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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 16 février 1848

(Annales parlementaires de Belgique, session 1847-1848)

(Présidence de M. Liedts.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 840) M. de Villegas procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.

M. T'Kint de Naeyer lit le procès-verbal de la séance précédente. La rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Villegas présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.

« Plusieurs habitants de Grez-Doiceau demandent qu'il soit fait des économies dans les dépenses de l'Etat. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur d'Huine, ancien médecin militaire, demande un subside qui puisse le mettre à même d'aller subir en France ses examens de chirurgien-accoucheur. »

- Même renvoi.


« La députation permanente du conseil provincial du Hainaut prie la chambre de faire obtenir à cette province la liquidation de sa créance, à charge de l'Etat, à titre d'intérêts qui lui sont dus sur l'encaisse du trésor. «

- Même renvoi.


« Le conseil communal de Peer demande que la route de Moll au camp de Beverloo passe par Baelen. »

- Renvoi à M. le ministre des travaux publics.


« Plusieurs habitants de Baelen demandent le rétablissement des droits d'entrée sur le bétail. »

« Même demande de plusieurs cultivateurs et industriels de Rethy et du conseil communal de Peer. »

- Renvoi à la commission permanente d'industrie.


« Les notaires du canton de Louvegnez demandent le maintien de la loi du 25 ventôse an XI, notamment en ce qui concerne le ressort, et présentent des observations sur la limitation du nombre des notaires. »

« Même demande des notaires du canton de Waremme. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur le notariat.


« Plusieurs notaires cantonaux demandent que le projet de loi sur le notariat consacre le principe d'unité de ressort par arrondissement. »

- Même dépôt.


« Plusieurs habitants de Hasselt demandent que les fonctions de notaire soient déclarées incompatibles avec celle de bourgmestre. »

- Même dépôt.


« Le sieur de Byter demande que les fonctions de notaire soient déclarées incompatibles avec celles de bourgmestre, échevin ou secrétaire communal, dans les communes qui ont une population de 4,000 habitants. »

- Même dépôt.


Il est fait hommage à la chambre, par M. Taelman, de Gand, de 110 exemplaires d'une requête présentant des observations sur le projet de loi relatif au notariat.

- Dépôt à la bibliothèque et distribution aux membres de la chambre.

Ordre des travaux de la chambre

M. Broquet-Goblet. - Messieurs, dans la séance de samedi dernier, l'honorable M. Verhaegen avait proposé de mettre à l'ordre du jour le projet de loi portant exemption des droits de timbre et d'enregistrement pour les actes des conseils de prud'hommes ; la chambre avait décidé cette mise à l'ordre du jour, cependant cet objet ne figure pas dans l'ordre du jour que j'ai reçu hier au soir. Je demanderai que ce projet de loi soit porté dans nos bulletins de convocation..

M. le président. - Cette omission sera réparée. Du reste, elle serait sans inconvénient pour le moment, puisque le projet de loi sur le notariat occupera vraisemblablement la chambre encore pendant plusieurs jours.

Projet de loi organisant le notariat

Discussion générale

M. le président. - La discussion générale continue. La parole est à M. de Villegas.

M. de Villegas. - Je n'ai pas la prétention de jeter de nouvelles lumières sur une question qui a été appréciée d'une manière complète dans la séance d'hier et qui fixe l'attention du pays.

Je n'ai demandé la parole que pour motiver sommairement mon vote sur la question capitale que fait naître le projet de loi, en ce qui concerne le ressort des notaires.

Si l'on se bornait à des considérations de justice et d'équité pour justifier la disposition de la loi qui tend à ramener l'unité du ressort, je crois que nous nous mettrions facilement d'accord. Mais deux objections principales ont été présentées dans le cours de la discussion, contre l'extension de la compétence des notaires. La première consiste à dire que l'intérêt public ne demande pas la réforme de la loi du 25 ventôse an XI, et la seconde, que le vagabondage du notaire (l'on s'est servi de ce terme) deviendrait inévitable, au grand préjudice des notaires honnêtes et de l'institution même du notariat.

J'ai écoulé très attentivement le discours à plusieurs points très remarquable qui a été prononcé hier par un honorable député de Louvain. Les considérations qu'il a fait valoir à l'appui du système qu'il a présenté à la chambre m'ont donné la conviction que cette première objection a perdu le caractère de gravité qu'elle avait primitivement et que je partageais à certains égards.

En effet l'honorable M. d'Anethan a établi que des cas très fréquents se présentent où l'intérêt du public exige que le ressort des notaires soit étendu. Les motifs qu'il a fait valoir sont très puissants et sont restés sans réponse. Mais, dit-on, le public n'a pas réclamé la reforme projetée. Cet argument n'a, à mes yeux, que peu de valeur. Croyez-vous que, si cette objection eût pu être prévue, les parties intéressées se fussent trouvées dans l'impossibilité de faire naître des réclamations nombreuses ? Non, certainement, messieurs. L'influence des notaires sur le public est notoire et incontestable ; rien n'eût été plus facile, pour la commodité de leur cause, que d'organiser un pétitionnement général et de couvrir le bureau de la chambre de pétitions pour obtenir la réforme notariale. Il ne faut donc pas s'arrêter sérieusement à cette absence de semblables réclamations, pour prétendre que l'intérêt public n'est pas en cause.

La seconde objection est plus sérieuse. Le discours de L'honorable M. d'Anethan y a répondu de manière à ébranler des convictions contraires.. Le notaire qui a une clientèle honorable dans un canton, ne recherche pas les actes hors de son canton ; mais si la confiance publique l'y appelle, pourquoi lui refuser de répondre à cette confiance ? D'un autre côté, si cette même confiance échappe au notaire dans son canton et s'il n'est pas parvenu, par des circonstances particulières, à s'y créer une clientèle, pense-t-on sérieusement que son état de vagabondage lui soit favorable ? Et puis n'existe-t-il aucun moyen de porter remède au mal éventuel que des membres de la chambre ont signalé dans l'intérêt de l’institution du notariat ?

Le gouvernement a des précautions à prendre, notamment en ce qui' concerne la résidence des notaires. D'ailleurs trouve-t-on que, dans l'état actuel des choses, cette espèce de chasse aux actes ait donné lieu à des inconvénients très éclatants ? Par exemple, les notaires du chef-lieu d'arrondissement se font-ils aujourd'hui remarquer par cette ardeur de chasse ? Il est évident que la concurrence des notaires a toujours été grande et qu'elle est inévitable.

Il importe donc de ne pas s'exagérer le danger de cette concurrence. J'ajouterai que la chambre a déjà préjugé, en maintes occasions, la question de l'extension du ressort des notaires. En réformant et supprimant des cantons, ou des parties de cantons, le principe de l’extension du ressort a été virtuellement consacré. C'est ce qui a été dit, lors de la discussion de la loi du 8 mai 1846, par un honorable députe de Bruges.

J'ai dit tout à l'heure que le gouvernement doit prendre des précautions pour obvier un mal qui préoccupe certains esprits. Voici quelques-unes de ces précautions et de ces garanties à offrir au public.

Il faudrait 1° soumettre les futurs notaires à un examen qui suppose des études en droit, et cet examen devrait être subi devant une autorité placée au-dessus de toute influence locale.

2° Diminuer le nombre des notaires, afin que les notaires puissent (page 841) subsister honorablement, sans avoir besoin d'aller chercher uni clientèle au loin.

3° Faire un tarif complet pour les actes passés devant les notaires. Par ce moyen, l'uniformité en matière d’honoraires serait assurée.

4° Déterminer la responsabilité, aujourd'hui si douteuse, des notaires, et les devoirs qu'ils ont à remplir comme conseils, en éclairant les parties sur leurs véritables intérêts.

5« Enfin interdire l'exercice du métier d'agent d'affaires, pour autant qu'il consiste à rédiger habituellement les conventions des tiers ; il faut surtout défendre à des individus sans qualité, de procéder à des ventes publiques.

Je connais, pour ma part, des agents d'affaires qui annoncent publiquement des ventes immobilières, qui reçoivent les enchères, adjugent et délivrent même des expéditions des actes qu'ils passent. Cette manière d'agir compromet, on le conçoit facilement, les intérêts des tiers et du trésor.

Il est urgent de faire cesser les abus que cet état de choses engendre, surtout dans quelques parties de la Flandre.

Il est une autre considération qui m'engage à repousser la disposition de l'article 3, si elle n'est pas amendée. Le gouvernement adopte le système de la section centrale, comme renfermant une espèce de transaction entre les parties intéressées. En réfléchissant aux conséquences de ce système transactionnel, l'on est frappé des inconvénients qu'il présente et de l'injustice qu'il fait naître. Ce système sacrifie complètement les intérêts des notaires établis dans des communes dépendantes du canton dont le chef-lieu est le même que celui de l'arrondissement judiciaire.

Il enlève à cette catégorie de fonctionnaires un droit très important que ne peut nullement compenser l'extension de la compétence. Voyez, en outre, ce qui pourrait arriver, si la disposition dont il s'agit était adoptée. Les notaires résidant dans une localité faisant partie du canton dont le chef-lieu est le siège de l'arrondissement judiciaire seraient exclus dans certains cas de la faculté de passer des actes intéressant des personnes habitant le lieu de leur résidence, par exemple des actes de liquidations, de partages, etc., qui doivent être faits avec l'intervention des juges de paix. Je n'insisterai pas davantage sur ce point, je m'en rapporte volontiers aux considérations extrêmement claires que l'honorable M. d'Anethan a développées quant aux inconvénients du système proposé par la section centrale et auquel le gouvernement a donné son adhésion.

Je terminerai ici mes observations, sauf à reprendre la parole dans le cours de la discussion.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Messieurs, des opinions fort divergentes se sont produites jusqu'ici dans la discussion générale de la loi sur le notariat, et il serait bien difficile de pressentir quelle sera celle qui réunira la majorité de la chambre.

Quelques honorables orateurs ont prétendu qu'il n'y avait rien à faire, que le système de classification de la loi du 25 ventôse an XI devait être maintenu, qu'il n'avait produit jusqu'ici aucun inconvénient grave, qu'il n'avait excité ni plaintes, ni réclamations auxquelles il fût nécessaire de faire droit ; d'autres honorables orateurs ont prétendu que ce système ne pouvait plus être maintenu, qu'il y avait lieu de le remplacer par celui de l'unité de ressort ; mais ils se divisent sur le nouveau système qui devrait remplacer le triple ressort de la loi du 25 ventôse ; les uns veulent le ressort cantonal, les autres le ressort d'arrondissement judiciaire ; enfin, d'autres veulent l'un ou l'autre avec différentes modifications.

Messieurs, si je prends la parole en ce moment, ce n'est pas pour débattre ces différents systèmes : je ne pourrais que répéter ce que j'ai eu l'honneur de dire à la chambre, lorsque j'ai pris la parole au début de la discussion ; mais je crois nécessaire de donner ici quelques explications, pour bien fixer la position que le gouvernement a prise dans cette affaire et d'indiquer à la chambre une question qui me paraît tout à fait préalable sur laquelle devrait se concentrer, je pense, la discussion générale.

Sans doute, messieurs, si nous avions table rase, si nous étions à organiser le notariat en Belgique pour la première fois, la question serait beaucoup plus simple qu'elle ne se présente aujourd'hui. Je crois que personne n'oserait proposer le système de classification qui a été consacré par la loi du 25 ventôse an XI ; je crois, au contraire, que le système de l'unité de ressort réunirait presque toutes les adhésions, sauf à examiner quelle étendue doit être donnée au ressort, soit la province, soit l'arrondissement judiciaire, soit le canton. A cet égard, je reconnais qu'il peut y avoir différentes opinions. Mais, messieurs, telle n'est pas même la question qui se présente ici.

Nous sommes en présence d'un système consacré par une loi qui nous régit depuis bientôt un demi-siècle ; d'un système qui a créé des habitudes déjà fortement enracinées ; nous sommes en présence de positions faites, de clientèles formées ; en présence de ce que j'appellerai presque des droits acquis, dont on tient compte dans tous les pays et dont surtout ou tient beaucoup de compte chez nous. Vous comprenez donc que la position n'est plus la même et que nous ne pouvons plus nous prononcer avec la même liberté entra deux systèmes extrêmes. Dans cette position qu'avons-nous fait ? Nous avons recherché si entre ces deux systèmes il n'y aurait pas un terme moyen, un point de conciliation où l'on pût se réunir, et ce point de conciliation, ce terrain transactionnel, nous avons cru le rencontrer dans l'amendement de la section centrale, amendement qui n'est pas, comme l'a dit l'honorable M. d'Anethan, le système du gouvernement, mais le système delà section centrale auquel le gouvernement s'est rallié par esprit de conciliation.

Les notaires cantonaux demandent l'extension de leur ressort ; nous nous sommes dit : Ils auront l'extension à l'exception de la commune du chef-lieu ; les notaires du chef-lieu demandent à conserver le privilège dont ils jouissent et se récrient contre la concurrence qu'on viendrait leur faire au chef-lieu de l'arrondissement ; nous nous sommes dit : En leur réservant le privilège d'instrumenter dans le chef-lieu, nous faisons droit à cette réclamation, et nous leur conservons une partie des avantages dont ils jouissent maintenant.

Les réclamations des notaires des cours d'appel ne méritent que peu d'égards, parce qu'il ne s'y rattache réellement aucun intérêt, attendu que le nombre des actes faits en dehors de l'arrondissement judiciaire est de très peu d'importance.

Tels sont les motifs qui nous ont décidés à nous rallier à l'amendement de la section centrale.

L'honorable M. d'Anethan ne veut pas de cet amendement ; il dit que c'est le plus mauvais de tous. Messieurs, je dois le reconnaître, l'honorable membre est conséquent avec lui-même. Il avait posé le principe absolu de l'égalité du ressort par arrondissement judiciaire, il est fidèle à son principe, il ne veut pas admettre d'exception, même à titre de conciliation.

Mais, messieurs, l'honorable M. d'Anethan doit y réfléchir ; ne risque-t-il pas de compromettre son principe en repoussant l'amendement présenté comme moyen de conciliation ? Je le crains ; entre deux systèmes absolus, le statu quo pourrait bien réunir la majorité plutôt que le système de l'unité du ressort, sans aucune exception.

Tout ceci m'amène à examiner s'il n'y a pas une question préalable à poser, s'il ne serait pas nécessaire de ramener à cette question unique toute la discussion générale qui s'égare entre différents systèmes, dont peut-être aucun ne sera admis.

Cette question me paraît bien simple à poser : c'est celle de savoir si l'on modifiera, quant au ressort, la loi du 25 ventôse an XI, ou si on ne la modifiera pas. En un mot, y a-t-il quelque chose à faire à cet égard ?

Voilà la question qu'il faudrait d'abord examiner, et qui devrait préoccuper exclusivement la chambre dans la discussion générale. Dans l'incertitude de la solution que cette question pourra recevoir, je me placerai, quant aux conséquences, dans l'une et dans l’autre hypothèse.

Si la chambre décide qu'il y a lieu de modifier, quant au ressort, la loi du 25 ventôse an XI, je pense que la discussion générale pourrait être immédiatement fermée après cette décision ; et quand on arrivera à l'article 3 du projet, on discutera les différents systèmes qui ont été présentés et ceux qui pourraient surgir encore pour être substitués au triple ressort de la loi du 25 ventôse an XI.

Je me place maintenant dans l'autre hypothèse. Je suppose que la chambre décide qu'il n'y a rien à faire, qu'il est convenable que la loi du 25 ventôse an XI soit maintenue, quant au ressort. Dans ce cas, tout ne sera pas fini. Mais nous serons dans une position toute différente. La loi du 25 ventôse an XI, en supposant le maintien du triple ressort qu'elle a établie devra nécessairement être modifiée sous plusieurs rapports.

L'honorable M. de Corswarem a indiqué hier des anomalies, et presque des absurdités que cette loi présente dans son application. Il y en a d'autres qu'on pourrait signaler. Ainsi tout ne serait pas terminé quand on maintiendrait le système de la loi du 25 ventôse an XI. Mais alors le projet présenté par mon honorable prédécesseur se trouverait tout à fait désorganisé. Il a adapté son système au principe du l'unité du ressort. Si donc le système actuel devait être maintenu, il y aurait lieu de renvoyer la loi aux sections et à la section centrale. Alors le gouvernement devrait avoir un temps moral pour refaire l'ancien projet, ou l'approprier à la décision qui aurait été prise par la chambre.

Je crois que ces observations suffiront pour faire comprendre à la chambre qu'il n'y a, pour le moment, que cette question à examiner : celle de savoir s'il y a lieu de modifier la loi du 25 ventôse an XI, quant au ressort.

M. le président. - M. le ministre en fait-il l'objet d'une question préalable ?

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Oui, M. le président.

M. le président. - Voici en quels termes la question serait posée : « Y a-t-il lieu de modifier le ressort fixé pour les notaires par la loi du 25 ventôse an XI ? »

- La chambre, consultée, décide que cette question sera mise préalablement en discussion.

M. de Garcia. - Messieurs, en demandant la parole dans la discussion générale, je voulais en provoquer la clôture. Et effet, en examinant cette discussion, on voit qu'elle ne porte que sur des articles spéciaux, discussion qui renaîtra nécessairement à l'instant où l'on s'occupera de ces articles. Dis lors, il faut reconnaître qu'en, agissant ainsi l'on perd un temps précieux.

M. le ministre vient de changer cette position en présentant une question de principe qui mettrait fin à la discussion générale, qui déjà nous a pris trois jours. Dans une des solutions prévues, elle tendrait même à faire retirer le projet de loi actuel par le motif qu'il ne serait pas en rapport avec les principes consacrés par la loi du 25 ventôse an XI, sur la circonscription du ressort des notaires. Je n'admets ni cette proposition ni ces conséquences. A mes yeux, fût-elle admise dans le sens de maintenir le système de (page 842) la loi du 25 ventôse an XI, les dispositions de la loi en discussion pourraient encore utilement être examinées.

Je voterai donc la proposition qui nous est faite par M. le ministre, et je demande en même temps la clôture de la discussion générale. Je la demande d'autant plus que, sauf le discours de l'honorable M. Raikem, qui a rappelé les grands principes qui avaient présidé aux lois antérieures, la discussion actuelle n'a porté que sur des articles particuliers de la loi ; c'est assez dire que la discussion générale est sans portée vraiment utile.

M. le président. - Ces observations me paraissent tardives, attendu que la chambre a décidé à l'instant qu'on statuerait d'abord sur cette question : Y a-t-il lieu de changer la circonscription des ressorts ?

M. de Garcia. - Je demande la parole pour une motion d'ordre.

Messieurs, je n'ai pas ainsi compris la question. Je pensais, et beaucoup de membres ont pensé comme moi, que la question posée était de savoir si la question préalable proposée par M. le ministre serait examinée avant tout. Dans ce sens, et nullement autrement, j'ai voté pour l'affirmative.

M. le président. - Quant aux conséquences à déduire de l'adoption ou de la non-adoption de la proposition de M. le ministre, c'est à la chambre à statuer ultérieurement. Pour le moment il n'y a lieu que de se prononcer sur la question en elle-même. Y a-t-il lieu de modifier la loi de ventôse en ce qui concerne le ressort ?

M. de Muelenaere. - Je vous avoue que je ne comprends pas trop l'utilité de cette discussion, si la question est posée de cette manière. Car enfin cette motion ne reproduit que l'article 3 du projet. Mais cet article 3 peut recevoir plusieurs solutions.

L'extension du ressort paraissait accueillie par tout le monde ; elle a été proposée d'abord par le gouvernement ; elle a été ensuite proposée par la section centrale ; en troisième lieu, elle a été proposée par M. le ministre actuel de la justice, qui a fini par se rallier au projet de la section centrale. Il me semblait que sous ce rapport il y avait presque unanimité dans la chambre, qu'il y aurait une modification à la loi de ventôse an XI.

Dès lors je ne comprends pas l'utilité de cette motion d'ordre. Lorsqu'on aura perdu beaucoup de temps, on sera encore obligé d'en revenir à la discussion des articles. Si toutefois l'on persistait à vouloir examiner la question sous ce point de vue... (interruption), je crois que la question n'a pas été bien saisie.

Dans tous les cas, l'honorable M. d'Anethan pourrait avoir des observations à présenter sur la position de la question ; et avant de traiter le fond, je désirerais qu'il fût entendu, ainsi que les autres membres qui auraient à examiner le même point.

M. le président. - Certains orateurs ont soutenu qu'il n'y a pas lieu de modifier la loi de ventôse en ce qui concerne le ressort, qu'il y a lieu de maintenir à cet égard la loi de ventôse. M. le ministre a fait comprendre à la chambre que si le principe du maintien du ressort actuel était adopté, il devrait retirer momentanément la loi pour la mettre en harmonie avec ce principe. Voilà pourquoi il a posé la question.

M. d'Anethan. - Je n'ai pas du tout compris la question comme vient de la poser maintenant notre honorable président. M. le ministre de la justice avait dit qu'il y avait une question préalable à vider, et lorsqu'il a fait cette observation il y a eu adhésion pour examiner cette proposition de M. le ministre, c'est-à-dire, qu'on a paru disposé à examiner s'il était nécessaire de poser une question préalable. C'est dans ce sens que j'ai voté, et je crois que la plupart de mes honorables collègues ont eu la même pensée. S'il s'était agi d'adopter la proposition de M. le ministre elle-même, plusieurs membres auraient sans doute pris la parole. Quant à moi, je me serais efforcé de démontrer à la chambre qu'il ne convenait pas de voter sur un principe abstrait, et si l'on rouvre la discussion je m'efforcerai d'établir que la motion d'ordre ne peut pas être adoptée.

M. le président. - Voici les termes dans lesquels la question a été posée à la chambre :

« Modifiera-t-on ou ne modifiera-t-on pas la loi du 25 ventôse an XI en ce qui concerne le ressort des notaires ? »

M. Lejeune. - Tout le monde paraît d'accord que la question qui domine la discussion c'est celle de l'unité du ressort. Sous ce rapport, M. le ministre de la justice a eu raison de dire que cette question doit être résolue d'abord ; mais je ne crois pas qu'il fût conforme à nos antécédents de voter sur cette question dans les termes dans lesquels elle a été présentée. Ce qu'il y aurait de plus simple, et j'en fais la proposition, ce serait de prononcer la clôture de la discussion générale et de mettre en discussion l'article 3 du projet. Ce n'est pas en votant sur des principes que l'on peut faire des lois, car lorsqu'on a voté sur des principes on n'a rien fait. Ce qu'il faut mettre en discussion, ce sont des textes de loi.

Je demande qu'on ouvre la discussion sur l'article 3 et les amendements qui s'y rapportent.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Ce n'est pas, je pense, un principe abstrait qui fait l'objet de la question que j'ai eu l'honneur de soumettre à la chambre. Cette question est celle-ci :

« Y a-t-il lieu de modifier ou de ne pas modifier la loi du 25 ventôse, en ce qui concerne le ressort des notaires ? »

Pour ceux qui veulent le maintien de la loi de ventôse, cette question est bien claire. Quant à ceux qui ne veulent pas le maintien de la loi de ventôse, qui croient y voir un privilège, ils présentent plusieurs systèmes ; mais sur ces systèmes, comme vous avez pu le voir, l'on est fort peu d'accord. Eh bien, tous ceux qui veulent que la loi soit modifiée, mais qui veulent qu'elle le soit, les uns au moyen de la substitution du ressort cantonal ; les autres, au moyen de la substitution du ressort par arrondissement judiciaire ; d'autres, enfin, au moyen de l'un ou de l'autre de ces systèmes, avec diverses modifications ; tous ces honorables membres qui ont l'une ou l'autre de ces opinions voteront en faveur de la modification de la loi du 25 ventôse an XI quant au ressort.

Je crois donc que la question préalable pourrait être posée telle que j'ai eu l'honneur de la faire : « Veut-on maintenir ou changer ce qui existe ? » Quand la chambre arrivera à la discussion de l'article 3, vous serez d'accord sur le principe ; vous n'aurez plus qu'à examiner le système qu'il serait préférable de substituera celui qui existe aujourd'hui. Alors il y aurait sans doute une grande divergence d'opinions. Mais cette discussion, tout à fait spéciale, n'exclut pas la nécessité du débat préalable que j'ai indiqué. Je ne connais pas assez les précédents de la chambre pour pouvoir lui rappeler dans quelles circonstances elle a procédé de cette manière ; mais je crois que plusieurs honorables membres pourraient vous en rappeler un grand nombre.

M. d'Anethan. - Messieurs, je ne conçois pas pourquoi M. le ministre de la justice s'oppose à la proposition de l'honorable M. Lejeune ; l'adoption de la proposition de M. le ministre ne nous fera pas gagner de temps ; car si la discussion s'engage dans les termes indiqués par M. le ministre, cette discussion comprendra nécessairement tous les systèmes qui seront mis en avant, et dès lors cette discussion ne sera autre que celle de l'article 3, que M. Lejeune propose d'ouvrir.

J'ajoute que l'embarras des membres de la chambre serait très grand, si on adoptait la proposition de M. le ministre. Je crois que ceux qui veulent le maintien de la loi de ventôse n'éprouveraient aucun embarras ; mais ceux qui veulent des modifications, comment pourront-ils voter ? Je le déclare tout d'abord, je préférerais, je pense, le maintien pur et simple de la loi de ventôse au système de M. le ministre de la justice ; et pourtant je désire des modifications à la loi de ventôse. Eh bien, ne pourrais-je pas craindre qu'en accordant mon vote pour déclarer qu'il y a lieu d'apporter des modifications à la loi de ventôse, je ne contribue en quelque sorte à amener la formation d'une majorité pour le système de M. le ministre de la justice. Je ne saurais donc comment voter.

La proposition de M. le ministre ne nous ferait donc pas gagner du temps et elle mettrait des membres de la chambre dans un grave embarras.

M. de Corswarem. - M. le ministre de la justice nous place dans un cercle, en nous disant : « Changera-t-on ou ne changera-t-on pas la loi de ventôse ? Il faut la prendre tout entière, ou il faut la changer complètement quant au ressort ? »

Eh bien, avant de décider si l'on changera oui ou non le ressort, il faut voir s'il n'y a rien à améliorer à l'article de la loi de ventôse ; il faut entendre les raisons qu'on fera valoir à l'appui des améliorations qui pourront être proposées ; c'est alors seulement que nous pourrons nous prononcer en connaissance de cause.

Je conviens que je préfère avant tout l'unité du ressort par arrondissement ; mais si ce système est rejeté, je donne la préférence au maintien de la loi de ventôse ; dans le cas où le système de la loi de ventôse ne serait pas adopté, je préférerais en troisième lieu le système de la section centrale ; enfin, si ce dernier n'est pas admis, il faudra bien que j'accepte le système de l'unité de ressort par canton. Voilà les questions sur lesquelles le débat doit préalablement rouler.

Messieurs, rien n'est plus rationnel que de discuter l'article 3 du projet de loi, et alors chacun de nous pourra, en connaissance de cause, se prononcer sur le système qui lui convient le mieux.

J'appuie donc fortement la proposition de mon honorable ami M. Lejeune.

M. Cogels. - Messieurs, il me paraît que la proposition de M. le ministre de la justice pourrait nous placer dans une singulière position. Supposons que la chambre décide que les dispositions de la loi de ventôse, en ce qui concerne la juridiction territoriale, ne seront pas maintenues ; supposons ensuite (chose fort possible) que les différentes dispositions qu'on propose en remplacement, ne réunissent pas non plus la majorité, dans ce cas nous n'aurons plus rien du tout.

M. Dubus (aîné). - Messieurs, la proposition que vous a faite mon honorable ami M. Lejeune me paraît seule conforme au règlement et à nos usages. D'après les usages de la chambre, comme aussi d'après le règlement, une discussion générale n'est pas immédiatement suivie d'un vote quelconque ; la discussion générale est terminée par la clôture de cette discussion, et l'on doit alors aborder la discussion des articles ; les articles eux-mêmes sont discutés avec tous les amendements qu'y proposent les membres de la chambre. C'est seulement quand la discussion sur un article est terminée, que la chambre, si elle le juge à propos, décide que pour faciliter la solution des difficultés qui ont été soulevées, des questions seront posées et résolues ; encore cela n'a eu lieu que par exception.

(page 843) Mais poser dans la discussion générale elle-même une question qui emporterait le rejet virtuel de tel ou tel article de la loi et qui devrait être résolue avant la discussion de cet article et des amendements qui s'y rapportent, ce serait violer le règlement, ce serait contraire à tous les précédents de la chambre.

Ainsi, je crois que quand la discussion générale aura été déclarée close, il faudra aborder l'article 3 ainsi que tous les amendements à cet article qui ont été déjà déposés ou qui pourront l'être encore ; et c'est seulement après cette délibération que la chambre décidera s'il y a lieu de statuer sur la question de principe, telle que la propose également M. le ministre de la justice. Mais pour résoudre une pareille question, il faut avoir examiné les diverses propositions qui sont faites ; car si je m'en tiens à la loi du 28 ventôse an XI, je rejette par là non seulement les amendements déjà proposés, mais tous ceux que d'autres membres de la chambre auraient dessein de soumettre à la chambre ; et je ne puis me prononcer ainsi avant qu'ils aient été discutés ; il est évident, en effet, que ce n'est que dans le cas où je serais convaincu par la discussion elle-même qu'aucun de ces amendements n'est préférable à la disposition de la loi de ventôse, que je pourrais me décider à conserver cette loi.

Ainsi, messieurs, la discussion de l'article 3 et des amendements doit d'abord avoir lieu ; ce n'est qu'ensuite que pourra venir, si la chambre le juge convenable, la question de principe posée par M. le ministre de la justice.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Je me rallie entièrement à la proposition de l'honorable M. Lejeune ; en faisant ma motion, je n'avais qu'un but, celui de faire clore la discussion générale.

- La clôture de la discussion générale est prononcée.

La chambre décide ensuite qu'elle commencera par l'article 3.

Discussion des articles

Article 3

M. le président. - Je vais d'abord donner lecture de l'article 3, modifié par le gouvernement. Cet article est ainsi conçu :

« Les notaires exercent leurs fonctions dans les limites qui suivent : ceux qui sont établis au chef-lieu de l'arrondissement judiciaire, dans toute l'étendue de cet arrondissement, et les autres, dans l'arrondissement judiciaire de leur résidence à l'exception du chef-lieu ; ils peuvent même instrumenter en dehors de cet arrondissement et dans tout le ressort de la cour d'appel, lorsqu'à la demande des parties intéressées ils ont été commis par cette cour. »

M. Henot propose d'ajouter à cet article la disposition suivante :

« Néanmoins les notaires qui résident dans des communes rurales dépendantes du canton du chef-lieu continueront à exercer leurs fonctions dans la partie du chef-lieu qui ressortit au canton auquel ils appartiennent. »

M. Bricourt propose l'amendement suivant :

« Les notaires exercent leurs fonctions, savoir ceux des villes formant plusieurs cantons de justice de paix, dans l'étendue de ces divers cantons ; ceux des autres communes, dans le ressort du tribunal de paix. Néanmoins ils pourront recevoir, en dehors de leur canton et dans toute l'étendue de leur arrondissement judiciaire : A. les testaments ; B. les inventaires ; C. tous les actes quelconques, mais sur la demande des parties intéressées et avec une autorisation spéciale de la cour d'appel du lieu de leur résidence. »

M. Henot a la parole pour développer son amendement.

M. Henot. - Si je puis admettre, quant à l'étendue du ressort, la proposition de la section centrale à laquelle le gouvernement s'est rallié, et qui permet aux notaires cantonaux d'exercer leurs fonctions dans l'arrondissement judiciaire de leur résidence, à l'exception du chef-lieu, ce n'est que comme moyen de transaction entre deux systèmes exclusifs qui ont été combattus l'un et l'autre par de puissants motifs.

Cette proposition ne peut toutefois obtenir mon assentiment, à moins d'être ramenée aux principes de la loi qu'elle blesse, et dégagée du caractère d'injustice dont elle est entachée.

Les notaires qui habitent aujourd'hui des communes rurales qui dépendent du chef-lieu, ont le droit d'instrumenter dans les parties de ce chef-lieu qui ressortit à leur canton.

Si l'article 3 du projet primitif était admis tel qu'il est présenté, ces notaires n'auraient plus ce droit, puisque les notaires de canton ne pourront exercer au chef-lieu ; les discussions qui ont eu lieu au sein de la section centrale ne laissent aucun doute à cet égard ; M. le ministre de la justice a d'ailleurs déclaré, dans une séance précédente, que telle était la portée de cet article.

Les notaires qui appartiennent à la catégorie que nous venons d'indiquer perdraient donc un droit qu'ils possèdent aujourd'hui, et la mesure qu'on prétend introduire en leur faveur tournerait à leur désavantage.

Ils ne pourraient donc plus exercer dans les localités les plus importantes de leur ressort, dans celles où se trouvent les capitaux et où les transactions sont nombreuses, et ces localités continueraient néanmoins à faire partie de leur canton ; cela est-il admissible ?

Enlever à un notaire une partie de son canton pour l'adjoindre à un autre, soit ; mais la lui conserver, tout en lui interdisant d'y exercer ses fonctions, c'est ce qu'il est impossible de justifier.

Ce n'est certes pas en s'efforçant d'établir que le préjudice qui en résultera pour les notaires que la disposition atteint, sera compensé, qu'on parviendra à cette justification, alors que des intérêts bien plus graves sont engagés dans la question.

D'où veut-on d'ailleurs faire découler cette compensation ? De la faculté qu'on leur concède d'instrumenter dans les autres cantons ! Mais cette faculté n'est pas une faveur qui leur soit exclusivement réservée ; elle est commune à tous leurs collègues qui l'obtiennent sans devoir, comme eux, se résigner à perdre la partie la plus importante de leur canton.

Ensuite l'avantage qui pourrait éventuellement en résulter, n'est-il pas singulièrement amoindri, si pas rendu nul, par la faculté que possèdent leurs collègues de venir exercer dans leur propre canton ?

C'est donc à bon droit que la minorité de la section centrale a soutenu que la compensation qu'on invoque sera illusoire.

Il me reste à invoquer encore, comme un motif puissant à l'appui de la modification que je propose, la circonstance que l'article dont il s'agit enlève, sans nécessité aucune, des positions acquises depuis 45 ans, sur lesquelles on a compté et pu compter, et à la conservation desquelles l'intérêt public ne saurait être étranger.

Déterminé par ces différents motifs, j'ai l'honneur de proposer à la chambre d'ajouter à l'article 3 la disposition suivante :

« Néanmoins les notaires qui résident dans des communes rurales dépendantes du canton du chef-lieu continueront à exercer leurs fonctions dans la partie du chef-lieu qui ressortit au canton auquel ils appartiennent. »

M. Bricourt. - L'amendement que je viens de présenter est la conséquence du discours que j'ai eu l'honneur de prononcer hier. Je me bornerai à ajouter que si je propose d'exiger l'autorisation de la cour d'appel pour que le notaire d'un canton puisse exercer en dehors du canton, plutôt que l'autorisation du tribunal de première instance, c'est parce que j'ai trouvé que le juge de première instance était trop rapproché des notaires et que j'ai voulu éviter les inconvénients de ce rapprochement.

M. Clep. - Messieurs, d'après l'article 3 de la loi en discussion, les notaires établis au chef-lieu de l'arrondissement judiciaire pourront exercer dans toute l'étendue de cet arrondissement ; les autres, dans tout l'arrondissement à l'exception du chef-lieu.

J'admets la concurrence généralisée dans toute l'étendue de l'arrondissement judiciaire, mais c'est la limite posée par l'exception que je viens aussi combattre.

Messieurs, après les discours remarquables et lumineux que vous avez entendus et notamment celui de l'honorable M. d'Anethan, qui a pulvérisé le système des privilèges préconisé dans cet article par le gouvernement et la majorité de la section centrale, j'aurais pu me dispenser de combattre encore l'exception ; cependant je me permettrai d'ajouter quelques considérations pratiques, puisées dans l'exercice honorable de fonctions notariales, considérations qui ne seront pas tout à fait sans importance dans la discussion de l’article 3 qui nous occupe.

Vous savez tous, messieurs, qu'actuellement les notaires établis dans les communes du canton de l'arrondissement judiciaire peuvent exercer dans le chef-lieu de cet arrondissement, concurremment avec les notaires dudit chef-lieu ; si aujourd'hui vous leur enlevez ce droit, c'est-à-dire si l'article 3 est adopté tel qu'il est proposé, j'ose assurer à la chambre que vous porterez un préjudice considérable à ces notaires.

Et en effet, messieurs, la plupart de ces fonctionnaires habitent des communes peu éloignées du chef-lieu de l'arrondissement judiciaire ; ils ont des clients en ville et des relations nombreuses dans la ville pour leurs clients de la campagne, et réciproquement de la ville pour la campagne ; ils se rendent souvent en ville le jour du marché, et les clients mettent la plupart du temps ce voyage à profit pour y passer les actes notariés et y traiter en même temps leurs autres affaires civiles et judiciaires dont les notaires sont souvent les conseils et les conciliateurs : c'est aussi ce jour-là du marché, que les notaires des communes choisissent pour faire dans la ville du chef-lieu, où les capitaux sont le plus agglomérés, la plupart des adjudications de biens immeubles ; leur enlever ces droits, briser toutes ces relations, ce serait une véritable spoliation, ce serait occasionner la ruine du plus grand nombre de ces notaires.

Par l'unité du ressort, les notaires du chef-lieu craignent, dit-on, la concurrence des notaires de campagnes. L'on dit encore que, par cette extension du ressort, les notaires deviendraient enclins à courir sur les brisées l'un de l'autre et à faire de leurs fonctions honorables métier et marchandise.

Mais, messieurs, est-ce que les notaires établis dans les campagnes du canton du chef-lieu ne peuvent pas instrumenter aujourd'hui concurremment avec les notaires dans les villes du chef-lieu, et n'est-il pas constaté que ce sont les notaires établis au chef-lieu qui ont toujours passé le plus grand nombre d'actes et les actes les plus importants ? Ainsi ces inconvénients ne sont pas à craindre, car du moment qu’un notaire est si malheureux de devoir courir après les affaires, de tenter à supplanter ses collègues, c'est un notaire déconsidéré, et le public en fait bientôt justice en l'abandonnant. Et d'ailleurs, est-ce que tous les notaires ne sont pas censés avoir la même capacité et ne peuvent-ils pas passer les mêmes actes ? Pourquoi donc exciter la rivalité entre les villes et les communes du même ressort, et accorder un privilège aux notaires établis au chef-lieu de l'arrondissement judiciaire, au préjudice de tous les autres notaires, du même arrondissement ou ressort ?

Mais, dit-on, les notaires dont vous entretenez la chambre seront amplement compensés, attendu que, dorénavant, ils pourront instrumenter dans toute l'étendue de l'arrondissement judiciaire, le chef-lieu excepté, tandis qu'aujourd'hui leur ressort est borné tout simplement à la circonscription de la justice de paix de leurs cantons ?

(page 844) Je soutiens, messieurs, que cette compensation est loin d'être équivalente, par la raison que la plus importante et la plus forte clientèle de la plupart des notaires établis, dans les communes peu éloignées de la ville du chef-lieu, est et sera toujours dans la ville du chef-lieu, si toutefois ils peuvent continuer d'y instrumenter. Je puis parler par expérience, messieurs, car j'ai été notaire, d'abord dans une grande et riche commune et ensuite notaire au chef-lieu de l'arrondissement judiciaire du même canton ; je puis encore dire que je suis totalement désintéressé dans la question et j’ose assurer à la chambre que si j'étais notaire.de commune, je préférerais infiniment le statu quo actuel, à l'adoption de l’article 3 en discussion.

Je ne puis réellement pas me rendre raison du privilège exorbitant que l'article 3 accorde aux notaires du chef-lieu, au préjudice des autres notaires, et surtout des droits acquis qu'il enlève aux notaires des communes du même canton.

Serait-ce parce que l'on suppose plus de capacité aux notaires dans les villes qu'à ceux établis dans les communes ? Mais c'est là une erreur qui est prouvée par les faits ; s'il y a, à cet égard, des exceptions dans les communes, il s'en trouve également dans les villes.

Je crois, messieurs, que les notaires du chef-lieu sont déjà assez avantagés par leur établissement au chef-lieu de l'arrondissement judiciaire ; par le plus grand nombre d'affaires et les transactions multipliées qui s'y traitent, tout y est attiré, confondu par une foule de circonstances par leur contact presque journalier avec les familles riches et les habitants les plus aisés qui habitent presque toujours le chef-lieu, et en effet, n'est-il pas justifié par l'expérience, qu'a de races exceptions près ce sont toujours, ainsi que je l'ai déjà dit, les notaires du chef-lieu qui passent le plus grand nombre d'actes et les actes les plus importants : les répertoires des notaires sont la preuve irrécusable de cette assertion.

Messieurs, la loi du 25 ventôse an XI a aussi régi le notariat en Hollande et dans les provinces rhénanes. Elle était admirable dans le plus grand nombre de ses dispositions, à l'époque pour laquelle elle avait été faite, mais cependant le privilège de classes a toujours excité des réclamations même en France. Cette loi vient d'être modifiée en Hollande et dans les provinces rhénanes ; l'unité du ressort y a été adoptée et limitée à l'étendue de l'arrondissement judiciaire. Imitons l'exemple de ces deux pays voisins ; et si, en France, cette amélioration notable n'a pas encore été faite, je crois que cela tient à ce qu'il est impossible dans ce pays de changer l'étendue du ressort des notaires sans bouleverser un grand nombre de fortunes et des droits acquis, car depuis l'introduction en France du scandaleux abus de la vénalité des places de notaires, le prix en est principalement proportionné à l'étendue du ressort de ces fonctionnaires.

En résumé messieurs, je partage l'avis qu'il y a équité et justice à admettre la concurrence des notaires, généralisée dans toute l'étendue de l'arrondissement judiciaire de leurs résidences ; Je crois encore que le public n'aurait qu'à y gagner, et j'appuie tout ce qui vient de vous être dit à cet égard par mes honorables collègues, pour effacer les privilèges qu'établirait l'article en discussion.

M. le président. - Voici un nouvel amendement. La discussion s'établit sur le projet nouveau. M. d'Anethan reproduit la déposition du projet primitif avec quelque modification.

L'amendement est ainsi conçu :

« Les notaires exercent leurs fonctions dans l'arrondissement judiciaire du lieu.de leur résidence ; ils peuvent même instrumenter en dehors de cet arrondissement et dans tout le ressort de la cour d'appel avec l'autorisation spéciale de M. le président de cette cour ; cette autorisation sera motivée et donnée sans frais à la demande des parties ; elle sera mentionnée dans l'acte et restera annexée à la minute. »

M. d'Anethan. - Je me réfère, pour les développements, au discours que j'ai prononcé hier.

M. de Muelenaere. - Messieurs, s'il y avait table rase, nous a dit M. le ministre de la justice, si nous n'étions pas sous l'empire d'une loi qui nous régit depuis un demi-siècle, personne ne viendrait proposer la loi du 25 ventôse an XI. Il est difficile de faire une critique plus sévère et plus juste de cette loi. En effet, il n'existe aucun motif en droit ou en raison pour faire une distinction entre les ressorts des divers notaires. Il serait véritablement ridicule de supposer que les notaires d'un chef-lieu ont, en vertu de l'acte de leur nomination, car il n'existe pas d'autre distinction entre eux, plus de lumières, plus d'intelligence et plus de probité que ceux qui ont sollicité une place de notaire dans une localité moins importante, presque toujours par des motifs très honorables, des motifs de famille, à cause des relations nombreuses qu'ils ont dans cette localité et les environs, de la confiance même dont ils jouissent déjà de la part des habitants. Mais, nous a dit M. le ministre, nous sommes dominés par d'autres considérations ; la législation actuelle a créé aux notaires des clientèles ; ils ont, en quelque sorte, des droits acquis.

Ces droits acquis, il est du devoir du gouvernement, il est du devoir des chambres de les respecter. En effet, messieurs, s'il y avait des droits acquis, si le projet de loi primitif portait atteinte à ces droits, si des positions allaient être détruites par suite de l'introduction du système nouveau, je serais parfaitement d'accord avec M. le ministre de la justice, je serai d'avis avec lui qu'il faut, sans néanmoins porter préjudice à l'intérêt général, avoir égard à ces positions, avoir égard à ces droits acquis. Mais quelles sont les raisons qu'on a fait valoir jusqu'à présent en faveur du système actuel ?

Je n'ai entendu qu'une seule considération qui ait fait quelque impression sur mon esprit, c'est la crainte de la concurrence effrénée que viendraient faire aux notaires des chefs-lieux, leurs collègues des communes rurales de l'arrondissement. Cette crainte, messieurs, ne me paraît nullement fondée ; et j'ai en ma faveur l'opinion des pays qui nous avoisinent ; j'ai en ma faveur ce qui se passe même en Belgique. D'abord il résulte des documents qui nous ont été distribués, que partout où jusqu'à présent, on s'est occupé d'une révision du notariat, on a adopté l'uniformité du ressort pour les notaires ; c'est ainsi qu'en Prusse l’uniformité du ressort est admise sans aucune restriction. C'est ainsi que dans le grand-duché du Luxembourg et en Hollande où la loi du 25 ventôse an XI a été également en vigueur, cette loi a été modifiée, qu'on est arrivé à l'uniformité du ressort, qu'on a assigné à tous les notaires l'arrondissement judiciaire de leur résidence. Nous n'avons pas appris que ces lois aient eu un effet fâcheux, ni pour les anciens notaires, c'est-à-dire pour les notaires du chef-lieu, ni pour les nouveaux notaires qui ont été admis à instrumenter dans un ressort plus étendu.

Je crois que partout on doit avoir senti au contraire les bienfaits de cette modification. Mais cette concurrence qu'on paraît tant redouter, cette chasse aux affaires qui devrait résulter nécessairement de l'adoption du système nouveau, nous pouvons juger de ses effets par ce qui se passe dans la plupart de nos provinces, où il y, a des chefs-lieux de canton ayant dans leur ressort un très grand nombre de communes rurales. Il y a même des chefs-lieux d'arrondissement où réside seulement le tiers des notaires du canton. Les deux tiers des notaires du canton peuvent instrumenter dans une partie de la ville, bien que résidant dans les communes rurales.

Evidemment, avec le système actuel, les notaires de la campagne pourraient déjà faire cette concurrence déloyale aux notaires du chef-lieu ; car ils ont le droit d'y instrumenter. Eh bien, dans ces villes, jamais aucune plainte ne s'est élevée à cet égard ; les notaires du chef-lieu et ceux de la campagne vivent en bonne intelligence. Les uns et les autres remplissent honorablement leurs fonctions. Ceux de la ville n'ont nullement à se plaindre de la concurrence de leurs collègues de la campagne, et n'ont pas à la redouter.

Je crois qu'il en sera encore de même si l'on adopte l'uniformité de juridiction. Il y aura plus de dignité pour le corps notarial. Vous aurez fait quelque chose de très utile en supprimant une distinction qui blesse nécessairement l'amour-propre de quelques notaires. Tous les notaires seront placés sur la même ligue. Evidemment ce sera le plus probe, le plus instruit qui aura le plus de confiance, dont la clientèle sera la plus nombreuse.

Vous savez que, quoi qu'on en ait dit, ces notaires qui font la chasse aux affaires, jouissent de peu d'estime. Heureusement le nombre n'en est pas grand ; mais partout où il y en a, ils sont déconsidérés ; leur clientèle est presque nulle. C'est un très mauvais moyen de se faire une clientèle dans notre pays. J'en félicite mes compatriotes, car des notaires capables d'employer de tels moyens ne sont guère dignes de leur confiance ni de leur estime.

Je pense donc que le seul moyen rationnel de modifier la loi du 25 ventôse an XI, c'est de conférer à tous les notaires un ressort d'une étendue égale. La meilleure division territoriale, selon moi, c'est la division par arrondissement. Si cependant le projet de la section centrale avait des chances d'être adopté, j'aimerais encore mieux, avec quelques modifications, le système de la division par canton que celui qui vous est proposé par cette section. En effet, la section centrale ne fait pas cesser le plus grave reproche qu'on a fait à la loi du 25 ventôse an XI.

Le système de la section centrale laisse subsister l'inégalité de juridiction, le vice contre lequel la plupart des notaires se sont constamment récriés. Indépendamment de cela, ce système détruit réellement des positions faites ; il porte atteinte à des droits réellement acquis. D'après le système de la section centrale, la juridiction pour tous les notaires en règle générale serait l'étendue de l'arrondissement judiciaire. Mais il y aurait une exception en faveur des notaires du chef-lieu, qui seuls auraient le droit d'instrumenter dans cette ville.

Il résulterait de là que les notaires dont la résidence ressortit à un des cantons dont le chef-lieu est en même temps le chef-lieu de l'arrondissement judiciaire perdraient un droit dont ils jouissent aujourd'hui, le droit d'instrumenter dans la partie de la ville afférente au canton.

Or, il est évident qu'une grande partie de la clientèle de ces notaires est dans cette partie de la ville, que c'est là qu'ils se rendent habituellement pour terminer les affaires les plus importantes. Ils sont sous le juge de paix qui a son siège dans le chef-lieu de l'arrondissement judiciaire. Quand ils seront désignés par le tribunal de première instance pour faire une vente, d'après la nouvelle loi, ils ne pourront plus la faire dans le chef-lieu de l'arrondissement ; ils devront procéder à cette vente dans une commune rurale du canton. Le juge de paix sera obligé de se déplacer, de quitter le chef-lieu de se transporter dans une commune pour que !a vente puisse s'y faire.

Or, vous savez tous, messieurs, que la plupart des ventes des biens immeubles qui se font à proximité d'une ville importante se font avec infiniment plus d'avantage dans les villes mêmes que dans les communes rurales, parce que les propriétaires, qui ont l'intention d'acquérir, ne sont pas toujours disposés à se transporter à une certaine distance de leur domicile. Il est généralement connu que les biens, situés à proximité des chefs-lieux se vendent dans les villes à des conditions plus avantageuses.

Messieurs, ce système aurait encore une foule d'autres inconvénients (page 845) plus ou moins graves qui ont déjà été développés dans la discussion générale. Je n'y reviendrai pas. Mais je persiste à déclarer que, selon moi, il n'y a qu'un système réellement rationnel, fondé en droit et en raison, c'est d'assigner à tous les notaires, sans aucune exception, une juridiction uniforme. Quant à la meilleure juridiction uniforme, c'est celle qui correspond à la division judiciaire par arrondissement, parce que tous les inconvénients disparaîtront par cette division. Vous aurez fait droit à des réclamations qui me paraissent justes et vous aurez, je crois, rendu un service important à l'institution du notariat.

Je vous avoue que, pour ma part, je suis un partisan très prononcé de l'institution du notariat.

Je la considère comme l'une de nos plus belles institutions, comme une de nos institutions les plus utiles, comme une de celles qui rendent le plus de services à la société. Mais pour cela il faut qu'elle soit entourée de considération. Nous devons faire tout ce qui dépend de nous pour l'entourer de la plus grande somme de considération possible.

Eh bien ! je crois que l'égalité de juridiction est encore un moyen d'arriver à ce résultat.

On s'est étonné, messieurs, que jusqu'à présent on n'eût pas modifié la loi du 25 ventôse en France. Mais il me semble qu'on vous en a dit une raison très simple, c'est que la modification de cette loi en France est, sinon impossible, du moins excessivement difficile. Nous n'avons pas cet obstacle en Belgique. Heureusement nous n'avons pas chez nous, comme en France, la vénalité des offices, et la vénalité surtout des fonctions de notaire est un obstacle, j'ose le dire presque insurmontable, à la modification de la loi du 28 ventôse an xi.

Cette loi d'ailleurs, messieurs, comme on l'a dit, n'a pas été de prime abord accueillie avec une si grande bienveillance. Il suffit d'examiner les discussions qui ont eu lieu à cette époque peur être convaincu que la loi de ventôse an XI a été inspirée en partie, au gouvernement d'alors, par les notaires de Paris.

Et en effet, messieurs, les notaires de Paris avaient beaucoup à se plaindre de la loi de 1791. Les notaires de Paris, avant cette époque, avaient le droit d'instrumenter dans tout le royaume. La loi du 28 septembre 1791 est venue les renfermer dans la ville de Paris. Car vous le savez, tout le département de la Seine ne se compose que de Paris et de sa banlieue.

Si la capitale de la Belgique était dans la même position que la capitale de la France, je n'hésite pas à le dire, je serais d'avis qu'il faut faire une distinction en vue des notaires de la capitale. Heureusement encore cet inconvénient n'existe pas chez nous. Bruxelles ne forme pas toute la province de Brabant. Le Brabant a une étendue aussi grande que la plupart des autres provinces du royaume. Dès lors, les notaires de Bruxelles ont une juridiction assez étendue, et je ne pense pas que ces notaires, de même que ceux des autres villes où siège une cour d'appel, fassent la moindre opposition à ce que leur juridiction soit restreinte. Car le droit d'instrumenter dans tout le ressort de la cour est pour eux d'assez peu d'importance. Je crois que dans la discussion on nous a fait observer que le nombre d'actes passés par les notaires de la province de Brabant en dehors de l'arrondissement judiciaire est extrêmement minime, qu'il n'est que de 50 pour tous les notaires, c'est-à-dire de deux actes et demi par notaire, ce qui est un chiffre tout à fait insignifiant.

Messieurs, je me bornerai pour le moment à ces observations, et je déclare que dans le vote je me prononcerai en faveur de l'amendement qui établira une juridiction uniforme pour tous les notaires ; je n'admettrais de distinction qu'autant que ce système n'eût aucune chance de prévaloir.

M. de Corswarem. - Messieurs, nous avons à choisir entre quatre systèmes.

Celui auquel je donne la préférence, c'est le système d'égalité du ressort par arrondissement ; les avantages de ce système ont été trop bien développés hier par l'honorable baron d'Anethan, et aujourd'hui par l'honorable comte de Muelenaere, pour que j'essaye de fortifier les raisons que ces honorables membres ont données à l'appui de ce système.

Celui que j'admettrais en deuxième lieu serait le système des catégories établi par la loi du 25 ventôse an XI, mais qui n'est reproduit par personne. Je ne sais s'il sera complètement abandonné et si, pour maintenir ce système, il faudra rejeter tout ce qui nous est proposé. J'attendrai la suite de la discussion, pour voir si quelqu'un proposera le maintien du système de la loi de ventôse, ou si on le proposera subsidiairement pour le cas où l'amendement de l'honorable M. d'Anethan ne serait pas adopté.

Il y a ensuite un troisième système, qui est celui de la majorité de la section centrale. J'avais l'honneur de faire partie de la minorité de trois membres qui n'a pas adopté ce système. M. le ministre de la justice s'est rallié à ce système dont les effets seraient d'établir une sorte d'égalité avec privilège. Je déclare que je n'admettrai ce système que pour autant que les deux autres soient rejetés.

Le quatrième système est celui de l'égalité du ressort par canton.

Hier l'honorable M. Bricourt nous a développé tous les avantages qui résulteraient de ce système. Je me permettrai aujourd'hui de faire ressortir quelques-uns des inconvénients qu'il présente.

Il me paraît, messieurs, que la loi sur le notariat ne doit pas être uniquement envisagée sous le rapport de l'intérêt qu'elle peut avoir pour les notaires, mais qu'elle doit surtout être envisagée sous le rapport de l'intérêt qu'elle doit avoir pour le public.

Dans quel état sont les choses aujourd'hui ? Dans chaque canton il y a un nombre déterminé de notaires.

Un habitant qui n’aurait une confiance entière dans aucun des notaires établis dans son canton, ou qui pour d'autres motifs ne pourrait recourir au ministère d'aucun de ces notaires, car il peut arriver qu'il soit force de s'abstenir de s'adresser à l'un d'eux par des motifs de parenté, ou parce qu'il traite avec un de ces notaires même ou avec quelqu'un de sa famille ; eh bien, dans tous ces cas, les habitants des cantons ruraux ont la faculté de recourir à un notaire de chef-lieu d'arrondissement ou même du siège de la cour d'appel. En établissant l'unité de ressort par canton, vous enlevez aux habitants la faculté de recourir dans des cas extraordinaires, difficiles, aux lumières d'un notaire du chef-lieu d'arrondissement du chef-lieu de de cour d'appel. Je crois que par là vous leur faites un tort réel. Vous donnez le monopole de toutes les affaires à 4, 5 ou 6 notaires établis dans le canton. Personne ne pourrait venir leur faire concurrence. Ils n'auraient qu'à s'entendre entre eux, à faire une espèce de coalition pour peser très durement sur le public.

On a beau dire qu'il y aura des tarifs des honoraires et des déboursés qui pourront être alloués aux notaires, tarifs décrétés par arrêté royal ; il faut avoir bien peu d'expérience des affaires pour ne pas savoir combien il est facile d'éluder tous les tarifs ou de les interpréter d'une manière plus ou moins large. Toutes les dispositions que l'on prendra auront toujours beaucoup d'élasticité et les notaires qui seraient peu scrupuleux et qui s'entendraient sauraient toujours mettre cette élasticité à profit pour rançonner, permettez-moi cette expression, les habitants de leur canton. Voilà un des inconvénients du système du ressort par canton.

Ensuite, messieurs, dans beaucoup de cantons il n'y a que deux notaires. (Interruption.) On dit que dans certains cantons il n'y en a qu'un seul, alors il doit y avoir un notaire mort, qui ne soit pas encore remplacé, car la loi exige un maximum de deux notaires par canton.

Dans le plus grand sombre des cantons il y a cinq notaires, mais je prends un des petits cantons où il n'y en a que deux ; eh bien, les parents de chacun de ces notaires devront forcément recourir à l'autre, et dès lors, ils n'auront pas de choix. Chacun des notaires devra également recourir à l'autre, chaque fois qu'il aura besoin de faire dresser un acte ; il ne pourra pas requérir la présence d'un confrère ayant sa résidence en dehors du canton.

On m'objectera que ceux qui veulent s'adresser à un autre notaire que celui auquel ils devraient recourir dans le canton peuvent se transporter au chef-lieu de l'arrondissement. Mais, messieurs, il s'agit souvent de familles entières qui devraient ainsi se déplacer, et presque toujours ce seront plusieurs personnes. Eh bien, voilà des frais de déplacement et des' embarras ; il peut, du reste, y avoir des malades, des personnes très âgées, ce peut être dans une mauvaise saison, où il y aura de la neige, où il gèlera très fort, où il y aura des boues ; comment transporter toutes ces personnes ? Il sera bien plus facile à un notaire de se rendre sur les lieux ; un homme seul se déplace avec beaucoup plus de facilité que toute une famille, qu'un certain nombre de personnes. Voilà encore un autre inconvénient du ressort par canton.

Si on étend le ressort au-delà du canton, a dit hier l'honorable M. Bricourt, les notaires colporteront leur ministère dans tout l'arrondissement ou le feront même offrir par les agents d'affaires. Dans la séance de ce jour l’honorable M. de Villegas a fait justice de cette objection ; il a fait remarquer que sous la législation actuelle les notaires des chefs-lieux des cours d'appel ou des tribunaux d'arrondissement peuvent instrumenter dans tous les cantons du ressort de ces cours ou des tribunaux, et que jusqu'ici il est cependant sans exemple que ces messieurs, aient colporté leur ministère ou l'aient fait offrir par des agents d'affaires. Cet honorable membre atteste que les choses se passent ainsi à une extrémité du pays. J'atteste qu'elles se passent de même à une autre, et il en est probablement partout ainsi.

L'honorable M. Bricourt a déposé un amendement, mais cet amendement déroge un peu au système que l'honorable membre veut établir, c'est-à-dire le système d'égalité par canton. Je comprends un système d'égalité quelconque, mais aujourd'hui l'honorable membre vient substituer à l'égalité un privilège ; il vient dire : « Les notaires exercent leurs fonctions, savoir : ceux des villes formant plusieurs cantons de justice de paix, dans l'étendue de ces divers cantons ; ceux des autres communes, dans le ressort du tribunal de paix, etc. »

Les villes composées de plusieurs justices de paix sont les plus grandes du pays, ce sont les villes de Bruxelles, Gand, Anvers, Liège, Bruges ; les villes les plus riches, les plus populeuses, où il y a le plus d'actes à passer. Eh bien, les notaires résidant dans ces villes auront le privilège d'instrumenter dans quatre cantons des plus importants, tandis que les autres devront se renfermer chacun dans son canton, quelque pauvre qu'il soit. Je trouve, messieurs, que cet amendement est tout à fait en contradiction avec le système que l'honorable membre a soutenu hier.

L'égalité de ressort par canton, a dit, hier, l'honorable M. Van Cutsem, n'enlèvera pas grand-chose aux notaires de cour d'appel ou d'arrondissement. Je ne partage pas du tout cette opinion.

Je crois que ce système porterait au contraire un grand préjudice aux notaires de cour d'appel et d'arrondissement, car ils ont une très grande partie de leur clientèle dans les communes voisines du canton de leur résidence. Je puis en dire quelque chose ; j'ai été pendant 3 ans notaire de canton, et je dois avouer que je n'ai jamais eu à me plaindre de mes collègues les notaires d'arrondissement ou de cour d'appel. Plus tard, j'ai été pendant 12 ans notaire d'arrondissement, et je puis certifier à la chambre que, sauf les communes les plus voisines du canton de ma (page 846) résidence, je ne me suis jamais transporté ailleurs, et tous mes confrères faisaient de même. Il y a tel chef-lieu de canton, où je pouvais instrumenter et où je n'ai jamais de la vie mis le pied, ni pour instrumenter, ni pour autre chose. Je pense que beaucoup de notaires sont dans le même cas, et agissent comme j'agissais et comme agissaient les autres, lorsque j'avais l'honneur d'être dans cette partie.

J'ai dit donc, messieurs, que le système d'unité par canton enlèverait beaucoup aux notaires des chefs-lieux de cour d'appel ou d'arrondissement. Il en est parmi eux qui ont de véritables droits acquis et que vous placeriez dans une position beaucoup plus défavorable que celle dans laquelle ils se sont trouvés auparavant.

Un exemple fera beaucoup mieux comprendre ce que je veux dire. Je suppose un notaire qui ait été notaire de canton à Alost ou à Saint-Nicolas et qui ait obtenu sou transfert à Termonde ; devenant ainsi notaire d'arrondissement, et conservant son ancienne clientèle ou du moins une partie de ses clients avec la faculté d'instrumenter dans le canton où il avait précédemment sa résidence. Mais si vous restreignez son ressort au canton de Termonde, il se trouvera dans une position bien moins favorable que celle qu'il avait en premier lieu.

Je ne sais pas si les localités que je cite se trouvent dans ce cas ; mais il est bien certain qu'il y en a beaucoup dans le royaume auxquelles mon observation pourrait s'appliquer. Vous enlèverez donc à ces notaires un droit qu'ils ont incontestablement.

Eh bien leur donnerez-vous une indemnité ? Non sans doute. Ce serait donc une injustice. Mais si vous établissez l'unité par arrondissement, alors ces notaires pourront instrumenter là où ils instrumentaient auparavant et ils ne perdront rien.

Plusieurs honorables membres veulent établir l'unité par canton pour arrêter l'action des agents d'affaires. Je crois, messieurs, que c'est précisément le contraire qui arrivera : moins les particuliers auront de choix parmi les notaires, plus ils recourront aux agents d'affaires ; il me paraît que c'est là une chose incontestable. Mais, messieurs, il y a une autre considération, que je crois très importante, c'est que si l'on restreint le ressort des notaires aux cantons de justice de paix, il faudra augmenter le nombre des notaires, car dès que les habitants ne peuvent plus recourir aux notaires des villes, il faut leur offrir un plus grand choix chez eux.

Nous pouvons, dans certains cantons, ne conserver que quatre notaires, lorsque les habitants ont la faculté de recourir à ceux de la ville voisine ; mais 4, 5 et quelquefois 6 notaires ne seraient pas un nombre trop élevé pour un canton, si vous enlevez à ses habitants la faculté de s'adresser aux notaires des villes. C'est encore là une considération très importante qui milite contre le système de l'égalité de ressort par canton.

Ceux qui se sont prononcés hier contre le système du ressort par arrondissement nous ont dit, messieurs, qu'il est impossible qu'un notaire puisse connaître tous les habitants d'un arrondissement. Je sais bien que cela est impossible, mais un notaire ne s'impose pas à tous les habitants d'un arrondissement ; quand les notaires sortent de leur résidence, c'est qu'ils sont appelés, et quand ils sont appelés, c'est par quelqu'un qui les connaît ; il n'est donc pas nécessaire qu'ils connaissent tous les habitants de l'arrondissement, ceux qui les appellent, comme ceux qui ne les appellent pas ; il suffit qu'ils connaissent les personnes par qui ils sont appelés. Du reste, il y a une disposition de la loi de ventôse qui détermine les précautions à prendre pour constater l'identité des personnes qui ne sont pas connues du notaire.

Le projet présenté par la majorité de la section centrale établit l'égalité du ressort par arrondissement, mais en conservant un privilège. Je dois avouer que ce sont deux choses qui hurlent de se trouver ensemble : l'égalité et le privilège.

Cependant je le préférerais encore à l'égalité par canton, quelque monstrueux que me paraisse cet assemblage.

Puisque je suis à parler du système de la section centrale, je dirai un mot sur l'amendement de mon honorable ami M. Henot. Cet amendement ne peut être adopté que dans le cas où le système de la section centrale le serait préalablement.

Mais je voudrais savoir si cet amendement a une portée transitoire en faveur des notaires actuels, ou bien si tous les notaires qui seront nommés désormais et qui se trouveront dans la position de ceux auxquels l'amendement fait allusion, conserveront la faculté d'instrumenter dans le chef-lieu de l'arrondissement. Ensuite je voudrais aussi qu'il fût bien établi si le ressort reste circonscrit au canton dans lequel se trouve le chef-lieu de l'arrondissement, ou bien si, en conservant la faculté d'instrumenter dans le chef-lieu d'un arrondissement, ils conserveront aussi la faculté d'instrumenter dans tous les autres cantons.

Un membre. - Certainement.

M. de Corswarem. - Si la chose est entendue ainsi, il se trouvera que ces notaires-là augmenteront le nombre des privilégiés ; que les privilégiés ne seront pas seulement ceux qui habitent la ville, mais tous ceux qui habitent le canton du chef-lieu de l'arrondissement.

Messieurs, je dois convenir que le système de l'an XI, qui est pratiqué depuis 50 ans, n'a révélé aucun inconvénient pour le public, que jusqu'aujourd'hui les habitants n'ont pas réclamé contre son application. Le seul grief qu'on articule contre ce système, c'est qu'il établit des privilèges ; mais, privilège pour privilège, j'aime mieux celui qui est consacré par un usage de 50 ans, j'aime mieux maintenir un privilège qui a son excuse dans l'époque où il a été établi, que de concourir à établir un privilège nouveau.

Les réclamations étaient unanimes contre le système de la loi de 1791, aujourd'hui reproduit par le gouvernement, nous a dit un honorable député de Soignies. Mais, messieurs, cette loi n'est pas du tout reproduite par le gouvernement ; la loi de 1791 donnait pour ressort aux notaires le département entier ; mais en 1791, il n'y avait encore que deux circonscriptions : la circonscription départementale et la circonscription communale.

La circonscription cantonale et la circonscription d'arrondissement n'existaient pas encore. On devait donc donner aux notaires de cette époque l'une des deux circonscriptions qui existaient alors ; et comme la circonscription communale était par trop exiguë, on a donné aux notaires pour ressort la circonscription départementale.

Le plus grand inconvénient résultant du ressort d'unité par département, c'est que le moyen de surveillance sur les actions des notaires manquent.

Les départements étaient composés de plusieurs arrondissements. Un notaire qui était dans un arrondissement et qui n'était pas fort délicat, aurait pu aller dans un autre arrondissement où il n'était pas connu du procureur du roi, et, de cette manière, il échappait à une surveillance suffisante.

Mais aujourd'hui qu'on vous propose seulement de donner l'arrondissement pour ressort aux notaires, chaque notaire reste sous la surveillance de son procureur du roi. De cette manière, la surveillance, qui était impossible avec le système de 1791, serait très efficace avec le système de l'unité du ressort par arrondissement. C'est ce défaut de surveillance qui a surtout fait changer le système de 1791.

Je n'en dirai pas davantage pour le moment ; j'attendrai les objections qu'on pourra encore faire au sujet de l'article.

(page 851) M. Dolez. - Messieurs, je n'ai pas le projet de m'occuper d'une manière approfondie de la question qui appelle en ce moment l'attention de la chambre ; mais les paroles de l'honorable membre qui vient de se rasseoir m'ont porté à demander la permission de vous soumettre quelques courtes observations :

L'honorable préopinant vient de vous dire que le système de la loi du 25 ventôse an XI, sur la classification des notaires, n'avait donné lieu à aucun inconvénient, n'avait soulevé aucune espèce de réclamation de la part du public. Eh bien, la question qui nous occupe me semble décidée par cet aveu qui ne sera contredit par aucun des membres de la chambre qui sont réellement mêlés à la pratique des affaires.

Comment ! il s'agit d'une de nos lois organiques les plus importantes, d'une de nos lois sur lesquelles repose la fortune des familles, d'une loi qui a passé dans nos habitudes et dans nos mœurs, et l'on vous demande de la modifier, tout en reconnaissant que le public, c'est-à-dire, le pays ne le demande pas.

Ces modifications, les corps constitués vous les demandent-ils ? Est-ce que les corps judiciaires, par exemple, est-ce que les procureurs du roi ont signalé des abus résultant du système qui nous régit ? Que l'on réclame l'avis de ces diverses autorités, si bien placées pour reconnaître les inconvénients, s'il en existait, et je ne crains pas de l'avouer, elles viendront unanimement vous déclarer qu'aucun abus ne s'est révélé ; que le système qui nous régit devrait encore être celui qu'il faudrait introduire, s'il n'avait déjà pour lui l'immense bénéfice d'une longue possession.

Messieurs, prenez-y bien garde, de toutes les propensions fâcheuses que peut prendre un peuple, la plus dangereuse de toutes, c'est celle de porter atteinte avec légèreté aux lois organiques de ses institutions.

Depuis bientôt un demi-siècle, la loi du 25 ventôse an XI se pratique avec régularité, à la satisfaction de tous les intérêts, à la satisfaction du public (on vient de le dire), à la satisfaction des corps constitués ; personne ne me démentira. Qui donc se plaint ? Quelques notaires peut-être ?

Mais en vérité je ne comprends pas leurs plaintes. N'est-ce pas sous l'empire de la loi de ventôse qu'ils ont sollicité les fonctions qu'ils occupent ? N'est-ce pas sous l'empire de cette loi qu'ils ont considéré comme un bonheur de les obtenir ? Et quand ils sont en possession de ce qu'ils ont demandé, ils viennent, dans leur intérêt seul, accuser une loi organique que les corps constitués n'accusent point. Je suis convaincu que les notaires qui se plaignent, sont de rares, et je n'hésite pas à ajouter, de regrettables exceptions.

Je n'hésite pas à dire que les notaires qui se préoccupent avant tout des intérêts du notariat comme institution publique demandent sincèrement le maintien de ce qui existe.

Parmi les notaires qui se plaignent, les uns demandent d'élargir le ressort qui les concerne ; les autres, de restreindre le ressort des catégories auxquelles ils n'appartiennent pas. Je ne puis voir dans ces vœux qu'une pensée de concurrence individuelle, qu'une pensée qu'il m'est impossible d'accueillir avec sympathie.

Demander l'extension de son pouvoir, demander la restriction du pouvoir des autres notaires, c'est se préoccuper exclusivement de son intérêt privé, c'est entrevoir dans le changement de ce qui est des moyens de concurrence active qu'il importe que la loi n'encourage pas.

Si nous avions des enseignements à donner au notariat, ils devraient avoir une portée toute autre que celle qu'on veut lui donner par les changements qu'on propose d'apporter à la loi de ventôse an XI. Nous devrions user de l'influence de cette tribune pour dire aux notaires qu'ils ne doivent jamais perdre le caractère essentiellement réservé de leur mission. Si vous élargissez l'étendue du ressort cantonal, soyez-en convaincus, vous verrez se produire dans une partie du notariat, une activité, une course aux affaires que je ne veux pas encourager.

Des considérations d'un autre genre, bien que moins importantes à mes yeux, réclament encore le maintien de la classification de la loi de l'an XI. Je ne me permettrai pas de répéter avec moins d'autorité que ne l'a fait notre honorable collègue, les considérations si sérieuses qui vous ont été soumises par M. Raikem. Que ceux des membres de la chambre qui conserveraient encore des doutes veuillent relire ce discours ; ils verront que ce serait jeter une véritable perturbation dans la juridiction contentieuse et volontaire, que de rompre l'harmonie si sage établie par la loi de ventôse an XI entre ces deux juridictions.

Je ne veux pas revenir sur les considérations qui vous ont été présentées avec tant d'autorité ; mais il en est d'autres qui, bien que moins graves, sont dignes de vous être soumises.

La loi du 25 ventôse établit dans la carrière du notariat les éléments d'une noble et légitime émulation ; le notaire de canton a la perspective de devenir notaire d'arrondissement, et le notaire d'arrondissement a la perspective de devenir plus tard notaire attaché au chef-lieu de résidence d'une cour d'appel. Cette perspective ne peut manquer d'être pour beaucoup de notaires un encouragement à bien faire, à se signaler comme étant parmi les plus dignes dans l'ordre auquel ils appartiennent ; avec l'unité du ressort vous faites disparaître cette émulation si bonne à maintenir dans les limites où l'a établie la loi du 25 ventôse an XI.

N'est-ce pas d'ailleurs encore quelque chose que la possession dans laquelle vivent les différentes catégories de notaires ? On vous demande de porter atteinte à la situation de notaires qui appartiennent à des ressorts plus étendus, en avouant que l'état de choses actuel ne prête i aucun inconvénient. Est-ce que la possession n'est pas quelque chose de respectable pour les notaires comme pour les autres citoyens ? Pouvez-vous, sans nécessité, faire descendre du rang qu'ils occupent les notaires en exercice ? Pouvez-vous dire aux notaires des cours d'appel et à ceux d'arrondissement, que vous leur enlevez avec justice une partie de leurs attributions, quand vous seriez dans l'impuissance de leur répondre autrement que par des éloges, s'ils vous demandaient s'ils ont mérité cette sorte de dégradation ? quand vous devriez leur répéter qu'aucun inconvénient n'a été la conséquence de ce qui existe, s'ils vous demandaient si l'intérêt public commande cette dégradation ?

S'il est vrai, comme je le pense, qu'aucun intérêt sérieux ne vous commande de changer la loi, vous la changeriez donc uniquement pour avoir le plaisir de la changer ! Si du moins on nous assurait que par des changements l'institution du notariat sera améliorée, si l'unanimité des vues à cet égard nous en garantissait l'excellence pour tous les esprits, je vous dirais : marchez ; l'immuabilité n'est pas chose désirable ; si un progrès certain se présente, il faut le réaliser.

Mais en présence de ce qui se passe, qui de vous peut avoir la conviction que ce qu'on fera sera plus avantageux que ce qui existe ? Ecoutez chaque orateur, l'un trouve détestable ce que l'autre préconise, celui qui vient après ne veut pas de ce que propose celui qui l'a précédé, chacun parle de ses idées personnelles, chacun préconise un système qui lui est propre, et c'est avec de tels éléments qu'on veut modifier une loi que tout le monde reconnaît bonne et la remplacer par un système auquel est réservée l'incertitude de toutes les conceptions humaines !

Pour moi, messieurs, je pense que par cela même qu'il n'est pas démontré que la loi de ventôse an XI ait fait naître des inconvénients, je ne dirai pas sérieux, mais quelconque, il serait imprudent, téméraire d'y porter la main. Je me rallie donc à la pensée émise par l'honorable M. Raikem et je conjure la chambre de maintenir le système établi par cette loi.

J'ai la conviction qu'en agissant ainsi elle servira les intérêts du pays et qu'elle obtiendra l'approbation des corps constitués et de l'immense majorité des membres du notariat.

(page 846) M. Lys, rapporteur. - Je ne puis que maintenir les propositions de la section centrale ; je vous ai exposé des motifs qui l'ont déterminée ; cependant je dois dire que, personnellement, je suis disposé à admettre l'amendement proposé par l'honorable M. Henot.

« La première phrase de l'article 3 du projet : Les notaires exercent leurs fonctions dans l'arrondissement judiciaire du lieu de leur résidence, a été rejetée par quatre voix contre trois. La majorité a été dirigée par le souvenir des abus dont on se plaignait sous la loi de 1791. Avant la loi du 25 ventôse an XI, les notaires avaient compétence pour instrumenter dans l'étendue de tout le département ; les inconvénients graves de cette organisation ont forcé le législateur d'adopter une autre base pour déterminer la compétence territoriale des notaires. N'est-il pas à supposer que les abus qui ont fait sentir la nécessité de modifier la disposition de la loi du 29 septembre-6 octobre 1791, viendront encore à se renouveler ? Est-il prudent, est-il sage, de répudier les fruits de l'expérience, dans une matière qui touche aux intérêts des familles et à la sûreté des conventions ?

« On ne cite aucun inconvénient réel, après une pratique de 44 ans, car la loi est en vigueur depuis ce nombre considérable d'années, et après une expérience si heureuse, cette sanction du temps que les législateurs se proposent toujours de leurs œuvres, on se borne, pour proposer la modification de la loi, à faire des suppositions, comme si toutes les suppositions admissibles n'eussent pas dû se réaliser en un terme de plus de 40 ans. Le législateur de l'an XI a consulté les besoins des habitants et des localités ; le rayon de compétence des notaires cantonaux s'est trouvé tout naturellement dans la juridiction de la justice de paix, et ainsi ils sont mieux à même de connaître les localités et les intérêts des habitants qui sont dans le cas d'avoir besoin de leur ministère, ministère qui est réclamé plus utilement d'un fonctionnaire qui vit au milieu des populations qui en ont besoin. Le législateur de l'an XI a aussi sagement calculé le nombre de notaires à établir dans un même ressort, de manière à ce que tous pussent trouver, dans l'exercice honorable de leur état, une existence aisée, en rapport avec leur position sociale, et sans qu'ils eussent besoin de courir sur les brisées l'un de l'autre ; sans compromettre enfin leur honorable caractère. L'équilibre de cette organisation n'est aucunement rompu par la compétence plus étendue des notaires à la résidence des chefs-lieux d'une cour d'appel et d'un tribunal d'arrondissement ; retenus dans leurs résidences par des intérêts importants et les transactions multipliées qui se présentent à chaque instant, ces notaires sont loin de rechercher une clientèle au dehors ; ils vont seulement hors de leur résidence, traiter accidentellement un intérêt qui a pris naissance au chef-lieu.

« L'intérêt personnel des notaires de première et de deuxième classe garantit donc encore ici les notaires de troisième classe contre toute concurrence nuisible, tout comme les notaires de la deuxième classe sont, par les mêmes considérations, à l'abri d'inconvénients sérieux, par suite de la compétence plus étendue des notaires de première classe. »

Ainsi vous le voyez, cette loi existe depuis à peu près un demi-siècle. Personne, selon moi, ne s'en est plaint, sauf quelques notaires.

Ne trouve-t-on pas encore dans l'état actuel des droits acquis ? Remarquez que la chambre elle-même les a pour ainsi dire reconnus. Vous avez, en 1839, supprimé le tribunal de St-Hubert, et vous avez donné au notaire qui était à St-Huber t le droit d'instrumenter dans toute retendue du tribunal de Neufchâteau, à la juridiction duquel St-Hubert était réuni. Voilà la reconnaissance d'un droit acquis.

Par les mêmes motifs qui ont déterminé le législateur en 1839, vous ne pouvez nuire à ceux qui sont en possession d'instrumenter dans le chef-lieu d'arrondissement.

Cette loi que je viens de vous rappeler est du 6 juin 1839.

(page 847) Comme je l'ai déjà dit, si l'on veut un changement dans le ressort, il faut éviter que les notaires ne quittent leur étude pour faire ce que j'appellerai la pratique. Je suis intimement convaincu que si vous admettez comme ressort l'étendue de l'arrondissement, vous ne trouverez plus aucun notaire dans la localité de sa résidence. Tous courront soit vers la ville soit dans le canton où ils espèrent faire des actes. Il n'y a que les notaires qui se respecteront qui resteront dans leur résidence. Ces notaires seront plus maltraités qu'aujourd'hui.

En effet, ils n'ont aujourd'hui que la concurrence des notaires du chef-lieu de l'arrondissement. A l'avenir, ils auront la concurrence de tous les notaires de l'arrondissement. Voulez-vous mettre les notaires respectables dans la nécessité de faire les mêmes choses que ceux qui se montrent si peu dignes de leurs fonctions ?

On vous dira que les tribunaux feront justice des violations de la loi qui auront lieu à l'avenir. On a dit que les procureurs du roi auront soin d'y tenir la main. Je demanderai quelles infractions à la loi ils ont constatées jusqu'ici à l'égard des notaires.

J'ai connu un juge d'un tribunal d'arrondissement qui résidait au chef-lieu de la province, un notaire de canton qui était dans le même cas ; un notaire d'un chef-lieu de province qui se rendait à jour fixe dans les communes de l'arrondissement. Aucune poursuite n'a été dirigée contre eux. Croit-on que ce qui ne s'est pas fait jusqu'à présent se fera à l'avenir ?

Quant à l'amendement de l'honorable M. Bricourt, je crois pouvoir d'autant plus m'y rallier en mon nom personnel qu'ayant été de la minorité dans la section centrale, en me prononçant pour le maintien du ressort fixé par la loi de ventôse, j'avais présenté alors, comme on peut le voir dans le rapport, des observations dans le sens de celles qu'il a faites hier. Voici mes paroles :

« Dans la section centrale, un membre a exprimé l'opinion que la compétence de tous les notaires devrait être bornée à l'étendue du canton de la justice de paix de leur résidence ; une seule exception à ce principe aurait été admise pour les notaires résidant dans des communes divisées en plusieurs justices de paix ; il aurait été permis à ces notaires d'instrumenter dans toute l'étendue de la commune de leur résidence. L'adoption de ce système aurait eu pour résultat de mettre tous les notaires sur la môme ligne, et de faire disparaître ainsi l'avantage dont jouissent les notaires des chefs-lieux d'arrondissement et de cour d'appel. Circonscrire la compétence de tous les notaires aux limites du canton a encore un autre avantage fort important ; c'est d'empêcher la concurrence entre les notaires, c'est d'empêcher que les notaires ne deviennent des colporteurs d'une nouvelle espèce. L'admission de la circonscription cantonale aurait pour résultat de rendre les notaires plus attachés à leur résidence, en les forçant de chercher à s'y former une clientèle nombreuse. »

M. d'Anethan. - Je demanderai à la chambre la permission de présenter quelques observations à l'appui de l'amendement que j'ai eu l'honneur de lui soumettre.

Je désire dire quelques mots pour le développer, vu que dans cet amendement j'ai modifié quelque peu le projet de loi primitif, et que j'ai ajouté une nouvelle disposition à celle qui avait été présentée en 1846.

J'ai eu aussi l'intention, en demandant la parole, de répondre aux considérations que vous a présentées l'honorable M. Dolez pour repousser, je ne dirai pas le système que j'ai proposé, mais pour repousser par une espèce de fin de non-recevoir toute modification quelconque à la loi de ventôse.

L'honorable M. Dolez vous a dit que s'il s'agissait d'introduire un nouveau système pour le notariat, ou plutôt s'il s'agissait d'organiser une première fois le notariat, ce serait encore les bases de la loi de ventôse qu'il faudrait adopter.

L'honorable membre s'est principalement appuyé, pour soutenir cette thèse, sur les considérations qu'a fait valoir mon honorable ami, M. Raikem, et auxquelles j'ai déjà répondu.

La principale considération sur laquelle se sont fondés les deux honorables membres est basée sur cette opinion qu'il faut maintenir l'harmonie qui, d'après eux, existe maintenant entre la juridiction contentieuse et la juridiction gracieuse ou volontaire.

L'honorable M. Dolez soutient qu'en présence de trois degrés dans la juridiction contentieuse, il en faut également trois dans la juridiction gracieuse. Or, me plaçant sur ce terrain, je répéterai ce que je disais hier, qu'il n'y a aucune espèce de rapport à établir entre ces juridictions ; je répéterai que les relations que la loi a créées entre les notaires et l'autorité judiciaire à raison de leur entrée en fonctions, de leurs actes, des mesures d'ordre et de discipline, aboutissent toutes, non pas à la justice de paix ou à la cour d'appel, mais au tribunal de première instance ; peu importe qu'il s'agisse de notaires de canton ou de notaires de cour d'appel.

Je concevrais l'argument de l'honorable M. Dolez, s'il y avait pour les notaires cantonaux, pour les notaires d'arrondissement et pour les notaires des chefs-lieux de cours d'appel, des règles différentes et si les rapports étaient, par exemple, établis de telle sorte que les notaires cantonaux fussent sous la surveillance des juges de paix, les notaires d'arrondissement sous celle des tribunaux de première instance, et les notaires des chefs-lieux de cours d'appel sous celle de ces cours. Mais il n'en est pas ainsi. Tous les rapports, je le répète, aboutissent aux tribunaux de première instance.

Ainsi, messieurs, cet argument basé sur un principe d'harmonie entre la juridiction gracieuse et la juridiction contentieuse, peut être invoqué par moi, en faveur du système que je soutiens.

L'honorable M. Dolez, s'appuyant sur quelques paroles qui ont été prononcées par mon honorable ami, M. de Corswarem, vous a dit : Mais il n'y a pas de plainte ; tout le monde est content de l'état de choses existant. Pourquoi donc innover ? Ne veut-on changer que pour le plaisir de faire du nouveau ? Maintenons ce qui est, ajoute l'honorable membre, il est toujours dangereux de toucher à des lois organiques ; et il ne faut le faire qu'en cas de nécessité bien démontrée.

Messieurs, lorsque le projet de loi qui modifie le ressort des notaires a été proposé en 1834, l'exposé des motifs en fait foi, on avait signalé au ministère de la justice les graves inconvénients résultant de la loi de ventôse an XI ; des réclamations avaient alors été adressées au gouvernement ; elles avaient éveillé sa sollicitude et l'avaient porté à proposer les modifications qu'il a soumises à la chambre de 1834.

La cause de ces plaintes, de ces réclamations a-t-elle cessé depuis ? On ne peut pas le soutenir. Ce qui a été jugé utile en 1834 ne l'est pas moins maintenant ; pourquoi donc reculer devant l'examen du projet ? pourquoi, au lieu d'examiner le projet en lui-même, rechercher s'il a été précédé de nombreuses réclamations, de nombreuses pétitions ? Les deux systèmes sont en présence, notre devoir est d'adopter, après un mûr examen, celui qui nous paraît préférable.

Veuillez d'ailleurs remarquer qu'il ne s'agit pas uniquement, dans les modifications qui vous sont proposées, de changer le ressort des notaires.

S'il ne s'agissait que de ce changement, je concevrais peut-être qu'on pût dire : Les inconvénients de la loi de ventôse ne sont pas tellement graves ; pour le public qu'il faille dès à présent la modifier. Mais il s'agit en outre de remédier à des abus clairement constatés, à des lacunes qui sautent aux yeux de tous. Comment laisser subsister cette anomalie que vous signalait hier l'honorable M. de Corswarem relativement à la fixation du nombre des notaires ?

Dans un canton où il y a 8 à 10,000 habitants, on peut maintenant nommer 5 notaires, et dans un canton de 30 à 40,000 habitants, on ne peut également en nommer que 5. C'est là un abus évident auquel il faut, sans plus tarder, porter remède. Il y a des localités, à Bruxelles par exemple, où il n'y a que 20 notaires, et sous le gouvernement des Pays-Bas, lorsque la population était bien moins considérable, il y en avait 30, et ce nombre n'était pas trop considérable.

Il est donc évident qu'il y a une modification à introduire de ce chef, et cette modification seule aurait suffi pour justifier la présentation de la loi. Mais ce n'est pas seulement cette modification qui est proposée. L'honorable M. Dolez a fait un appel à l'expérience des personnes qui se sont occupées d'affaires. Je ferai le même appel, et je demanderai si tous ceux qui ont eu à s'occuper de ces questions n'ont pas été frappés de cette lacune dans la loi, qui permet à un notaire qui est dans l'impossibilité de remplir ses fonctions de conserver sa charge ? Il a été reconnu, en effet, par tous les magistrats supérieurs qui ont été consultés sur cette question, qu'il était impossible de remplacer un notaire qui se trouvait dans cette position.

Voilà deux points, sans m'occuper d'autres détails sur lesquels une discussion s'établira lorsqu'on s'occupera des articles, voilà deux points essentiels qui appelaient sans plus de retard une modification de la loi de ventôse.

L'honorable membre auquel je réponds dit : Mais si le public ne s'est pas plaint, les notaires eux-mêmes se sont-ils plaints ? Et, ajoute l'honorable membre, si quelques notaires se sont plaints, si quelques notaires ont demandé une restriction pour la compétence dont jouissent leurs collègues, j'en suis fâché, je regrette qu'un motif d'intérêt personnel ait pu guider les notaires qui auraient fait des demandes de cette nature.

Mais je demanderai à l'honorable M. Dolez, s'il est si sévère pour les démarches des notaires cantonaux, comment il qualifiera les démarches des notaires privilégiés. Que disent les notaires des cours d'appel dans les nombreux mémoires qu'ils nous ont adressés ? Ils veulent maintenir en leur faveur les privilèges existants ; ils veulent exclure leurs collègues de l'égalité.

M. Orts. – Il y a pour eux position acquise.

M. d'Anethan. - Je répondrai tout à l'heure à ce que dit l'honorable M. Orts relativement à la position acquise. Mais je dis que si vous croyez devoir flétrir les démarches des notaires qui réclament, dans leur intérêt, si vous voulez, mais en même temps dans l'intérêt du public, une extension de juridiction, vous devez flétrir d'une manière bien plus énergique les démarches de ceux qui veulent maintenir, aux dépens de leurs confrères et du public, les privilèges dont ils jouissent.

On dit que la loi de ventôse établit une noble émulation. Le notaire de campagne cherchera, dit l’honorable M. Dolez, à devenir notaire d'arrondissement ; le notaire d'arrondissement cherchera à devenir notaire de cour d'appel. Messieurs, je dis que c'est là un mal. Je dis que cette prétendue émulation est nuisible au notariat, parce qu'elle est contraire au principe de stabilité qu'a préconisé avec raison l'honorable M. Dolez lui-même.

Comment ! l'honorable membre vous parle du caractère essentiellement sédentaire des fonctions de notaires, il vous dit que ce caractère doit être conservé à cette institution, il ajoute qu'il faut que les notaires s'attachent à leurs localités, qu'ils s'y forment une clientèle, qu'ils en (page 848) connaissent les besoins, qu'ils en soignent les intérêts, et c'est dans le moment que l'honorable membre proclame ces vérités, qu'il vient prôner une noble émulation qui doit pousser les notaires à ne considérer leurs études et leurs résidences que comme temporaires et à chercher à en obtenir de plus lucratives, de plus avantageuses !

L'honorable membre désire qu'on n'étende pas le ressort, il veut ainsi empêcher les notaires d'être en quelque sorte ambulants, de faire la chasse aux affaires, et en même temps l'honorable membre réclame pour les notaires des chefs-lieux des cours d'appel le maintien de la juridiction extraordinairement étendue qu'ils ont obtenue par la loi de l'an XI. Mais si l'honorable membre craint tant ces notaires ambulants, s'il craint tant que les notaires désertent leur résidence pour aller chercher des affaires ailleurs, je demande pourquoi il veut maintenir, en faveur des notaires des chefs-lieux des cours d'appel, un ressort beaucoup plus étendu que celui auquel s'arrête le projet de loi ?

Mais ces notaires sont, dit-on, en possession.

Messieurs, si l'on veut adopter une mesure transitoire relativement aux notaires en exercice, je ne m'y opposerai pas le moins du monde. Mais je ne pourrais pas admettre comme motif de cette mesure ce que dit l'honorable M. Dolez lorsqu'il a demandé : « Les notaires des grandes villes ont-ils donc mérité cette dégradation, ont-ils mérité qu'on leur enlève une partie de leur clientèle ? » D'abord, messieurs, comme on vous l'a dit, les notaires des chefs-lieux de cour d'appel ont fait bien peu d'actes en dehors de leur arrondissement, leur intérêt n'est donc pas en jeu ; leur honneur n'est pas davantage en cause ; et la prétendue crainte de nuire à leur considération doit-elle empêcher de faire cesser l'état d'humiliation et d'intériorité qui pèse aujourd'hui sur les notaires cantonaux ? Comment ! messieurs, parce qu'un notaire aura joui pendant 15 ou 20 ans d'un privilège, il ne serait pas permis à la législature de le faire cesser, en maintenant du reste aux notaires de cour d'appel une position très belle, très honorable ?

Il me semble que c'est faire un singulier abus de ce qu'on appelle des droits acquis. Il n'y a pas ici de droit acquis dans le sens véritable du mot, et je pense que les notaires de cour d'appel sont loin d'avoir à se plaindre. Du reste, je le répète, si l'on veut prendre une mesure transitoire, je suis prêt à m'y associer.

J'avais proposé, dans le premier projet, de donner aux cours d'appel la faculté d'autoriser les notaires à instrumenter dans tout le ressort de la cour. D'après l'amendement que j'ai eu l'honneur de soumettre aujourd'hui à la chambre j'ai substitué aux mots « cour d'appel » ceux de « le président de la cour » ; il me semble, en effet, qu'il serait peu utile d'assembler la cour ou même une chambre de la cour pour un objet de cette nature. On peut sans aucun inconvénient donner cette faculté au premier président seul, on peut avoir toute confiance dans les magistrats honorables qui remplissent ces fonctions en Belgique.

Ensuite, messieurs, je propose que l'autorisation soit spéciale, qu'elle soit donnée sans frais, à la demande des parties et qu'elle soit motivée ; je pense que ce sont là des garanties pour empêcher qu'on n'abuse de ce droit.

Je pense, en outre, qu'il est convenable de mentionner dans l'acte l'autorisation qui a été donnée et d'ordonner que l'autorisation soit annexée à la minute de l'acte ; de cette manière les droits des notaires d'arrondissement seront garantis et l'intérêt public sera également sauvegardé.

(page 851) M. Dolez. - Messieurs, j'ai quelques mots à répondre à l'honorable M. d'Anethan qui a, ce me semble, singulièrement déplacé les objections que j'avais faites. De quoi nous occupons-nous en ce moment ? Uniquement de la question de l'étendue du ressort, et c'est uniquement de cette question que j'ai cru devoir entretenir la chambre pendant quelques moments. Comment me répond l'honorable M. d'Anethan ? En sortant de la question du ressort. Je disais à la chambre, que personne n'avait signalé d'inconvénient résultant de la classification actuelle du notariat et que par cela même il était prudent et sage, dans l'intérêt public, de maintenir cet état de choses.

L'honorable M. d'Anethan me répond que, loin de pouvoir maintenir ce qui est, nous devons reconnaître qu'il y a des modifications à introduire, par exemple dans le mode de fixation du nombre des notaires, qu'il y a nécessité de donner les moyens de remplacer les notaires devenus incapables de remplir leur fonctions, soit par des causes physiques soit par des causes morales. C'est donc parce qu'il semble utile de modifier certains éléments de la loi de l'an XI qui n'ont rien de commun avec la question de classification, que l'honorable membre soutient qu'il faut modifier cette classification.

Cette manière de faire ne ressemble pas mal à celle d'un chirurgien qui, parce que vous auriez un pied malade, voudrait vous couper les deux jambes et les deux bras. S'il est des articles de la loi de ventôse qui doivent être modifiés, modifiez-les, je suis loin de m'y opposer, mais bornez ces modifications aux points dont l'expérience a démontré les inconvénients ou les lacunes.

La classification de la loi de l'an XI n'a été l'objet d'aucune réclamation de la part des organes des intérêts publics, elle n'a soulevé de réclamations que de la part de quelques intérêts privés ; eh bien, je le répète, messieurs, ce n'est pas au nom de quelques intérêts privés qu'on modifie les lois organiques d'un pays. Imitons, messieurs, par notre respect pour nos institutions, ce qui se passe en Angleterre.

Est-ce que le peuple anglais modifie ainsi à la légère ses institutions ? Le caractère fondamental de ce grand peuple, c'est le respect des institutions anciennes ; il ne les modifie qu'à regret, il ne les modifie que quand la nécessité la plus évidente a démontré qu'il est indispensable d'y apporter des changements.

J'avais argumenté du caractère sédentaire qu'il importe d’imprimer au notariat. L'honorable M. d'Anethan, se méprenant sur la portée de mes expressions, me répond que si je veux que le notariat soit sédentaire, je dois concourir à placer tous les notaires dans une même situation, afin de leur ôter l'envie de changer de résidence.

Mais, messieurs, quand j'ai parlé du caractère sédentaire du notariat, vous avez mieux compris ma pensée. J'ai voulu dire qu'un notaire qui se respecte, qui comprend la dignité de son caractère, la grandeur de sa mission, ne doit point aller au-devant de la clientèle ; j'ai voulu dire que toute fonction qui repose sur la confiance publique doit attendre cette confiance et non pas la provoquer ; j'ai voulu dire que la loi ne devait pas établir un système qui conduirait fatalement les notaires à se placer au-dessus de cette noble réserve.

(page 852) Mais il était loin de ma pensée que tout l'avenir d'un notaire dût se borner à la position qui lui est faite le jour même où il entre dans la carrière, il était loin de ma pensée qu'une fois nommé le notaire ne dût plus avoir de perspective, d'avancement quelle que pût être sa capacité.

Je regarde au contraire comme une chose extrêmement utile et désirable le maintien de la possibilité d'un avancement pour ces fonctions publiques.

Vous vous récriez, dit-on, contre les démarches actives que font les intérêts privés. Mais vous-même ne puisez-vous pas une partie des considérations que vous avez émises dans le respect dû à des intérêts privés, quand vous venez soutenir ce qui existe aujourd'hui ? Non, messieurs, le député qui défend la stabilité des institutions de son pays ne défend pas des intérêts privés. Il y a au-dessus des intérêts privés une question beaucoup plus grande, beaucoup plus noble, et c'est celle qui me préoccupe dans ce moment, c'est la stabilité des lois organiques.

Ce n'est pas la première fois que je défends ces principes dans cette enceinte. Il y a quelques années, quand, avec une témérité blâmable on est venu vous faire porter atteinte à notre loi communale, je vous tenais un langage analogue à celui que je tiens aujourd'hui. Je vous disais alors que la première vertu d'un peuple devait être le respect des lois organiques. Vous n'avez pas alors écouté ma voix, vous avec accueilli les lois qui vous étaient soumises ; quel résultat avez-vous obtenu ? Croyez-vous que l'influence de nos institutions s'en soit-accrue ? N'êtes-vous pas arrivés à ce triste résultat que quelques années après on a reconnu que les modifications adoptées étaient mauvaises et qu'il fallait les rapporter ?

Je ne veux pas, pour mon compte, commettre, en ce qui concerne le notariat, une faute analogue à celle qu'on vous a fait commettre il y a quelques années pour nos institutions communales.

Je ne défends donc pas un intérêt privé ; je défends un grand, un noble, un légitime intérêt, celui de la stabilité des lois organiques.

Mais si, descendant à des considérations d'un ordre plus modeste, devenant homme de la vie pratique, homme d'affaires, je me demande s'il n'est pas quelquefois nécessaire qu'il y ait des notaires pouvant instrumenter dans plus d'un arrondissement, dans toute la circonscription d'une cour, je suis amené à répondre affirmativement à cette question.

L'honorable membre auquel je réponds a occupé le siège du ministère public.

Combien de fois n’est-il pas arrivé que la cour près de laquelle il siégeait avait à nommer un notaire de sa confiance, un notaire dont elle connût la capacité ! L'honorable membre n'a-t-il pas vu dès lors que la cour sentait le besoin d'envoyer même en dehors de l'arrondissement un notaire habitant le siège de la cour d'appel. Je reconnais que ce sont là des cas exceptionnels, mais il n'en est pas moins vrai qu'il s'en présente dans lesquels il importe que la cour puisse choisir un notaire en dehors des intérêts trop vivaces des parties qui sont en présence. Eh bien, c'est pour ces cas que la loi de ventôse an XI, avec une sage prévoyance, a permis aux notaires qui habitent le siège d'une cour d'appel d'instrumenter dans toute l'étendue du ressort de cette cour.

Je ne veux pas, messieurs, insister plus longtemps sur ces considérations, puisque, pour moi, je le répète, la considération déterminante, c'est celle par laquelle j'ai commencé les observations que j'ai eu l'honneur de vous soumettre. Je ne veux pas changer une disposition importante d'une de nos lois organiques quand il ne m'est pas démontré qu'il y a nécessité absolue de le faire ; je ne veux pas surtout changer un système qui existe et qui n'a soulevé aucune réclamation alors qu'il est incertain pour moi quels résultats on peut attendre du système qu'on y substituera.

Je prie la chambre de maintenir purement et simplement, en ce qui concerne la classification des notaires, la disposition de la loi du 25 ventôse an XI, et c'est dans ce sens que je voterai.

(page 848) M. Dubus (aîné). - Messieurs, j'ignore si les organes du ministère public ont quelquefois signalé les inconvénients qu'offre la loi du 25 ventôse an XI, dans celle de ses dispositions qui détermine le ressort des notaires, et qui établit une distinction de classes entre ces fonctionnaires publics. Comme la chambre est saisie de cette question depuis 1834, comme cette question n’a pas cessé d’y être en quelque sorte à l’ordre du jour, puisque plusieurs projets successifs ont été présentés et ont été l’objet de différents rapports, cette circonstance expliquerait suffisamment le silence des organes du ministère public, si toutefois silence y a eu, ce que j'ignore (car ce n'est pas à la chambre qu'ils ont du s'adresser, mais au département de la justice). Mais ce que je sais fort bien, c'est que depuis que je m'occupe de la science du droit, j'ai toujours entendu faire la satire la plus amère de cette disposition de la loi de ventôse.

Elle forme une véritable disparate dans notre système constitutionnel, dans le système de nos lois ; c'est une disposition toute de privilège, et nous avons repoussé les privilèges. Cette classification n'est en effet qu'un privilège, car elle ne repose véritablement sur aucun motif réel ; il est impossible, selon moi, de la justifier.

La loi de 1791, œuvré de l'assemblée constituante, n'avait admis qu'une seule classe de notaires. On vous a dit qu'elle y avait été déterminée par l'organisation judiciaire d'alors, parce qu'il n'y avait que des tribunaux de district, et qu'il n'y avait pas de tribunaux d'appel. Mais je ferai remarquer qu'il y avait, en vertu de la loi d'organisation du 16-24 août 1790, deux classes de tribunaux : les justices de paix pour les cantons et les tribunaux de district pour les départements. Si donc on avait eu alors la manière de voir qu'on a réalisée en l'an XI, il aurait fallu établir des notaires de canton et des notaires de département.

Est-ce là ce qu'ont fait les législateurs de 1791 ? Non ; ils n'ont avec beaucoup de raison établi qu'une classe de notaires ; comme on l'a fort bien dit tout à l'heure, il n'y a aucune assimilation possible entre l'organisation judiciaire d'une part et l'organisation notariale d'autre part. Les juges de canton ont un ressort différent de celui des juges de district, mais ils ont aussi des attributions différentes ; les juges de district sont même des juges d'appel. Je demande quelle assimilation vous pouvez faire d'une semblable organisation judiciaire avec l'organisation notariale. Dans celle-ci, tous les fonctionnaires ont absolument les mêmes attributions. Ils sont tous soumis à la même juridiction ; ils ne sont aucunement subordonnés les uns aux autres ; et dès lors sous quel prétexte établissez-vous une distinction de classe et de ressort ?

De deux choses l’une : ou bien il est nécessaire qu'ils exercent leurs attributions dans un ressort restreint ; alors n'établissez que des ressorts de notaires de canton ; ou bien, l'intérêt même des parties réclame que tous les notaires d'un arrondissement puissent concourir, afin que les parties puissent choisir dans un plus grand nombre de notaires celui qui a leur confiance, et alors faites-les tous concourir dans le ressort plus étendu, dans l'arrondissement.

Il n'y avait donc aucun motif puisé dans l'organisation judiciaire qui pût justifier l'organisation notariale telle que nous la trouvons dans la loi du 25 ventôse an XI. En l'an XI, il y avait des cours d'appel, des tribunaux de première instance, des juges de paix ; mais ces corps judiciaires, ces fonctionnaires avaient une compétence, des attributions essentiellement différentes ; ils étaient subordonnés les uns aux autres, les juges d'appel les uns des autres ; et en cela rien de semblable à un corps de notaires entièrement indépendants les uns des autres, ayant tous absolument les mêmes attributions, ayant même tous fait les mêmes justifications de capacité.

Pour justifier cette distinction des notaires en trois classes, on a prétendu que ceux de première classe étant dans les chefs-lieux des cours d'appel où se traitent toutes les grandes affaires, devaient être présumés plus capables que les notaires de deuxième classe résidant dans les chefs-lieux d'arrondissement, où il y a un plus grand mouvement d'affaires de quelque importance que dans les campagnes ; leur capacité devait aussi s'apprécier d'après cette position, et que les notaires de canton, exerçant uniquement leurs attributions dans les campagnes où les actes sont d'une plus faible importance et moins nombreux, devaient être présumés les moins capables.

En un mot, il semble, dans le système de la loi du 25 ventôse, qu'il n'y a de capacité complète que celle des notaires de première classe ; les notaires de seconde classe ont déjà une capacité incomplète, et si l'on devait mesurer la différence de capacité à la différence de ressort, il y aurait une énorme différence entre la capacité d'un notaire de seconde classe et celle d’un notaire de première classe.

Mais quant à la capacité des notaires de canton, il faudrait la reléguer dans les infiniment petits, dans la proportion de l'étendue d'un canton au ressort d'une cour d'appel.

Y a-t-il quelque apparence de vérité dans une semblable appréciation ? Je dirai plus : est-elle conforme à la présomption même de la loi ? En aucune façon ; d'abord, quant à la présomption légale, la loi elle-même nous dit que les notaires de troisième classe ont la même capacité que les notaires de seconde classe ; cela est écrit en toutes lettres dans l'article 38 de la loi de ventôse, puisque les notaires de troisième classe, quand ils ont exercé pendant un an, peuvent être nommés notaires de seconde classe, sans devoir faire aucune justification de capacité, sans subir aucun examen. C'est comme s'il était écrit dans la loi, que les notaires de troisième classe qui ont exercé pendant un an sont égaux en capacité aux notaires de seconde classe. Cela est évident. Ainsi, la présomption de la loi est pour l'égalité de capacité, bien loin que vous puissiez trouver dans la loi une présomption contraire.

D'ailleurs, cette égalité de capacité résulte de la nature même des fonctions, de l'égalité des attributions. Tous les notaires sont chargés de recevoir les mêmes actes ; ils sont donc exposés à rencontrer dans l'exercice de leurs fonctions les mêmes difficultés ; il faut qu'ils aient les mêmes moyens de les résoudre. Mais il y a quelque chose de plus : C'est que les notaires de canton n'ont pas les mêmes facilités que les notaires de deuxième classe, de consulter dans les cas difficiles.

Les notaires, dans les villes où ils exercent leurs fonctions, trouvent des jurisconsultes à qui ils peuvent soumettre leurs doutes ; il n'en est pas de même pour les notaires des cantons ruraux. S'il y avait quelque chose à conclure de cette différence, c'est qu'il est utile que les notaires des cantons ruraux aient en quelque sorte plus d'instruction que les notaires de deuxième classe.

L'utilité publique réclame le concours des notaires dans l'arrondissement. La situation actuelle des choses présente de graves inconvénients pour les parties. Quant à moi, j'en ai vu plu 'd'un exemple ; beaucoup de notaires de canton d'après la résidence qui leur a été assignée voient finir les limites de leur ressort à une demi-lieue et quelquefois un quart de lieue de leur domicile. Croyez-vous qu'audelà de cette limite ils ne soient connus de personne, qu'ils n'aient obtenu, justifié la confiance de personne ? Beaucoup, lâ plupart d'entre eux ont une partie et souvent une partie notable de leur clientèle hors de leur canton ; il est peu de notaires de canton qui fassent exception à cette règle.

La plupart, je le répète, ont une partie de leur clientèle hors du canton, ils ont justifié la confiance de ces clients, mais ils ne peuvent pas faire leurs actes à moins qu'ils ne viennent les trouver ; et si un acte doit être passé sur les lieux, il faut que ces personnes appellent un autre notaire que celui qui a leur confiance. L'inconvénient est surtout grave quand il s'agit de testament. Le testateur le plus souvent ne peut se transporter dans l'étude du notaire ; c'est ordinairement quand on est malade qu'on fait son testament ; c'est surtout pour un pareil acte que l'on tient à s'adresser au fonctionnaire en qui on a la confiance la plus entière. Eh (page 849) bien l'homme qui a la confiance du testateur est précisément l'homme qu'il ne peut pas appeler.

Evidemment, restreindre le ressort au canton, c'est le restreindre dans des limites beaucoup trop étroites, non dans l'intérêt des notaires, mais dans l'intérêt des parties, dans l'intérêt public.

On a fait valoir, pour justifier les distinctions établies par la loi du 25 ventôse an XI, que la résidence des notaires de première et de deuxième classe était établie dans des villes plus importantes où il se faisait un plus grand nombre d'affaires, où se traitaient les affaires les plus compliquées et les plus difficiles, où, par suite, les notaires acquéraient une expérience qui leur donnait un degré de capacité beaucoup plus grand.

Mais, messieurs, je ne me contente pas de cette assertion générale et en quelque sorte théorique ; je voudrais que l'on essayât de faire ressortir la comparaison même de l'importance des résidences des notaires de deuxième et de troisième classe, cette distinction que l'on veut maintenir entre eux.

Si vous aviez le temps de vous livrer à cet examen, vous seriez frappés des anomalies choquantes que vous rencontrerez à chaque pas, et cela dans toutes les provinces du royaume. On vous en a cité une dans la séance d'hier ; on vous a fait remarquer l'arrondissement de Termonde, où le chef-lieu se trouve placé dans une ville qui est bien le point central, mais aussi qui est l'une des moins populeuses de la province. Dans ce même arrondissement se trouvent deux villes considérables ; dans ces deux villes il n'y a que des notaires « ruraux », comme on les appelle à Termonde, ce sont des notaires de seconde classe ; Termonde a, je crois, une population de 8,000 âmes.

Dans la même province, dans la Flandre orientale, la ville d'Audenarde a une population à peu près de 6,000 âmes. Voilà deux chefs-lieux d'arrondissement, et cependant vous rencontrez dans ces arrondissements la ville de Saint-Nicolas, qui a plus de 20,000 habitants ; la ville d'Alost, qui en a 17,000 ; la ville de Lokeren, qui en a encore environ 17,000 ; la ville de Renaix, qui en compte 12,000. Vous y trouverez encore Zele, qui en a 11,000 ; Eecloo, 9,000 ; Grammont, 8,000, etc. '

Maintenant je le demande, y a-t-il quelque apparence de fondement dans une disposition qui donne aux notaires de la ville de Termonde, par cela seul qu'ils y ont leur résidence, le droit d'instrumenter dans ; tout l'arrondissement, tandis que les notaires d'Alost et de Saint-Nicolas, villes beaucoup plus considérables, ne peuvent instrumenter que dans la ville où ils se trouvent ? Où est ici la présomption de capacité qu'on tire de ce que le notaire a sa résidence au lieu où le mouvement des affaires plus importantes et plus nombreuses qui s'y traitent suppose ou doit faire acquérir une plus grande expérience ? La présomption ne sera-t-elle pas en faveur d'Alost et de Saint-Nicolas ? Si on voulait établir une classification basée sur l'importance respective de la résidence, encore faudrait-il remplacer celle de la loi du 25 ventôse an XI, car elle, est démentie par les faits dans presque toutes les provinces.

Je viens de citer la Flandre orientale ; je présenterai quelques autres exemples pris dans d'autres provinces : Dans le Brabant, il y a un tribunal de première instance, à Nivelles, ville de 8,500 habitants ; il y a là des notaires de deuxième classe ; dans la même province, vous avez plusieurs villes qui, égales en population à la ville de Nivelles, auraient le même droit, comme Diest, Hal, Vilvorde ; il en est même une qui a une population supérieure, c'est Tirlemont, ville de 10,000 âmes ; pourquoi n'ont-elles pas des notaires de deuxième classe au même titre que la ville de Nivelles ?

Dans la Flandre occidentale. Furnes a un tribunal de première instance et ne compte que 4,700 habitants ; ses notaires sont donc aussi de deuxième classe et sont présumés des capacités n° 2, parce qu'ils habitent Furnes, où il y a un tribunal de première instance ; les notaires qui habitent la ville d'Ostende, dont la population est de 15 mille âmes, ne sont que des capacités n° 3, ils ne peuvent pas sortir de la ville d'Ostende pour remplir leurs fonctions.

Voilà le système de la loi du 25 ventôse an XI.

Je pourrais faire des comparaisons semblables pour toutes les provinces et partout vous remarqueriez les mêmes anomalies.

Je me bornerai à vous faire remarquer en dernier lieu que dans une province (celle de Luxembourg) les notaires de deuxième classe se trouvent dans des villes qui n'ont pas même la population des chefs-lieux de canton des autres provinces.

Ainsi il y a des notaires de deuxième classe à Arlon, ville de 5,400 habitants ; à Marche, ville de 1,900 habitants ; à Neufchâteau, ville de 1,700 habitants, et il y a, dans la province, même des villes plus populeuses, mais qui n'avaient pas une situation assez centrale pour être chefs-lieux d'arrondissement. Le hasard qui fait attribuer à une ville le siège du chef-lieu de l'arrondissement, par suite de sa position topographique, n'a aucune influence sur la capacité des fonctionnaires. S'ils doivent être plus capables en raison de l'importance de la localité où est leur résidence, vous devez établir la classification en conséquence ; vous devez l'établir d'après les faits, et non pas d'après l'organisation judiciaire.

Il y a même des choses assez étranges, quand on considère la classification actuelle, au point de vue de la capacité présumée.

Avant que Verviers n'eût obtenu un tribunal de première instance, les notaires n'étaient présumés que des capacités de troisième classe ; on a accordé à cette ville, à la révolution, un tribunal de première instance ; de plein droit, ces notaires, sans études ultérieures, se sont trouvés des capacités n° 2.

De même à Gand, les notaires n'étaient que des capacités de deuxième classe. Du moment que cette ville a été le siège de la cour d'appel, les mêmes hommes sont devenus des capacités n°1. Voilà encore la loi du 25 ventôse an XI.

Je crois que nous ne saurions faire cesser trop tôt de pareilles anomalies.

Je me réfère du reste aux développements dans lesquels est entré mon : honorable ami M. d'Anethan. Je voterai pour la proposition qu'il a déposée.

Plusieurs membres. - La clôture !

M. de Bonne. - Je ne m'oppose pas à la clôture. Mais je ferai remarquer qu'il y a eu un feu croisé d'amendements et que pour que l'on sache sur quoi l'on votera, il serait convenable d'ordonner l'impression des amendements et de renvoyer le vote à demain.

- La chambre consultée prononce la clôture et adopte la proposition de M. de Bonne.