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Note
d’intention
DE
BROUCKERE Charles (1796 – 1860)
DE BROUCKERE Charles, Marie, Joseph Ghislain, né en 1796 à Bruges, décédé en 1860 à Bruxelles
Age en 1830 : 34 ans
Congressiste (1830-1831, Hasselt)
Libéral. Elu par l’arrondissement de Bruxelles de
1831 à 1832, de 1848 à 1856 et de 1857 à 1860
(Remarque préalable : malgré le
rôle éminent joué par Charles de Brouckere au cours des 30 premières années de
A défaut d’une notice dans
On renvoie également aux
chapitres consacrés au passage de Charles de Brouckere à la tête du département
de la guerre en 1831 dans l’Histoire de la Belgique
de Thonissen (chapitre XII) et dans Les hommes politiques de la Belgique
de Royer.
Sont repris également
ci-dessous :
- les renseignements repris
dans J.L. DE PAEPE – Ch. RAINDORF-GERARD, « Le
Parlement belge 1831-1894. Données biographiques »,
- un article de la série « les
bourgmestres de Bruxelles », paru en 1896 dans
_____________________________
(Extrait de J.L. DE PAEPE – Ch. RAINDORF-GERARD,
« Le Parlement belge 1831-1894. Données biographiques », Bruxelles,
Commission de la biographie nationale, 1996, pp.115-1167)
Canonnier au 4e bataillon d’artillerie, puis lieutenant
d’artillerie (1819-1820)
Chef de division à l’administration provinciale du Limbourg (1820-1824)
Membre des Etats provinciaux du Limbourg (1824)
Membre de la seconde chambre des Etats généraux pour la province de
Limbourg (1826-1829)
Membre de la commission de
Membre du Congrès national pour Hasselt (1830-1831)
Commandant militaire des provinces de Liège et de Limbourg
(octobre-décembre 1830)
Administrateur général du Comité des finances du gouvernement provisoire
(31 décembre au 26 février 1831)
Ministre des finances (février-avril 1831), de l’intérieur (août 1831) et
de la guerre (août 1831-mars 1832)
Colonel d’artillerie, aide de camp du roi (août 1831-1833)
Professeur d’économie à l’école centrale de commerce et d’industrie de
Bruxelles ;
Directeur de la fabrication à l’Hôtel des monnaies (1832-1846)
Professeur à la faculté des sciences (1834-1835) et à la faculté de droit
(1835-1838) de l’université libre de Bruxelles
Fondateur (1835) et directeur de
Directeur des usines de
Conseiller communal (1847) puis bourgmestre de Bruxelles (1848-1860)
(L’ouvrage reprend ensuite la liste des
mandats industriels exercés par Ch. de Brouckere, entre autres : Charbonnages
et hauts fourneaux d’Ougrée, charbonnages et hauts fourneaux de l’Espérance,
compagnie des Lits militaires, Société d’industrie du Luxembourg, Vieille-Montagne, Société du Phénix pour la
navigation à vapeur entre Anvers et Gand, Caisse général d’épargne et de
retraite, société des hauts fourneaux de Monceau, société des papeteries
belges)
(Outre ces mandats industriels, Ch. De Brouckere participa également aux
activités d’autres organismes, notamment : Université libre de Bruxelles (en
tant que président du C.A. (1848-1860)), conservatoire royal de musique de
Bruxelles (1848-1860), académie royale des beaux-arts de Bruxelles (1848-1860),
etc.)
___________________________
(Théodore JUSTE, « Charles de Brouckere. Bourgmestre de Bruxelles,
etc. (1796-1860) », Bruxelles, C. Muquart, 1867,
124 pages). Texte intégral (à l’exception des sous-titres spécifique à cette
version numérisée).
CHAPITRE I
1. Naissance
et éducation (1796-1824)
(page 1) Je vais essayer
d'accomplir une tâche difficile. Charles de Brouckere, officier,
administrateur, publiciste, législateur, ministre, que sais-je encore !
économiste, industriel, professeur, bourgmestre, fut incontestablement un homme
doué de facultés éminentes, un homme supérieur. Mais, par la mobilité de sa
physionomie, par la multiplicité de ses aptitudes, il défie le pinceau le plus
exercé. Efforçons-nous pourtant de le peindre tel qu'il était, de retracer
impartialement sa vie si active, de rappeler ses nombreux et patriotiques
services.
(page 2) Charles-Marie-Joseph-Ghislain
de Brouckere naquit à Bruges, le 18 janvier 1796. Il appartenait à une famille
patricienne. Ch. de Brouckere, son père, avait été, sous le gouvernement
autrichien, échevin du Franc de Bruges (Note de bas de
page : On sait que, sous l'ancien régime, le comté de Flandre était divisé
en quatre membres : les villes de Gand, de Bruges et d'Ypres, et le Franc de
Bruges, qui comprenait quatre-vingt-dix paroisses ou villages et treize
seigneuries) ; sa mère était fille de M. de Stoop, receveur général des états de Flandre. Le ci-devant
échevin du Franc devint, en 1801, membre du tribunal d'appel de Bruxelles, et,
en 1811, président de ce même corps judiciaire, qui portait alors le nom de
Cour impériale. Il fut aussi membre du Corps législatif pour le département de
Ayant suivi ses parents à Bruxelles,. Charles de Brouckere fit ses études
au lycée de cette ville. Doué d'une intelligence vigoureuse, il s'appliqua avec
ardeur à l'étude des sciences exactes, sans négliger pourtant la littérature. Il
se destinait à la carrière militaire et serait devenu sans aucun doute un des
plus brillants élèves de l'ancienne école de Mars, si les événements n'avaient
disposé autrement de lui.
(page 3) Il vit les Français
évacuer Bruxelles ; il vit instituer un gouvernement provisoire dont son père
faisait partie, comme commissaire pour l'intérieur et la police ; il vit
ensuite se former le royaume des Pays-Bas. En 1815, il entrait dans
l'artillerie comme cadet, tandis que son père, après avoir exercé les fonctions
de commissaire du Roi dans les provinces de Hainaut et de Namur, devenait
gouverneur de la province de Limbourg. En quinze jours, le cadet avait été
promu au grade de sous-lieutenant.
Mais il n'assista point à la bataille de Waterloo ; il faisait partie du
corps d'armée du prince Frédéric des Pays-Bas et se trouvait à Enghien pendant
la sanglante et décisive journée du 18 juin 1815.
Vers 1817, Ch. de Brouckere fut envoyé à Maestricht, résidence du
gouverneur du Limbourg, où il s'adonna avec une nouvelle ardeur à l'étude des
sciences mathématiques et physiques. Toutefois il ne conserva pas pour lui seul
les connaissances étendues qu'il avait acquises ; à la demande de ses chefs il
les mit, avec un rare dévouement, à la disposition des jeunes officiers de son
arme dans des cours qu'il leur faisait régulièrement. En 1819, après avoir
contracté un brillant mariage, il donna la (page 4) démission de son grade, et, pouvant opter entre la banque
et l'administration publique, il préféra celle-ci (Note de bas de
page : L'ancien lieutenant d'artillerie a dit plus tard. : « …
J'ai eu l'honneur de servir pendant cinq ans dans les grades inférieurs de
l'armée et j'ai appris que plus il y a de grades, plus il y a d'émulation. Vous
ne savez pas ce que c'est que passer d'un grade à un autre. Ne serait-ce qu'une
augmentation de 50 francs ou une torsade de plus, c'est une chose énorme...
" Bulletin communal (de Bruxelles) pour 1853, p.73.)
2. L’opposant
libéral de la période hollandaise (1824-1830)
Il remplit d'abord les fonctions de
chef de division au gouvernement provincial. Ce fut son début. En 1824, un
canton rural l'envoyait aux états provinciaux, et ceux-ci le déléguaient à la
députation permanente.
Quelle activité il déploie déjà ! Rien ne se fait sans lui ; il est partout,
animant ses collaborateurs par son exemple et sa parole déjà puissante, brusque
parfois, même impétueuse, mais inspirée toujours par un dévouement absolu au
bien public. Il est membre du collège des prisons et s'occupe avec zèle de la
réforme pénitentiaire ; il organise une école d'enseignement mutuel, qui rendit
de grands services à la classe ouvrière de Maestricht ; il est membre du bureau
administratif de l'athénée, où il donne une forte (page 5) impulsion à l'étude des mathématiques, faisant lui-même
l'office de répétiteur, groupant autour de lui des jeunes gens d'élite dont
plusieurs devaient un jour s'élever, dans l'armée belge, jusqu'aux plus hauts grades des armes savantes. Il est aussi inspecteur de la
chasse. Membre de
En 1826, Ch. de Brouckere voit s'ouvrir devant lui une scène plus vaste. Il
est nommé, par les états de la province de Limbourg, membre des états généraux.
Il venait d'atteindre sa trentième année, c'est-à-dire l'âge qui le rendait
éligible à la seconde chambre. Malgré les liens qui attachaient sa famille au
gouvernement, il avait été choisi comme libéral, et, fidèle à ses convictions,
il prit place sur les bancs de la minorité belge. Un jour Guillaume 1er,
exprimant au gouverneur du Limbourg son étonnement et son mécontentement (page 6) de l'opposition que lui faisait
son fils, M. de Brouckere répondit avec bonhomie: « Que voulez-vous, Sire ? Il
est jeune ; l'âge le corrigera. »
Deux ans après, les états du Limbourg réintégraient à la seconde chambre un
autre libéral, Surlet de Chokier.
Ch. de Brouckere, qui se trouvait à La Haye, s'empressa de témoigner une vive
satisfaction dans une lettre qu'il écrivit à son populaire collègue. Il
exprimait à Surlet la joie qu'il ressentait de
continuer sa carrière législative avec lui. Il félicitait le Limbourg de s'être
réveillé, et il se félicitait, comme fils, de voir que les journaux avaient rendu
justice à l'impartialité et à la neutralité du gouverneur.
« Je vous quitte, disait-il en terminant, pour aller
pérorer à la. Société Tot nut van 't algemeen. »
Ce dernier trait surtout peignait l'homme. Dans sa
dévorante activité, Ch. de Brouckere ne pouvait rester étranger à aucune
question. Si l'enseignement populaire avait pour lui un attrait puissant,
irrésistible, il se sentait attiré également dans les sereines régions de la
philanthropie. De concert avec M. A. Visschers, son
parent, il s'occupait de la réforme des prisons avec l'ardeur qu'il apportait
en toutes choses. Lorsque, en 1827, le gouvernement présenta à (page 7) la seconde chambre le nouveau
code pénal, où étaient prodiguées les peines qui rappelaient toute la barbarie
du moyen âge, Ch. de Brouckere protesta contre ce violent anachronisme. Il se
montrait même dès lors partisan résolu de l'abolition de la peine de mort. Sa
philanthropie se manifestait aussi par des actions touchantes. Vers cette
époque, une femme ayant été condamnée à la peine capitale, Ch. de Brouckere,
qui se trouvait à Maestricht, se fit ouvrir la prison et passa plusieurs heures
avec l'infortunée, relevant son courage par ses exhortations et la préparant à
subir l'arrêt de la justice.
En 1828, le gouvernement organise à Maestricht la garde urbaine (schuttery), en exécution d'une loi votée l'année
précédente. Cédant à de pressantes sollicitations, Ch. de Brouckere se laisse
nommer major commandant de la légion. Tout aussitôt il déploie, selon son
habitude, un zèle extrême pour donner une bonne direction à la nouvelle
institution.
Pendant l'été de 1829, trois fois par semaine, il venait en ville de sa
maison de campagne, distante d'une forte lieue, à l'effet d'exercer ses
officiers au maniement des armes ; il avait même fixé ces exercices à six
heures du matin, pour (page 8) que
personne ne fût dérangé dans ses occupations ordinaires.
Le gouvernement avait aussi, par un arrêté du 13 avril 1828, nommé Ch. de
Brouckere membre d'une commission d'État chargée de réviser les règlements sur
l'enseignement supérieur, et de proposer les modifications nécessaires (Note de bas de page : Parmi les dix
membres dont se composait cette commission on remarquait encore MM. Dotrenge, conseiller d'État, Donker-Curtius,
membre de la seconde chambre, le baron de Keverberg,
également conseiller d'État, et Quetelet, alors
professeur de mathématiques supérieures à l'Athénée royal de Bruxelles). Ch. de Brouckere ne se borna point à prendre part à cette enquête ; il
publia ses vues personnelles dans une brochure intitulée Examen de quelques
questions relatives à l'enseignement supérieur dans le royaume des Pays-Bas.
Mais Ch. de Brouckere devait manifester son indépendance et son amour du
progrès d'une manière plus éclatante. Vers la fin de 1828, comme membre des
états généraux, il réclama énergiquement la liberté de la presse, promise par
la loi fondamentale du royaume.
Cet épisode est demeuré célèbre.
Dans la séance du 3 novembre, le courageux (page 9) député avait soumis aux états généraux une proposition de
loi abrogeant les mesures draconiennes promulguées par le roi des Pays-Bas,
lorsque, en 1815, la marche victorieuse de Napoléon sur Paris agitait les
Belges. Cet arrêté-loi du 20 avril 1815 soumettait à une cour spéciale
extraordinaire tous ceux qui débiteraient des bruits, annonces ou nouvelles
tendant à alarmer ou à troubler le repos public ; tous ceux qui se
signaleraient comme partisans ou instruments d'une puissance étrangère, soit
par des propos ou cris publics, soit par quelques faits ou écrits ; et enfin
ceux qui chercheraient à susciter entre les habitants la défiance, la désunion
ou les querelles, ou il exciter du désordre ou une sédition, soit en soulevant
le peuple dans les rues ou places publiques, soit par tout autre acte contraire
au bon ordre. » Les peines comminées étaient exorbitantes : « Ils seront punis,
d'après la gravité du fait et de ses circonstances, soit séparément, soit
cumulativement, de l'exposition pendant une heure à six, de la dégradation, de
la marque, de l'emprisonnement d'un an il six, ou d'une amende de cent à dix
mille francs. »
Le 28 novembre, Ch. de Brouckere développa sa proposition avec la vigueur,
la netteté (page 10) et la précision
qui le distinguaient comme orateur. « La monarchie des Pays-Bas, élevée
sur les trophées de Waterloo, dit-il, est affermie. Aucun ennemi ni extérieur
ni intérieur ne la menace, et chez nous un lugubre voile enveloppe encore la
liberté. » A l'appui de ces graves paroles, Ch. de Brouckere récapitule, d'une
manière saisissante, toutes les poursuites intentées en vertu de la loi
martiale de 1815. Il démontre que la liberté de la presse, dont s'enorgueillit
le royaume des Pays-Bas, est étouffée, écrasée sous ces poursuites incessantes
(Note de bas de page : Ce fut M. Vleminckx qui
fournit à Ch. de Brouckere la longue liste de ces condamnations, laborieusement
recueillie dans le Journal de
Le 2 décembre, dans un second discours, Ch. de Brouckere répondit aux
objections de ses adversaires. Là, il venge noblement les hommes qui se
dévouent à la pénible carrière de publiciste. Il rappelle que les Guizot, les
Benjamin Constant, les Chateaubriand sont journalistes ; que, en Angleterre,
les plus grands ministres, Canning lui-même, ont préludé aux combats de la
tribune par la polémique des journaux.
(page 11) La proposition de
l'énergique député, quoique inspirée par le plus pur patriotisme, fut rejetée,
dans la séance du 3 décembre, à la majorité de soixante et une voix contre
quarante-quatre.
Ch. de Brouckere lui-même avait préludé aux combats de la tribune par la
polémique des journaux. Avant son entrée dans la seconde chambre, il avait été
un des rédacteurs du Journal de la province de Limbourg. Devenu un des
principaux orateurs des états généraux, il entretint des relations avec le Courrier
des Pays-Bas, le plus puissant organe de l'opposition belge et libérale.
Par les précieux renseignements qu'il donnait sur les travaux de la seconde
chambre, il était le collaborateur de Nothomb, de Jottrand,
de Claes, de Ducpetiaux, de de Potter, de Van Meenen,
de Lesbroussart, vaillants et éloquents défenseurs de
la liberté. En juin ou juillet 1828, Ch. de Brouckere entra même dans
l'association qui fut d'abord formée verbalement pour la publication ultérieure
du Courrier des Pays-Bas ; mais, lors de la constitution définitive de
cette société ; il avait cédé ses droits à M. Nothomb, en conservant néanmoins
le rôle d'arbitre. En 1829, pendant que M. Jottrand
et d'autres collaborateurs politiques du Courrier étaient détenus aux
Petits-Carmes, (page 12) M. A. Visschers, aidé par Ch. de Brouckere, les suppléait pour
ces travaux quotidiens qui assurent la publication régulière des feuilles
publiques.
Cette attitude de Ch. de Brouckere ne devait point lui concilier les bonnes
grâces de la cour. Au mois de juin 1829, Guillaume 1er, étant venu à
Maestricht, major commandant de la schuttery,
en lui présentant ses officiers, se disposait à haranguer le monarque. Mais
Guillaume ne lui en laissa pas le temps. « Monsieur, lui dit-il
sèchement, veuillez me faire connaître vos officiers. » Tout autre fut
l'accueil que le prince d'Orange, nommé colonel général des gardes urbaines du
royaume, fit à Ch. de Brouckere, lorsque celui-ci se rendit à Bruxelles, avec
une députation d'officiers de Maestricht, pour féliciter l'héritier présomptif
du trône. Le prince lui témoigna, par ses prévenances, qu'il l'avait en haute
estime.
Ch. de Brouckere avait vu grandir son influence pendant les combats qu'il
livrait, aux états généraux, pour la liberté de la presse. Aussi le ministère,
lors de la réunion des états provinciaux, dans l'été de 1829, n'épargna-t-il
aucun effort, aucune démarche pour éloigner de la représentation nationale le
membre (page 13) qui avait demandé
l'abrogation de l'arrêté-loi de 1815 (Note de bas de page : Le
père du député n'était plus alors gouverneur du Limbourg. En 1828, le roi
l'avait nommé membre de la première chambre des états généraux. Il était déjà,
depuis 1822, conseiller d'État en service extraordinaire. M. Ch. de Brouckere,
père, mourut à Bruges, en 1850, âgé de plus de quatre-vingt-treize ans.) Mais l'opinion publique, qui dominait les états de la province,
fit de nouveau sortir le nom de Ch. de Brouckere du scrutin, et sa réélection
fut un vrai triomphe pour le libéralisme.
Par le célèbre et funeste message du 11 décembre 1829, le ministère
exigea de toutes les personnes revêtues de fonctions publiques une adhésion
formelle à ses vues. Aussitôt Ch. de Brouckere brisa les liens qui le
rattachaient à un gouvernement dont il était l'adversaire ; il envoya, comme
protestation contre le message, sa démission de commandant de la garde urbaine
de Maestricht.
Gardons-nous toutefois de croire que l'opposition de Ch. de Brouckere,
quoique vigoureuse et persévérante, fût antidynastique. Non. Ce n'était point
le renversement du royaume des Pays-Bas qu'il avait en vue ; c'était, au
contraire, sa consolidation. « Satisfaites les Belges, (page 14) ne cessait-il de dire, et vous
perpétuerez l'œuvre de 1815. »
3. L’attitude
de Charles de Brouckere dans les premiers mois de la révolution belge
(août-octobre 1830)
Après que Bruxelles eut donné, le 25 août 1830, le signal du soulèvement,
Ch. de Brouckere entrevoyait, comme dernier terme de la crise, la séparation
administrative du Nord et du Midi, c'est-à-dire
Le 1er septembre, le prince, plein d'une noble confiance dans la
bourgeoisie de Bruxelles, entra, accompagné seulement de six généraux ou aides
de camp, dans la ville encore frémissante et couverte de barricades. Ch. de
Brouckere, qui se trouvait à Bruxelles, avec quelques. uns des
ses collègues aux états généraux, ne dissimula point, dans ses entretiens avec
le prince d'Orange, que la séparation administrative était le vœu formel
des Belges. Le prince ayant promis d'appuyer ce vœu auprès de son père, Ch. de
Brouckere crut de bonne foi que la cause à laquelle il s'était dévoué pourrait
triompher sous un patronage aussi puissant.
Le 3 septembre, il fut un des signataires, sinon le rédacteur, de la
proclamation suivante, publiée à Bruxelles, après le départ du prince d'Orange
:
(page 15) « NOS CHERS
COMPATRIOTES !
« Nous soussignés, députés aux états généraux, actuellement à Bruxelles,
avons été appelés chez S. A. R. le prince d'Orange ; nous avons eu l'honneur de
lui exposer consciencieusement l'état des choses et des esprits.
« Nous nous sommes cru autorisés à représenter au prince royal que le désir
le plus ardent de
« Nous avons représenté à S. A. R. qu'au milieu de l'entraînement des
esprits, la dynastie des Nassau n'a pas cessé un instant d'être le vœu unanime
des Belges ; que les difficultés de sa situation, l'impossibilité de concilier
des opinions, des mœurs, des intérêts inconciliables, venant à cesser, la
maison d'Orange, libre de s'associer désormais à nos vœux, pouvait compter sur
l'attachement et la fidélité de tous.
« Nos représentations ont été favorablement accueillies, aussi bien
que celles de plusieurs commissions spéciales, et déjà le prince royal est allé
en personne porter l'expression de nos désirs à son auguste père.
« Persuadés, nos chers compatriotes, que (page 16) nous avons été les interprètes de vos sentiments, que nous
avons agi en bons et loyaux Belges, nous vous informons de notre démarche. C'est
ici, dans votre capitale, que nous attendons, avec confiance, le résultat de
vos efforts et des nôtres.
« Bruxelles, le 3 septembre 1830.
« Etait signé : Comte DE CELLES, baron
de SÉCUS, BARTHÉLEMY, DE LANGHE, C. DE BROUCKERE, comte CORNET DE GREZ.
« Adhésion : (Signé) HUYSMAN D'ANNECROIX. Pour copie
conforme : C. DE BROUCKERE. »
Trois jours après, les signataires de cette proclamation, réunis à d'autres
députés, revinrent sur leur première décision et résolurent de se rendre tous
ensemble à La Haye pour prendre part à une session extraordinaire des états
généraux. Ch. de Brouckere, qui s'était d'abord montré très décidé à ne point
quitter Bruxelles, où était, selon lui, le poste officiel des états généraux,
se laissa entraîner par la majorité de ses collègues.
Or, tandis que le prince d'Orange retournait à La Haye, le prince Frédéric,
son frère, restait à Vilvorde, à la tête d'un corps d'armée. C'était une menace
permanente pour Bruxelles. Aussi (page
17) les citoyens notables, réunis à l'hôtel de ville, le 7, invitèrent-ils
les membres des états généraux à faire, avant leur départ, une démarche près du
prince Frédéric pour le détourner d'une agression violente contre la capitale
des provinces méridionales.
La députation, chargée de se rendre près du prince, se composa de MM. Ch.
de Brouckere, de Gerlache, de Langhe, Le Hon, Huysman d'Annecroix, Surlet de Chokier, J. d'Hoogvorst et d'Arschot ; elle
partit le 7, à deux heures de relevée.
« Notre conférence, rapporte M. de Gerlache (Histoire du
royaume des Pays-Bas, 3e édition, t. II, p. 266), dura plus de trois heures, pendant lesquelles chacun déploya
toutes les ressources de son éloquence, afin d'amollir l'âme. du jeune prince.
- On lui représenta combien les circonstances étaient délicates et combien
l'exemple de
Le 13 septembre, Guillaume 1er ouvrit à La Haye la session extraordinaire
des états généraux (page 19), et
leur soumit les deux questions suivantes : 1° Si l'expérience avait indiqué la
nécessité de modifier les institutions nationales ; 2° si, en ce cas, il
convenait, dans l'intérêt du bien général, de changer ce qui était établi par
des traités et la loi fondamentale entre les deux grandes divisions du royaume.
Le discours du trône, connu à Bruxelles, le 14 au soir, y fit, selon les
contemporains, la plus pénible sensation. Le 15, les huit sections déléguèrent
trente-deux représentants qui se rendirent à l'hôtel de ville où, réunis à
l'état-major de la garde bourgeoise et à la commission de sûreté, ils
délibérèrent, sous la présidence de M. d'Hoogvorst,
sur une adresse à présenter aux députés des provinces méridionales. Après des
débats prolongés, le projet définitif proposé par M. Vande Weyer fut adopté à
l'unanimité et signé séance tenante. Dans la nuit même, MM. Nicolay
et Vleminckx partirent pour la Haye, chargés de
remettre l'adresse aux députés. C'était, comme on l'a dit, une mission dont
l'importance égalait le danger. En effet, telle était l'effervescence du peuple
de la Haye que plusieurs des députés du Midi avaient été publiquement insultés
et même menacés.
(page 20)
Les envoyés des sections de Bruxelles ne purent remplir leur mission. Arrivés à
la Haye, le 16 dans la nuit, ils n'avaient point trouvé près des députés
méridionaux l'accueil qu'ils espéraient ; ils n'avaient même pu les réunir, et,
à bout d'efforts, ils avaient fini par remettre les pièces dont ils étaient
porteurs à l'un des représentants de Bruxelles, M. Barthélemy. Lui et quatre
autres députés, Ch. de Brouckere était du nombre, les avaient pressés de
quitter la Haye sur-le-champ, leur vie ou tout au moins leur liberté pouvant
être compromise. Ils étaient donc partis de la Haye, le 17, vers dix heures du
matin.
Mais à peine étaient-ils hors de la ville que le
prince d'Orange fit appeler Ch. de Brouckere.
« Où sont ces messieurs ? lui dit-il. Amenez-les moi. - Monseigneur,
ils ont quitté La Haye où leur vie était menacée. - Comment ! mais je les
aurais recueillis dans mon palais, et je les aurais protégés. - Ah !
monseigneur, comment les auriez-vous protégés ? Vous ne savez plus vous
protéger vous-même. »
C'était la vérité. Depuis qu'il avait montré quelque sympathie aux Belges,
depuis son apparition dans Bruxelles soulevé, le héros de Quatre-Bras et de
Waterloo, l'héritier des (page 21)
Nassau avait perdu tout prestige à
Peut-être les états généraux auraient-ils pu dominer encore la crise par
des résolutions largement conciliantes et prises sur l'heure. Mais ils agirent
tout autrement, ils apportèrent dans leurs solennelles délibérations des
lenteurs qui devaient être fatales. Le 20 septembre, Ch. de Brouckere put enfin
prendre la parole sur l'adresse proposée comme réponse au discours du trône. Il
justifia l'agitation qui s'était manifestée dans les provinces méridionales et
l'attitude des Belges. Ce n'était pas, selon lui, une révolte : les Belges
avaient revendiqué leurs droits méconnus, mais ils n'avaient pas pris les armes
contre la dynastie. Lorsque l'orateur conjura ensuite le gouvernement
d'accueillir les justes plaintes des Belges, de prévenir de plus violents
orages et une catastrophe même, il avait des larmes dans la voix, et il dut
interrompre son discours, ne pouvant plus maîtriser l'émotion qui s'était
emparée de lui (VAN LIMBURG STIRUM, Volledig
verslag, etc., p. XXIV. C'est un témoin de cet
épisode). Il fut le seul des députés du Midi qui vota contre
l'adresse. Le 28 septembre, après les sanglantes journées de Bruxelles, (page 22) Ch. de Brouckere eut à
exprimer son avis formel sur les deux questions qui étaient soumises à la
représentation nationale. Il fut encore une fois éloquent et prophétique.
« Nobles et puissants seigneurs, dit-il, les retards apportés, malgré nous,
à la solution des questions proposées par le roi ont rendu toute discussion
inutile.
« Le 17 de ce mois, les sections avaient terminé leur travail. La remise
des procès-verbaux au gouvernement, l'omission de faire imprimer et distribuer
les pièces et surtout les expressions du message royal, nous portèrent à croire
que nous avions rempli notre tâche, et que les procès-verbaux offraient un mode
de consultation plus libre, plus complet que ces réponses monosyllabiques
; consultation, au surplus, qui prouve que les conseillers de la couronne ne
comprennent ni leur position ni nos besoins.
« Enfin, après dix jours d'inaction, nous avons appris à notre grand
étonnement, qu'il fallait reprendre les questions, de manière à les pouvoir
expédier, par un oui ou un non, à l'autre chambre.
« Pendant ce temps, messieurs, les événements
marchaient ; aujourd'hui les faits ont parlé. Notre voix est impuissante, en
présence (page 23) du sang répandu à
grands flots. Je ne m'épuiserai donc pas en vains efforts pour vous convaincre
de l'utilité de la séparation, alors que l'union n'est plus possible. Je n’ai
pris la parole que pour repousser d'injustes accusations lancées contre les
provinces méridionales, et pour qu'on n'impute pas à la crainte et à la
faiblesse un silence que j'aurais pu garder sur des faits personnels.
« Deux orateurs, l'un sous une forme dubitative, l'autre plus directement,
ont attaqué les signataires de la pièce connue sous la désignation de
proclamation du 3 septembre. Pour ce qui me concerne, ici, et accusé, je
déclare qu'en prononçant le mot séparation, je n'ai point examiné si d'autres
l'avaient ou non prononcé avant moi ; que, pour publier l'expression d'un vœu
que j'avais été appelé à émettre, je ne me suis enquis de l'approbation et de
l'autorisation de personne : j'ai cru entrevoir un moyen de sauver le présent
et d'assurer l'avenir de ma patrie : je l'ai employé. La planche de salut où je
m'attachai alors, d'autres s'y cramponnent maintenant avec plus de ténacité,
parce que le danger leur paraît plus imminent. En politique, la couleur, la
qualification des faits, dépend des résultats. Les événements maîtrisent
l'opinion : (page 24) il
n'appartient pas aux contemporains de juger avec impartialité les révolutions,
et surtout pas à ceux qu'elles frappent ou qu'elles élèvent : l'histoire de
tous les temps est là pour l'attester.
« A Rome, la roche Tarpéienne touchait au Capitole.
« Messieurs, ne craignez pas que ces prémisses aient pour but de
revenir sur toutes les révolutions, dont plusieurs d'entre vous ont été les
témoins ou les auteurs ; mais j'éprouve le besoin de reporter votre attention
sur des paroles prononcées hier dans cette enceinte, et de vous faire sentir
avec quel égarement l'on apprécie les faits.
« Un honorable membre vous a parlé d'un appel fait par l'empereur
Alexandre à tous les peuples pour reconquérir leur indépendance et secouer le
joug de
« Je conviens, messieurs, que
« Par une aberration aussi inconcevable, et en présence de faits positifs,
on accuse les provinces du Midi de ne pas vouloir la liberté de la presse, la
liberté des cultes, la publicité ; d'être indignes ou incapables de jouir des
bienfaits de la civilisation et d'une charte conçue dans l'esprit du siècle. - Qui
donc a réclamé la responsabilité ministérielle, comme condition fondamentale
d'un gouvernement monarchique représentatif ? Qui le jury, un des besoins
essentiels de notre époque ? Qui a provoqué la publicité la plus large dans les
affaires judiciaires ? Qui a demandé cette publicité dans les affaires
provinciales et communales ? Qui a voulu que l'instruction fût libre comme
conséquence de la liberté des cultes ? Qui a entendu (page 26) la liberté de la presse dans le sens le plus étendu ?
« Et si, malgré les vices du mode d'élection, alors que le
gouvernement exerce une action directe sur les électeurs, par la nomination à
vie des membres des régences des villes et par les présidents des états
provinciaux ; si, dis-je, nous sommes revenus siéger parmi vous, c'est que nous
représentons l'opinion du pays.
« Il y a des hommes que le cauchemar du jésuitisme poursuit tellement, qu'il obscurcit leur raison,
rétrécit leurs idées.
« Cette France libérale, qu'on s'est plu à opposer à
« Je me tais, messieurs, sur mille autres faits présentés sous un faux
jour ; je ne veux pas prolonger les débats par des récriminations. Il importe
peu d'établir laquelle des deux parties du royaume opprimait l'autre, de
revenir sur les griefs du Midi. Il est évident, et cela doit (page 27) suffire, qu'avec des mœurs,
des usages, des intérêts souvent opposés, une partie devait être sacrifiée à
l'autre.
« Si nous étions appelés à décider du sexe d'un nouveau-né, nous ne
nous arrêterions pas, pour le déterminer, à décrire la beauté ou les
difformités de chaque partie de la fête, à nous extasier sur l'harmonie de
l'ensemble, ou à regretter la disproportion des membres respectifs ; et voilà
cependant ce que nous faisons depuis deux jours.
« La séparation, soit partielle, soit totale, est une nécessité ; il
faut la subir, sauf à régler après loyalement les conditions. Ainsi agissent
les époux, qui se séparent par consentement mutuel ; quand les humeurs ne
sympathisent pas, la séparation des personnes est vite effectuée : le règlement
d'intérêts plus ou moins confondus, amalgamés, peut seul exiger du temps.
« Se refuser à répondre affirmativement à la seconde question parce
qu'elle est vague, large, que, dans un sens absolu, elle pourrait compromettre
des intérêts spéciaux ; c'est, dans le moment actuel, faire un appel à la
violence par amour pour quelques localités ; c'est provoquer à la guerre civile
qu'il est plus que temps d'arrêter.
(page 28) « Qu'ils ne se
trompent pas d'ailleurs, ceux que l'égoïsme pourrait guider ; les douanes
comptent tous les jours moins de partisans parmi nous ; et j'oserais affirmer
que, s'il fallait de nouveau se prononcer sur les énormes droits, à l'aide
desquels, on a créé à Gand une industrie factice, et ce aux dépens des
consommateurs et du trésor public, la décision de 1828 serait rapportée.
« Mon vote sera affirmatif sur les deux questions. »
Ch. de Brouckere a révélé qu'une mission de paix et de réparation, dont le
prince d'Orange voulait le charger, le retint à
(page 29) Le jour qui précéda le
départ du prince d'Orange pour l'Angleterre, il lui proposa de faire acte de
courageuse détermination, de se rendre à Bruxelles même, de paraître sur la grand'place, de parler au peuple, de le ramener à lui et de
dominer la révolution. L'héritier de la couronne des Pays-Bas n'ayant pas osé
prendre ce parti, par respect, disait-il, pour la volonté de son père, Ch. de
Brouckere lui déclara, avec sa rude franchise, qu'il craignait bien que
Paroles encore prophétiques ! La révolution, surexcitée par le bombardement
d'Anvers, allait poursuivre sa marche victorieuse, en écartant la dynastie.
Chapitre II
4. Le
congressiste pendant la période du gouvernement provisoire (octobre 1830 – mars
1831)
(page 31) Déjà le gouvernement
provisoire, par son arrêté du 6 octobre 1830, avait nommé Ch. de Brouckere
membre de la commission chargée de présenter un projet de constitution. Il lui
conféra en outre le grade de colonel d'artillerie et lui confia le gouvernement
militaire de Liége.
Le 10 novembre, le district de Hasselt le choisit pour l'un de ses
représentants au Congrès national. Près de lui allait siéger son frère, Henri
de Brouckere, comme député du district de Ruremonde (Note de bas de
page : Né à Bruges, le 24 janvier 1801, H. de Brouckere, après de
brillantes études à l'université de Liége, avait été nommé, en 1824, procureur
du roi à Ruremonde).
(page
32) Ch. de Brouckere débuta avec éclat dans cette assemblée, où devait se
décider le sort du pays. Le 17 novembre, il donna lecture du rapport, dont il
avait été chargé, sur la proposition relative à l'indépendance de
Une autre proposition, déposée par M. Constantin Rodenbach, agitait
profondément le Congrès. Elle avait pour but de faire prononcer l'exclusion des
membres de la maison d'Orange-Nassau de tout pouvoir en Belgique. En présence
de la surexcitation des esprits et de (page
33) l'attitude des puissances voisines, Surlet de
Chokier, président de l'assemblée, insista, mais en
vain, pour que M. Rodenbach renonçât à sa proposition. « J'avais
formellement annoncé l'intention de la combattre, - ainsi s'exprime un ancien
membre du Congrès. - Je fus appelé avec d'autres députés considérés comme plus
ou moins influents dans le cabinet de M. de Chokier,
qui nous dit qu'il avait tout fait pour empêcher la proposition (et, en ma
qualité de secrétaire, j'avais, en effet, été témoin de ses efforts), mais
qu'il croyait devoir en conscience mettre tout en œuvre aujourd'hui pour la
faire accepter par la plus grande majorité possible ; parce que, si les voix
venaient à se balancer, il y aurait infailliblement à Bruxelles et dans les
provinces des troubles sérieux, qui pourraient finir par entraîner la guerre
civile. Il nous supplia donc de voter la proposition, et tous nous le promîmes.
Je déclare sur mon honneur que, dans mon opinion, M. de Chokier
rendait, par ses démarches, un immense service au pays. « Ch. de
Brouckere s'associa à la majorité qui, le 24 novembre, prononça l'exclusion.
La veille, il avait nettement déclaré que ses
anciennes relations avec le prince d'Orange et sa position actuelle lui
faisaient un devoir de (page 34)
monter à la tribune, et il n'avait point dissimulé que les événements d'Anvers
avaient bouleversé toutes ses idées. « Aujourd'hui, avait-il ajouté, je suis
convaincu que le prince d'Orange ne peut, pas plus que les autres membres de sa
famille, aspirer à monter sur le trône de
L'ancien membre des états généraux, franchement rallié à la révolution de
septembre, prit une part active et brillante aux discussions sur la
constitution de
Il vota pour l'abolition de toute distinction
d'ordres ; défendit la liberté de la presse dans sa plus large extension ;
soutint, avec la minorité, qu'il fallait un contrepoids à l'indépendance
absolue du clergé et à la liberté complète de l'enseignement ; se prononça,
enfin, contre l'institution de deux chambres. « ... On craint, disait-il, dans
la séance du 14 décembre, on craint l'envahissement de la démocratie. On sent
le besoin d'un pouvoir modérateur, et l'on fait un raisonnement, je me trompe,
on cite une comparaison de Franklin pour le prouver. Je regrette beaucoup,
messieurs, que ce soit précisément celle-là qu'on ait empruntée à l'illustre (page 35) Américain, car elle n'est rien
moins que juste, et il n'eût pas été difficile d'en trouver de meilleures dans
ses écrits. Il compare le gouvernement représentatif à un charretier qui a une
côte rapide à descendre : ayant quatre bœufs pour traîner sa charrette, il en
tire deux de devant, les attelle derrière, dans un sens opposé à la route qu'il
doit suivre, afin de modérer l'action que le poids imprimerait à sa marche. Je
dis que le charretier prendrait là un fort mauvais moyen ; car une fois les
bœufs de derrière entraînés par ceux de devant, le char n'en irait que plus
vite. Pour moi, messieurs, au lieu de deux j'en aurais attelé trois par
derrière. Avec une chambre unique on craint deux pouvoirs rivaux, qui, dit-on,
ne pourront exister longtemps en présence l'un de l'autre. On nous menace ou du
despotisme du chef de l'Etat, ou de la tyrannie de la chambre unique.
Messieurs, je ne vois pas de pouvoirs rivaux avec le système que je défends ;
je ne connais que le chef de l'Etat d'un côté, et la nation, de l'autre ;
souvenons-nous, d'ailleurs, que cette chambre n'est élue que pour un temps ;
d'un autre côté, il existe un ministère entre elle et le chef de l'Etat. Eh
bien, si le pouvoir exécutif n'est pas d'accord avec
Le 24 janvier 1831, Ch. de Brouckere proposa, avec cinquante et un autres
députés, l'élection du duc de Nemours comme roi des Belges. Le 30, il soutint
fortement la candidature du jeune prince français. « Dans la position où nous
sommes, dit-il, ne possédant ni Maestricht, ni Anvers, et en présence du
protocole du 20 janvier,
La majorité des suffrages s'étant portée sur (page 37) le duc de Nemours, Ch. de Brouckere fut nommé membre de la
députation chargée d'annoncer au roi Louis-Philippe l'élection de son fils. On
connaît suffisamment les résultats de cette démarche solennelle, les déceptions
de l'assemblée belge.
Pour suppléer à la vacance du trône, le Congrès résolut alors de constituer
une régence, et Ch. de Brouckere vota pour que cette haute magistrature fût
conférée à Surlet de Chokier.
6. Le ministre
du Régent et l’opposant au XVIII articles (mars 1831 – août 1831)
Après son installation, le régent conserva près de lui, en leur attribuant
le pouvoir ministériel, les anciens chefs des comités ou administrateurs
généraux du gouvernement provisoire. Ch. de Brouckere, qui avait succédé à M.
Coghen comme administrateur général des finances, devint donc ministre de cet
important département (Note de bas de page : En qualité
d'administrateur général des finances, Ch. de Brouckere avait présenté, le 20
janvier 1831, un projet de décret sur la responsabilité ministérielle.
L'assemblée renvoya ce projet à l'examen des sections ; mais il n'en fut pas
fait rapport. Voir Discussions du Congrès national, t. V, p. 88).
(page 38)
Constitué le 26 février, le premier ministère du régent fut bientôt en pleine
dissolution. Déjà, le 3 mars, Ch. de Brouckere avait adressé au chef provisoire
de l'État sa démission comme ministre et comme colonel. « Un ami qui me
porte un intérêt trop vif et mal entendu, lui écrivait-il, veut faire reprendre
chez vous la double démission que je viens d'avoir l'honneur de vous adresser.
C'est contre ma volonté que cette démarche s'est faite ; j'ose vous prier de
considérer ma démission comme irrévocablement décidée. »
Mais le régent, ancien collègue de Ch. de Brouckere aux états généraux,
appréciait trop bien l'activité déployée par l'administrateur pour qu'il se
privât aisément de ses services. On a dit d'ailleurs, et avec raison, que Ch.
de Brouckere était l'enfant gâté du régent. Cédant à des instances amicales, il
reprit ses fonctions ; mais ce ne fut pas pour longtemps.
Le 20 mars, le régent recevait la lettre suivante :
« J'ai eu l'honneur de vous demander depuis plusieurs jours ma
démission de vive voix ; je croyais m'être expliqué catégoriquement ; je dois
cependant avoir été mal compris, puisqu'on persiste à soutenir que mes motifs
sont peu fondés.
(page
39) « Pour ne laisser aucun doute, je prends la liberté de m'expliquer
de nouveau.
« J'ai
contribué par mon vote à tous les décrets que vous avez mission de faire
exécuter ; je désire qu'il n'y soit porté aucune atteinte, mais, monsieur le
Régent, je reconnais dans les circonstances actuelles mon impuissance à vous
aider efficacement : demeurer au conseil serait me mentir à moi-même et manquer
au pays. Il faut deux choses essentielles, selon moi, pour être : l'appui de
« J'avais proposé un double moyen d'obtenir de l'argent ; une négociation
commencée me faisait entrevoir la possibilité d'un emprunt, mais, pendant que
je sollicitais l'autorisation du Congrès, les fonds publics fléchissaient de
tous côtés avec une telle rapidité que les conditions des prêteurs devinrent,
d'après l'aveu du conseil, inacceptables. Le second moyen fut rejeté, et
cependant je persiste à croire qu'il eût réussi au moins partiellement.
« Deux jours après, le projet de loi sur la (page 40) perception du droit de barrière reçut un échec qui le rend
improductif et sera cause d'un nouveau mécompte sur les produits.
« Dès lors, voyant la confiance du législateur m'échapper, je résolus
de me retirer, si l'emprunt échouait. Je n'ai pu demander jusqu'ici que des
votes de confiance ; je devrais en demander de nouveaux, et j'ai acquis la
certitude que les états d'arriérés des autres départements sont loin d'être
liquidés.
« Enfin, monsieur le Régent, j'ai eu l'honneur de vous dire que je n'avais
pas de confiance politique dans tous les membres du conseil : une pensée unique
doit le diriger ; cette pensée doit être le fruit d'une conviction intime : .le
ne crois pas connaître celle de tous mes anciens collègues.
« J'insiste donc pour être remplacé de suite, voulant donner à mon
successeur le temps de préparer les moyens pour assurer le service et faire
place dans un conseil où je ne puis plus être utile. Je soumets mes actes à
l'examen le plus sévère ; je crois avoir apporté des économies et des améliorations
dans les différentes branches de mon administration ; j'y suis arrivé trop tard
pour obtenir un entier succès et prévenir tous les abus. Je laisse au trésor de
(page 41) quoi subvenir aux besoins
du moment et assurer le mois d'avril. »
Le Régent se sépara de tous ses ministres, à l'exception de Ch. de
Brouckere. Un décret du 24 mars annonça que la démission offerte par le
ministre des finances n'était pas acceptée.
Cette décision donna lieu, au Congrès, à des observations empreintes d'une
certaine vivacité. Dans la séance du 30 mars, M. Vande Weyer, ancien ministre
des affaires étrangères, s'exprima en ces termes : « ... Après l'exposé
qui vient de nous être fait par le nouveau ministre de l'intérieur, je me
permettrai une observation. Il nous a dit qu'une seule pensée avait présidé à
la formation du nouveau ministère ; que cette pensée était d'assurer
promptement le succès de notre révolution et l'indépendance de
Associé, dans le nouveau ministère, à MM. Lebeau et Devaux, Ch. de
Brouckere ne fut pas longtemps d'accord avec eux. Il était opposé à l'élection
immédiate du prince de Saxe-Cobourg ; tandis que MM. Lebeau et Devaux croyaient
(un avenir prochain devait prouver leur clairvoyance) que l'élection immédiate
permettrait d'obtenir de la conférence de Londres de meilleures conditions. M. Lebeau
ayant donné (page 45) lecture au
Congrès de la lettre qui lui était adressée, au nom de
« J'ai eu l'honneur de vous donner ma démission de ministre verbalement ;
je prends la liberté de vous réitérer ma déclaration par écrit. La lettre de
lord Ponsonby, lue à la dernière séance du Congrès,
par un de mes collègues, n'a pu que fortifier ma décision déjà irrévocable
avant cette malencontreuse épître.
« Vous savez, monsieur le Régent, à quelles conditions le ministère s'est
composé : ces conditions me semblent de plus en plus éludées. .
« Ma conscience me fait un devoir de ne plus assister au conseil et de
me retirer immédiatement. »
Le même jour, Ch. de Brouckere monta à la tribune, annonça que sa démission
avait été acceptée et rendit compte de sa conduite, comme ministre, pendant une
période si difficile. (page 46)
« Pendant les cinq mois qu'a duré mon administration, dit-il, je suis
parvenu à faire rentrer les impôts, sans que personne ait à se plaindre ni de
moi, ni de mes subordonnés. Je proteste sur l'honneur, qu'à l'exception d'une
seule fois et pour une place de six cents florins, jamais je n'ai rien accordé
à la faveur, ni à la protection, ni aux considérations de famille. Ma première
base a toujours été, en donnant des emplois, un dévouement sans bornes à la
patrie, quand il se trouvait uni à la capacité. Le dévouement ne pouvait
suffire quand la capacité ne l'accompagnait pas, et j'ai cru, dans une
administration qui compte sept mille employés, ne pas devoir décourager ceux
qui comptaient des services antérieurs à la révolution, quand d'ailleurs
j'avais la preuve qu'ils remplissaient leur devoir. J'ai pu commettre quelque
erreur sur les personnes, mais je déclare que ç'a été involontairement, et que
je n'ai jamais eu pour but que l'intérêt de la chose publique et le bonheur de
mon pays. » (Discussions du
Congrès national, t. III, p. 169.)
Le lendemain, Ch. de Brouckere aborda la question à l'ordre du jour,
combattit l'élection immédiate du prince de Saxe-Cobourg et s'éleva (page 47) énergiquement contre la lettre
de lord Ponsonby. « Je ne saurais trouver,
dit-il, de termes assez énergiques pour flétrir convenablement les expressions
de cette lettre. Quoi ! c'est un lord anglais qui menace tout un peuple de
l'extinction de son nom ! Ah ! ce nom vivra malgré lui et les siens ; aucune
force ne parviendra à nous le ravir dans l'avenir, à l'effacer dans le passé !
.....
« Vouloir l'élection immédiate, c'est se soumettre aux protocoles, ou
au moins, comme on l'a avoué ingénument, c'est reconnaître les limites de
f1790, moins la province de Luxembourg, qui faisait alors partie de nos
provinces.
« il y aura des échanges, nous dit-on encore, ou, en d'autres termes, nous
vendrons nos frères à
« Aujourd'hui, comme après la paix de Munster, on
négociera pendant dix-huit ans ; et, de guerre lasse, chacun conservera la
position qui (page 48) lui est
assignée par les protocoles.
« Mes alarmes sont chimériques, suivant quelques orateurs :
« Où est-il écrit que
« Messieurs, il s'agit de résoudre (page
49) une question d'honneur. Unis par les traités, unis par l'insurrection,
il y a, suivant moi, lâcheté à trafiquer des hommes comme de propriétés
immobilières. Dût une restauration être la suite de notre résolution, plutôt
mille fois la restauration que l'ignominie ; plutôt des fers pour quelques
années encore que la perte d'une réputation qui a traversé les siècles, que le
démenti du nom que nous a donné César, que le sacrifice de l'avenir tout
entier !
« Mais la restauration est impossible. L'exemple de
« Ce qu'il peut nous arriver de pis, c'est de subir par la force ce
que nous voulons offrir aujourd'hui, et alors au moins, nous Limbourgeois, nous
n'aurons pas le droit de maudire ceux avec qui nous avons fait la révolution.
« Ne nous y trompons pas, ce n'est pas par amour pour nous que les
autres puissances interviennent dans nos affaires : l'Europe entière est sous
les armes ; elle conservera cette attitude aussi longtemps que nous ne serons
pas constitués ; de là l'incertitude sur l'avenir de paix ou de guerre, et, par
suite, la stagnation (page 50) du
commerce et de l'industrie. Les puissances ont donc le plus grand intérêt à
voir terminer nos affaires ; elles réclament l'élection du prince de
Saxe-Cobourg, c'est pour nous un motif puissant de ne pas la consommer sans
connaître les conditions de notre existence.
« Ce que je demande, c'est la conséquence de la lettre écrite en notre
nom au ministre des affaires étrangères de Hollande ; c'est la reprise des
hostilités à la première infraction des conditions de la suspension d'armes. .
. . . .
« Je suis disposé à acheter la paix à prix d'argent, à faire à
l'avenir du pays tous les sacrifices, sauf celui de l'honneur, et, suivant moi,
l'élection préalable ne peut se faire qu'aux dépens de l'honneur
national. » (Discussions du
Congrès national, t. III, p. 199.)
Le 4 juin, Ch. de Brouckere émit en conséquence le vote suivant : « Je vote
contre le prince Léopold de Saxe-Cobourg, tenant son élection immédiate comme
contraire aux intérêts de
Ch. de Brouckere combattit également, et avec force,
les Dix-huit Articles proposés, comme préliminaires de paix, par
Il disait encore, au sujet de la réunion à
Le 8 juillet, Ch. de Brouckere prononça contre les Dix-huit Articles un
second discours, incisif, vigoureux, nourri de faits. Le lendemain, il
repoussa, par un vote formel, les offres de
Pour bien apprécier la conduite tenue par Ch. de Brouckere dans ces grands
jours, dans ces jours décisifs du Congrès belge, il ne faut pas perdre de vue
les liens qui le rattachaient étroitement au Limbourg et à Maestricht. Il
voulait une Belgique indépendante, mais avec le Limbourg.
A la veille de l'inauguration du premier roi des Belges, le 20 juillet, il
proposa un projet d'amnistie absolue pour tous crimes et délits politiques et
de la presse qui auraient été commis jusqu'à ce jour par des nationaux.
(page 55) « Ce décret,
disait-il, sera pour
Après l'adoption des Dix-huit Articles, Ch. de Brouckere avait, comme
patriote, sincèrement adhéré à la combinaison qui venait de triompher. Le 21
juillet, il faisait partie de la députation chargée de recevoir, sur la place
Royale, à Bruxelles, l'élu du Congrès et de le conduire au trône.
Chapitre III
7. Le ministre de la guerre du roi Léopold (août
1831-1832)
(page 57)
Quelques jours après l'inauguration du premier roi des Belges, le 3 août 1831,
Ch. de Brouckere était nommé ministre de l'intérieur. Les troupes hollandaises
franchissaient alors, sans déclaration préalable, la frontière et s'avançaient
dans le Limbourg. Le 4, le ministre de l'intérieur contresignait la
proclamation dans laquelle Léopold 1er disait aux Belges: « Chacun de nous fera
son devoir. Belge comme vous, je défendrai
Léopold 1er se rendit le soir même à Anvers, qui était menacé d'un second
bombardement, (page 58) et Ch. de
Brouckere le suivit dans la métropole commerciale. Il accompagna ensuite le Roi
à Malines, à Aerschot, à Louvain.
Après la désastreuse défaite de l'armée de
Ch. de Brouckere, à la fois ministre de l'intérieur et aide-de-camp du
Roi, avait reçu la mission de se rendre à Liége pour rallier les débris de
l'armée de
Le 16 août, après le retour de Léopold à (page 59) Bruxelles, il fut nommé ministre de la guerre. - Accepter
cette position dans un pareil moment, c'était donner un éclatant témoignage de
son profond dévouement au Roi et au pays.
Ch. de Brouckere entreprit la réorganisation de l'armée, et, secondé par
les généraux Evain et Desprez, il poursuivit ce
travail avec un courage et une ténacité dont il y a peu d'exemples. Par sa
merveilleuse activité, par son énergie invincible, il sut triompher des plus
grands obstacles. Mais, à quel prix ! Tandis qu'il déployait les plus hautes
qualités de l'administrateur, tandis qu'il rendait à son pays un service
considérable, il était attaqué avec violence, avec acharnement, dans la presse
et jusque dans
Plusieurs écrivains ont signalé les services rendus par Ch. de Brouckere
comme ministre (page 60) de la
guerre. Pour bien les apprécier aujourd'hui, pour les juger impartialement, il
faut se reporter à 1831, il faut évoquer cette époque orageuse, il faut céder
la parole aux contemporains.
Un publiciste anglais, qui avait suivi attentivement toutes les phases de
la révolution, s'exprime en ces termes:
« M. Ch. de Brouckere consentit à prendre le portefeuille de la
guerre, et à tenter la tâche gigantesque contre laquelle avaient échoué les
efforts de ses prédécesseurs. Quoique cet officier manquât d'expérience, il
était remarquable par son infatigable application aux affaires, son activité et
son énergie: aussi continua-t-il son travail d'épuration avec une volonté
inflexible.
« Un nouveau système d'organisation générale fut adopté. Les bataillons
de volontaires indisciplinés furent licenciés, et les hommes incorporés dans
les régiments de chasseurs. Quelques officiers supérieurs furent mis à la
demi-solde et plusieurs officiers subalternes démissionnés. Tous les officiers
d'état-major durent subir un examen. Ceux qui possédaient des connaissances
suffisantes furent confirmés dans leur grade ; les autres furent placés dans
des régiments de ligne, ou renvoyés. Une école (page 61) militaire, modelée sur celle de France, fut établie.
L'artillerie fut réorganisée, et le nombre des canons de chaque batterie porté
de six à huit. Un corps de sapeurs mineurs et une compagnie de pontonniers
furent organisés. Vingt mille hommes de garde civique du premier ban furent
appelés et organisés ; deux régiments de chasseurs furent formés au moyen des
volontaires licenciés. Les régiments de cavalerie furent augmentés de quatre à
six escadrons. La subordination s'établit. En sorte qu'au bout de quatre mois,
les différentes branches du service semblèrent avoir une nouvelle vie, et
l'armée commença à présenter une apparence d'amélioration qui promettait les
plus heureux résultats. Ainsi, dès le début de de Brouckere au ministère, une
force de quarante-cinq mille hommes d'infanterie, de trois mille six cents de
cavalerie et de quatre-vingts pièces de canon fut prête à entrer en campagne,
non compris la garde civique du premier ban et les bataillons de réserve.
« Réformer une armée révolutionnaire, substituer la discipline à
l'insubordination, l'économie et la règle aux désordres et aux dilapidations
les plus scandaleuses, renvoyer les hommes incapables et les remplacer par (page 62) d'autres ; former une armée
respectable d'une masse désorganisée et découragée par un récent désastre ;
établir partout la confiance sans bravade et placer ces différents corps sur un
pied respectable ; mépriser les diatribes des journaux et les personnalités de
l'opposition, poursuivre, enfin, la ligne qu'il s'était tracée, malgré des
menaces et des insultes ouvertes, était une tâche qui ne pouvait être accomplie
que par un homme d'une habileté et d'une énergie plus qu'ordinaire. De
Brouckere possédait certainement cette dernière qualité au plus haut degré.
Mais son caractère ardent, ses manières brusques, qu'il ne parvient pas toujours
à modérer, joints aux intrigues des ultra-catholiques, aux petites jalousies de
ses adversaires politiques, et, par-dessus tout, les efforts hardis qu'il fit
pour purifier l'armée d'une quantité d'hommes qui la déshonoraient, élevèrent
contre lui une masse d'adversaires violents et sans générosité. Nul effort ne
fut épargné dans les Chambres, par la presse, et dans les antichambres du Roi,
pour lui faire perdre l'estime et la considération publiques. Tous cependant
furent forcés d'avouer qu'il avait rendu des services importants à son pays,
qu'il était d'une habileté peu commune, qu'il (page 63) joignait aux talents les plus distingués, comme
administrateur, un dévouement sans bornes aux intérêts de son pays. A la fin,
fatigué et dégoûté de la violence de ses adversaires, qui craignaient son
influence et ses talents, et désireux par-dessus tout de quitter la cour, de
Brouckere donna sa démission, et fut remplacé par le baron Evain, général
d'artillerie français, qui, ayant reçu des lettres de grande naturalisation,
fut nommé ministre directeur de la guerre, mais sans faire partie du cabinet »
(Révolution belge de 1830, par
CHARLES WITTE, t. III, chap. IV. On trouvera un exposé très détaillé et très
complet de l'administration de Ch. de Brouckere dans
Au 1er janvier
C'était là un résultat dont Ch. de Brouckere pouvait justement
s'enorgueillir. « Citoyen, disait-il à
En réalité, Ch. de Brouckere était un homme supérieur aux prises avec la
médiocrité et l'envie, un réformateur en butte aux plus violentes et aux plus
implacables rancunes. Il ne succomba point ; il se retira, plein de dégoût. Il
donna sa démission de ministre de la guerre, et elle fut acceptée le 10 mars (Note de
bas de page : Un autre arrêté, du 28 septembre 1832, lui conserva le grade
de colonel d'artillerie jusqu'à la paix ; la paix conclue, il obtint sa
démission le 24 juin 1839).
Quelques mois après, le 13 octobre 1832, Ch. de Brouckere s'éloigna
également de
8. Le
renoncement à la vie politique (1832-1847)
Renonçant provisoirement à la politique, Ch. de Brouckere chercha et trouva
une autre carrière. En 1832, il prit la direction de l'Hôtel des monnaies (à
Bruxelles). En 1834, il fut l'un des fondateurs de l'université libre de
Bruxelles et se fit inscrire sur le tableau du personnel (page 65) enseignant comme professeur de mathématiques supérieures,
puis comme professeur de sa science favorite, l'économie politique. Ce n'était
pas là un titre honoraire : Ch. de Brouckere donnait consciencieusement ses
leçons. Notons, comme trait caractéristique, qu'il avait conservé des allures
militaires, et que c'était le plus souvent à cheval qu'il se rendait à
l'université.
En 1834 aussi, il était un .des membres de la commission envoyée à Paris
pour négocier un traité de commerce. Au commencement de l'année suivante, on
parlait à Smyrne de l'envoi prochain d'un agent belge en Orient, et on y
désignait pour cette mission Ch. de Brouckere.
Doué d'une volonté puissante, âpre au travail, infatigable, jaloux
d'associer son nom aux tentatives les plus hardies, cet homme éminent ne
reculait devant aucune tâche. Directeur de
En 1835 Ch. de Brouckere avait créé
Il écrivait, en 1845, à M. le comte J. Arrivabene
: « Vivant, depuis 1841, au milieu d'ouvriers, habitant une fabrique, en
dirigeant trois autres pour
En 1841, Ch. de Brouckere avait remis au Roi un mémoire dans lequel il
exposait les avantages d'assurances générales contre l'incendie (page 68) par l'État. Ce mémoire fut
également publié en 1845.
« L'imprévoyance, disait l'auteur, est une faiblesse, une infirmité
humaine : elle est, en quelque sorte, inhérente à l'homme, comme un des types
de son imperfection. Aussi, les exemples les plus frappants, les plus terribles
ne servent de leçons qu'à quelques individus privilégiés ; la masse s'émeut un
instant, s'apitoie sur les victimes, sans faire aucun retour sur elle-même. »
Il ajoutait: « Le gouvernement assureur de toutes les propriétés
mobilières et immobilières, assureur obligé pour tous les risques du
propriétaire et du locataire, c'est une pensée que je caresse depuis longtemps.
L'exécution peut paraître difficile, inopportune, illibérale Aussi susceptible qu'aucun autre, quand il
s'agit des libertés constitutives des gouvernements modernes, je ne pousse
cependant pas le puritanisme jusqu'au point de vouloir que l'action du
gouvernement soit nulle. Homme d'expérience, toutes les fois que la liberté de
conscience, celle de la presse et celle de la personne sont respectées,
j'admets que le pouvoir national peut prendre des mesures de prévoyance et de
sécurité pour écarter la misère, prévenir des désastres individuels dont la
répétition (page 69) devient une calamité
publique. En d'autres termes, je ne vois aucune liberté essentielle compromise
par l'obligation qui serait imposée à tous les citoyens d'assurer leurs
propriétés, tandis qu'il est évident qu'une pareille disposition écarterait
une des causes les plus actives des désastres individuels, de bouleversement
dans les fortunes et de dérangement dans la production. »
L'assurance obligatoire, préconisée par Ch. de
Brouckere, a été traitée plus d'une fois d'utopie. Nous ne prétendons pas qu'il
y ait lieu de l'adopter sans en avoir très mûrement pesé les avantages et les
inconvénients. Toujours est-il cependant que le rêve, longtemps caressé par Ch.
de Brouckere, fut bien près,de devenir une réalité,
grâce au patronage d'un homme politique dont l'intelligence et l'habileté n'
ont jamais été révoquées en doute (Note de bas de page : En séance du
conseil communal de Bruxelles, du 14 juillet 1855, Ch, de
Brouckere s'exprimait en ces termes : « Lorsque M, Malou a passé au
ministère des finances, il a voulu réaliser mon rêve, tellement qu'il a
institué une commission spéciale, commission dont j'ai eu l'honneur de faire
partie avec MM. Cogels, L. Cans
et trois autres représentants ou sénateurs. - Il y a eu un long travail fait,
les procès-verbaux ont été imprimés ; M. Malou allait convertir le travail en projet de loi, lorsqu'il y a eu
changement de ministère. Je ne me suis pas tenu pour battu, et j'ai insisté
près de M. Veydt (successeur de M. Malou) pour qu'il
fût donné suite au projet. On l'a examiné dans les bureaux ; ces messieurs ont
prouvé à leur manière qu'il n'était pas bon ; comme je n'avais pas voix au
chapitre, je ne m'en suis plus mêlé… » Bulletin communal (1855))
(page 70) Quelques années se passent rapidement pour Ch. de
Brouckere dans des fonctions laborieuses, puis tout à coup un nouveau
changement s'opère dans sa destinée. En 1847, il avait quitté
Revenu à Bruxelles, il aurait pu y trouver le repos
que lui assuraient sa fortune et la haute considération due à ses éminents
services. Le repos ! ... Illusion pour ce caractère bouillant, pour ce cœur
chaud, pour cet esprit infatigable. D'abord, Ch. de Brouckere alla enseigner
l'économie politique à l'école centrale de commerce et d'industrie. Il eut
ensuite sa place marquée dans plusieurs commissions d'Etat. Président du jury
de l'exposition des produits de l'industrie nationale, il fut, en cette
qualité, le promoteur d'une mesure excellente. Sur sa proposition (page 71), le gouvernement institua, en
1847, un signe honorifique en faveur des travailleurs industriels et agricoles
qui se distingueraient par leur habileté et leur moralité.
Président de l'Association belge pour la liberté commerciale, il fut aussi le président du Congrès des économistes, que
cette association avait convoqué à Bruxelles. Des savants illustres dans les
sciences politiques et morales, des hommes d'Etat, des législateurs, des industriels
éminents vinrent de toutes les parties de l'Europe. Le 16 septembre 1847, Ch.
de Brouckere ouvrit les délibérations de cette imposante réunion, par un
discours qui révélait de nouveau une haute intelligence jointe à un noble cœur
: « ... Les congrès eux-mêmes n'ont rien de neuf, disait-il. Les têtes
couronnées ont, depuis longtemps, ouvert cette voie ; mais, dans leurs
assemblées, elles n'ont eu pour objet que les substitutions de la lutte des
intérêts à la guerre des batailles. Ne croyez pas cependant que je veuille
accuser les rois de nous avoir parqués sur cette terre ; ils croyaient sauvegarder
nos droits- et notre honneur. C'est à l'ignorance des masses, aux préjugés et
aux faiblesses des diplomates qu'il faut attribuer la direction étroite et mesquine
de tous les congrès (page 72) politiques. Vous venez, pour la première fois, examiner la question de
fraternité entre tous les hommes ; pour la première fois, après tant de
siècles, représentants de la science, vous cherchez à mettre en pratique cette
parole de Dieu: Aimez-vous les uns les autres… » (Note de bas de
page : Congrès des économistes réuni à Bruxelles, etc., session de
1847 (Bruxelles, in-8°), p. 2. - C'était M. Ad. Le Hardy de Beaulieu,
secrétaire de l'association qui avait eu l'idée de réunir un congrès à
Bruxelles. M. Ch. de Brouckere présida également la seconde session, en 1856).
Les électeurs de Bruxelles, en nommant conseiller communal le citoyen qui
avait déjà tant fait, sollicitèrent de nouveaux services de son activité et de son
dévouement.
Chapitre IV
9. Le retour à
la vie politique. Les deux premières années du maïorat bruxellois (1848-1849)
(page 73) Le 8 janvier 1848, Ch.
de Brouckere entra, comme conseiller communal, dans ce vénérable et splendide
hôtel de ville, où il allait devenir bientôt le rénovateur de la capitale du
royaume.
M. le chevalier Wyns de Raucour
était alors bourgmestre de Bruxelles, et le conseil, qu'il présidait, comptait
encore des hommes qui, par leur âge, rattachaient en quelque sorte l'ancien
régime au nouveau. L'un de ces vieillards proposa, dans la séance du 8 janvier,
d'ériger la statue du prince Charles de Lorraine, gouverneur général des Pays-Bas (page
74) autrichiens pour
l'impératrice Marie-Thérèse, sur la place Royale, où elle se trouvait
autrefois. Ch. de Brouckere se lève vivement pour combattre cette motion :
« Je m'oppose formellement, dit-il, à la proposition. Je ne veux pas
discuter ici le mérite du prince Charles de Lorraine. Mais je dirai, puisqu'il
y en a qui regrettent encore ce temps, que, quant à moi, je ne le regrette
nullement, et que je désire vivement que nous n'ayons plus de gouvernement
semblable à celui du prince Charles. » C'était comme une profession de foi. Et,
de fait, Ch. de Brouckere n'aimait point les sentiers battus ni les vieilles
ornières ; tournant le dos à l'ancien régime, il regardait l'avenir avec un œil
perçant. C'était à beaucoup d'égards un novateur.
Membre du conseil communal, Ch. de Brouckere prit
une part active à toutes les discussions importantes, et il s'initiait avec son
ardeur habituelle à l'administration de la ville. Tantôt il critiquait
l'organisation vicieuse de certains hospices ; tantôt, dans l'intérêt des
ouvriers, qu'il voulait disait-il, relever par tous les moyens possibles, il
préconisait et démontrait l'utilité des conseils de prud'hommes. Il fut aussi
l'auteur d'un projet de règlement pour le service des cimetières et des
inhumations, projet (page 75) adopté par le conseil. Mais il se signala particulièrement,
dans la séance du 11 mars, par un discours qui avait pour objet la suppression
du tour ouvert aux enfants abandonnés. C'était une véhémente et philanthropique
improvisation. « Aussi longtemps, dit l'orateur, que nous aurons un tour
ouvert à tout venant, nous aurons la charge de l'entretien des enfants
abandonnés non seulement de Bruxelles, mais de toutes les villes environnantes,
pour ne pas dire de tout le pays... Ce n'est pas seulement sous le rapport de
l'économie que je parle, c'est surtout sous le rapport moral que j'envisage la
question des enfants trouvés. Ce sont des êtres à qui nous faisons le sort le
plus ignoble qui puisse exister... Si je demande la suppression des tours... je
demande, par contre, qu'on n'abandonne pas les enfants à quatorze ans, mais au
contraire qu'on les élève pour en faire des hommes utiles à eux-mêmes et à la
société. Je demande en outre qu'on recherche la maternité, toutes les fois
qu'il y a abandon d'un enfant. Vous ne pouvez, pour ménager la pudeur d'une femme
qui a péché, enlever à un enfant son état civil. C'est une véritable suppression
d'état dont l'autorité se rend complice. » Ch. de Brouckere laissait d’ailleurs
percer son (page 76) désir secret.
Le mandat de M. Wyns de Raucour
devant bientôt expirer, l'ancien ministre, l'ancien membre des états généraux
avait de la peine à dissimuler son ambition. Noble ambition, au surplus : car
il voulait, comme premier magistrat de la commune, se dévouer entièrement au
bien-être et à la prospérité de la ville de Bruxelles.
Ces vœux allaient être réalisés. Déjà, le 26
juillet 1848, le collège électoral de Bruxelles avait rouvert les, portes de
Trois jours après, le 5 octobre, Ch. de Brouckere,
nommé bourgmestre par Léopold 1er, (page
77) prend place au fauteuil, et, après que les nouveaux échevins et les
conseillers communaux nouvellement élus ont prêté serment entre ses mains, il
manifeste sa satisfaction pour l'honneur dont il est l'objet et son
inébranlable volonté de se dévouer complètement à la
ville de Bruxelles. « ... Lorsqu'il y a vingt-cinq ans, dit-il, la carrière
s'ouvrait déjà brillante devant moi, je n'ambitionnais pour l'avenir qu'une
seule position : celle de bourgmestre de la commune que j'habitais. J'étais
loin de me douter qu'un jour viendrait où je serais placé à la tête de
l'administration de la capitale de mon pays, et cet honneur, je ne le désirais
pas aujourd'hui... Je n'accepte l'autorité que pour être utile à tous... J.e me flatte que vous aurez bientôt la conviction que je
consacre à l'administration de Bruxelles tout ce qui me reste de force et
d'intelligence... »
10. Le caractère atypique de Charles de Brouckere
Depuis 1830, les hautes fonctions de bourgmestre
de Bruxelles avaient été successivement exercées par MM. Rouppe, Van Volxem et Wyns de Raucour. Tous trois, administrateurs laborieux et honorés,
mais sans grande initiative, avaient laissé d'excellents souvenirs. M. Rouppe,
commissaire du pouvoir exécutif sous
Ch. de Brouckere ne ressemblait à aucun de ses trois prédécesseurs
immédiats. Il était lui-même, c'est-à-dire un administrateur non seulement
laborieux, mais infatigable, un homme recherchant l'action, un bourgmestre qui
avait la plus haute idée de sa mission et des droits et prérogatives dont il
était le représentant. Pour lui, la loi communale du 30 mars 1836 était une
charte dont il respectait la lettre et dont il vivifiait l'esprit. Homme de son
temps, il se considérait néanmoins comme le continuateur de ces bourgmestres du
XIVe et du XVe siècle, qui savaient défendre avec tant d'énergie les vieilles
chartes du pays et qui avaient laissé de leur administration des monuments
admirables. Il contemplait l'hôtel de ville et les belles maisons des
corporations avec cette légitime fierté qui saisissait le Romain à l'aspect de
son antique Forum. En 1851, il aurait pu devenir ministre et chef du cabinet ;
il déclina les offres du souverain pour rester bourgmestre de Bruxelles. (page 79) C'était, comme on l'a dit, la
seule position qui lui parût enviable dans le pays.
Lorsque Ch. de Brouckere devint le chef de l'administration communale, la
ville proprement dite contenait 120,000 habitants. Le nouveau bourgmestre se
dévoua à cette grande famille avec un zèle et une sollicitude qui ne se
démentirent pas un seul instant. On peut dire qu'il fut constamment sur le
qui-vive. Le matin, de bonne heure, on le voyait à cheval, parcourant les
divers quartiers, inspectant, contrôlant, surveillant la police dont la
réorganisation avait été un de ses premiers actes. Il lui arriva même plus
d'une fois de céder à sa bouillante impatience et de prêter lui-même assistance
à ses agents. Toujours accessible, il était bref et rude dans ses reparties :
le plus souvent il éconduisait le solliciteur d'une manière peu aimable, il
refusait net ; puis, le lendemain, il revenait spontanément sur sa première
résolution et savait faire oublier, par sa bonne grâce, les déceptions de la
veille. Il ne fut pas longtemps sans acquérir un véritable ascendant sur tous
ceux qui l'entouraient et une véritable popularité dans la ville. Cette
popularité, il la méritait. - « Homme de sens pratique, a dit de lui un de ceux
qui l'ont bien connu, esprit (page 80)
clair et pénétrant, d'une
conception vive et primesautière, intelligence vigoureuse et saine, jugement
solide et droit, ardeur infatigable au travail, sensibilité vraie, mais cachée
sous des dehors un peu brusques quelquefois, tel fut Ch. de Brouckere, notre
grand bourgmestre... Généreux sans ostentation, secourable au malheur, il
savait donner à propos et avec discernement. Il aidait l'indigent à sortir
d'un moment difficile, plus qu'il ne lui faisait une stérile aumône. Son cœur
était au niveau de son intelligence. » - Le soir, il couchait sur un lit de
camp, au rez-de-chaussée de son hôtel. De là il surveillait les rondes de nuit
« - je les entends passer chaque fois, disait-il lui-même; » - de là,
il restait en quelque sorte en communication avec la ville entière, toujours
prêt à payer de sa personne.
Dans sa séance du 10 novembre 1849, le conseil
communal vota solennellement des remerciements au bourgmestre pour le dévouement
admirable qu'il avait prodigué à la population pendant toute la durée d'une
effrayante épidémie. Ch. de Brouckere avait vainement supplié l'auteur de la
proposition de s'en abstenir; lorsqu'elle eut été ratifiée par les acclamations
du conseil, il prononça ces mots : (page
81) « Le choléra a été pour moi l'occasion d'acquérir les sympathies
de la population. Dans ma conviction, il n'y a rien pour un administrateur qui
soit au-dessus de la bienveillance de ses administrés. »
Le 6 avril suivant, Ch.
de Brouckere présida, dans la salle gothique de l'hôtel de ville, à la
distribution des médailles décernées par le conseil communal aux personnes qui
s'étaient distinguées pendant l'invasion du choléra. Le bourgmestre saisit
cette occasion pour affirmer des convictions qui, chez lui, étaient inébranlables.
Il s'éleva contre les prétendus droits à l'assistance qui, dans les classes
laborieuses, disait-il, engendrent trop souvent l'imprévoyance. Puis, après
avoir condamné l'aumône publique distribuée sans discernement, il ajoutait : «
Je ne suis ni un esprit froid ni un cœur égoïste. Et quand je me trouve au
milieu de vous, je m'écrierais volontiers avec un des grands orateurs de la
chaire: « Loin d'ici ces personnes circonspectes et ménagères qui ont beaucoup
reçu et qui donnent peu ; qui « comptent avec Dieu et avec les pauvres ; qui
versent leurs consolations goutte à goutte. » Mais si la charité est un
sentiment qui est au cœur de l'homme, une vertu qui élève et réjouit (page 82) l'âme, elle est aussi un
devoir sacré et universellement compris : Elle ne se manifeste pas uniquement
par des dons matériels, mais encore par la parole, par l'exemple et par
l'action. Il ne suffit pas de donner beaucoup, il faut donner avec
intelligence. »
Citons maintenant le Bulletin communal: «
Après là distribution des médailles, M. Fontainas, premier échevin, prit la parole.
« Membre du conseil communal, dit-il, et visiteur
des pauvres, il m'appartient, je pense, de répondre aux paroles si belles, si
généreuses que M. le bourgmestre a bien voulu nous adresser. En nous remettant
la médaille commémorative et de gratitude, M. le bourgmestre vient d'exécuter
une résolution prise à l'unanimité des membres composant le conseil communal.
Mais il ne faut pas que, dans cette manifestation de la reconnaissance
publique, il y ait une lacune regrettable.
« Je n'entends flatter personne ; je n'ai jamais
été, je ne serai jamais le courtisan de personne ; mais, vous le savez, parmi
ceux qui ont si bien mérité de leurs concitoyens, pendant l'invasion du
choléra, il en est un, un surtout dont la conduite a été vraiment admirable
d'intelligence et d'activité. (Ces paroles sont accueillies (page 83)
par une double salve
d'applaudissements.)
« Messieurs, grâce au noble exemple de
dévouement que nous a donné M. le bourgmestre, nous avons compris les
devoirs que l'humanité nous prescrit, et nous saurons mieux que jamais les
remplir, car désormais nous agirons avec toute la puissance d'une affection
réciproque et profondément sentie.
« (S'adressant à M. le bourgmestre). Permettez-moi,
monsieur le Bourgmestre, de vous offrir à mon tour un exemplaire de la médaille
commémorative et de gratitude ; acceptez-le, c'est le vœu du conseil communal ;
c'est le vœu de tous les comités de charité, c'est le désir le plus sincère de
la population tout entière de la capitale. (Applaudissements prolongés.) »
Ch. de Brouckere répondit : « Messieurs,
puisque le conseil veut bien nous associer, joignons nos efforts pour le
bien-être de la capitale. Elle a en elle tous les éléments de prospérité ; nous
pourrons aider à les développer » (Bulletin communal (1850), pp. 173-174)
11. Illustrations du dynamisme de Charles de
Brouckère : octrois, épargne, exposition universelle et réfugiés
politiques (1849-1851)
En 1848, Ch. de Brouckere avait été appelé par le
gouvernement à faire partie d'une commission pour la révision des octrois, et
il avait rédigé un mémoire où il proposait la (page 84) suppression complète de ces douanes intérieures. Dans la
séance du conseil communal du 2 décembre, il défendit vigoureusement cette
opinion. En 1849, le Gouvernement le nomma membre et président de la commission
qui prépara la loi du 8 mai 1850, érigeant une caisse générale de retraite sous
la garantie de l'État, et celle du 3 avril 1851 sur les sociétés de secours
mutuels. Du reste, il avait devancé l'État en faisant adopter par le conseil
communal, au mois de mai 1849, une proposition qui tendait à instituer une
caisse d'épargne en faveur des artisans, des ouvriers et des petits
commerçants. Tel il se montrait comme bourgmestre de Bruxelles, tel il fut à
Londres en 1801, comme président de la commission belge de l'exposition
universelle, actif, énergique, infatigable. On le vit, au Cristal-Palace,
mettre habit bas pour aider les ouvriers et les stimuler. - Quoi! disaient les
Anglais aux Belges, est-ce là le lord maire de Bruxelles ?
Le 3 novembre, Ch. de Brouckere, en qualité de
président de la commission directrice de l'exposition générale des beaux-arts
de Bruxelles et de la commission belge de l'exposition de Londres, rendit
compte de ses efforts et des résultats obtenus. Au palais ducal, en présence (page 85) du Roi, et devant une
assemblée d'élite, il s'exprima en ces termes :
« Depuis vingt-cinq ans, l'idée d'une exposition
universelle des produits de l'industrie préoccupait les esprits sérieux. Elle
se représentait, particulièrement, à Paris et à Bruxe1les. Mais il appartenait
à l'Angleterre de réaliser un projet aussi vaste dans sa conception que fertile
dans ses résultats. Il fa1lait un sol dont les habitants comprissent les
bienfaits de la liberté commerciale pour asseoir l'exposition; il fallait une
impulsion élevée, aussi persévérante que celle du prince Albert pour assurer la
réussite de l'entreprise la plus colossale de notre siècle.
« C'est une histoire curieuse que celle des actes
qui ont précédé et accompagné l'exposition. D'immenses difficultés ont été
vaincues, et cependant, je le dis à regret, toutes n'ont pas été surmontées ;
l'œuvre n'a pas été complète.
« Nous avons tenu, Sire, un rang honorable parmi
les nations, nous pouvons revendiquer notre part de succès dans tous les
groupes, dans presque toutes les sections, malgré la tiédeur, l'indifférence
d'un grand nombre de producteurs qui avaient mal compris la portée de
l'exposition, malgré surtout l'absence d'un de nos éléments de supériorité: la
confrontation (page 86) des prix.
Hyde-Park a été, pendant six mois, une école pour tous les producteurs du
globe.
« Les plus habiles ont pu y puiser des enseignements
dont la société recueillera les fruits, mais il a manqué à cet immense bazar
une des données économiques les plus essentielles. Aussi, je crains bien que,
malgré leurs nombreux triomphes, des voisins puissants ne persévèrent dans leur
système exclusif de toute concurrence.
« Quant à nous, plus modestes, nous avons emporté
la conviction que nous devions marcher d'un pas ferme dans la voie du progrès,
pour conserver notre place. Le doute ne nous est plus permis. Nous arrêter,
même pour les industries qui ont fait notre richesse, c'est nous perdre. Mais
aussi nous avons la certitude que les producteurs belges n'ont pas besoin de
s'abriter à l'ombre des prohibitions. »
En toute occasion, Ch. de Brouckere se montrait le
défenseur éloquent et convaincu de la liberté commerciale. Collaborateur de l'Encyclopédie populaire, fondée
par M. A. Jamar, il publia dans cette collection des Principes
généraux d'économie politique. C'était un excellent résumé, clair,
méthodique, vraiment instructif. Le but de l'auteur était de combattre de vieux
(page 87) préjugés, de dissiper des
erreurs encore accréditées, et de réunir dans un cadre étroit des notions
saines sur la richesse publique. On lit avec fruit le résumé de Ch. de
Brouckere, même après avoir étudié les travaux de J.-B. Say, de Rossi, de
Michel Chevalier, et des autres maîtres de la science.
Une des périodes les plus difficile de l'administration
de Ch. de Brouckere fut celle qui suivit le coup d'État du 2 décembre
1801. Chargé de l'exécution des lois et règlements de police, le bourgmestre de
Bruxelles eut une mission bien délicate lorsque les proscrits et les réfugiés
affluèrent dans la capitale du royaume. Le 10 janvier 1852, il rendit compte au
conseil communal d'un conflit avec l'administration de la sûreté publique. «
Pour moi, dit-il, à cette occasion, le droit d'asile est sacré : c'est un droit
que nos pères ont toujours respecté, qui est écrit dans les vieilles chartes de
Brabant ; cela n'empêche pas que, comme fonctionnaire public, je remplis mes
devoirs ; mais j'exécute les ordres que je reçois comme un homme de cœur doit
les exécuter, c'est-à-dire en y mettant tous les ménagements, toutes les formes
possibles. »
Les réfugiés des divers partis se montraient
reconnaissants. Un soir que le bourgmestre de (page 88) Bruxelles donnait au Cercle artistique et littéraire, une
conférence sur la monnaie, on vit, parmi ses auditeurs, d'un côté des
orléanistes éminents, et, de l'autre, quelques-uns des plus célèbres
républicains. Un personnage, plus fameux encore, le vieux prince de Metternich,
envoya, comme souvenir au bourgmestre de Bruxelles, le buste en cuivre moulé de
Charles-Quint, avec prière de le déposer dans un des musées de la ville. Le
bourgmestre répondit (26 août 1853) : « . . . Je demande
l'autorisation de le conserver à l'hôtel de ville. Mes collègues et moi tenons
à pouvoir le garder en mémoire du séjour que Votre Altesse a fait parmi nous.
Nous nous rappellerons toujours, avec orgueil, que l'homme dont les conseils
ont eu le plus d'action sur les destinées de l'Europe, pendant un quart de
siècle, est venu, pendant les mauvais jours de 1848, trouver le repos et la
paix dans notre ville… »
12 Les innovations urbanistiques et l’attitude
philanthropique de Charles de Brouckere (1852)
L'année 1852 fut, à
certains égards, le point culminant de l'administration de Ch. de Brouckere,
comme bourgmestre de Bruxelles. Le (page
89) 28 juin, le conseil vota la réunion du quartier Léopold à la ville. Le
11 décembre, il adopta le système de la distribution d'eau, proposé par une
commission spéciale aux travaux de laquelle le bourgmestre avait, pendant deux
mois, assisté presque chaque jour. Le 9 avril suivant, le roi Léopold 1er
inaugura les travaux de distribution des eaux et posa la première pierre du
réservoir d'Ixelles. Le système auquel le conseil avait donné son adhésion
était, comme on l'a dit avec raison, l'œuvre la plus considérable que la ville
eût entreprise dans ce siècle, aussi bien sous Je rapport des travaux que sous
celui du bien-être de la cité.
Le 30 avril 1853, Ch. de Brouckere fit au (page 90) conseil communal un rapport
qui tendait à la réunion de tous les faubourgs à la ville. Ce projet, adopté
par le conseil, fut rejeté par
Tous ces travaux administratifs ne détournaient
point Ch. de Brouckere de ses études favorites. Le 27 novembre 1852 et le
12 février 1853, il fit au Cercle artistique et littéraire deux
conférences très remarquables sur la charité et l'assistance publique. Il
y reprenait, pour le développer, le thème qu'il avait soutenu en 1849, après
l'invasion du choléra. Il voulait démontrer que les sociétés modernes avaient
dénaturé la charité, sous le nom de bienfaisance ou d'assistance, en
transformant un sentiment du cœur, une obligation de conscience en devoir
civique ; des titres à la pitié en droits réels et positifs. Nous nous bornerons
à citer la conclusion :
« Je vous ai exprimé, avec sincérité, disait Ch. de
Brouckere, de vieilles convictions, sans me faire illusion sur les prosélytes
que je pourrais rallier.
« Hélas ! messieurs, nous avons encore bien (page 91) des obstacles à vaincre, bien
des préjugés à déraciner avant d'être franchement libéraux.
« La liberté, a dit Bastiat, est un acte de
foi en Dieu et en ses œuvres. » Un acte de foi n'admet ni restrictions, ni
exceptions. Qui donc veut la liberté doit la vouloir en tout, sous peine, en
faisant une réserve, que chacun, à son tour, n'en fasse une autre et que toutes
les libertés ne soient sans cesse contestées, mises en péril à la fois. Qui
veut la liberté doit la vouloir pour tous, autrement il pourrait lui-même
devenir l'objet de l'exception. - Oui, nous devons avoir encore bien des
préjugés à vaincre, quand, par delà nos frontières,
nous avons vu au pouvoir des hommes qui avaient marqué leurs premiers pas dans
la carrière par un dévouement absolu à la liberté, qui avaient écrit des
livres qui font encore autorité, ne signaler leur passage au ministère par
aucun acte en faveur de la liberté commerciale ou de l'émancipation de la
charité. Aussi, simple soldat de la politique, je ne puis avoir la prétention
de faire beaucoup de recrues, d'enrôler beaucoup d'entre vous sous le drapeau
que je déploie. Mais, ce que je vous demande, c'est de n'attribuer mes opinions
ni à un cœur sec, ni à une âme égoïste. Si je restreins le cercle dans lequel
doit se mouvoir (page 92) l'assistance publique, je veux rendre à la charité toute son action, tout
son charme. J'ai la certitude que cette vertu, dans sa douce sublimité, serait
aussi active aujourd'hui que dans les siècles derniers, et qu'avec moins de
sacrifices, elle obtiendrait des résultats moraux plus grands et surtout plus
utiles à la société. »
L'amélioration morale et matérielle des classes laborieuses était l'objet
des constantes préoccupations et des études persévérantes du bourgmestre de
Bruxelles. Un des témoignages les plus frappants de sa prévoyance est le rapport
qu'il déposa, le 16 janvier 1855, sur l'augmentation des salaires des
ouvriers.
« Le conseil communal, disait-il, a, dans sa séance du 10 décembre dernier,
reconnu, à l'unanimité, en comité secret, que le salaire des ouvriers, invariable
depuis cinquante ans, n'est plus en rapport avec les besoins de l'existence ;
il m'a autorisé à faire des démarches officieuses pour améliorer la condition
des travailleurs.... Vous avez compris qu'il fallait devancer l'heure à
laquelle l'ouvrier arracherait son salaire d'une manière violente peut-être ;
vous avez voulu prévenir l'abaissement de la population, autant qu'il était en
votre pouvoir. - Fort de votre volonté, (page 93) fort encore de mes
convictions personnelles, et me confiant dans cette bienveillance dont grâce à
vous, j'ai reçu tant de preuves de nos administrés, depuis six ans, j'ai essayé
de démontrer aux entrepreneurs de travaux qu'il était nécessaire de mieux
rétribuer le travail, que l'intérêt public commandait une révision des salaires.
- J'ai réuni successivement tous les maîtres couvreurs, plafonneurs, maçons,
charpentiers, menuisiers et peintres, dans six assemblées tenues à l'hôtel de
ville ; j'ai convoqué non seulement les entrepreneurs qui sont domiciliés dans
la commune, mais aussi ceux qui habitent les faubourgs, parce que les uns et
les autres dirigent les travaux indistinctement dans toute l'agglomération
bruxelloise ; mais j'ai eu soin, dans les invitations et les réunions, de bien
expliquer que je n'agissais pas à titre d'autorité. Les assemblées ont été
nombreuses et dans toutes, je me plais à le dire, il a été reconnu spontanément
que des salaires qui étaient déjà établis en 1804 ne pouvaient suffire aux
besoins de la vie en 1858… Je crois avoir touché au but et j'en reporte tout
l'honneur aux bons sentiments des entrepreneurs d'industries. »
13.
L’exposition universelle de Paris (1855)
Le dévouement que Ch. de Brouckere avait (page 94) montré à
Londres, en 1851, il le montra à Paris, en 1855, lorsque les Belges
eurent été conviés à participer à l'exposition universelle qui devait avoir
lieu dans la capitale de l'empire français. Son activité fut réellement prodigieuse
; dédaignant peines et fatigue, il ne voyait que le but. Mais il faut encore
une fois l'entendre lui-même. Aucun éloge ne vaudrait son rapport, simple, bref
et clair.
Président des membres belges du jury international,
il rendit compte de sa mission, le 17 décembre 1855, à la cérémonie de
la distribution des récompenses aux exposants, cérémonie qui était présidée
par le ministre de l'intérieur (M. de Decker).
« Il ne faut pas le dissimuler, monsieur le
Ministre, nous marchons, disait-il, vers un but que, dans une sphère étroite
d'action, j'ai toujours poursuivi : nous marchons vers la liberté des
échanges, vers l'ordre naturel des choses, vers l'accomplissement de la volonté
manifeste du Créateur du monde ; et l'exposition de Paris nous a fait faire des
pas de géant.
« Bien des conversions ont été opérées dans ce
bazar des produits de toutes les nations, bien des préjugés ont été vaincus par
une inspection des supériorités diverses que le sol, le climat, (page 95) les habitudes, les moeurs assurent aux différents peuples !
« A quoi donc serviraient la facilité des communications,
le rapprochement des distances, le contact des hommes de toutes les contrées,
si ce n'est à entretenir des relations plus intimes, à échanger des services ?
Pourquoi faire entrer dans l'appréciation des supériorités nationales le prix
des choses, si ce n'est pour procurer à tous une plus grande somme de bien-être
?
« Le cachet particulier de l'exposition de
Paris a frappé les moins clairvoyants. Tous les exposants avaient, cette fois,
été conviés à publier les prix de leurs produits, tandis qu'à Londres, en 1851,
on avait interdit, d'une manière absolue, d'indiquer ouvertement la valeur
des objets.
« Le décret du 10 mai dernier s'appesantit sur
le mérite d'un abaissement de prix ; il en fait à tous les degrés un élément de
supériorité.
« A l'exposition de
l'économie domestique, le bon marché est la condition expresse de l'admission
des bons produits.
« Et il serait
encore permis de croire que toutes ces dispositions ne pourraient aboutir (page 96) qu'à
exciter l'envie, à éveiller la jalousie, en un mot, à déchaîner les mauvaises
passions ! Non, non, telle n'a pas été la pensée dominante du grand concours
qui a été organisé sous la présidence du prince Napoléon Bonaparte.
« Nous ne nous faisons toutefois pas illusion. Nous avons encore bien
des préjugés à vaincre. Nous nous sommes heurtés plusieurs fois contre eux,
quand nous préconisions le bon marché de certains produits, quand nous
revendiquions l'application du décret impérial; mais l'opposition avait pris
un caractère moins tranchant, des formes moins acerbes : elle ne se prévalait
plus de la protection du travail national, reculait, en quelque sorte, devant
la discussion et ne demandait plus que du temps pour s'effacer, s'éteindre.
« Un premier jalon a même été posé, de l'assentiment
des délégués de tous les pays. Une vaste association s'est formée pour obtenir
l'unité des poids et des mesures. .
« Cette
unité n'emporte pas nécessairement avec elle la fusion des peuples sous le
rapport industriel, n'entraîne pas fatalement la liberté commerciale ; mais les
causes expliquent les effets.
« C'est en voyant les produits étiquetés ici en (page 97) yards et livres sterling, ailleurs en aunes et florins,
que l'on a été conduit à se réunir pour le triomphe du système métrique. On a
senti le besoin, dans un autre concours du monde producteur, de mettre les
prix à la portée de tous les visiteurs, de rendre plus saisissable la
supériorité relative de chaque contrée, de populariser une doctrine dont les
conséquences pratiques intéressent l'universalité des hommes.
«
« Oui, monsieur le Ministre, nous en avons la conviction, l'exposition
universelle portera des fruits partout et pour tous.
« Nous sommes heureux d'avoir pu y (page
98) prendre une petite part. Notre tâche touche à son terme, et nous nous
flattons, par notre empressement, notre zèle, de n'avoir démérité ni de nos
concitoyens, ni du gouvernement. Nous espérons aussi que les jurés belges n'ont
pas laissé de mauvais souvenirs à leurs collègues des autres pays. Nous
pouvons, au moins, vous assurer que nous avons reçu d'eux l'accueil le plus
sympathique, le plus cordial, et que nous emportons de l'hospitalité française
et de la courtoisie de nos hôtes un sentiment de reconnaissance.
« Si, dans cette circonstance solennelle, il m'était permis, monsieur le
Ministre, de parler un instant en mon nom, j'ajouterais que j'ai accepté le
fardeau le plus lourd que mes collègues eux-mêmes m'avaient confié, pour mériter,
autant qu'il était en mon pouvoir, le témoignage de bienveillance que j'avais
eu l'honneur de recevoir de l'empereur des Français (Note de bas de
page : Napoléon III avait nommé Charles de Brouckere grand-officier de la
légion d’honneur), et pour m'efforcer de rendre
un dernier service à notre patrie. L'activité et les forces qui me restent
appartiennent désormais à la ville de Bruxelles. »
14. Les
collaborateurs
Le Bulletin communal atteste que Ch. De Brouckere tint parole. C'est
dans ce Moniteur de la commune qu'il faut suivre jour par jour les travaux de
l'éminent bourgmestre. Une étude de ce genre n'est point aride. Le Bulletin
communal nous enseignera comment cet homme vraiment remarquable
administrait une grande ville, comment il gouvernait le conseil et comment il était secondé. Il ne
convient pas, en effet, de dissimuler que si Ch. de Brouckere fit beaucoup par
lui-même, il n'aurait pu accomplir seul une tâche immense. Il avait des
collaborateurs capables et dévoués. Pour ne parler que de ceux qui ne vivent
plus, nommons Fontainas, à qui la ville de Bruxelles
doit l'extension de l'enseignement populaire ; nommons aussi Auguste Blaes, échevin chargé des travaux publics, et dirigeant
laborieusement ce service important, après avoir été, comme rédacteur en chef
de l'Observateur belge, une des notabilités de la presse militante. Fontainas, toujours serviable et paternel ; Blaes, causeur enjoué, écrivain remarquable. Parmi les
membres du conseil qui ont été enlevés prématurément, on remarquait encore
Jules Bartels, dont l'éloquence tribunitienne avait
un vrai prestige. Mais n'oublions pas le respectable conseiller Kaieman, qui, avec une savante et piquante (page 100) bonhomie, réussissait à
interpeller régulièrement l'éminent bourgmestre, sans jamais éveiller sa
susceptibilité.
15. Trait de
caractère
Si Ch. de Brouckere trouvait presque toujours un appui sympathique dans le
conseil, parfois aussi il ne parvenait point à le rallier à son opinion. Le 4
juin 1859, le conseil était saisi d'un rapport de la section des beaux-arts sur
l'emplacement d'un monument à élever aux comtes
d'Egmont et de Hornes. Ch. de Brouckere en combattit énergiquement les conclusions.
Il se montra orateur convaincu, mais passionné aussi. Après avoir traité
sévèrement le comte d'Egmont et très durement le comte de Hornes, il déclara
qu'il ne donnerait jamais sa voix à l'érection d'un monument destiné à
perpétuer la, mémoire de l'un et de l'autre réunis. Ch. de Brouckere avoua
d'ailleurs que ses études sur le XVIe siècle n'avaient pas été très longues.
Quoi qu'il en fût, une appréciation aussi rigoureuse de la carrière politique
des comtes d'Egmont et de Hornes provoqua de vives répliques dans le conseil et
une chaude polémique dans la presse. En résumé, les conclusions du rapport de
la section des beaux-arts furent adoptées par vingt-trois voix contre deux.
Membre de
La direction de la commune était, au surplus, sa préoccupation dominante.
Le 31 mars 1860, il avait, dans le conseil communal, pris une part active à la
discussion de plusieurs questions importantes, telles que le déplacement de la
station du Midi et l'institution d'un conseil de prud'hommes. Il avait montré
la clarté, la (page 102) précision,
la vigueur qui le caractérisaient ; mais cette énergie un peu rude, qui était
comme le fond de son talent, avait été tempérée cette fois par un certain
enjouement, par des mots fins et gais. Le conseil ne se doutait pas qu'il était
présidé pour la dernière fois par son illustre chef.
Chapitre V
16. Le décès
et les cérémonies d’adieu
(page 103) La fin presque
soudaine de l'éminent bourgmestre fut comme un coup de foudre pour la ville de
Bruxelles et pour
Laissons parler un des témoins de cette fin presque stoïque.
« Jusqu'à ses derniers moments, dit-il, Ch. de
Brouckere n'a pas perdu connaissance. Il avait conservé toutes ses facultés ;
il sentait son état, mais il était d'un calme admirable. Après avoir rempli ses
devoirs religieux, il a dit à chacun de ceux qui l'entouraient ce qu'il avait à
lui dire, et s'occupait encore de5 intérêts de la ville. Sachant que la
discussion du projet de loi sur les octrois venait de s'ouvrir dans les
sections, il interrogeait son honorable frère par ces mots : « Et les
octrois ?... » A quelqu'un qui lui disait : « Ne vous attristez pas.
- Je ne suis pas triste, a-t-il répondu avec sang-froid et sérénité, je suis
venu sans inquiétude au monde, je le quitte sans inquiétude. » Il a adressé
quelques paroles touchantes et affectueuses à sa famille, qui s'efforçait de
cacher sa douleur. (page 105) Il a
dit quelques mots à son collègue, M. Anspach, qui se
trouvait là, a serré la main de « son digne ami », M. Julien Mascart, et quelques
moments après il n'était plus » (Charles
de Brouckere, par P. Bourson, p. 7)
A peine l'illustre chef de la commune eut-il
fermé les yeux, qu'une proclamation du collège des échevins annonça aux
habitants la « perte irréparable » que la capitale venait de faire. A
trois heures le conseil communal s'étant réuni d'urgence, l'échevin-président
(M. Fontainas) s'exprima en ces termes :
« Messieurs, je n'ai plus à vous faire connaître le fatal événement
qui prive la ville de Bruxelles de l'homme si éminent, de l'administrateur si
dévoué qui dirigeait encore, il y a cinq jours à peine, les affaires de la
commune.
« M. Chambre. de Brouckere a cessé de vivre ce matin. Nulle parole ne
saurait exprimer dignement la douleur que nous ressentons, les regrets
profonds et la vive reconnaissance de tous nos concitoyens.
« Le collège vous soumet diverses propositions tendant à honorer la
mémoire de l'illustre défunt ; en première ligne, nous vous demandons de
décider que les funérailles de notre (page
106) honorable et regretté
Bourgmestre soient faites par la ville.
« Nous vous demandons ensuite de décider que
l'une de nos rues principales porte son nom, et qu'un monument destiné à
perpétuer sa mémoire soit érigé sur l'une des places publiques de
Bruxelles. »
Ces propositions sont adoptées par acclamation. Le
conseil décide en outre que la population entière sera appelée à concourir, par
voie de souscription, à l'érection du monument qui doit perpétuer la mémoire de
Ch. de Brouckere. Un an s'était à peine écoulé depuis que cet homme à la fois
éminent et modeste avait repoussé, avec la mâle simplicité qui le caractérisait,
une pétition par laquelle les habitants d'un des quartiers les plus populeux de
la ville demandait au conseil communal de donner le nom de rue de Brouckere
à une nouvelle et importante voie de communication qui venait de s'ouvrir.
« Je propose, avait-il dit, le dépôt de cette pièce aux archives et de
passer à l'ordre du jour. On juge les hommes quand ils sont morts ! »
Ch. de Brouckere venait à peine de mourir, et il
était jugé. Tout le monde rappelait avec gratitude ses glorieux services.
(page 107)
Le Roi, le premier, s'empressa, dans une lettre autographe, d'attester que,
pendant trente années de confiance réciproque, il avait toujours apprécié
hautement les grandes qualités et le dévouement inaltérable de Ch. de
Brouckere, ministre, bourgmestre, représentant.
Ces funérailles, célébrées le dimanche 22 avril, (page 110) furent réellement imposantes.
Elles eurent une solennité et, un éclat inusités. On eût dit que non seulement
la ville de Bruxelles, mais que
Dans la maison mortuaire, en face du cercueil
revêtu des insignes du défunt, des discours éloquents furent prononcés par M. Orts, au nom de
« . .. Une magnifique intelligence vient de
s'éteindre (ainsi s'exprima M. Orts) : un bon et
noble cœur a cessé de battre. - La perte que fait le pays est immense, et
pourtant, si j'avais le droit d'exprimer les sentiments qui me débordent, ce
n'est pas la douleur du pays que mes paroles vous diraient. - Enfant de
Bruxelles, député de la capitale, je partage avant tout la désolation de ma
ville natale et je pleure avec elle, dans Ch. de Brouckere, le grand magistrat
auquel Bruxelles doit depuis dix années tant de splendeur, et, ce qui vaut
mieux encore, tant de choses bonnes et utiles. - Mais les regrets de la nation
entière ne sont ni moins profonds ni (page
111) moins légitimes. Ils réclament leur interprète, car
Après avoir retracé la première partie de la
carrière parcourue par Ch. de Brouckere, le président de
M. Liedts, gouverneur de
la province, fit également ressortir les éminentes qualités de son ancien
collègue ;
« ... Nos relations,
que la mort vient de briser si brusquement, remontent à 1830, lorsque nous
faisions partie, tous deux, de cette assemblée immortelle qui sanctionna
l'indépendance de
« Vos titres à la
reconnaissance publique sont impérissables.. .»
Parlant au nom de la
commune, M. Fontainas fut émouvant :
« . . . . Quelle implacable et soudaine fatalité a
jeté là, sans souffle et sans vie, celui dont la voix retentit encore à nos
oreilles, celui qui animait de son activité cette cité tout entière 1...
« D'autres ont dit la vie
politique du citoyen! Nous qui étions ses collègues, qui, tous les jours assis
à ses côtés, avons vu sans cesse à l'œuvre cet homme infatigable, nous nous souvenons
avant tout du bourgmestre, nous ne (page
115) voulons parler que du magistrat dont Bruxelles était heureux et fier.
- Nous l'avons vu menacé par le mal qui le tuait, toujours prodigue de courage
et de zèle, fermer l'oreille aux voix amies qui lui conseillaient le repos, à
la science qui lui ordonnait d'épargner sa santé et sa vie. - Pour des hommes
de cette trempe, il n'y a point de repos, point de trêve : le devoir et le
sacrifice, mobile des âmes fortes, poussent jusqu'au bout l'effort du
dévouement ; ces hommes ne s'arrêtent point : ils tombent. Et de Brouckere est
tombé, tombé sur la brèche, plein de vaillance, mêlant à son dernier souffle un
dernier mot: c'était de la commune qu'il s'occupait encore au moment suprême. .
. .
« En 1848, il devient bourgmestre de Bruxelles.
« L'horizon est sombre, l'avenir incertain ;
tout s'agite dans l'Europe inquiète et tourmentée : - Mais
« Il organise admirablement tous les services.
« Les travaux prennent un essor inouï ; au (page 116) milieu des plus vastes
entreprises, les ressources financières s'accroissent et le crédit est relevé.
« Le pauvre trouve un protecteur ; le salaire
du travailleur était disproportionné aux besoins de chaque jour ; par la
généreuse influence du bourgmestre, le salaire est augmenté sensiblement ;
l'ouvrier désormais pourra vivre ; il bénira son bienfaiteur.
« Les expositions de Londres, de Paris, de
Bruxelles, réclament son concours et son expérience ; des congrès s'assemblent
et l'appellent à l’honneur de les présider ; il est partout ; il semble partout
suivre sa vocation; partout son cœur anime les esprits ; son intelligence
éclaire la discussion.
« Et pour ne citer que quelques actes, qui de
vous n'admire les travaux immenses qu'exigeait notre système de distribution
des eaux ?
« Pour organiser ce beau service, il fallait
dépenser bien des millions, vaincre bien des répugnances, surmonter bien des
obstacles ; millions, obstacles, rien ne l'arrête. Par l'autorité de sa
parole, il obtient du conseil communal les millions nécessaires ; grâce à
l'habileté de ses combinaisons financières, il contracte des emprunts
avantageux. Les obstacles sont renversés et Bruxelles jouit de ce remarquable (page 117) service, qui seul ferait la
gloire d'un administrateur.
« Et tous ces quartiers insalubres qui nous
attristaient profondément, il y a répandu abondamment l'air et la santé; - et
ce palais élevé à l'Université libre, dont il fut une des lumières ; - et cette
voie publique en projet qui sera comme un boulevard intérieur, digne de porter
un nom cher à la population ; tous ces travaux qui étonnent, cette
transformation de la capitale, qui, avec les grandes idées, inspirent l'amour
de la patrie ; tous ces bienfaits, nous les devons à sa puissante initiative, à
son énergique collaboration.
« Et, pour finir par un dernier trait, plaçons à
côté de l'administrateur habile, ardent au travail, plaçons l'homme de cœur et
de dévouement. Qui de vous ne se rappelle l'effrayante épidémie de 1849 ? Le
choléra décimait impitoyablement la population ; et quand d'autres reculaient,
épouvantés, lui n'écoutait que le devoir ; partout, il était présent, consolant
les uns, stimulant les autres, répandant la vie et le bonheur au milieu de la
mort, des larmes et de la désolation. Nous l'avons vu dans ces jours de deuil,
et nous l'avons admiré !
« Il n'est plus !
(page 118)
« Mais devant ce malheur, dont gémit la cité, tout entière, une pensée forte et
consolante nous reste. Oui, il revit dans ses œuvres ; oui, la gratitude
publique ne l'oubliera jamais. . . . . .»
Le cercueil du grand bourgmestre fut conduit par
un imposant cortège dans l'antique collégiale des Saints-Michel
et Gudule, et, après la cérémonie religieuse, dirigé vers le principal
cimetière de la ville. On peut affirmer que la population tout entière lui
servait d'escorte. Le vénérable curé-doyen procéda à l'inhumation, des
détachements de la garde civique et de l'armée rendirent les honneurs dus au
grand-officier de l'ordre de Léopold et au chef de la commune, puis l'immense
foule qui avait assisté à ces funérailles s'écoula, émue et silencieuse.
Par une belle matinée de l'automne de 1866,
Bruxelles présentait un aspect qui formait le plus frappant contraste avec la
brumeuse et froide journée du 22 avril
Les sociétés d'arbalétriers et d'archers, avec
leurs bannières, formaient autour du monument comme une enceinte vivante au
centre de laquelle vinrent se placer le collège échevinal, le conseil communal,
les membres de la famille et les invités. Le roi Léopold II était représenté
par l'un de ses aides de camp, et le gouvernement par le ministre de
l'intérieur. Depuis qu'une mort prématurée avait également enlevé M. Fontainas, successeur immédiat de Ch. de Brouckere, la
commune avait pour chef M. Jules Anspach. Digne
héritier de l'énergie et du dévouement de Ch. de Brouckere, qui, d'ailleurs,
lui avait toujours marqué une grande prédilection, M. Anspach
sut rendre un brillant hommage au plus illustre de ses prédécesseurs.
« Ce monument, dit-il, produit d'un élan
spontané de la reconnaissance publique, est une nouvelle preuve de la solidité
et de la (page 120) constance des sentiments du peuple belge.
« Fidèles à la mémoire de l'homme illustre que l'histoire appellera le
rénovateur de la ville de Bruxelles, nous éprouvons encore aujourd'hui la même
émotion et les mêmes regrets que le jour où la mort l'a séparé de nous.
« Touchant témoignage des bienfaits de ces hautes et grandes
institutions traditionnelles dans nos vieilles communes qui associent les
citoyens à la gestion des affaires !
« Responsables du choix de leurs administrateurs, les citoyens se
regardent comme responsables aussi de la récompense due à ceux qui ont voué
leur vie au service de la patrie.
« Toutes les classes de la population se réunissent autour de ce monument
d'une gloire populaire et durable, comme toutes les classes de la population se
sont empressées de concourir à la souscription ouverte parmi nous. Nous avons
vu des enfants de Bruxelles envoyer de la terre étrangère leur part de cette
contribution volontaire.
« C'est l'obole du pauvre, c'est le denier de la veuve ; c'est la
reconnaissance du peuple s'élançant par toutes les voies qui lui sont ouvertes.
« Honneur à ceux dont la tombe est ornée de (page 121) semblables couronnes ! Honneur à l'administrateur qui
laisse de pareils souvenirs !
« Appelé, en 1848, aux fonctions sur lesquelles il devait jeter un si vif
éclat, Ch. de Brouckere donna d'abord à l'administration communale une vive et
nécessaire impulsion. La restauration des finances, but toujours désirable et
si rarement atteint dans le budget des villes comme dans le budget des Etats,
lui parut la condition essentielle de tout progrès, de toute amélioration dans
l'avenir. Ce but, sa fermeté inébranlable sut l'atteindre en peu de temps.
« Et cependant quelle administration féconde !
« Nos écoles élevées enfin à la hauteur de leur mission ; le palais
consacré à l'enseignement supérieur ; deux grandes voies nouvelles portant
l'air et la lumière dans des quartiers déshérités ; le bois de
« Ces tables de marbre sont couvertes d'inscriptions qui rappellent ce
qu'était Ch. de Brouckere, de quel feu brillait cette haute intelligence, don
précieux de quelques élus que les siècles nous montrent de loin en loin et à
qui toutes les branches de l'activité humaine sont accessibles.
« Législateur, diplomate (?), militaire, administrateur, écrivain,
professeur, industriel, partout il occupe le premier rang.
« Enfin, arrivé à l'âge où il eut le droit d'aspirer au repos, nous le voyons
consacrer ses nobles facultés à la ville de Bruxelles, jusqu'au jour où la mort
le prend encore plein de vie, d'énergie et de courage, pleuré par le pays
entier, pleuré par le pauvre dont il sut tant de fois soulager les misères,
panser les blessures, consoler les douleurs.
« Que ce monument porte d'âge en âge le souvenir de ce grand citoyen, qu'il
apprenne aux générations à venir comment il sut servir son pays et comment il
fut aimé. »
A cet éloge viril, que pourrait-on ajouter ? Bornons-nous donc à redire que
le monument érigé à la mémoire de Ch. de Brouckere est un grand honneur pour
lui et un grand enseignement pour la postérité.
Ce monument est dû à M.
l'architecte Beyaert et au sculpteur Fiers.
Sur la face principale, du côté de la rue de Namur, se trouve un buste avec
cette inscription: A Charles de Brouckere, bourgmestre de Bruxelles.
1815. - Officier d'artillerie.
1824. - Membre des états
provinciaux et de la députation permanente du Limbourg.
1826. - Membre de la seconde
chambre des états généraux.
1830. - Colonel d'artillerie. -
Gouverneur militaire de la province de Liége. - Membre du comité de
constitution. - Membre du Congrès national.
1831. - Aide de camp du Roi.
1831-1832. - Membre de
1834. - Professeur à l'Université
libre.
1835. - Directeur de
1847. - Membre du conseil
communal de Bruxelles.
1848-1856, 1857-1860. -. Membre
de
1851 et 1855. - Président de la
commission belge à l'exposition universelle de Londres et de Paris.
1848-1860. - Bourgmestre de
Bruxelles.
Sous la grande table
d'inscription :
Né à Bruges, le 18 janvier 1796.
Décédé, à Bruxelles, le 20 avril
1860.
L'image de Ch. de Brouckere se trouve également dans (page 124) la galerie des personnages politiques ouverte au palais
de
______________________
(Extrait
de Les bourgmestres de Bruxelles, Charles de Brouckere, par A. DU BOIS, dans
Revue de Belgique, t. XVII, 1896, pp. 21-41)
Charles de Brouckere fut installé, en qualité de bourgmestre de Bruxelles,
dans la séance du conseil du 5 octobre 1848. Il prononça, à cette occasion, la
remarquable allocution suivante :
« Avant de commencer nos besoin, messieurs, de réclamer indulgence.
« Lorsqu'il y a vingt-cinq ans, la carrière s'ouvrait déjà brillante
devant moi, je n'ambitionnais pour l'avenir qu'une seule position, celle de
bourgmestre de la commune que j'habitais. J'étais loin de me douter qu'un jour
viendrait où je serais placé à la tête de l'administration de la capitale de
mon pays, et cet honneur je ne le désirais pas aujourd'hui.
« Malgré tout ce que l'honorable
chevalier Wyns de Raucourt
a fait de bien et de bon, les circonstances du moment et des préventions que je
ne me dissimule pas m'imposent une lourde charge.
« Les préventions, j'espère les vaincre par un dévouement absolu à la
commune, par une volonté ferme de concilier les intérêts individuels avec ceux
du public. Vivant au milieu de nos administrés, je m'éclairerai des lumières
des uns, j'entendrai les griefs des autres. Je n'accepte l'autorité que pour
être utile à tous.
« Je puis compter sur votre concours éclairé pour partager le poids des
affaires. Ailleurs comme ici, messieurs, je m'inspirerai de vos conseils ;
partout et toujours. Je serai l'homme de la commune, et quand vous croirez
qu'il est plus utile ou plus convenable que je me renferme dans l'hôtel de
ville, il suffira d'un mot ; d'un signe de votre part pour que je renonce, avec
empressement à représenter la capitale dans une autre enceinte. Je me flatte
que vous aurez bientôt la conviction que je consacre à l'administration de
Bruxelles tout ce qui me reste de force et d'intelligence, et qu'en retour vous
m'honorerez de votre bienveillante estime.
« Oui, messieurs, justifier le choix du gouvernement, conquérir
l'approbation de nos concitoyens et mériter plus particulièrement celle de mes collègues, tel est le but que je me propose.
Je n'épargnerai rien pour l'atteindre. »
A peine entré en fonctions, en décembre 1848, nous avons l'occasion
d'apprécier l'esprit pratique en même temps que humoristique du bourgmestre de
Bruxelles. La commune était appelée à donner son avis sur la suppression
éventuelle de l'octroi.
A l'effet d'appuyer cette réforme, Ch. de Brouckere prononça un discours
qui contenait les curieuses observations suivantes : « Mais, dit-il, l'on
prétend que l'abolition de l'octroi ne diminuera pas le prix des objets que
l'octroi atteint aujourd'hui. Pour le prouver, on s'est étayé de faits, on a
cité des exemples. J'aborde cette objection et je commence par l'exemple le
plus innocent, je veux parler de la tasse de café. On a dit que la tasse de
café n'était pas toujours restée invariablement au même prix ; que de 30
centimes qu'elle se payait autrefois, le prix s'en est élevé à 32 centimes,
lors de l'introduction de la monnaie des Pays-Bas, et que ce prix avait été
maintenu même après l'introduction de la monnaie belge. C'est encore là une
erreur que je m'explique parfaitement, du reste, de la part de l'honorable
collègue qui l'a soutenu, parce qu'il a l'habitude de ne hanter que le café le
plus fashionable de Bruxelles (Note de bas de page : Il faisait
allusion au Café des Mille Colonnes); mais c'est là une exception,
car dans tous les autres cafés de premier ordre, la tasse de café se vend 30
centimes et 25 centimes dans les cafés qui ne sont pas situés sur la place de
« On a également parlé des tables d'hôte et, ici encore, on est tombé dans
la même erreur. Je me souviens parfaitement du temps où je dînais à table
d’hôte dans un des meilleurs établissements de la ville. J'étais alors membre
des États-Généraux. Eh bien, je ne payais qu'un franc cinquante centimes par
repas, tandis qu'aujourd'hui il faut payer au minimum deux francs.
« A cette époque aussi, on logeait dans les meilleurs hôtels pour un franc
et demi ; maintenant on demande deux francs ; de plus, on vous donnait une
chandelle entière pour vous éclairer ; aujourd'hui, on vous donne un morceau
de bougie qui vaut à peine cinq centimes, et pour lequel on vous compte
septante-cinq centimes. Pourquoi ? Parce qu'il y a renchérissement de tout, à
cause des droits d'octroi, parce que ces droits n'ont fait que croître et
embellir depuis vingt-cinq ans.
« Ces observations suffisent pour nous donner
une idée de la vie bourgeoise d'autrefois. »
Lors de l'éclosion du choléra en 1849, De Brouckere
fit preuve d'un dévouement à toute épreuve.
A la fin de juin, 254 cas avaient été renseignés à l'administration. Une partie de la population était
terrifiée par le nombre des victimes et surtout par la rapidité du mal. Elle en
venait à attribuer au séjour de l'hôpital les tristes résultats de l'épidémie
et bientôt les malades refusèrent les seuls secours efficaces qu'on pouvait
leur donner... Le bourgmestre intervint énergiquement pour ordonner le
transport des victimes, dès qu'i1 était encore possible de l'effectuer sans
danger pour celles-ci. Il paya souvent de sa personne, dans des cas semblables,
alors que les agents désespéraient. Jamais il ne se retira sans avoir mis le
malade en voiture et personne ne se permit de le molester. Il prescrivit
l'enlèvement immédiat des cadavres, afin de permettre la désinfection de la
chambre, de l'habitation des cholériques. Pour éviter toutefois d'irréparables
erreurs, les corps étaient transportés en litière, puis déposés dans une salle
isolée, mais saine, dans l'un des hôpitaux. Malgré des réclamations générales,
De Brouckere prit l'initiative de supprimer la kermesse de Bruxelles. Il fit
distribuer en cette occasion des pains à tous les pauvres de la ville. Tous les
lieux publics durent être fermés à minuit.
En juillet et août, le fléau s'accentua, mais
chacun était au poste du devoir : médecins des pauvres, agents de police,
comités de charité, membres de la commission médicale. En septembre, le mal
s'éteignit rapidement pour disparaître complètement
en octobre. Le bilan du choléra accuse sur une population de 131,000 habitants
1,244 cas, dont 931 furent suivis de décès.
Dans le rapport que le bourgmestre adressa au
conseil au sujet de cette épidémie, il avait songé à remercier tous ceux qui
s'étaient dévoués pour combattre le fléau. Le conseiller Kaieman
fit remarquer qu'il existait une lacune dans ce document. « Je crois remplir un
devoir, dit-il, en proposant au conseil : 1° de voter solennellement des
remerciements à notre honorable bourgmestre pour le dévouement admirable qu'il
a prodigué à la population pendant la durée de l'épidémie ; 2° de voter
solennellement des remerciements à MM. les échevins pour le zèle qu'ils ont
déployé à le seconder.
« Je sais bien que le
magistrat courageux trouve la récompense de ce qu'il a fait dans la
satisfaction de sa conscience et que la vertu ne recherche pas les applaudissements,
mais il n'en est pas moins de notre devoir à nous, conseillers communaux,
organes de nos concitoyens, d'exprimer à notre digne bourgmestre et à MM. les
échevins notre parfaite reconnaissance et de signaler aux temps à venir leur
noble conduite comme un exemple à imiter. »
Ces vœux furent couverts
d'applaudissements et votés à l'unanimité des membres du conseil.
Dans les premiers mois de 1850 se produisit une
proposition d'embellissement de la ville qu'il nous paraît intéressant de
rappeler. L'architecte Cluysenaer émettait l'idée
d'exécuter, sans aucune dépense pour la ville ni garantie de sa part, deux
galeries vitrées formant le prolongement des galeries Saint-Hubert, l'une en
face de la galerie du Roi partant de la grande rue de l'Écuyer et aboutissant
au Fossé-aux-Loups dans la direction de la .place des Martyrs, l'autre en face
du passage des Princes dans la direction de la rue de
Au mois d'août 1850, un nouveau fléau s'abattit sur
la capitale. Ce désastre fut provoqué par les inondations de
La fête du 15 août s'était terminée par des orages
épouvantables accompagnés d'une pluie diluvienne qui transforma une partie de
la ville en rivière. L'eau se précipitait en torrent du quartier du Parc vers
Le bourgmestre donna ordre de former un barrage
destiné à détourner les eaux, résultat qui fut obtenu.
Le soir venu, les quartiers inondés furent encore
éclairés par les habitants.
Enfin, grâce à l'énergie de tous, l'on triompha des dangers et l'on put se
rendre compte des ravages causés par cette terrible inondation à une grande
partie des habitants de Bruxelles. Il fallut parer à bien des misères. C'est
ce que le bourgmestre fit aussitôt par des distributions de pain, de paille,
de couvertures, de paillasses et de charbon. Une commission fut nommée dans le
sein du conseil pour venir en aide à toutes les infortunes qu'elle croyait
devoir secourir grâce aux dons qu'elle recevrait de toutes parts.
Au mois d'octobre, le pays entier fut frappé par une catastrophe qui
atteignit la famille royale. La reine des Belges succomba à Ostende. Le
bourgmestre proposa d'ouvrir à l'hôtel de ville une souscription pour perpétuer
par un monument la mémoire de la souveraine et, afin que tout le monde pût y
prendre part, il manifesta le désir de voir recueillir toutes les sommes
jusqu'à concurrence de 10 centimes.
Une importante discussion fut provoquée à la fin de l'année 1850 au conseil
communal à propos de la suppression du tour destiné à recevoir les hospices
d'enfants trouvés conformément au décret du 19 janvier 1811.
De Brouckere prit une large part au débat qui aboutit à une adresse au
pouvoir législatif pour qu'il soumette à la discussion la question de
l'opportunité de la suppression des tours et qu'il établisse pour toutes les
provinces une règle uniforme à cet égard, le Conseil estimant avec raison que
c'était le moyen le plus efficace à l'effet de diminuer le nombre des
expositions d'enfants.
C'est sous l'administration de De Brouckere que
l'on s'occupa de la réalisation de la question capitale d'amener à Bruxelles la
quantité d'eau potable qui lui manquait.
A ce propos, il est
curieux de rappeler qu'au XVIIe siècle la ville ne possédait que sept puits
publics à poulie et vingt et une fontaines, dont sept à l'hôtel de ville. Une
machine hydraulique avait été érigée au début de ce siècle à
Saint-Josse-ten-Noode pour le service du palais et de ses jardins.
Cédée au gouvernement autrichien. par le prince
Charles, lors de la construction du quartier du Parc, où une prise d'eau était
garantie aux propriétaires moyennant une redevance annuelle, la machine fut
vendue à la ville en 1810 en même temps que l'étang de Saint-Josse-ten-Noode
lui fut livré en vertu d'un décret impérial. Les eaux qui faisaient mouvoir la
machine provenaient de l'étang, celles que la machine élevait venaient
directement des sources. Une vingtaine d'années plus tard, le conseil de
régence, décidé à employer un moteur plus énergique, acheta une machine à
vapeur. Mais, au moment où on la mit en action, une chaudière fit explosion.
Quelques jours plus tard, la révolution éclata et la question des eaux en resta
là.
L'enquête qui fut faite avant de remettre cet
important problème sur le tapis établit que, des 14,761 maisons de Bruxelles,
6,734 n'avaient pas d'eau ou n'en n'avaient pas assez, ou n'en possédaient que
de la médiocre, voire même de la mauvaise. Il était donc urgent de s'occuper de
ce travail. Pour amener à Bruxelles la quantité d'eau potable qui y manquait,
trois projets avaient été présentés successivement depuis 1844, le premier par
M. Le Hardy de Beaulieu, le second par M. Delsaux, le
troisième par M. de Laveleye. Sur la demande de la
ville, M. l'ingénieur des ponts et chaussées Carez
fut chargé d'examiner les projets mis en ayant et il conclut à l'adoption du
projet Delsaux, qui devait satisfaire toutes les
nécessités.
Un incident curieux qui se produisit en décembre
1851, nous prouve combien le bourgmestre avait à cœur le bon renom de la
capitale.
M. Picard, avocat à la cour d'appel de Bruxelles,
vint le trouver en compagnie de deux émigrés français, de Buchy et Bianchi,
réfugiés chez lui, et demander quelles formalités il avait à remplir vis-à-vis
de la police. Le bourgmestre lui dit qu'il devait faire interroger les
étrangers par un commissaire de police, lequel lui adresserait son rapport.
Ceci fut fait. De Brouckere écrivit alors à l'administrateur de la sûreté
publique, M. Hody, la lettre suivante: « J'ai
l'honneur de vous transmettre, avec les papiers dont cet étranger est porteur,
l'interrogatoire du sieur de Buchy, Pierre-François-Désiré, réfugié politique,
logé en cette ville Courte rue Neuve, 4. Veuillez, je vous prie, me faire
connaître s’il y a lieu d'autoriser cet étranger à résider provisoirement à
Bruxelles.» Quelle ne fut pas la surprise du bourgmestre en voyant entrer le
lendemain, - un dimanche,- l'avocat Picard à l'hôtel de ville pour lui dire que
les gendarmes étaient chez lui et qu'on allait conduire Bianchi et de Buchy aux
Petits-Carmes pour les transporter le lendemain à Ostende en voiture
cellulaire. De Brouckere, qui avait toujours considéré le droit d'asile comme
sacré, se rend sur le champ à la sûreté publique, où il ne trouve personne.
Il va de là voir le
ministre de la justice et plaide la cause de l'humanité et de la justice en
demandant que, puisque ces étrangers ne pouvaient pas demeurer en Belgique, il
fût possible d'exécuter l'ordre d'expulsion avec plus de formes. « Enfin,
monsieur le ministre, s'écria-t-il, si je prends sur moi de faire surveiller
ces étrangers et si je réponds que demain je les ferai conduire
à Ostende, n'aurez-vous pas tous vos apaisements? » Le ministre remit au bourgmestre un billet
invitant l'administrateur de la sûreté publique à s'en rapporter à De
Brouckere. Celui-ci se mit à la recherche de l'administrateur Hody, qu'il ne parvint pas à trouver. Il prit alors le
parti de se rendre chez M. Picard, où il trouva le brigadier de gendarmerie, à
qui il tint ce langage : « Je vous déclare sur l'honneur que, comme
bourgmestre, je viens de porter à M. Hody une
invitation de me remettre Bianchi et son compagnon. Je m'en charge. Je
m'installerai ici à votre place. » Le gendarme se retira et le
bourgmestre, ayant reçu la parole de M. Picard et des réfugiés, en fit autant,
laissant aux étrangers le choix de l'heure du départ pour le lendemain,
ajoutant qu’il les ferait accompagner par quelqu'un qui aurait pour eux tous
les égards.
Le lendemain, nouvelle aventure. A cinq heures du matin, on fait requérir
un officier de la police de Bruxelles et sept gendarmes pour enlever de chez M.
Picard les réfugiés Bianchi et de Buchy. L'officier de police eut la prudence
de ne pas violer nuitamment le domicile.
Justement froissé d'un pareil procédé, le bourgmestre s'en fut de nouveau
trouver le ministre de la justice à qui il exprima ses doléances. Celui-ci se
borna à lui demander l'exécution de la promesse faite la veille. Les étrangers,
grâce à l'énergie déployée par le premier magistrat de la capitale, purent
partir pour Ostende dans la journée, accompagnés par un officier de police.
Comme il n'y avait pas de paquebot ce soir-là, les étrangers ne quittèrent le
port que le lendemain.
Cette conduite du bourgmestre fait le plus bel éloge
de la noblesse de son caractère.
C'est le 11 décembre 1852 que le système de distribution d'eau, dont nous
avons parlé plus haut, fut agréé définitivement.
Il consistait
à prendre les eaux des sources des environs de Braine-l'Alleud, à partir de
Lillois-Witterzée, de manière à fournir à la ville
Le 9 avril, date du dix-huitième anniversaire de la naissance du duc de
Brabant, après les réceptions officielles du prince au Sénat, où il fut
installé en qualité de membre de la haute assemblée, après les visites du Sénat
et de
Le clou de cette journée mémorable fut le bal offert à la famille royale
dans le palais communal. L'aspect de notre superbe hôtel de ville était
féerique. La cour avait été métamorphosée en vaste salle. Dans la grande salle,
trente lustres gothiques, des flammes de gaz qui jaillissaient par centaines
des corbeilles de fleurs attachées le long des colonnes, projetaient une
lumière éblouissante. Tous les salons, du reste, avaient été merveilleusement
décorés.
Au bout de la grande salle se
trouvait le trône sous un dais gothique. De lourdes tentures en velours
cramoisi retombaient sur les côtés. De droite et de gauche, le trône était
flanqué de statues des ducs de Brabant dorées de pied en cap. Vis-à-vis se développait, sur une immense
étendue, une place monumentale qui doublait ce coup d'œil inoubliable. Au pied
de la glace, un parterre de fleurs. Des deux côtés, des fontaines jaillissantes
complétaient ce merveilleux ensemble.
De Brouckere, les échevins, les membres de la commission
du bal et le conseil communal allèrent à dix heures et quart, recevoir la
famille royale à l'escalier des lions. Le Roi entra, donnant le bras à la
princesse Charlotte. Venaient ensuite les princes et toute la maison royale.
Leur entrée se fit au milieu des acclamations de la foule. Tous les membres du
corps diplomatique, les ministres, les présidents et les notabilités des deux
Chambres se groupèrent autour de la famille royale. Lès
danses commencèrent. Le premier quadrillé était composé du duc de Brabant et de
l'infante d'Espagne Isabelle de Bourbon, faisant vis-à-vis au comte de Flandre
et à la princesse de Ligne. Cette fête splendide fit époque dans les annales de
notre cité.
Tous les travaux exécutés à l'hôtel de ville en vue
de la solennité avaient été dirigés par le conseiller De Doncker.
Les commissaires du bal, au nombre de trente, étaient : MM. Ed. Anspach, Eugène Anspach, Bourdin,
Bousman, Bredael, J.-B. L. Capellemans, Franz Coghen, A. De Brouckere, de Beck, De Doncker fils, De Reine, Idstein,
A. Rouillé, E. Delabarre, H. Dolez fils, Jules et
Édouard de Kerchove de Ter Elst, A. de Knyff, Foulon, Vandevin, le
capitaine Goethals, Ketelaers, le capitaine et le
lieutenant Joly, Outekiet, Quairier,
J.-B. Van Volxem, Limnander,
Paul Nypels, Victor Stoefs,
t'Kint de Roodenbeeck et A.
Vleminckx fils.
C'est au cours de ce même mois d'avril que fut
opérée l'annexion du Quartier-Léopold à la ville et que De Brouckere lut au
conseil communal son rapport sur le projet de réunion des faubourgs à la ville
de Bruxelles.
Au mois d'août fut célébré le mariage du duc de
Brabant avec l'archiduchesse Marie-Henriette d'Autriche. Pour fêter cet heureux
événement, l'on organisa une opulente, cavalcade à la coopération de laquelle
le bourgmestre avait convié toutes les professions et les industries. Cette
cavalcade, qui parcourut la capitale le 23 août, se divisait en deux parties :
la première représentait la commune de Bruxelles à la fin du XVIe siècle ; la
seconde était consacrée aux industries et aux institutions modernes. Ce cortège
obtint un succès complet. La commission organisatrice se composait de MM. De
Brouckere, Fontainas, De Doncker
et Vander Meeren pour le conseil, et de MM. le
colonel Renard, Wauters, archiviste de la ville, et
Huart, auteur de la plupart des dessins des chars et des costumes, membres
étrangers à l'administration communale.
En septembre 1854, De Brouckere eut à tenir tête à
l'émeute soulevée sous prétexte que le pain vendu par des boulangers n'avait
pas le poids légal. La foule se livrant à des excès et ayant commencé à piller
des boulangeries, le bourgmestre dut recourir à la force publique pour rétablir
l'ordre. Comme il eût fallu trop de temps pour réclamer le concours de la
garde civique dans le premier moment d'échauffourée, il manda l'armée, mais il
fit appel à la garde civique les jours suivants. Combien le bourgmestre
n'a-t-il pas raison lorsqu'en relatant ces événements il dit : « Ce qu'il y a
de plus regrettable, c'est la grande agglomération de citoyens paisibles qui
assistent à ces scènes de désordre avec toute la curiosité avide que comporterait
au plus un spectacle attrayant et qui produit le double mal de paralyser
l'action répressive et d'enhardir les perturbateurs du repos public. Il a fallu
apporter la plus grande circonspection dans l'emploi des moyens de répression
pour prévenir les accidents, pour ne pas atteindre les innocents. Les
curieux seuls ont provoqué les mesures extraordinaires de police que j'ai dû
prendre le 7 septembre sur les rassemblements. Sans leur affluence, le désordre
ne se fût pas prolongé.
Cette observation sera éternellement vraie. Le bilan de ces désordres ne
fut heureusement pas grave. Tout se borna à des carreaux cassés et à deux
portes enfoncées.
Bien remarquable est le rapport dressé par De Brouckere à propos de
l'augmentation du salaire des ouvriers. Le bourgmestre, reconnaissant que les
salaires ne sont plus proportionnés aux prix des objets nécessaires à
l'existence, prend l'initiative d'agir sur les patrons par la persuasion.
« Cet état de choses ne peut durer, dit-il au Conseil, et cependant ni
vous ni aucun pouvoir public ne peut intervenir pour le faire cesser
d'autorité. Les salaires doivent se débattre librement entre patrons et
ouvriers. »
Il convoqua les patrons de l'agglomération bruxelloise, mais
officieusement, et leur exposa les faits lors de chaque réunion, tout en ayant
soin de se retirer lorsqu'ils délibéraient, pour bien prouver qu'il se gardera
de les influencer par sa présence. Les patrons reconnurent le bien-fondé des
observations du bourgmestre et s'entendirent pour augmenter les salaires des
ouvriers.
De semblables exemples méritent d'être rapportés.
Le 21 janvier 1855, un terrible incendie ayant détruit le théâtre de
Nous arrivons a un incident caractéristique qui
prouve combien De Brouckere éprouvait de respect pour le mariage civil et pour
la liberté de conscience.
Ce fait est très lucidement exposé dans le procès-verbal que le
commissaire de police adressa au bourgmestre au sujet des funérailles d'un
agent de police qui n'avait jamais encouru de réprimande, encore moins, de
punition. Ce document est ainsi conçu :
« Mercredi 30 avril dernier, vers 2 1/2 heures, j'assistais avec deux
de mes officiers de police, Scribe et Servais, un grand nombre de mes agents
ainsi que ceux de différentes divisions, aux derniers devoirs que l'on rendait
à l'église des Minimes à l'un de mes agents, le nommé Carette, lorsqu'à la
suite de l'absoute et contre tout usage, le prêtre qui officiait, M. Vervloet, a fait signe aux assistants d'approcher du
cercueil et s'est permis de faire la prédication suivante que je vais tâcher de
rapporter textuellement : « Cet homme qui vient de mourir a terminé sa
vie en montrant un vrai repentir, en faisant une bonne confession. Cependant,
Dieu ne lui a pas donné la grâce de réparer le scandale qu'il a fait durant sa
vie en vivant en concubinage, c'est-à-dire en ne se mariant pas à l'église ; la
conduite qu'a tenue cet homme est d'autant plus scandaleuse qu'elle est le fait
d'un agent de la police, lequel en tout est appelé à donner l'exemple. C'est un
double scandale aussi pour les chefs qui tolèrent une pareille conduite. »
Le parti du bourgmestre fut vite pris. Comme le
prêtre avait outrepassé son droit d'une façon inqualifiable en stigmatisant le
mariage civil, De Brouckere lui retira le concours bénévole de la police auquel
il n'avait pas droit et que par courtoisie on lui avait accordé jusqu'alors. Il
écrivit au curé la lettre suivante : « Monsieur, nous croyons devoir vous
informer que d'après les rapports du commissaire de police relatifs aux faits
qui ont suivi les prières dites sur le corps de l'agent de police Carette, nous
donnons l'ordre tant au corps des sapeurs-pompiers qu'à la police de ne plus
prêter leur concours à aucune solennité à laquelle vous présiderez. »
Le collège,
sur l'initiative du bourgmestre, notifia au corps des, sapeurs-pompiers et à la
police l'ordre suivant :
« Entendu le rapport sur les faits qui ont
suivi les prières dites sur le corps de l'agent de police Carette,
« Interdit au corps
des sapeurs-pompiers et aux officiers et agents de police de prêter à l'avenir
leur concours aux solennités de la paroisse des Minimes. Ils se borneront aux
mesures que commande la sécurité publique. »
Cette conduite du bourgmestre fut unanimement
approuvée par le conseil communal.
Les 21, 22 et 23 juillet 1856, furent célébrées de
grandes fêtes à l'occasion du vingt-cinquième anniversaire de l'inauguration du
Roi. Ces fêtes consistèrent dans l'entrée du Roi à Bruxelles par la porte de
Laeken, suivie d'une cérémonie solennelle célébrée à la place de
Notons, en passant, que c'est en 1856 que l'antique
cloche de retraite cessa de retentir à Bruxelles. Le bourgmestre fit
spirituellement observer qu'en effet l'usage de cette cloche était anormal dans
une ville capitale. En général, ceux auxquels elle doit servir d'avertissement
ne l'entendent pas et elle est parfois une cause de trouble pour ceux qui
désirent le repos.
Cette mesure amena une économie de 700 francs
annuellement, montant du traitement des sonneurs.
Nous arrivons à l'époque troublée que traversa
« Sire,
« Votre Majesté connaît les déplorables
événements qui viennent d'avoir lieu; elle en connaît aussi la cause : un
projet de loi que le gouvernement a pu croire populaire au moment de sa
présentation, a provoqué dans le pays des inquiétudes, des craintes et des
manifestations dont il a fallu réprimer les excès. Les premiers soins de l'administration
communale ont été pour le rétablissement de l'ordre. L'ordre rétabli, la haute
prudence de Votre Majesté l'a puissamment consolidé en ajournant les Chambres.
Aujourd'hui, toute la ville regrette l'explosion d'un mécontentement qui n'a pu
se contenir et elle comprend que c'est à la sagesse du Roi, à son amour pour
la nation, à sa sollicitude pour les intérêts du pays qu'il faut demander
respectivement la satisfaction du vœu public.
« Le conseil communal de Bruxelles a pensé,
Sire, qu'il était opportun et utile de se rendre l'organe de ces sentiments
auprès de Votre Majesté. Il la supplie avec le plus entier dévouement d'user en
cette circonstance des pouvoirs que
Les troubles survenus à l'occasion de la
présentation de la loi sur la charité avaient fait surgir un conflit entre le procureur
du roi et le bourgmestre. Ce conflit fut apaisé par le ministre de la justice,
M. Nothomb, à l'entière satisfaction du premier magistrat de la capitale.
Signalons la curieuse proposition faite en 1858 par
M. Watteeu de modifier le gothique règlement du 2
juin 1846 qui défendait de fumer dans le Parc, en ce sens qu'il serait permis
de fumer au Parc jusqu'à 11 heures du matin et qu'après cette heure
cette faculté ne pourrait être exercée que dans l'allée couverte d'asphalte et
dans les allées latérales aux rues qui encadrent le Parc.
Une amusante discussion s'éleva sur cette question. Le bourgmestre, à qui
l'on objectait que l'on devrait interdire l'usage du tabac au Parc par égard
pour les dames, faisait observer qu'il n'y avait plus de manque de courtoisie.
Les dames, ajoutait-il, sont si éloignées de nous, grâce à leurs crinolines,
que l'odeur du tabac ne, peut plus les gêner. Anspach,
appuyant le bourgmestre, fit observer que si l'on consultait les dames, elles
seraient en majorité pour la modification autorisant de fumer. « La
raison en est simple, disait-il, elles aiment bien a
nous conserver autour d'elles, et elles savent que le meilleur moyen pour cela,
est de nous permettre de fumer. » "
Un farouche opposant s'écria alors: « Je vois bien que vous êtes tous
fumeurs, faites le règlement comme il vous plaira, vous êtes les maîtres
! »
Finalement, il fut décidé qu'il ne serait permis de
fumer que sur l'allée asphaltée.
Au cours de l'année 1859 se produisit un fait qui amena le bourgmestre à
provoquer un règlement relativement aux inhumations.
Un sieur Crépin, appartenant à une association qui avait adopté
l'inhumation purement civile, était venu à mourir. Le lendemain, à 5 heures de
relevée, l'enlèvement du corps eut lieu sans que la famille ou les assistants
se fussent enquis du permis d'inhumation. Le fossoyeur, qui avait vu enlever le
corps, au lieu de prévenir la famille de la formalité qu'elle devait remplir,
ne trouva rien de mieux que d'envoyer un messager au cimetière, afin d'intimer
l’ordre au concierge de tenir les barrières closes et d'interdire l'entrée du
champ de repos. Un conflit eut naturellement lieu à l'arrivée du cortège au
cimetière. Plus tard, quand on s'adressa au fossoyeur pour réclamer le permis
d'inhumation, cet agent conduisit les demandeurs chez un prêtre de la paroisse
de Saint-Nicolas, qui exigea 21 fr. 5 c.
Tel fut l'incident qui donna naissance au règlement sur les inhumations,
qui armait l'autorité communale d'un pouvoir suffisant vis-à-vis des fabriques
d'églises.
C'est sous l'administration de De Brouckere, en
1860, que la ville fit l'acquisition de
Le 20 avril 1860, les Bruxellois voyaient avec douleur afficher sur les
murs de ta capitale la proclamation suivante:
« Concitoyens,
« La capitale vient de faire une perte irréparable, son premier
magistrat, dont nous admirions tous la rare intelligence et l'infatigable
activité, M. Charles De Brouckere n'est plus.
« Jusqu'à
sa dernière heure, il s'est dévoué aux intérêts de la ville de Bruxelles. Il
est mort entouré de l'affection de ses collègues et des regrets de la
population tout entière. »
Bruxelles fit
à son bourgmestre d'imposantes funérailles.
Diverses propositions furent faites pour honorer la mémoire du défunt. Les
obsèques furent célébrées aux frais de la ville. Il fut décidé, en outre,
qu'une des artères principales de la ville porterait son nom et qu'un monument,
destiné à perpétuer son souvenir, serait érigé sur une des places publiques de
Bruxelles. La population devait être admise à concourir, par voie de
souscription, à l'érection de ce monument.
Albert DUBUS
Intervention en tant que congressiste
(I)
(00) Vérification de ses pouvoirs comme membre du
Congrès (10/11/1830)
(01) Mission de Van de Weyer à Londres (16/11/1830)
(02) Indépendance de
(03)
Exclusion des Nassau de tout pouvoir en Belgique (23/11/1830)
(04)
Pétition demandant la mise en
liberté des officiers hollandais de la garnison de Mons (25/11/1830)
(05)
Mode de publication des actes du congrès national (27/11/1830)
(06)
Impôt des distilleries (02/12/1830, 06/12/1830)
(07)
Volontaires (06/12/1830)
(07)
portée du renvoi des pétitions (08/12/1830)
(08)
Emprunt forcé et
budget des voies et moyens pour 1831 (11/12/1830)
(09)
Question du sénat (14/12/1830, 15/12/1830, 17/12//1830)
(10)
Garde civique. Rapport de la commission (16/12/1830)
(11)
Loi électorale
(20/12/1830)
(12)
Constitution. Acquisition et
perte de la nationalité (20/12/1830)
(13)
Constitution. Egalité des
Belges devant la loi et octroi aux seuls Belges des emplois publics (notamment
dans les universités) (21/12/1830)
(14)
Constitution. Liberté des
cultes, de leur exercice public et liberté des opinions (21/12/1830)
(15) Constitution. Indépendance des cultes vis-à-vis des pouvoirs publics,
notamment question de l’antériorité du mariage civil sur le mariage religieux.
Demande d’ajournement (23/12/1830)
(16) Constitution. Liberté de la presse (26/12/1830)
(17)
Budget des voies et moyens pour 1831 (notamment
contribution personnelle) (28/12/1830)
(18)
Cour des comptes. (29/12/1830)
(19)
Pétition relative à la distillation des céréales (07/01/1831)
(20) Budget des dépenses pour le
premier semestre de l’année 1831 (notamment revenus de
(21) Recouvrement anticipé de la contribution
foncière pour 1831 (25/01/1831, 26/01/1831)
(22) Constitution. Financement des
ministres des cultes (27/01/1831)
(23) Mode d’élection du chef de l’Etat (28/01/1831)
Intervention en tant que ministre des
finances
(24) Question du choix du chef de l’Etat (30/01/1831)
(25) Députation pour annoncer au roi des Français
l’élection du duc de Nemours (03/02/1831, 04/01/1831)
(26) Loi électorale (16/02/1831, 19/02/1831, 21/02/1831)
(27) Lieutenance générale du royaume ou régence (22/02/1831,
23/02/1831)
(28) Droits d’entrée sur les fers (28/02/1831, 01/03/1831)
(29) Emprunt de 12,000,000 de florins et aliénation de biens domaniaux. Interpellation sur la situation
diplomatique de
(30) Bons du
syndicat (« los-renten ») (04/03/1831,
10/04/1831, 12/04/1831)
(31) Distilleries (04/03/1831,
19/05/1831)
(32) Taxe
des barrières (06/03/1831)
(33) Programme du deuxième ministère
du régent, troubles du mois de mars 1831, circonstances relatives au retrait du
premier ministère (30/03/1831)
(34) Nomination d’une commission pour
constater l’état des finances de l’Etat (30/03/1831)
(35) Retenue sur les traitements des fonctionnaires
de l’Etat (05/04/1831)
(36) Crédit supplémentaire de 6
millions de florins pour le département de la guerre (09/04/1831, 10/04/1831)
(37) Cour des comptes (09/04/1831)
(38) Admission au service belge
d’officiers supérieurs étrangers (10/04/1831, 11/04/1831)
(39) Droits d’entrée sur le poisson (13/04/1831)
(40) Payement d’une pension à
l’archevêque de Pradt (14/04/1831)
(41) Traitements des membres de la
haute cour militaire (14/04/1831)
(42) Organisation de la première
brigade de l’armée (14/04/1831)
(43) Budget des finances (19/05/1831)
(44) Reprise des hostilités avec
(45) Récompenses nationales (26/05/1831, 28/05/1831)
Intervention en tant que congressiste
(II)
(46) Démission en tant que ministre
des finances (30/05/1831)
(47) Election du chef de l’Etat (Léopold de
Saxe-Cobourg) et propositions annexes (31/05/1831, 01/06/1831, 02/06/1831, 04/06/1831)
(48) Garde civique (18/06/1831, 20/06/1831, 21/06/1831,
22/06/1831)
(49) Exportation de l’avoine (20/06/1831)
(50) Officiers militaires italiens (24/06/1831)
(51) Exemption des droits d'entrée et de garantie le
mobilier des belges qui rentrent dans leur patrie (24/06/1831)
(52) Budget des voies et moyens pour le second
semestre de 1831 (25/06/1831)
(53) Prestation de serment
(27/06/1831, 20/07/1831)
(54) Tarif des douanes sur les houilles (27/06/1831)
(55) Préliminaires de paix (les
dix-huit articles) (28/06/1831, 01/07/1831,
02/07/1831, 03/07/1831, 08/07/1831)
(56) Révision de la liste des pensions
et des soldes d’attente (29/06/1831)
(57) Crédits pour les dépenses de
l’Etat pendant le troisième trimestre de 1831, notamment pour le département de
la guerre (18/07/1831, 20/07/1831)
(58) Vérification des pouvoirs d’un
membre du congrès (élection contestée d’Etienne de Sauvage) (20/07/1831)
(59) Amnistie (20/07/1831)
INTERVENTIONS
AU COURS DE LA SESSION 1831-1832
Intervention en tant que ministre de la
guerre
(00) Vérification de ses pouvoirs comme membre de la chambre.
Election contestée (14/10/1831)
(01) Renvoi d’une pétition relative à une demande de paiement
d’arriérés par un officier de l’armée (03/12/1831)
(02) Mode de publication des lois et caractère officiel du
Moniteur belge (14/09/1831)
(03) Présentation générale des lois de réorganisation de
l’armée (14/09/1831)
(04) Licenciement des officiers volontaires (16/09/1831,
20/09/1831,
26/09/1831,
28/09/1831,
10/12/1831,
14/02/1832,
17/02/1832,
02/03/1832,
14/03/1832,
15/03/1832)
(05) Rappel des miliciens de la classe 1826 et faculté de
remplacement (17/09/1831)
(06) Possibilité d’employer des officiers étrangers dans
l’armée belge (17/09/1831)
(07) Budget de la guerre pour l’année 1831 (17/09/1831,
19/11/1831,
23/11/1831),
discussion générale (volontaires, marchés militaires, garde civique, …) (24/11/1831)
(08) Autorisation de faire séjourner des troupes étrangères
sur le territoire belge (23/09/1831)
(09) Organisation de la garde civique (23/09/1831,
24/09/1831,
23/11/1831,
09/12/1831,
28/12/1831,
29/02/1832)
(10) Dépôt tardif dépôt des projets de budget pour les années
1831 et 1832 (03/11/1831)
(11) Commission d’enquête sur les causes de la défaite
militaire d’août 1831 (29/11/1831)
(12) Rapports sur des pétitions relatives aux frais
d’entretien des dépôts de mendicité (09/12/1831), à l’organisation de
la douane (20/01/1832),
à une demande de pension (03/02/1832)
(13) Conditions d’émission de l’emprunt de 48 millions de
florins (14/12/1831)
(14) Droit sur les sucres (24/12/1831)
(15) Budget des voies et moyens pour 1832. Nécessité de
réformer le système d’impôts, notamment le cadastre dans les Flandres (24/12/1831,
26/12/1831,
27/12/1831
après-midi), droits sur les vins (27/12/1831 soir), retenue sur les
traitements des fonctionnaires (27/12/1831 soir)
(16) Motion d’ordre relative aux crédits provisoires (24/12/1831)
(17) Contingent de l’armée pour l’année 1832 (28/12/1831)
(18) Budget du département de la guerre pour 1832.
Présentation générale notamment : causes de la débâcle d’août 1831 et
mesures de restructuration soutenue par le ministre de la guerre (levée des
miliciens de 1826, fournitures d’armées, garde civique, marchés des vivres de
subsistance (marché Hambrouk), etc.)) (23/11/1831)
(19) Budget du département de la guerre pour 1832 (23/12/1831,
28/12/1831,
25/01/1832,
27/01/1832,
12/03/1832,
02/03/1832,
13/03/1832,
14/03/1832,
15/03/1832)
(20) Atteinte portée à la liberté de la presse par une
autorité militaire à Gand (20/01/1832, 23/01/1832)
(21) Motion d’ordre relative à une arrestation arbitraire (03/02/1832)
(22) Situation diplomatique générale (traité des 24 articles)
(20/02/1832)
(23) Passation du marché Hambrouck (marché militaire) (22/02/1832,
(proposition de démission ministérielle) 01/03/1832)
(24) Mise en état de siège à Gand et à Anvers (09/03/1832)
(25) Equilibre général des recettes et des dépenses (10/03/1832)
(00) Démission du ministère de la guerre (15/03/1832)
Intervention en tant que député
(26) Pension des légionnaires de l’empire (19/03/1832)
(27) Budget de la dette publique pour 1832. Traitements
d’attente (20/03/1832),
liste civile (20/03/1832),
(28) Budget des affaires étrangères pour 1832. Traitements
des agents diplomatiques (21/03/1832, 22/03/1832)
(29) Budget de la marine pour 1832. Service des canonnières,
magasins de la marine (23/04/1832)
(30) Etablissements pénitentiaires (24/03/1832, 26/03/1832)
(31) Budget des finances pour 1832. Nécessité des économies (27/03/1832),
personnel (28/03/1832,
29/03/1832,
10/04/1832),
administration du cadastre (30/03/1832), administration de la monnaie (02/04/1832),
administration de l’enregistrement (06/04/1832, 07/04/1832,
14/04/1832),
administration des postes (07/04/1832), service de la vérification des poids et mesures (10/04/1832)
(32) Organisation de la douane (04/04/1832, 05/04/1832,
29/05/1832,
01/06/1832,
02/06/1832)
(33) Budget de l’intérieur pour 1832. Discussion
générale : nomination de l’évêque de Bruges (11/04/1832), suspension d’un
bourgmestre, cumul des fonctions communales (11/04/1832), personnel (12/04/1832),
frais d’administration des provinces (13/04/1832), retard apporté à
l’adjudication des travaux du chemin de fer de l’Etat en raison du traité des
24 articles (17/04/1832)
(34) Situation diplomatique générale (traité des 24 articles)
et emprisonnement de Thorn (11/05/1832, 12/05/1832, 14/05/1832, 29/05/1832, 30/05/1832, 29/06/1832)
(35) Conseil des mines (17/05/1832, 18/05/1832,
07/06/1832)
(36) Organisation monétaire (22/05/1832, 24/05/1832,
02/06/1832)
(37) Abolition de la peine de mort (22/05/1832, 24/05/1832)
(38) Organisation judiciaire. Cour de cassation (05/06/1832,
08/06/1832,
09/06/1832,
13/06/1832,
14/06/1832,
15/06/1832,
26/06/1832),
cours d’appel (18/06/1832,
19/06/1832,
26/06/1832),
première nomination des conseillers (28/06/1832)
(39) Garde civique et armée de réserve (21/06/1832,
22/06/1832,
25/06/1832)
(40) Organisation provinciale (22/06/1832)
(41) Création de l’ordre Léopold (02/07/1832, 03/07/1832,
06/07/1832)
(42)
Rapport sur des pétitions relatives à la pension d’un militaire du service de
santé (05/07/1832),
à un impôt sur les entrepôts (05/07/1832)