'arrondissement de Virton.
Defnet obtint un très grand succès oratoire à Auvelais, où, à l'issue d'une conférence donnée à l'Hôtel-de-ville par M. Melot, ancien ministre de Sa Majesté (voir les affiches électorales de l'époque) il monta sur un kiosque et prononça devant la foule un réquisitoire énergique contre l'ancien ministre de l'Intérieur, défenseur de la politique du privilège.
Ce discours obtint un retentissement énorme, et de l'avis des cléricaux eux-mêmes, il fit perdre plus de 1,200 voix à la liste réactionnaire dans la Basse-Sambre.
Defnet parcourut toutes les communes industrielles de l'arrondissement de Namur, conquit partout de précieuses sympathies et fut accueilli avec faveur chez les campagnards, auxquels il parla de la question militaire et de leurs intérêts compromis par les grands propriétaires.
Defnet ne commit aucune faute dans sa longue campagne électorale et émerveilla même ses adversaires par son activité et son esprit de tolérance à l'égard des croyances religieuses.
L'Ami de l'Ordre mena contre lui une fougueuse campagne de calomnies et de dénigrements. Cette feuille l'accusa d'être un faux ouvrier et Defnet obtint un de ses plus beaux succès dans un grand meeting à Namur, en s'écriant :
« Quand on nous calomnie nous, gens du Parti ouvrier, on s'en prend à toute la classe ouvrière. Nous appartenons à la grande famille des travailleurs, nous sommes de ceux dont les pères et les grands-pères furent traités en racaille, bons pour le service et trouvés mauvais pour en faire des électeurs. Depuis plus de soixante ans, nous gémissons sous la semelle de nos exploiteurs. Quand nous défendons les ouvriers, nous défendons la classe à laquelle nous appartenons, celle parmi laquelle nous vivons et dont nous connaissons les douleurs et les souffrances imméritées. Je suis un ouvrier qui a connu le chômage et ses misères, je suis, moi qu'on accuse d'être un faux laborieux, le fils d'un pauvre ouvrier cordonnier, qui, dans cette même ville de Namur, connut toutes les amertumes de la vie pauvre et dut se faire embaucher dans une usine des environs pour pouvoir donner une croûte de pain à manger à ses enfants ! »
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Le soir du 14 octobre, les premiers résultats ne laissèrent aucun doute sur le succès définitif. La réaction était battue. Namur, la citadelle du cléricalisme, s'était reprise, et, grâce au parti ouvrier, acclamait les principes de justice, de tolérance, de solidarité, défendus par les candidats de la liste progressiste socialiste.
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A la Chambre, Defnet continua la lutte avec une vigueur nouvelle. Il fut le premier député socialiste qui prit la parole. Il défendit l'abbé Daens et réclama l'annulation complète des élections.
Il prononça un bon discours en faveur de l'inspection ouvrière dans les mines et sut flétrir très énergiquement les parades de M. Vandenpeereboom, dans l'interpellation de son collègue Bertrand, à propos de l'interdiction de la vente du Peuple dans les gares. Dans un autre discours prononcé au début de la session, il s'écria aux applaudissements unanimes de la gauche, en s'adressant aux démocrates chrétiens : « Vous êtes mûrs pour la domesticité ministérielle. » L'attitude de ces étranges députés démocrates, lors du vote sur la loi communale, a donné raison à Defnet.
Il prit ensuite la parole dans la discussion des différents budgets et fut très écouté. Il a déposé un projet de loi consacrant la réglementation du droit de chasse et un autre projet avec son collègue Hambursin, de Namur, ayant pour but de supprimer le privilège du propriétaire, en matière de bail rural.
Defnet est signataire d'autres projets de loi concernant les questions ouvrières. Il faillit faire passer un amendement réclamant le vote de 10,000 francs en faveur des petits employés de la Cour des comptes et proposa, lors de la discussion du budget des finances, un amendement ayant pour but d'accorder 200 francs d'augmentation à tous les petits agents de la douane.
Il a signalé aussi la présence de « chevaux bleus » dans le budget de la gendarmerie et protesta contre les effectifs exagérés et les dépenses coûteuses de la gendarmerie. Il est chargé par ses collègues de la gauche socialiste de s'occuper des questions se rattachant au département de la guerre et a rédigé un projet de loi instituant la nation armée, qui sera déposé prochainement sur le bureau de la Chambre.
Ajoutons que Defnet a été choisi à l'unanimité, par les deux gauches, comme candidat secrétaire à la Chambre.
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Faut-il une conclusion, à cette vie toute de travail, consacrée à la défense des petits et des humbles, à la propagation des principes socialistes ? Les faits parlent d'eux-mêmes. Defnet est un fils de ses œuvres. C'est par un travail acharné de tous les instants qu'il est arrivé à la situation importante qu'il occupe dans le parti socialiste. Tous rendent justice à ses grandes qualités de serviabilité et d'organisation, et l'on peut compter qu'il remplira toutes ses promesses.
L'atmosphère parlementaire ne le changera pas. Il restera le défenseur énergique du peuple, car ayant passé par les jours douloureux et sombres, n'ignorant rien des misères ni des souffrances du travailleur, il s'efforcera dans la mesure de ses moyens d'assurer à ceux qui luttent une humanité meilleure, convaincu que le prolétariat doit marcher vers un idéal toujours plus élevé de justice, de liberté et de bonheur.
Ch. D.
(Extrait du Peuple, du 16 mai 1904)
Un deuil socialiste
C’est hier soir que j'appris la douloureuse, la stupéfiante nouvelle. Depuis lors, les heures passent, et je me demande encore si c'est vrai !
Cette mort inopinée, cette disparition subite d'un être aimé et cher, a quelque chose de cruel, de catastrophique. Elle déconcerte et épouvante !
Décidément, le Parti ouvrier est un grand tueur d'hommes. Ceux qui entrent à son service avec foi, conviction et courage ; ceux qui se dévouent à la sainte cause qu'il incarne, l'émancipation complète des travailleurs, s'usent vite, ne font pas de vieux os.
Voyez les disparus : César De Paepe, Jean Volders, Joseph Maheu, Edmond Van Beveren, Th. Blanvalet, Ad. Van Caubergh, Abel Wart, d'autres encore que j’oublie, et maintenant Gustave Defnet, tous sont morts entre 40 et 45 ans !
Du comité de rédaction du Peuple nommé en décembre 1885, il ne reste plus que D. Vandendorpe et l'auteur de ces lignes : Tous les autres sont entrés dans le néant.
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J’ai connu Gustave Defnet, le bon et cher ami Gustave, en 1884. J’étais alors expéditeur à La Réforme, et lui était typographe chez Edouard Maheu, son imprimeur.
Defnet avait 26 ans. II avait été soldat et possédait une certaine instruction. Je venais de ressusciter La Voix de l'ouvrier et j'engageai Defnet eà y collaborer, ce qu'il fit peu après, s'occupant d'abord de la cuisine du journal, pour donner ensuite, très modestement, de petits articles qu'il signait P. Broc ou Souvarine.
Il y a vingt ans de cela ! Depuis lors, avec une inlassable activité, notre cher et regretté camarade est resté sur la brèche. Secrétaire de la Ligue ouvrière de Bruxelles, secrétaire de la Fédération des typographes, plus tard secrétaire du Conseil général du Parti ouvrier, il sut organiser, comme pas un, la propagande écrite et parlée.
II entra au Peuple, en qualité de rédacteur-correcteur, en remplacement d'Adolphe Tabarant qui venait d'être expulsé.
Defnet aimait notre journal. Mais comme es autres rédacteurs, il ne se contentait pas d'écrire des articles, il s'occupa, en outre, d'organiser les ouvriers, d'aller en province donner meetings et conférences...
En 1894, notre cher Gustave fut désigné comme candidat à la Chambre pour l'arrondissement de Namur, et fut élu.
Depuis, son temps fut entièrement consacré à la chose publique. Député, conseiller communal, secrétaire du comité exécutif de la Maison du Peuple de Bruxelles, fondateur et organisateur de groupes et de corporations dans son arrondissement, notamment les coopératives d'AuveIais, d'Andenne et de Namur, il menait tout cela de front et c'est de cet excès de travail, de cette dépense exagérée de force t d'énergie qu'il est mort, comme un soldat, sur le champ de bataille ! C'est, en effet, à quelques mètres de la coopérative de Namur que notre regretté ami tomba, hier, pour ne plus se relever.
Defnet avait encore fondé le journal hebdomadaire En Avant ! qu'il rédigeait presque seul et depuis le mois de janvier dernier, il avait accepté, à Saint-Gilles, le poste difficile et absorbant d'échevin des travaux publics.
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Voilà, brièvement rapporté, le bilan de son activité.
Que dire de l'homme, du camarade ?
Defnet était bon, dévoué à ses amis. Esprit pondéré, conciliant, tolérant, il pardonnait facilement aux uns leurs faiblesses, aux autres leur méchanceté.
Gustave Defnet fait honneur à la classe ouvrière. Il est un exemple vivant des ressources d'énergie et d'intelligence qu'elle recèle en son sein, ressources souvent perdues par suite d'un régime social injuste et souvent odieux I
Pauvre Gustave ! disparaitre ainsi en pleine force, en pleine possession de son talent d'organisateur et de propagandiste, enlevé à sa vaillante femme et à ses chers enfants, c'est vraiment trop cruel et triste !
Mais à quoi bon se lamenter plus longtemps ?
La vie n’est-elle pas un combat ? Que celle de Gustave Defnet serve d’exemple. Que les jeunes ouvriers se mettent à l'étude. Qu'ils se rendent utiles à la cause socialiste. Qu'ils acceptent d'aider à la propagande inlassable du Parti ouvrier, ce sera le plus grand et le plus pur hommage rendu au vaillant soldat qui vient de succomber à la tâche à laquelle il s'était attelé avec une énergie indomptable, jamais lassée.
Louis BERTRAND.
(Extrait du Peuple, du 16 mai 1904)
La Catastrophe
Un épouvantable malheur vient de frapper le Parti ouvrier belge : Gustave Defnet n'est plus ! Gustave Defnet vient de brusquement succomber à Namur, samedi soir, à une congestion qui l'a fauché comme un coup de foudre.
On comprendra notre immense et fraternelle douleur, notre indicible consternation.
Notre cher et vaillant ami s'était rendu au chef-lieu de l'arrondissement qu'il représente depuis dix ans, afin d'y poursuivre son admirable œuvre d'organisation ouvrière.
Il revenait de la Maison du Peuple, et longeait la rue Rogier quand, tout à coup, en passant devant la caserne de cavalerie, notre pauvre camarade chancela, puis s'affaissa.
L'officier de garde, le lieutenant Baliseaux, l'aperçut et se précipita à son secours. Aidé du maitre d'armes, l'officier transporta aussitôt le député de Namur, à l'intérieur de la caserne. On s'empressa de lui prodiguer les premiers soins ; hélas, ce fut peine perdue; au bout de trois minutes, notre bien-aimé Gustave Defnet expirait ; il était exactement 6 h. 52.
Le docteur Wodon, mandé en toute hâte, accourut aussitôt, il tenta tout ce qui fut humainement possible pour disputer notre malheureux compagnon de lutte à la mort ; ce fut encore en vain ; il était trop tard! L'affreux malheur était consommé.
La funèbre nouvelle s'est immédiatement répandue en ville, où elle a été accueillie avec le plus vif et le plus sympathique émoi.
M. Hambursin, député libéral progressiste de Namur, averti, se rendit sans retard auprès du corps de son infortuné et estimé collègue, qui, par le soin de l'officier de garde, avait été transporté au mess des officiers.
Sur ces entrefaites, la nouvelle de la catastrophe fut téléphonée à la Maison du Peuple de Bruxelles où elle a été accueillie par une véritable explosion de larmes, de même qu'au journal Le PeupIe.
C'est notre ami Maurice Hambursin qui s'est chargé de la poignante mission de préparer la malheureuse compagne de notre cher et grand disparu ; on n'ose penser au désespoir de la dévouée et noble femme, à la désolation sans bornes de ses deux enfants. Le Peuple a arboré le drapeau rouge en berne. La stupeur et l'affliction seront universelles dans les rangs du Parti ouvrier belge, et nul doute que nos frères de l'Internationale des travailleurs ne s'associent partout au deuil de notre prolétariat.
(Extrait du Peuple, du 16 mai 1904)
Note biographique
Nous ne pouvons, dans le désarroi où nous plonge la perte cruelle que nous pleurons à cette heure, que publier quelques notes hâtives sur la carrière si bien remplie, si loyale, si active, si digne de tous les respects de notre ancien et valeureux mandataire.
C'est à Namur que Gustave Defnet fit ses études primaires; il s'initia ensuite au métier de typographe et travailla dans les ateliers de L'Opinion libérale de Namur et de La Réforme de Bruxelles.
Milicien de 1878, il fut incorporé au chasseurs à pied, il y obtint les galons de sous-officier et fut même désigné comme secrétaire du lieutenant-colonel Haes. Jamais Defnet n'oublia son passage à la caserne, nul ne fut plus sincèrement antimilitariste que lui ; il avait vu le mal de près, il en avait souffert et voulait y remédier pour les autres.
Gustave Defnet fut un artisan du socialisme de a première heure : membre fondateur et secrétaire général du Parti ouvrier belgo, il fut le fondateur de la Fédération internationale des mineurs d'Europe.
Il fut aussi secrétaire de l'Association libre des typographes et président de la Fédération typographique. Il fut l'un des organisateurs des con
grès socialistes internationaux de Paris, Londres, etc.
Il présida le congrès socialiste qui se tint à la Maison du Peuple de Bruxelles, le 10 novembre 1900.
Elu conseiller communal de Saint-Gilles le 10 octobre 1890 et échevin des finances le 5 octobre 1893, il fut éliminé en 1895, mais réélu en 1897 et 1899.
II venait d'être appelé à l'important échevinat des travaux publics.
Ancien secrétaire de rédaction du Peuple, il resta toujours notre fidèle et brillant collaborateur, plein de jugement et d'enthousiasme. II siégeait au Parlement depuis le 14 octobre 1894 et la Chambre lui fit, dès le 18 juillet 1900, l'honneur de l'élire secrétaire.
Sa vie fut droite, probe, exemplaire, il n'a fait que du bien autour de lui en travaillant toujours pour les autres.
Le prolétariat le pleurera comme un juste.
(Extrait du Peuple, du 16 mai 1904)
La carrière de Gustave Defnet
Nous avons dit en une première note, ébauchée sous le coup de la fatale nouvelle, comment, né à Namur le 25 décembre 1888, Gustave Defnet avait terminé en cette ville de solides études primaires. A quatorze ans, fils d'ouvrier, le studieux écolier quitte le pupitre et le tableau noir pour la casse et le composteur et il commença son apprentissage de typographe à l'imprimerie du journal L'Opinion libérale, de Namur.
Son apprentissage terminé, Defnet arrive à Bruxelles et est embauché à l’imprimerie Vanderauwera, installée alors rue de la Sablonnière.
Ce n'est qu'un adolescent, mais esprit vif, tempérament combatif, il marque déjà ses aspirations démocratiques et affirme son affranchissement rationaliste. Il n'a pas vingt ans qu'il compte déjà dans les rangs des Cosmopolitains.
En 1877 éclate la grande grève des typographes : Gustave Defnet est de la lutte.
Arrive pour le jeune typo, l'heure du tirage au sort ; le destin lui est contraire, il prend un mauvais numéro et est incorpore au premier chasseurs à pied.
Son passage à l'armée fut celui d'un milicien honnête, sachant simplement faire son devoir, sans excès de zèle ni forfanterie, mettant sa dignité à accomplir ses obligations de soldat, comme un ouvrier qui place son point d'honneur à remplir intégralement sa tâche, mais n'oubliant jamais son origine et sentant son cœur d'homme libre, fier et ardemment épris de justice, battre sous la capote de son uniforme.
C'est ainsi qu'il se concilia l'estime de ses chers et l'affection de ses camarades ; il ne laissa que des regrets au régiment. Quand il voulut reprendre son métier, Gustave Defnet connut l'amertume des longues recherches vaines, la cruauté du pénible chômage forcé ; inutilement, il frappe à la porte des ateliers de Bruxelles : pas de travail ! Dernet fut alors obligé de s'expatrier pour trouver un gagne-pain. II se rend dans le Nord de la France et y fonde une société typographique ; puis il gagne Paris, où il séjourne pendant quelques mois.
En 1882, on le rappelle au régiment aux grandes manœuvres et c'est quand il est enfin définitivement libéré du service militaire qu’il se marie.
Mais la fortune ne lui sourit pas encore. Le terrible chômage pèse sur les pénibles débuts du jeune ménage ; qui dira l'âpre calvaire, la stérile offrande des bras, chaque matin, avec, par-ci, par-là, quelques « remplacements » dans le coup de feu d'un atelier débordé ou pour le congé d'un camarade qui cède sa journée au sans-travail. Point de sécurité ! La misère, ou, du moins, l'angoisse de la misère, qui n'est pas moindre !
Defnet retourne à ce moment à Namur et rentre à L'Opinion libérale. Puis, ses hardies initiatives se sentant à l'étroit dans l'atelier d'un petit organe de province, il cherche encore aventure par delà la frontière ; on le retrouve à Givet, en qualité de chef d'atelier, et en 1884, il entre dans l'équipe de La Reforme qui venait d'être fondée par l'extrême gauche radicale. A quelque temps de là, il devient correcteur à l'imprimerie d'Edouard Maheu.
1884 fut une date historique pour notre pays, non seulement parce qu'elle marque la chute du parti libéral et l'avènement du cléricalisme triomphant et insolent, mais encore et surtout, parce qu'elle vit se constituer le Parti ouvrier belge, qui eut, en effet, pour berceau, la Ligue ouvrière bruxelloise fondée en cette année fatidique.
C'était l’époque où Le National belge avec Gabriel Marchi - qui est mort récemment - et Jules Wilmart, qui aura bientôt, espérons-le, sa statue, menait l'ardente campagne républicaine que nul n'a oubliée.
Defnet se jette dans la mêlée ; on le voit, la parole chaude et convaincante, se multiplier aux tribunes ; il est choisi comme secrétaire de la Ligue ouvrière bruxelloise et quand Louis Bertrand ressuscite La Voix de l'Ouvrier, Dernet est à côté de celui qui désormais sera son inséparable compagnon de lutte.
En 1885, Gustave Defnet fait partie du premier Conseil général du Parti ouvrier belge qui vient d'être constitué dans un émouvant congrès, à Bruxelles, où déjà plus de deux cents associations ouvrières d’ordre politique, syndical et rationaliste s'étaient fait représenter.
Jean Volders et Louis Bertrand créent Le Peuple, l'humble Peuple à deux centimes, la petite feuille minuscule dont nous nous souvenons tous non sans émotion et respect et qui déjà, fièrement, résolument, arborant sa vedette comme un drapeau de combat, s'intitulait l’organe de la démocratie socialiste.
Volders et Bertrand s'étaient assuré la collaboration primesautière et talentueuse d'un écrivain français, Adolphe Tabarant ; le gouvernement conservateur l'expulse et c est Gustave Defnet qui supplée à son départ.
Pendant dix ans il fut au Peuple, chaque jour sur la brèche, se dépensant sans compter, d'une verve, d'un entrain, d'une foi irrésistible. C'était lui qui donnait le coup de clairon pour la bataille, lui qui trouvait les paroles d'espoir, aux sombres jours d'épreuve, lui qui faisait par dessus tout, retentir la grande parole de solidarité devant laquelle les découragements se redressent, les alarmes se dissipent, les colères s'évanouissent, ne laissant place dans les cœurs, qu'à un plus intense besoin d'abnégation et d'action !
Déjà secrétaire général du Parti ouvrier, Gustave Defnet avait donné la mesure de ses rares aptitudes administratives, car s'il fut un magnifique semeur d'idées, poète à ses heures, dans son large et noble amour de la cause à laquelle il s'était donné âme et corps, il eut l'art et la science de concilier ses brillantes qualités de vulgarisateur avec les vertus et les dons d'un précieux organisateur.
C'est à ce titre déjà que la Fédération typographique belge l'avait choisi comme président, et c’est dans le même esprit qu'il faut juger Defnet quand, en 1889, délégué au congrès ouvrier international de Paris, il jeta séance tenante, avec quelques délégués mineurs d'Angleterre, d'Allemagne et de France, les bases de la Fédération internationale des mineurs ; peu de temps après, il instaure en Belgique, au congrès de Jumet-Gohyssart, la Fédération des mineurs belges ; et il fut l'âme du premier congrès International de mineurs tenu à Jolimont.
On le retrouve aux congrès internationaux de Paris et de Londres; à Paris, il soutient énergiquement la cause de la grève générale ; à Londres, il fait triompher, malgré les ouvriers anglais, l'application de la journée de huit heures, à tous les mineurs, à ceux de la surface, comme à ceux du fond.
Defnet était un caractère, une conscience ; il savait résister aux impulsions irréfléchies et aux tentatives hasardeuses; c'est ainsi qu'il refusa de s'associer, en 1889, à la grève générale provoquée par les ouvriers du Hainaut ; et c'est Gustave Defnet qui, dans le procès du Grand Complot, démasqua les ignominies de l'agent provocateur Pourbaix, celui qui télégraphiait à M. Beernaert de le recevoir à minuit au ministère !
En cette circonstance historique Defnet a bien mérité de toute la démocratie belge.
On se souvient de la première grève générale politique, la grève de la révision en 1890 ; elle se prolongea vingt jours, vingt jours de haute lutte, de fièvre, d'exaltation, d'opiniâtre vouloir et d'héroïque bravoure. Defnet fut l'un des artisans de la victoire populaire, et il est de ceux à qui le prolétariat belge dut alors le vote de la révision constitutionnelle.
D'autres retraceront sa carrière, à l'hôtel de ville de Saint-Gilles, où il siégea comme échevin des finances et où il venait de rentrer en qualité d'échevin des travaux. II s'y montra novateur, conscient de ses responsabilités, soucieux de faire grand et juste, mais préoccupé toujours des solutions pratiques et des nécessités contingentes.
Rappelons notamment qu'il fut l'un de ceux qui luttèrent le plus tenacement naguère pour l'instauration de la régie du gaz.
Où Defnet était incomparable, où il donnait toute la mesure de cette nature d'élite, faite tour à tour d'impétuosité et de maturité, c'est dans la mêlée de la propagande.
En 1894, il fit de véritables prodiges d'activité, parlant à 58 meetings durant la période électorale.
A Auvelais, à l'issue d'une conférence à huis clos de l'ex-ministre Mélot, Defnet monta sur le kiosque de la place publique et de là harangua la foule qu'il électrisa littéralement.
Le grand militant, qui était un ancien du parti, quoique dans toute la fleur de l'âge encore, connut l'âpre et maligne calomnie.
Nul ne fut autant que lui, abreuvé de vilenies et d'outrages. Il s'arma d'une souveraine et superbe philosophie, faite du mépris des méchants et de la conscience de sa bonté et de son honnêteté.
Ecoutez comme lui-même fit un jour, dans un grand meeting de Namur, justice de ses vils détracteurs :
« Quand on nous calomnie nous, gens du Parti ouvrier, on s'en prend à toute la classe ouvrière. Nous appartenons à la grande famille des travailleurs, nous sommes de ceux dont les pères et les grands-pères furent traités en racaille, bons pour le service et trouvés mauvais pour en faire des électeurs. Depuis plus de soixante ans, nous gémissons sous la semelle de nos exploiteurs. Quand nous défendons les ouvriers, nous défendons la classe à laquelle nous appartenons, celle parmi laquelle nous vivons et dont nous connaissons les douleurs et les souffrances imméritées. Je suis un ouvrier qui a connu le chômage et ses misères, je suis, moi qu'on accuse d'être un faux laborieux, le fils d'un pauvre ouvrier cordonnier, qui, dans cette même ville de Namur, connut toutes les amertumes de la vie pauvre et dut se faire embaucher dans une usine des environs pour pouvoir donner une croûte de pain à manger à ses enfants! »
Au Parlement Defnet ne comptait que des sympathies ; il aval forcé l'estime, le respect de ses adversaires ; élu secrétaire de la Chambre le 28 juillet 1900, il fut réélu le 13 novembre suivant et son mandat lui fut depuis lors conservé par la considération et la sympathie unanimes.
C'est dans les discussions militaires et les débats économiques qu'il prit le plus volontiers la parole. II prononça notamment un excellent discours en faveur de l'inspection ouvrière, flétrit l'interdiction de la vente du Peuple dans les gares et participa toujours avec beaucoup de bon sens et d'à-propos aux discussions budgétaires.
II déposa un projet de loi consacrant la réglementation du droit de chasse et, en partage avec son collègue Hambursin, un autre projet supprimant le privilège du propriétaire en matière de bail rural.
Il fut le défenseur des douaniers et du petit personnel en général ; il était l'avocat d'office de tous les humbles et de tous les sacrifiés.
Il rédigea un projet de loi instituant la nation armée.
A la Chambre, sa parole était très écoutée ; il ne se prodiguait pas, mais son ton chaleureux, son accent de sincérité, le souci de sa documentation, tout lui conciliait l'attention et la bienveillance.
Il avait fait de la région de la Basse-Sambre, avec la grande coopérative d'Auvelais pour centre et foyer, une féconde terre de socialisme.
Secrétaire de la Maison du Peuple de Bruxelles, il y révéla un sens des affaires, une habileté commerciale extraordinaire, faite de flair, d'audace et de prudence ensemble.
Ce fut en toute fonction, un esprit clair, une conscience droite, un cœur d'or.
Car c'est ce qu’il importe de redire bien haut, Gustave Defnet qui fut un modeste. un laborieux, un enthousiaste et un tenace, fut avant tout, un sympathique.
Son âme débordait de ses croyances nouvelles ; il avait la religion du Parti ouvrier, ne se sentant qu'un seul orgueil, celui de sa classe, et nous pleurons en lui une des plus belles, des plus harmonieuses incarnations de notre robuste et sain prolétariat.
Jules Lekeu