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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 25 janvier 1848

(Annales parlementaires de Belgique, session 1847-1848)

(Présidence de M. Delfosse, vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 613) M. Troye procède à l'appel nominal à midi et quart.

M. T’Kint de Naeyer lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Troye présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.

« Le sieur Jean-Martin Gillis, mineur de première classe au régiment du génie, demande à recouvrer la qualité de Belge qu'il a perdue en prenant du service à l'étranger sans l'autorisation du Roi. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


« Le sieur Lambarelle, sergent à l'école régimenlaire du troisième régiment de ligne, prie la chambre de statuer sur sa demande tendant à recouvrer la qualité de Belge. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.


« Le sieur Jamotte, détenu chez les Alexiens, à Malines, demande sa mise en liberté. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Plusieurs habitans d'Audenarde présentent des observations contre le projet de loi qui supprime l'un des cantons de justice de paix de cette ville. »

— Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet.


« Les bourgmestres des communes situées entre Grammont et Ninore demandent que le gouvernement se charge de la canalisation de la Dcndre. »

M. Van Cleemputte. - Je demanderai le dépôt de cette pétition sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics, et ensuite le renvoi à M. le ministre des travaux publics.

- Cette proposition est adoptée.


« La chambre des notaires de l'arrondissement de Hasselt présente des observations relatives au projet de loi sur le notariat. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet.


« Les membres de l'administration communale et plusieurs habitants de Hargimont prient la chambre de rejeter le projet de loi relatif au droit de succession.

« Même demande de plusieurs propriétaires, agriculteurs et industriels de la commune d'Anthée.»

- Renvoi à la section centrale chargée de l'examen du projet.


« Plusieurs habitants du canton de Léau demandent le prolongement de la route de Léau à Haelen. »

M. de La Coste. - Je demanderai que cette pétition soit déposée sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics, et ensuite renvoyée à M. le ministre de ce département.

- Adopté.


« Les secrétaires communaux de l'arrondissement de Namur prient la chambre d'améliorer leur position. »

M. de Garcia. - Messieurs, plusieurs pétitions de cette nature ont été renvoyées à M. le ministre de l'intérieur. Je demanderai que celle-ci ait le même sort et j'appellerai toute l'attention du gouvernement sur les motifs que les pétitionnaires font valoir à l'appui de leur demande.

- La proposition de M. de Garcia est adoptée.


« Plusieurs habitants de Bruxelles demandent qu'il soit fait des économies dans les dépenses de l'Etat. »

- Renvoi à la commission des pétitions et dépôt sur le bureau pendant la discussion des budgets.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère des affairses étrangères

M. Osy (pour une motion d'ordre). - Messieurs, j'ai quelques renseignements à demander à M. le ministre des affaires étrangères. Lors de la discussion du budget de 1838, j'ai entretenu la chambre des ressources que nous pourrions procurer au trésor en établissant un droit sur les titres de noblesse. Voilà bientôt trois mois que le budget a été voté et jusqu'à présent nous n'avons pas été saisis d'un projet de loi à cet égard. Je sais que la commission héraldique s'est occupée de la question, mais je demanderai si bientôt un projet nous sera présenté, car vous savez, messieurs, que j'ai pris l'engagement d'en présenter un moi-même si le gouvernement ne prenait pas l'initiative.

Messieurs, dans la session dernière, le commerce a souvent demandé au gouvernement de vouloir changer l'article 5 de la loi du 21 juillet 1844. Immédiatement après l'arrivée aux affaires du ministère actuel, le commerce d'Anvers a reçu la promesse la plus formelle du gouvernement d'examiner cette question. Depuis, le gouvernement a nommé une commission mixte, composée d'armateurs et de négociants, pour cet objet. Je demanderai à M. le ministre s'il a déjà reçu le rapport de cette commission, et s'il ne l'a pas encore reçu, je le prierai de bien vouloir adresser une lettre de rappel à la commission, pour que dans la session actuelle nous puissions nous occuper de cette affaire. Les plaintes augmentent considérablement ; il y a des navires venant directement des pays de provenance qui sont frappés du droit le plus élevé, ce qui est contraire, je ne dirai pas à la lettre, mais à l'esprit de la loi que nous avons votée.

Nombre de navires, pourvus de tous les documents nécessaires, ont été obligés de relâcher dans les ports intermédiaires, on veut les frapper des droits les plus élevés. Je sais même que cet état de choses, contraire aux traités que nous avons fait avec des nations étrangères, a excité l'attention de ces puissances ; il doit y avoir eu des plaintes sous ce rapport.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d’Hoffschmidt). - Messieurs, l'honorable préopinant m'a adressé deux questions. La première est celle de savoir si le ministère s'occupe d'un projet de loi tendant à établir un droit sur les concessions de titres de noblesse. J'ai chargé la commission héraldique d'examiner cette question ; j'ai reçu son travail, il y a seulement quelques jours ; cette question est difficile ; toutefois le gouvernement prendra une décision dans un prochain délai.

La seconde question est celle de savoir si le ministère s'occupe aussi de la révision de l'article 5 de la loi sur les droits différentiels, ou du moins de l'arrêté royal de novembre 1840, relatif à la relâche des navires.

(page 614) Messieurs, la chambre de commerce d'Anvers a adressé, à plusieurs reprises, au gouvernement des réclamations et contre l'article 5 de la loi et contre l'arrêté royal de novembre 1846. En présence de ces réclamations, j'ai cru devoir, d'accord avec mon collègue des finances, les soumettre à l'examen de la commission qui avait rédigé l'arrêté royal. Ce n'est également que depuis deux ou trois jours que j'ai reçu le travail de cette commission, tant les propositions de celle-ci que les procès-verbaux des séances où la question a été mûrement examinée. Je crois qu'il y aura lieu tout au moins à modifier plusieurs dispositions de l'arrêté royal de novembre 1846. Nous déciderons aussi cette question dans un temps peu éloigné.

M. Mercier. - Messieurs, je ne m'oppose nullement à ce que le gouvernement s'occupe de cette question ; je prie cependant M. le ministre des affaires étrangères de ne pas croire que, parce que quelques réclamations se sont élevées, tout le monde ici partage toutes les opinions émises par l'honorable M. Osy. Beaucoup de membres ne prennent pas la parole, lorsqu'il s'agit d'interpellations ou de discussions incidentes ; mais lorsque la question est mise à l'ordre du jour, il n'en est plus de même. Je fais donc toutes mes réserves, en ce qui me concerne, par rapport à la question qui vient d'être soulevée.

M. Osy. - Messieurs, je suis loin de prétendre que le gouvernement doive faire quelque chose sans la connaissance de la chambre. Mais quand le gouvernement reçoit des réclamations telles que celles qu'il a reçues depuis deux ans, il me semble qu'il doit s'éclairer. Nous demandons seulement qu'il active le travail de la commission qui a été nommée. Si, quand il l'aura reçu, le gouvernement juge qu'il y a lieu de faire un changement à la loi, il nous fera une proposition, et alors la chambre j décidera.

M. Verhaegen. - Je m'étonne que M. le ministre des affaires étrangères vienne nous parler d'un avis qui aurait été donné par le conseil héraldique sur le projet de loi ayant pour objet d'imposer les titres de noblesse ; constitutionnellement parlant, je ne conçois pas de conseil héraldique et je ne sais vraiment pas ce qu'un conseil héraldique peut avoir à faire avec une loi d'impôt.

Du reste il paraît qu'il serait question dans le projet de loi, dont vient de parler M. le ministre des affaires étrangères, d'imposer la transmission par décès des titres de noblesse : à cet égard je me réserve d'examiner en temps et lieu si, d'après les termes et l'esprit de la Constitution, il existe bien en Belgique une noblesse héréditaire.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d’Hoffschmidt). - Messieurs, je ne pense pas que nous puissions discuter actuellement l'une ou l'autre des deux questions qui viennent d'être soulevées. Chacun se réserve naturellement son opinion sur les propositions qui pourraient être faites ultérieurement. Mais je crois que le gouvernement a agi sagement en consultant, pour l'un et l'autre objet, des commissions qui peuvent l'éclairer. Je ne veux pas, du reste, entamer en ce moment une discussion sur des projets qui ne sont pas encore soumis à la chambre, ni sur les résolutions qui pourront être prises par le gouvernement ; ce serait tout à fait prématuré.

Discussion de l’article unique

M. le président. - Les deux premiers paragraphes ont été votés à la séance d'hier.

Article unique, paragraphe 3

« § 3.13,689 fr. 31 c, article unique du chapitre III, traitement des agents consulaires et indemnités à quelques agents non rétribués. »

La commission propose de réduire l'allocation demandée à 9,726-21.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d’Hoffschmidt). - Messieurs, le crédit demandé pour l'objet dont il s'agit est, comme vient de le dire l'honorable président, de 13,689 fr. 31 c. La commission propose une réduction de 3,963-10. Je dois supposer que c'est à cause de l'insuffisance des renseignements communiqués à la commission qu'elle propose cette réduction, car le chiffre de la demande résulte d'arrêtés royaux qui ont déterminé le traitement de notre agent consulaire à Guatemala.

D'abord il faut remarquer que M. Cloquet, agent consulaire à Guatemala, a une double qualité. En qualité d'agent consulaire, une indemnité de 3 mille fr. lui avait été accordée par le gouvernement par l'arrêté royal du 19 février 1843 qui est inséré à la suite du rapport de la commission. Par un arrêté royal postérieur, du 21 juillet 1844, cette indemnité a été portée à 5 mille fr. annuellement ; indépendamment de cette indemnité comme agent consulaire, M. Cloquet avait de la compagnie de colonisation une indemnité de 6,000 fr. déterminée par les statuts et reconnue par plusieurs dépêches de cette compagnie ; mais la compagnie a cessé de payer à partir du 1er octobre 1844.

Or, ce traitement était garanti par le gouvernement, force est donc de remplir les engagements que la compagnie avait contractés.

Voilà le motif pour lequel on demande un crédit supplémentaire.

La commission n'a tenu aucun compte du deuxième arrêté royal. Elle est partie de ce raisonnement que M. Cloquet ne devait avoir que 9,000 fr. de traitement, qu'on ne devait pas tenir compte de l'augmentation de traitement fixée par l'arrêté royal du 21 juillet 1844.

Il faut bien remarquer, messieurs, que si l'on demande ce crédit supplémentaire ce n'est pas à cause de l'insuffisance du crédit porté au budget pour traitement des agents consulaires. Ce crédit a été suffisant pour payer le traitement alloué à M. Cloquet, comme consul à Guatemala, Il ne s'agit que du non-accomplissement des engagements pris par la compagnie, engagements qui s'élèvent à 6,000 fr. annuellement.

La somme que la compagnie a à payer de ce chef à M. Cloquet, pour le temps écoulé depuis le 1er octobre 1844 jusqu'au 31 décembre 1847 trois ans et trois mois, est de fr. 19,500 »

De cette somme il faut déduire :

Ce que M. Cloquet doit à la compagnie pour vivres : fr. 3,185 69

2° Ce qui a pu être liquidé, au profit de M. Cloquet, sur les sommes disponibles au budget : fr. 7,425.

Il reste donc à payer à M. Cloquet fr. 8,889 31, que l'Etat pourra réclamer ensuite à la compagnie de colonisation.

Que résulterait-il de l'adoption de la réduction proposée par la commission ? L'Etat réclamant à la compagnie 16,314 fr. 31 c. et ayant payé en moins 2,963 francs 10 c, il en résulterait que l'Etat recevrait cette somme en plus de ce qu'il aurait réellement dépensé.

Je crois donc que, d'après ces considérations, il est nécessaire de maintenir le chiffre proposé par le gouvernement.

Il faut bien distinguer entre les deux traitements qui ont été attribués à M. Cloquet, celui attribué à notre agent consulaire en cette qualité et celui qui lui est attribué comme commissaire du gouvernement près de la compagnie de colonisation.

Le traitement attribué à M. Cloquet, comme agent consulaire, était en premier lieu de 3,000 francs. Il a été porté à 5,000 francs, à dater du 1er janvier 1844. Ce traitement a été intégralement payé. Mais son traitement de commissaire n'a pas été payé. C'est celui pour lequel la somme portée au projet est réclamée. Il ne faut pas confondre ces deux traitements tout à fait distincts.

Je crois donc, par ces considérations, devoir persister dans la demande intégrale du crédit proposé dans le projet de loi.

M. Osy, rapporteur. - Messieurs, la commission avait pris tous les renseignements nécessaires, et on ne peut, certes, pas dire que nous n'étions pas suffisamment éclairés sur la question.

En 1843 le gouvernement avait pris un arrêté par lequel il fixait le traitement du sieur Cloquet à 9,000 fr., et comme la compagnie devait contribuer dans ce traitement pour 6,000 fr., le gouvernement n'avait que 3,000 fr. à payer.

La compagnie ne payant pas, le gouvernement a pris, en 1844, un arrêté portant que le sieur Cloquet toucherait annuellement 5,000 fr. sur le trésor public. Plus tard, le gouvernement a pris un arrêté qui ne peut s'appliquer qu'à partir de 1848 et aux termes duquel le traitement est porté à 12,000 fr. Pour le temps qui s'est écoulé de 1841 à 1847, nous avons pu seulement prendre en considération les arrêtés antérieurs à 1848. Strictement, le gouvernement ne devait pas payer les 6,000 fr. que la société s'était engagée à payer, mais nous avons cru qu'il y avait convenance à le faire ; seulement on doit se renfermer dans le traitement de 9,000 fr. et ne pas admettre le chiffre de 12,000 fr. pour l'arriéré, attendu que ce chiffre a été fixé par un arrêté qui n'est applicable qu'à partir du 1er janvier 1848 et sur lequel nous faisons toutes réserves. C'est pour ce motif, messieurs, que la commission vous propose une réduction de fr. 3,963 10 , et je crois que nous devons admettre cette proposition.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d’Hoffschmidt). - L'honorable rapporteur vous a dit, messieurs, que c'est par arrêté du 1er janvier 1843 que le traitement de M. Cloquet a été augmenté ; c'est une erreur : par arrêté du 21 juillet 1844, l'indemnité que le gouvernement accordait à M. Cloquet et qui était de 3,000 fr. a été portée à 5,000 fr. ; or, comme la compagnie devait lui payer 6,000 fr., son traitement se trouvait ainsi porté à 11,000 fr. dès le 1er janvier 1844.

Voici l'arrêté tel qu'il figure dans le rapport de la section centrale :

« Revu notre arrêté du 19 février 1843, qui règle l'indemnité allouée au sieur Martial Cloquet, du chef de ses fonctions consulaires à Guatemala ;

« Sur la proposition de notre ministre des affaires étrangères,

« Nous avons arrêté et arrêtons :

« Art. 1er. Le sieur Cloquet jouira, durant tout le temps qu'il exercera des fonctions consulaires à Guatemala, d'une indemnité annuelle de cinq mille francs, quelle que soit ,du reste, la rétribution que la commission belge de colonisation pourrait affecter au poste de commissaire du gouvernement.

« Cette indemnité sera prélevée sur le chapitre III, article unique, du budget du département des affaires étrangères, et il lui en sera tenu compte à partir du 1er janvier dernier.

« Art. 2. Notre ministre dis affaires étrangères est chargé de l'exécution du présent arrêté. »

Ainsi, messieurs, ces 5,000 fr. sont tout à fait indépendants de la rétribution qui était allouée à M. Cloquet par la compagnie de colonisation. Cette rétribution est fixée à 6,000 fr. par les statuts de la compagnie, et la disposition des statuts est confirmée par une lettre dont je vais avoir l'honneur de vous donner lecture et qui a été adressée le 5 mars 1845 au ministre des affaires étrangères, par le président du comité directeur de la compagnie. Voici cette lettre :

(page 615) « Bruxelles, le 5 mars 1843

« M. le ministre,

« En réponse à votre dépêche en date d'hier, nous avons l’honneur de vous confirmer notre lettre du 27 septembre dernier, n°339, par laquelle nous vous annoncions que la compagnie allouait à M. Cloquet, en sa qualité de commissaire du gouvernement auprès d'elle, une somme de quatre mille francs pour la première année et six mille francs pour chacune des années suivantes.

« Quant aux autres points de votre dépêche précitée, nous nous en rapportons à ce que vous jugerez convenable de faire à cet égard.

« Veuillez agréer, M. le ministre, l'assurance de notre considération distinguée.

« Le président du comité des directeurs,

« Comte Hompesch.

« Le secrétaire,

« J. de Binckum. »

Eh bien, messieurs, c'est pour l'indemnité de 6,000 fr. que le crédit est réclamé, afin de l'appliquer au payement de cette indemnité, non soldée par la compagnie. Or il est évident que cette somme de 6,000 fr. devait être payée à notre agent consulaire à Guatemala, à partir du 1er octobre 1844. Le traitement n'a donc pas été augmenté à partir du 1er janvier 1848, comme le dit l'honorable M. Osy, mais il l'a été par l'arrêté royal du 21 juillet 1844.

On n'a jamais dit, messieurs, dans cet arrêté, que la part de la compagnie serait réduite ; on a augmenté l'indemnité payée à l'agent consulaire ; on l'a portée de 3,000 à 5,000 fr., parce qu'on trouvait la somme insuffisante, d'après tous les renseignements arrivés de la colonie et de la ville de Guatemala. Il ne faut pas, messieurs, apprécier la somme nécessaire à nos agents dans les pays transatlantiques, dans les républiques de l'Amérique méridionale, d'après ce qui se passe en Europe. La vie y est infiniment plus chère. Le gouvernement a donc reconnu que la somme de 3,000 fr., allouée à M. Cloquet, était tout à fait insuffisante et il l'a portée à 5,000 fr., chiffre qui a même dû être augmenté de 1,000 fr. en 1847.

On ne concevrait pas, messieurs, l'arrêté du 21 juillet 1844, s'il ne faisait que maintenir le traitement au chiffre fixé par un arrêté précédent. Je dois le répéter, car toute l'erreur est là, l'honorable M. Osy ne tient pas compte de cet arrêté ; il pense que l'arrêté de 1844 ne dit que ce que disait l'arrêté de février 1843, mais alors l'arrête de 1844 était tout à fait inutile, et s'il en était ainsi pourquoi l'aurait-on porté ?

Il est donc nécessaire, messieurs, de maintenir le crédit tel qu'il est demandé, car sans cela nous nous trouverions dans cette position, de réclamer auprès de la compagnie une somme supérieure à celle que nous aurions payée.

M. Mercier. - Les explications que vient de donner M. le ministre des affaires étrangères en faveur du crédit demandé me paraissent tellement péremptoires que je me bornerai à insister sur les dernières observations qu'il a présentées ; pour tous ceux qui connaissent combien la vie est chère dans l'Amérique centrale il est évident qu'un traitement de neuf mille francs ne peut suffire à un consul ; je doute beaucoup que celui de fr. 12,000 puisse faire face à toutes les dépenses auxquelles cet agent est tenu ; à mon avis il n'y eût pas eu prodigalité à lui allouer une rémunération de fr. 15,000.

M. Osy, rapporteur. - Je vous déclare franchement, messieurs, que je ne suis pas converti par les observations que vient de présenter M. le ministre des affaires étrangères. L'arrêté de 1843 dit que le traitement sera de 9 mille francs, dont on déduira ce qui sera payé par la compagnie. En 1844, la compagnie ne payait plus et alors le gouvernement a pris un arrêté portant que le traitement serait de 3 mille francs, quelle que fût la rétribution payée par la compagnie. Eh bien, si nous voulions être rigoureux, nous dirions : Nous liquidons sur le pied de 6 mille francs.

La section centrale en a jugé autrement ; elle a cru que puisque la société ne payait plus, il fallait liquider sur le pied de 9,000 francs, d'après l'arrêté de 1843 qui dit que le traitement sera de 9,000 francs.

Un autre arrêté du 21 juillet 1844 accorde seulement fr. 5,000, quelle que soit l'indemnité de la société.

Ainsi le gouvernement était bien dans l'intention de n'accorder que 9,000 francs, et si la société ne payait pas, l'indemnité ne devait être que de 3,000 francs.

Je crois, messieurs, que la chambre ne doit liquider que sur le pied de 9,000 francs, d'autant plus que ce n'est que d'après un arrêté de 1848 que le chiffre de 12,000 francs a été alloué.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d’Hoffschmidt). - L'honorable M. Osy dit que l'on a pris l'arrêté du 21 juillet 1844, parce que la compagnie ne payait plus à cette époque. La compagnie a payé jusqu'au 1er octobre 1844 ; par conséquent ce n'est pas le motif qu'on vient d'indiquer qui a fait prendre ces arrêtés du 21 juillet. On n'a voulu (cela est exprimé assez clairement pour ceux qui voudront jeter les veux sur les deux arrêtés), on n'a voulu qu'indiquer que l'indemnité allouée précédemment était insuffisante et qu'on devait la porter de 3 à 9,000 fr.

Voilà toute la portée de l'arrêté du 21 juillet 1844, qui n'exerce aucune influence sur le traitement alloué par la compagnie. Or, je prie la chambre de le remarquer, c'est ce traitement alloué par la compagnie qu'il s'agit de suppléer, qui n'a pas été payé.

Je crois que mes honorables prédécesseurs qui ont pris les arrêtés dont il s'agit, pourraient faire connaître quelle est l'interprétation qu'ils entendent lui donner. Il me paraît qu'il est impossible de lui en donner une autre que celle que je viens d'indiquer. Il serait du reste assez étrange, messieurs, que l'on portât tout à coup le traitement de M. Cloquet à 12,000 fr., si réellement il avait été maintenu jusqu'à ce jour à 9,000 fr. Il n'y a même pas eu à l'égard de M. Cloquet, si je ne me trompe, d'arrêté postérieur à celui de juillet 1844.

Lors de la présentation du budget pour 1848, on a indiqué à la section centrale comment la somme allouée au budget serait répartie entre les agents consulaires, et l'on a indiqué le chiffre de 12,000 fr. pour le traitement de M. Cloquet. La section centrale n'a présente aucune observation sur le chiffre de ce traitement. Ainsi on a dû reconnaître qu'il y a eu insuffisance dans le traitement de 9,000 et même de 11,000 fr. primitivement accordé à notre agent consulaire à Guatemala.

M. de Man d’Attenrode. - Messieurs, il s'agit d'inscrire dans notre budget une dépense nouvelle et en quelque sorte permanente. Il s'agit d'une dépense qui concerne une entreprise dont on s'est beaucoup préoccupé, la colonie de Santo-Thomas.

Jusqu'à présent le gouvernement ne nous a pas fait connaître quelles étaient ses vues à cet égard. Une société s'est constituée afin de coloniser une contrée dans l'Amérique centrale. Cette colonisation paraît n'avoir pas réussi. Mais il me semble qu'à la colonisation a succédé un autre système. Cette entreprise a donné naissance à un comptoir.

On dit que ce comptoir pour peu qu'il obtienne l'appui du gouvernement, peut devenir un point d'arrivée favorable pour les objets que l'on fabrique dans ce pays. On m’assure qu'il est des négociants qui font dès à présent un commerce d'exportation très avantageux avec cette colonie.

Je désirerais que le gouvernement nous dise s'il juge que ce comptoir offre des avantages au pays. J'ai des motifs de le croire, puisqu'il propose de rattacher à cet établissement une dépense nouvelle.

Je voudrais que nous fussions complètement éclairés sur cette question.

Le gouvernement a envoyé en Amérique un homme intelligent attaché à la diplomatie, afin d'examiner quelle était la situation de cette colonie.

On y a même envoyé un navire, afin de faciliter le retour, en Europe, de ceux des colons qui paraissaient y être malheureux, délaissés. D'après ce que j'ai entendu dire, la plupart de ces colons se sont refusés à revenir en Europe ; il est permis d'en induire qu'il n'y fait pas aussi mauvais vivre qu'on a cherché à le faire croire, et que la position des colons n'est pas aussi mauvaise qu'on l'a prétendu.

Je voudrais qu'une bonne fois le gouvernement nous dît ce qu'il entend faire de cette entreprise qui a eu tant de retentissement dans le pays.

L'agent diplomatique qui avait été envoyé à Guatemala est revenu en Belgique ; depuis lors un premier rapport a été déposé et imprimé ; il paraît qu'un second rapport a encore été déposé ; mais il n'est pas imprimé ; je demanderai à M. le ministre des affaires étrangère, de vouloir le livrer à la publicité en le faisant imprimer. Une fois le rapport imprimé, alors peut-être il pourra surgir une discussion utile.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d’Hoffschmidt). - Messieurs, je ne vois aucune difficulté à faire imprimer le rapport qui m'est parvenu, il y a deux ou trois jours, de la part de l'agent diplomatique qui a été envoyé à Guatemala et à le faire distribuer aux membres des deux chambres.

Messieurs, l'honorable préopinant se trompe en disant qu'il s'agit, par le crédit demandé, d'introduire dans le budget une dépense nouvelle ; il ne s'agit que d'un crédit supplémentaire destiné à payer des créances arriérées. C'est par suite de l'engagement contracté par le gouvernement à l'égard de notre consul, qu'on doit satisfaire aux engagements contractés par la compagnie envers cet agent. Notre agent avait en 1843 un traitement de 3,000 fr. ; on a porté ce traitement à 5,000 fr. en 1844 ; il est évident que cet agent consulaire ne se serait jamais engagé à aller à Guatemala, s'il n'avait pu compter que sur 3,000 d'abord et puis sur 5,000 fr. ; mais la compagnie s'était engagée à payer 6,000 fr. à notre agent : c'est confiant dans cette promesse que M. Cloquet a consenti à aller à Guatemala.

Or, la compagnie n'a pas payé ; et le gouvernement, dans l'arrêté royal qui a fixé le traitement du consul, s'est engagé à lui parfaire le chiffre de ce traitement pour le cas où la compagnie ne s'exécuterait pas. C'est ce qu'il s'agit maintenant de réaliser. La compagnie n'a pas payé pendant trois ans et trois mois ; cela ferait 19,500 fr. dont il faut déduire la valeur des vivres qu'elle a fournis à M. Cloquet. Le gouvernement a déjà payé sur cette somme 7 mille et des cents francs, qui ont été prélevés sur les crédits destinés aux agents consulaires en 1846 ; il reste à payer 8,889 fr. 31. S : on réduit le chiffre, ainsi que le propose la section centrale, il en résulterait de deux choses l'une : ou bien le gouvernement payera au sieur Cloquet plus que les chambres ne l'auraient autorisé à payer ; ou bien il réclamera auprès de la compagnie une somme plus élevée que celle qu'il aura payée ; le gouvernement a droit de réclamer de la compagnie 16,314 fr. Eh bien, c'est cette somme qu'il s'agit de remettre à M. Cloquet ; si vous adoptez la proposition de la section centrale, il en résultera que vous réclamerez de la compagnie une somme de 2,900 fr. que vous n'aurez pas payée.

(page 616) Je crois donc qu'il convient d'adopter le chiffre que le gouvernement a proposé.

M. Lys. - M. le ministre et M. le rapporteur de la section centrale ne sont pas d'accord sur le chiffre. L'arrêté de février 1843 dispose qu'un traitement de 9,000 fr. sera alloué au sieur Cloquet, c'est-à-dire 3,000 fr. sur le trésor public, et 6,000 fr. à charge de la compagnie ; l'arrêté garantit ces 6,000 fr. au titulaire. Un nouvel arrêté du 21 juillet 1844 alloue au sieur Cloquet 5,000 francs ; et, dans cet arrêté, le gouvernement semble prendre un engagement singulier, celui de garantir toute rétribution que la commission belge de colonisation pourrait affecter par la suite à indemniser notre consul. Si donc la compagnie avait alloue 12,000 fr. à cet agent et qu'elle ne se fût pas exécutée, le gouvernement aurait dû se substituer à elle.

M. le ministre des affaires étrangères nous a dit qu'il n'y avait pas d'autre arrêté pour fixer la somme due au sieur Cloquet ; cependant, M. le ministre a déclaré qu'on accordait à cet agent une somme de 12,000 fr. ; or, en réunissant les deux éléments dont le traitement se compose, on a, non pas 12,000, mais 11,000 fr.

Je ne puis assez insister sur le singulier engagement qu'avait pris le gouvernement. D'après le premier arrêté, il garantissait au sieur Cloquet la somme de 6,000 francs, et d'après celui de 1844, il semblait lui garantir toutes les indemnités quelconques que la compagnie de colonisation jugerait bon de lui accorder. Dans cet arrêté, on disait que le sieur Cloquet jouirait pendant tout le temps qu'il exercerait des fonctions consulaires à Guatemala, d'une indemnité annuelle de 5,000 francs, quelle que fût la rétribution que la compagnie pourrait affecter au poste de commissaire du gouvernement. Ainsi, si l'on appliquait la disposition de l'arrêté de 1841 à l'arrêté de 1844, et si la compagnie avait donné 12,000 francs à notre agent, le gouvernement aurait été responsable pour cette somme. Moi, je crois que quand on a alloué en 1844 5,000 fr. à notre agent, sans reproduire textuellement dans l'arrêté la clause de garantie qui se trouvait dans l'arrêté de 1843, on a voulu déroger à ce dernier arrêté, et que dès lors il n'y a plus d'obligation de la part du gouvernement.

M. de Mérode. - Messieurs, le ministère actuel a, dans l'entreprise de la colonisation à Guatemala, un avantage qui devrait l'enhardir à s'expliquer complètement.

En effet ce n'est pas le ministère actuel, mais un ministère ancien, qui a accordé son patronage à l'entreprise. Et puis les choses se sont éclaircies de plus en plus ; on a envoyé un membre de la diplomatie fort capable et très à même de prendre des renseignements sur les lieux ; ces renseignements ont été très favorables et cependant le gouvernement ne s'explique pas sur l'affaire dont il s'agit, sur la fondation d'un comptoir, sur les moyens de tirer parti d'une entreprise à laquelle le gouvernement s'est intéressé. Une affaire commencée doit se suivre, les ministres ne sont pas toujours les mêmes, le gouvernement subsiste, un ministère succède à un autre, il contracte l'engagement de ne pas laisser perdre, s'il y a moyen, ce qu'un ministère précédent a commencé. Il est dans une position d'autant plus favorable que, n'étant pas fondateur, il n'a pas la responsabilité de la fondation. Tous les jours je reçois, des Flandres surtout, les nouvelles les plus affligeantes, partout on se plaint d'une misère qui va toujours croissant.

Quand il y aurait moyen de faciliter les expatriations par la colonisation, on laisse tomber la seule entreprise qui ai été faite. Je voudrais que d'autres personnes fissent des essais semblables, mais on n'en a pas fait ; l'état des Flandres est toujours le même ; on essaye bien quelques palliatifs que je suis loin de blâmer, mais on ne fait rien d'important pour sortir de la situation où l'on se trouve.

Puisque l'attention de la chambre est appelée sur la colonie de Santo-Thomas, je voudrais que le gouvernement fît connaître au public et à la chambre ce qu'il pense de cette entreprise.

Je sais qu'on a essayé d'y cultiver et qu'on a obtenu des produits satisfaisants en maïs et pommes de terre, et que les colons y vivent de leur culture malgré le délaissement où ils se trouvent, parce que la compagnie n'a plus les moyens de fournir les sommes nécessaires à la direction de l'entreprise.

Je vois là quelque chose d'utile à poursuivre. Je désirerais que le gouvernement s'en expliquât ; je ne veux pas susciter d'embarras au gouvernement, mais l'engager à profiter des essais qui ont été faits, s'il y trouve utilité. Pour moi, je pense qu'il y a utilité à le faire.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d’Hoffschmidt). - Je ne fais aucune difficulté de donner à l'honorable membre et à la chambre quelques explications sur la colonie de Santo-Thomas. La chambre doit se rappeler que le gouvernement a toujours déclaré dans cette enceinte qu'il n'entendait pas se mêler des affaires de la compagnie de colonisation de Santo-Thomas. qu'il considérait cette entreprise comme une entreprise particulière. Nous n'avons pas de motifs pour adopter une autre opinion en ce moment ; mais est-ce à dire que le gouvernement n'a jamais rien fait pour cette colonie ? Ce serait là une erreur. Le gouvernement est intervenu indirectement ; plusieurs fois il a accordé entre autres des secours aux Belges nécessiteux, malades ou orphelins de la colonie ; il a envoyé, à différentes reprises, des agents sur les lieux pour intervenir près du gouvernement de la république de Guatemala, en faveur de la colonie ; il subsidie un service de navigation à voiles entre Anvers et Santo-Thomas ; enfin dans les derniers temps (et il y a même un crédit supplémentaire considérable qui vous est demandé pour cet objet), en dernier lieu il a envoyé un navire pour chercher les colons qui jugeraient convenable de revenir dans la mère patrie. Soixante-trois ont accepté la proposition qui leur était faite et ont été transportés de Santo-Thomas en Belgique. Sur ce nombre, sept avaient l'intention de retourner en Amérique, les autres étaient maladifs ou ne pouvaient être d'aucune utilité pour la colonie. Cette mesure a eu des résultats favorables, en débarrassant la colonie d'individus qui étaient une véritable charge pour elle ; quant aux autres,, au nombre de 210, ils ont préféré restera Santo-Thomas.

D'après les renseignements qui me sont parvenus dans le courant de l'année dernière, de grandes améliorations ont été introduites par la direction intelligente donnée à la colonie par le directeur actuel : les colons sont mieux nourris, mieux logés, mieux vêtus ; presque tous ont du bétail et se livrent avec fruit à la culture des terres. La situation s'est aussi améliorée quant à l'état sanitaire ; les dernières nouvelles sont favorables, l'état sanitaire paraît être excellent. Maintenant, messieurs, le gouvernement est disposé à favoriser l'établissement d'un comptoir à Santo-Thomas ; nous l'avons déjà annoncé, je crois, dans cette enceinte.

La position de Santo-Thomas est très importante au point de vue commercial ; et c'est là surtout ce qui doit attirer l'attention du gouvernement ; le port de Santo-Thomas, dans l'état actuel, est déjà fréquenté par plus de cent navires par année ; c'est un port d'une haute importance par sa position au centre de l'Amérique, dominant le golfe de Mexique, à portée des Antilles ; s'il y avait là un comptoir dirigé par des hommes habiles ayant à leur disposition des capitaux suffisants, il pourrait donner lieu à des exportations considérables des produits de notre industrie.

Au point de vue commercial, le gouvernement agira donc sagement en favorisant l'établissement d'un comptoir à Santo-Thomas par une société.

Ainsi le cabinet ne croit pas devoir intervenir dans les affaires de la compagnie, ni dans ce qui concerne la colonisation agricole ; mais si des capitalistes présentant les garanties nécessaires, à certaines conditions, offraient de former un comptoir à Santo-Thomas, je pense qu'il devrait aider à la réalisation d'un semblable projet. Qu'on veuille bien le remarquer, si un comptoir s'établissait à Santo-Thomas, si des relations commerciales s'y développaient, ce serait le meilleur moyen de venir en aide à la colonie. Il n'est guère possible qu'une colonie se soutienne longtemps en Amérique sans relations commerciales ; toute colonie sans la vie commerciale échouerait inévitablement. Ce n'est qu'avec des relations commerciales qu'une colonie lointaine peut se soutenir et se développer. Quand des relations commerciales existent, la population ne tarde pas à s'accroître. Belize, colonie anglaise, située dans les mêmes parages que Santo-Thomas, est dans une position beaucoup moins favorable, commercialement parlant, que Santo-Thomas ; cependant elle fait déjà des affaires pour 25 millions de francs par année.

Je n'entrerai pas pour le moment dans de plus grands développements sur cette question. Je crois avoir répondu suffisamment à l'honorable préopinant et avoir démontré que le gouvernement ne perd pas de vue la colonie de Santo-Thomas, qu'il ne se refuse pas à lui venir indirectement en aide, mais en restant dans les limites qui lui sont tracées par le budget ou par notre situation financière.

M. de Garcia. - D'après les engagements qui ont été pris par le gouvernement, il est un fait incontestable, c'est que le gouvernement est tenu de garantir le traitement attribué à son commissaire par la compagnie de colonisation.

Un autre fait non moins incontestable, c'est que le gouvernement, qui n'est que garant, ne doit payer que pour autant que la compagnie ne satisfait pas à ses obligations. Dans cet état, il est évident, selon moi, que le gouvernement ne doit effectuer de payements à la décharge de la compagnie de colonisation que pour autant que le commissaire du gouvernement et de la compagnie ait fait contre cette dernière les diligences nécessaires pour être soldé par celle-ci ; ce fait, qui n'est rien moins qu'établi, domine toute la question. Il ne peut être négligé sans s'exposer à mettre à charge du pays une dépense qui incombe directement et réellement à charge de la compagnie de colonisation.

Qu'il me soit permis d'attirer toute l'attention de l'assemblée sur ce point, et de lui rappeler que, d'après les principes du droit commun, le garant n'est tenu à payer que dans le cas où la personne cautionnée se refuse et se trouve dans l'impossibilité de satisfaire à ses obligations. Sans doute, la chambre peut prendre une résolution contraire à ces principes ; mais, à mes yeux, elle est contraire aux intérêts du pays et aux notions les plus simples de droit.

Je tenais à faire celle observation, pour que la chambre sache à quoi elle s'engage.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - On nous demande de nous expliquer sur l'état de la colonie de Guatemala. Nos prédécesseurs ont présenté cette entreprise comme une affaire d’intérêt privé, à laquelle le gouvernement a prêté son concours. Nous n'avons pas à juger ici la conduite du gouvernement dans le passé, en ce qui concerne cette affaire ; nous la prenons dans l'état où elle se présente aujourd'hui ; et nous n'hésitons pas à déclarer qu'il y a là pour la Belgique un point commercial d'une certaine importance.

Nous ferons donc tout ce qui nous sera possible pour contribuer au développement successif de cet établissement, au point de vue commercial d'abord, puis au point de vue qui vient d'être indiqué par l'honorable M. de Mérode, au point de vue de l'émulation. L'honorable comte de Mérode pense qu'une émigration vers Guatemala pourrait procurer un soulagement à la situation des populations flamandes. Il pense que (page 617) jusqu'ici le gouvernement ne fait rien ou presque rien pour ces populations.

M. de Mérode. - Je ne dis pas cela.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - L'honorable préopinant pensé qu'on se borne à de simples palliatifs. C'est l'expression consacrée.

Je tiens à déclarer que les mesures prises par le gouvernement ne sont pas de simples palliatifs ; que ces mesures auront des résultats efficaces ; que loin que le gouvernement néglige cette question, il ne se passe pour ainsi dire pas de jour où il ne soit pris de mesures en faveur des Flandres. D'autres sont projetées. L'émigration a été indiquée par le gouvernement comme un des moyens à tenter. D'ici à quelque temps, la chambre sera saisie d'une grande loi, qui comprendra, dans plusieurs de ses dispositions, des remèdes en faveur des Flandres, plus puissants, plus efficaces que ceux que nous avons été appelés à porter dans la limite de nos crédits. C'est alors que la question d'émigration se présentera avec plusieurs autres. Alors, j'espère, le concours de l'honorable M. de Mérode nous sera assuré pour l'adoption de tous les remèdes que nous comptons proposer en faveur des Mandres.

Mais il ne faut rien exagérer ; il ne faut pas croire que le gouvernement veuille recommander l'émigration comme pouvant procurer un grand et prompt soulagement aux populations. L'émigration ne peut s'effectuer immédiatement, ni sur une grande échelle ; il faut y aller lentement, sagement, progressivement. Sans doute, il peut être utile qu'un certain courant d'émigration s'établisse entre les Flandres d'une part et Guatemala et d'autres pays transatlantiques d'autre part. Mais ce serait donner une importance exagérée au poids de Guatemala que de le présenter comme une grand ressource pour les populations flamandes.

Le rapport qui est parvenu récemment au gouvernement sera publié. Il y a amélioration dans la situation ; le gouvernement en tiendra compte. S'il nous était démontré que les conditions sanitaires de cette partie de l'Amérique, tout intéressante qu'elle peut être au point de vue commercial, offrissent peu de garantie aux émigrants, ce n'est pas sur un point pareil du globe que nous voudrions provoquer l'émigration des populations flamandes. Nous ne voudrions pas d'un lieu d'émigration ou elles trouveraient une mort certaine. Mais les rapports qui nous sont parvenus présentent l'état sanitaire comme plus rassurant.

Voilà les explications que j'avais à donner pour le moment.

D'ici à peu de temps le gouvernement s'expliquera en présentant un projet de loi. La chambre aura à son tour à s'expliquer sur le point de savoir jusqu'où elle veut venir en aide au gouvernement dans ce qu'il se propose de faire successivement en faveur des populations flamandes.

M. Rodenbach. - Messieurs, je suis très satisfait d'entendre M. le ministre de l'intérieur déclarer qu'on s'occupera sérieusement des Flandres.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - On s'en occupe sérieusement.

M. Rodenbach. - J'en conviens ; j'allais déclarer que, quoi qu'on ait dit, jusqu'à présent qu'il n'y avait rien eu de fait, je savais tout le contraire. Je sais que déjà des actes ont été posés, des arrêtés ont été pris pour venir en partie au secours de quelques populations flamandes. Sous ce rapport, je déclare que je suis très satisfait des premiers arrêtés pris par le gouvernement, d'autant plus que M. le ministre vient de nous promettre qu'il sera bientôt présenté un projet qui rendra des services plus efficaces aux Flandres.

Messieurs, vous le savez, la misère fait chaque jour de nouveaux progrès. Les populations sont décimées ; la mortalité, dans plusieurs de nos communes, est doublée, triplée et même quintuplée depuis deux ans. Tous les jours nous voyons, dans les états-civils qui sont publiés, la preuve de cette excessive mortalité.

Messieurs, je n'avais demandé la parole que pour réclamer de tout mon pouvoir le projet que vient de nous promettre M. le ministre. Mais puisqu'on a parlé de la colonie de Santo-Thomas, je dois dire que moi aussi je pense que, pour diminuer la misère de nos malheureux compatriotes, des transplantations de populations sont devenues nécessaires. Il est prouvé que l'extrême misère des Flandres provient en partie de l'exubérance de leur population, que cette population est deux fois plus forte que celle de certaines autres provinces de la Belgique. Autrefois il y avait des industries, notamment le filage et le tissage des toiles, qui pouvaient nourrir ce trop plein de population. Ces industries ne sont plus dans leur ancien état de prospérité, et quoi qu'on dise et quoi qu'on fasse, il ne sera plus possible à tous d'exister si l'on ne transplante une partie de cette population, relativement la plus forte de l'Europe.

On a parlé de l'Amérique centrale. Les Anglais ont aussi envoyé des colons dans cette contrée, et on y a acquis la preuve que les hommes appartenant à notre climat n'y pouvaient travailler plus de deux ou trois heures par jour. J'ai eu un entretien avec un homme éclairé, un consul anglais, qui a été envoyé dans ce pays, et il m'a confirmé ce fait.

Je désire donc, si l'on pense à faire émigrer nos malheureux Flamands, que l'on cherche une contrée plus septentrionale, par exemple, sous le 40e ou 50e degré de latitude. Mais sous la zone torride, il n'y a guère que les nègres qui puissent y travailler. On peut y établir des comptoirs, y faire le commerce ; mais il est impossible que des Belges y travaillent longtemps sans détruire leur santé.

J'appelle l'attention du gouvernement sur cette question. Ce n'est pas dans un pays où elle ne pourraient que trouver la mort qu'il faut penser à transplanter nos populations.

M. de Mérode. - L'honorable M. Rodenbach vient de dire qu'il est impossible de travailler plus de deux ou trois heures sous le climat de Guatemala. Mais si l'on consulte les rapports faits par des témoins oculaires, par ceux qui ont même été chargés par le gouvernement de l'exploration du pays, on verra que nos colons peuvent travailler plus de deux ou trois heures par jour. D'ailleurs, il ne faut pas oublier qu'on n'est pas obligé dans cette contrée de travailler autant qu'ici pour obtenir la même quantité de substances alimentaires. Une heure de travail y produit des résultats plus avantageux que deux ou trois heures dans notre climat, parce qu'au moyen de petits travaux, on y obtient de grandes récoltes.

J'approuve du reste l'opinion de l'honorable M. Rodenbach qu'il faut chercher à coloniser dans des pays plus septentrionaux. Mais il n'est pas nécessaire, pour faire valoir un pays, d'exciter des préventions contre un autre où déjà un commencement d'établissement existe et produit des résultats avantageux.

Je fais des vœux pour qu'on se livre à d'autres entreprises de colonisation. C'est pour cela que j'ai pris un intérêt dans celle de Santo-Thomas. Je considère comme indispensables des entreprises de colonisation et je ferai des vœux pour le succès de toutes celles qui seront tentées ; j'y vois un grand moyen de venir au secours de nos populations malheureuses.

M. Mercier. - M. le ministre de l'intérieur vient de nous annoncer la présentation prochaine d'un projet de loi comprenant un ensemble de mesures propres à soulager la misère qui afflige deux de nos provinces ; le gouvernement peut être persuadé que chacun de nous examinera avec la plus vive sollicitude les projets qu'il a médités pour venir au secours des populations souffrantes.

Dans l'intérêt de ces populations, je crois devoir insister pour que l'on ne comprenne pas dans le projet de loi des dispositions qui n'auraient pas un rapport direct avec la situation des Flandres, parce que ces dispositions pourraient porter atteinte à la liberté de notre vote et nous entraîner dans de très longues discussions qui ne feraient que prolonger les souffrances auxquelles nous avons hâte de venir en aide.

M. David. - Je me demande, messieurs, jusqu'où doit aller notre générosité rétroactive à l'égard de l'agent du gouvernement près la société de colonisation à Santo-Thomas, quand je vois, par une pétition que je pourrais lire à l'assemblée, combien peu de protection ont trouvé quelques-uns de nos malheureux compatriotes, protection sur laquelle ils devaient pouvoir compter, auprès dudit agent.

Une malheureuse famille de 9 personnes réduites bientôt à trois est partie pour Santo-Thomas, a acheté des propriétés à la société, et quand une mère estropiée, restée avec deux enfants en bas âge, a voulu revenir en Belgique et a réclamé la restitution des sommes employées en acquisition, on l'a obligée à s'embarquer pour son pays avec promesse, il est vrai, d'être remboursée ; mais elle n’a rien reçu et mendie aujourd'hui dans les environs de Louvain, je crois. Quel était cependant le devoir de l'agent ? Ne devait-il pas protéger cette pauvre femme contre les exigences de la société de colonisation ? Il ne l'a pas fait, et je demanderai à M. le ministre des affaires étrangères de vouloir donner des instructions sérieuses à nos agents consulaires, et à Santo-Thomas et partout où il en existe. Le peu de services rendu jusqu'à présent au commerce et à l'industrie belges, m'autorise à adresser cette demande à M. le ministre. Je voterai contre le chiffre du gouvernement.

M. Osy, rapporteur. - M. le ministre de l'intérieur nous a dit qu'il était de la dignité du gouvernement de maintenir les engagements du ministère précédent, et que si la société ne payait pas, le gouvernement devait payer. Messieurs, c'est ce qui se trouve consigné dans le rapport. Nous disons que strictement nous ne devions pas payer, mais que pour sauvegarder la dignité du gouvernement, nous proposons d'allouer les 6,000 fr. que la société n'a pas payés. Mais M. le ministre des affaires étrangères raisonne toujours comme s'il fallait payer sur le pied d'un traitement de 12,000 fr., traitement qui n'a été fixé à ce chiffre que pour 1848. La section centrale vous propose de liquider pour les années antérieures à 1848, à raison d’un traitement de 9,000 fr., bien que, d'après l'arrêté de 1844, ce traitement ne devait être que de 5,000 fr.

M. Delehaye. - Je comprends difficilement le conseil que l'honorable M. Mercier vient de donner au gouvernement. Je ne dirai pas, comme le poète, Timeo Danaos et dona ferentis, mais je dirai que le gouvernement fera parfaitement bien de ne pas trop se fier au langage qu'on lui tient dans cette circonstance.

J'engage le gouvernement à nous soumettre son plan tout entier. Je désire qu'il nous fasse connaître toutes les mesures qu'il se propose de prendre dans l'intérêt du travail national, sans exception de quelque province que ce soit.

Sans doute la misère est très grande dans les Flandres. Mais ne perdons pas de vue que ce n'est pas seulement l'ouvrier Flamand qui réclame du travail, que les ouvriers d'autres contrées en réclament aussi.

Qu'arriverait-il si le gouvernement suivait le conseil de l'honorable M. Mercier ? On dirait immédiatement que le gouvernement n'a pas de plan arrêté, qu'il n'a à proposer que quelques mesures inefficaces, et que des mesures utiles, il ne sait ni en prendre ni en indiquer.

Il est donc de l'intérêt des Flandres, comme de l'intérêt du ministère, de nous faire connaître l'ensemble de ses mesures.

A mon tour je donnerai un conseil au ministère ; il pourra apprécier quel est celui qui lui sera le plus utile.

(page 618) J'engage le ministère à se presser le plus possible de présenter son projet. Il est de fait que le peuple a faim et qu'il attend depuis deux mois. Je désire donc qu'on ne perde pas de temps. Je désire surtout que nous puissions nous occuper le plus tôt possible des propositions relatives aux travaux publics, qui probablement feront partie de son projet, pour qu'aussitôt après le retour de la bonne saison, l'ouvrier puisse mettre la main à l'œuvre.

Ainsi, messieurs, plan général, d'un côté, et, d'un autre côté, célérité et grande célérité pour tout ce qui concerne les travaux publics.

M. Mercier. - Il semblerait d'après les paroles que vient de prononcer l'honorable M. Delehaye, que parce que je ne partage pas son opinion sur la question des sucres qui intéresse plus ou moins une ville des Flandres, je n'éprouve pas la vive sympathie qu'il témoigne lui-même pour les populations souffrantes de ces provinces ; c'est du moins la pensée que je puis lui attribuer dans la citation qu'il a faite du Timeo Danaos et dona ferentes. Mais, messieurs, mon concours n'a jamais fait défaut aux mesures destinées à soulager les misères de nos concitoyens ; il m'importe peu que les malheureux à secourir habitent les Flandres ou le Brabant ou toute autre province ; je ne fais point de distinction entre les Belges. Si l’honorable M. Delehaye a invoqué un motif d'urgence, c'est précisément sur ce motif que je me sais appuyé pour qu'on écarte du projet de loi annoncé toute disposition qui n'aurait pas un rapport direct à son véritable objet.

- La clôture est demandée et prononcée.

Le chiffre proposé par le gouvernement est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

Le chiffre proposé par la section centrale est ensuite adopté.

Article unique. Paragraphe 4

« § 4. 100,465 fr. 85 cent., à l'article unique du chapitre V. Frais à rembourser aux agents du service extérieur.

M. Osy, rapporteur. - Messieurs, dans cet article il s'agit de deux objets relatifs à nos consulats, qui remontent à 3 années, irrégularité que dois encore signaler, car je ne conçois pas que le gouvernement laisse des fonctionnaires publics à l'étranger sans les payer et sans demander aux chambres les crédits nécessaires à cet effet. Il s'agit d'une somme de 34,000 fr. qu'on a négligé de demander aux chambres ou dont on n'a pas osé avouer la nécessité aux chambres ; mais l'observation principale que j'ai à présenter porte sur un autre point. Il y a dans le crédit demandé une somme de 63,000 fr. ; je ne critique pas la dépense, car, ainsi qu'on l'a dit à la section centrale, c'est une dépense d'humanité ; la chambre avait souvent demandé qu'on fît revenir de Guatemala les colons, qui y étaient très malheureux ; le gouvernement a trouvé convenable de faire dans ce but une expédition clandestine ; je dis clandestine parce qu'on n'a pas trouvé convenable d'en parler aux chambres.

Eh bien, messieurs, cette dépense a été augmentée de 10,000 fr. par une des plus grandes irrégularités qui aient jamais été commises. Le gouvernement décide qu'il enverra le navire Adèle à Santo-Thomas, mais au lieu de demander un crédit aux chambres, ou au moins, comme on le fait pour tous les crédits supplémentaires, de laisser attendre le créancier jusqu'à ce que les fonds fussent votés, au lieu de cela, on a remis à quelqu'un à Anvers une somme de 10,000 fr. de la main à la main, avant le départ du navire. Je ne sais pas où le gouvernement a pris cet argent, car la cour des comptes, certainement n'aurait pas visé un mandat pour une somme non portée au budget. Eh bien, la personne qui avait reçu cas 10,000 fr., en a fait un mauvais usage et le gouvernement a été obligé de payer deux fois. Il y a eu là, messieurs, une grave irrégularité. Si, dans un cas d'urgence absolue, le gouvernement croit devoir, en l'absence des chambres, faire une dépense pour laquelle il n'y a pas de fonds au budget, il doit au moins attendre, pour payer, qu'un crédit ait été voté. Ce faussaire a été condamné, comme vous le voyez, messieurs, par le rapport de la section centrale, mais la chose ne serait pas arrivée, si le gouvernement n'avait pas payé la somme avant que la dépense ne fût faite.

M. Dechamps. - Messieurs, le fait auquel l'honorable membre vient de faire allusion est facile à expliquer. L'année dernière, le gouvernement, sur les réclamations des chambres et ensuite d'un engagement pris devant elles, sur les rapports reçus de Santo-Thomas et connaissant la situation de la compagnie, qui ne pouvait pas faire revenir les colons, crut que c'était pour lui un devoir d'humanité d'affréter un navire pour ramener les orphelins et les colons qui, librement, voudraient revenir en Belgique. Lorsque cette décision eut été prise, je chargeai M. l'inspecteur général de la marine de prendre les mesures nécessaires pour l'exécuter. Ce fonctionnaire me proposa de charger de l'affrètement du navire un employé du gouvernement provincial, qui avait été secrétaire de plusieurs gouverneurs de la province d'Anvers, qui était entouré de la confiance générale et qui se trouvait à la tête d’une compagnie.

Ce choix était unanimement approuvé à Anvers, et je ne crus pas devoir hésiter à le ratifier.

Maintenant, qu'est-il arrivé ? Cet employé présenta au département des affaires étrangères des comptes relatifs à l'appropriation et au premier ravitaillement du navire, avant le départ. C'était une dépense urgente, il était impossible de l'ajourner jusqu'à la réunion des chambres ; eh bien, il est arrivé que cet employé a été infidèle, et lorsque le compte m'a été présenté, j'ai reconnu qu'il était faux, et j'ai dû remplir le pénible devoir de faire connaître les faits à mon collègue le ministre de la justice, qui a ordonné des poursuites.

L'honorable M. Osy ne critique pas du tout la décision prise par le gouvernement d'affréter un navire, il ne critique pas le choix qui a été fait alors, mais que critique-t-il ? Qu'on n'ait pas attendu la réunion des chambres pour dépenser la somme de 10,000 fr., au moyen de laquelle il fallait pourvoir aux premiers besoins du navire. Eh bien, messieurs, l'urgence était évidente, et il était impossible d'attendre la réunion des chambres.

La dépense dont il s'agit, messieurs, a été faite, si j'ai bon souvenir, sur les frais à rembourser aux agents du service extérieur, et en partie sur le budget de la marine, sauf à régulariser la chose au prochain budget. Eh bien, je pense que cette dépense n'a pas été irrégulière ; et que, vu son urgence, il m'était impossible d'attendre la réunion des chambres pour la faire effectuer.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d’Hoffschmidt). - Messieurs, je n'ai rien à ajouter aux explications données par l'honorable préopinant ; c'est en effet sous son administration que le fait a eu lieu ; du reste ces explications ont déjà été données dans le rapport de la section centrale.

- La discussion est close. Le chiffre est adopté.

Article unique. Paragraphe 5

« Missions extraordinaires, traitements d'agents politiques et consulaires en non-activité, fr. 25,140 01 c. »

La section centrale propose de réduire le chiffre à 20,511 fr. 61 centimes.

Le gouvernement déclare se rallier à ce chiffre.

M. Osy, rapporteur. - Je suis charmé que le gouvernement se rallie ici au chiffre de la section centrale. Le gouvernement nous avait en effet proposé une dépense vraiment luxueuse, consistant à accorder une indemnité de près de 100 francs par jour à un agent pour un voyage de quatre mois à San-Yago.

J'engage le gouvernement à faire un tarif, réglant ce que nos consuls et agents peuvent porter en compte.

Un agent a été envoyé à Guatemala ; un crédit est demandé de ce chef ; la majorité de la section centrale a déclaré qu'elle désirait avoir des explications sur ce point. Cet agent avait été nommé consul au Mexique où il ne s'est jamais rendu ; il est toujours resté dans la colonie de Guatemala avec un traitement très élevé, et en outre on demande pour lui des frais extraordinaires.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d’Hoffschmidt). - Messieurs, le montant des frais qui avaient été primitivement réclamés par notre envoyé au Chili par pièces justificatives en due forme, avait été fixé d'après la base déjà adoptée pour une mission qu'il avait remplie en 1848 ; le gouvernement a trouvé en effet que le chiffre en était trop élevé, et il l'a réduit à la somme qui est actuellement proposée par la commission. Cet agent, messieurs, a été soumis à des dépenses et à des frais très considérables, que nous ne pouvons pas apprécier au point de vue de ce qui se passe en Belgique ; le chiffre, tel qu'il est proposé maintenant, me paraît donc pouvoir être admis par la chambre.

Quant à l'autre agent dont l'honorable M. Osy vient d'entretenir la chambre, déjà, messieurs, dans le cours de cette discussion, on a fait mention de la mission qu'il a remplie à Guatemala, mission qui a consisté principalement à examiner la situation de la colonie et à faire un rapport au gouvernement sur cette situation. La chambre a été saisie de ce rapport qui jette de grandes lumières sur cette question. On a alloué à cet agent l'indemnité de 20 francs par jour de séjour sur le territoire guatémalien, conformément au règlement sur la matière.

Quand un agent diplomatique est envoyé dans un pays autre que celui de sa résidence, il lui est alloué une certaine indemnité en vertu des règlements, et l'on conçoit qu'un séjour momentané dans un pays lointain doit entraînera des dépenses qui n'auraient pas lieu sans ce déplacement.

M. Blondeel, qui a rempli cette mission, s'est donc conformé aux instructions qu'il avait reçues, en ce qui concerne l'examen de la situation de la colonie, et la chambre a pu apprécier par les rapports qu'elle a reçus et qui ont été imprimés et distribués, que M. Blondeel a rempli de la manière la plus complète et la plus satisfaisante la mission qui lui avait été confiée sous ce rapport.

Je crois donc qu'il y a lieu d'adopter également le chiffre qui a été proposé pour couvrir les frais de route et de séjour de cet agent pendant la durée de sa mission au Guatemala.

M. de Man d’Attenrode. - Messieurs, je voudrais avoir quelques renseignements sur une somme de fr. 16.980 51, demandée pour un séjour de M. Bosch à San-Yago. Cette somme se rapporte à une mission accomplie au Chili, mission qui avait pour but de provoquer des relations commerciales entre ce pays lointain et la Belgique. Si les renseignements que j'ai obtenus sont exacts, cette mission a coûté au pays près de 300,000 fr.

Maintenant cet agent est rentré en Belgique, et l'on m'assure qu'a est porteur d'un traité de commerce entre la Belgique et le Chili. Je désirerais que M. le. ministre des affaires étrangères voulût bien s'expliquer sur la nature de ce traité, et s'il compte le communiquer à la chambre.

D'après un N. B. imprimé au bas de la page du rapport, je trouve que l'indemnité demandée avait été plus ou moins contestée par l'honorable prédécesseur de M. le ministre des affaires étrangères ; l'honorable M. Dechamps avait réclamé des pièces justificatives de la dépense, et il n'avait pas voulu provoquer la liquidation de la somme demandée, avant (page 619) que ces pièces ne fussent produites ; le rapport ne nous apprend pas si cette justification a eu lieu.

La section centrale a réduit le chiffre de 4,628 fr. 40 c. Cette réduction n'est pas bien considérable ; les frais de séjour ont été calculés à raison de 98 fr. par jour ou le traitement annuel de 25,000 fr. et la section centrale ne propose qu'une réduction de 4,000 fr. environ. La somme proposée est encore trop élevée. Je demande si le gouvernement a reçu toutes les pièces justificatives nécessaires ; je voudrais qu'il nous dît aussi quels sont les résultats d'une mission qui a coûté près de 300,000 fr.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d’Hoffschmidt). - C'est sur la somme primitivement réclamée par notre agent au Chili, que mon honorable prédécesseur avait fait des réserves, trouvant qu'elle dépassait ce qu'il croyait devoir être alloué à cet agent. C'est par suite de l'examen de cette demande que le gouvernement a réduit le chiffre primitif ; et le chiffre sur lequel l'honorable M. Dechamps avait demandé des justifications ultérieures, est celui sur lequel nous avons précisément opéré des réductions.

Quant à la mission, elle date de 1838. M. Bosch, qui a été envoyé d'abord à Lima, et ensuite au Chili, avait pour mission d'abord d'étudier ces contrées sous le rapport des relations commerciales que la Belgique pourrait y établir.

M. Bosch a rempli de la manière la plus complète et la plus satisfaisante ce premier objet de sa mission ; je pourrai citer comme témoignages les avis de plusieurs chambres de commerce, entre autres celui de la chambre de commerce d'Anvers.

Le deuxième objet consistait à conclure avec le Pérou et le Chili des traités de commerce ; il n'a pu parvenir à la conclusion d'un traité avec le Pérou, mais il en a conclu un avec la république du Chili. Ce traité, messieurs, contient quelques dispositions qui méritent d'être sérieusement examinées et qui ont été adoptées en dehors même des instructions du plénipotentiaire.

Cet examen n'est pas encore terminé, il mérite de fixer toute l'attention du gouvernement ; c'est quand il aura pris une résolution qu'il pourra dire à la chambre si le traité dont il s'agit sera soumis à son assentiment. .

- L'article avec le chiffre réduit par la commission, d'accord avec le gouvernement est mis aux voix et adopté.

Second vote des articles

M. le président. - Il y a eu plusieurs amendements, la chambre est-elle d'avis de passer immédiatement au second vote ?

M. le ministre des affaires étrangères (M. d’Hoffschmidt). - Il y a un amendement dont je désire pouvoir apprécier la portée ; je demande la remise du second vote à un autre jour.

M. de Garcia. - Je demande l'exécution du règlement, qui veut que, lorsqu'un amendement est introduit dans une loi, le vote définitif n'ait lieu qu'après un intervalle de 24 heures.

S'il existe des motifs pour s'écarter du règlement, qu'on les fasse valoir, et je les combattrai s'il y a lieu.

- Le second vote est remis à après-demain.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère des affaires étrangères (marine)

Discussion de l’article unique

Article unique

« Article unique. Il est ouvert au département des affaires étrangères, marine, un crédit supplémentaire ne dix mille francs, dont est augmenté l'article premier du chapitre II du budget de la marine, pour l'exercice 1846 (bâtiments de guerre, personnel).

M. Sigart. - Messieurs, à l'occasion du projet en discussion, je crois pouvoir adresser une interpellation an gouvernement.

Le bruit court qu'un navire belge explore la côte de Guinée pour y fonder une colonie.

Je demanderai d'abord si ce bruit est fondé ?

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Je répondrai tout à l'heure. (Interruption.)

M. Sigart. -Je continuerai.

J'ai eu l'honneur de vous exposer mes vues sur l’établissement des colonies. Je vous ai dit celles que je croyais convenir à un grand Etat, je vous ai dit celle que je croyais convenir à un petit Etat ; or, nous ne sommes pas honteux d'avouer que nous formons un petit Etat.

Tout bien analysé, je vous ai dit que je n'en voyais guère qu'une espèce à la portée de nos ressources : les établissements commerciaux. Dans un moment où le gouvernement semble à la recherche de positions commerciales, je crois convenable d'expliquer comment je conçois l'intervention de l'Etat dans la formation de comptoirs commerciaux.

J'ai l'habitude d'exposer mes opinions d'une manière un peu abstraite, sauf à en tirer plus tard des corollaires.

Soit dit en passant, c'est une méthode que je crois propre à assurer la dignité de celui qui l'emploie ; défiez-vous toujours de ceux qui redoutent les principes comme des bagages incommodes ; défiez-vous toujours de ceux qui ont consomment à la bouche les mots de théoricien et d'idéologue.

Aujourd'hui j'ai une occasion d'application. Or, voici ce que je disais il y a peu de temps :

« Ce n'est pas que l'activité d'un gouvernement doive ressembler à celle des particuliers ; presque toujours elle ne doit avoir pour résultat que de délivrer les individus de toute entrave, que d'écarter de leur marche tout obstacle dans la voie du progrès. »

Eh bien ! quel doit être le rôle du gouvernement dans l'établissement d'un comptoir commercial ?

Le rôle du gouvernement dans cette affaire spéciale, comme presque toujours, c'est de donner sécurité aux particuliers, c'est d'assurer leur action, d'empêcher qu'on ne les trouble dans leur travail et qu'on ne leur en enlève violemment les fruits.

Il ne doit pas prendre l'initiative ; il est foncièrement incapable de décider quels sont les lieux, quelles sont les conditions convenables d'établissement.

C'est au commerce lui-même à décider si telle localité offre des ressources commerciales, s'il n'y a pas de concurrence ruineuse à craindre, quels sont les capitaux à réunir, quels agents il faut employer.

Cette initiative du commerce étant prise, le rôle du gouvernement commence. Dans la contrée désignée par les intéressés, il doit choisir un lieu de débarquement avantageux, le moins malsain possible (il n'y a point de plage fort salubre sur la côte de Guinée), et le plus ordinairement il doit y construire un fort ; car les hommes ne font jamais longtemps d'affaires sans avoir des querelles : entre nationaux ce sont des procès, entre étrangers ce sont des guerres.

Presque toujours un comptoir ou factorerie peut se définir : un blockhaus ou fortin armé de deux ou trois canons, gardé par vingt-cinq hommes avec un sous-lieutenant pour gouverneur-général, à l'effet de protéger la traite de la gomme, de l'ivoire ou autre, que certains négociants établissent.

A présent, je demanderai au gouvernement comment il a procédé ?

A-t-il la certitude que des hommes suffisamment nombreux, doués d'activité et d'intelligence, bien armés de capitaux, veulent risquer leur vie, leur fortune ? Il peut, il doit leur donner sécurité, bien entendu si l'intérêt à défendre est en rapport avec ce que sa défense coûtera.

Mais qu'il se garde de fonder lui-même une factorerie et de lui livrer des capitaux pour commercer. Ces capitaux qu'il faudrait soutirer au contribuable, ces capitaux mis aux mains d'agents à qui l'aiguillon de l'intérêt privé ne donne pas l'énergie, la prévoyance, l'économie nécessaires pour le succès, ces capitaux seraient immanquablement et immédiatement gaspillés.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d’Hoffschmidt). - Il est vrai qu'un navire a été envoyé depuis peu sur les côtes d'Afrique, non dans le but d'y fonder une colonie, mais bien de faire une exploration commerciale qui a été vivement réclamée par des négociants de diverses villes du pays. Depuis quelque temps des relations sont ouvertes entre la Belgique et la côte d'Afrique et produisent d'assez bons résultats. C'est donc pour rechercher si ces rapports peuvent se consolider et s'étendre que le navire dont il s'agit a été envoyé dans ces parages pour visiter la partie située entre Gorée et Sierra-Leone. Il pourrait se faire que plus tard on y établît non une colonie, mais un pied-à-terre, un fort pour assurer nos relations commerciales avec ces contrées. C'est un point à examiner ; il n'en est pas question dans l'état actuel des choses ; nous avons seulement à rechercher les renseignements, les éléments d'appréciation qui peuvent nous diriger dans l'examen de cette question.

Du reste, je partage l'opinion de l'honorable M. Sigart. Quand il s'agira d'établir des comptoirs ou des factoreries, ce n'est pas le gouvernement qui devra s'en charger, c'est seulement par des subsides qu'il devra favoriser, aider à créer ces établissements.

Pour vous donner une idée de l'intérêt que les côtes d'Afrique peuvent avoir pour le développement de nos relations commerciales, de l'importance des affaires qui s'y traitent, je vous dirai qu'on évalue à 40 millions de francs les échanges qui s'y font. Il y a peu de temps que des essais ont été tentés par des négociants belges.

Les rapports de la Belgique, qui étaient nuls jusqu'en 1844, ont pris dès l'année suivante un certain développement. En 1845, cinq navires, représentant une capacité de 1,220 tonneaux. ont été expédiés de Belgique vers la côte d'Afrique, et 13 navires mesurant 1,908 tonneaux sont arrivés de ce pays.

Le mouvement du commerce entre la Belgique et la côte d'Afrique pendant cette année 1845, tant à l'entrée qu'à la sortie, représente une valeur officielle de plus de 526,000 fr.

En 1846, le mouvement de la navigation est représenté par 9 navires seulement d'un tonnage de 1,835 tonneaux, et le mouvement du commerce est représenté par une valeur officielle de 223,000 fr. Mais il convient de remarquer que le taux élevé du fret, occasionné par le transport des céréales, a dû mettre obstacle à l'expédition des navires à la côte d'Afrique.

Depuis peu, plusieurs navires sont encore partis pour les côtes d'Afrique qui ont aussi l'avantage d'offrir pour les retours des produits très avantageux nommés « arachides », espèce de tubercule qui sert à faire de l'huile.

Il y a donc avantage réel, évident, à chercher à étendre nos relations commerciales avec cette partie de l'Afrique.

Vote de l'article unique

- Il est procédé au vote par appel nominal sur l’article unique du projet de loi qui est adopté à l'unanimité des 68 membres présents.

Ce sont : MM. Vandensteen, Van Renynghe, Verhaegen, Veydt, Zoude, (page 620) Anspach, Brabant, Broquet-Goblet, Cans, Cogels, d'Anethan, Dautrebande, David, de Bonne, de Brouckere, Dechamps, de Chimay, de Clippele, de Corswarem; Dedecker, de Denterghem, de Foere, de Garcia de la Vega, de Haerne, de La Coste, Delehaye, Delfosse, d'Elhoungne, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Meester, de Mérode, Desaive, Destriveaux, de Tornaco, de Theux, de Tornaco, de T'Serclaes, d'Hoffschmidt, d'Huart, du Roy de Blicquy, Eenens, Eloy de Burdinne, Frère-Orban, Henot, Herry-Vispoel, Jonet, Lange, Le Hon, Lejeune, Lesoinne, Loos, Lys Mast de Vries, Mercier, Moreau, Orban, Osy, Pirmez, Raikem, Rodenbach, Rogier, Sigart, Simons, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Troye, Van Cleemputte, Van Cutsem.

Projet de loi accordant un crédit supplémentare au budget du ministère des finances

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Veydt) présente un projet de loi tendant à accorder au département des finances un crédit de 35.705 francs 38 centimes sur l'exercice 1847, pour faire face à une condamnation judiciaire.

- La chambre donne acte à M. le ministre des finances de la présentation de ce projet de loi, en ordonne l'impression et la distribution et, sur la proposition de M. d'Huart, le renvoie à l'examen d'une commission spéciale à nommer par le bureau.

Projet de loi autorisant le gouvenement à remboursement une partie du cautionnement versé pour l'exécution duchemi de fer du Luxembourg

Dépôt

M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban) présente un projet de loi ayant pour objet d'autoriser le gouvernement à restituer à la compagnie concessionnaire du chemin de fer du Luxembourg une partie de son cautionnement au fur et à mesure de l'exécution des travaux.

- La chambre donne acte à M. le ministre des travaux publics de la présentation de ce projet de loi, en ordonne l'impression et la distribution, et le renvoie à l'examen des sections.

M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Je ferai remarquer qu'il y a urgence d'examiner ce projet, en ce sens que lorsque la compagnie aura la certitude que la restitution de son cautionnement sera faite dans les termes qui sont proposés, elle obtiendra plus facilement les fonds nécessaires pour l'exécution de ses travaux.

Du reste, il m'est indifférent que le projet soit envoyé aux sections ou à une commission.

M. Orban. - Ne pourrait-on envoyer le projet qui vient d'être présenté à la commission qui a été chargée d'examiner la loi accordant la concession du chemin de fer du Luxembourg ? (Non ! non !) Je ferai remarquer que cette commission a une connaissance toute particulière des antécédents de cette affaire.

M. le président. - Le renvoi en sections a été prononcé. M. le ministre des travaux publics a pris la parole pour indiquer l'urgence qu'il y avait d'examiner le projet. Je pense que les sections pourront s'en occuper dès demain. Les pièces seront imprimées et distribuées ce loir.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l'exercice 1848

Discussion générale

M. le président. - M. le ministre se rallie-t-il aux propositions de la section centrale ?

M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Non, M. le président.

M. le président. - En ce cas la discussion sera ouverte sur le projet du gouvernement.

M. de Man d’Attenrode. - Je demande la parole pour une motion d'ordre.

Messieurs, le budget important qui va faire l'objet de vos délibérations comprend des routes, des voies navigables, des chemins de fer. Il me semble qu'il serait utile, dans l'intérêt de la clarté de la discussion, d'adopter la marche qui a été suivie dans d'autres sessions, et de ne pas s'occuper du chemin de fer dans la discussion générale, d'en faire l'objet d'une discussion spéciale, lorsque nous arriverons au chapitre III.

Si ma motion était adoptée, la discussion serait plus claire, plus nette et nous ne devrions pas mêler la question importante du chemin de fer à des questions de routes ou de navigation.

(page 622) M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Messieurs, il me semble que l'on peut concilier le désir que vient de manifester l'honorable M. de Man d'Attenrode avec la nécessité de maintenir à la première discussion générale toute sa latitude. A l'occasion de chacun des grands objets spéciaux qu'il a signalés, routes, chemins de fer, canaux, une discussion spéciale pourra s'ouvrir. Mais je pense, quant à moi, qu'il faut maintenir une discussion générale.

M. de Man d’Attenrode. - Je retire ma motion.

M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Messieurs, je pense avoir répondu au désir souvent manifesté dans cette chambre quant à l'ordre qu'il convenait d'établir dans le budget du département des travaux publics. Je pense avoir également répondu sous un autre rapport à des vœux qui, souvent aussi, ont été exprimés dans cette enceinte, c'est que les sections pussent recevoir assez à temps les éclaircissements donnés par le gouvernement afin que l'examen de toutes les propositions pût réellement avoir lieu.

J'avais pensé, messieurs, que tous les renseignements que je soumettais à la chambre étaient complets ; que je n'aurais rien à y ajouter.

Cependant j'ai été obligé de signaler à la section centrale, après la clôture de ses travaux, la nécessité de porter encore au chapitre du personnel des ponts et chaussées une somme qui avait été omise dans les éclaircissements que j'avais pu recueillir.

Aujourd'hui j'ai encore à compléter ces communications pour ce qui concerne le personnel des ponts et chaussées. Les tableaux que j'ai eu (page 624) l'honneur d'adresser à la section centrale sont incomplets sous un double rapport : 1° en ce que ces tableaux ne comprennent pas les agents des ponts et chaussées qui sont détachés dans diverses administrations, spécialement au département des travaux publics, qui font partie du corps des ponts et chaussées, mais qui sont employés à d'autres services de l'Etat ; 2° en ce que ces tableaux ne mentionnent pas les ingénieurs qui sont en congé soit provisoire, soit temporaire, soit ceux qui ont la faculté de rentrer au service de l'Etat, soit ceux qui ne pourraient rentrer au service de l'Etat, si ce n'est dans le cas où il y aurait des places vacantes.

Il y a donc un état supplémentaire à donner pour compléter les renseignements à fournir à la chambre : il sera déposé sur le bureau pendant la discussion.

Quant au personnel du chemin de fer, je croyais également, messieurs, avoir réussi à tout soumettre aux sections. Mais en scrutant récemment les documents que moi-même j'avais fournis, j'ai découvert qu'ils étaient encore incomplets. Il y a un personnel assez considérable qui se trouve payé sur des fonds spéciaux. Il y a de ce chef un nouvel état à produire, il y aura aussi, pour introduire une complète régularité sous ce rapport, à augmenter le chiffre de diverses allocations. Mais la chambre le comprend, ce n'est là qu'un transfert. Jusqu'à présent, messieurs, les comptes rendus n'ont pas tenu compte, je pense, de ces employés payés sur des fonds spéciaux.

Je dois, à cet égard, faire une observation importante à la chambre. De 1835 à 1837, la dépense du service d'exploitation a été prise sur le fonds de construction. En 1837, pour la première fois, un budget a été fait pour le chemin de fer. Mais toujours on a continué à payer un assez grand nombre d'employés sur le fonds de construction ; c'est ce qui existe encore.

Ce que je viens de signaler à la chambre est donc la continuation d'un précédent. C’est une vieille et mauvaise habitude qui s’était introduite, et je le dis dans l’intérêt de la vérité, parce qu’il ne fait pas que l’on induise de ce fait des incriminations contre l’administration.

Pour être juste, il faut, en pareille matière surtout, tenir compte des faits qui ont été longtemps accomplis sans avoir été l'objet de réserves ou d’improbations. Maintenant, quant à ce point, il y aura, je l'espère, régularisation parfaite et une entière vérité.

A ce sujet, je demande la permission à la chambre de lui dire quelques mots sur l'étal réel du budget que j'ai l'honneur de lui soumettre. Ce budget n'a pas été et ne pouvait pas être l'objet de critiques fort importantes de la part des sections. En effet, les dépenses ont été calculées avec la plus stricte économie. La différence entre les allocations de 1847 et celles de 1848 est de 1,732,495 fr. 38 c ; mais les crédits supplémentaires à demander pour 1847 s'élèveront au minimum à 1,150 mille francs, de telle sorte que la différence réelle entre les allocations proposées au budget de 1848 et la dépense effective de 1847 se réduit à 582,495 fr. 38 c. Je ne tiens pas compte, messieurs, dans ce chiffre, de la rectification que je viens d'indiquer quant au personnel, parce que cette réclamation devant figurer dans le compte des dépenses de 1847, aussi bien qu'au compte des dépenses de 1848, il n'y aurait rien de changé à la balance.

Dans cette somme de 1,732,495 fr. 38 c. en plus sur les allocations de 1847, les chapitres seuls du chemin de fer figurent pour 1,398,000, mais la dépense effective pour le chemin de fer, qui est aujourd'hui presque exactement connue, ne laisse au budget de 1848 qu'une augmentation de 296,370 fr. 35 c. Voilà, messieurs, à quoi se réduit l'augmentation de dépense du budget de 1848 sur le budget de 1847 ; 296,370 fr. 35 c. relativement au chemin de fer.

J'ai compris dans les dépenses de 1847, une somme de 472,000, fr. résultant de marchés conclus en 1847, et qui seront accomplis dans le cours de l'exercice, pour le matériel. Mon honorable prédécesseur avait l'intention de faire porter cette charge sur le budget de 1848, mais je n'ai pas cru qu'il fût régulier de procéder ainsi.

Cette somme de 296,370 fr. 35 c. comprend 1° 140,000 fr. pour primes à distribuer aux employés dont les traitements figurent à mon budget ; ces 140,000 fr. ne peuvent pas, à bon droit, être qualifiés de dépense puisque cette somme ne sera payée qu'autant qu'il y ait des augmentations de produits qui donnent lieu à accorder ces primes ;

2° Une somme de 156,370 fr. 35 c. tant pour les services de nuit que pour l'extension de l'exploitation sur certaines lignes.

Il n'y a donc qu'une augmentation insignifiante sur le chiffre de la dépense et pourtant la recette est estimée à un million de plus qu'en 1847.

Je dois signaler ici à l'attention de la chambre un fait qu'il est bon de ne pas passer sous silence. Les dépenses d'une année à l'autre, depuis l'achèvement du railway, c'est-à-dire depuis 1844, ont suivi la progression suivante.

Somme ronde, excédant des dépenses

du budget de 1845 sur celui de 1844, 556,000 fr.

du budget de 1846 sur celui de 1845, 949,000 »

du budget de 1847 sur celui de 1846, plus de 2 millions de francs.

C'est cette augmentation de dépenses qu'il fallait arrêter, et je crois démontrer à la chambre que je suis entré dans cette voie puisque l'excédant des dépenses de 1848 sur celles de 1847 se trouve réduit à une somme de moins de 300,000 fr.

Cependant, messieurs, je n'ai pas opéré de diminution sur un article d'une extrême importance, sur les billes et rails.

Sans doute, il faut que je me maintienne dans les allocations du budget pour ne pas dépasser cette somme de 296,000 fr., mais j'espère, messieurs, y réussir. Il est certains crédits qu'il est fort difficile de préciser exactement à l'avance ; il se peut qu'il y ait quelques augmentations de dépenses, quelques crédits supplémentaires à demander ultérieurement, mais je donne à la chambre l'assurance qu'aucune dépense ne sera faite, qui ne soit d'une impérieuse nécessité.

Ce n'est qu'après avoir scruté attentivement toutes les propositions qui m'ont été faites, que je suis arrivé à ce résultat, que la chambre trouvera, je l'espère, satisfaisant. J'ai dû résister, messieurs, à beaucoup de demandes, me montrer d'une inflexible sévérité, pour conserver partout une juste et sage économie. Je pense pouvoir dire à la chambre, sans que l'on trouve à me critiquer de ce chef, que j'ai repoussé des propositions de dépenses jusqu'à concurrence de 1,340,755 fr. J'ai été, comme vous le voyez, messieurs, le premier juge et un juge des plus sévères sous ce rapport.

Au nombre des dépenses du chemin de fer figurent les billes et rails. Cet objet, messieurs, est, comme je l'ai dit tout à l'heure, d'une extrême importance. Quelques personnes ont pensé que j'engageais assez gravement ma responsabilité par les observations que j'ai consignées à cet égard dans le cahier de développements, parce qu'il s'agit ici d'un objet qui intéresse la sécurité des voyageurs. Que ma responsabilité soit engagée sous ce rapport, ce n'est assurément pas ce que j'entends contester, mais j'estime que si l'on hésite devant sa responsabilité on ne doit pas prétendre à gouverner. Je suis convaincu, au surplus, qu'en agissant comme je l'ai fait dans cette circonstance je suis entré dans une voie salutaire. Je puis du reste rassurer la chambre dès ce moment.

J'ai la certitude que le fonds destiné aux billes et aux rails et qui est le même en 1848 qu'en 1847, suffira complètement et que la route peut être maintenue dans un état irréprochable : les rapports de MM. les inspecteurs généraux et divisionnaires ne me laissent dès ce moment aucun doute à cet égard. Je crois avoir d'autant moins à craindre à ce sujet que sur les fournitures de l'année passée il reste encore à placer dans les voies plus de 500 rails.

Puisque je parle en ce moment du chemin de fer, je demande la permission à la chambre de lui présenter maintenant quelques observations sur les critiques générales et souvent injustes dont le chemin de fer a été l'objet surtout dans ces derniers temps.

Ce chemin est en butte à des attaques très vives et la plupart du temps contradictoires. Chaque localité veut une exploitation spéciale ; chaque contrariété à l'occasion, soit d'un voyage, soit du transport d'un colis, est attribuée au chemin de fer. On réclame des recettes très considérables et des tarifs très bas, des convois nombreux et peu de dépenses ; et tout cela à condition d'avoir égard, non seulement en fait de personnel, à toutes les recommandations qui assiègent les ministres, à toutes les sollicitations en fait d'industrie, mais aussi de restreindre les frais, sans tenir compte du développement des transports.

Le point qui sert de base aux critiques dirigées contre l'exploitation du chemin de fer, c’est en gênerai la comparaison que l'on fait entre le tantième p. c. de la recette que représente la dépense pour divers chemins de fer de l'Allemagne et de la France. Je suis assurément très convaincu que, sous le rapport des dépenses, il y a beaucoup à faire aux chemins de fer de l'Etat. Je prie la chambre de ne pas supposer que, par les observations que je vais présenter, j'entende prétendre devant elle que tout est pour le mieux au meilleur des chemins de fer possible ; en aucune façon ; je tiens qu'il y a beaucoup à faire. Mais je demande que les critiques soient justes, raisonnables, et la critique qui se produit le plus ordinairement, celle que je vous ai signalée, celle-là, je l'avoue, est parfaitement injuste.

Les dépenses exprimés en tantième de la recette ont été comme suit depuis l'établissement du chemin de fer jusqu'à ce jour.

En 1835 la dépense a été de 63 p. c. de la recette ; en 1836 de 52 p. c., en 1837 de 84 p. c., en 1838 de 89 p. c., en 1839 de 72 p. c., en 1840 de 61 p. c., en 1841 de 70 p. c., en 1842 de 63 p. c., en 1843 de 61 p. c., en 1844 de 51 p. c., en 1845 de 51 p. c., en 1846 de 53 p. c. et en 1847de 63 p. c.

Elles retomberaient à 60 p. c. de la recette, si nous les maintenons dans les termes du crédit que nous proposons pour 1848.

La moyenne depuis l'établissement du railway, est de 60 p. c. et le résultat de l'année 1840, qui diffère beaucoup des années antérieures, est digne d'être remarqué.

Il résulte, en outre, de ces chiffres que, depuis 1841 jusqu'en 1844, époque à partir de laquelle le réseau complet du chemin de fer a été exploité, la dépense, relativement à la recette, a été en diminuant chaque année, de telle sorte qu'en 1844 elle n'a plus été que de 51 p. c, tandis qu'en 1841, elle avait été de 70.

(page 624) D'un autre côté, on remarque qu'à partir de 1841, la dépense a augmenté chaque année dans une plus forte proportion que la recette. La réduction qui s'est fait sentir dans les dépenses jusqu'en 1844 peut être attribuée à ce que, jusqu'à cette époque, chaque année il était livré à l'exploitation un certain nombre de lieues de route qui venaient augmenter la recette, tandis que divers frais, tels que ceux d'administration, n'augmentaient pas en conséquence, et que, par suite de l’expérience acquise, on était parvenu à réduire certaines dépenses, celle du combustible, entre autres qui, de 99 kil. de coke qu'elle était par lieue de parcours d'un convoi en 1841, était descendue à cinquante-sept kil. En 1844.

Par contre, on serait tenté de croire qu'à partir de 1844, on a exploite le chemin de fer moins économiquement que pendant cette dernière année, parce que les dépenses ont augmenté dans une plus forte proportion que les recettes.

Mais la chambre reconnaîtra que cette augmentation n’est due qu’à l'augmentation extraordinaire de la dépense pour renouvellement de billes et rails, et si cette dernière dépense n'avait augmenté que dans la proportion de la dépense générale, les dépenses serait restées relativement à la recette à peu près dans les mêmes conditions qu’en 1844.

En 1844.la dépense générale, non compris les fers et les billes, a été de 5,549,330 fr. 80 c, et la dépense spéciale pour billes et rails a été de 216,000 francs ; la dépense totale est donc de 5,765,430 fr. 80 c. ce qui représente 51 p. c. de la recette.

En 1845, la dépense générale, non compris les billes et les fers, a été de 6,009 217 fr. 25 c, ce qui représente une augmentation de 9 p. c. sur les dépenses générales de 1844. Si au lieu de la somme réellement dépensée en 1845 pour billes et rails, 312,358 fr. 23 c, on ne porte que la somme dépensée en 1844, augmentée dans la même proportion que les autres dépenses, on aura 235,746 fr., et pour la dépense totale de 1845, 6,244,963 fr. 25 c, ce qui ne représente que 50 p. c. de la recette de 1845.

Par le même calcul, on trouve qu'en 1846, la dépense a été de 51 p. c. de la recette ; en 1847, de 54 p. c, et en 1848, elle serait également de 54 p. c.

Pour donner un aperçu de l'augmentation successive de la dépense pour billes et fers pendant les dernières années, il suffira de faire remarquer qu'on n'a dépensé en 1844, pour cet objet, que 216,000 francs ; qu'en 1847 on a dépensé 1,424,000 francs ; qu'en ce qui concerne les rails seuls, on n'a dépensé en 1844 que 25,000 fr. tandis qu'en 1847 on a dépensé 900,000 fr.

Si le chemin de fer avait été livré à l'exploitation à la même époque, on pourrait attribuer les renouvellements considérables qui ont eu lieu en 1847, à ce que, pour les billes et les rails, on était arrivé à une époque où une grande quantité de ces objets avaient fait leur temps ; mais le chemin de fer n'ayant été livré à l'exploitation que par petites parties et à des époques différentes, on ne peut guère admettre cette cause. Il est plus vrai de dire qu'elle provient de ce que pendant plusieurs années on n'a porté au budget qu'une somme insuffisante et reculé d'année en année les renouvellements qui auraient dû être faits aux rails, les premiers modèles étaient devenus trop faibles par suite de l'augmentation du poids des nouvelles locomotives, et par suite aussi de l'augmentation successive et si considérable des transports.

On voit, messieurs, par ce qui précède, c'est là entre autres l'importance des observations que j'ai l'honneur de soumettre à la chambre, qu'en fait de chemin de fer on ne peut pas raisonner d'une manière exacte en comparant un exercice isolé avec un autre, que pour avoir quelque exactitude, les calculs doivent être établis sur un certain nombre d'exercices.

On ne peut pas davantage considérer entre eux les résultats des diverses exploitations de chemins de fer sans rechercher scrupuleusement de quelle manière ces résultats ont été établis. Ainsi on signale que les chemins de fer français, allemands donnent des résultats plus favorables que les chemins de fer belges, en calculant les dépenses par un tantième de la recette ; on s'abstient de citer ceux qui présentent des résultats moins favorables, li en existe. Mais les chemins de fer français ont été livrés à la circulation à une date récente, ils ne sont pas encore arrivés à l'époque où doivent se faire les renouvellements des billes, du fer et du matériel de transport ; la dépense s'est bornée jusqu'à présent aux frais de locomotion qui ne présentent guère que la moitié de la dépense totale.

Les résultats qu'on signale ne sont donc pas des résultats normaux. Il se peut que les compagnies françaises aient un fonds de réserve pour parer aux renouvellements extraordinaires qui devront être faits par la suite ; mais ces fonds de réserve doivent être formés au moyen d'un prélèvement sur les recettes, et dès lors, pour que la situation fût exacte, il faudrait que le montant des prélèvements fût porté en dépense, ce qui modifierait probablement les résultats donnés.

On ne peut pas, d'un autre côté, comparer l'exploitation de chemins de fer faite par l'Etat avec une exploitation faite par l'intérêt privé, car l'une et l'autre marchent vers un but différent. Une société, n'ayant en vue que son seul intérêt, tend à réaliser le plus de bénéfices possible en faisant le moins de service possible, c'est-à-dire que si par un moyen quelconque elle peut, sans diminuer les recettes ou les bénéfices, diminuer les transports, elle diminuera les transports, tandis que si l'Etat peut augmenter les transports sans augmenter les recettes, il sera de son devoir de le faire pourvu que cette marche ne constitue pas le trésor en perte. C'est là un des grands avantagée de l'exploitation des chemins de fer par l'Etat, c'est un des plus forts arguments qui puissent être produits en faveur de l'exploitation des chemins de fer par l'Etat.

J'ai dit tout à l'heure, qu'on ne peut pas comparer deux exploitations qui ne sont pas dans les mêmes conditions, dont l'une se trouve à l'époque du renouvellement de son matériel, de ses rails et de ses billes, dont l'autre aurait un matériel, des rails et des billes entièrement neufs. Si l'on veut déduire, pour avoir un exemple, de l'exercice 1847, les dépenses de renouvellement, vous verrez qu'en prenant toujours cette mauvaise base du tantième de la recette, pour juger de la dépense, vous verrez que les résultats de l'exploitation du chemin de fer belge ne sont pas si mauvais qu'on le prétend.

Ainsi les recettes se sont élevées à 14,717,700 fr., les dépenses se sont élevées à 9,309,900 fr. Le rapport des dépenses avec les recettes est donc de 63 p. c. Si on déduit des dépenses 1,424,000 fr., pour renouvellement de billes et rails, et 772,468 fr. pour renouvellement de matériel, ensemble 2,196,468 fr.. il reste une dépense de 7,115,437 fr. Dans cette hypothèse, le tantième de la dépense par rapport aux recettes tombe à 48 p. c. Si on ajoute aux recettes 1,500,000 fr. pour produits de ventes d'herbages, d'objets trouvés ou hors d'usage, pour transports gratuits et à prix réduits....

M. de Man d’Attenrode. - C'est un abus !

M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Nous n'avons pas à examiner si c'est un abus ou non, il s'agit de savoir si les chemins de fer belges n'opèrent pas une masse de transports gratuits ou à prix réduits, ce que ne font pas les compagnies, ce qui ne permet pas d'établir une comparaison entre les recettes opérées par ces compagnies et celles opérées par l'Etat ; en tenant compte par conséquent de ces divers produits, la recette totale serait de 16,287,900 fr. Dans cette hypothèse, le rapport de la dépense avec la recette serait de 43 p. c. Vous voyez donc que sous ce rapport, comme sous beaucoup d'autres, la comparaison est réellement impossible.

Voici ce qui doit surtout vous le prouver :

Le réseau des chemins de fer belges était, en 1847, de 111 lieues 3/10 (de 5 kilomètres), le chemin de fer du Nord est de 67 lieues, le chemin de Paris à Orléans de 31, le chemin de Rouen de 27 1/3 et le chemin rhénan de 17 1/2.

Le chemin de fer belge dessert neuf lignes, le chemin du Nord en dessert deux, le chemin d'Orléans deux, le chemin de Rouen et le chemin rhénan une seule.

Le chemin de fer belge compte onze stations extrêmes ; le chemin du Nord en compte trois, celui d'Orléans trois, celui de Rouen trois et le chemin rhénan deux.

Le chemin de fer belge a des stations intermédiaires et des haltes au nombre de 70, le chemin du Nord n'en a que 34, le chemin d'Orléans treize, celui de Rouen dix-sept et le chemin rhénan huit.

Cela seul ne vous dit-il pas, que, toute proportion gardée, il est absolument impossible d'établir une comparaison sous le rapport de la dépense entre le chemin de fer belge et les chemins de fer étrangers que je viens d'indiquer ?

Il n'est évidemment pas possible que l'obligation de desservir neuf lignes et une quantité considérable de stations et de haltes n'entraîne pas des dépenses tort considérables qui ne se retrouvent pas, qui ne peuvent pas exister sur un chemin de fer direct servi dans tout son parcours par un même personnel et un même matériel, ne se bifurquant pas, ne présentant pas une masse de lignes divergentes exigeant un personnel spécial et un matériel spécial.

Une comparaison qui serait moins inexacte que celle des dépenses aux recettes, c'est celle des dépenses comparées aux transports de voyageurs et de marchandises effectués. Cette comparaison donne les résultats suivants pour 1846 : le chemin de Belgique a transporté : 3,700,000 voyageurs, 791,000 tonneaux de marchandises ; les dépenses ont été de 7,245,000 fr. Le chemin d'Orléans, 1,521,000 voyageurs ; 237,000 tonneaux de marchandises ; dépenses, 3,411,000. Le chemin de Rouen, 1,004,000 voyageurs, 265,000 tonneaux ; dépenses, 3,594,000 fr. De ces chiffres on ne peut assurément pas conclure contre le chemin de fer de l'Etat.

Il faudrait enfin pour que l'on pût comparer un chemin à un autre, que l'on tînt également compte des tarifs, et c'est ce que l'on ne fait jamais.

Je prie la chambre, puisque je viens de prononcer le mot de tarif, de me continuer quelques instants encore sa bienveillante attention.

Le revenu du chemin de fer de l'Etat se compose de deux branches bien distinctes : le transport des voyageurs et celui des marchandises.

Le mouvement des voyageurs paraît être arrivé aujourd'hui à son état normal, et si quelques améliorations sont à désirer dans l'organisation de cette partie du service, il n'est guère probable que leur introduction ait pour résultat une augmentation notable des recettes.

Mais il n'en est pas de même du transport des marchandises et l'influence que les réductions de prix exercent sur l'importance du mouvement, me porte à croire qu'il y a encore beaucoup à faire dans le double intérêt du commerce et du trésor.

Les tarifs qui régissent les transports à l'intérieur du pays sont d'une complication excessive ; cette complication est encore augmentée par de nombreuses conditions exceptionnelles et par l'existence des tarifs internationaux, C'est à tel point que, de l'aveu même de l'administration, (page 625) l'expéditeur ne peut établir lui-même son compte de frais de transport, sans se livrer à une étude et à des calculs qui souvent n'aboutissent qu'à des résultats douteux.

En outre, une conséquence du système actuel, c'est l'existence d’intermédiaires obligés entre le commerce général et l'administration. Les conditions et les prix des tarifs sont en effet tellement combinés, que l'intermédiaire peut, tout en réalisant de notables bénéfices, effectuer le transport par le chemin de fer à meilleur marché que le commerce ne l'obtiendrait directement.

Enfin, les conventions conclues avec les administrations des railways français et allemands sont conçues de telle sorte que ces administrations paraissent généralement favorisées au détriment de notre exploitation, et qu'un petit nombre de villes sont seules appelées à jouir du bénéfice des tarifs internationaux, tarifs bien plus libéraux que les nôtres sous le rapport des prix et des conditions d'admission.

Sans vouloir entrer davantage dans l'examen de ce qui existe aujourd'hui et sans donner pour le moment plus de détails sur le nouveau système que je me propose d'introduire d'ici à quelque temps, je tiens toutefois à faire connaître que les bases principales de ce système seront les suivantes :

Rendre le chemin de fer accessible directement au commerce en supprimant toutes les conditions qui rendent en réalité obligatoire le concours d'agents intermédiaires ;

Réduire les conditions et les bases des tarifs à des termes tellement simples que l'expéditeur puisse sans peine établir lui-même son compte des frais de transport.

Faciliter les relations commerciales par des prix plus en harmonie avec les dépenses réelles de traction et les frais accessoires de chargement, de déchargement, et autres.

Assurer la régularité du service de manière que l'expéditeur puisse connaître à l'avance le temps nécessaire pour que la marchandise soit rendue à destination, condition importante pour les transactions commerciales.

Réviser les conventions internationales de manière à assurer à chaque pays une juste réciprocité d'avantages.

J'ai la ferme conviction qu'une sage application de ces principes fera affluer vers le chemin de fer beaucoup de marchandises que des difficultés d'admission ou des prix exagérés obligent aujourd'hui à préférer d'autres modes de transport, et qu'en rendant ainsi l'usage du chemin de fer plus général, en l'utilisant davantage, il en résultera une notable augmentation de produit net et conséquemment une grande amélioration dans sa situation financière.

(page 620) - Sur la proposition de M. Lejeune, la chambre ordonne l'impression et la distribution des rapports supplémentaires dont M. le ministre des travaux publics a parlé au commencement de son discours.

M. de Clippele. - Messieurs, le budget des travaux publics, on l'a dit, est d'ordinaire le terrain où viennent se débattre les intérêts locaux, où se révèle l'amour du clocher. Quoique je me trouve un peu dans ce cas, je prie cependant mes honorables collègues d'être indulgents et de ne pas être trop prévenus ; parce que les considérations que j'ai à faire valoir appartiennent aussi à l'intérêt général ; parce que d'ailleurs il existe des besoins locaux qui ont un rapport si intime avec l'utilité et la prospérité générales, qu'ils doivent nécessairement éveillerlta sollicitude de tous les représentants du pays. Témoin, messieurs, cette détresse des Flandres qui excite si vivement et si justement vos sympathies.

Ainsi, messieurs, vous parler de l'arrondissement d'Alost, c'est vous entretenir d'une partie bien intéressante de ces malheureuses province, c'est vous exposer les besoins d'une localité où le fléau de la misère et le manque de travail se font cruellement sentir. Et, remarquez-le tout d'abord, messieurs, l'arrondissement d'Alost est, de toute la Flandre orientale, celui qui compte le plus de pauvres proprement dits. C'est ce que j'ai pu vérifier dernièrement encore dans une revue qui s'imprime à Gand. Or, à de plus grands maux, à des pauvres plus nombreux, il faudrait aussi des remèdes et des soulagements plus grands, plus étendus et plus efficaces ; partant aussi une plus large part dans la distribution des travaux publics.

M. le ministre de l'intérieur nous a exposé une partie de ses vues sur les Flandres. Il a dit avec raison que ce ne sont pas les subsides d'argent, que ce n'est pas l'aumône, par laquelle le peuple s'énerve et se démoralise ; mais que c'est le travail, des industries nouvelles et des cultures variées qui doivent vivifier et régénérer les Flandres.

Dans la série des travaux publics annoncés et promis aux Flandres, il a signalé spécialement, pour l'arrondissement d'Alost, le chemin de fer direct de Gand par Alost sur Bruxelles. J'en remercie sincèrement M. le ministre ; je le remercie particulièrement pour cette ville d'Alost, si abandonnée, si isolée, malgré sa situation géographique, en apparence la plus favorable, entre les deux capitales du royaume et sur une route royale, qui résonnait autrefois sous les roues de trente messageries, faisant un service journalier. J'ai dit autrefois ; car à quoi sert aujourd'hui d’avoir les plus belles routes ? Avec le système des chemins de fer, les routes de première classe ne sont plus que des chemins vicinaux, très avantageux sans doute pour l'exploitation agricole, mais insuffisants pour les relations commerciales et industrielles. Ainsi, je l'avoue, l'arrondissement d'Alost a de belles routes, mais délaissées ou mal servies par les messageries publiques ; car littéralement un cercle de fer nous entoure ; il nous étreint, il nous étouffe ; il coupe et détourne toutes nos relations, et ces belles lignes que la vapeur trace à notre horizon pour porter ailleurs le commerce et l'industrie, ressemblent pour nous à ces eaux du Tartare auxquelles Tantale ne pouvait se désaltérer.

Je remercie donc M. le ministre ; je le remercie aussi pour une expression chaleureuse et pleine de cordiale fraternité : « Tendons, a-t-il dit, deux mains aux Flandres ! » Mais combien ma reconnaissance eût été plus vive, si M. le ministre, subdivisant en quelque sorte ses intentions bienveillantes, se fût écrié : Tendons deux mains à l'arrondissement d'Alost !

Je n'ai pas besoin d'expliquer, messieurs, que je veux parler du chemin de fer de la vallée de la Dendre, dont l'exécution doit être considérée comme définitivement abandonnée par les concessionnaires.

Je ne m'arrêterai pas, messieurs, à vous prouver de nouveau l'utilité de cette voie ferrée ; elle a été suffisamment démontrée dans cette enceinte, et je suppose bien que ce n'est pas seulement de la poésie qu'on a voulu faire, quand on a tracé le tableau si fleuri de la vallée de la Dendre ; un orateur s'est écrié : C'est l’idéal des chemins de fer !

Qu'il me suffise de dire que relier entre elles six villes, dans un tracé d'à peine onze lieues d'étendue et dans la vallée la plus populeuse du pays, n'est pas un projet à dédaigner.

Mais comment, dira-t-on, si ce railway a tant d'utilité, s'il promet des résultats si productifs, comment se fait-il que de tous les chemins de fer concédés, ce soit celui qu'on abandonne et qu'on n'exécute pas ?

Vous savez, messieurs, qu'on avait imposé aux concessionnaires de la voie de la Dendre, l'exécution simultanée d'un canal à grande section, qui ne tendait à rien moins qu'à faire de la ville de Mons un port de mer ! Cette entreprise colossale, soit qu'elle ne promit réellement pas des bénéfices proportionnels au capital à dépenser, soit que la baisse croissante des actions en matière de travaux publics ait fait manquer ce capital, soit toute autre cause, cette entreprise colossale, dis-je, a fait reculer les concessionnaires. Que sans cela le chemin de fer eût été exécuté, cela semble résulter de la démarche faite par la société concessionnaire qui, par pétition adressée au sénat et à la chambre, à la fin de la dernière session parlementaire, demandait la division des deux projets concédés. J'ignore et je n'ai jamais pu deviner le motif pour lequel cette division n'a pas été appuyée ; du moins pouvions-nous espérer de voir réaliser l'un des projets, tandis que maintenant nous n'avons rien.

Maintenant que la société est dissoute, je regrette que M. le ministre de l'intérieur n'ait pas compris dans son programme une ligne d'un intérêt si général pour l'arrondissement, et présentant des avantages égaux aux villes d'Alost, de Ninove et de Grammont.

Que la chambre se rassure cependant, je ne viens pas demander des millions. Indépendamment des fonds extraordinaires ou d'un emprunt à voter, il existe un moyen moins effrayant pour parvenir à l'exécution du chemin de fer de la vallée de la Dendre. Il y a d'abord pour premier fonds le million de cautionnement, c'est-à-dire le sixième de la dépense totale, et je pense qu'il n'est jamais entré dans les intentions du ministère de vouloir faire la restitution de ce fonds. Ce cautionnement doit nous rester acquis comme indemnité et à titre de dommages et intérêts pour la non-exécution du contrat ; il est rationnel et équitable aussi, qu'il soit employé en faveur de la localité pour laquelle la concession a été décrétée.

Eh bien, messieurs, ne pourrait-on pas traiter avec une autre société, par exemple, celle du chemin de fer de Jurbise à Tournay, et d'après les mêmes bases ? Moyennant l'avance du million de cautionnement que ferait le gouvernement, il obtiendrait, je le suppose, des conditions très favorables.

La voie de la Dendre n'est d'ailleurs que la continuation de la ligne de Tournay à Ath ; il y a là communauté d'intérêts, et les deux chemins devraient, ce me semble, être construits d'après le même système, et sous la même exploitation.

M. le ministre de l'intérieur a dit qu'il ne voulait pas faire des (page 621) terrassiers de tous nos travailleurs, les enlever aux champs et les employer à des travaux pour lesquels ils paraissaient d'ailleurs peu aptes. Que M. le ministre se rassure, il y a surabondance d'ouvriers dans nos campagnes, la terre manque souvent aux bras qui voudraient la cultiver ; et quant à l'inaptitude aux travaux de terrassement, je pense que nos ouvriers, bien dirigés, sont aussi propres que tous autres à ce genre de travail. Mais on aura employé des ouvriers exténués par la faim ; on les aura juges avant qu'une nourriture quelque peu substantielle eût refait leurs forces, et dès lors je conçois qu'on les ait trouvés peu aptes.

M. le ministre de l'intérieur fait aussi un appel aux industries nouvelles. Mais il est rationnel, je crois, de soutenir d'abord les industries existantes, et d'encourager leurs efforts par la facilité des relations. Ainsi, dans la ville que j'habite, il est des négociants et des fabricants qui, avec un très petit capital, emploient jusqu'à vingt ouvriers par jour, mais qui, à défaut de relations faciles et rapides, luttent avec peine contre la concurrence du dehors, et qui devront à la fin renvoyer les ouvriers qu'ils font vivre. Il faut à nos négociants en dentelles trois jours pour venir ici, dans la capitale, présenter leurs échantillons, c'est-à-dire autant de temps qu'il en faudrait, aux même fins, de Bruxelles à Paris ; et quand ils ont besoin d'être à Mons, pas d'autre moyen que de faire le tour par Bruxelles. Le railway de la Dendre peut seul remédiera cela.

M. le ministre invite les Flamands à des cultures plus variées ; il propose, en première ligne, l'extension de l'horticulture. Eli bien ! pour ce qui concerne l'arrondissement d'Alost, faites le chemin de fer de la vallée de la Dendre. En ce qui regarde les environs de Grammont en particulier, j'ose assurer d'avance que l'horticulture s'étendrait considérablement. Je sais des jardiniers d'une activité exemplaire, qui, dans des charrettes, poussées à bras d'homme, transportent hebdomadairement des légumes à Lessines et jusqu'à Enghien, c'est-à-dire, qu'ils emploient à ce transport plus de temps qu'il n'en faudrait, au moyen du chemin de fer, pour se rendre au port d'Anvers et en revenir, plus de temps par conséquent qu'il n'en faudrait pour concourir avec ceux qui fournissent des légumes à l'Angleterre.

Un mot maintenant relativement au canal ou à la canalisation de la Dendre. La société concessionnaire du chemin de fer étant la même que celle du canal de Jemmapes à Alost, il me semble que, puisque cette société est dissoute, il doit être certain, dès à présent, pour le gouvernement que ce canal ne se fera pas. Mais il peut être vrai que le cautionnement ne nous est pas acquis. Le gouvernement devrait donc, dès à présent, se préparer à exécuter ou faire exécuter, sinon le canal latéral, du moins la canalisation de la Dendre. La navigation de jour en jour plus difficile, les inondations périodiques qui dévastent les récoltes et les propriétés en démontrent l'urgente et impérieuse nécessité.

Messieurs, les travaux de canalisation et de chemins de fer ne sont que des moyens temporaires pour venir en aide au paupérisme. C'est cependant toujours beaucoup que de gagner du temps : car après les efforts de l'homme, on voit arriver quelquefois le secours de la Providence.

Le fait que je viens signaler est de cette nature.

Je vais indiquer une source de travail permanent pour les Flandres. Il existe, assure-t-on, dans les communes de Baelegem, de Hautem-Saint-Liévin, de Letterhautem et de Vlieizele, des couches de pierres de taille, dont l'exploitation pourrait occuper des milliers d'ouvriers.

M. le ministre comprendra que la vérification et surtout la nature et l'étendue de pareilles couches méritent un examen sérieux et empressé, et qu'il y aurait lieu d'organiser tout ce qui est nécessaire pour profiter d'une ressource que j'appellerai véritablement providentielle.

Il suffit, je crois, d'indiquer ce fait, messieurs, pour vous faire deviner les avantages immenses qui en résulteraient pour les Flandres.

En résumé, j'adjure le ministère de venir en aide à l'arrondissement d'Alost, si mal rétribué dans la distribution des travaux publics. Quand le ministère aura proposé le chemin de fer direct de Gand par Alost sur Bruxelles, voie très utile et de toute équité pour l'arrondissement, qu'il ne croie pas avoir tout fait : car, dans ma conviction profonde, c'est le chemin de fer de la vallée de la Dendre, qui est l'artère principale et véritable pour faire circuler la vie dans toutes les parties de cet important district.

La canalisation de la Dendre, outre qu'elle favoriserait tout à la fois le commerce et l'agriculture, serait une grande occasion de travail pour notre population affamée.

Que si tout cela ne doit être que temporaire, eh bien ! nous nous confions pour l'avenir dans la Providence, qui ouvre quelquefois les entrailles de la terre pour en révéler les trésors ; nous nous bornons à demander pour aujourd'hui le pain de chaque jour, panem nostrum quotidianum.

M. Dedecker. - Je demanderai à dire d'abord deux mots sur la question spéciale soulevée par l'honorable M. de Clippele.

Loin de moi de vouloir contester le moins du monde l'utilité du chemin de fer de la vallée de la Dendre. Je désire, comme l'honorable préopinant, que ce chemin de fer puisse se construire, et le plus tôt possible.

Je crois, messieurs, qu'il n'est pas nécessaire de conserver le projet de canal et le projet de chemin de chemin de fer réunis en une même concession. Je crois aussi que l'on peut, et attendant qu'on construise le canal, s'occuper déjà du chemin de fer de la vallée de la Dendre.

L'honorable M. de Clippele vous a dit qu'une partie du capital est faite, puisqu'il existe dans les caisses de l'Etat un cautionnement d'un million. Je demande que l'on se préoccupe avant tout de la concession du chemin de fer seul, et je demande aussi l'application du million de cautionnement au commencement des travaux de ce chemin de fer.

Mais dans l'intérêt de cette société, comme dans celui du gouvernement et des principales localités intéressées, je voudrais que la construction de ce chemin de fer commençât par celle de la section la plus importante, de la section la seule qui soit pour ainsi dire immédiatement importante.

Vous savez que le chemin de fer de la vallée de la Dendre part d'Ath passe par Lessines, Grammont, Ninove, Alost, et vient aboutir à Termonde. Au lieu de commencer les travaux par la section d'Ath, je voudrais qu'on les commençât par la section de Termonde à Alost. Tout le monde y est intéressé ; non seulement les localités que le chemin doit traverser, non seulement les concessionnaires, mais aussi l'Etat. Je n'entends même pas préjuger la question de la construction du chemin de fer direct de Bruxelles à Garni par Alost. Car dans l'hypothèse de la construction d'un chemin de fer direct de Bruxelles à Garni par Alost, encore faudra-l-il relier ce chemin de fer direct à Termonde, au moyen de la section de Termonde à Alost.

Ainsi il est évident que, dans toute hypothèse et sans aucune espèce d'arrière-pensée, il convient de commencer la construction du chemin de fer de la vallée de la Dendre par la section d'Alost à Termonde.

Messieurs, j'ai aussi demandé la parole pour faire une interpellation à M. le ministre des travaux publics.

Déjà, à diverses reprises, le gouvernement a manifesté son intention de présenter un projet de loi concernant le chemin de fer direct de Bruxelles à Gand. Sans préjuger et sans examiner la question de la nécessité d'un raccourcissement de parcours entre Gand et Bruxelles, il se présente une deuxième question, celle du tracé.

Deux tracés sont en présence : d'abord le tracé de Wetteren par Alost à Bruxelles, ensuite le tracé présenté par la ville de Termonde avec les études à l'appui, tendant à utiliser le chemin de fer existant jusqu'à Termonde et à aller ensuite par Assche à Bruxelles.

Si l'on ne veut réellement que rapprocher les Flandres de la capitale du royaume, la question ne se présente pas, sous ce rapport, plus favorablement pour une localité que pour l'autre, puisque le raccourcissement sera le même ; seulement, pour le tracé par Alost, la dépense à faire sera double et conservera une partie moindre du chemin de fer existant.

Je n'entrerai pas dans les considérations à l'appui de l'un ou de l'autre de ces projets. Je demande seulement que M. le ministre des travaux publics veuille soumettre à une autorité compétente l'examen de la question des deux tracés, et faire examiner quel est celui de ces deux tracés qui présente le plus d’avantages au point de vue de l'intérêt général.

Ce n'est pas une fin de non-recevoir que je viens opposer à la présentation du projet qui nous est annoncé. En moins de quinze jours, l'examen que je réclame peut être fait ; le rapport de l'autorité compétente que je désire, avec la ville de Termonde, voir consulter, peut être présenté dans un bref délai.

C'est le but de mon interpellation. Je désire donc savoir si M. le ministre a fait droit à la pétition de la ville de Termonde, qui lui a été renvoyée par la chambre, et qui demande qu'il soit nommé une commission spéciale à l'effet d'examiner les deux tracés dans leurs rapports avec l'intérêt général.

M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - L'honorable M. Dedecker a demandé que le tracé indiqué par la ville de Termonde pour le chemin de fer direct de Bruxelles à Gand soit soumis à l'examen de l'autorité compétente. Je ne vois à cela aucune espèce d'inconvénient. Je soumettrai ce projet à l'examen du conseil des ponts et chaussées qui est une autorité très compétente en cette matière ; il examinera quel est, au point de vue de l'intérêt général, le tracé qu'il conviendra de proposer à la chambre.

Il est tout simple qu'une question de ce genre doit être complètement instruite. Ce n'est pas seulement pour éviter des objections telles que celle que vient de produire l'honorable M. Dedecker et qui se produiraient inévitablement dans la discussion du projet qui serait proposé, que cet examen doit avoir lieu ; mais c'est aussi une question de justice, puisqu'on prétend qu'il y a préjudice pour une localité importante, pour la ville de Termonde, à suivre tel tracé plutôt que tel autre. Un examen juste, impartial doit convenir à tout le monde.

L'honorable M. Dedecker a également parlé du chemin de fer de la vallée de la Dendre, et il a indiqué ce qui, selon lui, conviendrait particulièrement d'être fait, dans le cas où ce chemin de fer serait exécuté.

Cette discussion, messieurs, me paraît un peu anticipée. Nous sommes encore loin de pouvoir faire quelque chose relativement au chemin de fer de la vallée de la Dendre. La société concessionnaire dont l'objet comprend également le canal de Jemmapes à Alost, n'est pas dissoute, comme l'a supposé l'honorable M. de Clippele. Je pense qu'elle est en pleine vie, en ce sens que la société ne voudrait pas renoncer à son cautionnement de 2 millions et que jusqu'à présent elle n'a manifesté en aucune manière l'intention de se dissoudre. Elle peut prétendre que plus tard elle pourrait exécuter les travaux.

M. de Clippele. - Les délais pour l'exécution sont expirés.

M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - La société peut prétendre que plus tard elle pourrait exécuter les travaux, bien que quant à présent elle ne puisse pas y parvenir.

(page 622) Les délais stipulés par le cahier des charges pour l'exécution des travaux sont expirés, c'est vrai. Mais il se trouve que le gouvernement a posé, depuis l'expiration de ces délais, un certain nombre d'actes d'où la compagnie prétend induire (je ne dis pas qu'elle a raison, loin de là), qu'elle a été relevée de la déchéance qu'elle aurait encourue. Ainsi, depuis l'expiration des délais, le gouvernement a approuvé l'acte constitutif de la société. Le gouvernement a perçu, depuis ces délais, la somme stipulée pour frais de surveillance. Le gouvernement a en outre, depuis lors, approuvé des plans.

C'est dans cet état que le ministère a trouvé cette affaire. J'ai donné promptement les instructions nécessaires pour que l'affaire fût complètement examinée au point de vue des prétentions de la compagnie, et aussi pour prescrire les mesures nécessaires, afin de conserver de la manière la plus complète, la plus entière, les droits de l'Etat. J'ai refusé de donner à la compagnie les intérêts de son cautionnement qu'elle avait perçus jusqu'à présent. J'ai cru que continuer à les payer, c'était préjudicier aux droits de l'Etat.

Depuis, messieurs, une foule de propositions ont été adressées au gouvernement pour disposer du cautionnement. Le gouvernement n'a pas cru devoir les accueillir.

Le gouvernement, messieurs, et pour le dire en passant, tout le ministère a été, sur ce point, unanime ; il n'y a eu aucune espèce de division ; le ministère a été unanime sur ce point comme sur toutes les questions qui jusqu'à ce jour se sont présentées ; le ministère a donc été unanime pour refuser la restitution des cautionnements et leur application aux divers emplois qu'on voulait en faire. On disait, par exemple : Le cautionnement est inutile dans les caisses de l'Etat, on pourrait l'employer à tels travaux publics. C'était un moyen de relever la compagnie de la Dendre de la déchéance ; elle eût pu alléguer que le délai stipulé dans le contrat n'avait pas couru contre elle. Le gouvernement a refusé parce qu'il pense que ces contrats doivent être scrupuleusement et rigoureusement exécutés, qu'on ne peut pas se jouer d'engagements ainsi contractés, et d'ailleurs parce que le gouvernement ne doit, en aucun cas, avoir l'apparence de s'être prêté à des spéculations qui n'avaient pas pour but réel l'exécution même des travaux.

Le chemin de fer de la Dendre qui, selon l'expression de l'honorable M. de Clippele était jadis l'idéal des chemins de fer est donc devenu, pour le moment du moins, un chemin de fer idéal.

Quant à la réserve qui a été faite par l'honorable M. Dedecker, le moment de traiter ce point se présentera lorsque le gouvernement aura soumis à la chambre le projet d'ensemble dont M. le ministre de l'intérieur a eu l'occasion de parler tantôt. Si nous nous en occupions maintenant, je pense que ce serait interrompre inutilement les travaux de l'assemblée ?

M. de Clippele. - Quel est le délai qui sera accordé à la compagnie ?

M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Il y a deux choses à distinguer ; le cautionnement du chemin de fer de la vallée de la Dendre et le cautionnement du canal de Jemmapes à Alost. Ces deux cautionnements, chacun d'un million, ne sont pas réglés par les mêmes conditions. Pour le canal de Jemmapes à Alost, il y a doute sur le point de savoir si les délais sont expirés, si l'on peut prétendre que la compagnie est en demeure d'exécuter. J'ai donné au conseil du département des travaux publics les instructions nécessaires pour agir contre la compagnie.

puant au chemin de fer de la Dendre, les délais sont expirés, comme j'ai eu l'honneur de le dire tout à l'heure, mais il y a une série d'actes dont on argumente contre l'Etat. Je crois que la compagnie n'est nullement fondée à prétendre, non pas qu'elle puisse se dispenser d'exécuter et obtenir la restitution du cautionnement, ce qui serait par trop exorbitant ; mais qu'elle soit encore dans les délais pour exécuter. J'ai donné également des instructions à l'avocat du département des travaux publics pour mettre eu demeure la compagnie, tant pour le canal que pour le chemin de fer, afin qu'il n'y ait, plus aucune espèce d'équivoque.

Je crois que quant aux cautionnements en général pour des travaux qui n'ont pu être exécutés et spécialement quant aux cautionnements de, la vallée de la Dendre, le gouvernement devrait aviser si on lui soumettait des propositions ayant pour objet sinon l'exécution des travaux concédés, du moins l'exécution de travaux analogues dans les mêmes localités. Mais si l'on se borne à demander purement et simplement soit la restitution des cautionnements, soit leur emploi au profit d'autres compagnies, il ne peut y avoir aucun doute sur la marche à suivre par le. gouvernement.

M. Dedecker. - Je remercie M. le ministre des travaux publics, d'avoir répondu d'une manière si satisfaisante à l'appel que j'avais fait à ses sentiments d'impartialité et de justice. Je prie encore M. le ministre de vouloir bien ajouter à la publication relative au chemin de fer direct de Bruxelles à Gand par Alost, le rapport que la commission supérieure des ponts et chaussées aura fait sur la comparaison des deux tracés.

M. Delehaye. - Je dois ajouter un mot à ce que vient de dire M. le ministre des travaux publics. Il ne s'est point expliqué d'une manière tout à fait conforme aux promesses qui avaient été faites précédemment. On ne peut pas méconnaître que le cautionnement fourni pour le chemin de fer de la Dendre serait acquis, non pas au trésor, mais au chemin de fer lui-même, c'est-à-dire que si le gouvernement se croyait propriétaire de ce cautionnement, il serait obligé de construire la route à laquelle il était destiné, soit qu'il construisît la route pour son compte, soit qu'il en amenât l'exécution de toute autre manière. C'est dans ce sens que la question a été décidée en France.

Du reste, messieurs, lorsque le chemin de fer de Bruxelles à Gand sera construit, il sera facile de faire exécuter le chemin de fer de la Dendre. Pourquoi la compagnie qui en avait la concession ne veut-elle pas le construire ? C'est précisément pour ne pas tomber dans le piège dont a parlé l'honorable M. Dedecker. Sans le chemin de fer de Bruxelles à Gand, il est impossible que la ligne à laquelle l'honorable député de Termonde a fait allusion, puisse donner des produits. Je pense donc que le gouvernement ne doit prendre aucune résolution à cet égard avant qu'on n'ait décrété le chemin de fer de Bruxelles à Gand par Alost.

M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - L'honorable M. Delehaye se trompe lorsqu'il pense que dans le cas où le cautionnement serait déclaré acquis à l'Etat, l'Etat se trouverait par cela même obligé d'exécuter les travaux auxquels ce cautionnement se rapportait.

M. Delehaye. - Le cautionnement demeure acquis à la route, c'est-à-dire que le gouvernement doit ou construire lui-même ou remettre le chemin en adjudication ; et si personne ne se présente, ce ne sera qu'alors qu'il deviendra propriétaire du cautionnement.

M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Je n'avais pas entendu l'observation de l'honorable M. Delehaye, comme il vient de l'expliquer et d'après laquelle le gouvernement serait obligé ou bien d'exécuter la route ou bien de la remettre en adjudication publique. Quant au premier point, il n'y a pas de doute que le gouvernement n'ait pas cette obligation, et quant au second point l'honorable membre est également dans l'erreur.

Il est stipulé, en effet, dans quelques cahiers des charges qu'à défaut d'exécution par les concessionnaires le gouvernement remettra les travaux en adjudication publique, en quelque sorte à la folle enchère, à charge de ceux qui n'auraient pas rempli leurs engagements ; mais presque tous les cahiers des charges ajoutent néanmoins qu'en pareil cas, le cautionnement, bien loin de devenir le cautionnement de la nouvelle compagnie, sera définitivement acquis à l'Etat. Je n'ai pas sous les yeux le cahier des charges de la vallée de la Dendre, mais je crois que mes souvenirs sont assez fidèles pour me permettre d'affirmer que les stipulations en sont telles que le cautionnement serait la propriété de l'Etat. Je ne veux pas dire que le gouvernement devrait consacrer le montant de ce cautionnement aux besoins généraux du trésor ; je crois, au contraire, que, puisque l'utilité des travaux a été reconnue, on ferait bien d'employer le cautionnement à l'exécution de ces travaux, soit par forme de subside ou autrement.

Mais en ce moment, je réponds à l'honorable membre en ce qui touche les stipulations du contrat et le droit.

- La suite de la discussion est remise à demain.


M. le président. - Le bureau a composé, ainsi qu'il suit, la commission qui sera chargée d'examiner le projet de loi présenté au commencement de la séance par M. le ministre des finances, et relatif à un crédit supplémentaire de 55,703 fr. 38 c. pour le département des finances : MM. d'Huart, Tielemans, Fallon, Lys, Orban, Tremouroux et Rousselle.

- La séance est levée à 4 heures et demie.