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Chambre des représentants de Belgique
Séance du vendredi 21 avril 1848 (après-midi)
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Rapport de la commission spéciale chargée
d’examiner la question du travail des détenus dans les prisons et dépôts de
mendicité (de Haussy)
3) Projet de loi d’emprunt forcé. Discussion des
articles. Répartition de la charge.
a) part de la contribution foncière (Pirmez,
Veydt, d’Huart, Tielemans, Cogels, Veydt)
b) part de la contribution personnelle (+réforme des
bases de cet impôt, notamment mobilier, portes et fenêtres) (T’Kint
de Naeyer, Cogels, Mercier, Verhaegen, Cogels, Lebeau, de Garcia, Frère-Orban, Eloy de Burdinne, Verhaegen, de La Coste, Mercier, de Garcia, Veydt, Malou, Veydt,
Frère-Orban, Veydt, Broquet-Goblet, Veydt, Delfosse, Mercier)
c) prélèvement sur les intérêts des rentes et des
capitaux donnés en prêt (à la charge essentiellement des fermiers locataires) (de Denterghem, Veydt, Mercier, Frère-Orban, Cogels, de Theux, de Mérode, Frère-Orban, Frère-Orban, de La Coste),
mesures de recouvrement (Veydt)
d) prélèvement sur les rentes perpétuelles et les
capitaux prêtés à terme (Veydt, Delfosse,
Cogels, de Garcia, Verhaegen, de Theux, de Brouckere, Veydt, Veydt, Verhaegen, Veydt, Lys, de
Garcia, Malou, Veydt, Veydt, Malou, Verhaegen,
Raikem, Veydt, Malou)
e) retenue sur les traitements et les pensions des
fonctionnaires (Veydt, Lys, Rogier, Delfosse, de Garcia, Rogier, Vilain XIIII, Delfosse, Verhaegen, Malou, Lys,
de T’Serclaes, d’Hoffschmidt,
Frère-Orban, Veydt, Rogier, d’Huart, de T’Serclaes, d’Huart,
(indemnité parlementaire) (Vilain XIIII, Frère-Orban, de Garcia, Frère-Orban, de Tornaco)
(Annales parlementaires de Belgique, session
1847-1848)
(Présidence de M. Liedts.)
(page 1419) M. A. Dubus procède à l'appel
nominal à onze heures et demie. La séance est ouverte.
M. T’Kint de
Naeyer donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.
La rédaction en est adoptée.
M. de Villegas présente l'analyse
des pétitions adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Le sieur d'Azevedo
Bourdon prie la chambre de rejeter le projet De loi d'emprunt ou de faire
supporter l'emprunt par les contribuables les plus imposés. »
- Dépôt sur le bureau
pendant la discussion du projet de loi.
________________
«Le sieur Tallois
propose de substituer à l'emprunt un impôt de 1 p. c. sur la cotisation des
contribuables, une création de billets à l'intérêt de 4 p. c. et un système de
primes.
- Même renvoi.
_________________
Par message du 20
avril, le sénat informe la chambre qu'il a adopté le projet de loi ouvrant au
département des travaux publics un crédit de 5,000,000.
- Pris pour notification.
COMMUNICATION DU GOUVERNEMENT
M. le
ministre de la justice (M. de Haussy). - J'ai l'honneur de
déposer sur le bureau le rapport de la commission qui a été instituée au
département de la justice pour l'examen de la question du travail des détenus
dans les prisons et les dépôts de mendicité- J'y joins les résultats de
l'enquête qui a été faite dans nos divers établissements, et quelques tableaux
et documents relatifs à cette question.
Vu l'importance que
la chambre a attachée à cette question et le renvoi qu'elle a fait de diverses
pétitions sur son objet au conseil des ministres, elle jugera sans doute
convenable d'ordonner l'impression de ces documents.
- La chambre ordonne l'impression
et la distribution des documents déposés par M. le ministre de la justice.
PROJET DE LOI D’EMPRUNT FORCE
Discussion des articles
Article 5.
« Art. 3 (devenu art.
5). Le propriétaire sera considéré comme débiteur de l'emprunt aussi longtemps
qu'il n'aura pas fait connaître l'usufruitier ou le redevable.
« Si le domicile du
propriétaire ou du redevable n'est pas connu, le fermier ou locataire devra
acquitter l'emprunt à sa décharge, sauf recours contre lui. »
La section centrale
propose de rédiger ainsi le deuxième paragraphe :
« Si le propriétaire
ou le redevable n'est pas domicilié dans le pays, ou si son domicile dans le
royaume n'est pas connu, le fermier ou locataire devra acquitter l'emprunt à sa
décharge, sauf son recours contre lui. »
M. Pirmez. - Je crois qu'il y
a une omission dans cet article. Il existe des propriétés appartenant à des
étrangers qui n'ont point de locataires. Ainsi par exemple les bois. Mais on me
fait remarquer à l'instant qu'à l'égard de ces propriétés, le premier emprunt
n'a souffert aucune difficulté de perception. IL est donc peut-être inutile de
compléter l'article.
- La rédaction la
section centrale, à laquelle se rallie le gouvernement, est adoptée.
« Art. 4 (devenu art.
6). Le recouvrement de la première partie de l'emprunt se fera sur les rôles de
la contribution foncière de l'exercice courant. »
(page 1435)
M. le ministre des
finances (M. Veydt). - Cet article ce me semble, pouvoir être supprimé.
Le recouvrement ne peut avoir lieu, en prenant les chiffres du rôle, attendu
que d'après ce qui a été adopté, hier, ce sont les contribuables payant
ensemble les sept huitièmes de la contribution foncière qui supporteront la
totalité de l'emprunt dans chaque commune. Il faudra un rôle spécial ; il en
faudra un aussi pour le payement de la contribution personnelle. Un seul
article, qui viendra après, statuera sur ce point. Il ne peut donc être
question ici que de la désignation de l'exercice qui servira de base à la
perception ; déjà l'article premier du projet de loi, dit que c'est l'exercice
courant.
(page 1419)
M. d'Huart.
- II me semble que l'article peut rester dans la loi. Le recouvrement de
l'emprunt se fera sur les rôles de la contribution foncière de l'année
courante. Seulement au lieu de percevoir le chiffre de la contribution portée
au rôle, on percevra une quotité proportionnelle.
Tout ce que porte
l'article et son seul but, c'est d'exprimer que les bases de l'année courante
seront suivies ; or, il doit être dans l'intention du gouvernement de conserver
les bases de l'impôt foncier telles qu'elles se trouvent indiquées dans les
rôles de la contribution foncière de l'exercice courant. On peut donc maintenir
la disposition de l'article, et s'il y a quelque mesure ultérieure d'exécution
à prendre, M. le ministre des finances y pourvoira.
M. Tielemans. - Messieurs,
l'observation de l'honorable M. d'Huart n'est pas exacte du tout. L'article 4
dit : que le recouvrement se fera sur les rôles de la contribution foncière de
l'exercice courant. Mais, messieurs, ces rôles déterminent des sommes précises,
invariables ; ces rôles sont rendus exécutoires par le gouverneur de la
province, ce sont les extraits de ces rôles qui servent de titre à la
perception. Vous ne pouvez pas prendre comme titre de perception, un chiffre
que vous n'avez pas le droit de percevoir. Cela est évident.
M. Cogels. - Il me paraît,
messieurs, qu'un simple changement de rédaction satisferait à ces exigences. Il
suffirait de dire :
« Les rôles de la
contribution foncière pour l'exercice courant serviront de base à la perception
de la première partie de l'emprunt. »
M. le ministre des finances
(M. Veydt). - Cela établit sur quelle base on percevra, mais il
faudra en outre établir des rôles.
M. Cogels. - Sans doute. Nous
sommes d'accord.
- La rédaction
proposée par M. Cogels est mise aux voix et adoptée.
Article 6 (de la section centrale)
« Art. 6
(proposition de la section centrale). 6. La seconde partie de l'emprunt sera égale
au montant de la contribution personnelle des première, troisième, cinquième et
sixième bases seulement, déduction faite des centimes additionnels au profit
des provinces et des communes. Moitié est exigible le quinze mai prochain,
l'autre moitié le quinze juillet suivant.
« Elle sera répartie
entre les deux tiers des contribuables les plus imposés aux rôles dans chaque
commune. La répartition sera faite au (page
1420) marc le franc de leurs cotes respectives, après déduction des sommes
provenant de l'application des deuxième et quatrième bases de la contribution
personnelle. »
Le gouvernement
propose l'amendement suivant :
« La seconde
partie de l'emprunt sera égale au montant de la contribution personnelle
portant seulement sur la valeur locative, les foyers, les domestiques et les
chevaux. Une moitié est exigible le 1er juin 1848 et l'autre moitié le 15
juillet suivant.
« Elle sera payée par
la moitié des contribuables les plus imposés dans chaque commune, dans la
proportion de leurs cotes ouvertes du chef des première, troisième, cinquième
et sixième bases établies par la loi du 28 juin 1822 (Journal officiel, n°15).
»
M. T’Kint de
Naeyer. - Quelle que soit la diversité des opinions qui se
sont manifestées dans la discussion, tout le monde paraît d'accord sur un
point, c'est que l'emprunt forcé ne doit peser que sur ceux qui sont en état de
le payer.
L'article 6 a été
amendé dans ce sens par la section centrale ; si ses propositions en ce qui
concerne le premier paragraphe de cet article n'étaient pas admises, je pense
qu'il y aurait lieu, dans tous les cas, de maintenir le deuxième paragraphe qui
prend pour base de la répartition la moitié des plus imposés en somme et non la
moitié des plus imposés en nombre.
D'après les
renseignements puisés à une source officielle, je crois que c’est le seul moyen
de rendre efficaces les mesures qui tendraient à dégrever les petits
contribuables.
Je demanderai à la
chambre la permission de lui soumettre quelques calculs qui établissent une
comparaison entre les résultats qui ont été obtenus dans la Flandre orientale
lorsque l'emprunt de 1831 a été perçu, comparés à ceux qui seraient la
conséquence du projet primitif du gouvernement, présenté dans la séance du 16
mars.
L'article 5 du décret
du 8 avril 1831, concernant l'emprunt de 12 millions de florins, portait :
« Un contingent égal
au principal de la contribution personnelle de 1830 sera assigné à chaque
commune et réparti au marc le franc de leurs cotes respectives parmi les deux
tiers des contribuables les plus imposés au rôle de cette contribution. »
Ce contingent pour la
ville de Gand a donc été de 522,037 fr. 55.
Il a été fourni par
tous les contribuables en état de payer, par la raison qu'en 1830 et
antérieurement, plus d'un tiers des individus portés aux rôles ne pouvaient
payer leurs cotes qui étaient portées sur les états des cotes irrécouvrables,
cela provenait de ce qu'on imposait un grand nombre d'habitations habitées par
des pauvres gens, etc.
Ces cotes irrécouvrables
se sont élevées en 1830 à 61,486 fr. 17 c. (y compris 55 centimes
additionnels), soit en principal 44,780 fr.
De l'imposition de
ces insolvables résultaient des frais inutiles pour l'Etat, tels que confection
de rôles, frais d'expertise, etc.
Depuis lors, on n'a
plus imposé toutes ces cotes minimes et toujours irrécouvrables, et le nombre
d'articles des rôles qui était en 1830 de 14,604 pour Gand, n'était plus en
1847 que de 9,304. Il est vrai cependant qu'en 1830 plusieurs individus
figuraient deux fois aux rôles, cela arrivait quand ils avaient demandé
l'expertise d'une partie des bases de l’impôt.
Le nouvel emprunt (en
ce qui concerne la contribution personnelle) sera égal au principal augmenté
des dix centimes additionnels pour l’Etat. Soit :
Pour toute la
province :
Principal :
1,587,902 fr. 44
10 p. c :
158,790 fr. 24
Ensemble :
1,746,692 fr. 68.
Pour la ville de
Gand :
Principal :
544 ;083 fr.
10 p. c. :
54,408 fr. 30 c.
Ensemble :
598,491 fr. 30.
Le nombre des
contribuables étant de 9,304, le tiers exempté est de 3,101.
Cette somme de
598,491 fr. 30 c. serait donc payée par les 6,2035 contribuables les plus
imposés.
En 1846, 2,372
individus de Gand ont été portés sur les états des cotes irrécouvrables. Ainsi,
parmi ceux qui payent habituellement leurs contributions, il n'y en aura
d'exemptés que 729, et ce nombre est insignifiant.
Les états de cotes irrécouvrables de Gand pour 1846
s'élevaient à 61,486 fr. 17 c. (y compris 25 centimes additionnels), soit en
principal 40,188 fr.
Ce chiffre serait
plus considérable si, comme en 1830, on imposait encore les demeures des
pauvres gens. Quant à l'augmentation du produit de l'impôt, elle provient des
constructions nouvelles.
D'après ce qui
précède, je conclus que, pour ne pas atteindre la petite bourgeoisie et le
petit commerce, dont les souffrances sont si grandes, il faut nécessairement
reporter la partie de l'emprunt qui est relative à l'impôt personnel sur les
plus fortes cotes qui fournissent ensemble la moitié de la contribution personnelle.
M. Cogels. - Messieurs, à
l'appui des considérations que vient de faire valoir un honorable député de
Gand, j'en présenterai quelques-unes en faveur du système de la section
centrale, système qui rentre absolument dans l'esprit de l'amendement adopté
hier en ce qui concerne la contribution foncière, mais qu'il est bien plus
indispensable encore d'adopter, si l'on veut éviter de très graves
inconvénients.
En effet, quel est le
système du gouvernement ? Ce système consiste d'abord à exempter de la
contribution foncière deux bases, les plus fortes, le mobilier et les portes et
fenêtres ; il consiste à faire supporter la moitié de la contribution, au moins
la part afférente à une moitié des contribuables, par l'autre moitié. Dans les
villes où il y a un très grand nombre de forts contribuables, les inconvénients
seraient moins graves que dans les communes rurales ; mais dans les communes
rurales où la contribution, du mobilier et des portes et fenêtres est assez
considérable, où les chevaux, les domestiques, deux des bases assez fortes dans
les villes, n'entrent point en ligne de compte, qu'arriverait-il ? C'est que de
très petits contribuables seraient chargés de toute la part de la moitié de
ceux qu'on exempterait. Dans la plupart des communes rurales, tout le monde est
petit contribuable, de manière qu'une moitié de la commune payerait à la charge
de l'autre. Il faut donc qu’on rentre dans le système de la section centrale.
Maintenant, quant à
l'exemption des bases elles-mêmes, elle peut être utile à quelques professions
qu'on a voulu ménager. Ainsi, je conviens que pour les hôteliers, relativement
auxquels on prend toujours, en ce qui concerne leur mobilier, 5 fois la valeur
locative ; que pour des personnes qui louent des appartements, où l'on prend
également cinq fois la valeur locative, il y aurait une charge un peu forte.
Mais, d'un autre
côté, en établissant ces exemptions en faveur de cette catégorie vous faites
jouir de la même faveur des personnes qui n'ont aucun droit à en jouir.
Ainsi il y a les
hôtels somptueux meublés, où le mobilier entre pour la plus grande valeur, où
il y a un grand nombre de portes et fenêtres soumis à la plus forte taxe. Vous
leur faites supporter en plus, il est vrai, la légère part d'exemption de la
moitié des contribuables en nombre ; mais cette surcharge n'augmentera pas leur
part d'un dixième, tandis que, dans les communes rurales, vous doublez la part
du petit contribuable.
Je dis que votre système repose sur une base tout à
fait vicieuse, qu'il fait peser des charges extrêmement fortes sur les
contribuables que vous voudriez exempter.
Ces explications
subiront, sans doute, pour faire comprendre combien il est utile de donner la
préférence au système de la section centrale, qui atteindra vraiment le but que
le gouvernement se proposait d'atteindre.
Je voudrais même (et
la section centrale n'était pas non plus partisan de cette exemption) qu'on
n'exemptât ni la contribution mobilière, ni la contribution des portes et
fenêtres ; car ce serait accorder une faveur à ceux qui n'y ont aucun droit,
pour éviter un inconvénient auquel on pourrait mieux porter remède par une
mesure exceptionnelle en faveur de certaines catégories.
(page 1436) M. Mercier. - L'honorable M. Cogels a indiqué les
motifs qu'il y a pour ne pas adopter les diverses bases, proposées par le
gouvernement, c'est notamment qu'il existe dans la valeur locative des
inégalités choquantes par suite de la faculté qu'on a de se référer à la
déclaration de l'année précédente.
Pour moi, je me suis
abstenu à la section centrale sur cette question. Je n'ai pas la même
conviction que l'honorable membre sur les effets de la mesure proposée par le
gouvernement. Je trouve la base des portes et fenêtres, en elle-même, tellement
défectueuse, que j'hésite à écarter l'une plutôt que l’autre. Cette base est
injuste dans son principe en ce qu'elle est en rapport, non avec la valeur
locative de l'habitation, mais avec le rang des villes.
Pour ce qui me
concerne, je ne demande pas le rejet de la première disposition de l'article.
Mais j'insiste très fortement pour que le deuxième
paragraphe du projet de la section centrale soit adopté, c'est-à-dire pour que
la répartition ait lieu entre les contribuables les plus imposés payant
ensemble dans chaque commune la moitié de la contribution. Nous sommes quant au
fond inspirés par les mêmes motifs qui ont dicté la dernière proposition du
ministère au sujet de cette base : c'est d'exempter le plus grand nombre
possible de petits contribuables. Si l'on met cette partie de l'emprunt à
charge des deux tiers des contribuables les plus imposés en nombre, comme le
veut le projet du gouvernement, il y en aura beaucoup payant des cotes très
inférieures qui devront participer à l'emprunt, tandis qu'avec le système de la
section centrale, les trois quarts à peu près seront exempts.
Cette proposition
mérite donc à tous égards l'assentiment de la chambre.
(page 1420) M. Verhaegen. - J'approuve l'amendement du
gouvernement parce que je le trouve basé sur la justice distributive. Pour
l'emprunt de même que pour l'impôt, il faut, comme première condition, la
répartition égale entre ceux qui peuvent payer et l'exemption de ceux qui n'ont
pas de ressources suffisantes. Je trouve cette condition dans les propositions
nouvelles du gouvernement.
La base des portes et
fenêtres et la base du mobilier sont évidemment des bases injustes. Depuis
longtemps on a réclamé contre ces bases ; on a demandé la révision de la loi,
et cette révision a été promise.
Un de mes honorables
collègues a déjà démontré cette injustice. Qu'il me soit permis d'ajouter
quelques considérations spécialement relatives à la ville de Bruxelles. Je sais
bien qu'il faut bannir de cette enceinte les intérêts de localités ; mais quand
il s'agit, comme dans l'espèce, d'admettre comme bases de l'emprunt des
contributions iniquement reparties, il doit être permis de citer les villes qui
seraient les premières victimes de cette répartition. La ville de Bruxelles paye
à peu près un septième de l'impôt personnel de tout le royaume, et certes, elle
a bien le droit de soumettre à ce sujet ses légitimes réclamations à la
législature.
Pour les portes et
fenêtres, il y a à Bruxelles une surtaxe réellement exorbitante. On y paye
porte par ou fenêtre 2 fr. 33 c. tandis que dans les autres communes rangées
dans une classe inférieure, notamment dans les faubourgs, la taxe n'est que de
84 centimes. Or, il y a des personnes, jouissant d'une très grande fortune, des
fonctionnaires très haut placés, dans la magistrature, dans l'administration,
et dans l'armée qui habitent les faubourgs où ils payent la taxe sur le pied de
84 centimes, tandis que la taxe de 2 fr. 55 c. frappera les marchands, les
détaillants qui se trouvent aujourd'hui dans la position la plus pénible. Cette
injustice, messieurs, ne peut être maintenue ; elle a été signalée souvent ; la
révision de la loi a été demandée et promise.
Il en est de même
pour le mobilier. Dans une capitale, les marchands, les détaillants abondent
aussi bien que les étrangers. Les marchands, les détaillants sont obligés de se
loger dans les rues les plus fréquentées ; et c'est dans ces rues que les
maisons sont le plus cher. Pour retrouver une partie du loyer ils sont obligés
de sous-louer des appartements. Or, quand un locataire sous-loue une partie de
maison louée, il paye la contribution mobilière non plus sur la valeur réelle
du mobilier, mais sur sa valeur quintuplée.
Vous voyez,
messieurs, quelle est la position de ces marchands, qui n'ont d'autre ressource
que leur commerce, leur industrie, lesquels tenant à la mode et au luxe, sont
ceux qui souffrent le plus de la crise.
(page 1421)
Ce seraient les petits marchands que l’on frapperait en adoptant la base de la
contribution mobilière, et ce serait là une injustice criante. Quelle que soit
la bonne volonté des habitants, en général, à contribuer à l'emprunt, il y
aurait impossibilité pour le petit commerce de satisfaire aux exigences de la
loi, si elle prenait pour base la répartition du mobilier.
Je crois donc,
messieurs, que le gouvernement a bien fait en proposant d’exclure des bases les
portes et fenêtres et le mobilier ; car, je l'ai dit en commençant, et je le
répète en terminant, la première condition pour l'emprunt, comme pour l'impôt,
c'est d'être réparti d'une manière égale entre ceux qui peuvent payer, et
d'exempter ceux qui ne jouissent pas d'une fortune suffisante pour y
contribuer.
Quant à l'amendement
de l'honorable M. Cogels, changeant le système du gouvernement, ayant pour but
l'exemption des petites cotes, c'est un point sur lequel je réserve mon vote,
attendant les explications qui seront données à cet égard.
M.
Cogels. - Je croyais d'abord que l'honorable député de
Bruxelles voulait soutenir l'amendement du gouvernement dans toutes ses parties
; mais je vois que quant à ce qui concerne le mode de répartition, il abonde
plus ou moins dans le sens de la section centrale ; et je suis bien convaincu
que la suite de la discussion lui fera acquérir la certitude que le système de
la section centrale tend à exempter un beaucoup plus grand nombre de
contribuables que celui du gouvernement.
Quant à ce qui
concerne les deux bases, j'avais déjà fait une concession pour les personnes en
faveur desquelles l'honorable député vient de réclamer le plus vivement. Je
crois qu'en effet, pour ceux-là, on pourrait établir une exception dans la loi.
Mais ce qui m'avait paru peu équitable dans le projet du gouvernement, c'est
que, tout en faisant jouir d'une exemption les personnes qui louent des
appartements on faisait jouir en même temps de l’exemption de la plus grande
partie de leurs contributions, les personnes qui sont le mieux en état de payer
et que, par suite de la seconde disposition du gouvernement, au lieu de leur
faire supporter une moitié ou un tiers en sus de leur cote, on ne leur faisait
supporter, dans quelques villes, qu'un dixième ou un douzième, tandis que dans
les petites villes et dans les communes rurales surtout, une moitié des
contribuables payerait à ta décharge de l'autre moitié.
M. Lebeau. - Messieurs, je
viens faire acte d'adhésion aux explications qui vous ont été données par mon
honorable ami, M. Verhaegen. J'ai d'autant moins de scrupules à les appuyer,
que dans le sens sous lequel l'honorable membre les a présentées, elles ont un
véritable caractère de généralité. Car ce n'est pas seulement la ville de
Bruxelles qui, sous bien des rapports, est victime des graves défectuosités de
la loi sur l'impôt personnel ; ce sont presque toutes les villes du royaume.
Ainsi notamment,
quant aux deux bases, les portes et fenêtres elle mobilier, il est une classe
spéciale de contribuables dont il suffira d'indiquer la position à la chambre,
pour faire ressortir au dernier degré d'évidence toute l'absurdité, quant à
eux, de quelques-unes de ces deux bases. J'ai déjà indiqué quelle était cette
classe de contribuables. Je veux parler des tenant hôtels, des aubergistes. Je
dirai même que la loi, telle qu'elle est appliquée à cette classe de
contribuables, me paraît constituer
moins encore la preuve que la loi est mauvaise, que l'existence d'une fausse
interprétation administrative, tant les conséquences vont vous paraître
injustes.
Les aubergistes, que
sont-ils autre chose que des industriels ? Comme tels, ils sont d'abord, si je
ne me trompe, assujettis à une patente basée sur leur revenu présumé ; de plus
ils sont imposés à la. double base des portes et fenêtres et du mobilier, sans
que l'on considère que ces deux objets, au lieu n'être chez eux le produit de
l'aisance et du luxe à leur usage personnel, sont pour ainsi dire les
ustensiles indispensables à l'exercice de leur industrie ; de sorte qu'on
pourrait dire, et être tout à fait dans la vérité, que la valeur considérable
de leur mobilier et le nombre des portes et fenêtres qui existent dans leur
hôtel, devraient être assimiles à des ustensiles ; que les auberges devraient
être plutôt assimilées à des fabriques qu'à des maisons de particuliers.
N'est-il pas inconcevable en effet que la mobilier, que les portes et fenêtres
d'un hôtel, soit à Bruxelles, soit ailleurs, se trouvent imposés d'après le
même principe que les portes et fenêtres et le mobilier de l'hôtel de tel
gentilhomme, de tel grand propriétaire, riche à millions ?
Je dis que cela est véritablement absurde ; à tel
point, je le répète, que j'ai de graves doutes sur la question de savoir si
c'est à la législation elle-même ou à l'interprétation qu'elle a reçue, qu'il
faut attribuer cette étrange anomalie, ce résultat injuste.
Je ne veux pas, dans
une discussion de ce genre et lorsque la chambre est naturellement pressée
d'arriver à une conclusion, insister davantage sur ces considérations. Je ne
les aurais pas reproduites, si elles n'avaient un caractère de généralité que
la chambre appréciera, et un caractère d'équité que personne ne pourrait nier.
Ce sera pour moi une
raison de voter pour l'amendement du gouvernement, qui exempte ces deux bases.
M. de Garcia. - L'honorable M.
Verhaegen a prononcé une grande vérité, quand il a dit que la justice
distributive devait former les bases de l'emprunt qu'il s'agit de voter. Il a
dit qu'il fallait prendre l'argent où il se trouvait. Cela est encore
parfaitement vrai ; et si nous pouvons être divisés, ce n'est que sur les faits
qui doivent servir de base à l'application de ces principes.
Quant à moi, je pense
encore comme l'honorable M. Verhaegen que la contribution sur les portes et
fenêtres est vraiment une contribution injuste et mal répartie. Je pense même
que dans la réforme de la loi sur la contribution personnelle, il faudrait'
faire disparaître complètement cette base et faire autant que possible rentrer
son produit dans la valeur locative.
Les portes et
fenêtres peuvent être une affaire de luxe comme elles peuvent ne pas l'être du
tout ! En effet, l'ouvrier a besoin pour son travail manuel d'avoir des portes
et fenêtres, et dans ce cas, les portes sont, un premier besoin, tandis que
pour le riche, souvent elles ne sont qu'une affaire de luxe.
Je désire donc que,
lors de la réforme de l'impôt personnel, ces observations soient prises en
considération. A cet égard, je partage complétement l'opinion de l'honorable M.
Verhaegen.
Je regrette de ne
pouvoir être de l'avis de cet honorable membre, pas plus que de celui de
l'honorable M. Lebeau, quant à la base du mobilier.
Généralement,
messieurs, le mobilier est un objet de luxe. On vient nous parler des hôtels ;
on vient nous citer cet exemple pour démontrer que l'impôt est injuste. Mais
s'il y a une industrie qui ait prospéré dans le pays, au moins dans les grandes
villes, je le demande, n'est-ce pas celle des hôteliers ? Depuis dix ans, on a
vu remplacer de mauvaises auberges par des hôtels somptueux. L'impôt n'a donc
pas été une entrave, et je crois qu'il doit être maintenu.
Messieurs, je reviens
encore un instant aux principes de justice distributive dont nous semblons tous
réclamer l'application.
Evidemment, si on veut en faire une juste application,
il faut reconnaître que l'on rétablit dans la loi actuelle la base de l'impôt
personnel relative au mobilier.
Devant les sacrifices
demandés à tous les contribuables rien ne justifie l'exemption qu'on veut
introduire dans la disposition en discussion. Cette mesure serait beaucoup plus
juste que celle qu'on propose sur les fermiers et locataires. Ces locataires,
qui ne peuvent faire argent de rien dans le moment actuel, qui ont été épuisés
l'année dernière. Eh bien, comme je désire que la justice distributive préside
à notre loi, je demande formellement que l'on rétablisse la base du mobilier.
Je désire ne pas ôter au gouvernement les moyens de faire face aux besoins du
pays ; je veux donc grossir ce chiffre pour pouvoir proposer une réduction que
je regarde comme parfaitement juste.
M. le ministre des
travaux publics (Frère-Orban). - Messieurs, le but que le gouvernement veut
atteindre est le même que celui que recherche la section centrale. On reconnaît
qu'il faut trouver le moyen d'exempter une certaine catégorie de contribuables,
ceux qui, à raison, de leur cote, doivent être considérés comme étant dans
l'impossibilité de l'acquitter. Quel que soit le système auquel on s'arrête en
définitive, on atteint plus ou moins ce but. Toute la différence qu'il y a,
sous ce rapport, entre la proposition du gouvernement et celle de la section
centrale, n'est qu'une différence du plus au moins. La question n'a pris plus
d'importance.
Je crois cependant
que la proposition du gouvernement est beaucoup plus sage, plus équitable, dans
ses deux dispositions, que l'amendement proposé par la section centrale.
Faisons d'abord
remarquer que la contribution personnelle pèse d'une manière énorme sur toutes
les villes. Ainsi, quatre villes : Anvers, Bruxelles, Garni et Liège, payent
ensemble 2,863,887 fr. 15 c, c'est à-dire, près de 3 millions, dans une
contribution qui, en total, ne s'élève qu'à 9,136 209 fr. 89 c.
Il suit de là que les
considérations que l'on fait valoir à l'appui de certains dégrèvements dans les
villes, ont une importance notable dans la discussion.
Le gouvernement a été
frappé des réclamations qui ont été faites, non seulement à l'occasion de la
loi que nous discutons, mais presque de tout temps, contre les bases mêmes de
la contribution.
Quelles sont les
bases qui ont été le plus vivement critiquées dans la contribution personnelle
? En général, elles méritent toutes quelque critique ; mais quelles sont celles
qui ont été le plus vivement critiquées ? C'est la base du mobilier et la base
des portes et fenêtres. Pourquoi ces critiques ont-elles été élevées ? Parce
que, en ce qui concerne les portes et fenêtres il y a une inégalité choquante,
une inégalité que rien ne justifie entre le taux de l'imposition selon les
localités. Quant au mobilier, on se fait une étrange illusion lorsque l'on
suppose que le mobilier représente le luxe, la fortune. C'est l'erreur dans
laquelle est tombé l'honorable M. Cogels, dans laquelle est tombé l'honorable
M. de Garcia. Je vais m'expliquer.
Il est vrai,
messieurs, qu'en principe, d'après la loi de 1822, cela devrait être ainsi ;
niais la loi de 1822 contient deux exceptions qui la rendent complètement
inefficace. Ainsi, le particulier le plus riche ne paye jamais pour son
mobilier que d'après la valeur locative quintuplée de la maison qu'il habite.
Qu’il ait un mobilier du 100,000 fr., s'il a une valeur locative de 4,000 fr.,
et c'est la valeur locative la plus élevée du royaume, il ne payera pour son
mobilier qu'à raison de 20,000 fr. Tout au contraire, le particulier qui est
obligé, à raison de son commerce, d'occuper une maison relativement petite,
mais dans une rue marchande où les loyers sont à un taux très élevé, est
contraint, s'il sous-loue une chambre, de payer toujours à raison de 5 fois ta
valeur locative comme représentation de son mobilier.
Voilà les motifs,
messieurs, qui ont engagé le gouvernement a écarter impitoyablement cette
deuxième base, et j'insiste formellement pour qu'elle demeure écartée ; il n'y
aurait aucune espèce de justice, aucune espèce d'équité à la maintenir. Par
cette deuxième base on frappe ceux qui ne peuvent pas supporter l'impôt, avec
l'intention, de faire le contraire et on n'atteint pas ceux qui peuvent le
payer.
(page 1422) Le gouvernement a demandé une deuxième chose : c'est que
l'emprunt fût réparti sur les habitants payant ensemble une certaine quotité
des contributions. La section centrale demande en d'autres termes, que
l'emprunt soit réparti entre les plus haut cotisés en somme, le gouvernement
demande qu'il soit réparti sur les plus haut cotisés en nombre.
Hier, messieurs, vous
avez admis, en ce qui concerne la contribution foncière, que la répartition
aurait lieu suivant le premier de ces systèmes. Mais veuillez bien le
remarquer, vous avez décidé que ce seraient les sept huitièmes les plus imposés
en somme qui supporteraient la totalité de ce que vous avez à réclamer. Il suit
de là, que dans aucun cas la surcharge ne peut être que d'un huitième. Ici vous
prenez, soit la moitié soit une autre quotité, mais toujours une quotité qui
s'éloigne beaucoup des sept huitièmes, et vous faites supporter la totalité de
l'emprunt par ceux qui supportent d'ordinaire la part des contributions que
vous indiquez.
Je dis qu'avec ce système vous ne savez pas à quelles
conséquences vous pouvez arriver. L'honorable M. Cogels a fait des calculs
purement hypothétiques. Sortons des hypothèses et entrons dans la réalité.
Seriez-vous d'avis d'exempter ceux qui ont une cote de contributions de 100,
120, 140 francs ? (Non !non !) Evidemment
vous ne seriez pas de cet avis. Eh bien c'est ce que vous faites. Je tiens des
agents supérieurs de l'administration des finances avec qui j'en ai conféré ce
matin que dans la ville de Bruxelles, et par le système de la section centrale,
on irait jusqu'à exempter des cotes de 140 fr. Cela suffit, je pense, pour
démontrer qu'il ne peut pas être admis et qu'il faut se rapprocher autant que
possible du système du gouvernement qui consiste à répartir l'emprunt sur un
plus grand nombre de contribuables, en exemptant toujours ceux qui ne peuvent
pas payer. Pour atteindre ce but on prend ou la moitié ou les deux tiers les
plus imposés et on leur fait supporter la totalité de la somme réclamée. Cela
me paraît juste, équitable, et l'on est
assuré de la sorte de ne pas faire payer les petits contribuables, que l'on
veut exempter.
M. Eloy de
Burdinne. - Messieurs, j'avais demandé la parole pour faire
les mêmes objections que vient de vous soumettre M. le ministre des travaux
publics. Il est certain que ce qu'il vient de vous dire se réalisera : il y
aura des cotes de 130, 140 et même 150 fr. qui, dans certaines localités, ne
seront pas appelées à donner leur contingent à l'emprunt.
Je consentirai à ce
qu'on exempte la base des portes et fenêtres, mais je ne donnerai pas mon
assentiment, quant au mobilier ; ce serait favoriser en général la classe aisée
au détriment de la classe pauvre.
Je désire cependant
qu'on exempte de cette base les locataires qui louent des appartements.
Ceux-là, certes, seront grevés, en ce sens qu'ils n'ont pas la faculté de faire
estimer la valeur de leur mobilier, qu'ils doivent quintupler la valeur
locative.
Messieurs, vous
conviendrez avec moi, que la loi qui nous occupe a été conçue, examinée dans un
moment où tous nous sommes préoccupés des événements. Selon moi, cette loi est
injuste, en ce sens qu'elle ne tend pas à prendre l'argent là où il se trouve.
Il est des classes qui sont moins surchargées que d'autres.
Nous cherchons par
tous les moyens à employer la classe ouvrière ; eh bien, dans une séance
précédente, l'honorable M. David vous a démontré qu'en mettant dans la gêne la
classe la plus nombreuse du pays, cette classe n'aura plus le moyen d'acheter
des vêtements et de se procurer les autres produits de l'industrie.
Toutefois, je sens la
nécessité de donner au gouvernement ce qu'on pourra, pour parer aux embarras
dans lesquels nous nous trouvons. Mais j'avoue que je ne puis adopter le projet
tel qu'il est présenté ; d'un autre côté, je ne voterai pas contre, par le
motif que le gouvernement a besoin de fonds et qu'en outre, le gouvernement en
fait en quelque sorte une question de cabinet ; je ne veux pas qu'on puisse un
jour venir me dire que j'ai contribué à renverser un cabinet dans un moment
comme celui où nous nous trouvons. Dans ce cas, je devrai m'abstenir.
On a demandé
d'exempter de la contribution personnelle les aubergistes et les commerçants
qui louent des habitations dans des situations fort favorables à leur commerce.
Mais si cette position est favorable à leur commerce, ils font des affaires en
conséquence ; et d'ailleurs ils tiennent compte de tout, pour fixer le prix des
marchandises qu'ils vendent. L'aubergiste qui doit payer un impôt personnel,
fait payer au voyageur qui loge chez lui sa quote-part de cette contribution.
A entendre M. le
ministre des travaux publics, il paraîtrait que ce sont les seuls citadins qui
payent l'impôt personnel à Bruxelles.... Mais, messieurs, un grand nombre de
campagnards aisés ont des hôtels à Bruxelles, et y payent un impôt personnel
très élevé.
Messieurs, une chose
qui m'a étonné, c'est de voir que l'impôt personnel est appelé à ne fournir que
6/12 à l'emprunt, tandis que l'impôt foncier est appelé à lui fournir 20/12.
Croyez-vous donc que la propriété soit généralement
dans l'aisance ? Ne le pensez pas ; il en est autrement ; il faut habiter les
campagnes, pour pouvoir apprécier la triste position où elles se trouvent.
Quant aux petits
contribuables, je suis d'avis qu'il ne faut pas les imposer. Je crois que la
contribution personnelle, par exemple, aurait dû payer à raison des 12/12,
quand vous frappez l'impôt foncier à raison de 20/12, mais en exemptant le
petit contribuable.
Mais, je le répète,
la loi a été enfantée dans un moment où l'on ne peut guère s'occuper
essentiellement de ces sortes de loi.
Enfin je le regrette,
mais ne pouvant voter la loi et ne voulant pas voter contre, je m'abstiendrai.
M. Verhaegen. - Messieurs,
l'on paraît être généralement d'accord
sur la base des portes et fenêtres que le gouvernement, dans son amendement
fait disparaître et que tout le monde considère comme injuste. Je n'ai donc pas
à m'occuper de ce premier point.
Mais on n'est pas
d'accord sur une autre base que je me suis permis de critiquer : je veux parler
de la base du mobilier. On prétend qu'en exceptant cette base, on exempte les
grands propriétaires, les grandes fortunes, en même temps qu'on exempte les
marchands, les détaillants, les aubergistes ; mais j'ai tout lieu de croire,
d'après les observations de M. Cogels, que cet honorable membre se propose de
présenter un nouvel amendement pour faire exempter ceux qui seraient frappés
injustement, tout en maintenant les grands propriétaires, car quoi qu'en ait
dit l'honorable M. Eloy de Burdinne, les marchands, les détaillants qui ne sont
pas dans une position brillante, beaucoup s’en fait, sont frappés d'une manière
exorbitante. Je crains bien, ainsi que j'ai eu l'honneur de le dire tantôt,
qu'en dépit de toute leur bonne volonté, de tout le patriotisme qui les anime,
ils ne soient dans l'impossibilité de satisfaire à l'emprunt, si cette base
était maintenue. Je citerai, par exemple, les marchands de la rue de la
Madeleine. Dans les temps ordinaires, ils prospèrent, ils font face à leurs
besoins, mais leur commerce est un commerce de luxe et qui tient à la mode ;
or, ce genre de commerce est le premier qui souffre d'une crise.
Aussi leur débit
est-il nul en ce moment. Ils ont des loyers qui s'élèvent jusqu'à 4,000 francs
et plus, et ils ne peuvent s'en retirer qu'en sous-louant ; d'où résulte pour
eux l'obligation de payer la contribution mobilière basée sur le quintuple de
la valeur locative. Leur mobilier est donc évalué à vingt mille francs. Ils ont
à payer de ce seul chef une contribution de deux cents francs et ils devraient
payer en outre cette somme à titre d'emprunt. Cela est-il juste ? Cela est-il
exécutable ?
Messieurs,
atteindriez-vous votre but, en exemptant ceux qui louent des appartements ?
J'en doute ; souvent vous exempteriez ceux qui n'ont aucun droit à l'exemption
; en effet il suffirait à celui qui habiterait un somptueux hôtel de sous-louer
un appartement pour être exempté. L'exemption telle qu'on la propose donnerait
donc lieu à des abus, et dès lors il faut établir une règle générale
d'exemption pour le mobilier. Je sais bien que toute règle a ses inconvénients,
mais il faut choisir celle qui en présente le moins. Au reste, il me serait
difficile de formuler un système. Encore une fois, je reconnais en cette
matière mon incompétence. Que l'on indique une règle qui offre toutes les
garanties désirables, je suis prêt à m'y rallier. Mais je crois que c'est
extrêmement difficile.
Pour les hôtels, on
se borne à parler de ceux de Bruxelles. Mais l'honorable M. Lebeau et moi nous
ne nous sommes pas occupés exclusivement de Bruxelles. Nous avons traité la
question à un point de vue général.
Il est évident,
messieurs, que les lois de 1822 ont été faites par les grands propriétaires
contre les villes ; c'étaient des impôts destinés à dégrever les campagnes ;
aussi Bruxelles, Anvers, Gand et Liége payent-ils le tiers de la totalité de
l'impôt personnel. Bruxelles seul en paye le septième. Cela mérite de fixer
l'attention de la chambre.
On dit que jamais les
hôtels n'ont été plus prospères, et encore une fois on parle des hôtels de
Bruxelles. Je l'admets pour les hôtels de premier ordre, pour les hôtels de
premier ordre, pour les hôtels de la place Royale, de la rue de l'Evêque, de la
rue Neuve. Mais je dis en même temps que les hôtels de deuxième et de troisième
ordre sont loin de prospérer et se ressentent fortement de la crise.
Mais, je le répète,
ne nous occupons pas seulement des hôtels de Bruxelles : demandons-nous quel
est le sort des hôtels à Matines, Louvain, Alost, Tirlemont et même à Liège et
à Anvers.
Est-ce que vous
croyez que l'établissement des chemins de fer a fait prospérer les hôtels ?
Je crois donc avec l'honorable M. Lebeau que les
hôtels qui payent la patente, la contribution personnelle en raison de la
valeur locative et du mobilier évalué au quintuple de la valeur de ce mobilier,
en outre un impôt spécial pour les appartements qu'ils louent, participent à
l'impôt dans une proportion inégale, exorbitante, et que ce serait une
injustice nouvelle ajoutée à tant d'autres que de comprendre, pour eux du
moins, au nombre des bases de l'emprunt, la contribution basée sur le mobilier.
Quant à la question
de savoir si, pour les bases admises par le gouvernement, il faut admettre
l'exemption du quart en nombre des moins imposés ou bien le quart en somme, je
crois que les observations de M. le ministre des travaux publiss feront
réfléchir les auteurs de l'amendement appuyé par M. Cogels. J'espère qu'à cet
égard-là de nouveaux développements seront encore donnés.
M. de La Coste. -Messieurs,
l'amendement de la section centrale, comparé à celui du gouvernement,
présenterait un résultat beaucoup moins favorable aux plus imposés. En effet,
les plus imposés seront certains de payer le double de leurs contributions ; et
si l'on prend au contraire le nombre des contribuables pour base, peut-être les
plus imposés ne payeront-ils que le tiers ou la moitié en sus.
Ainsi, par exemple,
suivant la proposition de la section centrale, les personnes qui tiennent des
chevaux payeront pour chaque cheval 150 francs, y compris la contribution
ordinaire de l'année ; on payera donc pour un attelage de deux chevaux 300
francs. Voilà, messieurs, une taxe somptuaire, certainement très élevée.
(page 1423) Cependant, messieurs, la question est réellement de
savoir si les sacrifices auxquels les plus imposés doivent se résigner
n’iraient pas, d’après les observations de l’honorable ministre jusqu’à la
duperie ; c’est-à-dire si l’on n’irait pas jusqu’à exempter de la sorte
des personnes qui, d'après la mesure de leurs moyens, peuvent être fort bien
appelées et doivent être appelées aux sacrifices que le pays s'impose.
Les observerons de
l'honorable ministre ont sous ce rapport beaucoup de force. Cependant celles de
l'honorable M. Mercier ont aussi la leur. Peut-être concilierait-on les choses
en prenant, au lieu de la moitié, les deux tiers de la somme.
Messieurs, en
demandant la parole, j'ai eu principalement en vue de rencontrer une
observation qui a déjà, sous des formes différentes, été répétée deux fois et
qui pourrait influer sur votre décision relativement à une base d'emprunt que
nous allons discuter. Je voudrais réserver la discussion à cet égard. Il s'agit
de la base d'emprunt qui concerne les fermiers.
L'honorable M. de
Garcia a proposé d'atteindre le mobilier afin de supprimer la base d'impôt qui
concerne les fermiers locataires. L'honorable M. de Corswarem avait déjà
annoncé l'intention d'augmenter l'emprunt sur les fonctionnaires dans le même
but. Eh bien, messieurs ! je crois qu'on doit considérer ces questions
isolément l'une de l'autre. En effet, M. le ministre de l'intérieur nous a
déclaré plusieurs fois qu'il demandait une somme de 23 millions, et le compte
du gouvernement, qui est inséré dans le rapport de la section centrale, fait
monter ce qu'il demande à 27 millions et demi. Si donc vous retranchez la base
relative aux fermiers, il reste encore 26 millions.
Nous pouvons donc
réserver cette question, et j'espère bien que quand nous en viendrons à la
discussion de cette base, le gouvernement, qui a fait tant de concessions à
d'autres intérêts, voudra bien en faire une à nos principes, à des intérêts qui
ne sont pas les nôtres, mais que par un esprit de justice nous croyons devoir
défendre. Messieurs, veuillez remarquer avec quel désintéressement, j'ose le
dire, ceux d'entre nous qu'on peut considérer comme chargés plus spécialement
de défendre les droits des propriétaires ruraux ont agi. Nous avons invoqué le
principe de l'égalité de la répartition ; mais en fait qu'avons-nous fait ?
Nous avons constamment augmenté les charges qui pèsent sur nous. Messieurs, les
propriétaires qui ne jouiront point de l'exemption payeront presque autant dans
l'emprunt de 25 millions qu'ils auraient dû payer d'après les propositions
primitives du gouvernement, dans l'emprunt de 40 millions. Car, y compris les
huit premiers douzièmes, ils payeront 21 1/2 douzièmes de l'impôt foncier. Ils
seront donc dégrevés seulement de 2 l/2 douzièmes sur les 24 demandés d'abord.
Ce qu'on demande en
personnel retombera du reste sur eux comme sur tous les contribuables qui se
trouveront dans la première catégorie.
L'honorable M.
Verhaegen a bien voulu prendre tout à l'heure ce dont je le remercie, la défense
de Louvain et de Tirlemont. Cependant, je pense que la question, quant aux
portes et fenêtres, n'est pas tout à fait la même pour ces villes que pour
Bruxelles. Au contraire, on détruit l'avantage que la loi leur donne.
Je crois que la thèse qu'a défendue l'honorable M.
Lebeau est peut-être soutenable dans les circonstances extraordinaires où l'on
se trouve, mais qu'il ne faudrait pas la considérer comme admise en principe
par la chambre. Car je ne vois pas, quant à moi, pourquoi un homme riche qui
loge en hôtel garni doit être plus ménagé qu'un contribuable qui habite une
maison particulière. Or, ce serait là peut-être le résultat auquel on
arriverait dans le système de l'honorable député de Bruxelles.
Je ferai encore remarquer
que les propriétaires qui ont deux habitations, l'une à la ville et l'autre à
la campagne, payent non-seulement dans la ville pour leur habitation de ville,
mais payent encore pour leur habitation de campagne. Cela est, je crois, établi
par l'article 61 de la loi sur la contribution personnelle. Eh bien ! Voilà,
selon moi, une injustice, non pas envers ces propriétaires, mais envers les
communes rurales. Car la cotisation de ces propriétaires ne comptera pas à la
campagne dans la première catégorie et n'y concourra pas au dégrèvement des
autres habitants.
- La clôture est
demandée.
M. Mercier (contre la clôture).
- Messieurs, la question dont il s'agit au second paragraphe me paraît de la plus haute importance ; je
désirerais ajouter encore quelques observations qui ont été présentées dans le
sein de la section centrale et exposer quelques faits. Je demande donc que la
discussion continue.
- La clôture est mise
aux voix. La chambre décide que la discussion continue.
M. Mercier. - Messieurs,
l'honorable ministre des travaux publics nous faisait remarquer tout à l'heure
qu'avec le système de la section centrale, on ne savait pas où l'on allait,
c'est-à-dire qu'on ne savait pas à quelle cote on s'arrêterait. Mais je
répondrai à l'honorable ministre que ce vice est inhérent aux deux systèmes.
Dans le système du gouvernement, on ne sait pas davantage à quelle cote on
s'arrête, et bien plus on ne peut même apprécier quel sera le surcroît de
charge que devront supporter les contribuables les plus imposés, tandis qu'on
le connaît d'une manière très précise dans le système qu'il combat.
On a cité la ville de
Bruxelles. Je doute fort que l'expérience ait été faite sur l'ensemble de
toutes les sections, ce qui serait nécessaire, puisque c'est à leur ensemble
que la disposition doit s'appliquer. Mais enfin il est possible qu'à Bruxelles
on exempte des cotes assez élevées, parce que c'est la capitale, parce que
c'est une ville de luxe.
Messieurs, la section
centrale n'a présenté son système qu'après avoir consulté des faits nombreux et
avoir entendu les observations de deux de ses membres dont l'un appartient à la
ville de Gand et l'autre à la ville de Mons. Il résulte des recherches qui ont
été faites à Gand et à Mons, que si l'on n'exemptait que la moitié en nombre,
beaucoup de cotes infimes participeraient à l'emprunt. Il doit en être de même
dans la plupart des villes du royaume.
Si l'on ne sait, ni dans l'un ni dans l'autre système,
à quelle quotité on s'arrête, j'aime mieux qu'on se trompe en exemptant
exceptionnellement quelques contribuables qui, à la rigueur, pourraient subir
l'emprunt, que de courir le risque d'imposer de pénibles sacrifices à ceux qui
ne pourraient les supporter.
C'est pour cela que
je crois qu'il faut donner la préférence au système de la section centrale.
Plus de petits contribuables seront exemptés et si, dans le nombre, quelques
contribuables très rares, qui pourraient payer, sont exemptés, cet inconvénient
sera compensé par le bien qu'on fera à une foule de petits contribuables.
- La clôture est
demandée.
M. de Garcia (contre la clôture).
- Messieurs, cette question est importante, car l'amendement présenté par la
section centrale, en remplacement de la proposition du gouvernement, porte sur
l'une des bases qui, dans l'intérêt de la classe des contribuables, doit
attirer le plus notre attention, et cependant ce point n'est pas éclairci.
Le principe posé par
le gouvernement a été mis en pratique en 1831. Je désire que le gouvernement
nous dise si ce système n'a pas eu d'inconvénients, n'a pas produit de mauvais
résultats. Sa réponse, à cet égard, doit avoir une grande influence sur mon
vote. Décidément, si le système expérimenté, en 1831, n'a pas eu
d'inconvénients, je le préférerai à un système nouveau, dont je ne puis mesurer
toute la portée dans l'application.
M. le ministre des finances
(M. Veydt). - Messieurs, en 1831, l'expérience n'a pas été faite
seulement sur quatre bases ; les six bases ont été atteintes ; mais alors on a
réparti l'emprunt sur une partie des contribuables, pris en nombre, tandis que
la section centrale propose maintenant de le répartir sur les contribuables les
plus imposés qui payent ensemble une certaine somme.
Du reste, messieurs,
je crois que toutes les opinions seraient conciliées si l'on adoptait la
rédaction suivante :
« Elle sera répartie
sur les contribuables les plus imposés payant ensemble, dans chaque commune,
les deux tiers de cette contribution. »
M.
Malou. - Je me rallie à cette rédaction. Le point essentiel
est de maintenir, pour la contribution personnelle, le principe de faire peser
l'emprunt sur les contribuables les plus imposés en somme et non pas sur un
nombre déterminé de contribuables le plus imposés. En effet, sauf quelques cas
très exceptionnels, si vous établissez l'exemption à raison de la somme et non
à raison du nombre, vous exemptez beaucoup plus de contribuables et vous ne
vous exposez pas à faire concourir à l'emprunt ceux qui n'ont qu'une cotisation
minime.
Le but de l'exemption
est de dispenser de la charge de l'emprunt le plus grand nombre possible de
contribuables.
Dominé par cette
considération, j'indique à M. le ministre, comme proposition meilleure, les
contribuables payant en somme les trois quarts de la contribution ; de cette
manière vous évitez tout à la fois l'inconvénient de frapper les petites cotes,
et cet autre inconvénient qui a été signalé, de faire porter l'emprunt sur un
nombre trop restreint de contribuables.
M. le ministre des finances
(M. Veydt). - Je me rallie encore plus volontiers à la
proposition des trois quarts ; elle se rapproche davantage des idées du
gouvernement.
- La discussion est
close.
M. le président. - Je crois qu'il conviendra de voter séparément
sur les paragraphes. (Adhésion.)
Le paragraphe
premier, d'après la proposition de la section centrale, serait ainsi conçu :
« La seconde partie de
l'emprunt sera égale à la moitié du produit de la contribution personnelle,
déduction faite des centimes additionnels au profit des provinces et des
communes. Moitié est exigible le 15 mai prochain, l'autre moitié le 15 juillet
suivant. »
Le gouvernement a
proposé l'amendement suivant :
« La seconde
partie sera égale au montant de la contribution personnelle portant seulement
sur la valeur locative, les foyers, les domestiques et les chevaux. Une moitié
est exigible le 1er juin 1848 et l'autre moitié le 15 juillet suivant. »
M. le ministre des travaux publics (Frère-Orban). - Quant au premier
paragraphe, il faudrait, je pense, mettre aux voix la question de savoir si
l'on admet les six bases, comme le propose la section centrale, ou seulement
les quatre bases, comme le propose le gouvernement.
- La question de savoir si l'on admet les six bases
est mise aux voix et résolue négativement. En conséquence la proposition de la
section centrale n'est pas adoptée.
La proposition du
gouvernement est ensuite adoptée.
« § 2 (proposition de
la section centrale, à laquelle le gouvernement s'est rallié). Elle sera
répartie sur les contribuables les plus imposés payant ensemble, dans chaque
commune, la moitié du montant du rôle de ladite contribution. »
(page 1424) M. le ministre des finances (M. Veydt). - La chambre
ayant décidé que l’emprunt ne porterait que sur les 4 bases, je proposerai de
dire :
« Elle sera répartie
sur les contribuables les plus imposés payant ensemble, dans chaque commune,
moitié du montant du rôle de la dite contribution, afférant aux première,
troisième, cinquième et sixième bases établies par la loi du 28 juin 1822
(Journal officier, n°15). »
M. Broquet-Goblet. - Je crois,
messieurs, que l'article n'est pas complet, n'est pas conforme à ce qu'a voulu
le gouvernement, ainsi que la section centrale. Il faudrait ajouter après le
mot : « répartir » ceux-ci : « au marc le franc de leurs cotes
respectives. »
M. le ministre des finances
(M. Veydt). - Je me rallie à cette rédaction.
- Le paragraphe ainsi
modifié est mis aux voix et adopté.
L'article est ensuite
adopté dans son ensemble.
M. le président. - Nous sommes arrivés à l'article 6 primitif
devenu l'article 8.
M. le ministre des finances
(M. Veydt). - En conséquence des articles qui ont été adoptés par
la chambre, il est nécessaire de modifier la rédaction de l'article 8. Je
propose la rédaction suivante :
« Lorsque la
division ne pourra s'effectuer d'une manière exacts, à cause de l'égalité des
cotes, les contribuables que ces cotes concernent participeront à l’emprunt,
mais en raison seulement du montant des cotes nécessaires pour compléter soit
les 7/8 de la contribution foncière, soit des 3/4 des contribuables les plus
imposés aux rôles de la contribution personnelle.
« Dans les communes
où les rôles de la contribution foncière et de la contribution personnelle sont
formés par sections, la répartition sera établie entre des contribuables qui
doivent y concourir dans la commune et non dans chaque section en particulier.
»
M. Delfosse. - Il faut modifier la fin du premier paragraphe
proposé par M. le ministre des finances. Ce n'est pas les trois quarts de plus
imposés qu'il faut dire, mais bien les 3/4 de la contribution personnelle ; on
a décidé tantôt qu'on prendrait pour base le montant de certains cotes réunies
et non le nombre des contribuables.
M. le ministre des finances
(M. Veydt). - Oui ; l'observation est exacte.
M.
Delfosse. - On a décidé que ceux qui participeraient à
l'emprunt payeraient entre eux la part de ceux qui sont exemptes ; ceux qui se
trouveront au bas de l'échelle des plus imposés, et dont les cotes seront
égales, devront donc fournir ensemble ce qui manquera pour compléter non les
3/4 des sommes à recouvrer, mais la totalité.
M. le ministre des finances
(M. Veydt). - Messieurs, cette proposition des 7/8 et des 3/4
jette une certaine confusion dans la rédaction. Si nous faisions comme pour
l'article 2, je crois que nous arriverions à une rédaction plus simple. Il
faudrait dire ainsi :
« Lorsque la division
ne pourra s'effectuer d'une manière exacte, à cause de l'égalité des cotes, les
contribuables que ces cotes concernent participeront à l'emprunt, mais en raison
seulement du montant des cotes nécessaires pour compléter, soit les 7/8 de la
contribution foncière, soit les 3/4 de la contribution personnelle. »
M. Mercier. - Nous avons déjà
voté une disposition qui indique comment les contribuables payant les 3/4 de la
contribution personnelle ou les 7/8 de la contribution foncière devront
supporter le quart ou le huitième restant. Mais il s'agit maintenant d'une
disposition tout à fait secondaire ; il s'agit uniquement de dire quelles sont
les contribuables qui, dans le cas de partage, entreront dans l'emprunt, et
pour quelle quote-part ils y participeront.
M. le président. - M. Mercier propose de conserver les mots :
« soit les 3/4 de la contribution personnelle.
- L'article 8 est mis
aux voix et adopté.
Article 9
M. le président. - Nous arrivons à l'article 9 (ancien article
7).
M. le ministre des finances
(M. Veydt). - Cet article doit être ajourné jusqu'à ce qu'on ait
statué sur la troisième base.
- La chambre,
consultée, ajourne l'article 9.
Article 10
« Art. 10 (ancien
art. 8). La troisième partie de l'emprunt sera égale à 5 p. c. de l'intérêt
annuel des rentes et des capitaux donnés en prêt, garantis par une hypothèque
conventionnelle sur des immeubles situés en Belgique.
« Elle sera payé au
bureau du receveur de l'enregistrement, par moitié, le 1er juin elle 1er août
1848, par le propriétaire ou usufruitier de la rente ou de la créance,
nonobstant toute convention contraire.
« Les poursuites
auront lieu en matière d'enregistrement. »
M. le président. - Cet article n'est adopté par la section
centrale.
M. le ministre des
finances déclare ne pas se rallier à la suppression proposée par la section
centrale.
M. de Denterghem. - Je prie la
chambre de considérer que je me place sur le terrain désigné par la
Constitution : Les membres des chambres représentent la nation. C’est du point
de vue de l'intérêt général que je veux essayer de traiter une question ; ou
bien, avant de puiser à une source, je veux voir ce qu’elle peut donner, parce
que je ne veux pas la frapper de stérilité pour l'avenir.
Parce que les
céréales ont été à des prix fort élevés pendant deux ans, on croit qu'une
partie du numéraire est allée dans les campagnes ; Il y a là une immense erreur
; les pommes de terre ont manqué pendant une année, et l'année suivante les
céréales n'ont donné que le quart d'une recolle ordinaire, d'où il est résulté
que le fermier n'avait pas même le nécessaire pour sa propre consommation, d'où
il est résulté que non seulement il n'avait pas de quoi vendre pour payer le
loyer de sa ferme, mais il était encore dans l'obligation de vendre son bétail,
sans l'avoir engraissé, ce qui constituait une seconde perte à ajouter à la
première.
C'est ainsi que,
pendant deux années de suite, il y a eu crise. A l'heure qu'il est, les
céréales sont à un prix tellement minime, qu'il est en dessous d'un prix
normal.
M. le ministre des
travaux publics a dit dans une précédente séance que plus de 2,409 communes
rurales ayant 3,243,425 habitants ne supportent que 19,789,634 fr. 80 c, tandis
que 86 villes qui ont une population de 1,091,894 habitants supportent
10,859,684 fr. 13 c.
.Pour la contribution
personnelle :
Dans les
villes : fr. 4 63 c.
Dans les communes
rurales : fr. 1 25 c.
Pour les
patentes :
Dans les
villes : fr. 1 67 c.
Dans les communes rurales :
41 c.
Que voulait prouver
M. le ministre par cette citation ? Que les villes comparées aux, campagnes
payaient au-delà des proportions.
Mais M. le ministre
oublie que toutes les classes opulentes refluant vers les villes, elles y font
des dépenses considérables, une foule d'industries vivent toutes de ces
dépenses alimentées pour la plupart par la sueur du fermier, et toute cette
population qui vit du luxe ni jouit-elle pas d'une aisance bien plus grande que
les fermiers ? A tel point que la classe moyenne dans les campagnes peut être
comparée à la classe la plus pauvre dans les villes.
Voilà une habitation
qui est une petite ferme, vous appelez l'homme qui l’habite fermier. Eh
bien ! non, ce n'est qu'un ouvrier et son habitude constante d'une économie
extrême rend seule son existence possible.
Parlez aux habitants
des villes de se nourrir toute l'année d'un pain noir grossier, d'une soupe de
lait battu mêlée avec un peu de farine et, quant à la viande, il n'en mange pas
deux fois dans une année.
N'est-ce pas
l'existence des plus misérables dans les villes ? Eh bien, c'est l'existence de
l'ouvrier, du petit fermier ; c'est l'immense majorité des habitants dans la
campagne.
Est-il étonnant après
cela que 3,242,425 habitants produisent 19 millions 789,634 fr. de
contributions et quand on pèse l'opulence des uns et la misère des autres,
dites-moi, M. le ministre, si l'avantage de la proportion est encore pour les
villes.
Si un homme opulent
habite la campagne, c'est un bonheur pour la commune, parce qu'il fait
travailler, parce qu'il fait plusieurs espèces de dépenses utiles à la
population. Ce qui est une exception pour les campagnes est une position
normale pour les villes.
Pour la contribution
personnelle dans les campagnes, celui qui a des chevaux de luxe forme une bien
rare exception, tandis que dans les villes, au contraire, celui qui n'a pas au
moins un cheval et un voiture forme une exception.
Dans les villes,
presque tout le monde a un personnel domestique plus ou moins nombreux, et chez
qui trouvez-vous des domestiques dans les campagnes ?
Pour les patentes,
mais tous ceux qui payent la patente habitent dans les villes. Les habitants
des campagnes viennent à la ville les jours de marché ; ils achètent alors une
foule d'objets sur le prix desquels on prélève ce droit de patente, et ainsi
l'argent du fermier fournit ce produit à l'Etat aussi bien que celui des
habitants des villes.
Quand j'entends un
homme aussi éminent que M. le ministre des travaux publics donner de telles
raisons, cela prouve qu'il n'en a aucune à citer qui soit juste.
Il s'agit du
l'industrie agricole, elle qui mérite protection comme les autres. La matière
première de cette industrie, c'est le sol ; et après deux années de crise, et
lorsqu'on se trouve encore dans une espèce de crise, si on veut frapper la
matière première de cet industriel, je dis que c'est s'exposer à le précipiter
à sa ruine.
Ce n'est pas parce
que cet industriel est plus à portée qu'il faut l'imposer aussi facilement,
cela ne prouve pas la justice de l'acte.
Enfin, messieurs, il
faut rester conséquent avec soi-même. Vous exigez des propriétaires fonciers de
grands sacrifices. Mais cet argent que vous exigez des propriétaires, de qui
doit-il provenir si ce n'est des fermiers ? Si le fermier ne paye pas ses baux,
comment voulez-vous que le propriétaire foncier puisse vous donner de l'argent
? Il ne peut tirer de l'argent d’une caisse vide. Si vous êtes trop exigeants
pour le propriétaire foncier, qu'en résultera-t-il ? C'est qu'il ne pourra
donner au fermier le crédit dont il a besoin.
Messieurs, je ne
dirai qu'un mot en passant sur un incident qui s'est élevé hier.
Je crois que les
propriétaires payeront. J'en ai la conviction, parce que j'ai la plus grande
foi dans leur patriotisme. Mais je n'hésite pas à dire que beaucoup de
propriétaires seront obligés de lever des fonds pour payer l'impôt et qu'ils
seront obligés de les lever à des conditions très onéreuses.
Messieurs, si le
fermier est obligé de payer immédiatement ou plus tôt que de coutume son
propriétaire, parce que ce propriétaire a des besoins extraordinaires, comment
voulez-vous exiger que ce fermier qui va être obligé de payer son propriétaire,
commence, d'abord par payer des (page
1425) contributions ? Evidemment si vous commencez par tarir les sources de
la caisse, il sera d'autant plus gêné pour payer son propriétaire ; et est-il
raisonnable d’exiger que l'on paye le gouvernement avant d'acquitter une dette
personnelle ?
Messieurs, quand un
vaisseau est dans un canal, on a soin de lui laisser l'eau nécessaire pour y
voguer. Eh bien, messieurs, ne commencez donc pas par tarir les sources qui
doivent fournir l'eau nécessaire.
Comment pourrait-on
supposer qu'un industriel qui aurait repris un grand établissement, pourrait
payer ses actionnaires alors que, par une cause quelconque, il serait obligé
d'user de ses capitaux, pour solder une, obligation qu'il aurait contractée ?
Evidemment il serait dans la nécessité de surseoir à l'un ou à l'autre.
Mais il est encore une chose qui me frappe.
L'industrie agricole est une industrie comme une autre. Pourquoi veut-on la
frapper deux fois, alors que l’on ménage les autres industries. Et non
seulement on ne ménage pas l'industrie agricole, mais une partie des fonds
qu'on veut aller chercher dans ses caisses va servir à donner l'existence à
d'autres industries. Je ne m'élève pas contre cette mesure, j'en comprends la
nécessité ; mais je crois qu'il faut de la modération, qu'il faut de la justice
; qu'il ne faut pas tout exiger de l’un à l'avantage exclusif de l'autre. Tous
nous sommes intéressés au maintien de l'ordre ; eh bien, donnons tous chacun
selon nos moyens et dans de justes proportions.
Messieurs, je finis
en demandant que l'on supprime l'impôt qui concerne les fermiers. Il me semble
impolitique et injuste.
Toutefois si la
chambre croit qu'il est nécessaire d'exiger un sacrifice de la part de quelques
fermiers, il faudrait au moins avoir égard à la majeure partie d'entre eux, et
il ne faudrait imposer que les plus grands fermiers, dire, ceux qui ont les exploitations
les plus considérables, c’est-à-dire ceux qui ont le moins souffert des crises
que nous venons de traverser et qui se ressentent moins encore de la crise dans
laquelle nous sommes.
M. le ministre des finances
(M. Veydt). - Messieurs, le projet de loi déposé le 16 mars
dernier, portait le chiffre de l'emprunt à 40 millions jusqu'à la fin de 1848.
Afin de répondre à la demande de la plupart des sections, le gouvernement s'est
renfermé depuis dans un chiffre de 25 millions, pour les dépenses prévues d'ici
au premier septembre. La première réduction opérée par nous a été de porter de
la moitié au quart la troisième partie de l'emprunt à fournir par les fermiers
ou locataires. Au lieu de trois millions, leur part contributive ne sera plus
que de 1 million 500,000 fr. Malgré les objections que nous avions prévues,
faut-il maintenir celle participation ? Pour la justifier il y a d'abord la
nécessité. Les besoins auxquels il s'agit défaire face s'élèvent à plus de 37
millions, déduction faite de l'avance des 8/12, il reste plus de 25 millions.
En bien, si nous n'avons pas la ressource de la troisième base, ou une
augmentation équivalente, qu'il est bien difficile de trouver, il y aura
déficit.
M. de La Coste. - Le produit de
l'emprunt serait de vingt-sept millions.
M. le ministre des finances
(M. Veydt). - Non ; en contrôlant de nouveau les appréciations
du produit de chaque base, ou n'arrive qu'à 26,160,000 fr., et alors le produit
des retenues sur les traitements et pensions est porté comme une rentrée à
opérer d'ici au 1er septembre ; ce qui ne peut avoir lieu. La réduction
provient de la quatrième base, les rentes et créances hypothécaires. Elle avait
été évaluée à 2,500,000. Des investigations ultérieures et des renseignements
pris dans trois bureaux importants doivent faire croire que le produit ne sera
que de 1,500,00j fr. C'est même deux cent mille francs au-dessus des calculs
que j'ai ici. En voici ses chiffres. Le total de la dette, hypothécaire pour
tout le royaume est représenté, d'après cette appréciation, dont je ne puis
garantir l'exactitude, car les données positives me manquent, à 632,418,569 fr.
Le revenu de ce capital, au taux moyen de 4 p. c, est de 25,296,742 fr. et un
emprunt de 5 p. c. de ce revenu s'élèverait à 1,264,837 fr.
Pour réaliser les
26,160,000 fr., il faut que toutes les rentrées aient complètement lieu et
raisonnablement, personne ne peut compter sur un pareil résultat, malgré la
précaution prise de prélever l’emprunt sur les contribuables réputés aisés. Il
y aura un déficit, il y aura des non-valeurs, malgré la sollicitude de
l'administration pour la rentrée de l'emprunt.
Voilà pour justifier
la nécessité. L'admission de la troisième base se justifie au point de vue du
l'équité par les considérations suivantes : les fermiers locataires constituent
une classe de contribuables qui, sans la troisième base, reste pour ainsi dire
complètement en dehors de l'emprunt. Leur quote-part dans la deuxième base, qui
repose sur la contribution personnelle, sera insignifiante. La première base
leur est étrangère, puisqu'ils devraient être propriétaires pour être atteints
par elle, ils ne payeront pas comme porteurs de rentes ou de créances
hypothécaires (quatrième base) ; ce n'est pas à de pareilles acquisitions
qu'ils emploient leur argent. Ils n'ont rien de commun avec la cinquième base,
qui ne concerne que les fonctionnaires. Or, pour une mesure comme celle dont il
s'agit, le gouvernement a pensé qu’il ne fallait pas admettre d'exceptions en
faveur d'une classe de la société, quel que soit d'ailleurs l'intérêt qu'elle
inspire.
On a dit que, malgré l'intention manifestée par le
législateur lors du vote de la loi des huit douzièmes, les fermiers ont, en
grande partie, dû acquitter l'emprunt à la décharge des propriétaires. Je suis
porté à croire que cela n’a pu exister que très exceptionnellement ; car les
biens d'un même propriétaire sont réunis en un seul article du rôle et la
division des cotes étant interdite, il aurait fallu qu'un locataire acquittât
la totalité de la cote à la décharge des colocataires, si l'on exigeait d'eux
qu'ils payassent à la décharge du propriétaire. Evidemment cela n'a pas eu
lieu.
Voici encore un
renseignement qui tend à le prouver. Afin d'éviter des déplacements nombreux
aux propriétaires, ils ont eu la faculté d'acquitter toutes leurs cotes au
bureau de leur domicile. Les versements ainsi opérés ont été considérables. Il
résulte des renseignements recueillis jusqu'ici et qui sont loin d'être
complets puisqu'ils ne se rapportent qu'à 70 bureaux, qu'une somme de 910.600
fr. a été perçue pour des biens situés dans d'autres communes. Les
propriétaires ont donc payé eux-mêmes et si des fermiers ont payé, c'a été pour
le compte des propriétaires et sous la condition d'en obtenir le remboursement.
M. Mercier. - Messieurs,
presque toutes les sections ont rejeté cette base de l'emprunt et aucune ne l'a
adoptée sans réserve. C'est qu’en effet cette base n'est pas juste. Elle
frappe, en raison des bénéfices de son industrie, le cultivateur le moins aisé,
celui qui ne possède pas la propriété ; elle exempte au contraire celui qui
possède la propriété. Ainsi, messieurs, je serai cultivateur dans une commune
et mes intérêts m'appelleront dans une autre commune ; je mettrai mes terres en
location, dans ce cas ma propriété contribuera à l'emprunt ; si au contraire je
la cultive moi-même, elle sera exempte. N'est-ce pas là une anomalie choquante
? Ensuite il me semble que toute législation doit reposer sur un principe et
que ce principe doit recevoir une application générale sans privilège pour
personne. Si ceux qui ne possèdent point la propriété sont imposés à raison de
leur industrie, il faut aussi imposer le propriétaire qui cultive sa terre, le
propriétaire qui possède des bois, des prairies qu'il exploite lui-même.
Quoi qu'en ait dit M.
le ministre des finances, il est bien connu que, parmi les propriétaires, il
s'en trouve qui tiennent rigoureusement à l'exécution des clauses de leurs
baux, qui mettent à la charge des fermiers les contributions et emprunts
éventuels. C'est en vain qu'on alléguerait que le fermier peut recourir aux
tribunaux, il s'exposerait à être évincé et il compromettrait tout son avenir.
C'est ce que les fermiers ne feront pas.
Messieurs, qu'on y
fasse bien attention, l'industrie agricole est la seule qui, en ce moment, ne
soit pas protégée contre la concurrence étrangère. Toutes les autres jouissent
de la protection des tarifs ; cependant l'industrie agricole est la seule que
l'on appelle à prendre part à l'emprunt, car les autres industries ne sont pas
imposées, le droit de patente n'est pas compris dans le projet. Par suite de
l'absence de toute espèce de protection pour l'agriculture, on voit tous les jours
le prix des céréales baisser dans une proportion considérable. Le froment
d'après les dernières mercuriales, est à 16 fr. 50 c. et le seigle à 10 fr. 30.
S'il est heureux pour le pays qu'une telle baisse se soit manifestée dans les
circonstances actuelles il faut bien convenir, au moins que ce sont encore les
fermiers qui en souffrent.
Messieurs, ce n'est
pas un emprunt forcé, mais en quelque sorte une contribution forcée que les
cultivateurs ont eu à subir pendant les deux années que nous venons de traverser.
Tous les jours des bandes de 2 à 300 mendiants se présentaient à leur porte ;
certes, ils ont agi par bienfaisance, mais il n'eût pas été sans danger pour
eux de ne pas faire à ces nombreux mendiants des aumônes qui dépassaient de
beaucoup leurs propres facultés. Eh bien, c'est là une contribution énorme
qu'ils ont dû supporter.
Il me semble donc,
messieurs, que c'est une base on ne peut plus mal choisie, que celle qui frappe
les fermiers à l'exclusion même des propriétaires qui sont en même temps
cultivateurs et qui, par conséquent, se trouvent dans une proposition moins
défavorable. J'insiste, pour que cette base ne soit pas admise.
On me demandera
peut-être comment je couvrirais le déficit qui résulterait de la suppression de
ta troisième base.
Messieurs, nous avons amélioré considérablement la
base de la contribution personnelle, d'abord en supprimant les deux bases qui
frappent principalement les villes, ensuite par la mesure qui avait été
proposée par la section centrale ; il n'y aurait donc pas d'inconvénient à
prendre un million de plus sur cette
base, si la chose était nécessaire.
Le gouvernement, qui
avait d'abord combattu le système de la section centrale, en ce qui concerne
les billets de banque, ne me paraît pas
éloigné de proposer aux chambres, soit immédiatement, soit un peu plus tard,
une émission au profil de l'Etat ; si les ressources votées présentent une
insuffisance d'un million, ce million se trouvera bien dans cette émission.
Dans tous les cas,
nous obtenons un chiffre de 24,800,000, fr. sans celle nouvelle ressource ; M.
le ministre des finances n'a évalué la contribution foncière qu'à 18 millions ;
elle s'élève réellement à 18,360,00.fr. Nous arriverons donc à peu près à 25
millions, c'est le chiffre de dépense indiqué par le gouvernement.
M. le ministre des
travaux publics (Frère-Orban). - Il me
paraît que les honorables préopinants se sont préoccupés de la question
qui nous est soumise à un point de vue entièrement erroné ; ils raisonnent comme
si, dans la recherche des moyens pour couvrir l'emprunt, on avait voulu
atteindre spécialement telle propriété, les propriétaires, les industriels, et
ils en déduisent que c'est à tort qu'on vient frapper une catégorie
d'industriels, les fermiers cultivateurs, à l'exclusion d'autres industriels
qui ne sont pas atteints.
La pensée du
gouvernement, en s'arrêtant à cette base, a été entièrement différente. Le
gouvernement a recherché s'il n'y avait pas dans l'Etat un certain nombre
d'individus en état de payer, et qui ne (page
1426) contribuent en aucune façon, sous quelque titre ou dénomination que
ce soit, aux charges de l’Etat.
Le fermier
cultivateur ne donne rien, s'il n'est pas propriétaire ; il ne donne rien ou
presque rien à titre de contribution personnelle. M. le ministre des finances
vient de dire que sur 700,000 maisons qui existent en Belgique, 340,000 ne sont
pas atteintes par cet impôt. Cette exemption profite en grande partie aux
campagnes ; car toutes les maisons d'une valeur locative de 20 fl., qu'elles
soient situées à la ville ou à la campagne, ne sont pas soumises à l'impôt. Or,
s'il existe peu de maisons d'une valeur locative de 20 fl. dans les villes, il
en existe beaucoup dans les campagnes. Voilà donc que, de ce chef, les
fermiers-locataires ne contribueront en aucune façon à l'emprunt que l'on doit
lever sur le pays.
Est-ce qu'il est
injuste de leur demander quelque chose, à titre d'emprunt, s'ils sont en
position de payer quelque chose ? Du moment qu'ils sont en état de contribuer
pour une part dans les charges extraordinaires de l'Etat, vous reconnaissez
qu'il est juste de ne pas leur faire une position privilégiée.
Remarquez que non
seulement ils ne contribueraient pas, à titre d'emprunt, mais qu'en thèse
générale ils ne participent pas aux contributions directes du pays ; ils n'y
participent pas à titre de leur industrie, tandis que les autres industries
contribuent aux charges de l'Etat par la patente. (Interruption.)
Vous faites une assimilation
entre l'industriel agricole et l'industriel manufacturier ; cette assimilation
tourne contre vous, car l'industriel agricole ne paye pas d'impôt à titre
d'industriel agricole ; l'industriel manufacturier paye un impôt à titre
d'industriel.
Ainsi, il y a une
exemption particulière au profit de cette catégorie d'industriels, pour les
impôts ordinaires.
Si vous ne demandez
pas à ces contribuables leur concours, qu'arrivera-t-il ? Il arrivera, pour un
grand nombre d'entre eux, que le propriétaire leur fera supporter l'impôt
foncier ou sa quotité dans l'emprunt, nonobstant la disposition de la loi.
Si, au contraire, les
fermiers locataires sont tenus de fournir une part contributive quelconque,
alors le propriétaire sera bien obligé de garder pour son compte, la part de
contribution qui est réclamée de lui.
On a parlé de la
crise qui a atteint les fermiers en 1845 et en 1846. II s'agit là d'abord d'une
crise passée, et vous ne prenez pas trop en considération la crise qui pèse
actuellement sur l'industrie et qui ne l'empêchera pas de payer ses impôts, et
de contribuer largement à l'emprunt.
Ne faites donc pas,
dans les circonstances où nous sommes, une comparaison entre la position des
industriels manufacturiers et celle des cultivateurs ; s'il y a avantage pour
les uns, ce n'est certainement pas pour les manufacturiers ; on ne sait pas
jusqu'à quel point existe encore aujourd'hui une fortune industrielle, en sait
encore parfaitement ce que représente la fortune agricole.
La question se ramène donc au point de savoir si les
fermiers auxquels on veut s'adresser sont en état de payer. Leur demande-t-on
une part si considérable à titre d'emprunt ? Non, il s'agit en réalité d'une
très petite somme qui ne représente pas deux francs par hectare tenu en location.
Voilà la somme contre
laquelle vous vous récriez si fort, comme si la ruine allait s'ensuivre
immédiatement. Cette part contributive est donc tout à fait insignifiante ; et
si vous considérez que la propriété est très morcelée en Belgique, il est
impossible de supposer qu'aucun d'eux ne soit en position de payer cette
quote-part.
M. Eloy de
Burdinne. - Ils sont en arrière de deux ans pour le payement
de leurs fermages.
M. Cogels. - Indépendamment
des motifs qu'a fait valoir la section centrale, il y en a un pour moi de
refuser mon assentiment à la troisième base : c'est l'impossibilité de
l'établir. En effet, je ne sais comment on parviendrait à former les rôles.
Il est bien vrai que,
dans certaines de nos provinces, il y a de grands locataires. Mais il y en a
d'autres, notamment les Flandres, le Brabant, la province d'Anvers, où beaucoup
de terres sont louées sans baux, par petites parties, Dans la commune même, on
ne connaît pas les locataires, parce que les grands propriétaires font l'avance
de la contribution. Les locataires ne sont pas connus des percepteurs. Je dois
dire qu'il est impossible de les connaître.
Je pourrais citer une
propriété où il y a 382 locataires, et où la contribution n'est pas payée par
eux au percepteur. Ces locataires qui habitent neuf communes différentes, il
serait impossible de les atteindre. Ce sont d'ailleurs la plupart des ouvriers
ne cultivant que pour les besoins de leur propre consommation, et jouissant de
peu d'aisance.
Vous ne faites donc
aucune exception en faveur des petites cotes. C'est cependant là que sont les
personnes qui sont le plus hors d'état de payer.
Ce sont des
locataires qui louent au journal ou à la verge. Vous aurez pour eux la plus
grande difficulté.
D'ailleurs je ne sais
si le gouvernement ne s'est pas trompé sur le produit présumé de cette base. Il
est évalué à 1,500,000 fr. C'est supposer que la moitié des propriétés sont
tenues en location. Or des propriétés exploitées par les propriétaires
eux-mêmes, il faudrait distraire des propriétés livrées à la culture d'autres
propriétés, comme les bois, prairies, etc., auxquelles vous ne faites supporter
aucun supplément de contribution. Je ne pense pas qu'il reste alors moitié pour
les propriétés tenues en location.
M. le ministre des
finances a dit qu'il fallait une réserve pour pourvoir aux cotes
irrécouvrables. Le système suivi par la chambre a fait disparaître en grande
partie la nécessité de cette réserve ; car en exemptant les petites cotes vous
n'aurez presque plus des cotes irrécouvrables.
M. le ministre des
finances a dit que lorsque le fermier faisait des économies il les plaçait en
biens-fonds, et non en rentes ; que par conséquent il n'avait pas de ce chef à
contribuer à l'emprunt.
Singulière faveur !
Pour les rentes il ne payerait que 5 p. c. du revenu ; pour la propriété
foncière il paye dix pour cent ; il a donc le triste avantage de payer le
double du rentier.
On a dit encore que
l'emprunt doit peser sur celui qui est en étal de payer. Je pose en fait que ce
ne sont pas les petits locataires de terres arables. Il y en a plusieurs hors
d'état de payer. Ce sont des ouvriers qui cultivent la terre pour les besoins
de leur ménage, et qui, ne trouvant plus aucune ressource dans leur industrie,
sont dans une véritable misère.
On a dit encore que
les fermiers étaient exempts de la contribution personnelle. Ceci n'est pas
exact. Tous les fermiers occupent des maisons qui payent plus de 20 florins ;
ils payent donc la contribution personnelle.
On vous a dit encore
que l'industrie agricole était exempte de toute espèce de charges. On ne tient
aucun compte de la contribution foncière ; on dirait que c'est la propriété de
l'Etat. Mais que représente l'impôt foncier ? L'impôt sur l'industrie agricole
: vous prélevez une part beaucoup plus forte que celle que vous prélevez sur
les autres industries.
Je ne pense pas qu'il y ait aucune autre industrie où
le droit de patente représente une aussi forte part des bénéfices réalisés,
c'est-à-dire dix pour cent du revenu.
On accuse les
propriétaires d'avoir en vue de substituer leurs propres intérêts à celui des
fermiers. Mais la cause que je plaide n'est pas celle des propriétaires. C'est
celle des petits locataires qui seraient hors d'état de payer l'impôt.
Cette base donnerait
lieu à des embarras infinis. Je persiste à l'écarter.
Plusieurs
membres. - La clôture.
M. de Theux. - Si la chambre est
décidée à rejeter cette base de l'emprunt, je n'insiste pas. Mais s'il n'en est
pas ainsi, j'insiste pour avoir mon tour de parole. J'ai à présenter des
observations importantes qui n'ont pas encore été présentées, et qui sont de
nature à exercer une grande impression sur l'assemblée.
- La clôture est mise
aux voix, elle n'est pas adoptée ; en conséquence la discussion continue.
M. de Mérode. - (Nous donnerons
son discours.) (Note du webmaster :
ce discours n’a pas été retrouvé dans les Annales parlementaires).
(page 1426) M. de Theux. - La chambre a hâte de
terminer cette discussion. Je serai donc court dans les observations que j'ai à
lui présenter.
M. le ministre des
travaux publics a dit qu'il fallait prendre l'argent où il se trouve. S'il se
trouvait chez le cultivateur, je pourrais jusqu'à un certain point adhérer à
cette maxime. Mais m'appuyant sur une autre maxime, qui est qu'il faut donner
du travail, je la combattrai surtout par cette considération importante.
Ceux qui vivent au
milieu des paysans ont pu remarquer que, depuis trois ans, il y avait une
énorme diminution du travail agricole. De 1845 à 1847, il y a eu cherté des
vivres et en outre chez la plupart des cultivateurs pénurie d'argent. Il en est
résulté que les cultivateurs exploitants se sont abstenus autant que possible
de prendre des ouvriers.
Cette année, pourquoi
le travail manque-t-il ? Le blé étant à bon marché, les fermiers n'ont pas fait
d'argent. Il en est résulté qu'ils ont également fait travailler moins. C'est à
tel point que quand je suis allé à la campagne, la première personne que j'ai
rencontrée m'a dit : Mon existence a été plus misérable que l'année précédente.
Depuis le mois de décembre, ni moi ni mon fils n'avons eu une journée de
travail. Voilà le premier travail que nous avons.
Ce sont des vérités
qu'il est bon de connaître.
Dans les Flandres,
les cultivateurs aisés doivent faire de grandes dépenses pour les engrais,
notamment pour la culture du lin, du tabac, du houblon. Eh bien, j'ose encore
affirmer que les fermiers, en général, ont restreint considérablement la
dépense des engrais, parce qu'ils n'avaient pas de capitaux suffisants.
Messieurs, nous avons
souvent témoigné beaucoup de sollicitude pour les pauvres des Flandres. Si nous
ne voulons pas aggraver la misère qui règne dans ces provinces ; si nous ne
voulons pas tarir la seule source de travail qui existe encore, n'enlevons pas
aux cultivateurs leurs ressources.
Au point de vue de la
justice, il a encore une observation plus spéciale en ce qui concerne les
locataires. L'honorable M. Mercier vous l'a dit, la culture est aujourd'hui
privée de toute protection. Elle ne jouit pas même de la protection du droit
fixe que le ministère lui a promise. Mais, messieurs, qui souffre surtout de
l'absence de cette protection ? N'est-ce pas le cultivateur qui a contracté des
baux sous l'empire des lois protectrices ?
Voilà donc un motif
tout spécial pour ne pas frapper le cultivateur.
Il fait à la chose
publique des sacrifices tout autrement importants que l'emprunt dont il s'agit.
Oui, messieurs, établissez un droit fixe, une protection quelque modérée
qu'elle soit pour les cultivateurs, et les cultivateurs porteront volontiers à
l'Etat ce qu'on leur demande dans le moment actuel. Mais alors qu'ils font ce
sacrifice aux habitants des villes ne venez pas leur en imposer un autre. Il y
aurait une flagrante injustice.
L'honorable ministre des finances et, après lui,
l'honorable ministre des travaux publics vous ont dit qu'à la campagne un grand
nombre de maisons sont exemples de l'impôt personnel. Messieurs, je rappellerai
(page 1427) ce que j'ai dit dans
cette enceinte, il y a deux ans : la loi sur l'impôt personnel est violée par
les agents du gouvernement dans les campagnes, en ce sens que tous les jours on
soumet à l'impôt personnel des maisons qui n'ont pas une valeur de 20 florins.
Et comment s'y prend-on ? On dit : Nous allons vous taxer modérément ; vous
payerez très peu de chose ; et une fois qu'on les a frappés, on prend soin
d'augmenter plus tard la cote.
Quelles sont les
maisons aujourd'hui exemptes dans les campagnes ? Ce ne sont que les maisons
des pauvres journaliers ou des petits cultivateurs qui peuvent à peine suffire
à leur existence. Mais toutes les autres maisons sont aujourd'hui atteintes.
Un membre. - C'est une
exagération.
M. le ministre des
travaux publics (Frère-Orban). - C'est sous votre ministère que ces faits se
passaient.
M. de Theux. - Pardonnez-moi. Je
me suis plaint il y a deux ans et j'ai sur ce point appelé l'attention toute
spéciale de M. le ministre des finances de cette époque.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Rogier). - Il fallait faire cesser l'abus.
M. de Theux. - C'est l'affaire
des receveurs des contributions et non l'affaire spéciale du ministre des
finances. Mais je dis qu'il y a une tendance générale à faire entrer parmi les
contribuables les maisons qui ont été exemptées jusqu'à présent.
Messieurs, nous
venons encore, il n'y a qu'un instant, lorsque nous avons voté l'emprunt sur la
contribution personnelle, de dégrever les villes au préjudice des campagnes.
M. le ministre des
travaux publics (Frère-Orban). - Pas du tout.
M. de Theux. - M. le ministre
des finances a dit que l'impôt sur le mobilier, que l'impôt sur les portes et
fenêtres pesaient particulièrement sur les villes et c'est pour ce motif qu'il
nous a demandé l'exemption.
Messieurs, une
dernière observation.
M. le ministre des
finances a dit qu'il y aurait peut-être dans les bases de l'emprunt une
insuffisance qui peut être évaluée à un million. Mais, messieurs, c'est là une
pure hypothèse. On est généralement d'opinion que l'emprunt basé sur les rentes
et les intérêts des capitaux, dépassera la somme prévue par le ministère. Mais
si le contraire arrivait, si réellement il y avait insuffisance de quelques centaines
de mille francs, la nouvelle législature qui aura à s'occuper encore de cette
question ne pourra-t-elle pas y pourvoir ? La nouvelle assemblée sera
certainement réunie au mois de juillet prochain.
Vous ne pouvez,
messieurs, consacrer une injustice ; et prenez-y garde, gardez-vous de faire
croire à la campagne qu'elle doit être taillée à merci.
M. le ministre des
travaux publics (Frère-Orban). - Messieurs, je ne me serais pas levé pour
répondre aux observations qui ont été présentées par l'honorable M. de Theux et
qui avaient été annoncées comme fort importantes et fort nouvelles, quoique je
pense qu'elles n'aient rien appris de nouveau à la chambre. Mais je suis obligé
de protester contre les dernières paroles de l'honorable membre.
L'honorable membre
veut faire accroire que dans la pensée du gouvernement, dans la pensée de ceux
qui ont proposé la base que nous défendons, il s'agirait d'exploiter les
campagnes, de les considérer comme taillables et corvéables à merci. Or,
messieurs, je porte le défi à l'honorable membre d'établir d'une manière un peu
satisfaisante que l'impôt direct soit inéquitablement réparti entre les villes
et les campagnes. J'ai posé des chiffres ; les chiffres sont plus éloquents que
toutes vos paroles. Elles établissent d'une minière incontestable, irrécusable,
évidente, que l'impôt foncier, que l'impôt personnel, que les patentes pèsent
dans une proportion énorme sur les villes.
J'ai établi, et ceci
est encore resté sans réponse dans cette discussion, que la classe des
personnes que nous avons en vue par la proposition du gouvernement, ne supporte
que peu de charges dans les temps ordinaires, et moins encore dans les temps
calamiteux où nous sommes. Ce qu'il fallait établir, c'est que j'étais dans l'erreur
; il fallait prouver qu'ils étaient surchargés d'une façon quelconque, qu'ils
payaient en temps ordinaire ce qu'ils ne devaient pas payer et que dans les
circonstances où nous nous trouvons on réclamait d'eux ce qui leur est
nécessaire. Or, ils payent peu de chose en temps ordinaire. Ils ne payent rien
à titre de l'impôt foncier ; c'est le propriétaire qui paye, ils ne payent rien
à titre de la contribution personnelle ; car la somme produite de ce chef est
tout à fait insignifiante. Ils ne payent rien à titre de la patente.
Tout ce qu'on peut
dire, c'est que, par suite de la crise alimentaire que nous avons traversée, il
y a eu pour les classes ouvrières des campagnes des douleurs, de grandes
douleurs.
Mais il faut dire
aussi que ces douleurs ont été immenses, et plus grandes encore, pour la classe
ouvrière dans les villes. Vous parlez aujourd'hui du travail qui manquerait
dans les campagnes, parce que le grain est à bon marché et qu'on ne pourrait
rémunérer les travailleurs.
Mais à qui
persuaderez-vous qu'il n'est pas d'une coutume constante de rétribuer les
travailleurs agricoles en denrées ?
Plusieurs membres. - C'est une erreur.
Un membre. - Cela ne se passe
que dans la province de Liège.
M. le ministre des travaux
publics (Frère-Orban). - On dit que ce n'est que dans ma province que
cela se pratique ainsi.
M. Dolez. - Et ailleurs
aussi.
M. le ministre des
travaux publics (Frère-Orban). - Cela se fait assez généralement.
Plusieurs
membres. - Non, partiellement.
M. le ministre des
travaux publics (Frère-Orban). - Et puis, messieurs, quand l'objection de
l'honorable M. de Theux serait vraie, sous ce rapport, est-ce qu'elle ne
subsisterait pas également pour les autres classes de travailleurs ? Est-on
mieux en position de les rétribuer et de leur donner du travail ? Est-ce uns
condition exceptionnelle pour les travailleurs de la campagne ?
Je ne vois donc ni
raison, ni justice, ni équité à vouloir affranchir les fermiers de toute
intervention dans l'emprunt et, je le répète, on dira et on pensera qu'ils ont
été affranchis pour fournir aux propriétaires fonciers le moyen de récupérer
sur eux leur part de l'emprunt.
M. de La Coste. - Je conviens,
messieurs, que dans toutes les classes de la société il y a des douleurs. Je
conviens que l'industrie est fortement atteinte ; je conviens que toutes les
propriétés en dehors de la propriété foncière sont peut-être plus atteintes
qu'elle ; mais, messieurs, après tout ce que nous avons déjà voté, il me reste
un vœu à former, c'est que toutes les fortunes qui restent debout à côté de la
fortune foncière, apportent volontairement leur part à l'emprunt dans la même
proportion que la propriété foncière. J'attends cette marque de leur
patriotisme, et là nous trouverons plus que dans ce million qu'il s'agit de
faire supporter par les cultivateurs. (Interruption.)
Je reconnais le talent,
la présence d'esprit, les moyens oratoires de M. le ministre des travaux
publics, mais je reconnais aussi l'inutilité de lui opposer des objections, car
il les regarde toujours comme nulles et non avenues.
Il y a ici,
messieurs, une question plus importante que toutes les autres, c'est une
question de bonne foi. Eh quoi ! messieurs, dans ce premier emprunt voté si
patriotiquement, mais dont toute la charge a été supportée par les
propriétaires, lorsqu'on est venu le proposer à cette tribune, qu'a dit
l'honorable M. d'Elhoungne ? Il a dit, messieurs : « Notez bien que la section
centrale ne vous le propose que parce qu'il frappe uniquement le propriétaire
et que le fermier n'y sera pour rien. » Messieurs, nous avons admis l'emprunt à
cette condition. Quelqu'un de nous peut-être a dit : Mais enfin nous avons nos
baux, nous verrons ce qu'il en sera, nous verrons si nous en ferons usage. Mais
il est certain que lorsqu'ils auront vu l'état des campagnes, ils ont dit :
Nous ne ferons pas usage de nos baux, nous en ferons le sacrifice à la paix du
pays, et ce sacrifice, nous l'avons fait volontairement, le gouvernement ne
voudrait-il pas aussi faire un sacrifice ? J'espère, messieurs, que le
gouvernement n'insistera pas sur cette base de l'emprunt.
- La clôture est
prononcée.
La proposition est
mise aux voix par appel nominal.
94 membres sont
présents.
67 rejettent.
27 adoptent.
En conséquence la
proposition n'est pas adoptée.
Ont voté l'adoption :
MM. de Bonne, de Brouckere, de Chimay, de Foere, Delfosse, Destriveaux,
d'Hoffschmidt, Dolez, Dumont, Fallon, Frère-Orban, Gilson, Lange, Lebeau,
Lesoinne, Loos., Orts, Osy, Pirmez, Rogier, Sigart, Tielemans, Troye,
Verhaegen, Veydt, Anspach et Cans.
Ont voté le rejet :
MM. d'Anethan, Dautrebande, David, de Breyne, Dechamps, de Clippele, de
Corswarem, Dedecker, de Denterghem, de Garcia de la Vega, de Haerne, de La
Coste, Delehaye, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Meester, de Mérode, de
Muelenaere, Desaive, de Sécus, de Terbecq, de Theux, de Tornaco, de T'Serclaes,
de Villegas, d'Hane, d'Huart, Donny, Dubus (aîné), Dubus (Albéric), Duroy de
Blicquy, Eenens, Eloy de Burdinne, Faignart, Henot, Herry-Vispoel, Huveners, Le
Hon, Lejeune, Lys, Malou, Manilius, Mast de Vries, Mercier, Moreau, Orban,
Raikem, Rodenbach, Scheyven, Simons, Thienpont, T'Kint de Naeyer, Tremouroux,
Van Cleemputte, Vanden Eynde, Vandensteen, Van Huffel, Van Renynghe, Vilain
XIIII, Zoude, Biebuyck, Brabant, Bricourt, Broquet-Goblet, Bruneau, Clep et
Cogels.
M. le président. - Nous revenons maintenant à l'article 7
(devenu l'article 9).
M. le ministre des finances
(M. Veydt). - Cet article devra être rédigé comme suit :
« Il sera formé des
rôles spéciaux pour le recouvrement des deux premières parties de l'emprunt.
Ces rôles seront arrêtés et rendus exécutoires par les gouverneurs. »
Article 10
« Art. 10. Les
privilèges du trésor public pour le recouvrement des trois premières parties de
l'emprunt sont les mêmes qu'en matière de contributions directes.
« Les poursuites
s'exerceront d'office à la diligence des receveurs, sans autorisation
préalable. »
M. le ministre des finances
(M. Veydt). - Cet article a été supprimé par la section centrale
; elle l'a supprimé comme étant une conséquence de la proposition qu'elle a
faite à l'égard de la troisième base ; il faut que l'article soit maintenu, car
il concerne les deux bases qui out été maintenues.
- L'article 10 est
adopté.
« Art. 11
(projet du gouvernement). La quatrième partie de l'emprunt sera égale à 5 p. c.
du produit annuel des rentes perpétuelles et des capitaux prêtés à terme et (page 1428) garantis par des hypothèques
conventionnelles sur des immeubles situés en Belgique.
« Les sommes
payées à titre d'intérêts sont seules comprises dans le produit servant de base
à l'emprunt.
« Elle sera payée,
par moitié, le 1er juin et le 1er août 1848, par le propriétaire ou usufruitier
porteur du titre constitutif de la rente ou de la créance, nonobstant toute
convention contraire.
« Les poursuites
auront lieu comme en matière d'enregistrement. »
« Art. 11 (projet de la section centrale). La quatrième
partie de l'emprunt sera égale à 5, p. c. de l'intérêt annuel des rentes et des
capitaux donnés en prêt, garantis par une hypothèque conventionnelle sur des
immeubles situés en Belgique.
« Elle sera payée au
bureau du receveur de l'enregistrement, par moitié, le 1er juin et le 1er août
1848, par le propriétaire ou usufruitier de la rente ou de la créance,
nonobstant toute convention contraire.
« Les poursuites
auront lieu comme en matière d'enregistrement ; sont exceptées les rentes et
créances inférieures à 5 francs de redevance annuelle.»
M. le ministre des finances
(M. Veydt). - Je me rallie à la rédaction de la section
centrale. Mais doit-on insister pour que les rentes de 5 fr. soient exemptées ?
Je crois que cela n'en vaut pas la peine. Ces rentes payeront 25 centimes. Je
crois que leur propriétaire pourra payer cette somme. Il pourra arriver encore
que le même propriétaire possède un grand nombre de ces rentes.
M. Delfosse. - L'observation de
M. le ministre des finances est juste. Pour y avoir égard il faut modifier
l'amendement de la section centrale, en ce sens que l'exemption porterait non
sur les rentes de 5 fr., mais sur ceux qui n'ont pas plus de 5 fr. de rente.
L'amendement de la section
centrale, ainsi modifié, permettrait d'élever le chiffre de 5 fr. ; on pourrait
exempter ceux qui n'auraient pas, par exemple, 20 ou 50 fr. de rente. Si l'Etat
s'adresse aux très petits rentiers, il y aura une grande complication
d'écritures et on mettra beaucoup de personnes en mouvement pour amener un
résultat insignifiant. L'Etat ne doit pas s'adresser à un citoyen pour avoir, à
titre d'emprunt, moins d'un franc ; vous avez suivi ce système pour l'impôt
foncier et personnel.
Je regrette que la
section centrale, n'ait pas admis que les rentes et créances passives seraient
déduites des rentes et créances activés. Cette ' déduction était cependant de
toute justice. Avec le système du gouvernement on peut frapper, non seulement
ceux qui n'ont rien, mais même aux qui n'ont que des dettes. Si on est à la
fois créancier et débiteur de 10,000 fr., on n'a rien du tout, et cependant on
devra prendre part à l'emprunt, on devra encore y prendre part, dans la même
proportion, si on est créancier d'une somme de dix mille francs et débiteur
d'une somme de 20,000 ; c'est-à-dire si on a 10,000 fr. de dettes. Non
seulement on veut prendre l'argent là où il n'y en a pas, mais même là où on en
doit ; cela ne me paraît ni juste ni raisonnable.
La section centrale a opposé que les impôts reposent
sur des fictions ; mais il ne faut pas que les fictions aillent trop loin, et
il y a souvent une réalité, où l’on ne voit qu'une fiction. Quand un
propriétaire paye intégralement l'impôt foncier, bien que son domaine soit
grevé de charges hypothécaires, il paye tant pour lui que pour les créanciers
avec lesquels il partage son revenu ; la partie du revenu qui passe aux
créanciers paye l'impôt par l'entremise du propriétaire, mais celui-ci en est
dédommagé sans qu'on s'en doute.
L'exemption d'impôt
dont les créances hypothécaires ont joui jusqu'à présent, a fait affluer les
capitaux vers ce genre de placement ; il en est résulté que les
propriétaires-emprunteurs ont obtenu des conditions plus avantageuses.
La créance
hypothécaire se trouvait donc implicitement imposée en la personne du
propriétaire ; on va l'imposer spécialement ; on a raison, les circonstances
exigent cette mesure, mais c'est aller trop loin que de ne pas déduire les
créances passives des créances actives.
M. Cogels. - Malgré la
nouvelle entrave que cet impôt doit apporter aux transactions hypothécaires, je
ne le combattrai pas. Mais je voudrais seulement une modification à la
rédaction du troisième paragraphe de l'article ainsi conçu : « Elle (la
quatrième partie de l'emprunt) sera payée, par moitié, le 1er juin et le 1er
août 1848 par le propriétaire ou usufruitier, porteur du titre constitutif de
la rente ou de la créance, nonobstant toute convention contraire ». Cette
clause « nonobstant toute convention contraire » a été évidemment
introduite dans l'intérêt du débiteur. Je crois qu'il me sera facile de prouver
que c'est le débiteur qui en souffrira le plus.
L'application très
large qu'on a faite de la législation sur les sursis a déjà rendu les emprunts
sur des hypothèques très difficiles pour les personnes engagées dans le
commerce ou dans l'industrie. La disposition proposée accroîtra les prétentions
des bailleurs de fonds, et tout en établissant d'une manière permanente un
surcroît de charges pour le débiteur, elle éloignera les prêteurs et empêchera
de nouveaux placements pour hypothèques.
Sans doute, là où il n'existe aucune stipulation il
est naturel que vous imposiez cette charge au propriétaire de la rente. Mais le
pouvez-vous équitablement, lorsqu'il y a un contrat contenant la clause
contraire ? Le débiteur de bonne foi, l'homme loyal, qui a véritablement de
l'honneur et de la probité ne profitera pas du bénéfice de la loi. Celui qui
aura moins de délicatesse en profitera. Les contrats qui contiennent cette
clause ont, en raison de cette clause même, stipulé un intérêt moindre. Je
propose donc d'introduire dans l'article une modification consistant à dire
« sauf toute convention contraire » au lieu de « nonobstant toute
contention contraire ».
Lorsqu'il y a
stipulation, il serait immoral de la détruire. Vous ne pouvez détruire des
conventions faites entre parties.
M. de Garcia. - C'est la première
fois qu'une loi vient frapper les rentes d'impôt ou plutôt d'un emprunt. Quant
à moi, je regarde la loi comme essentiellement juste, surtout à titre d’emprunt
;car, d'après les observations qu'a faites l'honorable M. Cogels, il y aurait
quelques difficultés à en faire un impôt régulier. En effet, devenu impôt
régulier, il nuirait aux intérêts du cultivateur, qui a besoin d'hypothéquer
son bien pour donner vie à son industrie. A ce point de vue, cet impôt
offrirait quelque danger. A ce titre, je n'en veux pas.
Mais à titre
d'emprunt, j'aurais voulu que les rentes eussent été frappées de sommes plus
fortes.
Je dirai un mot sur
l'amendement que vient de proposer l'honorable M. Cogels. Je suis étonné qu'il
n'ait pas fait une proposition de même nature à propos de la contribution
foncière ; car il y a des baux qui ont une portée aussi générale que les
contrats de rente dont il a parlé. Je crois que, sous ce rapport aussi, il y a
certaines exceptions.
Plusieurs membres. - Ce n'est pas une
exception. Tous les baux contiennent celle clause.
M. de Garcia. - Permettez-moi,
messieurs, de vous dire que vous êtes dans l'erreur. D'abord mes baux ne
contiennent pas cette clause. Je n'ai jamais voulu faire supporter au
cultivateur cette chance aléatoire, parce que, s'il s'agit de charges
extraordinaires, je suis plus à même de les supporter qu'un ouvrier ; car ici
le cultivateur n'est qu'un ouvrier.
Je reviens à
l'observation de l'honorable M. Cogels. Nous connaissons tous les principes
généraux du droit : en règle générale, il ne faut pas admettre dans les lois
des dispositions qui aient un effet rétroactif ; mais il y a des circonstances
qui parlent plus haut que les principes. Dans des positions difficiles, la loi
a le droit de faire exception aux principes généraux ; car les principes ne
sont jamais tellement absolus que des circonstances données ne nous permettent
d'y porter atteinte.
Je pense donc que la
disposition doit être adoptée telle qu'elle a été proposée.
S'il y avait un
changement à y faire, ce serait d'augmenter la contribution dont on veut
frapper les rentes.
Qu'il ne soit permis de présenter une observation sur
l'exception qu'on a indiquée. Si j'appuyais une exception, ce serait seulement pour
les rentes tellement petites qu'elles ne comportent pas une participation à
l'emprunt ; car ce n'est pas le malheureux qui place sur hypothèque, c'est
l'homme qui vit tranquillement de son revenu. Je crois donc qu'il est
nécessaire de ne faire aucune exception ; s'il y en avait une à faire, je le
répète, ce ne serait que pour les rentes dont la faible quotité ne compenserait
pas les embarras de la perception.
En conséquence,
j'appuie le projet de loi, tel qu'il est présenté par le gouvernement.
M. le président. - Voici l'amendement déposé par M. Delfosse :
« Seront exempts ceux
dont les rentes et créances à termes réunies ne produiront pas un revenu annuel
de 20 fr. »
M. Verhaegen. - Messieurs, je ne
conteste pas la troisième base de l'emprunt, mais je crois que de la manière
dont la disposition est conçue, nous rencontrerons dans l'exécution plus d'une
difficulté. Plusieurs questions ont été soumises au gouvernement et il y a répondu.
Il y a cependant quelques points qui, pour lever tout doute, devraient être
formulés en proposition de loi.
On a demandé au
gouvernement si dans la disposition se trouvaient comprises les rentes
viagères. Il a répondu négativement, et sa réponse s'étaye, selon moi, de très
bonnes raisons. Cependant si je ne vois que la disposition en elle-même, les
rentes viagères se trouveraient comprises dans cette base. Ne convient-il pas,
messieurs, pour éviter toute difficulté, de le dire dans l'article ? Car si l'on
ne fait pas d'exception pour les rentes viagères, la généralité des termes ne
ferait-elle pas croire qu'elles y sont comprises ?
M. de Garcia. - Il suffit de dire
rentes perpétuelles.
M. Verhaegen. - Non, l'article ne
se sert pas des mots « rentes perpétuelles » ; il dit « rentes
et capitaux » donnés en prêt garanti par une hypothèque conventionnelle.
Je soumets cette
première difficulté à M. le ministre des finances, il voudra bien s'en
expliquer pour qu'il n'y ait pas de doute dans l'application de la loi.
Une autre question,
messieurs :
Des négociants ont
des crédits ouverts chez des banquiers, et ces crédits sont garantis par des
hypothèques. Ces comptes courants ainsi garantis tombent-ils dans la
disposition de la loi ? D'après les termes généraux de l'article il semblerait
que oui. Convient-il de les y comprendre ? On vous a parlé des souffrances de
l'industrie, des difficultés qu'éprouvent les industriels, les commerçants à se
procurer des fonds. La seule ressource peut-être qui leur reste, c'est de
donner leurs biens en hypothèque pour se procurer des fonds. Si on applique la
disposition aux crédits qu'on leur ouvre moyennant hypothèque, on va ajouter
des difficultés nouvelles aux difficultés nombreuses qui existent.
Je soumets ce point à
l'appréciation de M. le ministre des finances.
(page 1429) Il y a d'autres créances hypothécaires encore, celles
par exemple en matière de douanes, de cautionnement, d'accise ; sont-elles
comprises dans la disposition en discussion ? D'après les termes généraux on
pourrait croire que oui, et cependant il y a des raisons pour dire non. On
voudra-bien s'en expliquer.
Je soumets à la
chambre ces difficultés sur lesquelles je n'énonce d'ailleurs aucune opinion,
mais il est bon qu'elles soient résolues.
Quant à l'amendement de l'honorable M. Cogels, au
premier coup d'œil, on pourrait dire qu'il serait convenable, moral même de
l'adopter. Car il est toujours dangereux, au point de vue général, de permettre
que la loi vienne violer des conventions dans le passé. Mais on peut se
demander aussi si une convention dont l'objet dans l'avenir est inconnu, est
bien une convention valable ; si au, contraire elle n'est pas frappée de
nullité radicale.
Mais, messieurs, ce
que je ne puis pas admettre avec l’honorable M. de Garcia, une opinion contre
laquelle je dois protester, et pour cause, c'est que, quelles que soient les
circonstances, on puisse jamais faire fléchir les principes. Car en faisant
fléchir les principes, on va souvent beaucoup trop loin : on finit par miner
les bases de la société, c'est ainsi qu'en se mettant au-dessus des principes
on ose violer aussi la chose jugée. Jamais je ne voudrais aller jusque-là,
quelque extraordinaires que fussent les circonstances.
M. de Theux. - Messieurs, je
viens combattre les amendements proposés.
On veut exempter les
rentes de peu d'importance ! Mais n'oublions pas que ce qu'on propose à titre
d'emprunt n'est que le vingtième de la rente et, comme l'a fait observer
l'honorable M. de Garcia, les personnes qui peuvent vivre exclusivement de
leurs rentes et qui en ont strictement besoin sont en bien petit nombre. Je
conviens que le cas peut se présenter, mais l'exemption aurait beaucoup plus
d'inconvénients que d'avantages.
Quant à la clause
« nonobstant toute convention contraire », je crois que pour être
conséquent avec ce que nous avons décidé relativement à l'impôt sur la
propriété, il faut aussi admettre cette clause en ce qui concerne es renies.
M. de Brouckere. - Messieurs, le
paragraphe 3 de l'article 11 semble rencontrer une vive opposition, à cause de
la clause qui le termine : « nonobstant toute convention,
contraire ». Il semblerait à entendre les honorables orateurs qui se
prononcent contre cette clause, qu’elle soit quelque chose de nouveau. Or, ces
mêmes orateurs qui ne veulent pas de la clause à propos des rentes
hypothécaires, l'ont adoptée sans opposition, sans observation, lorsqu'il a été
question de la contribution foncière.
L'honorable M. Cogels
vient vous parler de contrats, de conventions ; l'honorable M. Verhaegen ne
veut pas de loi qui ait un effet rétroactif.
M. Verhaegen. - Je n'ai pas dit
cela.
M. de Brouckere. - Mais pourquoi
donc ces objections ne se sont-elles pas formulées lors du vote sur la première
loi d'emprunt et lors du vote que nous venons d'émettre relativement à la
contribution foncière. Messieurs, la plupart des baux, au moins dans le Brabant
et je crois qu'il en est de même dans presque tout le royaume, sont faits de
telle, manière que les emprunts forcés sont à la charge des fermiers. Eh bien !
je pose en fait, et encore une fois, je ne parle que pour la province où je
réside, je pose en fait qu'à Bruxelles, par exemple, tous les propriétaires ont
payé volontairement le premier emprunt. Je n'en connais pas un qui ait eu
l'indélicatesse, de le faire payer par les fermiers, alors que la législature avait
reconnu que c'était aux propriétaires qu'incombait, la charge. Il en sera pour
les rentes hypothécaires comme il en a été et comme il en sera pour les
fermiers. Nonobstant toute convention contraire, les propriétaires, les
usufruitiers payeront.
J'en suis certain et je ne crains pas de le dire, si
quelque propriétaire voulait, user au plutôt abuser de la convention contraire
qui se trouverait dans le contrat qu’il a fait avec son emprunteur, je ne
crains pas de dire que si celui-ci refusait de payer, le propriétaire,
n'oserait jamais l'attaquer devant les tribunaux parce qu'il n'y aurait qu'une
voix pour condamner sa conduite et que l'on ne s'exposerait pas, pour une
faible somme, à la réprobation générale.
D'après ces
considérations, messieurs, je crois que l'opposition que la clause rencontre
n'a pas le moindre fondement et qu'on ne peut pas la rejeter pour les créances
hypothécaires, lorsqu'on l'a admise pour l'impôt foncier.
M. le ministre des finances
(M. Veydt). - L'honorable M. de Theux et après lui l'honorable
M. de Brouckere viennent de présenter les observations que je voulais faire en
faveur du maintien de la disposition.
L'honorable M.
Verhaegen a demandé si les rentes viagères étaient comprises dans l'article. Dans
ma réponse à la section centrale, j'ai, dit formellement qu'elles n'y sont pas
comprises ; faut-il le dire dans la loi ?
Plusieurs membres. - C'est inutile.
M. le ministre des finances
(M. Veydt). - Dans le cas où un négociant aurait obtenu un
crédit moyennant garantie hypothécaire, cela ne devrait pas non plus donner
lieu à une cotisation dans l'emprunt ; l'intérêt que paye ce négociant ne
résulte pas de l'hypothèque ; celle-ci est une garantie, mais elle n'est pas la
cause du bénéfice que le prêteur retire ici de l'argent prêté.
Je pense, messieurs,
et, à plus forte raison, que les cautionnements en immeubles, donnés en matière
de droits d'accises et de douanes ne sont pas compris dans la disposition. Il
faut que l'hypothèque soit, la source d'un revenu pour que la loi puisse
l'atteindre.
- L'amendement de M.
Delfosse est mis aux voix ; il n'est pas adopté.
Les deux premiers
paragraphes du projet de la section centrale, auxquels le gouvernement s'est
rallié, sont mis aux voix et adoptés.
La première partie du
dernier paragraphe est également adoptée.
La partie du même
paragraphe, qui exempte les rentes de 5 fr. est mise aux voix ; elle n'est pas
adoptée.
L'article 11 est
adopté dans son ensemble.
« Art. 12. Les porteurs
des titres seront tenus d'en faire la déclaration, avant le 1er mai prochain,
au bureau de l'enregistrement dans le ressort duquel ils sont domiciliés.
« Cette déclaration,
dûment signée, énoncera :
« a. La date du
titre ;
« b. Sa nature
(rente ou créance) ;
« c. Le produit
annuel ;
« d. Le nom du
débiteur ;
« e. La
désignation de l'hypothèque.
« Les formules des
déclarations seront mises, sans frais, à la disposition des intéressés, dans
les bureaux des receveurs de l'enregistrement, où cette partie de l'emprunt
devra être acquittée.
La section centrale
propose au littera d de dire : « Le nom et le domicile du débiteur. »
M.
le ministre des finances (M. Veydt). - Le gouvernement se
rallie au changement que la section centrale propose au litt. d. Toutefois,
d'après l'expérience acquise, je dois dire qu'il sera difficile de connaître,
dans bien des cas, le domicile du débiteur.. J'ai quelques autres modifications
à proposer.
Au premier
paragraphe, je proposerai de dire. : «... seront tenus d'en faire la
déclaration contre reçu. »
Je proposerai ensuite
de substituer la date du 15 mai à celle du 1er mai.
Au paragraphe e, je
crois qu'il convient de dire : « Le volume et la cote de la dernière
inscription, la date........ et l'indication du bureau où elle aura été faite.
» Cela se trouve à.la fin des actes ; il sera très facile de donner cette
indication.
Enfin, messieurs, au
dernier paragraphe, il convient de faire disparaître les mots : « ou cette
partie de l’emprunt devra être acquittée. »
M. Verhaegen. - Il s'agit
maintenant, messieurs, de formalités à remplir dans un délai fixé, et d'après le
dernier amendement de M. le ministre, ce délai est le 15 mai. Il faut faire des
déclarations, et si ces déclarations ne sont pas faites, il y a une pénalité et
une pénalité assez forte ; car la cotisation, d'après l'article suivant, sera,
en cas de contravention, portée au double.
Je comprends que le particulier qui n'a que quelques rentes pourra
remplir ces formalités et arriver à temps, mais il y a des établissements qui
ont été institués dans l'intérêt de l’industrie et du commerce, dernière
ressource actuelle des emprunteurs qui vont se trouver dans une position telle
qu'il sera impossible à ces établissements de remplir les formalités prescrites
et qui, par conséquent vont encourir la pénalité.
J'entends parler des
établissements dont le but est de prêter sur hypothèques du capital
remboursable par annuités ; le gouvernement, répondant à une question qui. lui
avait été soumise par la section centrale, a dit que dans les prêts
remboursables par annuités on n'aurait égard qu'aux intérêts exclusivement dus
sur la partie restante du capital déduction faite des parties extinctives déjà
amorties.
Ainsi pour arriver au
résultat prévu, on doit décomposer l'opération, on, doit faire disparaître tout
ce qui constitue la partie extinctive du capital, remboursable par annuités, et
on ne doit tenir compte que de l'intérêt sur le restant. Si on a voulu frapper
les établissements, auxquels je fais allusion, je puis dire au détriment du
commerce et de l'industrie, on a bien fait de restreindre l'application de la
disposition. C'est une chose décidée, ces établissements sont frappés comme les
particuliers, au moins, pour l'emprunt. Il en serait autrement s'il s'agissait
d'un impôt, car payant patente pour exercer leur industrie on ne pourrait les
frapper une seconde fois pour le même objet.
Mais il est de ces établissements qui ont plusieurs
centaines de contrats hypothéqués, pour ne pas dire deux eu trois mille ; il
faudra décomposer tous ces contrats, et envoyer toutes les indications
prescrites au receveur, avant le 1er mai ; si on ne le fait pas, on sera frappé
d'une peine très forte ; eh bien ; il est matériellement impossible que ces
établissements accomplissent cette formalité dans le délai fixé.
Je demande au
gouvernement comment il entend exécuter cette disposition.
M.
le ministre des finances (M. Veydt). - Messieurs, la
fixation de la date du 15 mai est devenue la conséquence de l'époque choisie
pour la rentrée de la première moitié des rentes ; nous venons de la fixer au
1er juin.
Je ne puis apprécier
le délai qu'il faudrait pour pouvoir se mettre en règle, quant aux titres dont
parle l'honorable membre. Mais à l'article suivant, j'adopte la proposition de
la section centrale, et j'ajoute ce paragraphe : « A moins que, pour des
motifs particuliers, ils n'aient obtenu du directeur de l'enregistrement un
délai qui ne pourra s'étendre au-delà du 31 du mois. »
M. Lys. - Messieurs, le
projet de loi n'indique nulle part où la contribution sur les rentes sera
payable. D'après le rapport de la section (page
1430) centrale, ce serait au bureau de l'enregistrement. Je veux seulement
faire observer que les receveurs de l'enregistrement ont droit à des remises
proportionnelles, ils pourraient percevoir jusqu'à cinq pour cent sur la
recette de cette base de l'emprunt. Cela ne peut être l'intention de la
chambre. J'appelle sur ce point l'attention de M. le ministre des finances.
M. de Garcia. - Messieurs, je
demanderai au gouvernement si les obligations à terme sont soumises à l'impôt.
Je suppose un
créancier d'une obligation à terme qui est échue ; ce créancier est indulgent ;
il n'exécute pas son débiteur du jour au lendemain ; le créancier va jusqu'à
vouloir lui éviter des frais et il ne lui donne pas assignation pour faire
courir des intérêts ; je demande si, dans ce cas, le créancier sera soumis à
payer l'impôt.
Il est important
qu'on soit fixé sur ce point, puisque de sa solution peuvent résulter des
rigueurs envers des débiteurs malheureux.
Une autre explication me reste à demander.
II y a des rentes en
nature. Ces rentes se payent généralement suivant les effractions. Or les
effractions ne se font qu'à la fin de l'année. Dans cet état, je désire savoir
sur quelles bases sera réglé l'impôt qui doit se payer dans un délai prochain.
L'on m'interrompt
pour me dire qu'on prendra les effractions de l'année précédente. La loi ne dit
rien à cet égard, et je ne puis partager cette opinion, qui serait arbitraire
et tout à fait injuste.
J'attends donc une
réponse aux deux interpellations que je viens d'adresser au gouvernement.
M. Malou. - L'honorable M. de
Garcia vient d'indiquer deux hypothèses ; on pourrait en citer un grand nombre
en pareille matière. Il se formera parallèlement deux jurisprudences qui se
suppléeront l'une à l'autre : la jurisprudence du gouvernement qui réglera
l'application de la loi suivant son esprit, et à défaut de celle-ci les
décisions les tribunaux.
Nous nous aurions
tort de nous lancer dans le champ très vaste des hypothèses que peut présenter
l'application de cet article.
Je fais cette
observation pour que la chambre ne s'engage pas plus avant dans un débat sans
issue.
Je crois qu'il faut maintenir le litt. E en ces termes
: la désignation de l'hypothèque. La désignation pourra se faire au moyen des
indications que contient le titre ou le bordereau, ou par la désignation du
numéro du cadastre.
Il ne faut pas exiger
une seule forme de désignation, parce que dans les circonstances actuelles, il
y a presque impossibilité pour beaucoup de personnes de suivre cette forme
plutôt qu'une autre. A la section centrale, on a examiné cette question, et on
a été d'avis d'admettre l'une ou l'autre des trois formes que je viens
d'indiquer. Que veut-on avoir, en effet ? Un moyen de contrôle des
déclarations, ce moyen existe au même degré dans les diverses formes.
M. le ministre des finances
(M. Veydt). - Je n'ai rien à opposer à cette observation. La
désignation pourra être faite suivant l'un des modes que vient d'indiquer
l'honorable M. Malou.
L'honorable M. de
Garcia demande comment l'emprunt sera appliqué aux rentes en nature.
L'appréciation du produit de ces rentes a lieu à présent suivant certaines
règles. On se guidera également d'après elles.
Quant à la seconde
question posée par l'honorable membre, si un débiteur en retard, par son fait,
de rembourser le capital d'une rente, continue à en servir les intérêts,
faudra-t-il que le créancier participe, de ce chef, à l'emprunt, je crois
qu'elle doit être résolue affirmativement.
- La clôture est
prononcée.
L'art. 12 est adopté
dans les termes suivants :
« Art. 12. Les
porteurs des titres seront tenus d'en faire la déclaration, avant le 15 mai
prochain, au bureau de l'enregistrement dans le ressort duquel ils sont
domiciliés.
« Cette déclaration,
dûment signée, énoncera :
« a. La date du
titre ;
« b. Sa nature
(rente ou créance) ;
« c. Le produit
annuel ;
« d. Le nom et
le domicile du débiteur ;
« e. La
désignation de l'hypothèque.
« Les formules
des déclarations seront mises, sans frais, à la disposition des intéressés,
dans les bureaux des receveurs de l'enregistrement.»
M. le président. - La chambre passe à l'article 13, ainsi conçu
dans le projet de la section centrale :
« Art. 13. Si la
déclaration est reconnue fausse, ou s'il n'a pas été fait de déclaration avant
le 25 mai, le propriétaire ou usufruitier sera tenu de payer la cotisation
établie d'office par le receveur de l'enregistrement, et la moitié en sus à
titre d'amende. »
M.
le ministre des finances (M. Veydt). - Je me rallie à cette rédaction. Mais je
proposerai un deuxième paragraphe, ainsi conçu :
« Il sera de même,
s'il n'a pas été fait de déclaration avant le 25 mai, à moins que, pour des
motifs particuliers, il n'ait obtenu du directeur de l'enregistrement dans la
province un délai qui ne pourra s'étendre au-delà du 31 dudit mois.»
M. Malou. - Il y a deux
hypothèses : celle où la déclaration serait fausse et celle où elle n'aurait
pas été faite dans le délai fixé par la loi. La prolongation de délai ne peut
s'appliquer qu'à la deuxième hypothèse. Il faudrait donc terminer le paragraphe
qui vient d'être proposé aux mots « avant le 25 mai », et ajouter un
troisième paragraphe ainsi conçu : « Le délai accordé par la loi pourra
être prolongé par le directeur de l'enregistrement. »
M. Verhaegen. - L'honorable M.
Malou nous disait tantôt avec beaucoup de raison que nous ne pouvons prévoir
toutes les hypothèses. En effet le nombre en est infini. Il s'établira, comme
il vous l'a dit, deux jurisprudences : la jurisprudence de l'administration et
celle des tribunaux. Il ne convient pas cependant d'être trop large ; car,
quelle que soit la jurisprudence, il faudra commencer par payer. Il y aura donc
un fait accompli, et la jurisprudence ne sera que d'un intérêt scientifique.
A ce point de vue, je
me permettrai une dernière hypothèse. J'ai une créance, une rente perpétuelle.
Ma créance est
hypothéquée. Mais mon débiteur ne me paye pas. Je le poursuis ; je l'exproprie.
D'autres créanciers se présentent ; il s'établit entre les divers créanciers un
ordre et un autre me devance. Je ne suis pas colloqué. J'aurai donc perdu ma
créance. Est-ce que je devrais encore payer ?
M.
Lebeau. - Oui.
M. Verhaegen. - On dit oui, mais
alors qu'on le déclare. L'honorable M. Lebeau tranche la question ; mais je
voudrais que la chambre elle-même la tranchât.
Je demande que la
chambre se prononce sur la question suivante : Je suppose que je possède une
créance de 50,000 fr. Mon créancier ne me paye pas, et je l'exproprie. Il
s'établit entre les divers créanciers un ordre, et je ne suis pas colloqué. Je
n'aurai plus de créance hypothécaire. Je deviendrai créancier chirographaire.
Est-ce que je devrai payer ?
Plusieurs membres. - Non ! non !
M. Raikem. - Je désire avoir
une explication sur la portée de cet article.
D'abord, je trouve
que l'amende est un peu forte eu égard aux circonstances où se trouvent les
créanciers. Cette disposition n'est qu'une reproduction de la disposition de
l'article 39 de la loi du 22 frimaire an VII, qui prononce une amende du moitié
en sus, lorsque les héritiers n'ont pas fait leur déclaration de succession
dans le délai déterminé. Mais les héritiers ont 6 mois. Et combien de temps
donnez-vous dans le cas actuel aux créanciers ? Vous ne leur donnez pas la
sixième partie du temps pour faire leur déclaration. Or, il peut arriver que
soit par inadvertance, soit par erreur, soit par défaut de connaître la loi, la
déclaration n'est pas faite avant le terme qui est fixé.
Je conçois qu'on
établisse une amende, mais celle de moitié en sus de ce qu'on doit payer
n'est-elle pas trop forte, et ne suffirait-il pas d'une amende d'un dixième en
sus ?
D'un autre côté,
voici ce qui peut arriver. Je conçois bien la portée de l'article quant aux
déclarations fausses : ce sont des déclarations faites dans l'intention de
tromper le trésor. L'intention est ici jointe aux faits et je conçois que
l'amende puisse s'y appliquer. Ces cas seront néanmoins fort rares, il y a lieu
de le présumer ; et la circonstance où les déclarations n'auront pas été faites
dans le délai voulu, se présentera plus souvent.
Mais voici encore une
autre circonstance qui peut se présenter et qui se présentera ; c'est que des
créanciers feront des omissions dans leurs déclarations. Il peut même arriver
que l'on n'ait pas toutes les désignations qui sont exigées par le projet,
lorsqu'on fournira sa déclaration au receveur.
Car, messieurs, toutes ces désignations sont à peu
près la reproduction de l'article du Code civil qui concerne les inscriptions
hypothécaires. Les créanciers sont bien intéressés à faire des inscriptions
valables ; et cependant combien n'a-t-on pas vu d'inscriptions nulles ! Il
pourrait donc bien arriver aussi que les déclarations ne soient pas en tout
point conformes au modèle, que l'on n'ait pas à l'instant, dans quelques jours,
tous les renseignements qui sont nécessaires. On vous indiquera le montant de
la rente, et alors il sera bien évident que l'on n'a pas voulu frustrer le
trésor. Mais dans ce cas, le receveur sera-t-il obligé de recevoir la
déclaration telle qu'elle sera faite ? Je le crois ainsi ; car on aura
satisfait à tout ce que peut exiger l'intérêt de l'Etat, et on pourra par la
suite compléter cette déclaration.
D'un autre côté, s'il
y a dans une déclaration omission de certaines rentes, entend-on faire porter
l'amende sur ces omissions ? Ou pourront-elles être réparées et dans quel délai
?
Je désirerais avoir
quelques explications sur ce point, mais en tout cas, je crois que l'amende est
trop élevée.
M.
le ministre des finances (M. Veydt). - Ma position est
assez difficile. J'ai à répondre à des jurisconsultes très versés dans ces matières
épineuses, et j'avoue que je ne le suis guère. Je crois cependant pouvoir
donner une réponse satisfaisante aux deux observations de l'honorable M.
Raikem.
En ce qui concerne la
première, il y a, messieurs, une grande différence entre le cas qui nous occupe
et la déclaration à faire pour une succession. Ici le déclarant est souvent
embarrassé, parce qu'il ne possède pas encore les éléments pour remplir les
prescriptions de la loi dans le délai fixé par elle. Souvent il arrive que des
délais sont demandés et la plupart du temps ils sont accordés, parce qu'on en
justifie la nécessité. Il n'en sera pas de même pour la déclaration de la
créance hypothécaire ; elle pourra être faite sans devoir recourir à des
investigations, et s'il n'en était pas ainsi, l'administration ne se montrera
pas rigoureuse pour accorder une prolongation du délai.
Quant à la pénalité,
je rappellerai qu'il y avait dans la rédaction (page 1431) primitive les mots : « déclarations
inexactes ». La section centrale y a substitué les mots : « fausses
déclarations ». C'est assez dire qu'il faut que le porteur du titre de
rente ait sciemment commis l'omission ou l'altération du produit de sa créance
pour que la pénalité lui soit applicable. Si la déclaration est inexacte, par suite
d'une erreur de bonne foi, il sera permis à celui qui aura fait cette
déclaration de la compléter.
M. Malou. - J'ajouterai que
la section centrale a établi une amende au lieu d'une double contribution, afin
que le gouvernement puisse transiger, lorsque les circonstances le réclameront.
- La discussion est
close.
La rédaction proposée
par M. le ministre de l'intérieur est mise aux voix et adoptée.
Article 13
« Art. 14. La
cinquième partie de l'emprunt se composera :
« a. D'une retenue
de 4 p. c. des traitements et des pensions de deux mille francs à trois mille
francs exclusivement, payés par l'Etat ;
« b. D'une
retenue de 6 p. c. desdits traitements et pensions s'ils atteignent ou
dépassent le chiffre de 3,000 fr. ;
« c. D'une retenue
de 5 p. c. des traitements de tout officier ou fonctionnaire militaire du grade
de capitaine ou d'un grade supérieur.
« Ces retenues
seront opérées par mois ou par trimestre, selon le mode suivi pour le payement
des traitements et des pensions. »
La section centrale propose la rédaction suivante :
« Art. 14. La
cinquième partie de l'emprunt se composera :
« a. D'une
retenue de 4 p. c. des traitements, des remises et des pensions de 2,000 fr. à
3,000 fr. exclusivement, payés par l'Etat ;
« b. D'une
retenue de 6 p. c. desdits traitements, remises et pensions, s'ils atteignent
ou dépassent le chiffre de 3,000 fr.
« c. D'une
retenue de 5 p. c. des traitements de tout officier ou fonctionnaire militaire
du grade de capitaine ou d'un grade supérieur.
« Ces retenues seront
opérées à partir du mois d'avril 1848, par neuvième ou par tiers, selon que le
payement des traitements, des remises et des pensions a lieu par mois ou par
trimestre. »
M. le ministre des finances
(M. Veydt). - Le gouvernement se rallie à la rédaction de la
section centrale.
M. le président. - M. Lys a déposé l'amendement suivant :
« Les retenues
sur les traitements, remises et pensions auront lieu, à partir du deuxième trimestre
de l'année courante, comme suit :
« 4 p. c. sur un
revenu de 2,000 à 3,000 fr.
« 5 p. c. sur un
revenu de 3,000 à 4,000 fr.
« 6 p. c. sur un
revenu de 4,000 à 5,000 fr.
« 7 p. c. sur un
revenu de 5,000 à 6,000 fr.
« et ainsi de
suite. »
Vous avez cet
amendement sous les yeux.
M.
Lys. - Je ne dirai que quelques mots pour justifier cet
amendement. Je dirai d'abord que c'est à peu près ce qui a été fait en 1831.
J'ajouterai qu'il y a d'autant plus de raisons pour l'admettre aujourd'hui, que
les traitements sont plus considérables qu'ils ne l'étaient en 1831.
M. le président. - Quelqu'un demande-t-il la parole ?.... Si
personne ne demande la parole, je mettrai l'amendement aux voix.
Plusieurs membres. - L'appel nominal.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Rogier). - Avant d'aller aux voix, je voudrais bien que
nous eussions connaissance de l'amendement. Il n'a pas été discuté, il n'a pas
même été lu.
M. le président. - J'ai demandé si quelqu'un désirait prendre la
parole. Personne n'ayant répondu, j'ai annoncé que j'allais mettre l'amendement
aux voix.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Rogier). - Nous avons dû supposer que M. Lys renonçait
à son amendement. Puisqu'il en est autrement, je demande que l'amendement soit
lu et mis en discussion.
M. le président. - L'amendement est ainsi conçu :
« Les retenues
sur les traitements, remises et pensions auront lieu, à partir du deuxième
trimestre de l'année courante, comme suit :
« 4 p. c. sur un
revenu de 2,000 à 3,000 fr.
« 5 p. c. sur un
revenu de 3,000 à 4,000 fr.
« 6 p. c. sur un
revenu de 4,000 à 5,000 fr.
« 7 p. c. sur un revenu de 5,000 à 6,000 fr.
« et ainsi de
suite. »
Je pense qu'il est
inutile de lire tout l'amendement. La même progression continue jusqu'à 40 p.
c. sur un revenu de 38,000 fr. et au-dessus. Du reste, l'amendement a été
imprimé et vous l'avez sous les yeux.
La chambre veut-elle
rouvrir la discussion ?
- La chambre décide
que la discussion est rouverte.
M. Delfosse. - Messieurs, il y
a, dans l'amendement de l'honorable M. Lys, une pensée qui est la mienne et qui
sera aussi, je l'espère, celle de la majorité de la chambre. Dans les
circonstances actuelles, il est peu de classes de la société, propriétaires,
industriels, commerçants, qui ne soient fortement atteints dans leurs revenus.
Tantôt quelques collègues nous ont parlé des souffrances des propriétaires,
d'autres vous ont entretenus des souffrances des industriels. Un fait certain,
c'est que tout le monde souffre. J'excepte cependant la classe des
fonctionnaires. Non seulement la position des fonctionnaires n'a pas été
atteinte par les événements, mais on peut dire qu'elle s'est améliorée.
Les fonctionnaires
ont touché jusqu'ici le même traitement que par le passe, et ce traitement
représente une valeur plus grande parce que la rareté de l'argent fait qu'on
peut avec la même somme se procurer plus de choses. La position des
fonctionnaires s'est améliorée par les événements mêmes qui ont fait souffrir
toutes les autres classes de la société, qui ont porté une atteinte grave à
tous les revenus. Si l'on veut être juste et les fonctionnaires qui sont plus
intéressés que personne au maintien de l'ordre de choses actuel, doivent
désirer qu'on le soit, il faut leur imposer un plus grand sacrifice que celui
qui résulterait non seulement de la proposition du gouvernement, mais même de
la proposition de la section centrale.
Il y a, messieurs,
une question préalable à examiner, c'est celle de savoir si l'on fera
intervenir les fonctionnaires à titre d'impôt ou à titre d'emprunt. Suivant que
vous déciderez cette question dans un sens ou dans l'autre, vous pourrez
établir une réduction plus ou moins forte. Si vous frappez les fonctionnaires à
titre d'emprunt, il est évident que les propositions du gouvernement et même
celles de la section centrale sont insuffisantes. Je dis plus, elles sont
encore insuffisantes alors même que vous les frapperiez à titre d'impôt.
Le tort de la
proposition de la section centrale, c'est de s'arrêter pour tous les
traitements, quelque élevés qu'ils soient, à une réduction de 10 pour cent.
Remarquez, messieurs, que la section centrale établit une retenue progressive
jusqu'aux traitements de 10,000 fr., mais au-delà, c'est-à-dire pour les
traitements qu'on devrait frapper le plus fortement, qui devraient concourir le
plus aux sacrifices que vous êtes obligés de demander à toutes les classes de
contribuables, la progression s'arrête ; c'est une inégalité révoltante en
faveur des gros traitements ; vous établissez une progression pour les petits
traitements et quand vous arrivez aux gros traitements la progression s'arrête.
C'est une inégalité que le pays ne comprendrait pas.
Le ministère nous a
annoncé qu'il voulait entrer franchement, largement dans la voie des économies,
qu'il voulait opérer des réformes radicales dans les dépenses de l'Etat. Eh
bien, c'est le moment de commencer. Assez de paroles. Des faits.
Je propose, comme
commencement d'économies, comme commencement d'exécution des promesses qui ont
été faites, une retenue, non pas à titre d'emprunt, mais à titre d'impôt, sur
les fonctionnaires. Dans les circonstances actuelles, alors même qu'on ferait
une forte retenue à titre d'impôt, les fonctionnaires seraient encore,
relativement aux autres classes de la société, qui souffrent beaucoup, dans une
position favorable.
J'appuierai donc la
proposition de l'honorable M. Lys. Cependant, l'honorable M. Lys va un peu loin
en poussant la progression jusqu'à 40 p. c.
Je sais bien qu'à la
rigueur on ne devrait pas s'arrêter à 40 ni même à 50 ou 60 p. c., mais si la
progression ne s'arrêtait pas, on finirait par enlever tout le traitement.
Pour certains
fonctionnaires, une partie du traitement tient lieu de frais de représentation
et de séjour à l'étranger, si vous enlevez à ces fonctionnaires 40 p. c, il ne
resterait peut-être rien pour le traitement proprement dit.
Je ne veux pas donner dans l'exagération ; je
proposerai d'arrêter la progression de l'honorable M. Lys, au chiffre de 25 p.
c, c'est-à-dire, que la retenue la plus forte n'excéderait pas 25 p. c,
Je le sais, il y aura
encore là une espèce de faveur pour les gros traitements : mais il y a peu de
traitements supérieurs à 25,000 fr.
Messieurs, je répète
que, dans les circonstances où nous sommes, il est nécessaire d'imposer de grands
sacrifices à la classe des fonctionnaires, dans l'intérêt même de cette classe
; les fonctionnaires doivent en ce moment donner l'exemple du dévouement à la
chose publique. Je propose d'adopter l'amendement de l'honorable M. Lys, avec
la limite que je viens d'indiquer, sans faire toutefois de cette réserve une
condition sine qua non de non vote approbatif ; je voterais même l'amendement
de M. Lys, sans autre réserve, plutôt que d'adopter l'amendement de la section
centrale.
M. Lys. - Je me rallie à
cette proposition.
M. de Garcia. - Messieurs, la
proposition de l'honorable M. Lys me convient jusqu'à un certain point ; et si
elle était réduite aux proportions indiquées par M. Delfosse avec le caractère
générale de la loi, qui est un emprunt, je m'empresserais d'y donner mon
assentiment. Dans ce sens, je présenterai quelques considérations qui me
paraissent de nature à devoir la faire adopter.
Messieurs, il ne
s'agit que d'un emprunt, et pourtant il est incontestable qu'une mesure
semblable ne peut être qu'un stimulant pour intéresser tous les fonctionnaires
au maintien de l'Etat, et à la bonne conduite des affaires publiques.
Il y a là non
seulement un but moral, mais un but financier. Qu'on y prenne garde : cette
retenue ou cet emprunt est une arme à deux tranchants : en faisant cette
retenue, vous augmentez les ressources pour donner du travail aux pauvres, et
d'un autre côté, vous diminuez les dépenses.
Le système proposé
par l'honorable M. Lys et réduit au maximum de 25 p. c. n'est pas neuf. Il
existe une loi française du 1er messidor an VII qui, dans des moments
difficiles, a exactement présenté le même caractère ; la réduction allait
progressivement depuis 4 jusqu'à 25 p. c. Le gouvernement français, trouvant
ses finances dans un état déplorable, n'a pas hésité à faire la retenue
jusqu'au moment où des circonstances douloureuses vinrent à cesser.
Une
voix. - L'époque est un peu éloignée.
M. de Garcia. - Je ne sais si on
peut attacher quelque importance à l'époque ; mais je dirai que c'était une
époque de dévouement pour la France qui se battait contre l'Europe entière.
Nous sommes aussi dans une époque difficile qui commande le dévouement ; les
deux époques présentent (page 1432)
le même caractère ; c'est donc le moment de faire chez nous du dévouement comme
on en faisait alors en France ; et le dévouement que je réclame reste
au-dessous de celui auquel j'ai fait allusion, puisque là il s'agissait d'une
retenue absolue et qu'ici il ne s'agit que d'un emprunt.
D'après ces
considérations, j'appuie de toutes mes forces la proposition telle que l'a
amendée l'honorable M. Delfosse.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Rogier). - Messieurs, pour bien dégager la position des
ministres dans cette question, je commence par dire que mes collègues et moi
livrons au vote de la chambre les retenues qu'elle trouvera bon d'imposer au
traitement des ministres. Mais il me serait impossible de suivre l'espèce
d'entraînement auquel je vois certains membres se laisser aller, en ce qui
concerne les retenues à exercer sur les traitements des fonctionnaires.
Les fonctionnaires
publics donnent à l'Etat leur temps, leurs soins, leur intelligence. Tous, à la
vérité, ne rendent pas les mêmes services, tous ne déploient pas les mêmes
capacités, mais enfin, tous se consacrent au service public.
Ils reçoivent un
salaire pour prix de leurs fonctions, pour prix de leurs services, de la même
manière que les avocats, les notaires, les médecins reçoivent des honoraires.
Jusqu'ici je n'ai pas vu qu'on songeât à frapper d'une retenue les bénéfices
que ces diverses professions retirent de l’exercice de leurs fonctions.
Le fonctionnaire
public qui tire un profit des services qu'il rend à la chose publique ne doit
pas, sous ce rapport, être plus rigoureusement traité que tout autre individu
qui tire parti des services qu'il rend à ses semblables, mais dans un ordre
moins général que le fonctionnaire public.
Messieurs, le
fonctionnaire public a aussi ses charges à supporter.
Le fonctionnaire
public devra payer sa part dans l'emprunt. Ceux qui ont une propriété seront
frappés comme propriétaires. Ceux qui occupent une maison devront participer à
l'emprunt du chef de la contribution personnelle.
A partir des
ministres, tous les fonctionnaires payent des contributions. Chaque ministre
est frappé, à raison de l'hôtel qu'il occupe, d'un impôt personnel qui va de 5
à 800 fr.
Il y a, messieurs,
divers moyens de faire des économies en matière de fonctions publiques ; on
peut réduire les traitements, on peut réduire le nombre des fonctions. Je crois
d'ailleurs le système de réduction portant sur la quotité des fonctionnaires
très préférable au système de réduction sur les traitements. On exagère
d'ailleurs la hauteur des traitements des fonctionnaires publics.
S'agit-il des
fonctionnaires de l'ordre judiciaire ? Il y avait là si peu d'exagération qu'il
y a peu d’années on a grevé le budget d'une somme de 500,000 fr. pour augmenter
les traitements de la magistrature.
S'agit-il des
traitements du clergé ? On a également reconnu la nécessité d'augmenter les
traitements des vicaires, ce qui a entraîné des dépenses assez fortes.
Restent les
fonctionnaires de l'ordre administratif. Eh bien, ces fonctionnaires n'ont pas
eu d'augmentation de traitement, il y a eu au contraire des réductions, à
partir des ministres jusqu'aux commissaires de district.
Qu'il y ait dans
certaines parties du service public un trop grand nombre de fonctionnaires, c'est
ce que je ne conteste pas. Mais dire qu'il y ait exagération dans les
traitements, soutenir qu'en général les traitements des fonctionnaires publics
seraient trop élevés, je soutiens que c'est là une erreur. Lorsqu'on viendra à
l'examen des faits, on le reconnaîtra. De réduction en réduction vous pouvez
alléger tout d'un coup votre budget ; supprimez tous les traitements.
On connaît un pays
où, pendant beaucoup d'années, les fonctionnaires n'ont reçu aucune espèce de
traitement ; on sait dans quel état florissant se trouvait l'administration de
ce pays, et quelle loyauté présidait à la direction du service administratif.
Vous aurez d'abord à
décider si la retenue à faire sur les traitements des fonctionnaires aura lieu
à titre d’emprunt ou à titre d'impôt. Je considérerais comme l'injustice la
plus criante une retenue à titre d'impôt.
M. Delfosse. - Je demande la
parole.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Rogier). - Il ne faut pas perdre de vue que les
fonctionnaires publics ne sont pas les fonctionnaires de la chambre Vous ne
pouvez les traiter d'une autre manière que les autres classes de la société,
que les avocats, les notaires, les propriétaires.
On a fait entendre,
dans toute cette discussion, des paroles très éloquentes en faveur de toutes
les classes qui sont appelées à payer l'impôt. Il ne faut pas faire des
fonctionnaires publics une classe de parias, sur lesquels on pourrait tomber
impunément sans merci, ni miséricorde.
Je regrette que mes
fonctions de chef de département m'amènent (mais c'est mon devoir) à prendre
ici la défense des fonctionnaires publics. Je le regrette en ce sens, qu'étant
moi-même un des fonctionnaires les mieux salariés, on pourrait supposer qu'en
défendant la cause des fonctionnaires publics, je défends une cause toute
personnelle.
De toutes parts. - Non ! non !
M.
le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Voilà, je
l'avoue, ce qui embarrasse un peu la défense d'une cause que je crois juste et
que je considère comme un devoir de présenter devant vous, à quelques
suppositions qu'on puisse d'ailleurs se livrer. (Nouvelles et unanimes dénégations.)
J'espère que la
chambre sera convaincue que ce n'est pas un intérêt personnel qui est le mobile
de notre conduite. (Adhésion générale.)
Ce n'est pas non plus
une vaine offre que nous faisons. Qu'on commence par faire porter la retenue la
plus forte sur les traitements des ministres, nous sommes prêts à nous y
soumettre. Personnellement, nous n'avons pas besoin des 21,000 fr., qui nous
sont alloués au budget ; il y a moyen de vivre modestement avec un traitement
moins élevé. (Approbation générale.)
Vous ne pouvez pas
non plus, à l'occasion de cette loi, faire prévaloir un principe qui
préjugerait le système qu'adopterait le gouvernement, en ce qui concerne les
fonctionnaires publics. Si j'ai bien compris l'honorable M. Delfosse, il
voudrait que, dès maintenant, au moyen de la retenue, on préjugeât les
réductions à opérer sur les traitements. Quant à nous, nous demandons que cette
question ne soit pas préjugée.
Je considère au surplus comme tout à fait exagérées
les retenues qui sont proposées par l'honorable M. Delfosse.
M. Vilain XIIII. - M. le président,
je demande que dans le dernier paragraphe de l'article de la section centrale
on ajoute le mot « indemnités » après les mots « remises et
émoluments ». Je n'ai pas besoin de dire pourquoi je fais cette
proposition. Il me semble qu'il serait malséant que, lorsque la chambre va
imposer aux fonctionnaires de lourdes charges, elle ne s'impose pas à elle-même
un léger sacrifice.
M. Delfosse. - Je regrette que
M. le ministre de l'intérieur ait cru devoir combattre ma proposition.
M. le ministre de
l'intérieur voit dans ma proposition une injustice, parce que je veux frapper
la classe des fonctionnaires à titre d'impôt, alors que les contribuables ne
seraient frappés qu'à titre d'emprunt. Je vous prierai, messieurs, de remarquer
que cette prétendue injustice a été commise par le congrès national ; le
congrès national à aussi ordonné des emprunts forcés, et il a fait en outre,
sur tes traitements des fonctionnaires, une forte retenue à titre d'impôt, et
je soutiens que le congrès national, dont l'honorable M. Rogier faisait partie,
a eu de bonnes raisons pour établir une différence entre les retenues des
fonctionnaires et l'emprunt à demander aux contribuables.
Une des raisons de
cette différence, messieurs, je l'ai déjà indiquée. Dans les circonstances
calamiteuses, tous les bénéfices sont réduits par la force des événements. Les
industriels, les propriétaires même subissent de fortes pertes sans qu'on
vienne leur dire : Il vous sera plus tard tenu compte de ces pertes.
Je dis que, dans un
moment où par la force des événements toutes les classes de la société voient
diminuer leurs revenus, il faut, si l'on veut être juste, si l'on veut répartir
des souffrances, que la classe des fonctionnaires voie aussi diminuer les siens
; je dis que la classe des fonctionnaires, si elle comprend bien sa position,
si elle veut les sympathies du pays, doit donner l'exemple du dévouement, et
consentir à partager le sort commun.
M. le ministre de
l'intérieur nous dit que les fonctionnaires ne sont pas des parias, et qu'il
faut les assimiler aux autres contribuables. Mais savez-vous ce que vous
demandez aux autres contribuables, à tous les contribuables, qui seront imposés
par votre projet d'emprunt ? Vous demandez à peu près le tiers de leurs
revenus.
Vous demandez 12/12
de la contribution foncière ; vous en avez déjà demandé 8/12. Ils payent à
titre d'impôt ordinaire 12/12 ; cela fait 32/12 de l'impôt foncier ; c'est à
peu près le tiers du revenu. Remarquez que les propriétaires qui seront imposés
devront encore payer la part de ceux qui ne le seront pas. Il n'y a pas de
propriétaire qui dans les circonstances actuelles ne doive payer à l'Etat près
du tiers de son revenu. Et je ne parle que de l'impôt financier. Mais si je
tiens compte de ce que la plupart des propriétaires payeront dans l'impôt
personnel, il en est qui payeront la moitié de leur revenu.
Quand la plupart des
propriétaires payent à l'Etat des sommes aussi considérables, est-ce trop
exiger des fonctionnaires, qui non seulement n'ont pas subi la moindre
réduction, mais qui, comme je le disais tantôt, ont de meilleurs traitements,
parce que la rareté de l'argent fait qu'une foule de choses s'obtiennent à
meilleur marché, est-ce trop exiger d'eux que de leur imposer à titre d'impôt
la retenue proposée par l'honorable M. Lys ?
Messieurs, il ne faut pas croire que je demande un
état de choses définitif. M. le ministre de l'intérieur s'est trompé, lorsqu'il
a dit que je voulais établir dès aujourd'hui les bases d'un ordre de choses
permanent en ce qui concerne la classe des fonctionnaires. Non ; telle n'a pas
été ma pensée. Je reconnais avec M. le ministre de l'intérieur, et je l'ai dit
plusieurs fois, qu'il ne faut pas tant s'attacher à réduire les traitements
qu'à diminuer le nombre des fonctionnaires. Que l'on ait moins de
fonctionnaires, qu'on exige d'eux plus d'intelligence et d'activité, et qu'on
les rétribue ; voilà ce que je veux. Mais en attendant que vous puissiez faire
cette réforme, que j'appelle de tous mes vœux, mais qui n'est pas l'œuvre d'un
jour, posez un acte de justice, entrez dans la pensée du pays qui demande que
la classe des fonctionnaires prenne, comme toutes les autres, sa part des
souffrances que les événements nous imposent à tous.
Je regrette
profondément que M. le ministre de l'intérieur ait cru devoir combattre ma
proposition.
(page 1433) M. Verhaegen. - Messieurs, loin de moi de vouloir
traiter les fonctionnaires publics en parias ; aussi je ne suis pas d'avis qu'il
faille les frapper d'un impôt, alors qu'il ne s'agit pour les industriels, pour
les commerçants, pour les propriétaires, que d'un emprunt. Mats il ne s'agit
pas de cela et il ne peut pas s'agir de cela dans ce moment ; il ne faut pas
confondre avec une question de réduction de traitements la question de
l'emprunt, et je crois que cette confusion n'entre pas dans les intentions de
mon honorable ami. (Oui ! oui !)
M. Delfosse. - C'est tout le
contraire. Je veux ce que le congrès national a voulu.
M. Verhaegen. - J'avais donc mal
compris mon honorable ami, et dès lors je ne puis pas adopter son opinion sur
ce point. -Mais je l'admets quant à la progression que, d'accord avec
l'honorable M. Lys, il a cru devoir adopter en la limitant au chiffre de 25 p.
c, et ici, messieurs, j'ai à soumettre à la chambre une observation capitale.
On crie à
l'exorbitance, et on croirait vraiment que l'honorable M. Lys, et après lui l'honorable
M. Delfosse, ont fait une proposition bien injuste.
Mais, messieurs,
mettons, je vous prie, la proposition de la section centrale en regard de celle
de mon honorable ami.
La section centrale
frappe les traitements et pensions de 2 à 3,000 fr. d'une retenue de 3 p. c. ;
MM. Lys et Delfosse portent cette retenue à 4 p. c, et ils l'augmentent, de
même que la section centrale, de 1 p. c. à raison de chaque millier de francs,
en plus. Mais la section centrale arrête la progression au chiffre de 9,000 fr.
Ainsi, jusqu'à 9,000 fr. les deux propositions marchent d'accord, sauf la seule
différence de 1 p. c. Eh bien, messieurs, je crois que le plus grand nombre des
fonctionnaires sont à peu près hors de cause. 9,000 fr., c'est déjà me somme
assez forte, ce me semble, pour qu'il ne faille plus user de tant de réserve à
l'égard de la catégorie de fonctionnaires qui touchent un chiffre plus élevé.
Un homme qui peut compter sur 10,000 fr. et plus n'est certes pas à plaindre.
Oh ! que tous les autres soient dignes de ménagements, que les petits soient
épargnés, je le veux bien ! Mais remarquez que la divergence ne commence qu'aux
traitements supérieurs à 9,000 fr. Eh bien, je le demande, est-ce que toutes
les observations qui nous ont été soumises, et qui me semblent fort justes, ne
sont pas de nature à nous faire continuer depuis ce chiffre jusqu'à celui de 24
mille francs, la progression dont le dernier terme est 25 p. c. ? '
Les ministres doivent
rester étrangers à la question qui s'agite, et je regrette que l'honorable M.
Rogier soit venu parler de lui et de ses collègues, dans cette circonstance ;
car nous sommes tous convaincus que les traitements des ministres ne sont pas
même proportionnés aux besoins de la situation, Ce que je veux atteindre, ce
sont non les chefs des départements ministériels, mais ces fonctionnaires
quelquefois très inutiles qui touchent 10 et 12 mille francs, avec des
indemnités, des suppléments, et qui grèvent le budget d'une manière
exorbitante, enfin ces cumuls et ces abus de toute espèce.
Messieurs, ne nous y
trompons pas, bien des industriels et des commerçants seront embarrassés, très
embarrassés de trouver les fonds nécessaires pour payer leurs cotes ; il est
même des propriétaires qui seront dans l'impossibilité d'y faire face et qui
devront eux-mêmes faire des levées, tandis que pour les fonctionnaires, les
traitements constituent une ressource certaine, la somme est liquide, ils n’ont
pas à la chercher, elle est toute prête. Il serait fort heureux le propriétaire
qui trouverait là une somme liquide dont il n'aurait qu'à prendre le tiers ou
le quart pour payer sa cote de l'emprunt !
L'honorable M. Rogier, je ne sais pas à quel sujet, a
parlé des revenus des professions libérales. Eh bien, je suis parfaitement de
son avis, et c'est l'opinion que j'ai énoncée dans cette enceinte depuis
longtemps. J'ai constamment demandé que l'on frappât tous les revenus,
n'importe lesquels, les revenus des propriétaires, comme ceux des industriels
et des commerçants, les revenus des avocats, des notaires, en un mot, les
revenus de toutes les professions libérales. J'ai toujours présenté cela comme
un acte de justice. L'objection de l'honorable M. Rogier n'est donc pas neuve ;
je l'ai présentée maintes fois moi-même en réponse à d'autres observations.
En résumé, messieurs,
il s'agit de poser un acte de justice. L'égalité doit être la base de
l'emprunt, et il n'y aurait pas égalité si des personnes qui touchent des
sommes considérables du trésor public ne venaient pas contribuer à l'emprunt,
proportionnellement à ces sommes. La question d'ailleurs ne concerne que ceux
qui touchent plus de 9,000 francs ; je pense que la proposition, telle qu'elle
est réduite par mon honorable ami, dans les termes d'un emprunt et non pas d'un
impôt, est de nature à être adoptée par la chambre.
M. Malou. - On est d'accord
qu'il faut une échelle progressive ; la différence entre l'honorable M. Lys et
la section centrale n'est que de 1 p. c. On est d'accord aussi que la
progression doit s'arrêter à un point quelconque, mais quel est ce point ? On
doit, ce me semble, laisser agir la progression jusqu'à ce qu'on ait atteint la
généralité des traitements proprement dits et n'exempter de la progression que
les traitements qui sont fixés à raison d'une position spéciale, et des
dépenses que cette position impose.
Je proposerai donc
d'établir la retenue progressive depuis deux mille jusqu'à quinze mille francs.
Au-dessus de quinze mille francs il n'y a plus que les traitements des
ministres et ceux des membres du corps diplomatique.
Un membre. - Et celui de
l'archevêque.
M. Malou. - Soit. (Interruption.)
Messieurs, les
interruptions me démontrent qu'une erreur subsiste dans plusieurs esprits ; on
suppose que la progression une fois arrêtée, il n'y a plus de retenue. La
retenue doit toujours être opérée sur la totalité du traitement ; seulement
elle est proportionnelle ; elle cesse d'être progressive.
Les opinions jusqu'à
présent ne sont divisées que, sur le point de savoir où la progression doit
s'arrêter. La section centrale n'avait peut-être pas été assez loin. Plusieurs
traitements, par exemple, au département des finances, des traitements de
simples receveurs, échappaient à la progression. Nous devons tous vouloir que
la progression agisse sur ces traitements. Je propose donc à la chambre
d'arrêter la progression au chiffre de 15,000 fr.
- La discussion est
close.
M. le président. - L'amendement de M. Lys s'éloigne le plus de la
proposition du gouvernement ; il faudrait donc commencer par cette proposition.
Si l'amendement de M. Lys était rejeté, on viendrait à l'amendement de M. Malou
; et si cet amendement était rejeté, on viendrait à l'amendement de la section
centrale, auquel le gouvernement s'est rallié.
On a demandé qu'on
statuât d'abord sur la question de principe : la retenue sera-t-elle
opérée à titre d'impôt ou à titre d'emprunt ? (C'est cela ! Aux voix !)
Des membres. - L'appel nominal.
M. le président. - Il va y être procédé. Ceux qui veulent que ce
soit à titre d'emprunt répondront : oui ; ceux qui veulent que ce soit à titre
d'impôt répondront : non.
Voici le résultat de
celle opération :
86 membres ont
répondu à l'appel.
72 membres ont répondu
oui.
15 membres ont
répondu non.
1 membre (M.
Tielemans) s'est abstenu.
En conséquence, la chambre décide que la retenue sur
les traitements des fonctionnaires publics ne sera pas opéré à titre d'impôt.
M. Tielemans s'est abstenu parce
qu'il est fonctionnaire public.
M. le président. - L’amendement de M. Vilain XIIII s'adapte à
tous les systèmes. Je mets d'abord aux voix l'amendement de M. Lys.
M. Lys. - J'ai ajouté à mon
amendement « émoluments et remises de toute nature »; car si ces mots
n'étaient pas dans l'amendement, les conservateurs des hypothèques ne seraient
pas passibles de la retenue.
M. de T'Serclaes. - Messieurs, je
demanderai s'il ne vaudrait pas mieux voter d'abord le principe qu'il y aura
une retenue sur les traitements et les pensions, et ajouter, ensuite un
paragraphe dans lequel on définirait plus en détail ce qu'il faut entendre par
traitements. Je propose d'effacer les mots : « remises et
émoluments » qui se trouvent dans la première partie de l'amendement de
l'honorable M. Lys, et j'aurai l'honneur de présenter une nouvelle rédaction du
septième aliéna de l'article 14 de la section centrale, lequel s'applique à
tous les systèmes en discussion.
Sur le second point,
nous voulons tous que les remises, le casuel et les émoluments de toute nature
servent également de base pour la cotisation comme le traitement lui-même. Or,
l’énumération de l'honorable M. Lys n'est pas complète ; celle de la section
centrale ne me paraît pas l'être non
plus, puisqu'elle ne mentionne pas les suppléments de traitement. Enfin il faut
ajouter sur la motion de l'honorable M. Vilain XIIII : les indemnités. Mais ici
encore un mot d'explication est nécessaire : on doit distinguer entre une
simple indemnité, qui n'est ordinairement que le remboursement d'une avance, et
une indemnité fixe, qui est une sorte de traitement. Je propose donc de dire au
septième alinéa :
« Les
suppléments de traitements, les remises, les émoluments de toute nature, les
indemnités fixes seront comptés comme le traitement lui-même pour fixer le taux
de la contribution à l'emprunt. »
Et, je demande que
l'amendement de M. Lys soit mis aux voix de façon à énoncer simplement le
principe de la retenue sur les traitements et pensions en ces termes :
« La cinquième partie
de l'emprunt se composera (a) d'une retenue sur les traitements et pensions. »
;
Le reste comme à
l’amendement de M. Lys.
M. le président. - Votre amendement s'adapte, comme celui de M.
Vilain XIIII, à tous les autres amendements.
M. Lys consent-il à
ce qu'on réduise pour le moment son amendement aux mots : « traitements et
pensions » ?
M. Lys. - Oui, M. le
président.
M. le président. - Je
vais mettre cette partie de l'amendement aux voix.
Des membres. - L'appel nominal.
- Il est procédé à
l'appel nominal.
En voici le
résultat :
92 membres sont
présents.
5 (MM. Destriveaux,
d'Hoffschmidt, Frère-Orban, Rogier et Veydt) s'abstiennent.
87 prennent part au
vote.
58 votent pour
l'adoption.
29 votent contre.
La chambre adopte.
(page 1434) Ont voté pour
l'adoption : MM. d'Anethan, David, de Baillet-Latour, de Bonne, de Breyne, de
Brouckere, Dechamps, de Corswarem, Dedecker, de Denterghem, de Garcia de la
Vega, de Haerne, Delehaye, Delfosse, de Liedekerke. de Meester, de Mérode, de
Muelenaere, Desaive, de Theux, de T'Serclaes, de Villegas, d'Hane, Donny, Dubus
(Albéric), Dumont, Duroy de Blicquy, Eenens, Faignart, Henot, Herry-Vispoel,
Huveners, Lange, Lesoinne, Loos, Lys, Manilius, Moreau, Orban, Orts, Osy,
Rodenbach, Sigart, Thienpont, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Troye, Van
Cleemputte, Vandensteen, Van Huffel, Van Renynghe, Verhaegen, Vilain XIIII,
Zoude, Biebuyck, Brabant, Bricourt, Clep et Liedts.
Ont voté contre : MM.
Dautrebande, de Chimay, de Clippele, de La Coste, de Man d'Attenrode, de Sécus,
de Terbecq, de Tornaco, d'Huart, Dolez, Lebeau, Le Hon, Lejeune, Malou, Mast de
Vries, Mercier, Pirmez, Pirson, Scheyven, Simons, Vanden Eynde, Anspach,
Broquet, Bruneau, Cans, Cogels, Fallon, Gilson et Jonet.
M. le président. invite les membres qui se sont abstenus à en
faire connaître les motifs.
M. Destriveaux. - Messieurs, j'ai
voté tout à l'heure sur la question de savoir si la somme demandée aux
fonctionnaires le serait à titre d'emprunt ou à titre d'impôt. Comme je pense
qu'il serait injuste et contraire aux principes d'établir un impôt spécial
pesant sur les fonctionnaires, j'ai voté contre la proposition.
Maintenant qu'il
s'agit de la quotité de l'emprunt, comme intéressé...
Plusieurs membres. - Les pensionnaires
de l'Etat sont ici hors de cause.
M. Destriveaux. - C'est une erreur
: il s'agit d'eux aussi bien que des fonctionnaires. Comme j'ai le bonheur ou
le malheur d'être pensionnaire de l'Etat, j'ai dû, je le répète, m'abstenir
comme intéressé dans la question.
M. le
ministre des affaires étrangères (M. d’Hoffschmidt). - Je me suis
abstenu, parce que, en ma qualité de fonctionnaire public, je suis intéressé
dans la question.
M. le ministre des
travaux publics (Frère-Orban). - Je me suis abstenu, comme intéressé dans la
question.
M. le ministre des finances
(M. Veydt). – Par les mêmes motifs, notre abstention prouve que
nous ne partageons pas l'opinion de l'honorable M. Verhaegen, qui, je pense, a
émis l'avis que les ministres ne devraient pas être appelés forcément à
concourir à l'emprunt.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Rogier). - S'il ne s'était agi que des traitements des
ministres, j'aurai voté pour la proposition. Mais comme elle atteint d'autres
fonctionnaires que les ministres, et suivant moi d'une manière exagérée, je me
suis abstenu.
M. le président. - La discussion est ouverte sur l'amendement
proposé par M. de T'Serclaes.
M. d'Huart. - La rédaction
proposée par le gouvernement et par la section centrale est plus complète que
celle de l'amendement de l'honorable M. de T'Serclaes. En effet, la section
centrale parle de remises et émoluments, ce qui s'entend de la manière la plus
générale ; tandis que les termes proposés par l'honorable membre, en spécifiant
certains suppléments de traitement, en excluraient implicitement d'autres. Je
citerai les salaires de conservateurs des hypothèques, qui s'élèvent souvent à
28 ou 30 mille francs, et qui par suite de l'amendement échapperaient à la
retenue.
M. de T'Serclaes. - Mon amendement
avait précisément pour but de rendre l'application plus générale. Voici sur
quoi je me suis basé. Ce n'est pas la première fois qu'on opère des retenues
sur les suppléments de traitement, remises et émoluments. J'ai pris les
expressions les plus larges, celles de la loi sur les pensions. Elle s'exprime
ainsi :
« Art. 10. Sont
compris, dans l'évaluation de la moyenne du traitement, le casuel et les autres
émoluments tenant lieu de supplément de traitement.
« Art. 34. Les
revenus des caisses de pensions se composeront des ressources indiquées
ci-après..... 1° Retenue de 5 p. c. au plus sur les traitements et suppléments
de traitement, sur les remises et sur les émoluments, sans pouvoir excéder une
somme annuelle de 500 francs par traitement. »
Ce sont ces termes
mêmes que j'ai proposé à l'assemblée d'adopter.
M.
d'Huart. - Je proposerai d'ajouter à l'amendement de
l'honorable M. de T'Serclaes, le mot « salaires » qui était dans le
décret du congrès national du mois d'avril 1831. S'il n'a pas été inséré dans
la loi des pensions, c'est qu'on n'a pas voulu que les salaires fussent compris
dans les bases de la liquidation des pensions.
M. Vilain XIIII. - Je demande que le
mot « indemnité » soit inséré dans la loi, afin que la retenue
atteigne les membres de la chambre.
M. le ministre des
travaux publics (Frère-Orban). - Je ne sais si la proposition de l'honorable
vicomte Vilain XIIII peut être accueillie. Je suis convaincu que la chambre
montrerait le plus grand empressement à contribuer à l'emprunt. Mais si
j'arrête son zèle à le frapper par une disposition législative, je n'entends
nullement proposer à une participation volontaire de sa part. Seulement j'ai un
doute, et je le soumets à la chambre.
La Constitution fixe
l'indemnité allouée aux membres de la chambre. Une loi peut-elle réduire soit à
titre d'emprunt, soit à titre d'impôt une indemnité fixée par la Constitution ?
Je soumets ce doute ;
il est grave ; je crois que l'on peut éprouver quelque scrupule à fixer par la
loi une retenue à opérer de ce chef.
J'ai une autre
observation à faire, c'est que rien ne déterminerait comment on pourrait opérer
à l'égard de cette retenue. Quelle règle suivrait-on ? Est-ce qu'on percevrait
la retenue sur la session écoulée ?
M. Rodenbach. - Par mois.
M. le ministre des
travaux publics (Frère-Orban). - La retenue serait donc perçue sur le mois
prochain, immédiatement avant la dissolution. Ce serait réellement
insignifiant, cela prendrait vis-à-vis de la nation un caractère ridicule, et
je conseille à la chambre de ne pas insérer une pareille disposition dans la
loi.
Plusieurs membres. - Aux voix ! aux
voix !
M. de Garcia. -Je dois dire un
mot sur la question constitutionnelle. (Interruption.)
Messieurs, c'est une question fort délicate, et l'on ne peut laisser sans
réponse ce que vient dédire M. le ministre.
Selon moi, la
question de constitutionnalité ne peut présenter aucun doute. Ici il ne s'agit
pas de réduire l'indemnité qui est fixée par la Constitution, il s'agit d'en
changer le mode de payement, c'est-a-dire qu'au lieu de payer en argent de
suite, on payera en papier ou en bons portant un intérêt de 5 p. c. La question
constitutionnelle n'est donc nullement en jeu.
Quant à la question
pratique, M. le ministre des travaux publics a raison. Il faudrait qu'on
indiquât la manière dont on opérera la retenue. Si vous l'opérez par mois, je
crois qu'elle sera insignifiante. Quant à moi, je voudrais que la chambre
donnât l'exemple et que jusqu'à des temps meilleurs, notre indemnité fût, à
concurrence de 50 p. c, convertie en emprunt.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Il n'y a pas
besoin de loi pour cela.
M. le ministre des
travaux publics (Frère-Orban). - Je persiste à dire que cela ne doit pas être
dans la loi, que cela doit être un acte purement volontaire de la part de la
chambre ; et je le dis dans un intérêt constitutionnel important. Il ne faut
pas que l'on puisse aisément porter atteinte à l'indemnité qui a été fixée par
la Constitution. Elle l'a été dans un intérêt démocratique, et il ne faut pas
introduire un principe à l'aide duquel on pourrait renverser l'indemnité qui a
été stipulée. Mais c'est l'affaire de chacun de contribuer, comme il
l'entendra, aux charges qui résultent des circonstances.
M. Vilain XIIII. - Je retire mon
amendement.
M. de Tornaco. - Je voulais faire
observer que si la chambre veut prendre part à l'emprunt, elle est libre de le
faire par une souscription, sans engager nos successeurs comme l'aurait fait la
proposition qui vient d'être retirée.
- Le mot
« salaires » proposé par M. d'Huart est mis aux voix et adopté.
La proposition de M.
de T'Serclaes, ainsi amendée, est mise aux voix et adoptée.
La séance est
suspendue à 5 heures pour être reprise à 7 1/2 heures.