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Congrès national de
Belgique
Séance du lundi 27 décembre
1830
Sommaire
1) Communication des pièces
adressées au congrès
2) Discussion
des articles du projet de constitution. Titre II. Des Belges et de leurs
droits.
a)
Article 15 (droit de réunion) (Amendements de Van Meenen, et de de Langhe) (de Langhe, Dehaerne, de Langhe, A. Rodenbach, de Sécus (père), Duval de Beaulieu, Ch. Le Hon, Jottrand, Van Meenen, Blargnies, Ch. Le Hon, Van Snick, de Foere, Devaux, de Robaulx, Barthélemy)
b)
Article 16 (droit d’association) (Demande d’ajournement (Destriveaux))
c)
Article 17 (droit de présenter des pétitions) (de Robaulx,
Beyts, Devaux, Van Snick)
d)
Article 18 (secret des lettres) (de Robaulx, Le Bègue, Ch. Le Hon, de Robaulx, A. Rodenbach, Van Meenen, C. de Smet, Trentesaux, de Robaulx)
e)
Article 19 (emploi des langues) (Amendements de Van Meenen, Raikem, Devaux) (Raikem,
Devaux)
f)
Article additionnel proposant le droit de résister aux actes illégaux de
l’autorité (de Robaulx, Destriveaux, Thorn). Renvoi à l’examen des
sections
g)
Article additionnel proposant l’abolition de la mort civile (Beyts)
(E. HUYTTENS, Discussions du Congrès national de Belgique, Bruxelles, Société
typographique belge, Adolphe Wahlen et Cie, 1844, tome 1)
(page 659) (Présidence de M. le baron Surlet de Chokier)
La séance est ouverte à deux heures. (P. V.)
M.
le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, donne lecture
du procès-verbal ; il est adopté. (P. V.)
COMMUNICATION DE PIECES ADRESSEES AU CONGRES
M.
le vicomte Charles Vilain XIIII, et après lui, M. Liedts, secrétaires, présentent
l'analyse des pièces suivantes :
Vingt-sept distillateurs de Bruxelles présentent des
réflexions sur la distillation.
M. de Ciny réclame contre la composition de la commission
centrale d'industrie.
M. Arpent présente des réflexions sur l'instruction publique.
Cent soixante-cinq négociants de Liége exposent au congrès
l'état manufacturier de leur province. Cinquante exemplaires de cette pièce ont
été distribués dans l'assemblée.
Le conseil de régence de Braine-le-Comte demande que le
congrès remédie à la cherté des grains en faisant stater les distilleries.
Vingt-sept habitants de Gand demandent que le demi-kilogramme
soit divisé en seize onces.
M. Gérard, d'Ixelles, demande la suppression du budget pour
le culte. .
M. Franclieu fait hommage au congrès d'une pétition à la
chambre des députés de France.
M. Van Halen de Mol, de Bruxelles, s'étonne de voir porter
dans le budget la somme de 2,500 florins à titre d'indemnité pour prétendus
voyages, déplacements, etc., des états députés.
M. J. Van Haelen désire qu'on porte au budget une somme
destinée à la liquidation de la dette active des créanciers de l'État.
M. F. Grenier adresse au congrès des observations sur le
projet de budget.
M. le baron de Loen, administrateur des domaines du troisième
ressort à Bruxelles, tâche de démontrer qu'il est utile de ne pas supprimer les
places d'administrateurs des domaines, et pour le cas où le congrès juge que
cette suppression doit avoir lieu, le pétitionnaire se met sur les rangs pour
être nommé membre de la chambre des comptes (U. B., 29 déc., et P. V.)
- Ces pièces sont renvoyées à la commission des pétitions.
(P. V.)
Les membres du comité de commerce à Anvers, adressent au
congrès des observations concernant le projet de loi sur le transit. (P. V.)
- Cette pétition sera déposée au bureau des renseignements,
vu la prochaine discussion du budget, et afin que MM. les députés puissent en
prendre connaissance ; elle sera ensuite rapportée à son tour. (U. B., 29 déc.)
M. le comte François Vandernoot, à Bruxelles demande une
place à la chambre des comptes.
Même demande de la part de M. de Quaita, receveur de
l'enregistrement à Maestricht. (P. V.)
M. Senault, receveur a Mons, sollicite la place de greffier à
la chambre des comptes. (C., 28 déc.)
M. Mangez, avocat et employé au comité central, sollicite la
même place. (P. V.)
Ces pièces sont également renvoyées à la commission des
pétitions. (P. V.)
II est fait hommage au congrès d'une brochure intitulée :
Profession de foi d'un catholique belge. (P. V.)
PROJET DE CONSTITUTION
Titre II – Des Belges et de
leurs droits
Article 15 du
projet de la section centrale
L'ordre du jour est la suite de la discussion du titre II du
projet de constitution : Des Belges et de leurs droits.
M.
le président – La discussion est ouverte sur l'art. 15, dont voici la
teneur :
« Les Belges ont le droit de s'assembler paisiblement et
sans armes, en se soumettant aux lois.
(page 660)
« Aucune autorisation préalable ne peut être requise. » (U. B., 20
déc., et A. C.)
M.
le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire : II y a deux
amendements : le premier est de M. Van
Meenen, il propose de remplacer les mots : en se soumettant aux lois, par
ceux-ci : en se conformant aux lois qui pourront régler l'exercice de ce
droit, sans néanmoins le soumettre à une autorisation préalable.
Le second amendement est de M. de Langhe ; il est ainsi conçu :
« Les Belges ont le droit de s'assembler paisiblement et sans
armes. Il ne peut être requis d'autorisation préalable que dans les cas et de
la manière à déterminer par la loi.» (U. B., 29 déc., et A.)
M. Van Meenen se trouvant absent, M. de Langhe a la parole
pour développer son amendement. (U. B., 29 déc.)
M. de Langhe
– Je vois de plus en plus qu'une idée prédomine parmi nous ; c'est
d'écarter à jamais la possibilité d'établir aucune mesure préventive. Ce
principe, que j'adopte en général comme conservateur de nos libertés, me semble
cependant devoir dans quelques cas être subordonné à un principe supérieur, le
maintien de l'ordre public. Je crois par conséquent que l'article 15 tel qu'il
est proposé par la section centrale présente un sens trop absolu, et qu'en
certaines circonstances dont il est impossible de peser en ce moment la
gravité, il faut donner à la loi la faculté de modifier et même de restreindre
le droit qu'ont les Belges de s'assembler. On dira que s'il se commet des
délits dans ou à l'occasion de ces assemblées, ils seront réprimés par la loi
pénale. Mais comme elles peuvent être très nombreuses, s'élever même à
plusieurs milliers d'individus, le mal qui en résulterait pourrait être de
nature à ébranler la société jusque dans ses fondements ; et c'est à mon avis
ce qu'il faut empêcher, fût-ce par des mesures préventives. Nous devons, ce me
semble, messieurs, mettre tous nos soins à organiser une bonne législature et
lui accorder quelque confiance sans trop la lier par notre loi fondamentale,
car il arrivera de deux choses l'une : ou il faudra violer la constitution pour
conserver le repos public, ce qui serait dangereux et du plus mauvais exemple,
ou bien nous, pourrions nous voir entraînés de désordres en désordres, et
peut-être, après avoir passé par toutes les phases de l'anarchie,
finirions-nous, fatigués d'une liberté excessive, par nous précipiter dans le
despotisme ou la domination étrangère. C'est ce malheur que je voudrais éviter
en nous réservant les moyens légaux d'y mettre obstacle.
Je n'ose espérer, messieurs, de vous faire partager ma
manière de voir. Nous sortons d'un état d'oppression dont le souvenir nous fait
embrasser avec transport tout ce qui a l'apparence de la liberté. Mais je pense
que, par amour pour les principes, nous dépassons quelquefois les limites que
la prudence devrait nous empêcher de franchir. Au surplus, je désire bien
sincèrement que mes prévisions ne se vérifient pas. Mais elles m'ont paru si
graves, elles m'oppressent tellement, que j'ai cru devoir vous les soumettre. (C.,
_g' déc.)
M. l’abbé Dehaerne
– Messieurs, il me paraît que l'amendement proposé par l'honorable M. de
Langhe tend à nous faire consacrer une exception au principe général de la
liberté de se rassembler, et à nous mettre en contradiction avec nous-mêmes, Il
tend à créer, dans certains cas, des mesures préventives, tandis que nous avons
décidé, presque à chaque pas que nous avons fait dans la constitution, que nous
n'en voulions pas. Ainsi en matière d'enseignement nous avons rejeté toute
mesure préventive ; nous n'avons pas même voulu de la surveillance, par cette
seule considération, que la surveillance ressemble à une mesure préventive.
Ainsi quand nous avons déclaré que la presse serait libre, nous avons voulu la
débarrasser de toute mesure propre à la gêner où à la rendre illusoire ; nous
avons dit : Plus de censure, plus de cautionnement, et cependant, les
inconvénients signalés par M. de Langhe pour les rassemblements, pourraient
aussi bien résulter de la liberté illimitée de la presse. Dans l'exercice de
toute liberté, nous le savons, se trouvent le bien et le mal, le pour et le
contre ; mais la liberté illimitée porte avec elle son remède. Si, en vertu de
la liberté de la presse, on voulait enseigner l'athéisme, pourriez-vous
l'empêcher ? non, messieurs ; quand vous le pourriez, vous ne le devriez pas,
et cependant, si l'athéisme n'est pas fatal à la société, qu'est-ce qui le sera
? La presse est le grand levier, au moyen duquel, aujourd'hui, on dirige tout
dans le monde. Archimède ne voulait qu'un point pour soulever le monde,
donnez-moi la liberté de la presse, et je dirigerai les masses à mon gré. On
nous dit que les associations peuvent être dangereuses. Messieurs, tout a ses
dangers, tout a ses inconvénients ; ce n'est pas pour moi une raison de déroger
aux principes ; je veux que nous ayons des clubs, je veux que nous ayons des
associations en tout genre : je ne crains ni les uns ni les autres ; car je
veux en même temps que les délits, dont ces clubs ou ces associations se
rendront coupables, soient punis par la loi. Contentons-nous de réprimer les
délits ; mais, (page 661) je le
répète, point de mesure préventive en rien : ces motifs me déterminent à voter
contre l'amendement de M. de Langhe. (U. B., 29 déc.)
M.
de Langhe – Je crois qu'on peut n'être pas ami des mesures
préventives, et ne vouloir pas cependant les proscrire entièrement. Il est des
cas où ces mesures sont nécessaires au salut de la société, qui est la loi suprême
: eh bien ! je veux que dans ces cas on puisse en faire usage. Du l'este, en
proposant mon amendement, je n'ai pas eu en vue les clubs ; je ne les crois pas
dangereux, mais j'ai voulu empêcher des rassemblements semblables à ceux de
l'Angleterre, qui finissent presque toujours par des excès déplorables. C'est
contre ces rassemblements que je ne veux pas laisser le pouvoir désarmé ; il le
serait, messieurs, si nous posions dans la constitution un principe auquel il
ne serait plus permis de déroger. Laissons quelque chose à faire aux
législatures qui nous suivront ; ne leur lions pas les mains, et ne les rendons
pas impuissantes à faire le bien qu'elles pourraient juger nécessaire. Je
persiste dans mon amendement. (U. B., 29 déc.)
M. Alexandre Rodenbach
– Je voterai contre l'amendement de M. de Langhe : je veux que l'on puisse
s'associer ; car, sans les associations, les Irlandais seraient encore sous le
joug de l'Angleterre. Voilà pourquoi je voterai contre l'amendement de M. de
Langhe. (U. B., 29 déc.)
M. le baron de Sécus (père) – Je vote pour l'amendement de M. de Langhe ; je mets une
différence trop grande entre le mal produit par la presse et celui que peuvent
occasionner des rassemblements tumultueux. S'il est vrai que la presse puisse
produire quelques maux, du moins elle les produit lentement : on a le temps de
les prévoir, on peut se flatter de les empêcher, y réussir même ; mais les
rassemblements tumultueux peuvent commettre des désordres, des meurtres,
bouleverser la société, sans que personne puisse se promettre de les maîtriser.
Je crois l'amendement de M. de Langhe propre à empêcher ces rassemblements, ou
du moins à les rendre inoffensifs : je l'appuie de tout mon pouvoir. (U. B., 29
déc.)
M. Van Snick – Je
désirerais qu'on fît une nouvelle lecture des amendements. (U. B., 29 déc.)
M.
le président – On les a déjà lus deux fois. (U. B., 29 déc.)
M. Van Snick – Je viens
d'arriver, nous étions encore réunis en sections. (U. B., 29 déc.)
M.
le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, fait une
nouvelle lecture des amendements. (U. B., 29 déc.)
M.
le comte Duval de Beaulieu n'aime pas les mesures préventives,
il appuie néanmoins l'amendement proposé par M. de Langhe ; il partage à cet
égard l'opinion de M. de Sécus ; cet amendement n'a pour objet que de ne pas
restreindre le pouvoir futur de la législature, de ne pas restreindre la
liberté de prendre des mesures qui pourront devenir utiles, de ne pas ôter à la
loi cette faculté. Pourquoi ceux mêmes qui toujours invoquent les libertés en
tout, au nom de ces libertés veulent-ils les limiter à l'avance et sans motifs
puissants, lier dès à présent la législature à venir. (C., 28 déc.)
M.
Charles Le Hon – Messieurs, partisan de toutes les libertés,
et de la liberté de s'associer, et de celle de parler tout haut des affaires
publiques, et de la liberté d'enseignement, je crois cependant être conséquent
avec moi-même quand je viens appuyer l'amendement de l'honorable M. de Langhe ;
c'est que la liberté pour moi n'est pas cette liberté indéfinie de mouvoir le
levier sur les masses, qu'un des préopinants nous a dit pouvoir soulever avec
la force du levier d'Archimède. Messieurs, nous sommes ici pour asseoir la
liberté sur des fondements solides ; il faut prendre garde que les masses ne
comprennent mal ce que nous voulons faire pour la nation : et ici, remarquez-le
bien, l'article s'adresse aux masses rassemblées sur la place publique, et qui
se meuvent sous l'impulsion d'orateurs populaires : ces masses peuvent devenir
dangereuses à l'ordre social ; or, il est nécessaire que la sûreté publique
soit garantie, car sans cela que deviendrait la société, que deviendrait la
constitution elle-même, que vous voulez rendre si favorable au peuple ? Et à cet
égard, je ferai une observation, qui m'a frappé plus d'une fois depuis que nous
discutons sur les principes de liberté que nous voulons consacrer dans la
constitution ; c'est que non seulement on proscrit toute mesure préventive,
mais encore tout ce qui pourrait obliger plus tard à arriver à des mesures de
ce genre. D'où vient cela, messieurs ? c'est de la préoccupation des dernières
années. D'où est partie notre révolution ? d'un gouvernement semi absolu, qui
ne voulait d'un gouvernement représentatif que les apparences. Or, que
demandions-nous à ce gouvernement ? Quels étaient nos griefs ? Nous demandions
que des arrêtés ne vinssent pas nous enlever nos libertés. Nous demandions que
la loi déterminât les garanties de ces libertés consacrées dans le pacte
fondamental. On demandait cela quand deux peuples étaient amalgamés, quand la
nation était moitié protestante, moitié catholique. Aujourd'hui, messieurs,
nous représentons un peuple dont il n'est pas besoin de faire (page 662) l'éloge, un peuple éminemment
religieux, un peuple qui n'a plus qu'une seule vue, un seul intérêt, un seul
but, et nous qui représentons la nation, nous qui sommes appelés à faire un
pacte constitutif pour assurer son bonheur, nous croyons la servir en liant les
législatures à venir ? Mais de quel droit mettez-vous en prévention ce peuple
qui a versé son sang pour la liberté ? De quel droit enchaîner les corps
législatifs qui nous succéderont ? De quel droit les soupçonnez-vous de
vouloir moins que vous le bonheur, la gloire, l'indépendance, la stabilité de
la nation ? Quoi ! vous voulez que la constitution, réglant les principes
généraux des libertés publiques, empêche à tout jamais les modifications
législatives que les circonstances pourront rendre indispensables ? Et vous
croyez servir le peuple ? Songez-y bien, messieurs ; vous le placez dans
l'alternative ou de se rassembler paisiblement sur la place publique pour
obtenir le redressement de griefs que la loi pourra réparer, ou de faire une
révolution pour les obtenir. Prévenez ce danger, sans vous laisser arrêter par
l'idée de porter atteinte aux principes généraux de liberté ; car lorsque vous
dites qu'il faut les conserver intacts à tout prix, c'est comme si vous disiez
: Périsse la société plutôt que de la préserver par une mesure préventive !
Pour moi, messieurs, je condamne un pareil langage, et je ne conserverai jamais
à ce prix des théories belles sans doute, mais au-dessus desquelles se place le
bonheur de ma patrie. Les observations de M. de Langhe, à l'opinion duquel une expérience
législative de plusieurs années donne un grand poids, m'ont frappé par leur
justesse ; je désire que, comme moi, l'assemblée se rende à leur évidence. Oui,
messieurs, je vous adjure au nom de la liberté et des droits de la nation, et
de la société que nous représentons ; ne privons pas ceux qui nous suivront des
améliorations nécessaires, ne nous défions pas des législations futures : pour
moi je n'hésite pas à faire dans leurs mains le dépôt de nos libertés, bien
certain qu'elles ne courent aucun risque en laissant à la loi le soin d'en
régler l'exercice selon les besoins des circonstances. (U. B., 29 déc.)
M.
Jottrand – Il me semble que le raisonnement de l'honorable
préopinant va un peu loin. Si nous devons avoir une aussi grande confiance dans
toutes les législatures qui nous succéderont, à quoi bon faire une loi
fondamentale ? A quoi bon proclamer des principes qu'il suffirait de laisser
appliquer annuellement, et selon les circonstances, aux chambres qui viendront
après nous ?
Le droit de s'assembler peut être dangereux, il peut amener
des délits. Mais, messieurs, c'est le droit de s'assembler paisiblement et sans
armes que nous voulons consacrer. Les rassemblements qui seraient armés, ou qui
ne seraient pas paisibles, seront par le fait même des délits punissables. La
loi pourra toujours sévir à temps. D'ailleurs ce n'est pas une chose inouïe que
le droit de s'assembler librement. L'Angleterre, l'Amérique offrent des
exemples déjà anciens de l'existence de ce droit ; et dans ces pays, que notre
Belgique vaut bien, on ne songe pas à tous ces dangers qui peuvent, dit-on,
résulter du droit de s'assembler. Je ne voterai pas pour l'amendement de M. de
Langhe, je m'en tiens à l'article proposé par la section centrale. (C., 28
déc.)
M.
Van Meenen – Messieurs, je commencerai par répondre à M. Le Hon ,
qui a demandé si nous voulions priver les législatures qui suivront de faire
des lois préventives et répressives. En pressant un peu les conséquences des
arguments de .M. Le Hon, il faudrait se borner à établir le droit électoral, et
laisser tout à faire aux législatures à venir. Ce n'est pas ainsi, messieurs,
que doit agir le pouvoir constituant, et, à ce propos, je ferai remarquer à
ceux qui répètent sans cesse dans cette enceinte qu'il ne faut pas de liberté
illimitée, je leur ferai remarquer, dis-je, que nous devons également prendre
des mesures contre les usurpations du pouvoir.
(Après ce début, l'orateur développe son amendement. Le bruit
des conversations particulières couvre la voix de l'honorable membre.) (U. B.,
29déc.)
M.
le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire – Voici un
troisième amendement de M. Devaux :
« Cette disposition ne s'applique point aux
rassemblements en plein air, qui restent entièrement soumis aux lois de police.
» (P. V.)
M. Blargnies – J'appuie
l'amendement de M. de Langhe, et pour prouver sa nécessité, je ne ferai qu'une
observation. Nous avons dans le Hainaut 60,000 ouvriers pour exploiter les
houilles. Ces ouvriers se coalisent lorsqu'ils veulent faire hausser le prix de
leurs journées, et font ce qu'ils appellent tenir bon. Si vous permettez aux
citoyens de se rassembler sans autorisation, qu'arrivera-t-il ? C'est que quand
le travail pressera le plus, ils se coaliseront sans craindre de pouvoir en
être empêchés, et résisteront d'autant plus qu'ils sauront que l'autorité aura
été désarmée par la constitution. De là, messieurs, la ruine des établissements
précieux de notre province. Du reste, le Hainaut ne sera pas le seul point
menacé par un tel ordre de choses. Tous les lieux où il y a de (page 663) grands établissements
manufacturiers, et il y en a beaucoup en Belgique, seront exposés aux mêmes
malheurs. Je dépose celte observation dans le sein du congrès ; elle est plus
que suffisante pour me faire adopter l'amendement. (U. B., 29 déc.)
M.
Charles Le Hon – Messieurs, deux des préopinants ont
tiré de mes raisonnements des conséquences qu'ils ne comportaient pas : d'où
vient leur erreur ? Elle vient de ce que les honorables orateurs les avaient
changés ou ne les avaient pas compris. Je n'ai pas dit qu'il fallait laisser
aux législatures futures le droit de changer ou de modifier la constitution,
c'eût été une absurdité dont je ne me crois pas encore capable ; mais. j'ai dit
que la préoccupation des actes de l'ancien gouvernement exerçait sur les
esprits une influence funeste, et que, sous le prétexte d'empêcher le retour d'un
semblable régime, on se mettait pour l'avenir en mesure d'empêcher la loi de
faire ce qui serait jugé nécessaire pour le maintien de la société. Voilà ce
que j'ai dit, ce que je répète, et ce que je crois la vérité. Qu'il me soit
permis d'ajouter un mot pour répondre à une observation de M. Alexandre
Rodenbach : le droit de s'assembler et de s'associer, nous a-t-il dit, a sauvé
les catholiques d'Irlande de l'oppression. Je m'empare de ce fait en faveur de
l'opinion que je soutiens, et je demanderai : A quelle époque, dans quelles
circonstances les Irlandais se sont-ils rassemblés, associés ? Quand les portes
de la législature étaient fermées pour eux. Ils étaient alors dans un état
d'ilotisme complet sous la domination absolue de l'Angleterre. Quand les peuples
sont opprimés à ce point, il faut bien qu'une voie soit ouverte à leurs
plaintes ; ils n' en ont pas de meilleure que de les faire retentir sur la
place publique. Les Irlandais ont fait la seule chose qu'il leur fût possible
de faire ; nous, au contraire, nous allons former un peuple homogène, où les
droits de tous seront égaux, où mille voies seront ouvertes aux réclamations du
peuple : nous ne sommes pas dans la position où étaient les Irlandais ; nous
n'avons pas les raisons qu'ils avaient de se rassembler, et l'exemple qu'on a
voulu en tirer, loin de rien prouver contre nous, milite en faveur de notre
opinion. (U. B., 29 déc.) VI
M.
Van Snick – Puisque le peuple belge s'est montré calme en temps de
révolution, nous ne devons pas craindre les assemblées en temps de paix, en
temps ordinaire. J'admettrai l'article tel qu'il est. (J. B., 2,9 déc.)
M. l’abbé de Foere
– Messieurs, je rends hommage à la bonne foi de ceux qui ont parlé contre
l'amendement de l'honorable M. de Langhe, mais je pense que ces honorables
membres n'ont pas compris la véritable acception du mot liberté et des mesures
préventives contre la liberté. Je m'y opposerais et je serais le premier à
combattre l'amendement de M. de Langhe ; mais c'est précisément pour sauver la
liberté et pour la préserver de toute atteinte, que les précautions de
l'amendement sont prises ; je ne vois donc pas pourquoi l'on s'y opposerait. On
a cité l'exemple de l'Irlande, mais en Irlande le droit de s'assembler est
soumis à des mesures préventives ; car, dans quelques cas, les lois défendent
tous rassemblements, et dans d'autres, elles ne les permettent qu'en en réglant
les conditions : l'exemple cité vient donc à l'appui du système de M. de
Langhe, que j'appuie. (U. n, 29 Mc.)
M.
Devaux – J'ai proposé un amendement pour que les rassemblements
en plein air restent soumis aux mesures de police. Je crois que ce sera un
moyen d'éviter les dangers que tout le monde redoute. (U. B., 29 déc.)
M. de Robaulx explique le
fait allégué par M. Blargnies : il s'agit du Borinage près de Mons ; les
ouvriers se sont réunis, et l'on sait dans quel but. (C., 28 déc.)
M.
Blargnies – Ce n'est pas de ces rassemblements
que j'ai parlé. (C., 28 déc.)
M.
de Robaulx – Lorsqu'on discute de grands principes, on ne doit pas
s'en référer à des exemples. Les citoyens doivent pouvoir se réunir comme en
Angleterre, pour discuter leurs intérêts et adresser des pétitions aux
autorités constituées. Le peuple a le droit de se réunir ; représentants du
peuple, nous n'avons pas le droit de lui enlever ce droit. Les rassemblements
tumultueux, à main armée, doivent seuls être réprimés. (Aux voix ! aux voix !) (C., 28 déc.)
M. Barthélemy – Messieurs,
je crains que nous ne fassions une constitution beaucoup plus anarchique que
libérale. Ces mesures si libérales, selon quelques-uns, et pour lesquelles on
se prend d'une belle passion, pourraient bien un jour produire des résultats
autres que ceux qu'on s'en promet.. C'est ce que je crains, messieurs, si vous
déshéritez par anticipation les législatures à venir du droit de faire ce qui
leur paraîtra conforme aux besoins de la nation. Car il arrivera que quand le
législateur sentira le besoin de mesures préventives pour garantir la liberté
elle-même, le peuple lui dira qu'il n'en a pas le droit. De là, des désordres,
des troubles, des convulsions dans l'État. Eh bien, j'aperçois déjà dans la
constitution des germes de tout cela. On vient de nous dire tout à l'heure
qu'il serait souvent (page 664)
nécessaire de se rassembler pour adresser des pétitions aux pouvoirs. Vous
voulez qu'on se rassemble pour cela ? Dites-le, et la loi déterminera les
formes à suivre en pareille circonstance. Mais ne me citez pas l'exemple de
l'Angleterre, car là il n'y a pas de rassemblements pour lesquels on n'ait
demandé l'autorisation du magistrat. Messieurs, jetons les yeux autour de nous
; voyons ce qui vient de se passer en France ces jours derniers ; 40,000
anarchistes se sont promenés pendant trois jours dans Paris, paisiblement et
sans armes. Que serait-il arrivé si ces 40,000 citoyens paisibles et désarmés
n'eussent été contenus par 72,000 hommes de gardes nationales ? Ce qui serait
arrivé ? C'est que ces 40,000 anarchistes auraient renversé le gouvernement
établi, et la constitution libérale qui régit
M. Alexandre Rodenbach – Je demande
l'appel nominal. (C., 28 déc.)
M. Le Grelle – Je demande
qu'on lise les amendements de MM. de Langhe et Van Meenen, afin d'en connaître
la différence. (U. B., 29 déc.)
M. de Langhe
– Je vais vous en expliquer la différence. M. Van Meenen ne veut pas
d'autorisation préalable ; moi je la crois nécessaire, pour le salut de la
société. (U. B., 29 déc.)
M. Le Grelle – Je demande
la priorité pour l'amendement de M. Van Meenen. (U. B., 29 déc.)
M. Van Meenen
demande la parole. (Aux voix !)
(C., 28 déc.)
M. Lebeau – Je demande
que l'assemblée soit consultée sur la question de priorité. (Brouhaha.) (U. B.,
29 déc.)
M. Van Meenen
parle au milieu du bruit. (Les cris : Assez ! assez ! la clôture !
couvrent sa voix.) (U. B., 29 déc.)
M. Jean Goethals demande
qu'on entende M. Van Meenen. (U. B., 29 déc.)
M. Van Meenen
obtient enfin un peu de silence ; il explique la différence qui existe
entre son amendement et celui de M. de Langhe. (U. B., 29 déc.)
M.
le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, donnant
lecture des trois amendements :
M. Van
Meenen demande de substituer aux mots :en se soumettant aux lois,
etc., les mots : en se conformant aux lois qui pourront régler l'exercice de ce
droit, sans néanmoins le soumettre à une autorisation préalable.
M. de
Langhe propose la disposition suivante : « Les Belges ont le droit
de s'assembler paisiblement et sans armes. Il ne peut être requis
d'autorisation préalable que dans les cas et de la manière à déterminer par la
loi. »
M. Devaux présente
un amendement ainsi conçu :
« Cette disposition ne s'applique point aux rassemblements en
plein air, qui restent entièrement soumis aux lois de police. » (U. B., __
déc., A. et P. V.)
M.
le président – S'il n'y avait que deux amendements, la question de
priorité serait facile à résoudre ; mais il y en a trois. (U. B., 29 déc.)
M. Devaux – Je ferai
observer que mon amendement n'exclut pas celui de M. Van Meenen. (U. B., 29
déc.)
M. Destouvelles demande la
priorité pour l'amendement de M. Devaux. (U. B.,29 déc.)
D’autres membres demandent la priorité pour celui de
M. Van Meenen (U. B., 29 déc.)
- La question de priorité est mise aux voix ; l'épreuve et la
contre-épreuve n'offrent qu'un résultat douteux. (U. B., 29 déc.)
M.
de Robaulx – L'appel nominal ! (U. B., 29 déc.)
M. Van Meenen
– Je crois que l'amendement de M. Devaux a obtenu la priorité ; mais cela
est d'autant plus indifférent que cet amendement n'exclut pas le mien. (U. B.,
29 déc.)
M. Rodenbach – et Plusieurs autres membres – L'appel nominal !
l'appel nominal ! (U. B., 29 déc., et C., 28 déc.)
Plusieurs
députés échangent entre eux des interpellations. (U. B., 29 déc.)
M.
Barthélemy prend la parole. (U. B., 29 déc.)
M. Nothomb,
secrétaire, relit l'amendement de M. Devaux. (n. n., 29 déc.)
M. Le Grelle – Je demande
la parole pour un rappel au règlement. Messieurs, on a mis aux voix la priorité
pour l'amendement de M. Van Meenen, et l'assemblée s'est décidée pour cet
amendement. (Non ! non !) (U. B., 29 déc.)
M.
le président – Si vous aviez compris ce qui s'est passé, vous auriez
entendu M. Vau Meenen lui-même dire à la tribune le contraire de ce que vous dites. (On rit. ) (U. B., 29 déc.)
M. Le Grelle se rassied.
(U. B., 29 déc.)
On procède à l'appel nominal sur l'amendement de M. Devaux.
(U. B., 29 déc.)
152 membres répondent à l'appel : 110 votent pour
l'amendement, 42 contre. (J. F. 29 déc.) (Note de bas de page : Ce résultat de l'appel nominal,
que nous empruntons au Journal des Flandres, a été reproduit par tous les
autres journaux ; nous ferons cependant observer que le Journal des Flandres
qui seul a donné les noms et des votants pour et des votant. contre, cite parmi
les premiers cent onze membres et parmi les derniers quarante-deux, ce qui
porte le nombre des votants à 153 au lieu de 152. Il est constaté par le
procès-verbal de la séance que 154 membres avaient signé la liste de présence).
En conséquence l'amendement proposé par M. Devaux est adopté
; il forme le § 2 de l'art. 15. (P. V.)
Ont voté pour : MM.
Jean-Baptiste Gendebien, Liedts, l'abbé de Foere, Fendius, Van Innis, le baron
Beyts, Joos, Lecocq, Ooms, Werbrouck-Pieters, de Rouillé, de Gerlache, de Man,
Goffint, de Roo, Jacques, Destriveaux, Frison, Fransman, d'Hanens-Peers,
Coppieters, Lefebvre, Peemans, le comte d'Arschot, le baron de Leuze, Du Bus,
le baron Joseph d'Hooghvorst, Janssens, Vergauwen Goethals. de Langhe, le
marquis d'Yve de Bavay, l'abbé Verbeke, Buyse-Verscheure, Destouvelles,
Lebeau, Delwarde, Du Bois, Surmont de Volsberghe, Meeûs, le baron de Terbecq,
de Decker, le vicomte Charles Vilain XIIII, Devaux, Gustave de Jonghe, d'Hanis
van Cannart, Allard, Lardinois, Lesaffre, le vicomte de Jonghe d'Ardoie, de
Behr, Dumont, Marlet, Pirmez, Bredart. Henri Cogels, Blargnies, le comte
d'Ansembourg, Huysman d'Annecroix, Leclercq, Defacqz, Charles Le Hon, le
vicomte Desmanet de Biesme, François, le baron Osy, Maclagan, Simons, Henry,
Hennequin, le baron de Woelmont, Domis, le Bègue, Goethals-Bisschoff, le baron
van Volden de Lombeke , Geudens, le comte Cornet de Grez, Charles de Brouckere,
Barbanson, le baron de Sécus (père), Barthélemy, le comte de Bergeyck, Jean
Goethals, le baron de Stockhem, le baron de Pélichy van Huerne, le marquis de
Rodes, Verwilghen, Claes (d'Anvers), le baron de Viron, Dams, Camille de Smet,
Charles Coppens, Mulle, Olislagers de Sipernau, Vandenhove, Van Meenen, le chevalier
de Theux de Meylandt, de Sebille, Zoude (de Saint-Hubert), Thienpont, Théophile
Fallon, Trentesaux, Raikem, Van de Weyer, le comte de Quarré, Claus, le baron
de Coppin, le baron Frédéric de Sécus, l'abbé Boucqueau de Villeraie, le comte
Duval de Beaulieu , Nothomb, le comte de Celles, le baron Surlet de Chokier.
Ont voté contre :
MM. Alexandre Rodenbach, Thorn, Le Grelle, d'Martigny, Berger, l'abbé van
Crombrugghe, Gendebien (père), de Robaulx, Jottrand, Pirson, Vander Belen,
Eugène de Smet, Watlet, Constantin Rodenbach, l'abbé Andries, Blomme, Buylaert,
l'abbé Dehaerne, Masbourg, l'abbé Van der Linden, Roeser, l'abbé Corten, Seron,
de Nef, Vandorpe, l'abbé Joseph de Smet, l'abbé Pollin, de Coninck, Béthune,
Peeters, le comte Werner de Mérode, l'abbé Wallaert, Le Bon, le comte de
Renesse, le baron de Liedel de Weil, le baron de Meer de Moorsel, Beaucarne,
Morel-Danheel , Van Snick, Annez de Zillebeecke, Helias d'Huddeghem, l'abbé
Verduyn. (J. F., 29 déc.)
M.
le président – Faut-il donner une troisième ou une quatrième lecture
de l'amendement de M. Van Meenen ? (On
rit.- Oui ! oui !) (U. B., 29 déc.)
M.
le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, relit cet amendement
; il consiste dans le remplacement des mots : En se soumettant aux lois, etc., par ceux-ci : En se conformant aux lois qui pourront régler l'exercice de ce droit,
sans néanmoins le soumettre à une autorisation préalable. » (U. B., 29
déc., et A.)
- L'amendement de M. Van Meenen est mis aux voix par assis et
levé ; il est adopté à une assez forte majorité ainsi que l'article amendé.
(C., 28 déc., et P. V.)
Celui de M. de Langhe est considéré comme non avenu. (C., 28
déc.)
M. Charles Le Hon – Je demande
qu'il nous soit donné lecture de l'art. 15, tel que les amendements l'ont fait.
(U. B., 29 déc.)
M.
le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, lit l'article
en ces termes :
« Les Belges ont le droit de s'assembler paisiblement et sans
armes, en se conformant aux lois qui pourront régler l'exercice de ce droit,
sans néanmoins le soumettre à une autorisation préalable.
« Cette disposition ne s'applique point aux
rassemblements en plein air, qui restent entièrement soumis aux lois de
police.» (Rumeurs, chuchotements.) (U. B., 29 déc., et P. V.)
Article 16 du projet de la section centrale
M.
le président – Nous voilà sortis de l'article 15 ; voici maintenant
l'art. 16 :
« Les Belges ont le droit de s'associer. Ce droit ne peut
être soumis à aucune mesure préventive.» (U. B., 29 déc.)
M. Destriveaux – Avant
d'aller plus loin, je demande à faire une observation. L'article 12, sur lequel
nous n'avons pas encore voté, est en corrélation avec l'art. 16, et le vote de
beaucoup (page 666) d'entre nous sur
le premier pourrait influer sur le vote du second ; je pense donc qu'il serait
convenable, et je propose de suspendre toute discussion sur l'art. 16, jusqu'à
ce que nous ayons voté l'article 12. (U. B., 29 déc.)
- Cette proposition est mise aux voix et adoptée. (P. V.)
Article 17 de la section centrale
M.
le président donne lecture de l'art. 17, ainsi conçu :
« Art. 17. Chacun a le droit d'adresser des pétitions
signées par une. ou plusieurs personnes aux autorités publiques.
« Les corps légalement constitués ont seuls le droit
d'adresser des pétitions en nom collectif. » (U, B.. 29 déc.. et A. C.)
M.
de Robaulx – Je dois faire une observation. Lorsque nous aurons
voté sur l'art. 16, et en supposant qu'il soit adopté, nous aurons des associations
légales, des corps constitués légalement, reconnus par la loi. Je demande si
ces corps pourraient présenter des pétitions en nom collectif ? C'est une
question à laquelle je désire qu'on fasse une réponse ; si l'art. 16 est
adopté, nous aurons deux espèces d'associations : les unes seront considérées
comme personnes civiles ; les autres ne le seront pas. Je désire savoir si les
associations ne formant pas personnes civiles auront le droit de : présenter
des pétitions en nom collectif. (U. B., 29 déc.)
M.
le baron Beyts – Je vais répondre à la question du
préopinant ; lorsque nous discuterons l'art. 16, je me propose de présenter un
amendement tendant à ce qu'aucune association ne puisse être considérée comme
personne civile. (U. B., 29 déc.)
M.
de Robaulx – Mais votre amendement n'est pas encore adopté. (On rit.) (U. B., 29 déc.)
M. le baron Beyts
– J'espère qu'il le sera. (U. B., 29 déc.)
M.
Devaux – L'intention de la section centrale n'a pas été de
donner le droit de faire des pétitions collectives aux associations collectives
; cependant, comme l'article porte : les corps légalement constitués,
l'observation de M. de Robaulx est juste ; il faudrait effacer ces mots et dire
: Les autorités constituées. (Appuyé ! appuyé !) (U. B., 29 déc.)
M.
de Robaulx approuve ce changement. (G., 28 déc.)
- L'article ainsi modifié est adopté avec un autre changement
de rédaction par suite duquel les mots : aux autorités publiques ont été placés
à la suite du mot : adresser. (P. V.)
M. le vicomte Charles Vilain XIIII,
secrétaire : M. Van Snick vient de déposer une disposition additionnelle ainsi
conçue :
« Le ministre auquel une pétition aura été renvoyée devra,
dans les six semaines, instruire le pétitionnaire de la décision à laquelle sa
pétition aura donné lieu » (U. B., 29 déc.)
M. Van Snick retire aussitôt
cette disposition qui pourra trouver place dans le titre : Des ministres. (C.,
28 déc.)
Article 18 du projet de la section centrale
M.
le président donne lecture de l'art. 18 : « Le secret des lettres est
inviolable. » (U. B., 29 déc., et A. C.)
M.
de Robaulx – J'ai une ajoute pour cet article ; la voici :
« Une loi réglera la répression et rétablira la
responsabilité des administrateurs des postes. »
Messieurs, il ne suffit pas de proclamer les principes, il
faut aussi leur donner une sanction, en en assurant l'exécution et en portant
des peines contre les infractions. Ainsi, quand vous avez dit : Le domicile est
inviolable, vous n'avez rien fait, si celui qui violera le domicile n'est pas
puni par la loi. Il en est de même pour le secret des lettres ; si, en le
déclarant inviolable, vous ne déclarez pas que ceux qui se permettront de les
ouvrir seront punis, c'est comme si vous n'aviez rien dit. Cependant, il est
très essentiel qu'une pareille infraction soit sévèrement réprimée ; pour cela
il faut savoir sur qui doivent porter les peines. On me porte une lettre
décachetée, par exemple ; si le facteur l'a ouverte, il doit être puni ; mais
il peut l’avoir reçue ainsi de son supérieur immédiat ; il faut qu'il puisse se
faire garantir par lui, celui-ci par son supérieur, et ainsi de suite. C'est
afin de donner une règle à cette responsabilité que j'ai proposé mon
amendement, que je crois utile et indispensable d'adopter. (U. B., 29 déc.)
M.
Le Bègue – Messieurs, je combats l'amendement de M. de Robaulx,
parce que si la responsabilité est désirable, elle ne doit pas cependant
trouver place dans la constitution. Lorsque nous avons dit : Le domicile est
inviolable, nous n'avons pas ajouté : Celui qui le violera sera puni, parce que
cela est par trop évident ; mais c'est l'affaire de la loi pénale. Cela est si
vrai, que jusqu'ici nous n'avons ajouté aucune sanction aux principes que nous
avons votés, parce qu'ils portent cette sanction avec eux, et qu'il est bien
entendu que les lois pénales en puniront la transgression. (U. B., 29 déc.)
M.
de Robaulx – Qui donc sera responsable ? (C., 28 déc.)
M.
Barthélemy – Le Code pénal le dira. (C., 28 déc.)
(page 667) M. Charles Le Hon
– Je suis tout à fait de l'avis qu'il faut une sanction aux principes que
nous posons dans la constitution ; mais, j'en appelle au préopinant lui-même,
ne serait-il pas dangereux de mettre une sanction à l'art. 18, tandis que nous
n'en avons pas mis aux autres articles, qui cependant consacrent des principes
bien plus importants ? Ne pourrait-il pas arriver, si nous adoptions
l'amendement, que l'on regardât les autres articles comme dépourvus de
sanction, puisque celui-là serait le seul auquel nous l'aurions donnée d'une
manière explicite ? Cette réflexion suffit sans doute pour démontrer
l'inopportunité de l'amendement, et ici il est évident que ce sera l'objet de
la législation pénale. L'honorable membre demande qui sera responsable.
Pouvons-nous, nous corps constituant, décider d'ores et déjà que sera
l'administrateur responsable de la violation du secret des lettres ? Non, sans
doute. Mais il y a quelque chose qui domine ici la discussion : c'est qu'il y
aura toujours une responsabilité, celle du ministre dans le département duquel
se trouve l'administration des postes, car lorsqu'on parle de la responsabilité
d'un administrateur, on entend sans doute une responsabilité autre que celle
qu'il encourrait pour les actes qui lui seraient personnels. Je pense donc
qu'il faut laisser encore en suspens cette spécialité, parce que le ministre
des finances sera toujours responsable des actes de ses subordonnés, sauf la
responsabilité personnelle de ces derniers pour les actes qui seront de leur
fait. (Aux voix ! aux voix !)
(U. B., 29 déc.)
M. Destriveaux – Il est
inutile de dire que la violation des lettres sera punie ; le Code pénal la
punit déjà. Ce serait faire croire qu'il n'existe pas de peine. (Aux voix !) (C., 28 déc.)
M. de Robaulx – Je demande
la parole. (U. B., 29 déc.)
M.
le président – Est-ce pour retirer l'amendement ? (On rit.) (U. B.,
2. déc.)
M.
de Robaulx – Non, M. le président, c'est pour répondre à M. Le Hon
que je ne crois pas la responsabilité du ministre suffisante dans ce cas. Cette
responsabilité peut être bonne de lui aux chambres ; pour la violation d'une
lettre, je le crois placé trop haut pour répondre d'un pareil fait. C'est afin
que la responsabilité soit déterminée et fixée sur quelqu'un, que j'insiste.
(U. B., 29 déc.)
M. Alexandre Rodenbach
– J'appuie l'amendement et voici pourquoi : sous Guillaume le Têtu on a vu
des autorités judiciaires envahir les bureaux du Courrier des Pays-Bas, et
ouvrir toute la correspondance. S'ils se permettaient des actes aussi
arbitraires, c'est parce que les peines portées contre la violation du secret
des lettres n'étaient pas assez sévères. Voilà pourquoi je vote pour
l'amendement. (U. B., 29 déc.)
M.
Van Meenen croit qu'en effet une loi doit désigner tous les
agents responsables, mais il voudrait rédiger l'amendement en ces termes :
« La loi désignera les agents responsables de la violation
des lettres. »
La poste est un monopole, nous lui accordons une confiance
forcée. (C., 28 déc.)
M. Camille de Smet vote contre
l'amendement, et répond à M. Alexandre Rodenbach, que nous ne sommes plus sous
Guillaume le Têtu. (U. B., 29 déc.)
M. Trentesaux – M. de
Robaulx nous a prouvé qu'il fallait une loi pour punir la violation du secret
des lettres, mais il ne nous a pas prouvé qu'il fallût que cette loi se trouvât
dans la constitution. Or, c'est la seule chose qu'il aurait dû nous prouver. Je
vote contre son amendement. (La clôture ! aux voix !) (U. B., 29
déc.)
M. de Robaulx – Voici une
nouvelle rédaction qui peut-être conviendra mieux :
« Une loi déterminera quels sont les agents responsables de
la violation du secret des lettres confiées à la poste. » (U. B., 29 déc., et
P. V.)
Cette nouvelle rédaction est mise aux voix par assis et levé.
(C., 29 déc.)
- L'épreuve et la contre-épreuve sont douteuses. (U. B., 29
déc.)
Plusieurs membres – Il y a
majorité. (U. B., 29 déc.)
M.
le président – J'avoue que je doute. (U. B., 29 déc.)
M.
de Robaulx – L'appel nominal ! (U. B., 29 déc.)
M.
le président – Ah ! l'appel nominal ! le congrès veut-il me permettre
de recommencer l'épreuve ? (Oui ! oui !)
(U. B., 29 déc.)
- L'épreuve est renouvelée. (U. B., 29 déc.)
L'amendement de M. de Robaulx est adopté.
L'ensemble de l'article l'est également. (P. V.)
Article 19 du projet de la section centrale
M.
le président donne lecture de l'article 19, qui est ainsi conçu :
« Art. t
M. Van Meenen
propose l'amendement suivant :
« L'emploi des langues usitées en Belgique est facultatif
pour les particuliers ; il ne peut être réglé que par la loi et qu'à l'égard
des fonctionnaires non électifs. » (A.)
(page 668) - Cet
amendement n'est pas appuyé. (C., 28 déc.)
M. Raikem propose un
amendement ainsi conçu :
« L'emploi des langues usitées en Belgique est facultatif. Il
ne peut être réglé que pour les actes de l'autorité publique et seulement par
la loi. » (A.)
- Cet amendement est appuyé. (U. B., 29 déc.)
M. Raikem – Tout le
monde est d'accord sur ce point, que l'emploi des langues est facultatif ; et,
dans l'usage habituel, chacun sera le maitre de parler comme il voudra. Il faut
qu'il en soit de même pour les actes qui ne règlent que des intérêts privés. Il
est de ces actes contenant des conventions, comme les contrats notariés et les
testaments, qui doivent pouvoir être écrits dans la langue que parlent ou que
choisissent les parties ; car sans cela il serait par trop facile de les
tromper. Mon amendement tend à consacrer ce droit. Pour les actes de
l'autorité, la langue doit être unique, sauf la traduction à y ajouter dans les
cas nécessaires. Voilà tout ce que j'avais à dire pour justifier mon
amendement. (Appuyé ! appuyé !) (U. B.,
29 déc.)
M. le président – Voici un
sous-amendement de M. Devaux. Il consiste à ajouter aux mots : il ne peut être réglé
que par la loi, ceux-ci : et seulement pour les actes de l'autorité publique
et pour les affaires judiciaires. (Appuyé !) (U. B.,29 déc., et P. V.)
M. Devaux – Quand j'ai
proposé cet amendement, j'ai eu en vue les plaidoiries qu'il faudrait laisser
libres ; car il est arrivé plusieurs fois qu'un accusé, traduit devant ses
juges, n'entendait pas la langue dans laquelle les plaidoiries avaient lieu, et
il eût sans doute préféré entendre plaider dans la sienne. D'un autre côté,
dans les lieux où il y a des avocats qui .parlent la langue flamande et la
langue française, les avocats qui ne parlent que cette dernière sont en butte
aux tracasseries de ceux qui préfèrent plaider en flamand. Je voudrais qu'on
laissât à la loi la faculté de prononcer à cet égard. (Appuyé !) (U. B., 29 déc.)
M. Van Meenen
s'oppose au sous-amendement de M. Devaux, et trouve la rédaction des deux
amendements vicieuse. (C., 28 déc.)
- La proposition de M. Devaux est mise aux voix et adoptée,
ainsi que l'art. 19 amendé qui est conçu en ces termes ;
« L'emploi des langues usitées en Belgique est facultatif ;
il ne peut être réglé que par la loi, et seulement pour les actes de l'autorité
publique et pour les affaires judiciaires. » (P. V.)
M.
de Robaulx – J'ai l'honneur de proposer un article additionnel qui,
provisoirement, porterait le n° 20 ; il est conçu en ces termes :
« Art. 20. La résistance aux actes illégaux des
fonctionnaires ou agents de l'autorité est légitime. » (U. B., 29 déc., et
A. C.)
Cette proposition est appuyée. (C., 28 déc.)
M.
de Robaulx la développant – Si une contrainte personnelle est
exercée illégalement par un fonctionnaire, il faut pouvoir repousser la force
par la force. (J. n., 29 déc.)
M. Destriveaux – La question
tranchée par cet article est trop délicate pour être l'objet d'une discussion
improvisée ; je demande qu'elle soit renvoyée aux sections, afin qu'elle y soit
mûrie, et que la section centrale nous présente ses idées sur ce point. (Appuyé
!) (U. B., 29 déc.)
M. Thorn propose la rédaction
suivante :
« Les Belges ont le droit de refuser leur obéissance et, au
besoin, d'opposer la force à tout acte illégal des autorités et à tout acte
illégalement exercé.
« 2° Ils .peuvent poursuivre, en réparation des
atteintes portées à leurs droits, tous ceux qui ont sollicité, expédié, signé,
exécuté ou fait exécuter les actes dont ces atteintes sont résultées, et ce, à
partir de l'auteur immédiat de ces actes et sans avoir besoin d'obtenir aucune
autorisation préalable. » . (A. C.)
- Les deux propositions sont renvoyées à l'examen des
sections. (C., 28 déc.)
Projet d’article additionnel proposant l’abolition de
la mort civile
M. le baron Beyts
– J'ai aussi à proposer un article additionnel, mais c'est sur une
tout autre matière que celui de M. de Robaulx. Mon article viendrait
immédiatement après l'art. 9 qui abolit la confiscation ; il est conçu en ces
termes
« La pénalité de la mort civile est. abolie ; elle ne peut
être rétablie. » (U. B., 29 déc., et A. C.)
M. le baron Beyts
– La peine dont je demande l'abolition a pris naissance chez
les Romains. De la législation de ce peuple conquérant elle est passée dans la
législation moderne, et finalement dans les lois françaises. Dans ma section je
proposai mon article, il donna lieu à de longues discussions ; tout le monde
convenait de l'odieux d'une pareille loi, qui déclare et considère comme mort
un homme plein de vie, et chacun présentait les difficultés qu'il croyait
attachées à l'exécution d'une peine aussi bizarre. Nous nous entretînmes, à ce
sujet, du malheureux M. de Polignac et de sa femme. Nous demandions si la peine
portée contre M. de Polignac permettrait à sa femme de se remarier, et si Mme
de Polignac, devenue volage, pourrait se choisir un (page 669) autre époux. Des questions difficiles à résoudre se
présentaient aussi quant aux biens et à l'administration des affaires du
condamné à la mort civile. Nous avons été ainsi plusieurs jours à nous
débattre, et toujours avec M. et Mme de Polignac (on rit) : et ce qui est résulté de plus clair de tout cela, c'est
que la peine de la mort civile nous a paru aussi odieuse qu'inutile. J'en
demande pardon aux législateurs modernes et aux Romains, mais je demande qu'on
ôte cette fiction de nos lois, et que la peine de la mort civile soit abolie
pour toujours. (Appuyé ! appuyé f) (U. B., 29 déc.)
M. Raikem appuie
cette proposition et en demande le renvoi à l'examen des sections. (U. B., 29
déc.)
- Ce renvoi est ordonné. (P. V.)
Les propositions seront imprimées et distribuées. (J. F., 29
déc.)
M.
le président – L'ordre du jour est épuisé. (U. B., 2.\ dec.)
Quelques
voix – Il faudrait entendre quelques rapports de pétitions. (U.
Il., 2U déc.)
M.
le président – Vous voyez que tout le monde a quitté sa place. Dans
cet état l'assemblée me semble plus disposée à aller dîner qu'à écouter des
rapports. (On rit.)
Demain la séance s'ouvrira à dix heures pour la discussion du
budget. (U. B., 2U déc.)
M. Charles de Brouckere
– Je demande qu'au nom du congrès M. l'administrateur en chef du comité des
finances soit prévenu, afin qu'il se trouve à la discussion. (Appuyé !) (U. B.,
2U déc.)
M.
le président – On écrira à M. l'administrateur général des finances.
(U. B., 2U déc.)
- La séance est levée à quatre heures et demie. (P. V.)