Berloz Eugène, Nicolas socialiste
né en 1853 à Huy décédé en 1937 à Morlanwelz
Représentant 1895-1932 , élu par l'arrondissement de Thuin(Extrait de La Chambre des représentants en 1894-1895, Bruxelles, Société belge de Librairie, 1896, pp. 243-244)
BERLOZ, Nicolas-Eugène,
Représentant socialiste pour l’arrondissement de Thuin, né à Huy le 25 février 1853
Instituteur à Seraing de 1873 à 1880, puis à Morlanwelz, M . Berloz exerça ces fonctions jusqu'au jour où les ouvriers lui offrirent un mandat parlementaire. Il fut élu le 13 janvier 1895.
L'élection de Thuin fut des plus disputées. Le 14 octobre, trois listes se trouvaient en présence : MM. Anspach-puissant, L. Cambier et Warocqué, pour la liste libérale ; MM. Derbaix, Hubert et Lehardy, pour la liste catholique ; MM. Berloz, Delporte et Lekeu, pour la liste socialiste. Les socialistes furent éliminés et les libéraux passèrent au ballottage du 21 octobre avec 5,000 voix de majorité. Survint le décès de M. L. Cambier, le 8 décembre 1894. M. Berloz fut de nouveau le candidat des socialistes et l'emporta sur M. Derbaix, bourgmestre de Binche et ancien représentant, par 22,861 voix, contre 20,933, données à ce dernier.
Avant son entrée à la Chambre, M. Berloz, à raison de sa situation, ne s’occupa guère de politique ; durant la période électorale cependant, il fit une propagande assez active dans le Centre et surtout dans l'arrondissement de Thuin.
M . Berloz a fondé une boucherie coopérative Seraing et fait partie de la Coopérative de Jolimont.
Il a publié une brochure de propagande : Le Suffrage universel et collabore au Peuple et à La Défense
(Extrait du Peuple, du 1 mars 1923)
Eugène Berloz. Son 70ème anniversaire. Ses noces d’or, 45 ans de lutte
Que les temps sont changés.
C’est en ces termes devenus légendaires que Berloz débuta, il y a 28 ans, à la Chambre. Aujourd'hui, nos camarades du Centre célèbrent, en d'admirables pages que publient leur organe hebdomadaire, le 70ème anniversaire du vieux lutteur ; et ils s'apprêtent, dans un an, à fêter dignement ses cinquante années de mariage. Les jeunes ne se doutent probablement pas de tout ce que ces quelques lignes évoquent, chez les ouvriers, de lutte et de dévouement, comme d'efforts et d'intelligence dépensés.
Et c'est encore et beaucoup servir notre cause que de profiter de ces occasions pour raconter des vies aussi magnifiquement remplies au service du prolétariat. Les uns y trouveront des raisons d'espérer ; d'autres peut-être des raisons d'être modestes ; tous une haute leçon de dignité et de travail.
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Eugène Berloz est né à Huy, le 25 février 1853 ; il y fit ses études jusqu'à l'Ecole normale dont il fut un des meilleurs élèves ; il devint en 1872, instituteur Seraing, au Val-Saint-Lambert d'abord, au quartier de la Troque ensuite ; il y subit l'influence des milieux ouvriers et voulut d'abord créer pour eux une école d'adultes ; il y fut encouragé et sa classe fut bientôt trop petite I Il débutait donc dans la vie avec ferveur, en affirmant son amour des travailleurs et en créant des œuvres. En 1874, il épousait une enfant du peuple de Seraing, qui devint sa compagne inaltérablement dévouée.
La première conférence publique de Berloz date de 1878 ; elle se fit l'initiative des ouvriers qui voulaient établir une boucherie coopérative, dont il fut élu président ; de telle sorte qu'à 25 ans, le jeune instituteur avait déjà à son actif deux ouvres, l'une intellectuelle, l'autre économique. Quel sujet de méditation pour tant de nos jeunes hommes qui persistent à penser que l’avenir d’élabore tout seul... ou avec des mots ! Berloz continua ainsi, modestement, sa tâche professionnelle et son œuvre d'éducation ouvrière.
Nous le retrouvons en 1890, Morlanwelz comme instituteur toujours, dirigeant la section moyenne, professant à l'Ecole industrielle, secrétaire et bibliothécaire d'un cercle de conférences populaires ; peu après, il entre, lors de la fondation, au Progrès de Jolimont, puis à la Libre Pensée, puis chez les Mutuellistes coopérateurs socialistes. Et pendant cette période, il parcourt surtout le pays de Charleroi en missionnaire de la Libre Pensée. II est considéré comme l'un des premiers instituteurs de la région.
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Sur ces entrefaites, une profonde transformation s'accomplit dans nos mœurs politiques; le suffrage universel, altéré il est vri, va naître ; des élections auxquelles le peuple tout entier va participer, vont avoir lieu. Berloz, avec tant de modestes militants, parcourt la Thudinie, bien éloigné de songer jamais devenir député. Mais les travailleurs en décidèrent autrement, et Eugène Berloz, malgré les supplications de siens, malgré les gros de l'aventure, malgré son bourgmestre Waroqué qu'il devait affronter, répondit à leur appel, avec Jules Lekeu, alors professeur à l'Athénée de Chimay et qui fut révoqué, et avec Antoine Delporte, candidat national désigné par le G. G.
La première liste socialiste eut un nombre considérable de voix ; elle fut cependant écartée du ballottage, mais devint l'arbitre de la situation. Et on vit alors le magnat Warocqué se rendre au Progrès de Jolimont pour solliciter le ralliement socialiste la liste libérale. Ce ralliement fut complet ; les trois libéraux turent élus ;
Berloz reprit modestement sa fonction de maître d'école, ayant eu la chance plus que rare alors d'avoir rencontré des administrateurs tolérants.
Mais l’un des élus libéraux mourut ; Berloz fut nouveau candidat ; les libéraux désunis ne se présentèrent pas ; une campagne, comme le parti n'en verra sans doute plus que rarement, s'organisa ; les 28 premiers élus du S. U. s'abattirent sur la Thudinie, et malgré l'incroyable attitude d'un des députes libéraux, naguère élu grâce aux socialistes, et qui cette fois recommandait de voter pour les cléricaux, Berloz fut élu avec 2,000 voix de majorité.
Il n'a cessé d'être réélu depuis. Il est un des membres les plus assidus de la Chambre. II est resté attaché à toutes les œuvres du parti. Il est mayeur de sa belle commune. Il fait partie des comités de pensions de vieillesse ; il préside la Commission d'appel de Thuin. II écrit chaque semaine son article pour l'Eclaireur socialiste. II fut pendant la guerre d'un dévouement sans limite, étant partout où du bien et du réconfort pouvaient se répandre.
C'est le trait distinctif de la plupart de ces militants audacieux des temps héroïques, que cette abnégation à accepter toutes les tâches, à faire face courageusement à toutes les situations, à se trouver partout à la fois, simplement, totalement, sans hésitation, à travers toutes les difficultés et tous les sarcasmes.
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Eugène Berloz est donc à la fois éducateur, mutuelliste, coopérateur, propagandiste, homme politique, journaliste. administrateur public. Ces jours derniers, un de ses amis l’interrogeant et le félicitant de la verdeur de son corps comme de son esprit, l'entendit dire, tout à coup, d’une voix grave :
« J'ai un vœu à émettre. Avant qu'Atropos, l'ainée des trois Parques, ait coupé le fil de mes jours, je voudrais refaire dans l'arrondissement de Thuin une campagne semblable celle que j’entrepris avant let élections de 1894. Je voudrais aller dans chaque commune y donner des conférences et m’entretenir amicalement avec tous les habitants. Cela fait, je pourrai m’endormir tranquillement et entrer dans la paix profonde que la Terre réserve à tous ses enfants. »
Comprenez-vous, les jeunes, pourquoi les travailleurs ont pour de tels hommes plus que de la reconnaissance, mais encore de l’amour et de la vénération ? Et par ce signe« le Socialisme vaincra !» , Eugène Berloz nous y aidera longtemps encore ; la Parque peut attendre.
(Extrait de La Libre Belgique, du 25 avril 1934)
De notre correspondant
M. Eugène Berloz, ancien député de Thuin, ancien bourgmestre de Morlanwelz et Mme Victoire Monon, ont fêté en famille, leur 60 années de mariage ce dimanche, veille de leur anniversaire. Les heureux jubilaires, qui sont âgés de 81 ans chacun, jouissent encore d’une bonne santé. M. Eugène Berloz, malgré une vie politique des plus mouvementée, est resté très vert et aucune infirmité n'a, jusqu'à présent, eu de prise sur lui.
(Extrait du Peuple, du 23 août 1937)
Les survivants des 28.
Par la mort de Jean Schinker, il ne reste plus que quatre survivants du groupe des premiers députés socialistes élus en 1894.
Et, fait curieux, ce sont les plus âgés : Edouard Ansele, Louis Bertrand, Emile Vandervelde, et Berloz, celui-ci n'appartenant plus au parti.
Nous souhaitons à nos amis de longues années de vie encore.
(Extrait de La Libre Belgique, du 25 août 1937)
A propos de survivants.
Le Peuple, parlant des survivants socialistes entrés au Parlement en 1894, avait cité M. Eugène Berloz. ancien député. et ancien bourgmestre de Morlanwelz. « Il n'appartient plus au parti », avait dit de lui, en manière de reconnaissance, le moniteur socialiste.
A la vérité. M. Berloz n'appartient même plus à ce monde. puisqu'il est mort en janvier dernier. Le Peuple l'ignorait ; nous aussi, mais nous sommes plus excusable. Nous ne retirons rien cependant de l'appréciation déférente que nous avons formulée à l'endroit de cet ancien mandataire de la nation, décédé dans des sentiments de foi.
Notice biographie de J. PUISSANT, disponible sur le site du Maîtron (consulté le 1 décembre 2025), indique en outre que :
- En 1893, il est un des co-fondateurs de la Fédération d’arrondissement du Parti ouvrier belge à Thuin.
- En 1899, il joue un rôle essentiel dans la création de l’Imprimerie coopérative de Morlanwelz, qui tirera L’Éclaireur socialiste de 1897 à 1914, ce qui lui vaut parfois le qualificatif d’« imprimeur ».
- En 1912, il contribue à la fondation de l’Assemblée wallonne, où il siègera de 1927 jusqu’à son décès.
- Pendant la Première Guerre mondiale, il fait partie du Comité provincial de secours et d’alimentation.
- Elu conseiller communal à Morlanwelz en 1895, avec une interruption de 1903 à 1910, Eugène Berloz devient échevin en 1917. Il est bourgmestre de 1921 jusqu’à son retrait de la vie politique en 1932 à l’âge vénérable de 76 ans. En fait, Berloz ne se résout pas aisément à cette retraite politique. Mis à l’écart par le parti lors des élections communales, il tente de se présenter sur une liste dissidente, aux élections de 1936, sans succès, car Morlanwelz est un fief libéral dominé par la famille Warocqué.