(Paru à Paris, en 1902, chez Armand Colin)
(page XIX) Ce livre est une étude d’histoire politique, écrite par un libéral, qui parle des choses qu’il aime, puisqu’il s’agit de sa patrie et des plus graves intérêts de celle-ci.
Une telle étude n’exclut pas la discussion. Discuter est peut-être même la façon la moins déloyale de parler des événements et des hommes d’hier et d’aujourd’hui. L’historien, qui promet d’être totalement impartial à leur propos, promet plus qu’il ne peut tenir, et j’avoue que mon ambition a été de tenir ce que je promets ici, c’est-à-dire de donner une appréciation, libre et respectueuse à la fois, des doctrines et des personnes.
On critiquera la division de mon livre. Pourtant elle m’était imposée. Car elle ne repose (page XX) pas seulement sur une chronologie suffisamment rigoureuse ; elle correspond aussi à des tendances morales et politiques, qui ont été successivement dominantes en Belgique.
On voudra bien observer, au surplus, que les cent cinquante premières pages, intitulées Le passé libéral, ont une portée plus générale, les cent cinquante suivantes, une portée plus restreinte. On peint, dans celles-là, des personnes et on y analyse des opinions, dont on trouve, dans la France de 1815 à 1848, l’équivalent à peu près complet. Au contraire, les faits et les idées étudiés dans le Présent catholique sont plus particulièrement belges. On ne les observe, vers la même date, ni à Paris, ni à Berlin, ni à Londres, bien que l’échec du libéralisme, les conflits de races, l’élan industriel et l’expansion coloniale ne soient pas des phénomènes étrangers à la France, à l’Allemagne ou à l’Angleterre de ce temps.
Les principes généraux, qui ont guidé les innovateurs belges, sont bien ceux qui ont guidé leurs voisins. Mais l’application en a été essentiellement différente, parce qu’essentiellement différents étaient les intérêts en cause ici et là.
(page XXI) Dois-je me justifier d’avoir, à ces trois cents pages, ajouté un dernier chapitre, dont l’intitulé a tout l’air d’annoncer autre chose que son contenu ? Car c’est le passé et le présent du socialisme belge que je me suis attaché à faire connaître, plutôt que je n’ai vaticiné sur son avenir.
Mais il m’a paru que cet avenir, dans un parti d’a priori constant, de foi souvent aveugle et de discipline militaire, était, sinon « dans la main de Dieu », du moins dans la main de puissances, dont la puissance populaire n’est pas, malgré les apparences, la plus fortement active. Ces puissances sont, en somme, celles que j’ai étudiées dans les chapitres précédents, la race, la religion, les élites individuelles, sans lesquelles il n’y a ni révolution possible, ni évolution féconde. Le lecteur, aiguillé d’ailleurs par mon éminent préfacier, n’aura donc pas trop de peine à dégager lui-même la redoutable inconnue qui trouble, en ce moment, tant de consciences en Belgique.
M. W.