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Chambre des représentants de Belgique
Séance du lundi 8 mars 1847
Sommaire
1)
Pièces adressées à la chambre, notamment pétition relative à une route entre
Opbrakel et Flobecq (de Villegas)
2)
Rapports sur des pétitions relatives, notamment, à la législation sur la chasse
(de Garcia) et à un marché militaire (Lange)
3)
Projet de loi relatif à la diminution du péage du chemin de fer pour les
denrées alimentaires
4)
Projet de loi relatif à la nouvelle répartition des représentants et des
sénateurs. Discussion générale. Réforme électorale, bases de la répartition (Delfosse), bases de la répartition (de
Naeyer, Dedecker), fait personnel (isolement
politique), réforme électorale (élargissement de l’électorat aux jurés
d’assises) (Castiau, Delfosse),
réforme électorale, antagonisme libéraux-catholiques (de
Mérode), bases de la répartition (Desmet), réforme
électorale (proposition Castiau), droits sur le bétail et troubles sociaux,
antagonisme libéraux-catholiques, intervention du clergé lors des élections,
système des partis (Rogier), réforme électorale, droits
sur le bétail et troubles sociaux (de Theux),
antagonisme libéraux-catholiques (de Mérode), réforme
électorale, droits sur le bétail et troubles sociaux (Rogier,
de Theux), réforme électorale (Fleussu)
(Annales parlementaires de Belgique, session
1846-1847)
(Présidence de M. Liedts.)
(page 1057) M. Huveners procède
à l'appel nominal à 1 heure.
M. de Man d'Attenrode
donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est
approuvée.
M. Huveners communique
l'analyse des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Le sieur P.-H. Delhaes, préposé des douanes à Anvers, né à Gueldres
(Prusse), demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi au ministre de la justice.
________________
« Le conseil communal d'Opbrakel demande un subside pour faire paver la
route d'Opbrakel à Flobecq. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
________________
« Les notaires cantonaux de
l'arrondissement de Charleroy demandent la prompte discussion du projet de loi
sur le notariat. »
« Même demande du sieur Herman, notaire du canton d'Oosterzeele,
des notaires cantonaux d'Assenede et de Caprycke, et du sieur Pagna,
candidat-notaire à Seraing-sur-Meuse, qui présente des observations sur le
projet de loi. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion.
________________
« Plusieurs habitants de Brecht
demandent la distribution gratuite du maïs pour le commencement du mois
d'avril. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
________________
« Le sieur Lefevère, de Maneghem,
réclame l'intervention de la chambre pour obtenir la liquidation d'une engagère
donnée pour l'office de la recette générale héréditaire du pays de Waes. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
________________
« Le sieur Gattellier fait
hommage à la chambre d'un mémoire sur l'enseignement agricole. "
- Dépôt à la bibliothèque.
________________
Par dépêche du 5 mars, M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay)
adresse à la chambre 100 exemplaires de deux cartes et d'une notice indiquant
le mouvement des transports en Belgique, tant par terre que par eau, pendant
les années 1834 à 1844, par M. Alph. Bulpaire, ingénieur des ponts et
chaussées. »
- Distribution aux membres et dépôt à la bibliothèque.
M. de Villegas. - Je demande
que la pétition du conseil communal d'Opbrakel, qui demande un subside pour
faire paver la route d'Opbrakel à Flobecq, soit déposée sur le bureau pendant
la discussion du budget des travaux publics.
- Cette proposition est adoptée.
RAPPORTS DE PETITIONS
M. Zoude, rapporteur. -
Messieurs, par trois pétitions sur lesquelles vous avez demandé un prompt
rapport, de grands propriétaires des provinces de Liège et de Namur demandent à
la chambre de vouloir être leur interprète près de M. le ministre de
l'intérieur, pour qu'il autorise la chasse à la bécasse dans les bois jusqu'au
15 avril. Cette autorisation, disent les pétitionnaires, n'a rien qui soit
contraire à l'esprit de la loi sur la chasse, dont l'objet principal est
d'empêcher la dévastation des récoltes et en second lieu de pourvoir à la
conservation et au repeuplement du gibier.
Le chasseur à la bécasse respecte ces deux conditions ; il ne foule pas
les campagnes, car c'est dans les bois, au bord des fontaines que cet oiseau vient
s'abattre.
Il ne détruit pas le gibier indigène, que la loi veut protéger, parce
que la bécasse est un oiseau voyageur qu'on ne tire qu'au passage, et sous ce
rapport, il devrait être assimilé aux oiseaux aquatiques dont la chasse est
permise jusqu'au 1er mai.
Cette assimilation semble même reconnue par la loi qui en autorise la
vente en toute saison, tandis qu'elle est sévèrement défendue pour tout gibier
indigène.
Les pétitionnaires estiment que leur
demande est d'autant mieux fondée que le gouvernement autorise la chasse au
courre jusqu'au 1er avril. Il est cependant bien évident que ces meutes doivent
occasionner des dégâts aux terrains emblavés qu'elles parcourent, comme aussi
la destruction des levrauts qu'elles rencontrent, tandis que les mères plus ou
moins forcées avortent et périssent avec leur fruit.
Convaincue de la légitimité des motifs sur lesquels les pétitionnaires
appuient leur demande, votre commission les soumet avec confiance à
l'appréciation de M. le ministre de l'intérieur auquel elle a l'honneur de vous
proposer le renvoi de ces pétitions.
M. de Garcia. - J'appuie
la proposition faite par la commission des pétitions ; mais je désirerais que
M. le ministre fût invité à donner des explications. L'objet de la pétition est
insignifiant ; il s'agit de la chasse à la bécasse, plaisir qui fait le
délassement de bien des personnes, et qui ne peut porter aucune atteinte à rien
de ce qu'on a voulu protéger par la loi. Selon moi, l'on est sorti de l'esprit
de cette loi en prononçant la clôture de la chasse à la bécasse pendant la
saison du passage de cet oiseau. Cette loi est assez sévère ; et le
gouvernement doit éviter d'ajouter à ces sévérités par des mesures qui ne
peuvent être justifiées suivant une saine interprétation de ses dispositions.
Je demande donc qu'outre le renvoi de la pétition, M. le ministre soit
invité à donner des explications.
- Cette proposition est adoptée.
_______________
M. Zoude, rapporteur. - Deux négociants exposent à la chambre qu’à la
sollicitation de l'administration communale de Mons, ils ont fourni le riz
nécessaire aux distributions à faire à l'armée française alors qu'elle est
venue en Belgique pour repousser l'agression hollandaise ;
Que le contrat de cette fourniture fut fait en livres et onces des
Pays-Bas, seul poids légal alors ;
Que les états des livraisons furent arrêtés en poids des Pays-Bas par le
bourgmestre de Mons, ainsi que par l'autorité militaire chargée de la
réception.
Mais lors de la liquidation de ces fournitures,
l'once des Pays-Bas fut comptée pour once de marc, ce qui établit une
différence de 1,667 fr. 79c. au préjudice des pétitionnaires.
Et c'est après avoir réclamé vivement et à plusieurs reprises de M. le
ministre de la guerre la rectification de cette erreur, que ces fournisseurs
adressent leurs doléances à la chambre.
Voire commission a l'honneur de vous proposer le renvoi de cette
pétition au département de la guerre.
M. Lange. -
J'appuie le renvoi de cette pétition à M. le ministre de la guerre, mais je
demanderai de plus que M. le ministre soit invité à donner des explications. Si
nous devons en croire les pétitionnaires, le gouvernement aurait à se reprocher
de vouloir profiter d'une erreur légale, oserai-je dire, au préjudice
d'honnêtes négociants pères de famille. Si le gouvernement a des raisons pour
repousser la réclamation des pétitionnaires, je ne conçois pas le silence dans
lequel il se retranche depuis dix ans. Je demande donc que M. le ministre de la
guerre soit invité à donner des explications.
- Cette proposition est adoptée.
PROJET DE LOI RELATIF AU PEAGE DU CHEMIN DE FER
POUR LES DENREES ALIMENTAIRES
M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, le Roi m'a chargé de
présenter à la chambre le projet de loi dont la teneur suit : (Voir à la fin de
la séance.)
M. le président. - Il est donné acte à M. le ministre de la
présentation du projet de loi dont il vient de donner lecture. Ce projet et les
motifs qui raccompagnent seront imprimés et distribués aux membres.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Je demande que ce projet, qui présente
un caractère d'urgence incontestable, soit renvoyé à la commission qui a
examiné le projet de loi concernant les denrées alimentaires.
- Cette proposition est adoptée.
M. Mast de Vries. - Je demanderai, si des membres de la commission ne
se trouvaient pas présents aujourd'hui, que le bureau soit autorisé à en nommer
d'autres, afin que le rapport puisse être fait demain.
Plusieurs membres. - Appuyé ! appuyé !
M. le président. - Le bureau se chargera de ces nominations.
PROJET DE LOI RELATIF A LA NOUVELLE REPARTITION DES
REPRESENTANTS ET DES SENATEURS
Discussion générale
M. Delfosse. - Messieurs, mon honorable ami, M. Castiau, a parlé,
dans la séance de vendredi, de la nécessité d'une réforme électorale et
parlementaire.
Il y a, dans cette enceinte, trop de fonctionnaires amovibles ; il n'y a
pas assez d'électeurs dans le pays.
Mon honorable ami voit dans ces deux faits un grand danger, un germe de
décrépitude et de corruption.
D'accord avec lui, sur la nécessité d'une réforme, je ne puis cependant
m'associer à toutes les idées qu'il a émises.
La composition actuelle du corps électoral est, sans doute, vicieuse ;
je l'ai dit souvent, et je ne cesserai de le répéter. Il y a, en dehors de ce
qu'on est convenu d'appeler le pays légal, un autre pays, plein d'hommes
actifs, intelligents, amis de l'ordre, qui pourraient concourir utilement,
qu'il serait juste d'admettre aux actes de la vie politique.
Mais le corps électoral, quel que soit le vice de sa composition, ne
manque ni de lumières ni de patriotisme. On l'a vu souvent, on le verra mieux
encore au mois de juin prochain, se soustraire à toutes les influences, à
toutes les intrigues du pouvoir, pour préférer les hommes que le sentiment du
pays désigne à son choix.
La cause du mal signalé par mon honorable ami en termes si éloquents, me
paraît résider plus souvent dans le manque de candidats, je veux parler de
candidats capables, honnêtes, indépendants, que dans la composition vicieuse du
corps électoral.
Mon honorable ami doit connaître comme moi beaucoup d'estimables
citoyens qui pourraient siéger avec honneur dans cette enceinte, qui pourraient
y briller par le talent, par le savoir, par les qualités du cœur, plus
précieuses que celles de l'esprit, mais qui préfèrent les gloires du barreau ou
les labeurs productifs de l'industrie aux orages, aux dégoûts de la vie
parlementaire.
Si Gendebien, ce modèle de patriotisme et de désintéressement, ne vient
plus s'asseoir sur nos bancs, est-ce la faute du corps électoral ?
Est-ce la faute du corps électoral, si l'industriel éminent dont Liège
pleure la perte récente, s'est retiré en 1830 volontairement de cette enceinte
pour ne plus y rentrer ?
Est-ce la faute du corps électoral, si mon honorable ami lui-même n'est
pas venu plutôt siéger parmi nous ? Nous nous souvenons trop, M. le ministre
des affaires étrangères doit se souvenir surtout de certaines répugnances
hautement, publiquement exprimées.
Je crois pouvoir ajouter que si mon honorable ami ne revient plus ici,
ce ne sera pas la faute du corps électoral.
Mais il y reviendra ! Libre des devoirs qu'une profession et que la
famille imposent, sa retraite n'aurait pas d'excuse, et Dieu ne l’a pas doué du
talent de la parole, pour qu'il se condamne au silence !
Si j'ai foi dans le corps électoral, si je pense que les Gendebien lui
font plutôt défaut qu'il ne fait défaut aux Gendebien, je n'en suis pas (page 1059) moins tout disposé à appuyer
une proposition de réforme qui serait formulée en termes convenables par mon
honorable ami.
Mais je mets une condition à cet appui, c'est que la proposition ne sera
pas introduite sous la forme d'un amendement ; c'est qu'elle ne viendra pas à
la suite du projet de loi présenté par M. de Theux, c'est qu'elle ne se mêlera
pas à ce projet.
La question de réforme électorale est une question trop importante, trop
grave, c'est une question qui doit exercer trop d'influence sur les destinées
du pays, pour qu'elle n’ait pas les honneurs d'une proposition spéciale, d'une
discussion approfondie.
Le moment actuel serait-il bien choisi pour une telle proposition ? Nous
sommes à la fin d'une session, en présence d'une chambre qui, d'après mon
honorable ami, touche à la décrépitude, à laquelle il reste à peine un souffle
de vie suffisant pour terminer quelques travaux urgents. Les circonstances
sont, d'un autre côté, d'une extrême gravité. Présenter la question de réforme
électorale dans un tel moment, ne serait-ce pas la compromettre ?
Je soumets ces réflexions à la sagesse de mon honorable ami et je
désire, je ne le cache pas, qu'il se décide à remettre sa proposition à la
session prochaine. Cet ajournement volontaire me causerait une satisfaction
d'autant plus grande que j'y verrais la preuve que mon honorable ami ne se
prépare pas à nous faire ses adieux et que sa proposition n'est pas le reste
d'une ardeur qui s'éteint.
Quoi qu'il en soit, mon honorable ami reconnaîtra sans doute avec nous
qu'il serait imprudent de compliquer, de retarder le vote d'une loi urgente,
d’une loi impatiemment attendue, par un amendement dont le rejet serait
certain, et dont la discussion, quoique longue peut-être, serait nécessairement
incomplète.
J'aurais, messieurs, quelques observations à présenter sur le système de
compensation que le projet de loi établit pour Liège et Verviers, pour Alost et
Termonde, et qu'il laisse soigneusement à l'écart pour Malines et Turnhout ;
mais j'attendrai pour cela la discussion des articles. Je ne puis, cependant,
m'empêcher d'exprimer, dès à présent, le regret que mon honorable ami, M. Lys,
soit venu combattre ce qu'il a appelé les prétentions de Liège, alors que Liège
n'avait pas encore ouvert la bouche, sans trouver un mot de blâme pour la
partialité révoltante qui perce, comme toujours, dans le projet de loi de M.
Theux.
La reconnaissance me paraît avoir
entraîné mon honorable ami un peu trop loin. Qu'il trouva excellent ce que le
projet de loi fait pour Verviers contre Liège ; rien de mieux ! Mais mon
honorable ami aurait dû en même temps trouver étrange qu'on ne fît pas la même
chose pour Turnhout contre Malines.
Je crois même que mon honorable and aurait mieux fait en ne se mêlant
pas au débat ; en laissant ce soin à ceux de nos collègues qui sont
désintéressés dans la question. Verviers et Liège ne devraient jamais se
combattre dans cette enceinte ; ils devraient toujours se donner la main.
M. de
Naeyer. - Messieurs, le projet de loi que nous discutons n'a
soulevé aucune objection en ce qui concerne la fixation du nombre des
représentants et des sénateurs, et en effet il faut reconnaître que, sous ce
rapport, il satisfait pleinement aux dispositions de la Constitution, entendues
dans le sens le plus large.
Le seul point qui puisse donner lieu à des discussions, c'est le système
que le gouvernement a suivi pour faire la répartition des représentants et des
sénateurs entre les différents arrondissements électoraux. C'est aussi sur ce
point que je prendrai la liberté de soumettre quelques observations à la
chambre.
Messieurs, comme vous le savez, l'unité de population, requise pour
avoir droit à la nomination d'un représentant, est de 40,000 habitants, de même
que l'unité de population, requise pour avoir droit à un sénateur, est de
80,000 habitants. Si tous les arrondissements électoraux renfermaient
exactement une ou plusieurs fois ces unités de population, la répartition
serait extrêmement facile ; il s'agirait d'une simple opération arithmétique.
Mais il n'en est pas ainsi : il y a cinq arrondissements électoraux qui
ont une population inférieure à 40,000 habitants, et tous les autres
arrondissements électoraux renferment une ou plusieurs fois l'unité de
population de 40,000 habitants et en outre une fraction.
La même observation est applicable en ce qui concerne la nomination des
sénateurs. Il y a 16 arrondissements électoraux dont la population est
inférieure à 80,000 habitants, et tous les autres arrondissements électoraux
renferment une ou plusieurs fois cette unité de population de 80,000 âmes, plus
encore une fraction ; de manière que dans tous les arrondissements électoraux
nous trouvons des fractions de population.
Maintenant que faire ? Comment procéder à l'égard de ces fractions de
population ? Qu'arriverait-il, si toutes ces fractions de population étaient
négligées ? Il arriverait qu'on ne parviendrait qu'à placer 85 représentants,
résultat évidemment impossible, parce que nous devons faire notre répartition
de manière à arriver au nombre de 108 représentants qui nous est imposé par la
Constitution.
Des résultats analogues auraient lieu pour la nomination des sénateurs,
si on négligeait toutes les fractions de population.
Maintenant, pourrait-on forcer indistinctement toutes les fractions de
population ? C'est encore une chose impossible, parce qu'on arriverait de cette
manière à un total de 120 représentants ; résultat encore une fois
inadmissible, parce qu'il ne peut y avoir qu'un représentant par 40,000 habitants,
et que notre population ne s'élève qu'à 4,335,000 habitants.
Comment faut-il donc procéder à l'égard des fractions de population ?
C'est là toute la difficulté de la loi que nous discutons.
J'ai recherché les différents systèmes qui pourraient être appliqués,
pour résoudre cette difficulté ; il m'a semblé que ces systèmes sont au nombre
de 3 ou de 4.
Il y a d'abord le système que j'appellerai fractionnel, et qui aurait
pour objet d'attribuer à une fraction de population, une fraction de
représentant ou de sénateur. Evidemment ce système n'est pas susceptible d'une
exécution rigoureuse, parce qu'il est impossible de diviser les personnes comme
on divise les chiffres. Pour pouvoir appliquer jusqu'à un certain point ce
système, on a recours soit à l'alternat, soit au concours.
Un autre système, c'est celui de la prépondérance numérique, qui
consiste à attribuer la nomination aux fractions les plus fortes.
Vous avez, enfin, le système de compensation qui, si je le comprends
bien, aurait pour résultat d'empêcher qu'un même arrondissement électoral ne
puisse être privilégié à la fois et pour la nomination des sénateurs et pour
celle des représentants.
Messieurs, sans vouloir combattre directement aucun de ces systèmes, je
crois que nous devons exiger que l'application ne puisse avoir lieu qu'à des
conditions certaines, précises et fixées d'avance, qu'elle ne soit jamais
abandonnée à l'arbitraire, au régime du bon plaisir.
Je me suis demandé si le gouvernement avait suivi cette règle de
conduite dans la confection du tableau de répartition qui nous est présenté.
Messieurs, quant au système de concours, il a été admis dans trois
arrondissements pour la nomination de sénateurs. Il est vrai que le
gouvernement a suivi ici une règle fixe ; il n'a admis le concours que quand
cela était nécessaire pour que tous les arrondissements sans distinction
pussent être représentés au sénat. C'est là une considération de justice,
d'équité qui peut être considérée comme une règle fixe, certaine, soustraite à
tout arbitraire.
En est-il de même pour le système de compensation ? Il est évident que
non. Le gouvernement, dans son exposé de motifs, a cherché à nous indiquer la
règle qu'il avait suivie pour l'application de sou système de compensation.
Voici en quels termes il s'exprime sous ce rapport :
« Lorsque, dans une province ou dans un arrondissement, il y a excédant
de population pour le nombre de sénateurs qui lui est attribué, la compensation
est établie en lui attribuant un représentant en plus, bien que la population
n'atteigne point le chiffre strictement voulu ; et réciproquement, lorsqu'il y
a excédant de population pour le nombre de représentants attribué à une
province ou à un arrondissement, la compensation est établie en lui attribuant
un sénateur en plus. »
Eh bien, messieurs, il est de fait que dans ce peu de lignes il y a
autant d'erreurs que de mots. Il n'y a là rien qui ne soit en contradiction
formelle, flagrante avec ce qui a eu lieu dans la confection du tableau. Ainsi
le gouvernement vous dit : Lorsque dans une province ou dans un arrondissement
il y a un excédant de population pour le nombre de sénateurs qui lui est
attribué, la compensation est établie en lui attribuant un représentant en
plus. C'est là une erreur évidente, les choses ne se sont pas faites de cette
manière. La compensation n'a pas été admise pour la répartition entre les
provinces. La preuve, c'est que plusieurs provinces sont doublement
privilégiées pour la nomination des représentants et pour la nomination des
sénateurs, et qu'il y a une province, celle de Namur, ayant un excédant de
population pour le nombre de sénateurs qui lui est attribué et ayant tout à la
fois un excédant de population pour le nombre de représentants qui lui est
attribué, de manière qu'il n'est ici question d'aucune compensation ; il y a
double privilège d'un côté, privilège fondé exclusivement sur la prépondérance
numérique et double excédant de population de l'autre côté, sans qu'on ait
cherché à rétablir l'équilibre par aucune compensation quelconque ; c'est donc l'inverse
de ce qui est dit dans l'exposé des motifs.
La règle de la compensation est-elle suivie dans la répartition entre
les arrondissements ? Elle l'est dans certains cas, mais elle ne l'est pas dans
d'autres.
Ainsi l'arrondissement de Malines obtient le droit de nommer tout à la
fois et un sénateur et un représentant, pour une fraction de population, tandis
que, dans la même province d'Anvers, un autre arrondissement, celui de Turnhout
présente un excédant de population pour le nombre de sénateurs qui lui a été
attribué, et en même temps un excédant de population pour le nombre de
représentants qui lui a été attribué ;ainsi encore une fois il n'est pas
question ici de la compensation dont il est parlé dans l'exposé des motifs.
II en est de même dans la province de Brabant. Nivelles est privilégie
pour les sénateurs et pour les représentants ; tandis que Louvain a une
fraction de population négligée et pour la nomination des représentants et pour
la nomination des sénateurs.
C'est donc encore l'inverse de ce qu'on énonce dans l'expose des motifs
qui est la vérité. La même chose se retrouve dans la province de Hainaut.
Tournay a aussi une fraction doublement privilégiée, et encore une fois dans la
même province un autre arrondissement, celui d'Ath, a un excédant de population
pour le nombre de sénateurs qui lui est attribué et, contrairement à l'exposé
de motifs, cet arrondissement n'obtient aucune compensation par le droit de
nommer un représentant en plus.
Si le gouvernement avait voulu dire vrai dans son exposé de motifs,, il
aurait dû s'exprimer en ce sens : Quant à la répartition entre les provinces,
on a toujours donné la préférence à la fraction la plus forte ; on (page 1060) a agi de la même manière
pour la répartition entre les arrondissements, sauf deux cas spéciaux. Dans ces
deux cas spéciaux pourquoi s'est-on écarté de la règle ? On ne pourrait faire
d'autre réponse que celle-ci : Parce qu'on l’a voulu, sit pro ratione voluntas.
Je défie le gouvernement de définir„ de préciser le principe qui pourrait
l'avoir déterminé à s'écarter, dans ces deux cas spéciaux, de la règle
généralement suivie pour les autres.
Je ne puis donc admettre le système de compensation qui nous est
proposé, parce qu'il est basé sur l'arbitraire, parce qu'il ne repose pas dans
son application sur une règle, sur un principe certain. Un autre motif qui me
porte à repousser ce système, c'est qu'il n'est pas appliqué d'une manière
rationnelle, d'une manière juste et équitable.
En effet, la compensation a pour objet d'empêcher le cumul des avantages
elle a pour objet de faire en sorte que les faveurs soient partagées dans la
proportion des titres que les arrondissements peuvent invoquer pour les
obtenir.
Il en résulte qu'il faudrait accorder le privilège le plus considérable
à l'arrondissement qui approche le plus près du droit rigoureux.
En faisant l'application de ces considérations aux deux cas qui font
l'objet de cette discussion, voici le résultat auquel ou arrive : Liège, par
exemple, a une fraction de 79/100 pour la nomination d'un sénateur, et en outre
une fraction de 58/100 pour la nomination d'un représentant. En additionnant
ces deux fractions, on trouve que leur valeur totale représente 1 37/100,
tandis que Verviers n'a qu'une fraction de 25/100 pour la nomination d'un sénateur,
et une fraction de 50/100 pour la nomination d'un représentant ; réunissant ces
deux chiffres, j'arrive à une fraction totale de 75/100. Liège peut donc
invoquer en sa faveur le chiffre de 1 37/100, tandis que Verviers ne peut
invoquer qu'une fraction de 75/100.
La même chose se remarque à l'égard d'Alost et de Termonde. Alost a une
fraction de 75/100 pour la nomination d'un sénateur, et une fraction de 45/100
pour la nomination d'un représentant.
Termonde a une fraction de 21/100 pour la nomination d'un sénateur et
une fraction de 42/100 pour ia nomination d'un représentant ; réunissant ces
chiffres, vous arriverez à un chiffre total de 1 18/100 pour Alost, et
seulement à une fraction totale de 63/100 pour Termonde. De manière qu'encore
ici, le titre pour l'obtention des avantages qu'il s'agit de répartir, milite
plus fortement en faveur d'Alost qu'en faveur de Termonde. Maintenant, puisque
nous avons à répartir deux nominations (une nomination de sénateur et une
nomination de représentant ) entre Verviers et Liège, à qui devons-nous
accorder l'avantage le plus considérable ? Mais évidemment à l'arrondissement
de Liège, qui peut invoquer en sa faveur le titre le plus fort, c'est-à-dire,
le chiffre le plus élevé, puisque Liège l'emporte à cet égard sur Verviers,
dans la proportion de 1 37/100 sur 75/100. La même question, posée à l'égard
d'Alost et de Termonde, doit être résolue de la même manière en faveur d'Alost,
et cela par des motifs absolument identiques.
Ceci nous amène nécessairement à examiner quelle est l'importance
relative de la nomination des représentants et des sénateurs. J'admets
volontiers que le sénat est la première chambre législative de la Belgique ;
j'admets que le sénat doit avoir le pas sur la chambre des représentants, dans
toutes les cérémonies publiques. Je conviens que MM. les sénateurs ont droit à
cette distinction, à raison de leur âge, et peut-être aussi à raison du
contingent de contributions qu'ils doivent verser dans les caisses de l'Etat
pour faire partie du sénat. Mais enfin, on doit le reconnaître, parce que la
Constitution est là qui le dit, en termes clairs et formels ; les attributions
des représentants sont plus importantes que celles des sénateurs. Et, en effet,
messieurs, d'abord, nous pouvons mettre les ministres en accusation ; c'est
déjà quelque chose. (Interruption.)
Ce droit n'existe pas pour les sénateurs. Ensuite, nous avons le droit de
nommer les membres de la cour des comptes ; et ce droit n'est pas accordé au
sénat.
En troisième lieu, nous avons le droit d'initiative dans toutes les lois
de finances, pour toutes les lois de recettes et de dépenses, et cette
attribution est de la plus haute importance, non seulement quand on la
considère en elle-même, mais aussi relativement à sou influence sur la défense
des intérêts de localité.
Une considération qui s'applique spécialement à l'arrondissement que
j'ai l'honneur de représenter, le démontre à la dernière évidence. Tous les
hommes impartiaux reconnaissent que cet arrondissement a toujours été traité
avec une injustice révoltante en ce qui concerne la répartition des travaux
d'utilité publique. Eh bien ! comme représentant, j'aurais le droit de
soumettre à la justice de la chambre des mesures de nature à réparer les
iniquités que le gouvernement se plaît en quelque sorte à faire peser sur notre
arrondissement. Un sénateur, élu par le même arrondissement que moi, n'aurait
pas le droit d'initiative dans une telle circonstance : il devrait tout
attendre de la bonne volonté du gouvernement ; et, on le sait, cette bonne volonté
ne nous a jamais été connue que par des sympathies stériles, par des promesses
trompeuses.
Vous voyez donc, messieurs, que l'importance de la nomination des
sénateurs n'est pas aussi grande que celle de la nomination des représentants !
Il est une autre considération qui mérite également de fixer toute votre
attention, c'est que les électeurs exercent leur contrôle sur les représentants
tous les quatre ans ; tandis qu'ils ne l'exercent que tous les huit ans sur les
sénateurs. C'est donc pour les électeurs une garantie très forte pour la
défense active, pour la défense réelle de leurs intérêts, et ceci tend
évidemment à rendre l'exercice du droit électoral plus important dans un cas
que dans l'autre.
De manière donc que, pour établir une juste compensation, il faut
commencer par répartir les représentants ; et la compensation, s'il y a lieu de
l'accorder, ne peut venir que dans la répartition des sénateurs, qui doit se
faire en second lieu. D'ailleurs cette marche est pleinement conforme au vœu et
à l'esprit de la Constitution. La Constitution a considéré la chambre comme le
premier élément de la représentation nationale, la base de notre système
représentatif. Elle a fixé, avant tout, le nombre des représentants d'après le
chiffre de la population, et ce n'est que d'après ce nombre qu'elle a déterminé
celui des sénateurs. Eh bien, nous devons procéder de la même manière pour être
conséquents avec l'esprit de la Constitution.
Or, messieurs, qu'arrivera-t-il, si nous agissons ainsi ? Evidemment,
dans la première répartition, Liège devra l'emporter sur Verviers pour la
nomination d'un représentant en plus, et de même Alost devra l'emporter sur
Termonde, puisque Liège et Alost peuvent invoquer en leur faveur un titre plus
fort, une fraction de population plus élevée que les deux arrondissements
concurrents, et que pour le moment il ne peut être question de compensation
puisqu'il ne s'agit jusqu'ici que d'accorder un premier avantage. La
compensation ne peut être sérieusement invoquée que dans la seconde répartition,
c'est-à-dire dans celle de sénateurs. Alors on pourrait dire avec quelque
fondement : Puisque les arrondissements de Liège et d'Alost sont déjà
privilégiés, quant à la nomination des représentants, et qu'ainsi, à raison
d'une fraction de population plus forte, ils ont obtenu l'avantage le plus
considérable, il ne faut pas leur accorder une seconde faveur en ce qui
concerne la nomination des sénateurs quoique, rigoureusement parlant, ils aient
plus de titres à cette faveur que les arrondissements concurrents. Il y a lieu
à adopter ici un système de compensation afin d'établir une espèce d'équilibre
entre les avantages.
Ce mode de procéder serait au moins spécieux, mais ce que je dois
repousser, c'est un système de compensation qui a pour résultat de renverser ce
que la justice exige ; c'est-à-dire d'accorder le plus à celui qui a le moins
de titres à faire valoir en sa faveur, et réciproquement d'accorder le moins à
celui qui a le plus de titres à invoquer. Je dois repousser un tel système
parce qu'il est en opposition formelle avec ce qu'exigent les principes les
plus élémentaires de la justice et de l'équité, et parce qu'il n'est basé que
sur un véritable arbitraire.
On pourra objecter qu'en appliquant le système de compensation de la
manière que je viens d'indiquer on pourrait arriver à ce résultat qu'un
arrondissement serait représenté par un nombre de sénateurs égal à celui des
représentants. Ce serait une espèce d'anomalie, puisque la Constitution veut
que le nombre des sénateurs ne soit que la moitié de celui des représentants.
Mais, messieurs, je ferai remarquer que cette disposition de la Constitution ne
s'applique qu'au nombre relatif des sénateurs et des représentants en général
et non pas au nombre relatif des représentants et des sénateurs à nommer par
tel ou tel arrondissement. D'ailleurs le même anomalie restera également
d'après le projet de loi que nous discutons, puisque trois arrondissements
électoraux, savoir, si je ne me trompe, Dixmude, Eecloo et Waremme seront
appelés à élire un seul représentant et un seul sénateur.
Mais si vous ne voulez pas de cette anomalie, vous devez nécessairement
rejeter le système lui-même, puisque nous sommes placés dans l'alternative ou
bien de repousser le système de compensation afin d'éviter l'anomalie que je
viens de signaler, ou bien de faire de ce système une application en opposition
formelle avec les notions les plus vulgaires de justice. Or, dans cette
alternative il n'y a pas à hésiter. Ainsi, pour résumer les considérations que
je viens de soumettre, je ne pourrai adopter le système de compensation qu'en
ce sens qu'après avoir accordé la nomination d'un représentant à
l'arrondissement qui présente la fraction la plus forte, on accorderait ensuite
le droit de nommer un sénateur à l'arrondissement qui ne pourrait invoquer en
sa faveur qu'une fraction de population plus faible et cela par une espèce de
compensation.
Que si l'on croit devoir reculer
devant les inconvénients que ce mode de procéder pourrait entraîner ce sera
pour moi une raison de rejeter le système de la compensation et non pas de
faire de ce système une application injuste.
Je voterai donc pour l'amendement de l'honorable M. Lebeau ou pour tout
autre qui pourrait être conçu dans le même sens.
M. Dedecker. - Il
importe, messieurs, de ne pas rapetisser le débat actuel. Je serais, pour ma
part, désolé que l'on pût croire un instant que je ne viens défendre ici que
l'intérêt du district nominalement en cause dans cette discussion.
Pour moi, comme pour l'honorable comte Le Hon, il s'agit ici d'un
intérêt plus élevé : il s'agit d'une question qui, comme l'a dit cet honorable
membre, touche à la base même de nos institutions.
La question que nous avons à examiner est double : elle comporte une
question de principe et une question d'application.
Lorsque M. le ministre de l'intérieur nous a présenté le projet de loi
que nous discutons en ce moment, il a dit, dans son exposé des motifs, que la
répartition qu'il propose est basée sur le principe sanctionné par la loi du 3
mars 1851.
L'honorable M. Lebeau, dans les considérations qu'il vous a présentées
au début de cette discussion, ainsi que dans les tableaux qu'il nous a soumis,
s'est inscrit en faux contre cette assertion, et prétend que la répartition
proposée n'est pas opérée conformément aux principes qui ont présidé à la
répartition de 1831.
(page 1061) Il s'agit donc,
messieurs, d'examiner avant tout quelles sont les bases admises pour le système
de 1831 ?
L'honorable M. Lebeau n'y voit qu'une base essentielle, constitutive :
la préférence accordée d'une manière rigoureuse et absolue aux excédants de
population les plus élevés.
Messieurs, que l'honorable membre me permette de le lui dire, c'est là
l’erreur fondamentale dans laquelle il est tombé. Il est évident, lorsqu'on
examine l'ensemble de l'économie de la loi de 1831, qu'à côté de ce principe
général et normal, qui a présidé à la rédaction de la loi de 1831, principe qui
consiste dans la préférence accordée aux excédants les plus élevés, il y a
aussi un autre principe, un principe d'équité qui est venu tempérer, qui est
venu modérer ce premier principe, trop rigoureux, trop absolu. Le législateur
de 1831 avait parfaitement compris qu'en ne tenant compte que des excédants les
plus élevés, on arriverait à des injustices ; et, comme le but de la loi de
répartition est d'arriver de la manière la plus exacte possible à la rigoureuse
représentation de toutes nos populations, il a senti que, pour arriver à ce
résultat, il fallait adopter un principe d'équité, faisant partie intégrante du
système.
Ce principe d'équité et de tempérament a été formulé de trois
différentes manières dans la loi de 1831. Il a pris la forme de l'alternat dans
certains cas, la forme du concours dans certains autres cas, et enfin, dans
d'autres encore, la forme de la compensation. Mais au fond, ce sont là trois
formules d'un même principe d'équité qui est venu tempérer ce qu'il y avait de
trop rigoureux dans l'application du seul principe de la préférence accordée
aux excédants les plus élevés.
En d'autres termes, pour m'exprimer d'une façon plus mathématique, le
projet de 1831 admettait indirectement des demi-représentants.
Messieurs, est-on resté fidèle à ce système de 1831, dans le projet qui
nous est soumis ?
Je n'hésite pas à dire oui.
D'abord le premier élément de ce système, le grand principe de la
préférence à accorder aux excédants les plus élevés, est aussi le principe qui
domine d'une manière normale et générale le projet nouveau. Pour les provinces,
par exemple, c'est le seul qui ait été admis. Pour les districts, c'est encore
le principe qui est admis dans le plus grand nombre de cas.
Mais si l'on voulait respecter le système de 1831, il fallait tenir
compte, sous peine de fausser ce système, de le modifier profondément, du
principe d'équité qui est venu tempérer ce système en 1831. En d'autres termes,
il fallait conserver ou l'alternat, ou le concours, ou la compensation.
Ces éléments ont-ils été conservés ?
Vous le savez, messieurs, l'alternat soulève beaucoup de difficultés,
beaucoup d'inconvénients pratiques, et sur tous les bancs aujourd'hui cette
formule semble condamnée. Il n'a été conservé, dans le projet de loi actuel,
que pour le seul district de Namur et de Philippeville.
Le principe du concours a été aussi conservé pour quelques cas spéciaux
relativement au sénat.
Reste le principe de la compensation.
Ce principe est conservé dans le projet, et il est même étendu
précisément à raison de la suppression du principe de l'alternat, car je
n'admets pas du tout l'assertion de l'honorable M. Lebeau, lorsqu'il dit :
« Le système des alternats étant condamné par le projet de loi nouveau,
le principe de la préférence attribuée par le décret du congrès aux excédants
les plus élevés doit s'appliquer désormais avec plus de rigueur qu'en 1831. »
D'après moi, c'est tout le contraire qu'il fallait dire. C'est
précisément parce que vous avez supprimé le principe de l'alternat qui modifie
profondément le principe de la préférence absolue accordée aux excédants les
plus élevés, qu'il faut un autre principe modérateur. Ce principe, c'est celui
de la compensation que le gouvernement, pour cette raison, a appliqué à un plus
grand nombre de cas qu'en 1831.
Ainsi, ce n'est pas le gouvernement qu'il faut accuser de modifier Je
système de 1831 ; il faudrait accuser de ce chef ceux qui, n'admettant plus
l'alternat (et personne n'en veut), se refusent à admettre le principe de la
compensation. Il faut nécessairement l'un ou l'autre ; et le principe de la
compensation, qui n'est pas nouveau, comme nous le voyons et comme cela a été
prouvé surabondamment dans la séance de samedi par M. le ministre de
l'intérieur et par M. Dubus, est devenu d'autant plus nécessaire, qu'il est
appelé à remplacer le principe modérateur de l'alternat.
L'adoption de ce principe de la compensation a soulevé quelques
objections que je réfuterai succinctement.
On a dit : Vous avez dans votre loi deux principes : vous appliquez aux
provinces, d'une manière absolue et sans aucune espèce d'exception, le principe
de la préférence accordée aux excédants de population les plus élevés, et pour
les districts vous introduisez le principe de la compensation.
Oui, messieurs ; mais remarquez que sous l'empire de la législation
actuelle, sous l'empire delà loi du 3 mars 1831, la même anomalie existe.
L'alternat n'a jamais été appliqué de province à province : toujours on a
admis, pour les provinces, le principe absolu de la préférence accordée aux
excédants les plus forts ; mais l'alternat était appliqué de district à
district. Je ne veux entrer dans aucun détail ; on comprend facilement que de
province à province on n'ait pu organiser les choses comme de district à
district. Dans le projet qui vous est présenté, vous avez également un système
absolu pour les provinces, comme en 1831 ; mais pour les districts vous avez un
principe modérateur, correctif, le principe de la compensation substitué à
celui de l'alternat.
Mais, dit-on encore, il serait convenable qu'il y eût, dans tous les
districts, un nombre de représentants double de celui des sénateurs. Cela
serait plus rationnel, et surtout plus symétrique.
Je l'avoue, messieurs, ce serait plus symétrique ; mais serait-ce plus
juste ? Voilà la question qu'il faut examiner. Car, n'oublions pas que le but
principal de la loi que nous examinons est d'arriver à la représentation la
plus exacte possible des populations et des fractions de populations.
D'ailleurs, cette objection qu'on soulève contre le projet que nous discutons,
aurait pu être soulevée aussi contre le principe de la loi de 1831. L'honorable
M. Lys et l'honorable M. Dubus vous ont prouvé à l'évidence, il ne faut
d'ailleurs qu'examiner les tableaux pour le voir, que, dans le système de la
loi de 1831, il n'y a ni pour les districts, ni pour les provinces, un nombre
de représentants toujours et régulièrement double de celui des sénateurs.
Une autre objection, messieurs, que l'on a faite à l'adoption du système
de la compensation (et d'après moi cette objection est la plus sérieuse, parce
que je ne veux pas non plus d'arbitraire dans la loi), c'est que ce système
prête à l'arbitraire. Messieurs, il y a là quelque chose de vrai, je n'en
disconviens pas, en ce sens, que l'application de tout ce qui est simplement
d'équité, de tout ce qui n'est pas un droit positif, prête nécessairement à
l'arbitraire. Mais, qu'on me permette de le demander à la chambre, faut-il,
dans la crainte d'un arbitraire éventuel, sanctionner aujourd'hui une injustice
réelle ? Ensuite, pourquoi le projet de loi est-il soumis à la législature ?
C'est précisément pour examiner si telle proposition qui nous est soumise est
conforme aux règles de la justice et de l'équité, conforme aux traditions
constitutionnelles.
J'arrive ainsi naturellement, messieurs, après avoir discuté la question
de principe, à la question de l'application de ce principe au cas spécial qui
concerne les districts de Termonde et d'Alost.
Messieurs, pour apprécier le côté juste et équitable de la répartition
qui vous est proposée pour les deux districts de Termonde et d'Alost, je
commencerai par examiner s'il est conforme à l'esprit du système de 1831. Je
trouve, dans le tableau accompagnant la loi de 1831, un cas absolument analogue
à celui que nous discutons en ce moment. Le district de Bruges avait en 1831,
100,000 habitants ; le district de Termonde a aujourd'hui 96,000 habitants, la
différence n'est que de 4,000. Le district de Courtray avait en 1831, 140,000
habitants ; le district d'Alost a aujourd'hui 138,000 habitants, différence,
2,000. Vous voyez, messieurs, que les deux cas sont identiques.
Eh bien, messieurs, comment a-t-on opéré la répartition en 1831 ? On a
donné trois représentants à Bruges, comme on propose aujourd'hui, trois
représentants pour Termonde ; Courtray n'eut que trois représentants, comme
Alost n'en aura également que trois ; mais en revanche, Courtray eut deux
sénateurs, comme on en reconnaît deux à Alost, et Bruges n'eut qu'un sénateur,
comme Termonde n'en aura qu'un, d'après le nouveau projet de loi. Ainsi, messieurs,
les cas sont identiques et le mode de répartition est également identique.
Pouvait-on, messieurs, arriver à une combinaison plus équitable que
celle proposée par le gouvernement, en ce qui concerne la répartition des
représentants et des sénateurs entre les deux arrondissements de la Flandre
orientale, dont il s'agit ? L'honorable M. Lebeau, dans l'amendement qu'il a
présenté, croit avoir trouvé une solution plus équitable du problème à
résoudre, en attribuant un quatrième représentant à l'arrondissement d'Alost.
Mais, messieurs, pour faire ressortir à tous les yeux l'injustice d'une telle
répartition, voyons comment les deux districts d'Alost et de Termonde sont
actuellement représentés, tant au sénat qu'à la chambre.
Le district d'Alost est représenté au sénat, par 2 sénateurs,
c'est-à-dire, qu'il y est représenté pour une population plus élevée
aujourd'hui que sa population réelle, de 22,000 habitants ; le district de
Termonde, au contraire, n'a qu'un seul représentant au sénat ; sa population
est de 96,000 habitants ; il y a donc 15,000 habitants de ce district qui ne
sont pas représentés au sénat.
Maintenant, messieurs, quelle est la position des deux districts
relativement à la chambre des représentants ? J'en appelle à votre bonne foi :
ne peut-on pas dire que les deux districts ont le même droit à obtenir un
représentant de plus ? Il n'y a qu'une différence de 2,000 habitants : en
effet, il manque à Alost 21,000 habitants et à Termonde 23,000 pour avoir droit
à un représentant de plus.
Eh bien, je le demande ; en présence du privilège dont Alost jouit,
quant au sénat, et en considération de la parité des titres invoqués par les
deux districts pour avoir un représentant de plus à la chambre, ne faut-il pas
accorder ce représentant au district de Termonde ? C'est une simple question
que j'adresse à votre bon sens et à votre bonne foi.
Un autre système de répartition a été proposé tout à l'heure par
l’honorable M. de Naeyer. Si vous voulez une compensation, dit cet honorable
préopinant, donnez du moins l'avantage le plus considérable au district qui a
l'excédant de population le plus élevé ; en d'autres termes : accordez à Alost
un représentant de plus et donnez à Termonde un deuxième sénateur.
Messieurs, je ne veux pas suivre l'honorable membre dans les développements
qu'il a donnés à la comparaison qu'il a établie entre l’importance relative des
sénateurs et celle des représentants. D'après nous, comme l'a fort bien fait
observer l'honorable M. Dubus, dans la séance de samedi dernier, les deux
chambres représentent également la nation, le sénat tout aussi bien que la
chambre des représentants.
(page 1062) Je conviens
que la chambre des représentants jouit de certains avantages que ne possède pas
le sénat ; mais il me semble que c'est une hérésie constitutionnelle de se
poser en victime parce qu'on obtient un sénateur de plus au lieu d'un
représentant. Du reste, messieurs, j'ai à faire valoir à cet égard une
considération qui n'a pas encore été présentée. Ce n'est pas d'aujourd'hui
qu'on propose d'attribuer un deuxième sénateur au district d'Alost ; depuis 16
ans, sans y avoir un droit réel et positif, l'arrondissement d'Alost jouit du
privilège d'être représenté au sénat au-delà de sa population, tandis que
l'arrondissement de Termonde, depuis 16 ans, est sacrifié sous ce rapport.
Et d'ailleurs l'honorable membre a senti la double anomalie où cela nous
conduirait : non seulement, le district de Termonde aurait autant de sénateurs
que de représentants ; mais il y aurait là une anomalie tout aussi criante pour
le district d'Alost, qui aurait quatre représentants et un sénateur. Or, le
projet de loi proposé par le gouvernement nous permet d'éviter cette double
anomalie, tout en appliquant un système équitable et rationnel.
Voilà donc la conclusion à laquelle on arrive par la seule inspection
des chiffres : puisque le district d'Alost a eu depuis seize ans le privilège
d'être représenté au-delà de son droit au sénat ; puisqu'il y a, à 2,000
habitants près, le même excédant de population dans les deux districts et que,
sous ce rapport, il y a parité de titres entre Termonde et Alost, le nouveau
représentant doit être accordé au district de Termonde.
L'équité de cette répartition ressort encore bien plus de l'importance
relative des deux districts. Je ne citerai que quelques faits qui résultent des
documents qui nous ont été communiqués.
Les communes qui composent le district d'Alost sont en général fort peu
importantes : pour arriver au chiffre de 138,000 habitants, ce district compte
81 communes, c'est-à-dire une moyenne de 1,700 habitants par commune. Le
district de Termonde n'a que 26 communes, soit une moyenne de 3,700 habitants
par commune.
On comprend aisément que de telles communes présentent un bien autre
intérêt social.
Le district d'Alost, sur une population de 138,000 habitants, n'a gagné,
depuis 15 ans, que 7,000 habitants. Le district de Termonde, sur 88,000
habitants, en a gagné 9,000. Ainsi, sous ce deuxième rapport, sous le rapport
de l'accroissement de la population, le district de Termonde l'emporte sur
celui d'Alost.
Il est encore un autre moyen de juger l'importance respective des deux
districts : c'est la proportion du nombre des électeurs avec le nombre des
habitants.
Le district de Termonde ne devrait, proportion gardée du nombre des
électeurs du district d'Alost par rapport à sa population, avoir que 1,000
électeurs ; il y en a 1,056, c'est-à-dire qu'il y a sur 1,000 électeurs un
excédant proportionnel de 5 p. c.
Examiner le dernier tableau annexé au rapport de la section centrale. La
ville d'Alost ne compte un électeur que sur 66 habitants ; la ville de Termonde
en a un sur 38 habitants ; les campagnes du district d'Alost n'ont un électeur
que sur 113 habitants ; les campagnes du district de Termonde ont un électeur
sur 97 habitants. Donc, en mettant le nombre des électeurs en rapport avec la
population respective, tant pour les villes que pour les campagnes, le district
de Termonde offre encore un avantage marqué sur celui d'Alost.
Je crois inutile d'entrer dans de plus longs détails, et de prouver, par
l'exposé de l'importance relative des deux districts d'Alost et de Termonde,
qu'il y aurait une criante injustice à accorder au district d'Alost tous les
bénéfices de la nouvelle répartition des sénateurs et des représentants.
Messieurs, je crois avoir prouvé d'abord, que les bases du projet de loi
en délibération sont conformes à celles de la loi du 3 mars 1831 ; ensuite, que
le principe de la compensation n'est pas un principe nouveau, qu'en tous cas
c'est un principe essentiellement équitable, d'autant plus nécessaire qu'on a
supprimé l'alternat ; enfin, que le principe de la compensation est appliqué
d'une manière rationnelle et juste aux deux districts de Termonde et d'Alost.
Cependant, messieurs, je tiens à ce qu'il y ait
harmonie dans tout le système ; et, pour ma part, je déclare que je ne suis pas
complètement satisfait de la répartition proposée pour les districts de Malines
et de Turnhout. Je pense, avec d'honorables collègues, que là il y aurait une
modification à faire au projet du gouvernement.
Il faudrait, ou bien proposer, comme le faisait avant-hier l'honorable
M. Dubus, le concours de Turnhout avec Anvers pour l'élection d'un nouveau
représentant ; ou bien admettre le concours de Turnhout avec Malines pour
l'élection d'un sénateur. C'est là, en supposant qu'on admette le principe du
concours, le système le plus rationnel. Si l'on présentait un amendement dans
ce sens, je croirais devoir m'y rallier. Une telle combinaison, en effet, me
paraît la plus conforme à l'esprit qui a présidé à la rédaction du projet que
nous discutons.
M.
Castiau. - Messieurs, je n'imiterai pas les préopinants
; je ne viens pas prendre part à la discussion qui s'est engagée entre les
honorables députés de Liège, de Verviers, d'Alost et de Termonde pour la
conquête des représentants et des sénateurs que ces localités se disputent.
C'est là, messieurs, si je puis m'exprimer ainsi, une sorte de course
aux sénateurs et aux représentants, à laquelle je n'ai pas à me mêler en ce
moment.
Je risquerai seulement une simple observation sur ces discussions
animées : il semble que plus on avance et plus la question se complique ;
peut-être pour la décider sera-t-on obligé de recourir à un nouveau jugement de
Salomon, en partageant l'objet de ces réclamations contradictoires.
Si je prends de nouveau la parole, c'est, messieurs, que je ne puis
laisser sans réponse les observations par trop personnelles, qui viennent de
m'être adressées par mon honorable ami, M. Delfosse.
Tout en déclarant qu'il était d'accord avec moi sur la légitimité et la
nécessité d'une réforme électorale, l'honorable membre m'a cependant adressé un
blâme indirect pour d'être venu, à l'occasion de la loi qui nous occupe, soulever
cette question.
Comment, messieurs, ai-je été amené à examiner tout à la fois et la
question de la réforme électorale et la question de la réforme parlementaire ?
Mais évidemment par le projet de loi qui vous est soumis, et auquel ces
questions se rattachent par les liens les plus intimes, ainsi que j'avais eu
l'honneur de vous l'expliquer déjà dans mon premier discours.
Quel est, en effet, le but de ce projet de loi ? C'est l'amélioration de
notre système représentatif. Les moyens mis en avant par le ministère
atteignaient-ils le but vers lequel on marchait ? Là était la difficulté, et
évidemment nous avions le droit, à cette occasion, de signaler les lacunes, les
contradictions et les inconséquences que le projet pouvait offrir. C'est ce que
j'ai fait.
Je vous ai dit que l'augmentation du nombre des représentants et des
sénateurs devait entraîner l'augmentation des électeurs dont le nombre reste
stationnaire et serait même frappé de décroissance, s'il faut en croire les
statistiques que je vous ai citées.
J'ai également prétendu que l'amélioration de notre régime parlementaire
exigeait l'incompatibilité entre les fonctions législatives et les fonctions
publiques amovibles.
J'ai blâmé et accusé le ministère de n'avoir pas rattaché ces deux
questions à celle qui nous occupe.
En présentant ces observations, je crois être resté, non pas dans les
limites étroites du projet de loi, mais dans l'examen des conséquences qui
devaient découler de ce projet. Plus que jamais je reste convaincu que vous
n'aurez rien fait dans l'intérêt de l'amélioration de nos institutions
représentatives, si vous n'y rattachez pas en même temps la question de la
réforme électorale et la question de la réforme parlementaire.
Que M. le ministre de l'intérieur n'ait rien dit de l'examen de ces
questions, je le comprends parfaitement. Il paraît que le ministère, en ce
moment, est aussi pauvre d'idées que faible de constitution. Il vit au jour le
jour, et se traîne terre à terre. Triste spectacle ! II veut mourir comme il a
vécu, dans un état de nullité et d'impuissance ; il s'admire dans le projet de
loi, qui semble fait à son image, et qui, par l'insignifiance de ses résultats,
semble porter le cachet de stérilité dont ont été empreintes jusqu'ici toutes
les œuvres ministérielles.
Il paraît, du reste, messieurs, que le ministère est encore beaucoup
plus mal que je ne le pensais. J'avais dit dans mon premier discours que le
ministère en était à l'agonie. Je serais tenté de croire aujourd'hui qu'il a
perdu complètement et le sentiment et la parole. Ne l'oubliez pas, je l'ai
attaqué vivement, trop vivement, peut-être, je l'ai agité, remué, secoué de
mille manières. J'ai même eu recours aux commotions d'une sorte de galvanisme ;
je n'ai rien pu obtenir, ni une parole, ni une plainte, ni un geste, ni un
soupir. Que conclure de cette incurable immobilité ? Que l'agonie est plus que
complète, que la crise fatale est arrivée et que le ministère est en quelque
sorte à l'état de cadavre. S'il en est ainsi, qu'il repose en paix dans les
catacombes politiques ; n'agitons pas sa cendre et cessons d'accuser sa
mémoire.
Messieurs, je ne me suis pas étonné du silence, de l'impassible silence
gardé en celle circonstance par le ministère ; mais je me suis étonné que
personne, sur les bancs que j'occupe, n'ait uni sa voix à la mienne pour
réclamer le complètement de la loi, la réforme électorale et la réforme
parlementaire. Ce silence a dû m'affecter, et je ne puis m'empêcher de vous le
dire. N'était-ce pas une occasion pour l'opposition de prouver qu'elle savait
s'élever au-dessus des débats de personnes, se préoccuper des questions de
principes et préluder aux améliorations dont elle se propose de doter le pays ?
Pendant deux séances, l'opposition s'était tue sur les questions que
j'avais soulevées ; mais aujourd'hui, elle vient enfin de parler par l'organe
de mon honorable ami M. Delfosse ; enfin une voix amie s'est fait entendre dans
cette enceinte, elle s'est unie à la mienne pour proclamer l'irrésistible
nécessité d'une réforme électorale ; mais, en même temps qu'on me donnait cette
adhésion publique, on m'en retirait le bienfait en contestant l'opportunité de
la présentation d'une proposition de réforme.
Oubliant même qu'il ne pouvait s'agir ici que de questions de principes,
on est venu mêler des considérations toutes personnelles au débat ; et les
principes se sont trouvés presque complètement effacés par les questions de
personnes qui ont fait presque exclusivement les frais du discours de
l'honorable membre.
Que vous a-t-on dit ? Que si la représentation nationale n'était pas
composée suivant mes sympathies il ne fallait pas tant accuser en définitive
notre système électoral que l'absence de candidats ou le refus d’acceptation
des candidatures parlementaires. A cette occasion, l'honorable membre a cité l'exemple
d'un généreux et grand citoyen, qui a déposé son mandat dans cette enceinte et
qui a refusé depuis de rentrer dans la vie parlementaire.
(page 1063) Ce n'est pas une
pensée de découragement vulgaire qui a dicté cette détermination qu'on a paru
poursuivre de je ne sais quel blâme. Le courage de Gendebien était à la hauteur
de son patriotisme et de son talent. Il l'avait assez prouvé en jouant sa tête
au jeu terrible des révolutions, et en restant pendant dix ans sur la brèche
pour défendre nos droits et nos libertés.
Dans quelles circonstances a-t-il répudié son mandat ? C'est en 1839,
dans cette année de sinistre souvenir. Il s'agissait, pour la Belgique, d'une
question d'honneur, d'existence nationale en quelque sorte ; il s'agissait de
mutiler le territoire et de livrer à l'étranger 300,000 Belges et la moitié de
deux de nos provinces. En présence de cet immense désastre national, n’était-il
pas permis, non pas de céder au découragement, mais de désespérer de l’honneur,
de la dignité, de l’existence de la Belgique ? Pour n’être pas obligé de
voir s’accomplir sous ses yeux ce terrible sacrifice, Gendebien a préféré
déchirer son mandat et en appeler à la justice des peuples. Sa retraite fut
sans doute une calamité publique ; mais elle fut aussi la plus énergique des
protestations contre un traité odieux. Aussi les regrets et les sympathies du
pays tout entier l'ont-ils suivi dans sa retraite, et jamais popularité ne fut
plus grande et mieux méritée.
Maintenant, vous le comprenez, après avoir évoqué cette grande
réputation devant nous, j'aurais mauvaise grâce à parler de moi, à me faire
apparaître, moi chétif et sans précédents, à la suite de cet homme qui est
resté pur et grand pour tous les partis. Je regrette donc, je regrette vivement
que mon honorable ami ait mêlé mon nom, à diverses reprises, à ce débat et
m'ail ainsi infligé le ridicule de devoir vous parler de moi après Gendebien.
Aussi, croyez-le bien, je ne pousserai pas l'extravagance de la vanité, jusqu'à
m’arrêter à ces débats tout personnels. S'il m'avait été permis de vous parler
de moi et de ma position politique, je vous aurais dit que je n'ai pas la
ridicule prétention de lutter presque toujours seul contre tous.
Si donc une pensée de découragement était permise, elle ne serait que
trop justifiée par l'isolement de ma position dans cette enceinte. Quand votre
nom est sans autorité et votre parole sans influence ; quand les mesures que
vous proposez sont repoussées d'avance ; quand le plus avancé de vos amis
politiques se contente de vous adresser une adhésion conditionnelle, comme
celle de M. Delfosse ; quand il vous est bien démontré que vos efforts sont
impuissants, que vos intentions même sont souvent odieusement calomniées ;
quand on est enfin convaincu qu'on ne peut rendre aucun service el que même on
est un obstacle pour le parti qui consent à vous adopter, n'a-t-on pas terminé
sa mission ? N’est-il pas permis de désespérer du présent el de douter de
l'avenir ? Le découragement enfin n'est-il pas d'autant plus excusable alors
que, je vous l'ai dit à satiété déjà, si vous n'introduisez rapidement de
larges améliorations dans votre régime électoral et parlementaire, vous n'aurez
bientôt plus, dans le pays, que l'hypocrite simulacre du gouvernement
représentatif.
Je respire enfin, car je puis abandonner tous ces détails personnels,
qui n'auraient pas dû se faire jour dans cette assemblée, pour en revenir à la
question de réforme électorale que mon honorable ami n'a que trop longtemps
oubliée dans son discours.
Que vous a-t-il dit, messieurs, de cette réforme électorale ? Qu'il la
voudrait, avec moi ; mais qu'elle serait rejetée par la majorité, par cette
vieille et incorrigible majorité qui s'effraye de la réforme la plus
inoffensive.
Je le crois aussi, messieurs ; mais je pense également que les questions
de réforme larges, profondes, décisives, ne sont pas des questions qui
s'improvisent et se tranchent en un jour. Je crois que de telles questions
doivent être d'abord agitées par l'opinion et reproduites cent fois dans la
presse et à la tribune avant de passer dans le domaine des faits.
C'est ainsi que pour la réforme parlementaire, en Angleterre, il n'a pas
fallu moins d'un siècle entier pour arriver à transformer en loi les motions de
réforme parlementaire qui se faisaient régulièrement chaque année à l'ouverture
du parlement. Les grandes et radicales réformes sont donc, avant tout, des
questions de temps.
Ce sont des conquêtes qu'on ne peut conquérir qu'avec la puissance du
travail, de l'intelligence, de la volonté et à la sueur du front en quelque
sorte ; je ne le sais que trop. Mais ce que je sais aussi, c'est que les
majorités finissent par s'user, c'est qu'elles s'usent surtout quand il leur
arrive de vouloir représenter l'immobilité politique absolue ; de refuser
systématiquement toute espèce de réforme. Oui, c'est alors que les majorités se
discréditent et se perdent, parce qu'elles soulèvent contre elles toutes les
intelligences, toutes les volontés, tous les intérêts.
Mais mon intention n'était pas d'aborder, ici, en ce moment, à la fin
d'une session, un projet de réforme électorale qui dût effrayer les timides par
sa hardiesse ; non je ne comptais pas venir vous demander en ce moment, que,
réalisant dans toute sa vérité le gouvernement représentatif, on appelât la
majorité des citoyens à l'exercice des droits politiques ; mes intentions
étaient plus modestes, et mes vœux moins ambitieux. Mon Dieu, j'avais réduit la
proposition de réforme que je complais soumettre à l'assemblée, aux proportions
les plus humbles. Cette proposition, je l'avais faite aussi inoffensive que
possible, tellement inoffensive que, comptant sur une sorte de retour de
jeunesse de cette vieille majorité qui m'écoute (interruption), j'avais l'espoir de la lui voir adopter.
Il s'agissait simplement d'adjoindre aux listes électorales les listes
du jury.
Pour vous en convaincre permettez-moi de mettre sous vos yeux cette
proposition que j'ai communiquée à la plupart de mes amis politiques et qui n'a
pu réunir jusqu'ici que l'appui de trois signatures :
« Les listes électorales, dont la loi du 3 mars 1831 ordonne la révision
du 1er au 15 avril de chaque année, comprendront à l'avenir les noms des
citoyens qui aux termes de l'article premier, n° 2 de la loi du 15 mai 1838,
sont appelés à exercer les fonctions de jurés, pourvu qu'ils remplissent les
autres conditions imposées par la loi et qu'ils payent, en outre, en
contributions directes, patentes comprises, la somme de 20 fr. dans la province
de Luxembourg et celle de 30 fl. dans les autres provinces. »
Plusieurs membres. - C'est très bien : nous sommes prêts à appuyer cette
proposition.
M.
Castiau. - Merci, messieurs ; votre adhésion m'encourage
; je n'hésite plus cette fois et je vais à l'instant déposer cette proposition
sur le bureau pour être soumise au vote de la chambre. On pourrait s'en occuper
à l'instant, car cette proposition n'est, après tout, qu'un amendement qui
complète la loi qui vous est présentée. Je crois même inutile de la développer,
tant l'adjonction des jurés aux listes électorales a pour elle la raison, la
justice et la vérité.
Veut-on maintenant donner à cette proposition une importance qu'elle ne
peut avoir ? Les partisans des formes réclameront-ils pour elle un examen et un
rapport spécial ? Pense-t-on qu'il y aurait eu quelque inconvénient à la
joindre au projet que nous discutons ? Est-il vrai qu'en persistant à la
rattacher au projet de loi, je compromettrais le succès de ce projet ? Eh bien,
dans ce cas, je proposerais tout le premier la disjonction.
Vous feriez sans doute beaucoup trop d'honneur à cette pauvre petite
réforme, à cette réforme infinitésimale, si je puis m'exprimer ainsi, en
déployant pour elle toute la pompe des formes parlementaires ; mais si vous
tenez absolument à lui rendre des honneurs qu'elle ne mérite pas, eh bien !
j'aurai la faiblesse de les accepter pour elle.
Seulement je crains bien que le rapport ne puisse vous en être présenté
dans le courant de la session et qu'elle n'aille s'ensevelir dans les cartons
de nos sections.
Dans ce cas, je compte qu'il se trouvera dans cette enceinte une voix au
moins, celle de mon ami Delfosse, pour l'en faire sortir. Et si jamais il
entrait dans les conseils du gouvernement, j'espère bien que le premier usage
qu'il ferait de son influence, serait d'assurer l'adoption delà proposition que
je lui aurais léguée.
Dans cet espoir, je dépose maintenant
cette proposition sur le bureau, la chambre en fera ce qu'elle voudra ; elle
pourra l'adjoindre comme article additionnel au projet qui lui est soumis ; ou
bien le distraire et le renvoyer à l'examen des sections. Je suis sans crainte
sur le résultat de cet examen ; car j'aurai pour moi, j'espère, non seulement
l'adhésion de mes amis politiques, mais encore l'impartialité de la majorité de
cette chambre. Dans tous les cas j'espère que, si la majorité de cette
assemblée n'acceptait pas cette proposition de réforme d'entraînement et de
sympathie, elle voudrait bien la subir à titre de pénitence et comme expiation
des erreurs, des fautes des méfaits politiques qu'elle a pu commettre dans sa
trop longue carrière.
M. Delfosse
(pour un fait personnel). – Je n'ai pas besoin, je pense, de déclarer qu'il
n'est pas entré dans mes intentions de déverser le moindre blâme sur
l'honorable M. Gendebien. Je n'ai exprimé qu'un regret : personne plus que moi
ne rend justice à cet honorable citoyen ; personne plus que moi n'est
reconnaissant des services qu'il a rendus au pays, et je me félicite d'avoir
amené l'honorable M. Castiau à lui donner dans cette enceinte un témoignage
éloquent, plus éloquent que je n'aurais pu le faire, d'estime et d'admiration.
Si, après avoir parlé de l'honorable M. Gendebien, j'ai parlé de l'honorable M.
Castiau, c'est que ces deux noms, les noms de Gendebien et de Castiau, sont
unis dans mon esprit comme ils sont unis dans mon cœur.
M. de Mérode. - Messieurs, parmi les observations qui vous ont été
présentées dans la discussion générale et qui manquent de fondement, je trouve
d'abord celle-ci, que puisque le projet de loi a pour objet de mettre la
représentation nationale en rapport avec la population du pays, s'il est juste
d'augmenter le nombre des représentants parce que la population s'est accrue,
il serait bien plus juste encore d'augmenter le nombre des électeurs suivant la
progression de cet accroissement.
Contre cette critique du projet je dirai premièrement que la seule chose
équitable en cas de modification dans les rapports des diverses populations du
pays entre elles serait non point d'augmenter le nombre des représentants, mais
d'en régler, si la justice distributive l'exige, une répartition nouvelle, car
je ne crois pas un pays mieux représenté lorsqu'il envoie aux chambres des
députés plus nombreux.
La Convention nationale de France, en 1793, formait plus qu'un véritable
régiment. A peine constituons-nous une compagnie dans cette enceinte, et
cependant au lieu d’exercer, à son exemple, une affreuse tyrannie, nous avons
tout fait pour la liberté, infiniment plus même que l’assemblée constituante si
nombreuse aussi.
En second lieu, l'expérience prouve que la multitude des électeurs, loin
de donner de la considération aux fonctions électorales, éloigne de leur
exercice ; à tel point que nous voyons souvent à Bruxelles les deux tiers, les
trois quarts des électeurs s'abstenir de prendre part au choix des conseillers
communaux. D'où résulte que l'intelligence politique, l'éducation politique est
loin d'avoir fait les immenses progrès qu’on lui attribue.
Une seconde assertion contre laquelle je m'élève, c'est que la chambre
des représentants, telle qu'elle est composée, représente la vieillesse.
Messieurs, l'on est sur les bancs où nous siégeons admissible à 25 ans. Or, à
cet âge à peine a-t-on terminé ses études ; lorsqu'elles sont complètes, (page 1064) à peine a-t-on pu acquérir la moindre
expérience de la vie pour diriger sa propre conduite. Comment donc serait-on
apte à guider la société ? Mais si l'on est éligible à vingt-cinq ans,
faudrait-il qu'on ne fût plus éligible à quarante, de peur de livrer le
gouvernement à la caducité ? Et suffirait-il pour prouver l'avantage d'une
semblable prohibition, de multiplier cent par quarante et de montrer le produit
d'une si concluante opération arithmétique qui s'élèverait à quatre mille ans ?
Il est un pays, messieurs, où l'on a pris l'habitude de renverser les
gouvernements par des émeutes, où l'on organise des bandes armées qui se ruent
sur les cantons voisins dans l'espoir d'y faire régner la violence. Eh bien,
que fut-il imaginé pour valider ce régime subversif ? La juvénocratie !
c'est-à-dire la participation aux affaires publiques d'une adolescence
inconsidérée qui, n'ayant rien vu, n'a rien appris, ne ménage rien.
En effet, n'a-t-on pas vu récemment, à Genève les membres du
gouvernement légal qui, défendant son existence légale, s'était acquitté d'une
obligation impérieuse ; n'a-t-on pas vu ces membres, vaincus par un coup de
main audacieux, condamnés à payer les dégâts causés par la subversion
triomphante et forcés de payer ensemble une amende de 40 mille francs pour
s'être permis l'accomplissement de leur devoir constitutionnel ? Non messieurs,
ce n'est pas en vain que la Bible nous montre le juvénile successeur de
Salomon, Roboam poussant dix tribus sur douze à se séparer de lui parce qu'il
écoutait les conseils de jeunes gens inexpérimentés et entreprenants, au lieu
de suivre les avis de la prudence que lui donnait l'âge mûr.
Et c'est pour établir la domination de cette juvénocratie malencontreuse
que l'on vous conseille de multiplier sans relâche les réélections, afin de
fatiguer les hommes qu'un nombre d'années plus grand rend moins propres au
remue-ménage continuel.
Messieurs, j'appartiens à un district où les électeurs de plusieurs
cantons sont forcés de passer deux nuits hors de leurs domiciles pour
participer à l'élection, où les fermiers de ces cantons et d'autres moins
éloignés sont obligés d'épuiser, pour le service électoral, leurs chevaux
destinés au labour par de longs voyages vers le chef-lieu, et d'abandonner
ainsi leurs travaux utiles, souvent même indispensables. Sans doute, il faut
accepter ces luttes, ces gênes, quand la Constitution l'exige ; mais il serait
absurde, de la part du gouvernement, de les réitérer sans motif, tandis que les
exigences de la loi et celles de la mort, car nous ne sommes pas à l'abri de
ses coups, les multiplient déjà trop souvent.
En outre, beaucoup de cultivateurs, de fournisseurs engagés dans le
commerce de détail ont à ménager des personnes d'opinions diverses avec
lesquelles ils sont liés par leurs affaires ou par leurs baux, et les exposer
sans nécessité aux tiraillements renouvelés sans cesse de l'antagonisme
politique, c'est tourmenter à plaisir cette classe nombreuse de citoyens
paisibles et laborieux qui n'aiment pas à se mesurer constamment avec des
adversaires dans le champ clos des partis. Ajoutez à cette considération les
frais de transport el accessoires que coûte aujourd'hui le combat électoral
pour beaucoup de candidats à élire ou à réélire. Or, ces frais sont souvent si
considérables que des hommes parfaitement dignes de la confiance publique, et
qui ont prouvé leur capacité par d'incontestables services, n'osent plus se
mettre sur les rangs, leur fortune ne leur permettant pas d'y figurer avec
chance de succès.
Messieurs, comme mon parti, comme l'opinion vraiment libérale, vraiment
belge, c'est-à-dire amie de la liberté sincère et sans masque, que je
représente et qui n'a rien de commun avec le faux libéralisme qui doit déguiser
son drapeau, se compose généralement de ces hommes d'âge mur et tranquilles
auxquels répugne un perpétuel pugilat politique, je ne mettrai jamais mon
honneur à perdre le rôle que je supporte ici dans l'intérêt social depuis 17
ans, en favorisant de mon approbation l'abus des élections multipliées sans
fin.
j'ajoute que la Constitution belge, en divisant par moitié, tous les
deux ans, les élections dans le royaume, indique clairement l'intention de ne
pas brusquer les revirements mobiles de l'opinion réelle ou factice, et
renoncer sans raison pressante à ce mode prudent de renouveler les chambres
législatives serait mépriser l'une des plus sages précautions du congrès.
Qu'il me soit permis de m'expliquer encore sur une définition des partis
que vous présentait l'orateur, dont la parole se fit entendre la première dans
la séance de samedi.
« L'une des deux grandes opinions qui divisent la Belgique, vous
disait-il, s'appelle libérale ; l'autre, j'éprouve quelque embarras à la
nommer, puisqu'elle est à la recherche d'un nouveau nom ; mais jusqu'à ce que
le nom soit fixé, je me servirai de celui de catholique.
« Le parti libéral ne veut, lui, que la Constitution, toute la
Constitution, avec la juste et saine application de son principe à tous les
droits, à tous les intérêts, et plus heureux que dans d'autres pays, il n'a
rien à conquérir et tout à conserver, il s'appellerait mieux le parti
constitutionnel.
« Le second parti, le parti catholique, est attaché aussi à nos
institutions et à leurs principes ; mais il diffère essentiellement du premier
parti quant au mode et aux mesures à prendre pour leur application ; il admet
l'intervention indirecte du clergé dans le domaine civil, soit comme agent
modérateur de l'esprit de la liberté, soit comme un soutien qu'il croit
nécessaire à la faiblesse du pouvoir. »
Messieurs, cette définition des partis que vous donnait avant-hier
l'orateur précité, vous prouve de nouveau combien sont défectueuses, combien
sont fausses dans leur application présente les qualifications de libéral et de
catholique. Voici longtemps que j'ai indiqué tout le péril de cette logomachie,
toute la confusion d'idées qui en résulte. En fait d'idées religieuses ou
philosophiques, il y a en Belgique, comme ailleurs, deux partis séparés par des
degrés divers, à savoir celui des esprits qui croient à la mission divine du
christianisme, et celui des esprits qui pensent que la raison humaine suffit à
l'homme sans la révélation surnaturelle préconisée par les évangélistes et
leurs successeurs. Il y a donc avec de intermédiaires insouciants c'est-à-dire
les gens qui sont absorbés pas les affaires temporelles des catholiques et des
rationalistes.
Dans l'ordre politique, il y a des hommes qui aiment la liberté pour
tous, d'autres qui l'aiment pour eux seuls, soit par la protection exclusive
d'un prince, soit à l'aide d'institutions constitutionnelles faussées et
trompeuses ; j'appelle les premiers libéraux, les autres sont absolutistes ou
libérâtres. Or, il y a en grand nombre en Belgique des catholiques-libéraux
comme des rationalistes-libéraux, et ces catholiques ne veulent pas plus que
d'autres l'intervention indirecte du clergé dans le domaine civil. On pourrait
plutôt dire que certains rationalistes souhaitent ardemment l'intervention du
pouvoir civil dans le domaine religieux, et c'est là le motif principal pour
lequel les amis et les membres du clergé, eu tant que citoyens, cherchent à
obtenir dans les chambres un nombre suffisant de défenseurs de la liberté
chrétienne. Quant à moi, messieurs, je ne suis pas le moins du monde embarrassé
du nom que je veux me donner. Politiquement, je suis libéral ; sous le point de
vue religieux et philosophique, je crois à la vérité du christianisme
universel, dont le centre est à Rome, jadis capitale fameuse du vieux monde
païen converti, changé, transformé par la foi en Jésus-Christ ; si un prêtre
concourt à mon élection, selon son influence légitime, il use de son droit
comme un pasteur protestant ou un rabbin peut user du sien. Si le clergé est
agent modérateur de l'esprit de liberté par ses prédications morales, il rend
service à la société, en empêchant la licence, et je crois cette action si
nécessaire, que sans elle nous tomberions dans le chaos ; mais je ne confonds
pas pour cela la mission ecclésiastique avec la mission politique, il existe
entre elles des liens plus forts que toutes les combinaisons idéales par
lesquelles on veut quelquefois les séparer d'une manière trop absolue ;
néanmoins, elles sont, elles doivent être distinctes.
Si l'on s'était borné, messieurs, à examiner exclusivement dans son
essence le projet de loi en discussion, je me serais abstenu de combattre de
nouveau des idées contraires au vrai principe d'ordre libéral et
constitutionnel que nous avons su maintenir depuis 1830, avec une telle
perfection relative qu'elle nous distingue à un haut degré, jusqu'à ce jour, au
milieu des autres nations.
M. Lebeau. - La discussion a pris un caractère
avec lequel contrasteraient singulièrement les observations un peu arides que
j'aurais à présenter à la chambre. Je me réserve donc, comme elles se
rattachent purement et simplement au tableau de répartition, de les reproduire
après la discussion générale, et lorsqu'on mettra en discussion l'article
premier, auquel se rattache mon amendement.
M. Desmet. -
J'ai demandé la parole pour répondre deux mots à l'honorable M. Dedecker. Cet
honorable membre a dit, avec raison, que le but de la loi est de donner au pays
la représentation la plus complète et la plus rigoureuse.
Messieurs, pour arriver à ce but, pour avoir une représentation
complète, juste et équitable, nous avons fait nos réclamations. Car nous
disions que pour le district d'Alost une pareille représentation n'existait
pas.
Mais, dit l'honorable M. Dedecker, l'alternat est supprimé. Or,
l'alternat étant supprimé, il ne reste plus que la compensation.
Il est vrai, messieurs, que l'alternat est supprimé dans le projet. Il
en a été de même en 1831. Dans le projet de cette époque, on repoussait aussi
l'alternat, mais le congrès l'y a introduit. Pourquoi ? Parce qu'il a trouvé
que c'était le moyen d'arriver à une juste répartition. J'ai cité trois
exemples où j'ai prouvé que la chambre avait senti la nécessité d'en venir à
l'alternat, celui de Maestricht, celui de Liège et celui du Hainaut.
Messieurs, qu'est-ce que la compensation ? Je crois réellement que le
sens de ce mot n'est pas parfaitement compris dans cette circonstance.
Compenser, messieurs, c'est donner une chose de même prix, de la même
valeur que celle que vous prenez.
Eh bien ! je le demande encore une fois, peut-on réellement dire que la
représentation au sénat peut compenser la représentation à la chambre ?
L'honorable M. de Naeyer vous a prouvé que cela était complètement impossible.
Mais, messieurs, j'ajouterai une considération à celles qu'il vous a
données.
Les populations sont représentées à la chambre ; les populations sont
représentées au sénat. Mais la liberté des choix est-elle la même pour les deux
chambres ? Lorsqu'on voit, messieurs, le petit nombre d'éligibles au sénat, à
cause du cens élevé, peut-on dire qu'il y a compensation entre la
représentation au sénat et la représentation à la chambre ? Combien, messieurs,
le Luxembourg a-t-il d'éligibles au sénat ? Un seul. Il n'y a qu'un seul
citoyen dans le Luxembourg qui paye 1,000 florins de contribution. Il est vrai
que la Constitution dit que lorsque le nombre d'éligibles n'est pas suffisant,
on complète ce nombre par les plus imposés jusqu'à concurrence d'un sur 6,000
âmes. Mais, malgré cette imposition, peut-on dire qu'il y a analogie entre les
choix pour la chambre et les choix pour le sénat ? Evidemment non, messieurs ;
on peut dire que l sénat est un corps tout à fait aristocratique.
Dans mon district il n'y a qu'un seul habitant qui paye le cens. Sans (page 1065) doute on pourra en augmenter
le nombre par suite de la latitude que laisse la Constitution. Mais je le
demande encore, le choix est-il aussi libre que pour la chambre, pour laquelle
toute la population masculine peut être élue.
Je laisse, messieurs, cette appréciation à votre jugement. Mais il me
paraît clair, il me paraît palpable qu'on ne peut pas dire qu'il y a, pour
l'élection d'un représentant, compensation dans l'élection d'un sénateur.
Dès lors, messieurs, la compensation étant prouvée impossible, vous ne
pouvez adopter une mesure injuste. Car, comme vous l'a dit l'honorable M.
Dedecker, il faut que la représentation soit complète, qu'elle soit juste,
qu'elle soit aussi égale que possible pour toutes les parties du pays.
Mais, nous dit l'honorable M. Dedecker, vous ne pouvez pas vous
plaindre, puisque vous avez depuis longtemps, injustement, iniquement,
illégalement un sénateur que vous ne deviez pas avoir, puisque vous n'aviez pas
un chiffre de population suffisant pour l'obtenir. Messieurs, je ne crois pas
que le district d'Alost ait eu injustement un sénateur de plus. D'abord on n'a
jamais fait de réclamation à cet égard ; et si l'on avait réclamé, je ne sais
si Alost aurait tant tenu à son sénateur.
Mais, messieurs, que manque-t-il de population à ce district pour que
son droit à l'élection d'un sénateur ne puisse lui être contesté ? Il lui
manque à la vérité 23,000 âmes ; mais il a pour ses représentants 19,000 âmes
de trop. Certes, messieurs, ces deux chiffres sont bien près de se compenser,
puisque la différence n'est que de 4 à 5,000 âmes. Je pense que la population
en trop peut compenser la population en trop peu. Ainsi le reproche d'injustice
vient à tomber.
Mais, messieurs, qu'est-ce que cet argument prouve ? C'est qu'il est
injuste d'ôter à une population de 138,000 à mes comme celle d'Alost, pour
donner à une population de 90,000 âmes comme celle de Termonde. C'est,
messieurs, ce qu'on a tenté, et c'est pour cela qu'on a cru devoir recourir à
ce reproche de possession mal acquise.
Ainsi, messieurs, il me paraît évident qu'en 1831, pour ne pas commettre
des injustices patentes, on a eu recours à l'alternat, et je crois que c'est
encore le moyen le plus juste, le plus équitable.
Que répond-on ? L'alternat, dit-on, présente des inconvénients
pratiques. J'avoue, messieurs, que je ne connais pas ces inconvénients.
On dit encore qu'après quatre années on doit élire quelqu'un qui
n'appartient pas au district qui a été représenté. Mais je ne vois pas
d'inconvénients à ce résultat. Au contraire, je vois là un grand bien ; car on
est ainsi forcé de changer un peu la représentation.
Mais les inconvénients sont dans le système contraire. Ces
inconvénients, ce sont les plaintes que feront entendre avec juste raison les
habitants du district d'Alost, lorsqu'ils verront que vous donnez à Termonde,
qui n'a que 96,000 habitants, la même représentation à la chambre qu'à leur
district, qui a 138,000 habitants.
L'honorable M. Dedecker, voyant bien l'injustice qu'on commettait à
l'égard d'Alost, vous a dit que si Termonde avait moins de population, il avait
plus d'importance. Il vous a cité comme une preuve que le district de Termonde,
qui n'a que 26 communes, a une population de 96,000 habitants ; tandis que le
district d'Alost, qui a 81 communes, n'a que 138,000 habitants.
J'avoue, messieurs, que je ne comprends pas cet argument. Qu'est-ce que
le district d'Alost ? D'abord, il comprend trois villes. Alost est la seconde
ville de la province, et ou sait qu'il y a beaucoup de différence entre elle et
Termonde. Les deux autres villes sont Grammont et Ninove.
Mais, messieurs, qu'est-ce qui prouve surtout l'importance d'un district
? C'est le montant des produits qu'il apporte au trésor. Or, qu'on voie ce que
le district d'Alost paye en contribution foncière, en contribution personnelle
et surtout en patentes, et l'on verra l'importance du district d'Alost ; je
crois qu'on sera étonné de cette importance. Bien que ce district ait perdu
beaucoup, par suite des injustices dont il a à se plaindre, son importance est
encore très considérable ; ce qu'il paye le prouve.
Quand on paye, on doit être indemnisé. Il est
impossible que je paye ma part, et ma grande part, dans les impôts, et que je
n'aie pas ma part égale dans les avantages que l'Etat donne.
J'espère, messieurs, qu'une fois au moins vous voudrez que justice soit
rendue à l'arrondissement d'Alost et que vous adopterez la proposition de
l'honorable M. Lebeau. Si cette proposition n'était pas adoptée, je proposerais
l'alternat pour un sénateur et un représentant, et personne n'aurait le droit
de se plaindre.
M. Rogier. - Messieurs
j'ai demandé la parole au moment où un honorable membre qui siège sur nos
bancs, se plaignait de l'espèce de froideur avec laquelle aurait été
accueillie, par ses amis politiques, une proposition qu’il avait l’intention de
déposer sur le bureau. Cet honorable membre s’est plaint de l’isolement dans
lequel il se trouvait souvent lorsqu’il lui arrivait de faire des propositions.
Je pense que notre honorable ami a été oublieux, pour ne pas dire un peu
injuste ; chaque fois qu’il est arrivé à l’honorable M . Castiau de
prendre la parole dans cette enceinte, et dès le jour même de son entrée, il a
recueilli sur ces bancs de vives en nombreuses marques de sympathie. Cette
sympathie l’a toujours suivi dans toutes les phases de sa carrière
parlementaire, carrière bien courte encore pour entraîner chez lui le
découragement. Avant de se décourager, il faudrait avoir vieilli un peu dans la
vie active parlementaire ; il faudrait avoir passé par de longues
épreuves ; il faudrait avoir été souvent vaincu ; il faudrait avoir
éprouvé souvent l’injustice des partis.
Toutes ces circonstances, d'après moi, ne se sont pas rencontrées
jusqu'ici dans la vie parlementaire, bien courte encore, je le répète de
l'honorable M. Castiau. L'avenir peut lui réserver d'autres motifs de
découragement, mais l'avenir peut aussi récompenser les premiers et généreux
efforts qu'il a faits de concert avec nous pour le triomphe de la cause qu'il
défend avec tant d'éclat et une conviction si chaleureuse.
Je dis que notre honorable ami a été un peu oublieux, alors qu'il s'est
plaint d'avoir été isolé quand il a fait à la chambre quelque proposition. J'ai
suivi très attentivement et très sympathiquement la conduite parlementaire de
l'honorable M. Castiau, et je ne me souviens pas de proposition qui ait été
faite par lui et qui l'ait laissé dans l'isolement.
Il nous parlait, dans son avant-dernier discours, de ces théories
vagues, de ces paroles brillantes qui n'étaient suivies d'aucun résultat. En ce
moment même, de mon banc, je lui dis : Mais vous-même, précisez et formulez une
proposition. La proposition qu'il a déposée depuis était à peine annoncée par
l'honorable préopinant ; aucun de nous, je pense, sur ces bancs, n'était dans
le secret ; comment dès lors aurions-nous pu appuyer une proposition que nul de
nous ne connaissait, qui n'était pas même clairement définie dans le discours
de l'honorable membre ? Il y a donc ici injustice de sa part à se plaindre de
la réserve avec laquelle une partie de l'opposition aurait accueilli une
proposition qu'elle ne connaissait pas. Quand on veut rencontrer de la part de
ses amis politiques, de l'appui pour une proposition, il est convenable, il est
de bonne règle, il est dans les usages parlementaires, ce me semble, qu'une
pareille proposition ne soit pas présentée à l'improviste...
M.
Castiau. - Je vous l'ai communiquée.
M. Rogier. -
L'honorable M. Castiau m'a communiqué sa proposition à la suite de son discours
et pas avant. Maintenant, messieurs, je dis que je n'ai pas souvenir d'aucune
proposition de l'honorable membre qui eût été accueillie avec froideur, avec
dédain par ses amis politiques. Une seule proposition faite par l'honorable
membre qui revient en ce moment à la mémoire, c'est celle qui était relative à
une enquête sur la question des céréales ; eh bien, messieurs, cette
proposition fut appuyée avec chaleur par la plupart des amis politiques de
l'honorable M. Castiau, et je fus de ce nombre. Est-il d'autres propositions
faites par l'honorable membre qui aient été accueillies moins avantageusement
sur nos bancs ? Je ne m'en souviens pas, et je prie l'honorable M. Castiau de
venir en aide à ma mémoire si elle m'était infidèle. Ainsi, pour la question
des céréales, l'honorable M. Castiau a rencontré chez la plupart de ses amis
politiques la plus grande sympathie. S'agit-il de la question du bétail ? Si l'honorable
membre avait fait une proposition ayant pour but de supprimer tout droit
d'entrée sur le bétail, qui lui dit que cette proposition n'eût pas été
accueillie avec sympathie sur nos bancs ? Et si l'honorable M. Castiau avait
pris l'initiative d'une pareille proposition, nous n'aurions pas eu, pour le
dire en passant, le spectacle que nous venons d'avoir sous les yeux. Il y a un
mois, il y a huit jours à peine, le gouvernement rejetait de toutes ses forces
la simple idée de supprimer le droit d'entrée sur le bétail. Il y voyait un
grand malheur pour les campagnes ; il disait que les campagnards avaient
beaucoup souffert dans leurs récoltes et qu'il fallait qu'ils trouvassent dans
le prix de leur bétail une compensation à leurs pertes. Il repoussait donc avec
énergie l'invitation qui lui était faite par quelques-uns de nos honorables
amis d'user de la faculté que lui donnait la loi de novembre 1846, de supprimer
le droit d'entrée sur le bétail. Eh bien, messieurs, qu'est-il arrivé ? Le pays
s'est ému ; dans quelques villes cette émotion s'est traduite en actes de
violence, et alors, comme sous le coup d'une émeute, comme cédant à ces
violences, le gouvernement est venu accorder ce qu'il y a quelques jours encore
il refusait aux vœux légitimes et pressants émanés de la représentation
nationale.
Je dis que, sous ce rapport, le gouvernement a complétement manqué à ses
devoirs ; je dis qu'il fallait moins tarder à accorder cette faveur au peuple ;
qu'il ne fallait pas attendre, pour la lui accorder, qu'il eût manifesté ses
besoins par des violences. (Interruption.)
J'ai assisté à l'une des dernières séances du sénat, et là encore les
raisons mises en avant par M. le ministre de l'intérieur, pour refuser la libre
entrée du bétail, ont été reproduites dans les mêmes termes par son collègue,
M. le ministre de la justice.
Du reste, je n'en rends pas moins hommage à la mesure en elle-même ; je
me plains seulement de l'époque tardive à laquelle elle a été prise.
Maintenant, messieurs, la proposition, telle qu'elle vient d'être
déposée par l'honorable M. Castiau, est-elle de nature à rencontrer une forte
opposition sur nos bancs ? Je ne le pense pas. Comme il vous l'a dit lui-même,
cette proposition est conçue dans des termes extrêmement modérés, dans des
termes d’une grande réserve, dans des termes tels que le plus timide d’entre
nous, je pense, peut, sans crainte aucune, s’associer à une pareille
proposition. Quant à moi, dès maintenant, et je répète la même déclaration que
j’ai faite à l’honorable M. Castiau : je m’associe à sa proposition.
M.
Castiau. – Je vous en remercie.
M. Rogier. – Je prie
seulement l’honorable membre de remarquer que l’espèce de sommation qui nous a
été adressée de sa part n’entre absolument pour rien dans la déclaration que je
viens de faire.
Messieurs, puisque j’ai la parole, je demanderai à répondre quelques
mots à un discours qui vient d’être prononcé par un honorable député de
Nivelles. Si ma réponse ne renferme rien de très nouveau, c’est qu’elle
s’adresse à un discours qui ne l’est pas davantage.
(page 1066) Il y a longtemps
que l'honorable M. de Mérode, très heureux et très fier, sans doute, d'avoir
inventé un mot qu'il croit être poli, jette à la tête de notre parti la
qualification de libérâtre...
M. de Mérode. - Je demande la parole.
M. Rogier. - D'écho en
écho, partie de la chambre des pairs de France, l'expression a retenti dans la
chambre des députés de Belgique...
M. de Mérode. - C'est d'ici qu'elle est partie.
M. Rogier. - Si nous
voulions plaisanter en pareille matière, nous trouverions facilement, dans le
parti de l'honorable M. de Mérode, une rime à libérâtre ; nous lui laisserons
le soin de la chercher.
II y a des libéraux de différentes nuances ; cela est vrai ; il y a
aussi des catholiques de différentes nuances, et cela est encore plus vrai.
Puisqu'on a cherché avec soin les distinctions qu'on peut établir entre
les différentes nuances du parti libéral, me sera-t-il permis aussi de vous
indiquer quelques distinctions que je crois apercevoir dans le parti adverse ?
II y a des catholiques fougueux ; ceux-là, messieurs, je n'ai pas besoin
de les désigner par leurs noms propres ; ils sont sincères, profondément
religieux ; je les estime sincèrement, profondément.
Il y a des catholiques, amis des jésuites ; vous savez, et je rends
hommage à sa franchise, que l'honorable ministre des finances a eu le courage
de se proclamer un de ces catholiques-là.
Il y a des catholiques ennemis des jésuites ; j'en connais, ils sont de
mes amis ; ce sont, si l'on veut, les jansénistes du parti. Au point de vue
religieux, je les estime tous également ; mais descendons un peu plus avant
dans cette catégorisation, si je puis parler ainsi, du parti catholique.
On vient toujours nous répéter que nous, libéraux, nous sommes divisés
en beaucoup de nuances ; on nous adresse à chaque instant des reproches sur
cette division ; il faut bien que je vous montre que lorsque vous voyez le feu
au toit de notre maison, la vôtre brûle tout entière.
Il y a, et ici j'aborde plus particulièrement le terrain de la politique
; il y a les catholiques amateurs. Ceux-là ne sont pas doués d'une foi très
profonde ; ceux-là feraient très facilement abdication des principes religieux.
Ils ont un certain vernis littéraire ; ils trouvent dans les belles et sublimes
traditions du christianisme matière à belles phrases et à beaux sentiments ;
mais la foi intime, la possèdent-ils ? Ils sont catholiques littéraires,
amateurs ; ils sont donc catholiques, parce que leur intérêt politique les
force à se proclamer catholiques.
De cette nuance de catholiques amateurs, se rapprochent d'une manière
intime les catholiques spéculateurs. Ceux-là, je les mets sur la même ligne que
les premiers.
Il y a enfin, messieurs, les catholiques incrédules, c'est-à-dire il y a
des gens qui, n'ayant dans le cœur aucune espèce de sentiment religieux, qui,
appartenant à l'école philosophique la plus vieillie, se proclament cependant
d'excellents catholiques, parce qu'ils y trouvent leur profit.
Veuillez-vous livrer, messieurs, à un examen, même superficiel, de tous
les hommes qui composent le parti catholique, et dites-moi si vous n'y trouvez
pas, sans pousser vos recherches trop loin, si vous n'y trouvez pas les types
de quelques-uns des caractères que je viens d'esquisser devant vous.
Eh bien, messieurs, je n'attribue pas au parti catholique tout entier
les vices ou les faiblesses des individualités. Le parti catholique comme
parti, je le respecte ; si j'ai un reproche à lui adresser, ce serait souvent,
trop souvent de se cacher en quelque sorte, de fuir devant lui-même, de ne pas
s'avouer ce qu'il est.
Une fois pour toutes, qu'on ne vienne donc plus, par d'injustes
récriminations, parce que le parti, le grand parti libéral renfermera dans son
sein des individualités d'un caractère blâmable ou d'une opinion répréhensible,
qu'on ne vienne pas, comme on le fait sans cesse, jeter à pleine main le dédain
sur ce parti.
L'honorable comte de Mérode vient de dire qu'il combat le parti libéral,
parce que en grande partie, au fond de l'âme, il est intolérant. Cela n'est pas
vrai.
M. de Mérode. - Je n'ai pas dit cela.
M. Rogier. - Vous venez
de le dire positivement.
M. de Mérode. - Nullement.
M. Rogier. - Je demande
si l'honorable membre ne vient pas d'accuser l'opinion libérale d'en vouloir à
la liberté religieuse ? N'est-ce pas là le fond de votre discours ? Vous dites
que le parti libéral veut l'empiétement de l'autorité civile sur la liberté
religieuse.
M. de Mérode. - Je m'explique d'une manière plus précise.
M. Rogier. - Si
l'honorable membre oppose à ses affirmations des dénégations, je n'ai plus rien
à dire. Toujours est-il qu'il a reproché à une partie de l'opinion libérale
d'avoir des arrière-pensées d'intolérance.
Eh bien, s'il y a des libéraux intolérants, c'est une catégorie à part.
J'ai fait voir en combien de catégories pouvait se partager le parti
catholique, et je n'ai pas attribué au parti catholique tout entier les fautes,
les faiblesses qui peuvent être reprochées à ces catégories.
Maintenant, messieurs, qu'il y ait dans le parti libéral des hommes qui
trouvent que le clergé va trop loin ; oui, il y en a, et beaucoup ; et je suis
de ceux-là avec d'excellents catholiques, avec l'honorable M. Osy notamment,
qui l'un des premiers a eu le courage de dire dans cette enceinte aux hommes de
son opinion : Vous allez trop loin !
Si M. le comte de Mérode agissait en homme sérieux et sage, comme il
conviendrait à sa vieille expérience, au lieu d'encourager le clergé à
intervenir dans nos luttes politiques, il lui donnerait le conseil salutaire de
s'abstenir de paraître dans ces luttes où il perd son autorité morale ; ces
conseils auraient une influence plus salutaire venant de lui que de quelques
libéraux ; nous le savons, voilà pourquoi nous vous convions à les donner au
clergé. Loin d'encourager le clergé à se mêler aux luttes politiques, tout
homme sincèrement religieux doit voir avec douleur combien le clergé belge perd
de son autorité religieuse sur les populations, par suite de sa participation
trop directe et trop vive à nos luttes politiques.
Et, par exemple, pouvez-vous au fond de l'âme approuver qu'un évêque use
de son autorité pour transmettre à ses subordonnés une circulaire dans laquelle
il prescrit à chacun de ses curés et vicaires de réviser les listes
électorales, de faire retrancher le nom de celui-ci, rajoute le nom de
celui-là, de transformer la mission religieuse si belle, si pure, en une
mission administrative, en un contrôle et presque en un espionnage ?
Je vous le demande, un pareil acte ne devrait-il pas être blâmé avec
plus de violence par tous ceux qui mettraient les intérêts religieux au-dessus
des intérêts politiques ? Mais voilà l'inconséquence ! On se proclame
volontiers homme religieux ; mais quand l'intérêt politique parle, adieu ! le
sentiment religieux, adieu l'intérêt de la religion ! Que le clergé perde toute
popularité, que les populations s'en détachent chaque jour davantage, peu
importe, se dit-on, pourvu que le clergé vous appuie dans les élections !
J'espère que mes paroles ne seront pas entièrement perdues pour le
clergé belge. Dans les entretiens particuliers n'est-il pas vrai que chaque
catholique sévère déplore la décadence marquée de l'influence du clergé sur les
populations ?
Faut-il s'en étonner ? Quand un candidat succombe, et qu'il succombe
parce que le clergé l'a voulu, qu'il a mis tout en œuvre pour combattre son
élection, comment voulez-vous que ce candidat, que ses amis, ses parents, ses
partisans ne gardent pas une rancune profonde aux auteurs de son échec ? Et
chez les populations peu éclairées, de l'hostilité politique à l'hostilité
religieuse, il n'y a pas loin ; de la désobéissance politique à la
désobéissance religieuse il n'y a qu'un pas. Tel électeur n'a pas cru le curé,
alors qu'il lui faisait cas de conscience de voter pour ou contre un tel
candidat ; le croira-t-il toujours, alors que, se renfermant dans sa sainte
mission, le même ministre viendra lui enseigner les vérités auxquelles le
bonheur de l'homme est attaché ?
Prenez-y garde, il y a là de grands dangers pour la religion ; je
voudrais qu'on eût les mêmes convictions et qu'on tînt un pareil langage sur
vos bancs ; vous seriez alors un parti véritablement religieux ; vous seriez un
parti que je serais heureux de pouvoir appeler le parti catholique libéral.
Voilà comment vous rempliriez une mission utile ; voilà comment vous pourriez
vous poser dans le pays comme un parti vraiment conservateur.
Aujourd'hui, mêlant, comme vous le faites, la religion et la politique,
vous détruisez l'une par l'autre ; vous rendez l'une victime des échecs que
reçoit l'autre. Je vous le dis, messieurs, et je vous le répéterai encore,
soyez un parti politique, je le veux bien : cela est nécessaire ; vous avec
beaucoup de ressource en vous-mêmes ; vous avez des hommes de talent ; vous
auriez, au besoin, je l'espère, des hommes d'énergie ; soyez un parti politique
indépendant, mais soyez les premiers à répudier le concours de l'autorité religieuse
dans les élections et son intervention dans les affaires du gouvernement.
Oh ! je le sais, ce sont des conseils intéressés que je vous donne ;
c'est en vue des prochaines élections que je crains le concours du clergé ! Eh
mon Dieu ! le concours du clergé, en l'état où sont arrivés les esprits, ce
concours, dans beaucoup d'arrondissements, ne peut être que fatal aux candidats
qui s'appuieraient sur lui.
L'honorable préopinant ne se borne pas à attaquer le parti libéral ; il
va plus loin : il me semble (peut-être va-t-il encore m'interrompre) qu'il en
veut un peu au régime constitutionnel tout entier. Il en veut notamment à ce
qui est l'âme du régime représentatif : il en veut aux élections.
L'idée d'une élection le fait frémir. (Interruption.) Il voit constamment les malheureux fermiers obligés
de courir à droite et à gauche pour leurs patrons, et les candidats eux-mêmes
forcés d'aller de porte en porte recueillir des suffrages. Tout ce
remue-ménage, comme il appelle énergiquement notre système électoral en action,
l'inquiète, ennuie, et chaque fois qu'il le peut, il ne manque pas de lancer,
dans cette enceinte, l'une ou l'autre attaque contre un pareil régime.
Messieurs, je ne trouve pas que la Constitution ait été trop loin en
fait d'élection. Déjà, messieurs, on n'est que trop porté pour une jeune
nation, à vivre un peu chacun chez soi, un peu chacun pour soi. Il me plaît,
quant à moi, de voir, de temps à autre, la Constitution et les lois mettre en
mouvement tous les citoyens pour d'autres affaires que les leurs propres ; et
je ne concevrais pas qu'après quinze ans d'existence, alors que cette
Constitution, dont tout à l'heure encore vous faisiez un si pompeux éloge,
alors qu'elle commence à peine de fonctionner, vous alliez la battre
incessamment en brèche, que vous reculiez devant les obligations qu'elle
impose, et que vous n'acceptiez, en un mot, qu'avec dédain, ce qui fait la
principale force, le véritable caractère du pays.
Messieurs, n'ayons pas peur de ces réunions constitutionnelles des
populations lorsqu'elles restent calmes et régulières. Ne craignons pas même
que de temps à autre elles se montrent un peu animées. Et ici, qu'il me soit
permis de dire un mot aussi des associations politiques.
II y a, messieurs, dans le pays, des réunions de citoyens, qui ont (page 1067) cherché à se mettre d'accord
sur les meilleurs moyens à employer pour faire triompher l'opinion qu'ils
représentent. Cette opinion, qui n'a apparu qu'à de bien rares intervalles et
pour bien peu de temps au pouvoir, cette opinion sait qu'elle aura contre elle
toutes les forces du gouvernement et toutes les forces du clergé, aussi
longtemps que le gouvernement et le clergé se donneront la main dans les
élections.
A cette opinion, l'on reproche son peu de cohésion, ses divisions
intestines. Qu'a fait dès lors cette opinion ? Elle a cherché à opposer
l'organisation à l'organisation ; de là les associations politiques. Aussi
longtemps que ces associations politiques poursuivent un but électoral ; aussi
longtemps qu'elles s'occupent des moyens à employer pour faire triompher leurs
candidats dans les élections, elles ne font qu'user d'un droit constitutionnel
; elles le font légitimement, et elles pourraient aller plus loin encore sans
que la Constitution fût blessée. Chose remarquable ! M. le ministre de
l'intérieur qui, hier, n'avait que des paroles de blâme pour ces associations,
trouve cependant très régulier que d'autres associations, sous un nom
différent, il est vrai, couvrent le pays tout entier depuis de longues années.
Vous savez tous comment la Belgique est partagée en une multitude
d'associations religieuses ou congrégations connues sous différents noms. La
Constitution permet l'extension la plus grande possible à toute espèce
d'associations et de congrégations. M. le ministre ne voit aucun danger dans
l'existence de ces congrégations et de ces associations si nombreuses ; et
cependant elles peuvent se transformer, en moins d'une heure, en de vastes
associations politiques. Lorsqu'elles le font, elles n'ouvrent certes pas leurs
portes au public ; elles ne publient pas le bulletin de leurs séances dans les
journaux ; mais enfin leur action politique n'en peut pas moins exercer
beaucoup de prépondérance dans la direction des affaires du pays. Il y a plus,
M. le ministre de l'intérieur en veut aujourd'hui aux associations libérales ;
mais il oublie donc que la première association politique qui a servi en
quelque sorte de modèle et de motif aux autres associations, a été formée par
des hommes pris précisément dans la couleur politique à laquelle il appartient
?
Quant à moi, messieurs, ces associations, je ne les redoute pas. Je suis
bien convaincu que du jour où il en sortirait quelque projet excentrique ou
violent, le bon sens du pays, le bon sens du parti libéral lui-même aurait
bientôt fait raison de ces excentricités ou de ces projets violents.
Ces associations se divisent dans certains cas ; sur certaines
personnes, elles ne sont pas d'accord ; et chose étonnante, le ministère ne
croit pas compromettre sa responsabilité ni sa dignité, en se mêlant
adroitement à leurs luttes, et en tâchant par ses organes, par les journaux qui
parlent ordinairement en son nom, d'alimenter ces luttes intestines, et au
besoin en appuyant les candidats d'une société contre les candidats d'une
autre. Mais si de pareilles associations sont un danger pour le pays, ayez donc
grand soin d'éviter toute espèce de contact avec elles.
Quoi qu'il en soit, messieurs, ces divisions, ces divergences que l'on
reproche à notre parti, je dois vous en prévenir, il ne faut pas en attendre le
succès que quelques-uns paraissent s'en promettre. Il est
un point fondamental sur lequel toutes les nuances du libéralisme sont
d'accord, c'est celui-ci : affranchir le domaine politique de l'influence
politique du clergé, combattre les hommes qui, dans le gouvernement, ne sont
pas, aux yeux du pays, des garants suffisants de l'indépendance du pouvoir
civil de la société laïque vis-à-vis des prétentions temporelles du clergé !
Sur ce point, toutes les nuances du libéralisme sont d'accord.
Quand il s'agira, messieurs, de livrer le combat sur ce terrain, en
dépit des espérances que peuvent faire naître certaines divisions passagères,
toutes les nuances, je l'espèce, j'ose même le prédire, se retrouveront sous le
même drapeau.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Messieurs, la Belgique ne compte
encore que seize années d'existence, et déjà le gouvernement vous propose une
mesure de la plus haute importance, une mesure qui touche directement à la
représentation nationale. Il vous propose d'augmenter le nombre des
représentants et des sénateurs et de faire une nouvelle répartition d'après
l'étal actuel de la population.
Semblable mesure, messieurs, non seulement n'est pas proposée dans un
autre Etat constitutionnel ; elle n'y est pas même provoquée.
Et c'est en présence de cette mesure que l'honorable M. Castiau vient
qualifier les actes du gouvernement de nuls !
Mais, messieurs, que vous propose l'honorable membre ? Il a en quelque
sorte la hardiesse de vous proposer une réforme électorale. C'est timidement,
c'est à l'insu de ses amis politiques que l'honorable membre produit cet
amendement que l'honorable M. Rogier vient de qualifier de tellement
insignifiant, qu'il doute, en quelque sorte, s'il est destiné à rencontrer de
l'opposition.
Voilà, messieurs, la grandeur des vues du membre le plus avancé de
l'opposition !
Mais, messieurs, ne nous y trompons pas. Si les vues sont petites en
apparence, elles sont grandes en réalité. C'est un premier pas que l'on vous
propose, et l'honorable membre ne vous a pas caché son but ; il demande la
réforme électorale pour amener la réforme parlementaire ; c'est une nouvelle
majorité qu'il veut substituer à l'ancienne.
El quels sont les moyens qu'il tient en réserve ? L'incapacité résultant
de l'âge. De quarante à cinquante ans, l'homme est usé ; il devient indigne de
siéger dans un parlement. Sans doute qu'il vous proposera, pour rétablir
l'équilibre, d'y appeler les jeunes gens de quinze à vingt-cinq ans. C'est
alors, messieurs, que la sagesse régnera sans conteste ; c'est alors que les
intérêts du pays seront admirablement servis.
Une seconde réforme, messieurs, c'est l'institution d'un collège électoral
unique pour tout le pays. C'est sans doute dans la capitale que tous les
habitants de la Belgique seront convoqués !
M.
Castiau. - Vous dénaturez ma pensée.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Vous avez dit que ce serait la
vraie représentation nationale, et qu'alors aucune corruption ne pourrait plus
exister. C'était là le fond de votre pensée ; c'est l'idée que vous auriez cru
réellement bonne et utile pour vous opposer à la corruption électorale.
Sans doute qu'à côté de ce collège unique, il faudrait encore le
suffrage universel et le vote à haute et intelligible voix.
Mais l'honorable membre reconnaît que cette dernière réforme ne peut
être obtenue en présence de la Constitution. Tout au moins se réserve-t-il
cette réforme qu'il n'y aura qu'un seul collège par province.
Admirable représentation nationale que celle qui serait le résultat d'un
scrutin ! C'est alors, messieurs, que nous verrions le despotisme dominer sans
contradiction un seul collège, une seule assemblée ; plus d'opposition, plus de
contrôle pour le pouvoir, plus de contrôle pour la majorité parlementaire.
Messieurs, nous avons fait de grands progrès en peu de temps. Il n'y a
pas deux mois qu'interrogé par l'honorable M. Verhaegen, sur les intentions du
gouvernement quant à la réforme électorale, nous lui demandions quels étaient
les projets de l'opposition. L'honorable membre a cru prudent de se renfermer
dans le silence : « Je vous réponds que je ne répondrai pas ; » tel fut le
résultat de vingt-quatre heures de délibération.
Homme pratique, l'honorable M. Rogier, précisant davantage les questions
posées par l'honorable M. Verhaegen, nous disait : La réforme électorale, ce
serait une révolution dans le pays.
M. Rogier. - Je n'ai
pas dit un mot de cela.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Veuillez consultez le Moniteur.
M. Rogier. - Je n'ai
pas dit un mot de la réforme électorale.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Le Moniteur est là. Si mes
souvenirs sont inexacts, je réparerai volontiers mon erreur ; mais si ce ne
sont pas exactement les paroles de l'honorable membre, c'en est bien
certainement le sens.
Un membre. - Le Moniteur décidera.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - C'est l'honorable M. Rogier qui,
croyant que je n'avais pas répondu assez catégoriquement à l'interpellation de
M. Verhaegen, précisa davantage cette interpellation et déclara qu'il ne
voulait point de réforme électorale. C'est en présence de cette déclaration
formelle que je n'hésitai pas à déclarer que l'intention du gouvernement
n'était pas non plus de proposer une réforme électorale. Voilà, messieurs, la
réalité des faits.
M. Rogier. - Non, non !
Je vous défie de citer la phrase où j'aurais fait cette déclaration.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Messieurs, quel étonnant
revirement depuis si peu de temps ! Faut-il attribuer ce revirement à
l'existence de certaines associations, à des mandats impératifs dont la
nécessité a été proclamée il n'y a pas encore un an ?
Il y a à peine un an, messieurs, que l'honorable M. Rogier, chargé par
le Roi de former un ministère, disait, dans le programme soumis à S. M. : « Le
pays a assez de liberté ; le pays n'a besoin que d'ordre, que de calme. » A
cette époque quelles étaient les prétentions du cabinet proposé par l'honorable
M. Rogier ? Uniquement l'augmentation du nombre des représentants et des
sénateurs. De réforme électorale, vous n'en trouvez point de trace dans ce
programme.
Il y a, messieurs des progrès dans l'opposition. Il y a, à peine un an,
le triomphe de l'opposition n'était point susceptible du moindre doute. Le pays
avait depuis longtemps jugé l'ancienne majorité, l'ancien système du
gouvernement. La seule augmentation du nombre des représentants et des
sénateurs allait changer la face de cette chambre, la face du sénat. Sans
doute, messieurs, le moyen est aujourd'hui au-dessous du but ; c'est une
réforme électorale qu'il faut adjoindre à la nouvelle répartition des
représentants et des sénateurs.
Messieurs, la réforme présentée par l'honorable M. Castiau nous paraît,
comme elle nous a toujours paru, opposée à l'esprit de notre Constitution.
Notre Constitution ne reconnaît qu'une seule capacité électorale c'est celle
qui résulte du cens. Et, messieurs, pour mieux comprendre un texte déjà
suffisamment clair par lui-même, veuillez-vous rappeler les circonstances dans
lesquelles cette disposition de la Constitution a été votée. Le gouvernement
provisoire avait appelé à l'élection non seulement les censitaires, mais aussi
les professions libérales, parmi lesquelles le clergé occupait un rang
honorable ; mais, messieurs, les électeurs de 1830 avaient commis une faute,
ils avaient envoyé au congrès plusieurs membres du clergé ; on sentit alors le
danger de l'adjonction des capacités, et que fit-on ? Un des membres les plus
avancés de l'opinion libérale de cette époque proposa d'insérer textuellement
dans la Constitution que la capacité ne pourrait plus servir de titre à obtenir
le droit électoral, que le droit électoral serait basé sur le payement du cens.
Voilà, messieurs, l'origine et la portée de cette disposition
constitutionnelle. Je le demande, en présence du texte, en présence de cette
circonstance qui en explique encore plus complètement le sens que les paroles
mêmes, est-il possible d'admettre la proposition de l'honorable M. Castiau ? Oh
! messieurs, si à l'amendement de l'honorable M. Castiau (page 1068) on ajoutait encore le clergé, je ne sais pas si
l’amendement ne serait pas bientôt retiré.
Du reste, messieurs, ne perdons point de vue que si une réforme
électorale a été demandée pour amoindrir la majorité de cette chambre, une réforme
électorale a été souvent réclamée aussi pour amoindrir l'opposition. Ne perdez
point de vue, messieurs, que vous vous trouvez en présence de demandes
contraires ; et, messieurs, le congrès a voulu que le pays fût représenté, non
en raison de l'intelligence, non en raison de la richesse des différentes
localités, de leur importance industrielle, agricole ou commerciale ; la seule
base que le congrès ait admise pour la répartition des représentants et des
sénateurs, c'est la population.
Si le congrès, messieurs, avait poussé ce principe à ses dernières
conséquences, il aurait ajouté que le collège électoral serait également
composé en raison de la population des diverses communes ; mais les choses se
passent-elles ainsi ? Assurément non. Pour la composition des chambres, la
population sert uniquement de base. Pour la composition du corps électoral qui
élit les deux chambres, ce sont d'autres bases qui ont été admises.
L'honorable membre croit avoir infligé une pénitence à la majorité de
cette chambre en lui faisant subir la discussion de son amendement ; c'est en
quelque sorte une réparation de ses méfaits politiques ! Eh bien, messieurs, la
majorité de cette chambre, qui a si puissamment contribué à constituer le pays,
n'a point d'amende honorable à faire. Elle reçoit sans cesse des leçons ; ses
intentions, ses actes sont sans cesse incriminés par une fraction de
l'opposition ; qu'y oppose-t-elle ? Le calme, la dignité. Elle est forte de son
droit, elle est forte de ses actes ; elle ne demande d'excuse à personne ; elle
n'a pas besoin de se justifier, ses actes parlent pour elle.
Messieurs, l'honorable membre qui a été appelé naguère à former un
ministère, a-t-il déjà oublié le programme de ce ministère ? a-t-il oublié
l'interpellation qu'il adressait au gouvernement, il y a à peine trois mois, et
l'espèce d'engagement qu'il prenait avec moi de renoncer, au moins quant à
présent, à la réforme électorale ?
Il nous reproche d'avoir posé un acte auquel nous attachons une utilité
morale, sinon matérielle. Selon lui, c'est en présence de l'émeute que le
gouvernement s'est finalement décidé à lever les droits d'entrée sur le bétail.
Mais non, messieurs, lorsque nous nous sommes opposés à la levée des droits
d'entrée sur le bétail, nous n'avons pas déclaré que jamais dans le cours du
terme pendant lequel la loi donne cette faculté au gouvernement, nous n'aurions
recours à cette mesure. Mais nous n'avons pas voulu l'annoncer à l'avance,
parce que des changements au tarif des douanes ne s'annoncent pas à l'avance.
Nous avouerons même qu'à cette époque nous n'avions pas pris la résolution de
le faire ; nous avons voulu nous réserver l'opportunité.
Les circonstances sont-elles demeurées les mêmes ? Assurément non ; et
d'abord, messieurs, l'hiver est terminé ; et la grande considération qui nous
arrêtait à l'égard de cette mesure, c'était que le cultivateur avait trop de
sacrifices à s'imposer pour la nourriture de son bétail ; que c'eût été le
décourager, l'engager en quelque sorte, au détriment de l'agriculture, à vendre
prématurément son bétail qui lui aurait coûté trop à nourrir. D'autre part, la
cherté des vivres n'avait pas atteint l'élévation à laquelle elle est parvenue.
Aujourd'hui donc, il y a deux motifs nouveaux qui n'existaient pas alors
; il y a des inconvénients qui ont disparu, et tout cela nous a autorisés à
prendre la mesure.
Mais l'honorable membre ne sent-il pas que le reproche qu'il nous
adresse tombe d'aplomb sur la régence d'une ville qui trouvera sans doute des
défenseurs dans cette enceinte ? A-t-il oublié que la régence de Liège a levé
tout droit d'octroi sur la viande ?...
M. Delfosse. - Elle a très bien fait !
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Certainement ; mais pourquoi ne
l'a-t-elle pas fait plus tôt ? Elle a jugé, sans doute, que le moment opportun
était venu, et le gouvernement, de son côté, a jugé que le moment opportun
était venu de lever les droits d'entrée sur le bétail.
Mais, messieurs, je m'étonne qu'un ancien ministre, qu'un homme qui
aspire encore à le devenir, n'ait pas reculé devant ces paroles, que c'est en
présence de l'émeute, à cause de l'émeute que nous avons pris la mesure. Eh
bien, non, messieurs, si la mesure avait pu recevoir cette interprétation, elle
n'eût pas été prise.
Comment ! c'est lorsqu'il est manifeste que des agitateurs profitent des
circonstances pour mettre en mouvement les populations de nos principales
cités, qu'un homme d'une position aussi élevée que l'honorable M. Rogier vient
en quelque sorte provoquer à de semblables démonstrations, pour obtenir, sous
l'autorité de ces démonstrations, des mesures que le peuple ne pouvait obtenir
de la sagesse du gouvernement, de la sagesse des administrations communales !
Messieurs, je l'ai pensé souvent ; des paroles bien imprudentes ont été
dites ; des déclamations bien imprudentes ont été faites par la voie de la
presse ; si le pays était condamné à subir des scènes de désordre, nous en
renverrions toute la responsabilité à leurs véritables auteurs.
M. Rogier. - Je demande
la parole.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Mais à Dieu ne plaise que le
peuple se laisse aller à de semblables considérations.
Un membre. - Votre responsabilité est assez grande !
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Ma responsabilité est assez grande
!... Oui, j'en mesure toute l'étendue ; mais il est de mon devoir d'éclairer le
pays sur sa véritable situation, sur ses véritables intérêts. (Interruption.)
Nous n'accusons certainement pas les intentions de l'honorable membre ;
la pensée d'inculper ses intentions ne nous est pas même venue à l'esprit ;
mais nous signalons le danger de ses paroles.
Ce que nous accusons, c'est l'existence de certaines manœuvres pour
faire sortir le peuple belge de son calme, pour le pousser au désordre. (Interruption.)
Il est loin de ma pensée de dire que ces manœuvres sont le fait soit
d'un membre de cette chambre, soit d'un parti politique ; mais je dis qu'il
existe des manœuvres individuelles, les traces en sont patentes...
Un membre. - Suivez-les alors !
M. le ministre de
l’intérieur (M. de Theux). -
On fait toutes les investigations pour découvrir les auteurs, et partout où des
tentatives de désordre ont eu lieu, des arrestations ont eu lieu.
Messieurs, je dis en terminant, qu'au lieu de nous livrer à de vaines
récriminations qui, en définitive, ne peuvent avoir aucune portée politique,
qui ne sont pas destinées à faire triompher |une opinion plutôt qu'une autre,
nous devrions enfin unir tous nos efforts pour faire face à la gravité de la
situation.
M. de Mérode (pour un
fait personnel). -Comme on se sert trop souvent d'une manière abusive de
l'expression libéral, qu'on en fait un monopole injuste à l'exclusion de ceux
qui soutiennent généreusement les principes les plus libéraux et les mettent en
pratique, j'ai rappelé sa véritable définition, et je me suis servi d'un mot
qui caractérise le faux libéralisme sans périphrase.
Le système que j'appelle libérâtre, est celui qui attaque constamment
l'usage que l'on fait de la liberté légale, lorsqu'il appuie d'autre part
l'extension la plus grande de cette même liberté. Avant-hier M. le ministre de
l'intérieur a parlé du danger que pouvaient présenter les associations hostiles
au gouvernement ; mais il a évité de déverser un blâme quelconque sur elles. M.
Rogier attaque, au contraire, violemment l'usage libre des influences dans les
élections qui, comme chacun sait après tout, sont le résultat des influences
diverses.
Cependant lorsque les catholiques campinois,
prêtres et autres, exerçaient cette influence pour l'honorable membre à
Turnhout, elle était par lui considérée comme parfaitement loyale et
constitutionnelle. Comment donc ce qui n'était pas blâmable alors le devient-il
aujourd'hui ? Messieurs, je n'ai encouragé dans mes discours ni les évêques, ni
aucun ecclésiastique à se compromettre dans les élections : j'ai simplement
expliqué les motifs qui pouvaient les engager à y prendre part dans les limites
convenables. Et je ne me suis permis de défendre aucun abus.
Mon discours a été transformé dans les commentaires de M. Rogier, et je
ne crains pas qu'on l'examine, qu'on le lise et relise à volonté.
M. Rogier
(pour un fait personnel). - Messieurs, je ne sais s'il y a eu dans mon discours
quelques traits qui aient trop vivement atteint M. le ministre de l'intérieur ;
mais sous des formes réservées, froides même, il vient de lancer à mon adresse
des paroles violentes, et que je suis obligé de qualifier de perfides.
Un mot, d'abord, sur la proposition de M. Castiau.
J'avais dit à cet honorable membre que s'il déposait une proposition
dans des termes réservés, dans les limites qu'il m'annonçait, je l'appuierais ;
M. le ministre trouve que je faisais en ceci violence à mes antécédents, que
j'étais en contradiction avec le programme que j'avais présenté ; il a même été
jusqu'à m'attribuer une déclaration que je sais positivement n'avoir jamais
faite, à savoir : qu'une réforme électorale serait une révolution. Je défie M.
le ministre de trouver dans le Moniteur ou ailleurs une telle déclaration
émanée de moi. Au reste, j'aurais pu dire qu'une réforme électorale serait une
révolution ; il n'y aurait rien eu d'exorbitant dans un pareil langage, comme
il n'y a rien d'inconséquent dans ma conduite. Il y a réforme et réforme. La
réforme électorale en Angleterre a presque équivalu à une révolution.
Mais la réforme proposée par M. Castiau ne ressemble pas à celle-là, je
puis donc l'appuyer en toute sûreté de conscience. M. le ministre veut me
renfermer dans le programme que j'ai présenté il y a un an ; d'après lui, je ne
pourrais pas en sortir, sans me mettre en contradiction avec moi-même. S'il a
lu avec attention ce programment son exposé de motifs, il a dû voir que je ne
m'y suis pas posé comme un homme immobile, comme un ministre-borne ; j'ai
déclaré avec mes collègues que nous étions amis d'un progrès sage et réglé. Eh
bien je trouve la proposition de M. Castiau dans les limites d'un progrès sage
et réglé ; et je n'hésite pas à l'appuyer. Maintenant, je suppose que
l'opposition se trouve amenée à appuyer aujourd'hui telle proposition qu'elle
n'aurait pas acceptée il y a une année. Un tel résultat ne devrait pas
surprendre, il ne ferait que réaliser les avertissements que j'ai cru devoir
donner et qui ont été donnés en vain. ! A ceux qui trouveraient l'opinion
libérale trop exigeante alors, j'ai dit que si, par un système regrettable on
repoussait constamment cette opinion, que si elle pouvait se croire victime
d'une injustice, d'une répulsion systématique, ses prétentions iraient toujours
croissant, et qu'un jour même pourrait venir où l'opinion modérée étant jugée
insuffisante, le gouvernement pourrait se trouver devant des exigences qui lui
susciteraient de grands embarras.
Si donc l'opinion libérale voulait aujourd'hui plus qu’il y a un an et
voulait dans un an plus qu'aujourd'hui, il ne faudrait pas s'en étonner ; ce
serait la réalisation des prévisions que des hommes sages et prévoyants ont
émises plus d'une fois dans cette enceinte.
Je viens au fait qui m'a le plus touché dans le discours de l'honorable
préopinant.
(page 1069) J’ai été
amené incidemment à faire ressortir l'inconséquence de la conduite du
gouvernement dans les questions de denrées alimentaires. Je lui avais dit : Il
y a deux mois, il y a un mois, il y a huit jours même, vous repoussiez avec
énergie l'idée d'ouvrir les frontières du pays au bétail étranger ; vous la
repoussiez vous-même dans cette enceinte ; et dans le sénat, vous la repoussiez
par l'organe du ministre de la justice. Arrivent des démonstrations violentes
dans plusieurs villes, et vite vous ouvrez les frontières au bétail étranger,
Je n'ai pas blâmé la mesure en elle-même ; je l'ai louée, au contraire ; mais
je blâme sa tardivité, son opportunité.
Vous voyez dans mon langage une provocation à l'émeute ; moi je la vois
dans nos actes. Mon langage a été celui d'un ami du gouvernement, mon langage a été plus conservateur que votre conduite ; votre conduite
est pleine d'imprudence, le gouvernement a eu l'air de céder non pas au besoin
des populations, mais à la peur ; s'il eût eu plus de confiance dans l'opinion
publique, s'il n'avait pas senti que le terrain populaire lui échappe de toutes
parts, il aurait agi différemment.
Ce qu'on refusait opiniâtrement il y a huit jours, il fallait attendre
huit jours de plus pour l'accorder. Le gouvernement aurait alors conservé le
prestige de sa force vis-à-vis du pays. Voilà le langage que j'ai tenu, Je
défie l'Escobar le plus subtil de trouver là quelque chose qui provoque ou
justifie des violences populaires. Je repousse de toutes mes forces des
insinuations odieuses et, pour tout dire, indignes d'un homme d'Etat.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Il n'y a rien de perfide dans ce
que j'ai dit. L'honorable préopinant ayant appuyé une proposition de réforme
électorale, j'ai cité son programme du mois de mars 1846. J'ai rappelé une
discussion politique qui n'est pas éloignée de nous, dont je n'ai pas perdu le
souvenir.
Maintenant que l'honorable membre cherche à justifier son changement
d'opinion, je ne lui en fais pas un crime, je constate seulement le progrès
qu'il a fait.
Il cherche à blâmer l'opportunité de la mesure prise quant au bétail.
Mais en matière de denrées alimentaires, le gouvernement, que vous trouvez
immobile, n'a-t-il pas pris diverses mesures quand les circonstances l'ont
exigé ? Les péages pour les transports des céréales importées dans le pays,
n'ont-ils pas été abaissés, puis supprimés en totalité ? Aujourd'hui M. le
ministre des finances n'est-il pas venu vous présenter un projet de loi tendant
à défendre la distillation des pommes de terre et à exempter de tout droit de
tonnage les navires important des céréales ?
La mesure que nous avons prise quant au bétail est de la même nature que
celle relative aux transports des denrées alimentaires par les chemins de fer,
qui est antérieure à toute démonstration.
Puisque je suis personnellement en cause, je dirai que c'est moi qui ai
réclamé cette double mesure. Mais n'y a-t-il pas eu de changement dans les
circonstances depuis que nous nous sommes occupés de l'entrée du bétail ? N'y
a-t-il pas eu de grands changements dans le prix des denrées alimentaires ?
L'hiver n'est-il pas passé ? Le cultivateur n'est-il pas sur le point
d'acquérir de nouvelles facilités pour nourrir son bétail ? Les circonstances
viennent donc justifier la mesure que nous avons prise.
Et ne craignons pas de prendre une mesure utile parce qu'elle pourrait
être mal interprétée.
Oh ! si dans les attroupements qui ont eu lieu, ou avait crié : A bas la
taxe sur le bétail ! (Taxe légère, d'ailleurs, qui existait à l'entrée du
bétail.) Si ce cri eût été le signe de ralliement, alors l'honorable membre
pourrait avoir raison ; mais ce grief n'a été articulé nulle part.
Je persiste donc à déclarer que c’est à tort que l'honorable membre
attribue aux attroupements qui ont eu lieu les mesures que le gouvernement a
cru devoir prendre.
Plusieurs membres. - A demain ! à demain !
M. le président. - Je crois devoir annoncer à l'assemblée que le bureau
a nommé MM. de Villegas et Dedecker pour remplacer les deux membres absents qui
faisaient partie de la commission des denrées alimentaires. La commission se
réunira demain pour examiner les deux projets de loi présentés par le
gouvernement.
M. Fleussu. -
Que fera-t-on de la proposition de M. Castiau ?
M. le président. - Elle sera imprimée.
M. Fleussu.
—Ce n'est pas cela. Je voudrais savoir si l'on en fera un projet de loi spécial
ou un amendement à la loi que nous discutons.
M. le président. - Rien n'est décidé à cet égard ; l'assemblée
décidera cela ultérieurement.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Si la commission peut faire son
rapport demain, je désirerais que la discussion du projet de loi dont j'ai eu
l'honneur de donner lecture au commencement de la séance, pût avoir lieu
immédiatement après.
M. le président. - La commission se réunira demain matin vers 10
heures et demie.
- La séance est levée à 5 heures.