Accueil Séances
plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Bibliographie et
liens Note d’intention
Séance précédente
Séance suivante
Chambre des représentants de Belgique
Séance du mardi 25 janvier 1848
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre, notamment pétitions
relatives à la canalisation de la Dendre (Van
Cleemputte), à la construction d’une route (de La
Coste) et au traitement des secrétaires communaux (de
Garcia)
2) Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au
budget du département des affaires étrangères
a) Motion d’ordre. A : droit sur les titres de
noblesse ; B : mise en œuvre de la loi des droits différentiels (A, B
(Osy, d’Hoffschmidt), B (Mercier, Osy), A (Verhaegen),
A, B (d’Hoffschmidt)
b) Discussion de l’article unique. Traitement des
agents consulaires, établissement de Santo-Thomas (d’Hoffschmidt,
Osy, d’Hoffschmidt, Mercier, Osy, d’Hoffschmidt,
de Man d’Attenrode, d’Hoffschmidt,
Lys, de Mérode, d’Hoffschmidt, de Garcia,
(+situation sociale dans les Flandres) (Rogier, Rodenbach, de Mérode, Mercier), David, Osy,
(+situation sociale dans les Flandres) (Delehaye, Mercier), Osy, Dechamps,
d’Hoffschmidt, Osy, d’Hoffschmidt), mission commerciale au Chili (de Man d’Attenrode, d’Hoffschmidt)
3) Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au
budget du département des affaires étrangères (marine). Projet de colonie belge
sur la côté de Guinée (Sigart, d’Hoffschmidt)
4) Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au
budget du département des finances (d’Huart)
5) Projet de loi relatif au cautionnement fourni pour
l’exécution du chemin de fer du Luxembourg (Frère-Orban,
Orban)
6) Projet de loi portant le budget du département des
travaux publics pour l’exercice 1848. Motion d’ordre relative à l’ordre de la
discussion (de Man d’Attenrode), chemin de fer de l’Etat,
évolution générale du chiffre du budget des travaux publics (Frère-Orban), projet de ligne ferroviaire entre
Bruxelles et Gand et chemin de fer concédé de la Dendre, canalisation de la
Dendre (de Clippele, Dedecker,
Frère-Orban, Dedecker, Delehaye, Frère-Orban)
(Annales parlementaires de Belgique, session
1847-1848)
(Présidence de M. Delfosse, vice-président.)
(page 613) M. Troye
procède à l'appel nominal à midi et quart.
M.
T’Kint de Naeyer lit le procès-verbal de la séance précédente ;
la rédaction en est adoptée.
M. Troye présente l'analyse
des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSES A LA CHAMBRE
« Le sieur Jean-Martin Gillis, mineur de
première classe au régiment du génie, demande à recouvrer la qualité de Belge
qu'il a perdue en prenant du service à l'étranger sans l'autorisation du Roi. »
- Renvoi à M. le
ministre de la justice.
_________________
« Le sieur
Lambarelle, sergent à l'école régimenlaire du troisième régiment de ligne, prie
la chambre de statuer sur sa demande tendant à recouvrer la qualité de Belge. »
- Renvoi à la
commission des naturalisations.
_________________
« Le sieur Jamotte, détenu chez les Alexiens,
à Malines, demande sa mise en liberté. »
- Renvoi à la
commission des pétitions.
_________________
« Plusieurs habitans d'Audenarde présentent
des observations contre le projet de loi qui supprime l'un des cantons de
justice de paix de cette ville. »
— Dépôt sur le bureau
pendant la discussion du projet.
« Les bourgmestres des communes situées entre
Grammont et Ninore demandent que le gouvernement se charge de la canalisation
de la Dcndre. »
M. Van Cleemputte. - Je demanderai le
dépôt de cette pétition sur le bureau pendant la discussion du budget des
travaux publics, et ensuite le renvoi à M. le ministre des travaux publics.
- Cette proposition
est adoptée.
_________________
« La chambre des notaires de l'arrondissement
de Hasselt présente des observations relatives au projet de loi sur le
notariat. »
- Dépôt sur le bureau
pendant la discussion du projet.
_________________
« Les membres de l'administration communale et
plusieurs habitants de Hargimont prient la chambre de rejeter le projet de loi
relatif au droit de succession.
« Même demande de
plusieurs propriétaires, agriculteurs et industriels de la commune d'Anthée.»
- Renvoi à la section
centrale chargée de l'examen du projet.
« Plusieurs habitants du canton de Léau
demandent le prolongement de la route de Léau à Haelen. »
M. de La
Coste. - Je demanderai que cette pétition soit déposée
sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics, et ensuite
renvoyée à M. le ministre de ce département.
- Adopté.
« Les secrétaires communaux de
l'arrondissement de Namur prient la chambre d'améliorer leur position. »
M.
de Garcia. - Messieurs, plusieurs pétitions de cette
nature ont été renvoyées à M. le ministre de l'intérieur. Je demanderai que
celle-ci ait le même sort et j'appellerai toute l'attention du gouvernement sur
les motifs que les pétitionnaires font valoir à l'appui de leur demande.
- La proposition de
M. de Garcia est adoptée.
_________________
« Plusieurs habitants de Bruxelles demandent
qu'il soit fait des économies dans les dépenses de l'Etat. »
- Renvoi à la
commission des pétitions et dépôt sur le bureau pendant la discussion des
budgets.
PROJET DE LOI ACCORDANT UN CREDIT SUPPLEMENTAIRE AU BUDGET DU
DEPARTEMENT DES AFFAIRES ETRANGERES
Motion d’ordre
M. Osy. - Messieurs, j'ai
quelques renseignements à demander à M. le ministre des affaires étrangères.
Lors de la discussion du budget de 1838, j'ai entretenu la chambre des
ressources que nous pourrions procurer au trésor en établissant un droit sur
les titres de noblesse. Voilà bientôt trois mois que le budget a été voté et
jusqu'à présent nous n'avons pas été saisis d'un projet de loi à cet égard. Je
sais que la commission héraldique s'est occupée de la question, mais je
demanderai si bientôt un projet nous sera présenté, car vous savez, messieurs,
que j'ai pris l'engagement d'en présenter un moi-même si le gouvernement ne
prenait pas l'initiative.
Messieurs, dans la
session dernière, le commerce a souvent demandé au gouvernement de vouloir
changer l'article 5 de la loi du 21 juillet 1844. Immédiatement après l'arrivée
aux affaires du ministère actuel, le commerce d'Anvers a reçu la promesse la
plus formelle du gouvernement d'examiner cette question. Depuis, le
gouvernement a nommé une commission mixte, composée d'armateurs et de négociants,
pour cet objet. Je demanderai à M. le ministre s'il a
déjà reçu le rapport de cette commission, et s'il ne l'a pas encore reçu, je le
prierai de bien vouloir adresser une lettre de rappel à la commission, pour que
dans la session actuelle nous puissions nous occuper de cette affaire. Les
plaintes augmentent considérablement ; il y a des navires venant directement
des pays de provenance qui sont frappés du droit le plus élevé, ce qui est
contraire, je ne dirai pas à la lettre, mais à l'esprit de la loi que nous
avons votée.
Nombre de navires,
pourvus de tous les documents nécessaires, ont été obligés de relâcher dans les
ports intermédiaires, on veut les frapper des droits les plus élevés. Je sais
même que cet état de choses, contraire aux traités que nous avons fait avec des
nations étrangères, a excité l'attention de ces puissances ; il doit y avoir eu
des plaintes sous ce rapport.
M. le ministre des affaires
étrangères (M. d’Hoffschmidt). - Messieurs, l'honorable préopinant m'a adressé
deux questions. La première est celle de savoir si le ministère s'occupe d'un
projet de loi tendant à établir un droit sur les concessions de titres de
noblesse. J'ai chargé la commission héraldique d'examiner cette question ; j'ai
reçu son travail, il y a seulement quelques jours ; cette question est
difficile ; toutefois le gouvernement prendra une décision dans un prochain
délai.
La seconde question
est celle de savoir si le ministère s'occupe aussi de la révision de l'article
5 de la loi sur les droits différentiels, ou du moins de l'arrêté royal de
novembre 1840, relatif à la relâche des navires.
(page 614) Messieurs, la
chambre de commerce d'Anvers a adressé, à plusieurs reprises, au gouvernement
des réclamations et contre l'article 5 de la loi et contre l'arrêté royal de
novembre 1846. En présence de ces réclamations, j'ai cru devoir, d'accord avec
mon collègue des finances, les soumettre à l'examen de la commission qui avait
rédigé l'arrêté royal. Ce n'est également que depuis deux ou trois jours que
j'ai reçu le travail de cette commission, tant les propositions de celle-ci que
les procès-verbaux des séances où la question a été mûrement examinée. Je crois
qu'il y aura lieu tout au moins à modifier plusieurs dispositions de l'arrêté
royal de novembre 1846. Nous déciderons aussi cette question dans un temps peu
éloigné.
M. Mercier. - Messieurs, je ne
m'oppose nullement à ce que le gouvernement s'occupe de cette question ; je
prie cependant M. le ministre des affaires étrangères de ne pas croire que,
parce que quelques réclamations se sont élevées, tout le monde ici partage
toutes les opinions émises par l'honorable M. Osy. Beaucoup de membres ne
prennent pas la parole, lorsqu'il s'agit d'interpellations ou de discussions
incidentes ; mais lorsque la question est mise à l'ordre du jour, il n'en est
plus de même. Je fais donc toutes mes réserves, en ce qui me concerne, par
rapport à la question qui vient d'être soulevée.
M. Osy. - Messieurs, je suis
loin de prétendre que le gouvernement doive faire quelque chose sans la
connaissance de la chambre. Mais quand le gouvernement reçoit des réclamations
telles que celles qu'il a reçues depuis deux ans, il me semble qu'il doit
s'éclairer. Nous demandons seulement qu'il active le travail de la commission
qui a été nommée. Si, quand il l'aura reçu, le gouvernement juge qu'il y a lieu
de faire un changement à la loi, il nous fera une proposition, et alors la chambre
j décidera.
M. Verhaegen. - Je m'étonne que M.
le ministre des affaires étrangères vienne nous parler d'un avis qui aurait été
donné par le conseil héraldique sur le projet de loi ayant pour objet d'imposer
les titres de noblesse ; constitutionnellement parlant, je ne conçois pas de
conseil héraldique el je ne sais vraiment pas ce qu'un conseil héraldique peut
avoir à faire avec une loi d'impôt.
Du reste il paraît
qu'il serait question dans le projet de loi, dont vient de parler M. le
ministre des affaires étrangères, d'imposer la transmission par décès des
titres de noblesse : à cet égard je me réserve d'examiner en temps el lieu si,
d'après les termes et l'esprit de la Constitution, il existe bien en Belgique
une noblesse héréditaire.
M. le ministre des affaires
étrangères (M. d’Hoffschmidt). - Messieurs, je ne pense pas que nous puissions
discuter actuellement l'une ou l'autre des deux questions qui viennent d'être
soulevées. Chacun se réserve naturellement son opinion sur les propositions qui
pourraient être faites ultérieurement. Mais je crois que le gouvernement a agi
sagement en consultant, pour l'un et l'autre objet, des commissions qui peuvent
l'éclairer. Je ne veux pas, du reste, entamer en ce moment une discussion sur
des projets qui ne sont pas encore soumis à la chambre, ni sur les résolutions
qui pourront être prises par le gouvernement ; ce serait tout à fait prématuré.
Discussion de l’article unique
M. le
président. - Les deux premiers paragraphes ont été votés à
la séance d'hier.
Article unique, paragraphe 3
« § 3.13,689 fr. 31
c, article unique du chapitre III, traitement des agents consulaires et
indemnités à quelques agents non rétribués. »
La commission propose
de réduire l'allocation demandée à 9,726-21.
M. le ministre des affaires
étrangères (M. d’Hoffschmidt). - Messieurs, le crédit demandé pour l'objet
dont il s'agit est, comme vient de le dire l'honorable président, de 13,689 fr.
31 c. La commission propose une réduction de 3,963-10. Je dois supposer que
c'est à cause de l'insuffisance des renseignements communiqués à la commission
qu'elle propose cette réduction, car le chiffre de la demande résulte d'arrêtés
royaux qui ont déterminé le traitement de notre agent consulaire à Guatemala.
D'abord il faut
remarquer que M. Cloquet, agent consulaire à Guatemala, a une double qualité.
En qualité d'agent consulaire, une indemnité de 3 mille fr. lui avait été
accordée par le gouvernement par l'arrêté royal du 19 février 1843 qui est
inséré à la suite du rapport de la commission. Par un arrêté royal postérieur,
du 21 juillet 1844, cette indemnité a été portée à 5 mille fr. annuellement ;
indépendamment de cette indemnité comme agent consulaire, M. Cloquet avait de
la compagnie de colonisation une indemnité de 6,000 fr. déterminée par les
statuts et reconnue par plusieurs dépêches de cette compagnie ; mais la
compagnie a cessé de payer à partir du 1er octobre 1844.
Or, ce traitement
était garanti par le gouvernement, force est donc de remplir les engagements
que la compagnie avait contractés.
Voilà le motif pour
lequel on demande un crédit supplémentaire.
La commission n'a
tenu aucun compte du deuxième arrêté royal. Elle est partie de ce raisonnement
que M. Cloquet ne devait avoir que 9,000 fr. de traitement, qu'on ne devait pas
tenir compte de l'augmentation de traitement fixée par l'arrêté royal du 21
juillet 1844.
Il faut bien remarquer,
messieurs, que si l'on demande ce crédit supplémentaire ce n'est pas à cause de
l'insuffisance du crédit porté au budget pour traitement des agents
consulaires. Ce crédit a été suffisant pour payer le traitement alloué à M.
Cloquet, comme consul à Guatemala, Il ne s'agit que du non-accomplissement des
engagements pris par la compagnie, engagements qui s'élèvent à 6,000 fr.
annuellement.
La somme que la
compagnie a à payer de ce chef à M. Cloquet, pour le temps écoulé depuis le 1er
octobre 1844 jusqu'au 31 décembre 1847 trois ans et trois mois, est de fr.
19,500 »
De cette somme il
faut déduire :
Ce que M. Cloquet
doit à la compagnie pour vivres : fr. 3,185 69
2° Ce qui a pu être
liquidé, au profit de M. Cloquet, sur les sommes disponibles au budget :
fr. 7,425.
Il reste donc à payer
à M. Cloquet fr. 8,889 31, que l'Etat pourra réclamer ensuite à la compagnie de
colonisation.
Que résulterait-il de
l'adoption de la réduction proposée par la commission ? L'Etat réclamant à la
compagnie 16,314 fr. 31 c. et ayant payé en moins 2,963 francs 10 c, il en
résulterait que l'Etat recevrait cette somme en plus de ce qu'il aurait
réellement dépensé.
Je crois donc que,
d'après ces considérations, il est nécessaire de maintenir le chiffre proposé
par le gouvernement.
Il faut bien
distinguer entre les deux traitements qui ont été attribués à M. Cloquet, celui
attribué à notre agent consulaire en cette qualité et celui qui lui est
attribué comme commissaire du gouvernement près de la compagnie de
colonisation.
Le traitement attribué à M. Cloquet, comme agent
consulaire, était en premier lieu de 3,000 francs. Il a été porté à 5,000
francs, à dater du 1er janvier 1844. Ce traitement a été intégralement payé.
Mais son traitement de commissaire n'a pas été payé. C'est celui pour lequel la
somme portée au projet est réclamée. Il ne faut pas confondre ces deux
traitements tout à fait distincts.
Je crois donc, par
ces considérations, devoir persister dans la demande intégrale du crédit
proposé dans le projet de loi.
M. Osy, rapporteur. - Messieurs, la
commission avait pris tous les renseignements nécessaires, et on ne peut,
certes, pas dire que nous n'étions pas suffisamment éclairés sur la question.
En 1843 le
gouvernement avait pris un arrêté par lequel il fixait le traitement du sieur
Cloquet à 9,000 fr., et comme la compagnie devait contribuer dans ce traitement
pour 6,000 fr., le gouvernement n'avait que 3,000 fr. à payer.
La compagnie ne payant pas, le gouvernement a pris, en
1844, un arrêté portant que le sieur Cloquet toucherait annuellement 5,000 fr.
sur le trésor public. Plus tard, le gouvernement a pris un arrêté qui ne peut
s'appliquer qu'à partir de 1848 et aux termes duquel le traitement est porté à
12,000 fr. Pour le temps qui s'est écoulé de 1841 à 1847, nous avons pu
seulement prendre en considération les arrêtés antérieurs à 1848. Strictement,
le gouvernement ne devait pas payer les 6,000 fr. que la société s'était
engagée à payer, mais nous avons cru qu'il y avait convenance à le faire ;
seulement on doit se renfermer dans le traitement de 9,000 fr. et ne pas
admettre le chiffre de 12,000 fr. pour l'arriéré, attendu que ce chiffre a été
fixé par un arrêté qui n'est applicable qu'à partir du 1er janvier 1848 et sur
lequel nous faisons toutes réserves. C'est pour ce motif, messieurs, que la
commission vous propose une réduction de fr. 3,963 10 , et je crois que nous
devons admettre cette proposition.
M. le ministre des affaires
étrangères (M. d’Hoffschmidt). - L'honorable rapporteur vous a dit, messieurs,
que c'est par arrêté du 1er janvier 1843 que le traitement de M. Cloquet a été
augmenté ; c'est une erreur : par arrêté du 21 juillet 1844, l'indemnité que le
gouvernement accordait à M. Cloquet et qui était de 3,000 fr. a été portée à
5,000 fr. ; or, comme la compagnie devait lui payer 6,000 fr., son traitement
se trouvait ainsi porté à 11,000 fr. dès le 1er janvier 1844.
Voici l'arrêté tel
qu'il figure dans le rapport de la section centrale :
« Revu notre arrêté
du 19 février 1843, qui règle l'indemnité allouée au sieur Martial Cloquet, du
chef de ses fonctions consulaires à Guatemala ;
« Sur la proposition
de notre ministre des affaires étrangères,
« Nous avons
arrêté et arrêtons :
« Art. 1er. Le sieur
Cloquet jouira, durant tout le temps qu'il exercera des fonctions consulaires à
Guatemala, d'une indemnité annuelle de cinq mille francs, quelle que soit ,du
reste, la rétribution que la commission belge de colonisation pourrait affecter
au poste de commissaire du gouvernement.
« Cette indemnité
sera prélevée sur le chapitre III, article unique, du budget du département des
affaires étrangères, et il lui en sera tenu compte à partir du 1er janvier
dernier.
« Art. 2. Notre
ministre dis affaires étrangères est chargé de l'exécution du présent arrêté. »
Ainsi, messieurs, ces
5,000 fr. sont tout à fait indépendants de la rétribution qui était allouée à
M. Cloquet par la compagnie de colonisation. Cette rétribution est fixée à
6,000 fr. par les statuts de la compagnie, et la disposition des statuts est
confirmée par une lettre dont je vais avoir l'honneur de vous donner lecture et
qui a été adressée le 5 mars 1845 au ministre des affaires étrangères, par le
président du comité directeur de la compagnie. Voici cette lettre :
(page 615) « Bruxelles, le 5 mars 1843
« M. le
ministre,
« En réponse à
votre dépêche en date d'hier, nous avons l’honneur de vous confirmer notre lettre
du 27 septembre dernier, n°339, par laquelle nous vous annoncions que la
compagnie allouait à M. Cloquet, en sa qualité de commissaire du gouvernement
auprès d'elle, une somme de quatre mille francs pour la première année et six
mille francs pour chacune des années suivantes.
« Quant aux autres
points de votre dépêche précitée, nous nous en rapportons à ce que vous jugerez
convenable de faire à cet égard.
« Veuillez agréer, M.
le ministre, l'assurance de notre considération distinguée.
« Le président du
comité des directeurs,
« Comte Hompesch.
« Le secrétaire,
« J. de
Binckum. »
Eh bien, messieurs,
c'est pour l'indemnité de 6,000 fr. que le crédit est réclamé, afin de
l'appliquer au payement de cette indemnité, non soldée par la compagnie. Or il est
évident que cette somme de 6,000 fr. devait être payée à notre agent consulaire
à Guatemala, à partir du 1er octobre 1844. Le traitement n'a donc pas été
augmenté à partir du 1er janvier 1848, comme le dit l'honorable M. Osy, mais il
l'a été par l'arrêté royal du 21 juillet 1844.
On n'a jamais dit,
messieurs, dans cet arrêté, que la part de la compagnie serait réduite ; on a
augmenté l'indemnité payée à l'agent consulaire ; on l'a portée de 3,000 à 5,000
fr., parce qu'on trouvait la somme insuffisante, d'après tous les
renseignements arrivés de la colonie et de la ville de Guatemala. Il ne faut
pas, messieurs, apprécier la somme nécessaire à nos agents dans les pays
transatlantiques, dans les républiques de l'Amérique méridionale, d'après ce
qui se passe en Europe. La vie y est infiniment plus chère. Le gouvernement a
donc reconnu que la somme de 3,000 fr., allouée à M. Cloquet, était tout à fait
insuffisante et il l'a portée à 5,000 fr., chiffre qui a même dû être augmenté
de 1,000 fr. en 1847.
On ne concevrait pas, messieurs, l'arrêté du 21
juillet 1844, s'il ne faisait que maintenir le traitement au chiffre fixé par
un arrêté précédent. Je dois le répéter, car toute l'erreur est là, l'honorable
M. Osy ne tient pas compte de cet arrêté ; il pense que l'arrêté de 1844 ne dit
que ce que disait l'arrêté de février 1843, mais alors l'arrête de 1844 était
tout à fait inutile, et s'il en était ainsi pourquoi l'aurait-on porté ?
Il est donc
nécessaire, messieurs, de maintenir le crédit tel qu'il est demandé, car sans
cela nous nous trouverions dans cette position, de réclamer auprès de la
compagnie une somme supérieure à celle que nous aurions payée.
M. Mercier. - Les explications que
vient de donner M. le ministre des affaires étrangères en faveur du crédit
demandé me paraissent tellement péremptoires que je me bornerai à insister sur
les dernières observations qu'il a présentées ; pour tous ceux qui connaissent
combien la vie est chère dans l'Amérique centrale il est évident qu'un
traitement de neuf mille francs ne peut suffire à un consul ; je doute beaucoup
que celui de fr. 12,000 puisse faire face à toutes les dépenses auxquelles cet
agent est tenu ; à mon avis il n'y eût pas eu prodigalité à lui allouer une
rémunération de fr. 15,000.
M. Osy, rapporteur. - Je vous déclare
franchement, messieurs, que je ne suis pas converti par les observations que
vient de présenter M. le ministre des affaires étrangères. L'arrêté de 1843 dit
que le traitement sera de 9 mille francs, dont on déduira ce qui sera payé par
la compagnie. En 1844, la compagnie ne payait plus et alors le gouvernement a
pris un arrêté portant que le traitement serait de 3 mille francs, quelle que
fût la rétribution payée par la compagnie. Eh bien, si nous voulions être
rigoureux, nous dirions : Nous liquidons sur le pied de 6 mille francs.
La section centrale
en a jugé autrement ; elle a cru que puisque la société ne payait plus, il
fallait liquider sur le pied de 9,000 francs, d'après l'arrêté de 1843 qui dit
que le traitement sera de 9,000 francs.
Un autre arrêté du 21 juillet 1844 accorde seulement
fr. 5,000, quelle que soit l'indemnité de la société.
Ainsi le gouvernement
était bien dans l'intention de n'accorder que 9,000 francs, et si la société ne
payait pas, l'indemnité ne devait être que de 3,000 francs.
Je crois, messieurs,
que la chambre ne doit liquider que sur le pied de 9,000 francs, d'autant plus
que ce n'est que d'après un arrêté de 1848 que le chiffre de 12,000 francs a
été alloué.
M. le ministre des affaires
étrangères (M. d’Hoffschmidt). - L'honorable M, Osy dit que l'on a pris
l'arrêté du 21 juillet 1844, parce que la compagnie ne payait plus à cette
époque. La compagnie a payé jusqu'au 1er octobre 1844 ; par conséquent ce n'est
pas le motif qu'on vient d'indiquer qui a fait prendre ces arrêtés du 21
juillet. On n'a voulu (cela est exprimé assez clairement pour ceux qui voudront
jeter les veux sur les deux arrêtés), on n'a voulu qu'indiquer que l'indemnité
allouée précédemment était insuffisante et qu'on devait la porter de 3 à 9,000
fr.
Voilà toute la portée
de l'arrêté du 21 juillet 1844, qui n'exerce aucune influence sur le traitement
alloué par la compagnie. Or, je prie la chambre de le remarquer, c'est ce
traitement alloué par la compagnie qu'il s'agit de suppléer, qui n'a pas été
payé.
Je crois que mes honorables prédécesseurs qui ont pris
les arrêtés dont il s'agit, pourraient faire connaître quelle est
l'interprétation qu'ils entendent lui donner. Il me paraît qu'il est impossible
de lui en donner une autre que celle que je viens d'indiquer. Il serait du
reste assez étrange, messieurs, que l'on portât tout à coup le traitement de M.
Cloquet à 12,000 fr., si réellement il avait été maintenu jusqu'à ce jour à
9,000 fr. Il n'y a même pas eu à l'égard de M. Cloquet, si je ne me trompe,
d'arrêté postérieur à celui de juillet 1844.
Lors de la
présentation du budget pour 1848, on a indiqué à la section centrale comment la
somme allouée au budget serait répartie entre les agents consulaires, et l'on a
indiqué le chiffre de 12,000 fr. pour le traitement de M. Cloquet. La section
centrale n'a présente aucune observation sur le chiffre de ce traitement. Ainsi
on a dû reconnaître qu'il y a eu insuffisance dans le traitement de 9,000 et
même de 11,000 fr. primitivement accordé à notre agent consulaire à Guatemala.
M.
de Man d’Attenrode. - Messieurs, il s'agit
d'inscrire dans notre budget une dépense nouvelle et en quelque sorte
permanente. Il s'agit d'une dépense qui concerne une entreprise dont on s'est
beaucoup préoccupé, la colonie de Santo-Thomas.
Jusqu'à présent le
gouvernement ne nous a pas fait connaître quelles étaient ses vues à cet égard.
Une société s'est constituée afin de coloniser une contrée dans l'Amérique
centrale. Cette colonisation paraît n'avoir pas réussi. Mais il me semble qu'à
la colonisation a succédé un autre système. Celte entreprise a donné naissance
à un comptoir.
On dit que ce
comptoir pour peu qu'il obtienne l'appui du gouvernement, peut devenir un point
d'arrivée favorable pour les objets que l'on fabrique dans ce pays. On m’assure
qu'il est des négociants qui font dès à présent un commerce d'exportation très
avantageux avec cette colonie.
Je désirerais que le
gouvernement nous dise s'il juge que ce comptoir offre des avantages au pays.
J'ai des motifs de le croire, puisqu'il propose de rattacher à cet
établissement une dépense nouvelle.
Je voudrais que nous
fussions complètement éclairés sur cette question.
Le gouvernement a
envoyé en Amérique un homme intelligent attaché à la diplomatie, afin
d'examiner quelle était la situation de cette colonie.
On y a même envoyé un navire, afin de faciliter le
retour, en Europe, de ceux des colons qui paraissaient y être malheureux,
délaissés. D'après ce que j'ai entendu dire, la plupart de ces colons se sont
refusés à revenir en Europe ; il est permis d'en induire qu'il n'y fait pas
aussi mauvais vivre qu'on a cherché à le faire croire, et que la position des
colons n'est pas aussi mauvaise qu'on l'a prétendu.
Je voudrais qu'une
bonne fois le gouvernement nous dît ce qu'il entend faire de cette entreprise
qui a eu tant de retentissement dans le pays.
L'agent diplomatique
qui avait été envoyé à Guatemala est revenu en Belgique ; depuis lors un
premier rapport a été déposé et imprimé ; il paraît qu'un second rapport a
encore été déposé ; mais il n'est pas imprimé ; je demanderai à M. le ministre
des affaires étrangère, de vouloir le livrer à la publicité en le faisant
imprimer. Une fois le rapport imprimé, alors peut-être il pourra surgir une
discussion utile.
M. le ministre des affaires
étrangères (M. d’Hoffschmidt). - Messieurs, je ne vois aucune difficulté à
faire imprimer le rapport qui m'est parvenu, il y a deux ou trois jours, de la
part de l'agent diplomatique qui a été envoyé à Guatemala et à le faire
distribuer aux membres des deux chambres.
Messieurs,
l'honorable préopinant se trompe en disant qu'il s'agit, par le crédit demandé,
d'introduire dans le budget une dépense nouvelle ; il ne s'agit que d'un crédit
supplémentaire destiné à payer des créances arriérées. C'est par suite de l'engagement
contracté par le gouvernement à l'égard de notre consul, qu'on doit satisfaire
aux engagements contractés par la compagnie envers cet agent. Notre agent avait
en 1843 un traitement de 3,000 fr. ; on a porté ce traitement à 5,000 fr. en
1844 ; il est évident que cet agent consulaire ne se serait jamais engagé à
aller à Guatemala, s'il n'avait pu compter que sur 3,000 d'abord et puis sur
5,000 fr. ; mais la compagnie s'était engagée à payer 6,000 fr. à notre agent :
c'est confiant dans cette promesse que M. Cloquet a consenti à aller à
Guatemala.
Or, la compagnie n'a
pas payé ; et le gouvernement, dans l'arrêté royal qui a fixé le traitement du
consul, s'est engagé à lui parfaire le chiffre de ce traitement pour le cas où
la compagnie ne s'exécuterait pas. C'est ce qu'il s'agit maintenant de
réaliser. La compagnie n'a pas payé pendant trois ans et trois
mois ; cela ferait 19,500 fr. dont il faut déduire la valeur des vivres qu'elle
a fournis à M. Cloquet. Le gouvernement a déjà payé sur cette somme 7 mille et
des cents francs, qui ont été prélevés sur les crédits destinés aux agents
consulaires en 1846 ; il reste à payer 8,889 fr. 31. S : on réduit le chiffre,
ainsi que le propose la section centrale, il en résulterait de deux choses
l'une : ou bien le gouvernement payera au sieur Cloquet plus que les chambres
ne l'auraient autorisé à payer ; ou bien il réclamera auprès de la compagnie
une somme plus élevée que celle qu'il aura payée ; le gouvernement a droit de
réclamer de la compagnie 16,314 fr. Eh bien, c'est cette somme qu'il s'agit de
remettre à M. Cloquet ; si vous adoptez la proposition de la section centrale,
il en résultera que vous réclamerez de la compagnie une somme de 2,900 fr. que
vous n'aurez pas payée.
(page 616) Je crois donc qu'il convient d'adopter le
chiffre que le gouvernement a proposé.
M. Lys. - M. le ministre et
M. le rapporteur de la section centrale ne sont pas d'accord sur le chiffre.
L'arrêté de février 1843 dispose qu'un traitement de 9,000 fr. sera alloué au
sieur Cloquet, c'est-à-dire 3,000 fr. sur le trésor public, et 6,000 fr. à
charge de la compagnie ; l'arrêté garantit ces 6,000 fr. au titulaire. Un
nouvel arrêté du 21 juillet 1844 alloue au sieur Cloquet 5,000 francs ; et,
dans cet arrêté, le gouvernement semble prendre un engagement singulier, celui
de garantir toute rétribution que la commission belge de colonisation pourrait
affecter par la suite à indemniser notre consul. Si donc la compagnie avait
alloue 12,000 fr. à cet agent et qu'elle ne se fût pas exécutée, le
gouvernement aurait dû se substituer à elle.
M. le ministre des
affaires étrangères nous a dit qu'il n'y avait pas d'autre arrêté pour fixer la
somme due au sieur Cloquet ; cependant, M. le ministre a déclaré qu'on
accordait à cet agent une somme de 12,000 fr. ; or, en réunissant les deux
éléments dont le traitement se compose, on a, non pas 12,000, mais 11,000 fr.
Je ne puis assez
insister sur le singulier engagement qu'avait pris le gouvernement. D'après le
premier arrêté, il garantissait au sieur Cloquet la somme
de 6,000 francs, et d'après celui de 1844, il semblait lui garantir toutes les
indemnités quelconques que la compagnie de colonisation jugerait bon de lui
accorder. Dans cet arrêté, on disait que le sieur Cloquet jouirait pendant tout
le temps qu'il exercerait des fonctions consulaires à Guatemala, d'une
indemnité annuelle de 5,000 francs, quelle que fût la rétribution que la
compagnie pourrait affecter au poste de commissaire du gouvernement. Ainsi, si
l'on appliquait la disposition de l'arrêté de 1841 à l'arrêté de 1844, et si la
compagnie avait donné 12,000 francs à notre agent, le gouvernement aurait été
responsable pour cette somme. Moi, je crois que quand on a alloué en 1844 5,000
fr. à notre agent, sans reproduire textuellement dans l'arrêté la clause de
garantie qui se trouvait dans l'arrêté de 1843, on a voulu déroger à ce dernier
arrêté, et que dès lors il n'y a plus d'obligation de la part du gouvernement.
M. de
Mérode. - Messieurs, le ministère actuel a, dans
l'entreprise de la colonisation à Guatemala, un avantage qui devrait l'enhardir
à s'expliquer complètement.
En effet ce n'est pas
le ministère actuel, mais un ministère ancien, qui a accordé son patronage à
l'entreprise. Et puis les choses se sont éclaircies de plus en plus ; on a
envoyé un membre de la diplomatie fort capable et très à même de prendre des
renseignements sur les lieux ; ces renseignements ont été très favorables et
cependant le gouvernement ne s'explique pas sur l'affaire dont il s'agit, sur
la fondation d'un comptoir, sur les moyens de tirer parti d'une entreprise à
laquelle le gouvernement s'est intéressé. Une affaire commencée doit se suivre,
les ministres ne sont pas toujours les mêmes, le gouvernement subsiste, un
ministère succède à un autre, il contracte l'engagement de ne pas laisser
perdre, s'il y a moyen, ce qu'un ministère précédent a commencé. Il est dans
une position d'autant plus favorable que, n'étant pas fondateur, il n'a pas la
responsabilité de la fondation. Tous les jours je reçois, des Flandres surtout,
les nouvelles les plus affligeantes, partout on se plaint d'une misère qui va
toujours croissant.
Quand il y aurait
moyen de faciliter les expatriations par la colonisation, on laisse tomber la seule
entreprise qui ai été faite. Je voudrais que d'autres personnes fissent des
essais semblables, mais on n'en a pas fait ; l'état des Flandres est toujours
le même ; on essaye bien quelques palliatifs que je suis loin de blâmer, mais
on ne fait rien d'important pour sortir de la situation où l'on se trouve.
Puisque l'attention de la chambre est appelée sur la
colonie de Santo-Thomas, je voudrais que le gouvernement fît connaître au
public et à la chambre ce qu'il pense de cette entreprise.
Je sais qu'on a
essayé d'y cultiver et qu'on a obtenu des produits satisfaisants en maïs et
pommes de terre, et que les colons y vivent de leur culture malgré le
délaissement où ils se trouvent, parce que la compagnie n'a plus les moyens de
fournir les sommes nécessaires à la direction de l'entreprise.
Je vois là quelque
chose d'utile à poursuivre. Je désirerais que le gouvernement s'en expliquât ;
je ne veux pas susciter d'embarras au gouvernement, mais l'engager à profiter
des essais qui ont été faits, s'il y trouve utilité. Pour moi, je pense qu'il y
a utilité à le faire.
M. le ministre des affaires
étrangères (M. d’Hoffschmidt). - Je ne fais aucune difficulté de donner à
l'honorable membre et à la chambre quelques explications sur la colonie de
Santo-Thomas. La chambre doit se rappeler que le gouvernement a toujours
déclaré dans cette enceinte qu'il n'entendait pas se mêler des affaires de la
compagnie de colonisation de Santo-Thomas. qu'il considérait cette entreprise comme
une entreprise particulière. Nous n'avons pas de motifs pour adopter une autre
opinion en ce moment ; mais est-ce à dire que le gouvernement n'a jamais rien
fait pour cette colonie ? Ce serait là une erreur. Le gouvernement est
intervenu indirectement ; plusieurs fois il a accordé entre autres des secours
aux Belges nécessiteux, malades ou orphelins de la colonie ; il a envoyé, à
différentes reprises, des agents sur les lieux pour intervenir près du
gouvernement de la république de Guatemala, en faveur de la colonie ; il
subsidie un service de navigation à voiles entre Anvers et Santo-Thomas ; enfin
dans les derniers temps (et il y a même un crédit supplémentaire considérable
qui vous est demandé pour cet objet), en dernier lieu il a envoyé un navire pour
chercher les colons qui jugeraient convenable de revenir dans la mère patrie.
Soixante-trois ont accepté la proposition qui leur était faite et ont été
transportés de Santo-Thomas en Belgique. Sur ce nombre, sept avaient
l'intention de retourner en Amérique, les autres étaient maladifs ou ne
pouvaient être d'aucune utilité pour la colonie. Cette mesure a eu des
résultats favorables, en débarrassant la colonie d'individus qui étaient une
véritable charge pour elle ; quant aux autres,, au nombre de 210, ils ont
préféré restera Santo-Thomas.
D'après les
renseignements qui me sont parvenus dans le courant de l'année dernière, de
grandes améliorations ont été introduites par la direction intelligente donnée
à la colonie par le directeur actuel : les colons sont mieux nourris, mieux
logés, mieux vêtus ; presque tous ont du bétail et se livrent avec fruit à la
culture des terres. La situation s'est aussi améliorée quant à l'état sanitaire
; les dernières nouvelles sont favorables, l'état sanitaire paraît être excellent.
Maintenant, messieurs, le gouvernement est disposé à favoriser l'établissement
d'un comptoir à Santo-Thomas ; nous l'avons déjà annoncé, je crois, dans cette
enceinte.
La position de
Santo-Thomas est très importante au point de vue commercial ; et c'est là
surtout ce qui doit attirer l'attention du gouvernement ; le port de
Santo-Thomas, dans l'état actuel, est déjà fréquenté par plus de cent navires
par année ; c'est un port d'une haute importance par sa position au centre de
l'Amérique, dominant le golfe de Mexique, à portée des Antilles ; s'il y avait
là un comptoir dirigé par des hommes habiles ayant à leur disposition des
capitaux suffisants, il pourrait donner lieu à des exportations considérables
des produits de notre industrie.
Au point de vue
commercial, le gouvernement agira donc sagement en favorisant l'établissement
d'un comptoir à Santo-Thomas par une société.
Ainsi le cabinet ne
croit pas devoir intervenir dans les affaires de la compagnie, ni dans ce qui
concerne la colonisation agricole ; mais si des capitalistes présentant les
garanties nécessaires, à certaines conditions, offraient de former un comptoir
à Santo-Thomas, je pense qu'il devrait aider à la réalisation d'un semblable
projet. Qu'on veuille bien le remarquer, si un comptoir s'établissait à
Santo-Thomas, si des relations commerciales s'y développaient, ce serait le
meilleur moyen de venir en aide à la colonie. Il n'est guère possible qu'une
colonie se soutienne longtemps en Amérique sans relations
commerciales ; toute colonie sans la vie commerciale échouerait inévitablement.
Ce n'est qu'avec des relations commerciales qu'une colonie lointaine peut se
soutenir et se développer. Quand des relations commerciales existent, la
population ne tarde pas à s'accroître. Belize, colonie anglaise, située dans
les mêmes parages que Santo-Thomas, est dans une position beaucoup moins
favorable, commercialement parlant, que Santo-Thomas ; cependant elle fait déjà
des affaires pour 25 millions de francs par année.
Je n'entrerai pas
pour le moment dans de plus grands développements sur cette question. Je crois
avoir répondu suffisamment à l'honorable préopinant et avoir démontré que le
gouvernement ne perd pas de vue la colonie de Santo-Thomas, qu'il ne se refuse
pas à lui venir indirectement en aide, mais en restant dans les limites qui lui
sont tracées par le budget ou par notre situation financière.
M.
de Garcia. - D'après les engagements qui ont été pris par le
gouvernement, il est un fait incontestable, c'est que le gouvernement est tenu
de garantir le traitement attribué à son commissaire par la compagnie de
colonisation.
Un autre fait non
moins incontestable, c'est que le gouvernement, qui n'est que garant, ne doit
payer que pour autant que la compagnie ne satisfait pas à ses obligations. Dans
cet état, il est évident, selon moi, que le gouvernement ne doit effectuer de
payements à la décharge de la compagnie de colonisation que pour autant que le
commissaire du gouvernement et de la compagnie ait fait contre cette dernière
les diligences nécessaires pour être soldé par celle-ci ; ce fait, qui n'est
rien moins qu'établi, domine toute la question. Il ne peut être négligé sans
s'exposer à mettre à charge du pays une dépense qui incombe directement et
réellement à charge de la compagnie de colonisation.
Qu'il me soit permis d'attirer toute l'attention de
l'assemblée sur ce point, et de lui rappeler que, d'après les principes du
droit commun, le garant n'est tenu à payer que dans le cas où la personne
cautionnée se refuse et se trouve dans l'impossibilité de satisfaire à ses
obligations. Sans doute, la chambre peut prendre une résolution contraire à ces
principes ; mais, à mes yeux, elle est contraire aux intérêts du pays et aux
notions les plus simples de droit.
Je tenais à faire
celle observation, pour que la chambre sache à quoi elle s'engage.
M. le ministre
de l’intérieur (M. Rogier). - On nous demande de
nous expliquer sur l'état de la colonie de Guatemala. Nos prédécesseurs ont
présenté cette entreprise comme une affaire d’intérêt privé, à laquelle le
gouvernement a prêté son concours. Nous n'avons pas à juger ici la conduite du
gouvernement dans le passé, en ce qui concerne cette affaire ; nous la prenons
dans l'état où elle se présente aujourd'hui ; et nous n'hésitons pas à déclarer
qu'il y a là pour la Belgique un point commercial d'une certaine importance.
Nous ferons donc tout
ce qui nous sera possible pour contribuer au développement successif de cet
établissement, au point de vue commercial d'abord, puis au point de vue qui
vient d'être indiqué par l'honorable M. de Mérode, au point de vue de
l'émulation. L'honorable comte de Mérode pense qu'une émigration vers Guatemala
pourrait procurer un soulagement à la situation des populations flamandes. Il
pense que (page 617) jusqu'ici le
gouvernement ne fait rien ou presque rien pour ces populations.
M. de
Mérode. - Je ne dis pas cela.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Rogier). - L'honorable
préopinant pensé qu'on se borne à de simples palliatifs. C'est l'expression
consacrée.
Je tiens à déclarer
que les mesures prises par le gouvernement ne sont pas de simples palliatifs ;
que ces mesures auront des résultats efficaces ; que loin que le gouvernement
néglige cette question, il ne se passe pour ainsi dire pas de jour où il ne
soit pris de mesures en faveur des Flandres. D'autres sont projetées.
L'émigration a été indiquée par le gouvernement comme un des moyens à tenter.
D'ici à quelque temps, la chambre sera saisie d'une grande loi, qui comprendra,
dans plusieurs de ses dispositions, des remèdes en faveur des Flandres, plus
puissants, plus efficaces que ceux que nous avons été appelés à porter dans la
limite de nos crédits. C'est alors que la question d'émigration se présentera
avec plusieurs autres. Alors, j'espère, le concours de l'honorable M. de Mérode
nous sera assuré pour l'adoption de tous les remèdes que nous comptons proposer
en faveur des Mandres.
Mais il ne faut rien
exagérer ; il ne faut pas croire que le gouvernement veuille recommander
l'émigration comme pouvant procurer un grand et prompt soulagement aux
populations. L'émigration ne peut s'effectuer immédiatement, ni sur une grande
échelle ; il faut y aller lentement, sagement, progressivement. Sans doute, il
peut être utile qu'un certain courant d'émigration s'établisse entre les
Flandres d'une part et Guatemala et d'autres pays transatlantiques d'autre
part. Mais ce serait donner une importance exagérée au poids de Guatemala que
de le présenter comme une grand ressource pour les populations flamandes.
Le rapport qui est
parvenu récemment au gouvernement sera publié. Il y a amélioration dans la
situation ; le gouvernement en tiendra compte. S'il nous était démontré que les
conditions sanitaires de cette partie de l'Amérique, tout intéressante qu'elle
peut être au point de vue commercial, offrissent peu de garantie aux émigrants,
ce n'est pas sur un point pareil du globe que nous voudrions provoquer
l'émigration des populations flamandes. Nous ne voudrions pas d'un lieu
d'émigration ou elles trouveraient une mort certaine. Mais les rapports qui
nous sont parvenus présentent l'état sanitaire comme plus rassurant.
Voilà les explications que j'avais à donner pour le
moment.
D'ici à peu de temps
le gouvernement s'expliquera en présentant un projet de loi. La chambre aura à
son tour à s'expliquer sur le point de savoir jusqu'où elle veut venir en aide
au gouvernement dans ce qu'il se propose de faire successivement en faveur des
populations flamandes.
M.
Rodenbach. - Messieurs, je suis très satisfait d'entendre
M. le ministre de l'intérieur déclarer qu'on s'occupera sérieusement des
Flandres.
M. le ministre
de l’intérieur (M. Rogier). - On s'en occupe
sérieusement.
M.
Rodenbach. - J'en conviens ; j'allais déclarer que, quoi
qu'on ait dit, jusqu'à présent qu'il n'y avait rien eu de fait, je savais tout
le contraire. Je sais que déjà des actes ont été posés, des arrêtés ont été
pris pour venir en partie au secours de quelques populations flamandes. Sous ce
rapport, je déclare que je suis très satisfait des premiers arrêtés pris par le
gouvernement, d'autant plus que M. le ministre vient de nous promettre qu'il
sera bientôt présenté un projet qui rendra des services plus efficaces aux
Flandres.
Messieurs, vous le
savez, la misère fait chaque jour de nouveaux progrès. Les populations sont
décimées ; la mortalité, dans plusieurs de nos communes, est doublée, triplée
et même quintuplée depuis deux ans. Tous les jours nous voyons, dans les
états-civils qui sont publiés, la preuve de cette excessive mortalité.
Messieurs, je n'avais
demandé la parole que pour réclamer de tout mon pouvoir le projet que vient de
nous promettre M. le ministre. Mais puisqu'on a parlé de la colonie de
Santo-Thomas, je dois dire que moi aussi je pense que, pour diminuer la misère
de nos malheureux compatriotes, des transplantations de populations sont
devenues nécessaires. Il est prouvé que l'extrême misère des Flandres provient
en partie de l'exubérance de leur population, que cette population est deux
fois plus forte que celle de certaines autres provinces de la Belgique.
Autrefois il y avait des industries, notamment le filage et le tissage des
toiles, qui pouvaient nourrir ce trop plein de population. Ces industries ne
sont plus dans leur ancien état de prospérité, et quoi qu'on dise et quoi qu'on
fasse, il ne sera plus possible à tous d'exister si l'on ne transplante une
partie de cette population, relativement la plus forte de l'Europe.
On a parlé de
l'Amérique centrale. Les Anglais ont aussi envoyé des colons dans cette contrée,
et on y a acquis la preuve que les hommes appartenant à notre climat n'y
pouvaient travailler plus de deux ou trois heures par jour. J'ai eu un
entretien avec un homme éclairé, un consul anglais, qui a été envoyé dans ce
pays, et il m'a confirmé ce fait.
Je désire donc, si l'on pense à faire émigrer nos
malheureux Flamands, que l'on cherche une contrée plus septentrionale, par
exemple, sous le 40e ou 50e degré de latitude. Mais sous la zone torride, il
n'y a guère que les nègres qui puissent y travailler. On peut y établir des
comptoirs, y faire le commerce ; mais il est impossible que des Belges y
travaillent longtemps sans détruire leur santé.
J'appelle l'attention
du gouvernement sur cette question. Ce n'est pas dans un pays où elle ne
pourraient que trouver la mort qu'il faut penser à transplanter nos
populations.
M. de
Mérode. - L'honorable M. Rodenbach vient de dire qu'il
est impossible de travailler plus de deux ou trois heures sous le climat de
Guatemala. Mais si l'on consulte les rapports faits par des témoins oculaires,
par ceux qui ont même été chargés par le gouvernement de l'exploration du pays,
on verra que nos colons peuvent travailler plus de deux ou trois heures par
jour. D'ailleurs, il ne faut pas oublier qu'on n'est pas obligé dans cette
contrée de travailler autant qu'ici pour obtenir la même quantité de substances
alimentaires. Une heure de travail y produit des résultats plus avantageux que
deux ou trois heures dans notre climat, parce qu'au moyen de petits travaux, on
y obtient de grandes récoltes.
J'approuve du reste l'opinion de l'honorable M.
Rodenbach qu'il faut chercher à coloniser dans des pays plus septentrionaux.
Mais il n'est pas nécessaire, pour faire valoir un pays, d'exciter des préventions
contre un autre où déjà un commencement d'établissement existe et produit des
résultats avantageux.
Je fais des vœux pour
qu'on se livre à d'autres entreprises de colonisation. C'est pour cela que j'ai
pris un intérêt dans celle de Santo-Thomas. Je considère comme indispensables
des entreprises de colonisation et je ferai des vœux pour le succès de toutes
celles qui seront tentées ; j'y vois un grand moyen de venir au secours de nos
populations malheureuses.
M. Mercier. - M. le ministre de
l'intérieur vient de nous annoncer la présentation prochaine d'un projet de loi
comprenant un ensemble de mesures propres à soulager la misère qui afflige deux
de nos provinces ; le gouvernement peut être persuadé que chacun de nous examinera
avec la plus vive sollicitude les projets qu'il a médités pour venir au secours
des populations souffrantes.
Dans l'intérêt de ces
populations, je crois devoir insister pour que l'on ne comprenne pas dans le
projet de loi des dispositions qui n'auraient pas un rapport direct avec la
situation des Flandres, parce que ces dispositions pourraient porter atteinte à
la liberté de notre vote et nous entraîner dans de très longues discussions qui
ne feraient que prolonger les souffrances auxquelles nous avons hâte de venir
en aide.
M. David. - Je me demande,
messieurs, jusqu'où doit aller notre générosité rétroactive à l'égard de
l'agent du gouvernement près la société de colonisation à Santo-Thomas, quand je
vois, par une pétition que je pourrais lire à l'assemblée, combien peu de
protection ont trouvé quelques-uns de nos malheureux compatriotes, protection
sur laquelle ils devaient pouvoir compter, auprès dudit agent.
Une malheureuse famille de 9 personnes réduites
bientôt à trois est partie pour Santo-Thomas, a acheté des propriétés à la
société, et quand une mère estropiée, restée avec deux enfants en bas âge, a
voulu revenir en Belgique et a réclamé la restitution des sommes employées en
acquisition, on l'a obligée à s'embarquer pour son pays avec promesse, il est
vrai, d'être remboursée ; mais elle n’a rien reçu et mendie aujourd'hui dans
les environs de Louvain, je crois. Quel était cependant le devoir de l'agent ?
Ne devait-il pas protéger cette pauvre femme contre les exigences de la société
de colonisation ? Il ne l'a pas fait, et je demanderai à M. le ministre des
affaires étrangères de vouloir donner des instructions sérieuses à nos agents
consulaires, et à Santo-Thomas et partout où il en existe. Le peu de services
rendu jusqu'à présent au commerce et à l'industrie belges, m'autorise à
adresser cette demande à M. le ministre. Je voterai contre le chiffre du
gouvernement.
M. Osy, rapporteur. - M. le ministre de
l'intérieur nous a dit qu'il était de la dignité du gouvernement de maintenir
les engagements du ministère précédent, et que si la société ne payait pas, le
gouvernement devait payer. Messieurs, c'est ce qui se trouve consigné dans le
rapport. Nous disons que strictement nous ne devions pas payer, mais que pour
sauvegarder la dignité du gouvernement, nous proposons d'allouer les 6,000 fr.
que la société n'a pas payés. Mais M. le ministre des affaires étrangères
raisonne toujours comme s'il fallait payer sur le pied d'un traitement de
12,000 fr., traitement qui n'a été fixé à ce chiffre que pour 1848. La section
centrale vous propose de liquider pour les années antérieures à 1848, à raison
d’un traitement de 9,000 fr., bien que, d'après l'arrêté de 1844, ce traitement
ne devait être que de 5,000 fr.
M. Delehaye. - Je comprends
difficilement le conseil que l'honorable M. Mercier vient de donner au
gouvernement. Je ne dirai pas, comme le poète, Timeo Danaos et dona ferentis,
mais je dirai que le gouvernement fera parfaitement bien de ne pas trop se fier
au langage qu'on lui tient dans cette circonstance.
J'engage le
gouvernement à nous soumettre son plan tout entier. Je désire qu'il nous fasse
connaître toutes les mesures qu'il se propose de prendre dans l'intérêt du
travail national, sans exception de quelque province que ce soit.
Sans doute la misère
est très grande dans les Flandres. Mais ne perdons pas de vue que ce n'est pas
seulement l'ouvrier Flamand qui réclame du travail, que les ouvriers d'autres
contrées en réclament aussi.
Qu'arriverait-il si
le gouvernement suivait le conseil de l'honorable M. Mercier ? On dirait
immédiatement que le gouvernement n'a pas de plan arrêté, qu'il n'a à proposer
que quelques mesures inefficaces, et que des mesures utiles, il ne sait ni en
prendre ni en indiquer.
Il est donc de
l'intérêt des Flandres, comme de l'intérêt du ministère, de nous faire
connaître l'ensemble de ses mesures.
A mon tour je donnerai un conseil au ministère ; il
pourra apprécier quel est celui qui lui sera le plus utile.
(page 618) J'engage le ministère à se presser le plus possible de
présenter son projet. Il est de fait que le peuple a faim et qu'il attend
depuis deux mois. Je désire donc qu'on ne perde pas de temps. Je désire surtout
que nous puissions nous occuper le plus tôt possible des propositions relatives
aux travaux publics, qui probablement feront partie de son projet, pour
qu'aussitôt après le retour de la bonne saison, l'ouvrier puisse mettre la main
à l'œuvre.
Ainsi, messieurs,
plan général, d'un côté, et, d'un autre côté, célérité et grande célérité pour
tout ce qui concerne les travaux publics.
M. Mercier. - II semblerait
d'après les paroles que vient de prononcer l'honorable M. Delehaye, que parce
que je ne partage pas son opinion sur la question des sucres qui intéresse plus
ou moins une ville des Flandres, je n'éprouve pas la vive sympathie qu'il
témoigne lui-même pour les populations souffrantes de ces provinces ; c'est du
moins la pensée que je puis lui attribuer dans la citation qu'il a faite du
Timeo Danaos et dona ferentes. Mais, messieurs, mon concours n'a jamais fait
défaut aux mesures destinées à soulager les misères de nos concitoyens ; il
m'importe peu que les malheureux à secourir habitent les Flandres ou le Brabant
ou toute autre province ; je ne fais point de distinction entre les Belges. Si
l’honorable M. Delehaye a invoqué un motif d'urgence, c'est précisément sur ce
motif que je me sais appuyé pour qu'on écarte du projet de loi annoncé toute
disposition qui n'aurait pas un rapport direct à son véritable objet.
- La clôture est
demandée et prononcée.
Le chiffre proposé
par le gouvernement est mis aux voix ; il n'est pas adopté.
Le chiffre proposé
par la section centrale est ensuite adopté.
Article unique, paragraphe 4
« § 4. 100,465 fr. 85
cent., à l'article unique du chapitre V. Frais à rembourser aux agents du
service extérieur.
M. Osy, rapporteur. - Messieurs, dans
cet article il s'agit de deux objets relatifs à nos consulats, qui remontent à
3 années, irrégularité que dois encore signaler, car je ne conçois pas que le
gouvernement laisse des fonctionnaires publics à l'étranger sans les payer et
sans demander aux chambres les crédits nécessaires à cet effet. Il s'agit d'une
somme de 34,000 fr. qu'on a négligé de demander aux chambres ou dont on n'a pas
osé avouer la nécessité aux chambres ; mais l'observation principale que j'ai à
présenter porte sur un autre point. Il y a dans le crédit demandé une somme de
63,000 fr. ; je ne critique pas la dépense, car, ainsi qu'on l'a dit à la
section centrale, c'est une dépense d'humanité ; la chambre avait souvent
demandé qu'on fît revenir de Guatemala les colons, qui y étaient très
malheureux ; le gouvernement a trouvé convenable de faire dans ce but une
expédition clandestine ; je dis clandestine parce qu'on n'a pas trouvé
convenable d'en parler aux chambres.
Eh bien, messieurs,
cette dépense a été augmentée de 10,000 fr. par une des plus grandes irrégularités
qui aient jamais été commises. Le gouvernement décide
qu'il enverra le navire Adèle à Santo-Thomas, mais au lieu de demander un
crédit aux chambres, ou au moins, comme on le fait pour tous les crédits
supplémentaires, de laisser attendre le créancier jusqu'à ce que les fonds
fussent votés, au lieu de cela, on a remis à quelqu'un à Anvers une somme de
10,000 fr. de la main à la main, avant le départ du navire. Je ne sais pas où
le gouvernement a pris cet argent, car la cour des comptes, certainement n'aurait
pas visé un mandat pour une somme non portée au budget. Eh bien, la personne
qui avait reçu cas 10,000 fr., en a fait un mauvais usage et le gouvernement a
été obligé de payer deux fois. Il y a eu là, messieurs, une grave irrégularité.
Si, dans un cas d'urgence absolue, le gouvernement croit devoir, en l'absence
des chambres, faire une dépense pour laquelle il n'y a pas de fonds au budget,
il doit au moins attendre, pour payer, qu'un crédit ait été voté. Ce faussaire
a été condamné, comme vous le voyez, messieurs, par le rapport de la section
centrale, mais la chose ne serait pas arrivée, si le gouvernement n'avait pas
payé la somme avant que la dépense ne fût faite.
M. Dechamps. - Messieurs, le fait
auquel l'honorable membre vient de faire allusion est facile à expliquer.
L'année dernière, le gouvernement, sur les réclamations des chambres et ensuite
d'un engagement pris devant elles, sur les rapports reçus de Santo-Thomas et
connaissant la situation de la compagnie, qui ne pouvait pas faire revenir les
colons, crut que c'était pour lui un devoir d'humanité d'affréter un navire
pour ramener les orphelins et les colons qui, librement, voudraient revenir en
Belgique. Lorsque cette décision eut été prise, je chargeai M. l'inspecteur
général de la marine de prendre les mesures nécessaires pour l'exécuter. Ce
fonctionnaire me proposa de charger de l'affrètement du navire un employé du
gouvernement provincial, qui avait été secrétaire de plusieurs gouverneurs de
la province d'Anvers, qui était entouré de la confiance générale et qui se
trouvait à la tête d’une compagnie.
Ce choix était
unanimement approuvé à Anvers, et je ne crus pas devoir hésiter à le ratifier.
Maintenant, qu'est-il
arrivé ? Cet employé présenta au département des affaires étrangères des
comptes relatifs à l'appropriation et au premier ravitaillement du navire,
avant le départ. C'était une dépense urgente, il était impossible de l'ajourner
jusqu'à la réunion des chambres ; eh bien, il est arrivé que cet employé a été
infidèle, el lorsque le compte m'a été présenté, j'ai reconnu qu'il était faux,
et j'ai dû remplir le pénible devoir de faire connaître les faits à mon
collègue le ministre de la justice, qui a ordonné des poursuites.
L'honorable M. Osy ne critique pas du tout la décision
prise par le gouvernement d'affréter un navire, il ne critique pas le choix qui
a été fait alors, mais que critique-t-il ? Qu'on n'ait pas attendu la réunion
des chambres pour dépenser la somme de 10,000 fr., au moyen de laquelle il
fallait pourvoir aux premiers besoins du navire. Eh bien, messieurs, l'urgence
était évidente, et il était impossible d'attendre la réunion des chambres.
La dépense dont il
s'agit, messieurs, a été faite, si j'ai bon souvenir, sur les frais à
rembourser aux agents du service extérieur, et en partie sur le budget de la
marine, sauf à régulariser la chose au prochain budget. Eh bien, je pense que
cette dépense n'a pas été irrégulière ; et que, vu son urgence, il m'était
impossible d'attendre la réunion des chambres pour la faire effectuer.
M. le ministre des affaires
étrangères (M. d’Hoffschmidt). - Messieurs, je n'ai rien à ajouter aux
explications données par l'honorable préopinant ; c'est en effet sous son
administration que le fait a eu lieu ; du reste ces explications ont déjà été
données dans le rapport de la section centrale.
- La discussion est
close. Le chiffre est adopté.
Article unique, paragraphe 5
« Missions
extraordinaires, traitements d'agents politiques et consulaires en
non-activité, fr. 25,140 01 c. »
La section centrale
propose de réduire le chiffre à 20,511 fr. 61 centimes.
Le gouvernement
déclare se rallier à ce chiffre.
M. Osy, rapporteur. - Je suis charmé
que le gouvernement se rallie ici au chiffre de la section centrale. Le
gouvernement nous avait en effet proposé une dépense vraiment luxueuse,
consistant à accorder une indemnité de près de 100 francs par jour à un agent
pour un voyage de quatre mois à San-Yago.
J'engage le
gouvernement à faire un tarif, réglant ce que nos consuls et agents peuvent
porter en compte.
Un agent a été envoyé
à Guatemala ; un crédit est demandé de ce chef ; la majorité de la section
centrale a déclaré qu'elle désirait avoir des explications sur ce point. Cet
agent avait été nommé consul au Mexique où il ne s'est jamais rendu ; il est
toujours resté dans la colonie de Guatemala avec un traitement très élevé, et
en outre on demande pour lui des frais extraordinaires.
M. le ministre des affaires
étrangères (M. d’Hoffschmidt). - Messieurs, le montant des frais qui avaient
été primitivement réclamés par notre envoyé au Chili par pièces justificatives
en due forme, avait été fixé d'après la base déjà adoptée pour une mission
qu'il avait remplie en 1848 ; le gouvernement a trouvé en effet que le chiffre
en était trop élevé, et il l'a réduit à la somme qui est actuellement proposée
par la commission. Cet agent, messieurs, a été soumis à des dépenses et à des
frais très considérables, que nous ne pouvons pas apprécier au point de vue de
ce qui se passe en Belgique ; le chiffre, tel qu'il est proposé maintenant, me
paraît donc pouvoir être admis par la chambre.
Quant à l'autre agent
dont l'honorable M. Osy vient d'entretenir la chambre, déjà, messieurs, dans le
cours de cette discussion, on a fait mention de la mission qu'il a remplie à
Guatemala, mission qui a consisté principalement à examiner la situation de la
colonie et à faire un rapport au gouvernement sur cette situation. La chambre a
été saisie de ce rapport qui jette de grandes lumières sur cette question. On a
alloué à cet agent l'indemnité de 20 francs par jour de séjour sur le
territoire guatémalien, conformément au règlement sur la matière.
Quand un agent
diplomatique est envoyé dans un pays autre que celui de sa résidence, il lui
est alloué une certaine indemnité en vertu des règlements, et l'on conçoit
qu'un séjour momentané dans un pays lointain doit entraînera des dépenses qui
n'auraient pas lieu sans ce déplacement.
M. Blondeel, qui a rempli cette mission, s'est donc
conformé aux instructions qu'il avait reçues, en ce qui concerne l'examen de la
situation de la colonie, et la chambre a pu apprécier par les rapports qu'elle
a reçus et qui ont été imprimés et distribués, que M. Blondeel a rempli de la
manière la plus complète et la plus satisfaisante la mission qui lui avait été
confiée sous ce rapport.
Je crois donc qu'il y
a lieu d'adopter également le chiffre qui a été proposé pour couvrir les frais
de route et de séjour de cet agent pendant la durée de sa mission au Guatemala.
M.
de Man d’Attenrode. - Messieurs, je
voudrais avoir quelques renseignements sur une somme de fr. 16.980 51, demandée
pour un séjour de M. Bosch à San-Yago. Cette somme se rapporte à une mission
accomplie au Chili, mission qui avait pour but de provoquer des relations
commerciales entre ce pays lointain et la Belgique. Si les renseignements que
j'ai obtenus sont exacts, cette mission a coûté au pays près de 300,000 fr.
Maintenant cet agent
est rentré en Belgique, et l'on m'assure qu'a est porteur d'un traité de
commerce entre la Belgique et le Chili. Je désirerais que M. le. ministre des
affaires étrangères voulût bien s'expliquer sur la nature de ce traité, et s'il
compte le communiquer à la chambre.
D'après un N. B.
imprimé au bas de la page du rapport, je trouve que l'indemnité demandée avait
été plus ou moins contestée par l'honorable prédécesseur de M. le ministre des
affaires étrangères ; l'honorable M. Dechamps avait réclamé des pièces
justificatives de la dépense, et il n'avait pas voulu provoquer la liquidation
de la somme demandée, avant (page 619)
que ces pièces ne fussent produites ; le rapport ne nous apprend pas si cette
justification a eu lieu.
La section centrale a réduit le chiffre de 4,628 fr.
40 c. Cette réduction n'est pas bien considérable ; les frais de séjour ont été
calculés à raison de 98 fr. par jour ou le traitement annuel de 25,000 fr. et
la section centrale ne propose qu'une réduction de 4,000 fr. environ. La somme
proposée est encore trop élevée. Je demande si le gouvernement a reçu toutes
les pièces justificatives nécessaires ; je voudrais qu'il nous dît aussi quels
sont les résultats d'une mission qui a coûté près de 300,000 fr.
M. le ministre des affaires
étrangères (M. d’Hoffschmidt). - C'est sur la somme primitivement réclamée par
notre agent au Chili, que mon honorable prédécesseur avait fait des réserves,
trouvant qu'elle dépassait ce qu'il croyait devoir être alloué à cet agent.
C'est par suite de l'examen de cette demande que le gouvernement a réduit le
chiffre primitif ; et le chiffre sur lequel l'honorable M. Dechamps avait
demandé des justifications ultérieures, est celui sur lequel nous avons
précisément opéré des réductions.
Quant à la mission,
elle date de 1838. M. Bosch, qui a été envoyé d'abord à Lima, et ensuite au
Chili, avait pour mission d'abord d'étudier ces contrées sous le rapport des
relations commerciales que la Belgique pourrait y établir.
M. Bosch a rempli de
la manière la plus complète et la plus satisfaisante ce premier objet de sa mission
; je pourrai citer comme témoignages les avis de plusieurs chambres de
commerce, entre autres celui de la chambre de commerce d'Anvers.
Le deuxième objet
consistait à conclure avec le Pérou et le Chili des traités de commerce ; il
n'a pu parvenir à la conclusion d'un traité avec le Pérou, mais il en a conclu
un avec la république du Chili. Ce traité, messieurs, contient quelques
dispositions qui méritent d'être sérieusement examinées et qui ont été adoptées
en dehors même des instructions du plénipotentiaire.
Cet examen n'est pas
encore terminé, il mérite de fixer toute l'attention du gouvernement ; c'est
quand il aura pris une résolution qu'il pourra dire à la chambre si le traité
dont il s'agit sera soumis à son assentiment.
.
- L'article avec le chiffre
réduit par la commission, d'accord avec le gouvernement est mis aux voix et
adopté.
Second vote des articles
M. le
président. - Il y a eu plusieurs amendements, la chambre
est-elle d'avis de passer immédiatement au second vote ?
M. le ministre des affaires
étrangères (M. d’Hoffschmidt). - Il y a un amendement dont je désire pouvoir
apprécier la portée ; je demande la remise du second vote à un autre jour.
M.
de Garcia. - Je demande l'exécution du règlement, qui veut
que, lorsqu'un amendement est introduit dans une loi, le vote définitif n'ait
lieu qu'après un intervalle de 24 heures.
S'il existe des
motifs pour s'écarter du règlement, qu'on les fasse valoir, et je les
combattrai s'il y a lieu.
- Le second vote est
remis à après-demain.
PROJET DE LOI ACCORDANT UN CREDIT SUPPLEMENTAIRE AU BUDGET DU
DEPARTEMENT DES AFFAIRES ETRANGERES (MARINE)
Discussion sur l’article unique
« Article
unique. Il est ouvert au département des affaires étrangères, marine, un crédit
supplémentaire ne dix mille francs, dont est augmenté l'article premier du
chapitre II du budget de la marine, pour l'exercice 1846 (bâtiments de guerre,
personnel).
M. Sigart. - Messieurs, à
l'occasion du projet en discussion, je crois pouvoir adresser une
interpellation an gouvernement.
Le bruit court qu'un
navire belge explore la côte de Guinée pour y fonder une colonie.
Je demanderai d'abord
si ce bruit est fondé ?
M. le
ministre de la justice (M. de Haussy). - Je répondrai tout
à l'heure. (Interruption.)
M. Sigart. -Je continuerai.
J'ai eu l'honneur de vous
exposer mes vues sur l’établissement des colonies. Je vous ai dit celles que je
croyais convenir à un grand Etat, je vous ai dit celle que je croyais convenir
à un petit Etat ; or, nous ne sommes pas honteux d'avouer que nous formons un
petit Etat.
Tout bien analysé, je
vous ai dit que je n'en voyais guère qu'une espèce à la portée de nos
ressources : les établissements commerciaux. Dans un moment où le gouvernement
semble à la recherche de positions commerciales, je crois convenable
d'expliquer comment je conçois l'intervention de l'Etat dans la formation de
comptoirs commerciaux.
J'ai l'habitude
d'exposer mes opinions d'une manière un peu abstraite, sauf à en tirer plus
tard des corollaires.
Soit dit en passant,
c'est une méthode que je crois propre à assurer la dignité de celui qui
l'emploie ; défiez-vous toujours de ceux qui redoutent les principes comme des
bagages incommodes ; défiez-vous toujours de ceux qui ont consomment à la
bouche les mots de théoricien et d'idéologue.
Aujourd'hui j'ai une
occasion d'application. Or, voici ce que je disais il y a peu de temps :
« Ce n'est pas que
l'activité d'un gouvernement doive ressembler à celle des particuliers ;
presque toujours elle ne doit avoir pour résultat que de délivrer les individus
de toute entrave, que d'écarter de leur marche tout obstacle dans la voie du
progrès. »
Eh bien ! quel doit
être le rôle du gouvernement dans l'établissement d'un comptoir commercial ?
Le rôle du
gouvernement dans cette affaire spéciale, comme presque toujours, c'est de
donner sécurité aux particuliers, c'est d'assurer leur action, d'empêcher qu'on
ne les trouble dans leur travail et qu'on ne leur en enlève violemment les
fruits.
Il ne doit pas
prendre l'initiative ; il est foncièrement incapable de décider quels sont les
lieux, quelles sont les conditions convenables d'établissement.
C'est au commerce
lui-même à décider si telle localité offre des ressources commerciales, s'il
n'y a pas de concurrence ruineuse à craindre, quels sont les capitaux à réunir,
quels agents il faut employer.
Cette initiative du
commerce étant prise, le rôle du gouvernement commence. Dans la contrée
désignée par les intéressés, il doit choisir un lieu de débarquement
avantageux, le moins malsain possible (il n'y a point de plage fort salubre sur
la côte de Guinée), et le plus ordinairement il doit y construire un fort ; car
les hommes ne font jamais longtemps d'affaires sans avoir des querelles :
entre nationaux ce sont des procès, entre étrangers ce sont des guerres.
Presque toujours un
comptoir ou factorerie peut se définir : un blockhaus ou fortin armé de deux ou
trois canons, gardé par vingt-cinq hommes avec un sous-lieutenant pour
gouverneur-général, à l'effet de protéger la traite de la gomme, de l'ivoire ou
autre, que certains négociants établissent.
A présent, je demanderai au gouvernement comment il a
procédé ?
A-t-il la certitude
que des hommes suffisamment nombreux, doués d'activité et d'intelligence, bien
armés de capitaux, veulent risquer leur vie, leur fortune ? Il peut, il doit
leur donner sécurité, bien entendu si l'intérêt à défendre est en rapport avec
ce que sa défense coûtera.
Mais qu'il se garde
de fonder lui-même une factorerie et de lui livrer des capitaux pour commercer.
Ces capitaux qu'il faudrait soutirer au contribuable, ces capitaux mis aux
mains d'agents à qui l'aiguillon de l'intérêt privé ne donne pas l'énergie, la
prévoyance, l'économie nécessaires pour le succès, ces capitaux seraient
immanquablement et immédiatement gaspillés.
M. le ministre des affaires
étrangères (M. d’Hoffschmidt). - II est vrai qu'un navire a été envoyé depuis
peu sur les côtes d'Afrique, non dans le but d'y fonder une colonie, mais bien
de faire une exploration commerciale qui a été vivement réclamée par des
négociants de diverses villes du pays. Depuis quelque temps des relations sont
ouvertes entre la Belgique et la côte d'Afrique et produisent d'assez bons
résultats. C'est donc pour rechercher si ces rapports peuvent se consolider et
s'étendre que le navire dont il s'agit a été envoyé dans ces parages pour
visiter la partie située entre Gorée et Sierra-Leone. Il pourrait se faire que
plus tard on y établît non une colonie, mais un pied-à-terre, un fort pour
assurer nos relations commerciales avec ces contrées. C'est un point à examiner
; il n'en est pas question dans l'état actuel des choses ; nous avons seulement
à rechercher les renseignements, les éléments d'appréciation qui peuvent nous
diriger dans l'examen de cette question.
Du reste, je partage
l'opinion de l'honorable M. Sigart. Quand il s'agira d'établir des comptoirs ou
des factoreries, ce n'est pas le gouvernement qui devra s'en charger, c'est
seulement par des subsides qu'il devra favoriser, aider à créer ces
établissements.
Pour vous donner une
idée de l'intérêt que les côtes d'Afrique peuvent avoir pour le développement
de nos relations commerciales, de l'importance des affaires qui s'y traitent,
je vous dirai qu'on évalue à 40 millions de francs les échanges qui s'y font.
Il y a peu de temps que des essais ont été tentés par des négociants belges.
Les rapports de la
Belgique, qui étaient nuls jusqu'en 1844, ont pris dès l'année suivante un
certain développement. En 1845, cinq navires, représentant une capacité de
1,220 tonneaux. ont été expédiés de Belgique vers la côte d'Afrique, et 13
navires mesurant 1,908 tonneaux sont arrivés de ce pays.
Le mouvement du
commerce entre la Belgique et la côte d'Afrique pendant cette année 1845, tant
à l'entrée qu'à la sortie, représente une valeur officielle de plus de 526,000
fr.
En 1846, le mouvement
de la navigation est représenté par 9 navires seulement d'un tonnage de 1,835
tonneaux, et le mouvement du commerce est représenté par une valeur officielle
de 223,000 fr. Mais il convient de remarquer que le taux élevé du fret,
occasionné par le transport des céréales, a dû mettre obstacle à l'expédition
des navires à la côte d'Afrique.
Depuis peu, plusieurs
navires sont encore partis pour les côtes d'Afrique qui ont aussi l'avantage
d'offrir pour les retours des produits très avantageux nommés
« arachides », espèce de tubercule qui sert à faire de l'huile.
Il y a donc avantage
réel, évident, à chercher à étendre nos relations commerciales avec cette
partie de l'Afrique.
- Il est procédé au
vote par appel nominal sur l’article unique du projet de loi qui est adopté à
l'unanimité des 68 membres présents.
Ce sont : MM.
Vandensteen, Van Renynghe, Verhaegen, Veydt, Zoude, (page 620) Anspach, Brabant, Broquet-Goblet, Cans, Cogels, d'Anethan,
Dautrebande, David, de Bonne, de Brouckere, Dechamps, de Chimay, de Clippele,
de Corswarem; Dedecker, de Denterghem, de Foere, de Garcia de la Vega, de
Haerne, de La Coste, Delehaye, Delfosse, d'Elhoungne, de Liedekerke, de Man
d'Attenrode, de Meester, de Mérode, Desaive, Destriveaux, de Tornaco, de Theux,
de Tornaco, de T'Serclaes, d'Hoffschmidt, d'Huart, du Roy de Blicquy, Eenens,
Eloy de Burdinne, Frère-Orban, Henot, Herry-Vispoel, Jonet, Lange, Le Hon,
Lejeune, Lesoinne, Loos, Lys Mast de Vries, Mercier, Moreau, Orban, Osy,
Pirmez, Raikem, Rodenbach, Rogier, Sigart, Simons, T'Kint de Naeyer,
Tremouroux, Troye, Van Cleemputte, Van Cutsem.
PROJET DE LOI ACCORDANT UN CREDIT SUPPLEMENTAIRE AU BUDGET DU
DEPARTEMENT DES FINANCES
M. le ministre
des finances (M. Veydt) présente un projet de loi tendant à accorder au
département des finances un crédit de 35.705 francs 38 centimes sur l'exercice
1847, pour faire face à une condamnation judiciaire.
- La chambre donne
acte à M. le ministre des finances de la présentation de ce projet de loi, en
ordonne l'impression et la distribution et, sur la proposition de M. d'Huart, le renvoie à
l'examen d'une commission spéciale à nommer par le bureau.
PROJET DE LOI RELATIF AU CAUTIONNEMENT FOURNI
POUR L’EXECUTION DU CHEMIN DE FER DU LUXEMBOURG
M. le
ministre des travaux publics (M. Frère-Orban) présente un projet
de loi ayant pour objet d'autoriser le gouvernement à restituer à la compagnie
concessionnaire du chemin de fer du Luxembourg une partie de son cautionnement
au fur et à mesure de l'exécution des travaux.
- La chambre donne
acte à M. le ministre des travaux publics de la présentation de ce projet de loi,
en ordonne l'impression et la distribution, et le renvoie à l'examen des
sections.
M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Je ferai remarquer
qu'il y a urgence d'examiner ce projet, en ce sens que lorsque la compagnie
aura la certitude que la restitution de son cautionnement sera faite dans les
termes qui sont proposés, elle obtiendra plus facilement les fonds nécessaires
pour l'exécution de ses travaux.
Du reste, il m'est
indifférent que le projet soit envoyé aux sections ou à une commission.
M. Orban. - Ne pourrait-on
envoyer le projet qui vient d'être présenté à la commission qui a été chargée
d'examiner la loi accordant la concession du chemin de fer du Luxembourg ? (Non ! non !) Je ferai remarquer que
cette commission a une connaissance toute particulière des antécédents de cette
affaire.
M. le
président. - Le renvoi en sections a été prononcé. M. le
ministre des travaux publics a pris la parole pour indiquer l'urgence qu'il y
avait d'examiner le projet. Je pense que les sections pourront s'en occuper dès
demain. Les pièces seront imprimées et distribuées ce loir.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DU DEPARTEMENT DES TRAVAUX PUBLICS POUR
L’EXERCICE 1848
Discussion générale
M. le
président. - M. le ministre se rallie-t-il aux
propositions de la section centrale ?
M. le
ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Non, M. le
président.
M. le
président. - En ce cas la discussion sera ouverte sur le
projet du gouvernement.
M. de Man d’Attenrode. - Je demande la
parole pour une motion d'ordre.
Messieurs, le budget
important qui va faire l'objet de vos délibérations comprend des routes, des
voies navigables, des chemins de fer. Il me semble qu'il serait utile, dans
l'intérêt de la clarté de la discussion, d'adopter la marche qui a été suivie
dans d'autres sessions, et de ne pas s'occuper du chemin de fer dans la
discussion générale, d'en faire l'objet d'une discussion spéciale, lorsque nous
arriverons au chapitre III.
Si ma motion était
adoptée, la discussion serait plus claire, plus nette et nous ne devrions pas
mêler la question importante du chemin de fer à des questions de routes ou de
navigation.
(page 622) M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Messieurs, il me semble
que l'on peut concilier le désir que vient de manifester l'honorable M. de Man
d'Attenrode avec la nécessité de maintenir à la première discussion générale
toute sa latitude. A l'occasion de chacun des grands objets spéciaux qu'il a
signalés, routes, chemins de fer, canaux, une discussion spéciale pourra
s'ouvrir. Mais je pense, quant à moi, qu'il faut maintenir une discussion
générale.
M.
de Man d’Attenrode. - Je retire ma
motion.
M. le
ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Messieurs, je
pense avoir répondu au désir souvent manifesté dans cette chambre quant à
l'ordre qu'il convenait d'établir dans le budget du département des travaux
publics. Je pense avoir également répondu sous un autre rapport à des vœux qui,
souvent aussi, ont été exprimés dans cette enceinte, c'est que les sections
pussent recevoir assez à temps les éclaircissements donnés par le gouvernement
afin que l'examen de toutes les propositions pût réellement avoir lieu.
J'avais pensé,
messieurs, que tous les renseignements que je soumettais à la chambre étaient
complets ; que je n'aurais rien à y ajouter.
Cependant j'ai été
obligé de signaler à la section centrale, après la clôture de ses travaux, la
nécessité de porter encore au chapitre du personnel des ponts et chaussées une
somme qui avait été omise dans les éclaircissements que j'avais pu recueillir.
Aujourd'hui j'ai
encore à compléter ces communications pour ce qui concerne le personnel des
ponts et chaussées. Les tableaux que j'ai eu (page 624) l'honneur d'adresser à la section centrale sont
incomplets sous un double rapport : 1° en ce que ces tableaux ne comprennent
pas les agents des ponts et chaussées qui sont détachés dans diverses
administrations, spécialement au département des travaux publics, qui font
partie du corps des ponts et chaussées, mais qui sont employés à d'autres
services de l'Etat ; 2° en ce que ces tableaux ne mentionnent pas les
ingénieurs qui sont en congé soit provisoire, soit temporaire, soit ceux qui
ont la faculté de rentrer au service de l'Etat, soit ceux qui ne pourraient
rentrer au service de l'Etat, si ce n'est dans le cas où il y aurait des places
vacantes.
Il y a donc un état
supplémentaire à donner pour compléter les renseignements à fournir à la
chambre : il sera déposé sur le bureau pendant la discussion.
Quant au personnel du
chemin de fer, je croyais également, messieurs, avoir réussi à tout soumettre
aux sections. Mais en scrutant récemment les documents que moi-même j'avais
fournis, j'ai découvert qu'ils étaient encore incomplets. Il y a un personnel
assez considérable qui se trouve payé sur des fonds spéciaux. Il y a de ce chef
un nouvel état à produire, il y aura aussi, pour introduire une complète
régularité sous ce rapport, à augmenter le chiffre de diverses allocations.
Mais la chambre le comprend, ce n'est là qu'un transfert. Jusqu'à présent,
messieurs, les comptes rendus n'ont pas tenu compte, je pense, de ces employés
payés sur des fonds spéciaux.
Je dois, à cet égard,
faire une observation importante à la chambre. De 1835 à 1837, la dépense du
service d'exploitation a été prise sur le fonds de construction. En 1837, pour
la première fois, un budget a été fait pour le chemin de fer. Mais toujours on
a continué à payer un assez grand nombre d'employés sur le fonds de
construction ; c'est ce qui existe encore.
Ce que je viens de
signaler à la chambre est donc la continuation d'un précédent. C’est une
vieille et mauvaise habitude qui s’était introduite, et je le dis dans
l’intérêt de la vérité, parce qu’il ne fait pas que l’on induise de ce fait des
incriminations contre l’administration.
Pour être juste, il
faut, en pareille matière surtout, tenir compte des faits qui ont été longtemps
accomplis sans avoir été l'objet de réserves ou d’improbations. Maintenant,
quant à ce point, il y aura, je l'espère, régularisation parfaite et une
entière vérité.
A ce sujet, je
demande la permission à la chambre de lui dire quelques mots sur l'étal réel du
budget que j'ai l'honneur de lui soumettre. Ce budget n'a pas été et ne pouvait
pas être l'objet de critiques fort importantes de la part des sections. En
effet, les dépenses ont été calculées avec la plus stricte économie. La
différence entre les allocations de 1847 et celles de 1848 est de 1,732,495 fr.
38 c ; mais les crédits supplémentaires à demander pour 1847 s'élèveront au
minimum à 1,150 mille francs, de telle sorte que la différence réelle entre les
allocations proposées au budget de 1848 et la dépense effective de 1847 se
réduit à 582,495 fr. 38 c. Je ne tiens pas compte, messieurs, dans ce chiffre,
de la rectification que je viens d'indiquer quant au personnel, parce que cette
réclamation devant figurer dans le compte des dépenses de 1847, aussi bien
qu'au compte des dépenses de 1848, il n'y aurait rien de changé à la balance.
Dans cette somme de
1,732,495 fr. 38 c. en plus sur les allocations de 1847, les chapitres seuls du
chemin de fer figurent pour 1,398,000, mais la dépense effective pour le chemin
de fer, qui est aujourd'hui presque exactement connue, ne laisse au budget de
1848 qu'une augmentation de 296,370 fr. 35 c. Voilà, messieurs, à quoi se
réduit l'augmentation de dépense du budget de 1848 sur le budget de 1847 ;
296,370 fr. 35 c. relativement au chemin de fer.
J'ai compris dans les
dépenses de 1847, une somme de 472,000, fr. résultant de marchés conclus en
1847, et qui seront accomplis dans le cours de l'exercice, pour le matériel.
Mon honorable prédécesseur avait l'intention de faire porter cette charge sur
le budget de 1848, mais je n'ai pas cru qu'il fût régulier de procéder ainsi.
Cette somme de
296,370 fr. 35 c. comprend 1° 140,000 fr. pour primes à distribuer aux employés
dont les traitements figurent à mon budget ; ces 140,000 fr. ne peuvent pas, à
bon droit, être qualifiés de dépense puisque cette somme ne sera payée
qu'autant qu'il y ait des augmentations de produits qui donnent lieu à accorder
ces primes ;
2° Une somme de
156,370 fr. 35 c. tant pour les services de nuit que pour l'extension de
l'exploitation sur certaines lignes.
Il n'y a donc qu'une
augmentation insignifiante sur le chiffre de la dépense et pourtant la recette
est estimée à un million de plus qu'en 1847.
Je dois signaler ici
à l'attention de la chambre un fait qu'il est bon de ne pas passer sous
silence. Les dépenses d'une année à l'autre, depuis l'achèvement du railway,
c'est-à-dire depuis 1844, ont suivi la progression suivante.
Somme ronde, excédant
des dépenses
du budget de 1845 sur
celui de 1844, 556,000 fr.
du budget de 1846 sur
celui de 1845, 949,000 »
du budget de 1847 sur
celui de 1846, plus de 2 millions de francs.
C'est cette
augmentation de dépenses qu'il fallait arrêter, et je crois démontrer à la
chambre que je suis entré dans cette voie puisque l'excédant des dépenses de
1848 sur celles de 1847 se trouve réduit à une somme de moins de 300,000 fr.
Cependant, messieurs,
je n'ai pas opéré de diminution sur un article d'une extrême importance, sur
les billes et rails.
Sans doute, il faut
que je me maintienne dans les allocations du budget pour ne pas dépasser cette
somme de 296,000 fr., mais j'espère, messieurs, y réussir. Il est certains
crédits qu'il est fort difficile de préciser exactement à l'avance ; il se peut
qu'il y ait quelques augmentations de dépenses, quelques crédits
supplémentaires à demander ultérieurement, mais je donne à la chambre
l'assurance qu'aucune dépense ne sera faite, qui ne soit d'une impérieuse
nécessité.
Ce n'est qu'après
avoir scruté attentivement toutes les propositions qui m'ont été faites, que je
suis arrivé à ce résultat, que la chambre trouvera, je l'espère, satisfaisant.
J'ai dû résister, messieurs, à beaucoup de demandes, me montrer d'une
inflexible sévérité, pour conserver partout une juste et sage économie. Je
pense pouvoir dire à la chambre, sans que l'on trouve à me critiquer de ce
chef, que j'ai repoussé des propositions de dépenses jusqu'à concurrence de
1,340,755 fr. J'ai été, comme vous le voyez, messieurs, le premier juge et un
juge des plus sévères sous ce rapport.
Au nombre des
dépenses du chemin de fer figurent les billes et rails. Cet objet, messieurs,
est, comme je l'ai dit tout à l'heure, d'une extrême importance. Quelques
personnes ont pensé que j'engageais assez gravement ma responsabilité par les
observations que j'ai consignées à cet égard dans le cahier de développements,
parce qu'il s'agit ici d'un objet qui intéresse la sécurité des voyageurs. Que
ma responsabilité soit engagée sous ce rapport, ce n'est assurément pas ce que
j'entends contester, mais j'estime que si l'on hésite devant sa responsabilité
on ne doit pas prétendre à gouverner. Je suis convaincu, au surplus, qu'en
agissant comme je l'ai fait dans cette circonstance je suis entré dans une voie
salutaire. Je puis du reste rassurer la chambre dès ce moment.
J'ai la certitude que
le fonds destiné aux billes et aux rails et qui est le même en 1848 qu'en 1847,
suffira complètement et que la route peut être maintenue dans un état
irréprochable : les rapports de MM. les inspecteurs généraux et divisionnaires
ne me laissent dès ce moment aucun doute à cet égard. Je crois avoir d'autant
moins à craindre à ce sujet que sur les fournitures de l'année passée il reste
encore à placer dans les voies plus de 500 rails.
Puisque je parle en
ce moment du chemin de fer, je demande la permission à la chambre de lui
présenter maintenant quelques observations sur les critiques générales et
souvent injustes dont le chemin de fer a été l'objet surtout dans ces derniers
temps.
Ce chemin est en
butte à des attaques très vives et la plupart du temps contradictoires. Chaque
localité veut une exploitation spéciale ; chaque contrariété à l'occasion, soit
d'un voyage, soit du transport d'un colis, est attribuée au chemin de fer. On
réclame des recettes très considérables et des tarifs très bas, des convois
nombreux et peu de dépenses ; et tout cela à condition d'avoir égard, non
seulement en fait de personnel, à toutes les recommandations qui assiègent les
ministres, à toutes les sollicitations en fait d'industrie, mais aussi de
restreindre les frais, sans tenir compte du développement des transports.
Le point qui sert de
base aux critiques dirigées contre l'exploitation du chemin de fer, c’est en
gênerai la comparaison que l'on fait entre le tantième p. c. de la recette que
représente la dépense pour divers chemins de fer de l'Allemagne et de la
France. Je suis assurément très convaincu que, sous le rapport des dépenses, il
y a beaucoup à faire aux chemins de fer de l'Etat. Je prie la chambre de ne pas
supposer que, par les observations que je vais présenter, j'entende prétendre
devant elle que tout est pour le mieux au meilleur des chemins de fer possible
; en aucune façon ; je tiens qu'il y a beaucoup à faire. Mais je demande que
les critiques soient justes, raisonnables, et la critique qui se produit le
plus ordinairement, celle que je vous ai signalée, celle-là, je l'avoue, est
parfaitement injuste.
Les dépenses exprimés
en tantième de la recette ont été comme suit depuis l'établissement du chemin
de fer jusqu'à ce jour.
En 1835 la dépense a
été de 63 p. c. de la recette ; en 1836 de 52 p. c., en 1837 de 84 p. c.,
en 1838 de 89 p. c., en 1839 de 72 p. c., en 1840 de 61 p. c., en 1841 de 70 p.
c., en 1842 de 63 p. c., en 1843 de 61 p. c., en 1844 de 51 p. c., en 1845 de
51 p. c., en 1846 de 53 p. c. et en 1847de 63 p. c.
Elles retomberaient à
60 p. c. de la recette, si nous les maintenons dans les termes du crédit que
nous proposons pour 1848.
La moyenne depuis
l'établissement du railway, est de 60 p. c. et le résultat de l'année 1840, qui
diffère beaucoup des années antérieures, est digne d'être remarqué.
Il résulte, en outre,
de ces chiffres que, depuis 1841 jusqu'en 1844, époque à partir de laquelle le
réseau complet du chemin de fer a été exploité, la dépense, relativement à la recette,
a été en diminuant chaque année, de telle sorte qu'en 1844 elle n'a plus été
que de 51 p. c, tandis qu'en 1841, elle avait été de 70.
(page 624) D'un autre côté, on remarque qu'à partir de
1841, la dépense a augmenté chaque année dans une plus forte proportion que la
recette. La réduction qui s'est fait sentir dans les dépenses jusqu'en 1844
peut être attribuée à ce que, jusqu'à cette époque, chaque année il était livré
à l'exploitation un certain nombre de lieues de route qui venaient augmenter la
recette, tandis que divers frais, tels que ceux d'administration,
n'augmentaient pas en conséquence, et que, par suite de l’expérience acquise,
on était parvenu à réduire certaines dépenses, celle du combustible, entre
autres qui, de 99 kil. de coke qu'elle était par lieue de parcours d'un convoi
en 1841, était descendue à cinquante-sept kil. En 1844.
Par contre, on serait
tenté de croire qu'à partir de 1844, on a exploite le chemin de fer moins
économiquement que pendant cette dernière année, parce que les dépenses ont
augmenté dans une plus forte proportion que les recettes.
Mais la chambre
reconnaîtra que cette augmentation n’est due qu’à l'augmentation extraordinaire
de la dépense pour renouvellement de billes et rails, et si cette dernière
dépense n'avait augmenté que dans la proportion de la dépense générale, les
dépenses serait restées relativement à la recette à peu près dans les mêmes
conditions qu’en 1844.
En 1844.1a dépense
générale, non compris les fers et les billes, a été de 5,549,330 fr. 80 c, et
la dépense spéciale pour billes et rails a été de 216,000 francs ; la dépense
totale est donc de 5,765,430 fr. 80 c. ce qui représente 51 p. c. de la
recette.
En 1845, la dépense
générale, non compris les billes el les fers, a été de 6,009 217 fr. 25 c, ce
qui représente une augmentation de 9 p. c. sur les dépenses générales de 1844.
Si au lieu de la somme réellement dépensée en 1845 pour billes et rails,
312,358 fr. 23 c, on ne porte que la somme dépensée en 1844, augmentée dans la
même proportion que les autres dépenses, on aura 235,746 fr., et pour la
dépense totale de 1845, 6,244,963 fr. 25 c, ce qui ne représente que 50 p. c.
de la recette de 1845.
Par le même calcul,
on trouve qu'en 1846, la dépense a été de 51 p. c. de la recette ; en 1847, de
54 p. c, el en 1848, elle serait également de 54 p. c.
Pour donner un aperçu
de l'augmentation successive de la dépense pour billes et fers pendant les
dernières années, il suffira de faire remarquer qu'on n'a dépensé en 1844, pour
cet objet, que 216,000 francs ; qu'en 1847 on a dépensé 1,424,000 francs ;
qu'en ce qui concerne les rails seuls, on n'a dépensé en 1844 que 25,000 fr.
tandis qu'en 1847 on a dépensé 900,000 fr.
Si le chemin de fer
avait été livré à l'exploitation à la même époque, on pourrait attribuer les
renouvellements considérables qui ont eu lieu en 1847, à ce que, pour les
billes et les rails, on était arrivé à une époque où une grande quantité de ces
objets avaient fait leur temps ; mais le chemin de fer n'ayant été livré à
l'exploitation que par petites parties et à des époques différentes, on ne peut
guère admettre cette cause. Il est plus vrai de dire qu'elle provient de ce que
pendant plusieurs années on n'a porté au budget qu'une somme insuffisante et
reculé d'année en année les renouvellements qui auraient dû être faits aux
rails, les premiers modèles étaient devenus trop faibles par suite de
l'augmentation du poids des nouvelles locomotives, et par suite aussi de
l'augmentation successive et si considérable des transports.
On voit, messieurs,
par ce qui précède, c'est là entre autres l'importance des observations que
j'ai l'honneur de soumettre à la chambre, qu'en fait de chemin de fer on ne
peut pas raisonner d'une manière exacte en comparant un exercice isolé avec un
autre, que pour avoir quelque exactitude, les calculs doivent être établis sur
un certain nombre d'exercices.
On ne peut pas
davantage considérer entre eux les résultats des diverses exploitations de
chemins de fer sans rechercher scrupuleusement de quelle manière ces résultats
ont été établis. Ainsi on signale que les chemins de fer français, allemands
donnent des résultats plus favorables que les chemins de fer belges, en
calculant les dépenses par un tantième de la recette ; on s'abstient de citer
ceux qui présentent des résultats moins favorables, li en existe. Mais les
chemins de fer français ont été livrés à la circulation à une date récente, ils
ne sont pas encore arrivés à l'époque où doivent se faire les renouvellements
des billes, du fer et du matériel de transport ; la dépense s'est bornée
jusqu'à présent aux frais de locomotion qui ne présentent guère que la moitié
de la dépense totale.
Les résultats qu'on
signale ne sont donc pas des résultats normaux. Il se peut que les compagnies
françaises aient un fonds de réserve pour parer aux renouvellements
extraordinaires qui devront être faits par la suite ; mais ces fonds de réserve
doivent être formés au moyen d'un prélèvement sur les recettes, et dès lors,
pour que la situation fût exacte, il faudrait que le montant des prélèvements
fût porté en dépense, ce qui modifierait probablement les résultats donnés.
On ne peut pas, d'un
autre côté, comparer l'exploitation de chemins de fer faite par l'Etat avec une
exploitation faite par l'intérêt privé, car l'une et l'autre marchent vers un
but différent. Une société, n'ayant en vue que son seul intérêt, tend à
réaliser le plus de bénéfices possible en faisant le moins de service possible,
c'est-à-dire que si par un moyen quelconque elle peut, sans diminuer les
recettes ou les bénéfices, diminuer les transports, elle diminuera les
transports, tandis que si l'Etat peut augmenter les transports sans augmenter
les recettes, il sera de son devoir de le faire pourvu que cette marche ne
constitue pas le trésor en perte. C'est là un des grands avantagée de
l'exploitation des chemins de fer par l'Etat, c'est un des plus forts arguments
qui puissent être produits en faveur de l'exploitation des chemins de fer par
l'Etat.
J'ai dit tout à
l'heure, qu'on ne peut pas comparer deux exploitations qui ne sont pas dans les
mêmes conditions, dont l'une se trouve à l'époque du renouvellement de son
matériel, de ses rails et de ses billes, dont l'autre aurait un matériel, des
rails et des billes entièrement neufs. Si l'on veut déduire, pour avoir un exemple,
de l'exercice 1847, les dépenses de renouvellement, vous verrez qu'en prenant
toujours cette mauvaise base du tantième de la recette, pour juger de la
dépense, vous verrez que les résultats de l'exploitation du chemin de fer belge
ne sont pas si mauvais qu'on le prétend.
Ainsi les recettes se
sont élevées à 14,717,700 fr., les dépenses se sont élevées à 9,309,900 fr. Le
rapport des dépenses avec les recettes est donc de 63 p. c. Si on déduit des
dépenses 1,424,000 fr., pour renouvellement de billes et rails, et 772,468 fr.
pour renouvellement de matériel, ensemble 2,196,468 fr.. il reste une dépense
de 7,115,437 fr. Dans cette hypothèse, le tantième de la dépense par rapport
aux recettes tombe à 48 p. c. Si on ajoute aux recettes 1,500,000 fr. pour produits
de ventes d'herbages, d'objets trouvés ou hors d'usage, pour transports
gratuits et à prix réduits....
M.
de Man d’Attenrode. - C'est un abus !
M. le
ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Nous n'avons pas à
examiner si c'est un abus ou non, il s'agit de savoir si les chemins de fer
belges n'opèrent pas une masse de transports gratuits ou à prix réduits, ce que
ne font pas les compagnies, ce qui ne permet pas d'établir une comparaison
entre les recettes opérées par ces compagnies et celles opérées par l'Etat ; en
tenant compte par conséquent de ces divers produits, la recette totale serait
de 16,287,900 fr. Dans cette hypothèse, le rapport de la dépense avec la
recette serait de 43 p. c. Vous voyez donc que sous ce rapport, comme sous
beaucoup d'autres, la comparaison est réellement impossible.
Voici ce qui doit
surtout vous le prouver :
Le réseau des chemins
de fer belges était, en 1847, de 111 lieues 3/10 (de 5 kilomètres), le chemin
de fer du Nord est de 67 lieues, le chemin de Paris à Orléans de 31, le chemin
de Rouen de 27 1/3 et le chemin rhénan de 17 1/2.
Le chemin de fer
belge dessert neuf lignes, le chemin du Nord en dessert deux, le chemin
d'Orléans deux, le chemin de Rouen et le chemin rhénan une seule.
Le chemin de fer
belge compte onze stations extrêmes ; le chemin du Nord en compte trois, celui
d'Orléans trois, celui de Rouen trois et le chemin rhénan deux.
Le chemin de fer
belge a des stations intermédiaires et des haltes au nombre de 70, le chemin du
Nord n'en a que 34, le chemin d'Orléans treize, celui de Rouen dix-sept et le
chemin rhénan huit.
Cela seul ne vous
dit-il pas, que, toute proportion gardée, il est absolument impossible
d'établir une comparaison sous le rapport de la dépense entre le chemin de fer
belge et les chemins de fer étrangers que je viens d'indiquer ?
Il n'est évidemment
pas possible que l'obligation de desservir neuf lignes et une quantité considérable
de stations et de haltes n'entraîne pas des dépenses tort considérables qui ne
se retrouvent pas, qui ne peuvent pas exister sur un chemin de fer direct servi
dans tout son parcours par un même personnel el un même matériel, ne se
bifurquant pas, ne présentant pas une masse de lignes divergentes exigeant un
personnel spécial et un matériel spécial.
Une comparaison qui
serait moins inexacte que celle des dépenses aux recettes, c'est celle des
dépenses comparées aux transports de voyageurs et de marchandises effectués.
Cette comparaison donne les résultats suivants pour 1846 : le chemin de
Belgique a transporté : 3,700,000 voyageurs, 791,000 tonneaux de marchandises ;
les dépenses ont été de 7,245,000 fr. Le chemin d'Orléans, 1,521,000 voyageurs
; 237,000 tonneaux de marchandises ; dépenses, 3,411,000. Le chemin de Rouen,
1,004,000 voyageurs, 265,000 tonneaux ; dépenses, 3,594,000 fr. De ces chiffres
on ne peut assurément pas conclure contre le chemin de fer de l'Etat.
Il faudrait enfin
pour que l'on pût comparer un chemin à un autre, que l'on tînt également compte
des tarifs, et c'est ce que l'on ne fait jamais.
Je prie la chambre,
puisque je viens de prononcer le mot de tarif, de me continuer quelques
instants encore sa bienveillante attention.
Le revenu du chemin
de fer de l'Etat se compose de deux branches bien distinctes : le transport des
voyageurs el celui des marchandises.
Le mouvement des
voyageurs paraît être arrivé aujourd'hui à son état normal, et si quelques
améliorations sont à désirer dans l'organisation de cette partie du service, il
n'est guère probable que leur introduction ait pour résultat une augmentation
notable des recettes.
Mais il n'en est pas
de même du transport des marchandises et l'influence que les réductions de prix
exercent sur l'importance du mouvement, me porte à croire qu'il y a encore
beaucoup à faire dans le double intérêt du commerce et du trésor.
Les tarifs qui
régissent les transports à l'intérieur du pays sont d'une complication
excessive ; cette complication est encore augmentée par de nombreuses
conditions exceptionnelles et par l'existence des tarifs internationaux, C'est
à tel point que, de l'aveu même de l'administration, (page 625) l'expéditeur ne peut établir lui-même son compte de frais
de transport, sans se livrer à une étude et à des calculs qui souvent
n'aboutissent qu'à des résultats douteux.
En outre, une
conséquence du système actuel, c'est l'existence d’intermédiaires obligés entre
le commerce général et l'administration. Les conditions et les prix des tarifs
sont en effet tellement combinés, que l'intermédiaire peut, tout en réalisant
de notables bénéfices, effectuer le transport par le chemin de fer à meilleur
marché que le commerce ne l'obtiendrait directement.
Enfin, les
conventions conclues avec les administrations des railways français et
allemands sont conçues de telle sorte que ces administrations paraissent
généralement favorisées au détriment de notre exploitation, et qu'un petit
nombre de villes sont seules appelées à jouir du bénéfice des tarifs
internationaux, tarifs bien plus libéraux que les nôtres sous le rapport des
prix et des conditions d'admission.
Sans vouloir entrer
davantage dans l'examen de ce qui existe aujourd'hui et sans donner pour le
moment plus de détails sur le nouveau système que je me propose d'introduire
d'ici à quelque temps, je tiens toutefois à faire connaître que les bases
principales de ce système seront les suivantes :
Rendre le chemin de
fer accessible directement au commerce en supprimant toutes les conditions qui
rendent en réalité obligatoire le concours d'agents intermédiaires ;
Réduire les
conditions et les bases des tarifs à des termes tellement simples que
l'expéditeur puisse sans peine établir lui-même son compte des frais de
transport.
Faciliter les relations
commerciales par des prix plus en harmonie avec les dépenses réelles de
traction et les frais accessoires de chargement, de déchargement, et autres.
Assurer la régularité
du service de manière que l'expéditeur puisse connaître à l'avance le temps
nécessaire pour que la marchandise soit rendue à destination, condition
importante pour les transactions commerciales.
Réviser les
conventions internationales de manière à assurer à chaque pays une juste
réciprocité d'avantages.
J'ai la ferme conviction qu'une sage application de
ces principes fera affluer vers le chemin de fer beaucoup de marchandises que
des difficultés d'admission ou des prix exagérés obligent aujourd'hui à
préférer d'autres modes de transport, et qu'en rendant ainsi l'usage du chemin
de fer plus général, en l'utilisant davantage, il en résultera une notable
augmentation de produit net et conséquemment une grande amélioration dans sa
situation financière.
(page 620) - Sur la proposition de M. Lejeune, la chambre ordonne
l'impression et la distribution des rapports supplémentaires dont M. le
ministre des travaux publics a parlé au commencement de son discours.
M. de Clippele. - Messieurs, le budget
des travaux publics, on l'a dit, est d'ordinaire le terrain où viennent se
débattre les intérêts locaux, où se révèle l'amour du clocher. Quoique je me
trouve un peu dans ce cas, je prie cependant mes honorables collègues d'être
indulgents et de ne pas être trop prévenus ; parce que les considérations que
j'ai à faire valoir appartiennent aussi à l'intérêt général ; parce que
d'ailleurs il existe des besoins locaux qui ont un rapport si intime avec
l'utilité et la prospérité générales, qu'ils doivent nécessairement éveillerlta
sollicitude de tous les représentants du pays. Témoin, messieurs, cette
détresse des Flandres qui excite si vivement et si justement vos sympathies.
Ainsi, messieurs,
vous parler de l'arrondissement d'Alost, c'est vous entretenir d'une partie
bien intéressante de ces malheureuses province, c'est vous exposer les besoins
d'une localité où le fléau de la misère et le manque de travail se font
cruellement sentir. Et, remarquez-le tout d'abord, messieurs, l'arrondissement
d'Alost est, de toute la Flandre orientale, celui qui compte le plus de pauvres
proprement dits. C'est ce que j'ai pu vérifier dernièrement encore dans une
revue qui s'imprime à Gand. Or, à de plus grands maux, à des pauvres plus
nombreux, il faudrait aussi des remèdes et des soulagements plus grands, plus
étendus et plus efficaces ; partant aussi une plus large part dans la
distribution des travaux publics.
M. le ministre de
l'intérieur nous a exposé une partie de ses vues sur les Flandres. Il a dit
avec raison que ce ne sont pas les subsides d'argent, que ce n'est pas
l'aumône, par laquelle le peuple s'énerve et se démoralise ; mais que c'est le
travail, des industries nouvelles et des cultures variées qui doivent vivifier
et régénérer les Flandres.
Dans la série des
travaux publics annoncés et promis aux Flandres, il a signalé spécialement,
pour l'arrondissement d'Alost, le chemin de fer direct de Gand par Alost sur
Bruxelles. J'en remercie sincèrement M. le ministre ; je le remercie
particulièrement pour cette ville d'Alost, si abandonnée, si isolée, malgré sa
situation géographique, en apparence la plus favorable, entre les deux
capitales du royaume et sur une route royale, qui résonnait autrefois sous les
roues de trente messageries, faisant un service journalier. J'ai dit autrefois
; car à quoi sert aujourd'hui d’avoir les plus belles routes ? Avec le système
des chemins de fer, les routes de première classe ne sont plus que des chemins
vicinaux, très avantageux sans doute pour l'exploitation agricole, mais insuffisants
pour les relations commerciales et industrielles. Ainsi, je l'avoue,
l'arrondissement d'Alost a de belles routes, mais délaissées ou mal servies par
les messageries publiques ; car littéralement un cercle de fer nous entoure ;
il nous étreint, il nous étouffe ; il coupe et détourne toutes nos relations,
et ces belles lignes que la vapeur trace à notre horizon pour porter ailleurs
le commerce et l'industrie, ressemblent pour nous à ces eaux du Tartare
auxquelles Tantale ne pouvait se désaltérer.
Je remercie donc M.
le ministre ; je le remercie aussi pour une expression chaleureuse et pleine de
cordiale fraternité : « Tendons, a-t-il dit, deux mains aux Flandres ! » Mais
combien ma reconnaissance eût été plus vive, si M. le ministre, subdivisant en
quelque sorte ses intentions bienveillantes, se fût écrié : Tendons deux mains
à l'arrondissement d'Alost !
Je n'ai pas besoin
d'expliquer, messieurs, que je veux parler du chemin de fer de la vallée de la
Dendre, dont l'exécution doit être considérée comme définitivement abandonnée
par les concessionnaires.
Je ne m'arrêterai
pas, messieurs, à vous prouver de nouveau l'utilité de cette voie ferrée ; elle
a été suffisamment démontrée dans cette enceinte, et je suppose bien que ce
n'est pas seulement de la poésie qu'on a voulu faire, quand on a tracé le
tableau si fleuri de la vallée de la Dendre ; un orateur s'est écrié : C'est
l’idéal des chemins de fer !
Qu'il me suffise de
dire que relier entre elles six villes, dans un tracé d'à peine onze lieues
d'étendue et dans la vallée la plus populeuse du pays, n'est pas un projet à
dédaigner.
Mais comment,
dira-t-on, si ce railway a tant d'utilité, s'il promet des résultats si
productifs, comment se fait-il que de tous les chemins de fer concédés, ce soit
celui qu'on abandonne et qu'on n'exécute pas ?
Vous savez,
messieurs, qu'on avait imposé aux concessionnaires de la voie de la Dendre,
l'exécution simultanée d'un canal à grande section, qui ne tendait à rien moins
qu'à faire de la ville de Mons un port de mer ! Cette entreprise colossale,
soit qu'elle ne promit réellement pas des bénéfices proportionnels au capital à
dépenser, soit que la baisse croissante des actions en matière de travaux
publics ait fait manquer ce capital, soit toute autre cause, cette entreprise
colossale, dis-je, a fait reculer les concessionnaires. Que sans cela le chemin
de fer eût été exécuté, cela semble résulter de la démarche faite par la
société concessionnaire qui, par pétition adressée au sénat et à la chambre, à
la fin de la dernière session parlementaire, demandait la division des deux
projets concédés. J'ignore et je n'ai jamais pu deviner le motif pour lequel
cette division n'a pas été appuyée ; du moins pouvions-nous espérer de voir
réaliser l'un des projets, tandis que maintenant nous n'avons rien.
Maintenant que la
société est dissoute, je regrette que M. le ministre de l'intérieur n'ait pas
compris dans son programme une ligne d'un intérêt si général pour
l'arrondissement, et présentant des avantages égaux aux villes d'Alost, de
Ninove et de Grammont.
Que la chambre se
rassure cependant, je ne viens pas demander des millions. Indépendamment des
fonds extraordinaires ou d'un emprunt à voter, il existe un moyen moins
effrayant pour parvenir à l'exécution du chemin de fer de la vallée de la
Dendre. Il y a d'abord pour premier fonds le million de cautionnement,
c'est-à-dire le sixième de la dépense totale, et je pense qu'il n'est jamais
entré dans les intentions du ministère de vouloir faire la restitution de ce
fonds. Ce cautionnement doit nous rester acquis comme indemnité et à titre de
dommages et intérêts pour la non-exécution du contrat ; il est rationnel et
équitable aussi, qu'il soit employé en faveur de la localité pour laquelle la
concession a été décrétée.
Eh bien, messieurs,
ne pourrait-on pas traiter avec une autre société, par exemple, celle du chemin
de fer de Jurbise à Tournay, et d'après les mêmes bases ? Moyennant l'avance du
million de cautionnement que ferait le gouvernement, il obtiendrait, je le
suppose, des conditions très favorables.
La voie de la Dendre
n'est d'ailleurs que la continuation de la ligne de Tournay à Ath ; il y a là
communauté d'intérêts, et les deux chemins devraient, ce me semble, être
construits d'après le même système, et sous la même exploitation.
M. le ministre de
l'intérieur a dit qu'il ne voulait pas faire des (page 621) terrassiers de tous nos travailleurs, les enlever aux
champs et les employer à des travaux pour lesquels ils paraissaient d'ailleurs
peu aptes. Que M. le ministre se rassure, il y a surabondance d'ouvriers dans
nos campagnes, la terre manque souvent aux bras qui voudraient la cultiver ; et
quant à l'inaptitude aux travaux de terrassement, je pense que nos ouvriers,
bien dirigés, sont aussi propres que tous autres à ce genre de travail. Mais on
aura employé des ouvriers exténués par la faim ; on les aura juges avant qu'une
nourriture quelque peu substantielle eût refait leurs forces, et dès lors je
conçois qu'on les ait trouvés peu aptes.
M. le ministre de
l'intérieur fait aussi un appel aux industries nouvelles. Mais il est
rationnel, je crois, de soutenir d'abord les industries existantes, et
d'encourager leurs efforts par la facilité des relations. Ainsi, dans la ville
que j'habite, il est des négociants et des fabricants qui, avec un très petit
capital, emploient jusqu'à vingt ouvriers par jour, mais qui, à défaut de
relations faciles et rapides, luttent avec peine contre la concurrence du
dehors, et qui devront à la fin renvoyer les ouvriers qu'ils font vivre. Il
faut à nos négociants en dentelles trois jours pour venir ici, dans la
capitale, présenter leurs échantillons, c'est-à-dire autant de temps qu'il en
faudrait, aux même fins, de Bruxelles à Paris ; et quand ils ont besoin d'être
à Mons, pas d'autre moyen que de faire le tour par Bruxelles. Le railway de la
Dendre peut seul remédiera cela.
M. le ministre invite
les Flamands à des cultures plus variées ; il propose, en première ligne,
l'extension de l'horticulture. Eli bien ! pour ce qui concerne l'arrondissement
d'Alost, faites le chemin de fer de la vallée de la Dendre. En ce qui regarde
les environs de Grammont en particulier, j'ose assurer d'avance que
l'horticulture s'étendrait considérablement. Je sais des jardiniers d'une
activité exemplaire, qui, dans des charrettes, poussées à bras d'homme,
transportent hebdomadairement des légumes à Lessines et jusqu'à Enghien,
c'est-à-dire, qu'ils emploient à ce transport plus de temps qu'il n'en
faudrait, au moyen du chemin de fer, pour se rendre au port d'Anvers et en
revenir, plus de temps par conséquent qu'il n'en faudrait pour concourir avec
ceux qui fournissent des légumes à l'Angleterre.
Un mot maintenant
relativement au canal ou à la canalisation de la Dendre. La société
concessionnaire du chemin de fer étant la même que celle du canal de Jemmapes à
Alost, il me semble que, puisque cette société est dissoute, il doit être
certain, dès à présent, pour le gouvernement que ce canal ne se fera pas. Mais
il peut être vrai que le cautionnement ne nous est pas acquis. Le gouvernement
devrait donc, dès à présent, se préparer à exécuter ou faire exécuter, sinon le
canal latéral, du moins la canalisation de la Dendre. La navigation de jour en
jour plus difficile, les inondations périodiques qui dévastent les récoltes et
les propriétés en démontrent l'urgente et impérieuse nécessité.
Messieurs, les
travaux de canalisation et de chemins de fer ne sont que des moyens temporaires
pour venir en aide au paupérisme. C'est cependant toujours beaucoup que de gagner
du temps : car après les efforts de l'homme, on voit arriver quelquefois le
secours de la Providence.
Le fait que je viens
signaler est de cette nature.
Je vais indiquer une
source de travail permanent pour les Flandres. Il existe, assure-t-on, dans les
communes de Baelegem, de Hautem-Saint-Liévin, de Letterhautem et de Vlieizele,
des couches de pierres de taille, dont l'exploitation pourrait occuper des
milliers d'ouvriers.
M. le ministre
comprendra que la vérification et surtout la nature et l'étendue de pareilles
couches méritent un examen sérieux et empressé, et qu'il y aurait lieu
d'organiser tout ce qui est nécessaire pour profiter d'une ressource que
j'appellerai véritablement providentielle.
Il suffit, je crois,
d'indiquer ce fait, messieurs, pour vous faire deviner les avantages immenses
qui en résulteraient pour les Flandres.
En résumé, j'adjure le ministère de venir en aide à
l'arrondissement d'Alost, si mal rétribué dans la distribution des travaux
publics. Quand le ministère aura proposé le chemin de fer direct de Gand par
Alost sur Bruxelles, voie très utile et de toute équité pour l'arrondissement,
qu'il ne croie pas avoir tout fait : car, dans ma conviction profonde, c'est le
chemin de fer de la vallée de la Dendre, qui est l'artère principale et
véritable pour faire circuler la vie dans toutes les parties de cet important
district.
La canalisation de la
Dendre, outre qu'elle favoriserait tout à la fois le commerce et l'agriculture,
serait une grande occasion de travail pour notre population affamée.
Que si tout cela ne
doit être que temporaire, eh bien ! nous nous confions pour l'avenir dans
la Providence, qui ouvre quelquefois les entrailles de la terre pour en révéler
les trésors ; nous nous bornons à demander pour aujourd'hui le pain de chaque
jour, panem nostrum quotidianum.
M. Dedecker. - Je demanderai à
dire d'abord deux mots sur la question spéciale soulevée par l'honorable M. de
Clippele.
Loin de moi de
vouloir contester le moins du monde l'utilité du chemin de fer de la vallée de
la Dendre. Je désire, comme l'honorable préopinant, que ce chemin de fer puisse
se construire, et le plus tôt possible.
Je crois, messieurs,
qu'il n'est pas nécessaire de conserver le projet de canal et le projet de chemin
de chemin de fer réunis en une même concession. Je crois aussi que l'on peut,
et attendant qu'on construise le canal, s'occuper déjà du chemin de fer de la
vallée de la Dendre.
L'honorable M. de
Clippele vous a dit qu'une partie du capital est faite, puisqu'il existe dans
les caisses de l'Etat un cautionnement d'un million. Je demande que l'on se
préoccupe avant tout de la concession du chemin de fer seul, et je demande
aussi l'application du million de cautionnement au commencement des travaux de ce
chemin de fer.
Mais dans l'intérêt
de cette société, comme dans celui du gouvernement et des principales localités
intéressées, je voudrais que la construction de ce chemin de fer commençât par
celle de la section la plus importante, de la section la seule qui soit pour
ainsi dire immédiatement importante.
Vous savez que le
chemin de fer de la vallée de la Dendre part d'Ath passe par Lessines,
Grammont, Ninove, Alost, et vient aboutir à Termonde. Au lieu de commencer les
travaux par la section d'Ath, je voudrais qu'on les commençât par la section de
Termonde à Alost. Tout le monde y est intéressé ; non seulement les localités
que le chemin doit traverser, non seulement les concessionnaires, mais aussi
l'Etat. Je n'entends même pas préjuger la question de la construction du chemin
de fer direct de Bruxelles à Garni par Alost. Car dans l'hypothèse de la
construction d'un chemin de fer direct de Bruxelles à Garni par Alost, encore
faudra-l-il relier ce chemin de fer direct à Termonde, au moyen de la section de
Termonde à Alost.
Ainsi il est évident
que, dans toute hypothèse et sans aucune espèce d'arrière-pensée, il convient
de commencer la construction du chemin de fer de la vallée de la Dendre par la
section d'Alost à Termonde.
Messieurs, j'ai aussi
demandé la parole pour faire une interpellation à M. le ministre des travaux
publics.
Déjà, à diverses
reprises, le gouvernement a manifesté son intention de présenter un projet de
loi concernant le chemin de fer direct de Bruxelles à Gand. Sans préjuger et
sans examiner la question de la nécessité d'un raccourcissement de parcours
entre Gand et Bruxelles, il se présente une deuxième question, celle du tracé.
Deux tracés sont en
présence : d'abord le tracé de Wetteren par Alost à Bruxelles, ensuite le tracé
présenté par la ville de Termonde avec les études à l'appui, tendant à utiliser
le chemin de fer existant jusqu'à Termonde et à aller ensuite par Assche à
Bruxelles.
Si l'on ne veut
réellement que rapprocher les Flandres de la capitale du royaume, la question
ne se présente pas, sous ce rapport, plus favorablement pour une localité que
pour l'autre, puisque le raccourcissement sera le même ; seulement, pour le
tracé par Alost, la dépense à faire sera double et conservera une partie
moindre du chemin de fer existant.
Je n'entrerai pas
dans les considérations à l'appui de l'un ou de l'autre de ces projets. Je
demande seulement que M. le ministre des travaux publics veuille soumettre à
une autorité compétente l'examen de la question des deux tracés, et faire
examiner quel est celui de ces deux tracés qui présente le plus d’avantages au
point de vue de l'intérêt général.
Ce n'est pas une fin de non-recevoir que je viens
opposer à la présentation du projet qui nous est annoncé. En moins de quinze
jours, l'examen que je réclame peut être fait ; le rapport de l'autorité
compétente que je désire, avec la ville de Termonde, voir consulter, peut être
présenté dans un bref délai.
C'est le but de mon
interpellation. Je désire donc savoir si M. le ministre a fait droit à la
pétition de la ville de Termonde, qui lui a été renvoyée par la chambre, et qui
demande qu'il soit nommé une commission spéciale à l'effet d'examiner les deux
tracés dans leurs rapports avec l'intérêt général.
M. le
ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - L'honorable M.
Dedecker a demandé que le tracé indiqué par la ville de Termonde pour le chemin
de fer direct de Bruxelles à Gand soit soumis à l'examen de l'autorité
compétente. Je ne vois à cela aucune espèce d'inconvénient. Je soumettrai ce
projet à l'examen du conseil des ponts et chaussées qui est une autorité très
compétente en cette matière ; il examinera quel est, au point de vue de
l'intérêt général, le tracé qu'il conviendra de proposer à la chambre.
Il est tout simple
qu'une question de ce genre doit être complètement instruite. Ce n'est pas
seulement pour éviter des objections telles que celle que vient de produire
l'honorable M. Dedecker et qui se produiraient inévitablement dans la
discussion du projet qui serait proposé, que cet examen doit avoir lieu ; mais
c'est aussi une question de justice, puisqu'on prétend qu'il y a préjudice pour
une localité importante, pour la ville de Termonde, à suivre tel tracé plutôt
que tel autre. Un examen juste, impartial doit convenir à tout le monde.
L'honorable M.
Dedecker a également parlé du chemin de fer de la vallée de la Dendre, et il a
indiqué ce qui, selon lui, conviendrait particulièrement d'être fait, dans le
cas où ce chemin de fer serait exécuté.
Cette discussion, messieurs,
me paraît un peu anticipée. Nous sommes encore loin de pouvoir faire quelque
chose relativement au chemin de fer de la vallée de la Dendre. La société
concessionnaire dont l'objet comprend également le canal de Jemmapes à Alost,
n'est pas dissoute, comme l'a supposé l'honorable M. de Clippele. Je pense
qu'elle est en pleine vie, en ce sens que la société ne voudrait pas renoncer à
son cautionnement de 2 millions et que jusqu'à présent elle n'a manifesté en
aucune manière l'intention de se dissoudre. Elle peut prétendre que plus tard
elle pourrait exécuter les travaux.
M. de Clippele. - Les délais pour
l'exécution sont expirés.
M. le
ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - La société peut
prétendre que plus tard elle pourrait exécuter les travaux, bien que quant à
présent elle ne puisse pas y parvenir.
(page 622) Les délais stipulés par le cahier des charges pour
l'exécution des travaux sont expirés, c'est vrai. Mais il se trouve que le
gouvernement a posé, depuis l'expiration de ces délais, un certain nombre
d'actes d'où la compagnie prétend induire (je ne dis pas qu'elle a raison, loin
de là), qu'elle a été relevée de la déchéance qu'elle aurait encourue. Ainsi,
depuis l'expiration des délais, le gouvernement a approuvé l'acte constitutif
de la société. Le gouvernement a perçu, depuis ces délais, la somme stipulée
pour frais de surveillance. Le gouvernement a en outre, depuis lors, approuvé
des plans.
C'est dans cet état
que le ministère a trouvé cette affaire. J'ai donné promptement les
instructions nécessaires pour que l'affaire fût complètement examinée au point
de vue des prétentions de la compagnie, et aussi pour prescrire les mesures
nécessaires, afin de conserver de la manière la plus complète, la plus entière,
les droits de l'Etat. J'ai refusé de donner à la compagnie les intérêts de son
cautionnement qu'elle avait perçus jusqu'à présent. J'ai cru que continuer à
les payer, c'était préjudicier aux droits de l'Etat.
Depuis, messieurs,
une foule de propositions ont été adressées au gouvernement pour disposer du
cautionnement. Le gouvernement n'a pas cru devoir les accueillir.
Le gouvernement,
messieurs, et pour le dire en passant, tout le ministère a été, sur ce point,
unanime ; il n'y a eu aucune espèce de division ; le ministère a été unanime
sur ce point comme sur toutes les questions qui jusqu'à ce jour se sont
présentées ; le ministère a donc été unanime pour refuser la restitution des
cautionnements et leur application aux divers emplois qu'on voulait en faire.
On disait, par exemple : Le cautionnement est inutile dans les caisses de
l'Etat, on pourrait l'employer à tels travaux publics. C'était un moyen de
relever la compagnie de la Dendre de la déchéance ; elle eût pu alléguer que le
délai stipulé dans le contrat n'avait pas couru contre elle. Le gouvernement a
refusé parce qu'il pense que ces contrats doivent être scrupuleusement et
rigoureusement exécutés, qu'on ne peut pas se jouer d'engagements ainsi
contractés, et d'ailleurs parce que le gouvernement ne doit, en aucun cas,
avoir l'apparence de s'être prêté à des spéculations qui n'avaient pas pour but
réel l'exécution même des travaux.
Le chemin de fer de
la Dendre qui, selon l'expression de l'honorable M. de Clippele était jadis
l'idéal des chemins de fer est donc devenu, pour le moment du moins, un chemin
de fer idéal.
Quant à la réserve
qui a été faite par l'honorable M. Dedecker, le moment de traiter ce point se présentera
lorsque le gouvernement aura soumis à la chambre le projet d'ensemble dont M.
le ministre de l'intérieur a eu l'occasion de parler tantôt. Si nous nous en
occupions maintenant, je pense que ce serait interrompre inutilement les
travaux de l'assemblée ?
M. de Clippele. - Quel est le délai
qui sera accordé à la compagnie ?
M. le
ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Il y a deux choses
à distinguer ; le cautionnement du chemin de fer de la vallée de la Dendre et
le cautionnement du canal de Jemmapes à Alost. Ces deux cautionnements, chacun
d'un million, ne sont pas réglés par les mêmes conditions. Pour le canal de
Jemmapes à Alost, il y a doute sur le point de savoir si les délais sont
expirés, si l'on peut prétendre que la compagnie est en demeure d'exécuter.
J'ai donné au conseil du département des travaux publics les instructions
nécessaires pour agir contre la compagnie.
puant au chemin de
fer de la Dendre, les délais sont expirés, comme j'ai eu l'honneur de le dire
tout à l'heure, mais il y a une série d'actes dont on argumente contre l'Etat.
Je crois que la compagnie n'est nullement fondée à prétendre, non pas qu'elle
puisse se dispenser d'exécuter et obtenir la restitution du cautionnement, ce
qui serait par trop exorbitant ; mais qu'elle soit encore dans les délais pour
exécuter. J'ai donné également des instructions à l'avocat du département des
travaux publics pour mettre eu demeure la compagnie, tant pour le canal que
pour le chemin de fer, afin qu'il n'y ait, plus aucune espèce d'équivoque.
Je crois que quant aux cautionnements en général
pour des travaux qui n'ont pu être exécutés et spécialement quant aux
cautionnements de, la vallée de la Dendre, le gouvernement devrait aviser si on
lui soumettait des propositions ayant pour objet sinon l'exécution des travaux
concédés, du moins l'exécution de travaux analogues dans les mêmes localités.
Mais si l'on se borne à demander purement et simplement soit la restitution des
cautionnements, soit leur emploi au profit d'autres compagnies, il ne peut y
avoir aucun doute sur la marche à suivre par le. gouvernement.
M. Dedecker. - Je remercie M. le
ministre des travaux publics, d'avoir répondu d'une manière si satisfaisante à
l'appel que j'avais fait à ses sentiments d'impartialité et de justice. Je prie
encore M. le ministre de vouloir bien ajouter à la publication relative au
chemin de fer direct de Bruxelles à Gand par Alost, le rapport que la
commission supérieure des ponts et chaussées aura fait sur la comparaison des
deux tracés.
M. Delehaye. - Je dois ajouter un
mot à ce que vient de dire M. le ministre des travaux publics. Il ne s'est
point expliqué d'une manière tout à fait conforme aux promesses qui avaient été
faites précédemment. On ne peut pas méconnaître que le cautionnement fourni
pour le chemin de fer de la Dendre serait acquis, non pas au trésor, mais au
chemin de fer lui-même, c'est-à-dire que si le gouvernement se croyait
propriétaire de ce cautionnement, il serait obligé de construire la route à
laquelle il était destiné, soit qu'il construisît la route pour son compte,
soit qu'il en amenât l'exécution de toute autre manière. C'est dans ce sens que
la question a été décidée en France.
Du reste, messieurs, lorsque le chemin de fer de
Bruxelles à Gand sera construit, il sera facile de faire exécuter le chemin de
fer de la Dendre. Pourquoi la compagnie qui en avait la concession ne veut-elle
pas le construire ? C'est précisément pour ne pas tomber dans le piège dont a
parlé l'honorable M. Dedecker. Sans le chemin de fer de Bruxelles à Gand, il
est impossible que la ligne à laquelle l'honorable député de Termonde a fait
allusion, puisse donner des produits. Je pense donc que le gouvernement ne doit
prendre aucune résolution à cet égard avant qu'on n'ait décrété le chemin de
fer de Bruxelles à Gand par Alost.
M. le
ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - L'honorable M.
Delehaye se trompe lorsqu'il pense que dans le cas où le cautionnement serait
déclaré acquis à l'Etat, l'Etat se trouverait par cela même obligé d'exécuter
les travaux auxquels ce cautionnement se rapportait.
M. Delehaye. - Le cautionnement
demeure acquis à la route, c'est-à-dire que le gouvernement doit ou construire
lui-même ou remettre le chemin en adjudication ; et si personne ne se présente,
ce ne sera qu'alors qu'il deviendra propriétaire du cautionnement.
M. le
ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Je n'avais pas
entendu l'observation de l'honorable M. Delehaye, comme il vient de l'expliquer
et d'après laquelle le gouvernement serait obligé ou bien d'exécuter la route
ou bien de la remettre en adjudication publique. Quant au premier point, il n'y
a pas de doute que le gouvernement n'ait pas cette obligation, et quant au
second point l'honorable membre est également dans l'erreur.
Il est stipulé, en effet,
dans quelques cahiers des charges qu'à défaut d'exécution par les
concessionnaires le gouvernement remettra les travaux en adjudication publique,
en quelque sorte à la folle enchère, à charge de ceux qui n'auraient pas rempli
leurs engagements ; mais presque tous les cahiers des charges ajoutent
néanmoins qu'en pareil cas, le cautionnement, bien loin de devenir le
cautionnement de la nouvelle compagnie, sera définitivement acquis à l'Etat. Je
n'ai pas sous les yeux le cahier des charges de la vallée de la Dendre, mais je
crois que mes souvenirs sont assez fidèles pour me permettre d'affirmer que les
stipulations en sont telles que le cautionnement serait la propriété de l'Etat.
Je ne veux pas dire que le gouvernement devrait consacrer le montant de ce
cautionnement aux besoins généraux du trésor ; je crois, au contraire, que,
puisque l'utilité des travaux a été reconnue, on ferait bien d'employer le
cautionnement à l'exécution de ces travaux, soit par forme de subside ou
autrement.
Mais en ce moment, je
réponds à l'honorable membre en ce qui touche les stipulations du contrat et le
droit.
- La suite de la
discussion est remise à demain.
________________
M. le
président. - Le bureau a composé, ainsi qu'il suit, la
commission qui sera chargée d'examiner le projet de loi présenté au
commencement de la séance par M. le ministre des finances, et relatif à un
crédit supplémentaire de 55,703 fr. 38 c. pour le département des finances :
MM. d'Huart, Tielemans, Fallon, Lys, Orban, Tremouroux et Rousselle.
- La séance est levée
à 4 heures et demie.