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Chambre des représentants de Belgique
Séance du vendredi 19 février 1847
Sommaire
1) Pièces adressées à la
chambre, notamment pétitions relatives au notariat (Dedecker),
au service de la Meuse à Liége (Delfosse, Lesoinne, Malou, Delfosse, Malou, Lesoinne) et à la loi relative à l’augmentation du nombre
de députés (Lebeau, de Theux)
2) Projet de loi relatif au
défrichement des terrains incultes.
a) Rapport de la section
centrale sur les amendements présentés (Mast de Vries)
b) Discussion des articles.
Encouragement à l’agriculture et expropriation pour cause d’utilité publique
des biens communaux ((+situation sociale des Flandres) (d’Elhoungne,
de Theux), de Mérode, d’Elhoungne, de Mérode, Orban, de Mérode, de Theux, Huveners, Malou, d’Hoffschmidt, de Theux, Huveners, Dubus (aîné), de La Coste, de Tornaco, d’Hoffschmidt, Delfosse, Rogier, Dumortier, Orban, de Theux, d’Hoffschmidt, Dumortier, d’Hoffschmidt, Orban, d’Elhoungne, de Theux, d’Hoffschmidt, Dubus (aîné), Lebeau, de Theux, Orban, d’Hoffschmidt, de Garcia, de Garcia, Lebeau, de Theux, de Mérode, de Theux, Fallon, de Garcia, Veydt, d’Hoffschmidt, de Garcia, de Theux, Lejeune, Mast de Vries, de Garcia, Vanden Eynde, d’Elhoungne, Orban)
(Annales parlementaires de Belgique, session
1846-1847)
(Présidence de M. Liedts.)
(page 831) M. Van
Cutsem procède à
l'appel nominal à 1 heure et un quart.
M. A.
Dubus donne
lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. Van
Cutsem communique
l'analyse des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Plusieurs habitants de
la ville de Lokeren demandent que la société d'exportation ne puisse opérer sur
les marchés d'Europe, ni se livrer à la fabrication. »
- Renvoi à la section
centrale chargée d'examiner le projet de loi sur la formation d'une société
d'exportation.
________________
« Les notaires du canton
de Beveren demandent que les notaires ne puissent instrumenter en dehors de
leur canton, que leur nombre ne soit pas augmenté et que le droit exclusif de
procéder aux ventes de biens immeubles leur soit réservé. »
- Renvoi à la section
centrale chargée d'examiner le projet de loi sur le notariat.
« Les notaires du canton de Hamme demandent la
prompte discussion du projet de loi sur le notariat. »
« Même demande des
notaires de l'arrondissement de Bruxelles, du canton de Wervicq et du canton de
Zele, qui prient, en outre, la chambre de maintenir le nombre actuel des
notaires et de leur réserver le droit exclusif de procéder aux ventes de biens
immeubles. »
- Sur la proposition de M. Dedecker, la chambre prononce le même renvoi.
________________
« Plusieurs habitants de Moll prient la
chambre de s'occuper, pendant la session actuelle, des projets de loi sur
l'enseignement agricole, sur l'exercice de la médecine vétérinaire et sur
l'organisation de l'école vétérinaire de l'Etat. »
- Renvoi aux sections
centrales chargées d'examiner les projets de loi.
« Le sieur Michel Thiry, batelier à la
Boverie, qui a perdu deux bateaux à la descente de la Meuse, contre le pont du
Val-Saint-Lambert à Liège, prie la chambre de lui accorder un secours. »
M. Delfosse. - Il y a quelques jours, deux
bateaux chargés de marchandises se sont brisés contre les piles du pont que
l'on construit au val Saint-Lambert pour le chemin de fer de Liège à Namur. Un
batelier a péri, un autre ne s'est sauvé que par une espèce de miracle. Ces
accidents ne sont que trop fréquents sur la Meuse ; ils proviennent en grande
partie de ce qu'au lieu d'améliorer la navigation de ce fleure, le gouvernement
la rend plus difficile, plus périlleuse, par les ouvrages qu'il laisse
entreprendre. Nous avons plusieurs fois signalé dans cette enceinte la cruelle
indifférence du gouvernement pour des malheurs qui jettent la désolation dans
les familles ; la discussion du budget des travaux publics et celle du projet
de loi par lequel on nous demande des crédits extraordinaires pour améliorer
les voies navigables dans les Flandres nous fournira bientôt l'occasion de
renouveler nos plaintes qui ne sont que trop légitimes.
Le pétitionnaire était le frère du batelier qui a péri et le
propriétaire des bateaux qui se sont brisés contre les piles du pont. C'est un
père de famille honnête et laborieux qui se trouve ruiné par suite de ce
malheureux événement. Je demande le renvoi de sa pétition, qui est digne de
toute l'attention de la chambre, à la section centrale chargée de l'examen du
budget des travaux publics.
M. Lesoinne. - Le pétitionnaire a adressé une
pétition au département de l'intérieur ; je pense donc que, pour accélérer une
décision, il y aurait plutôt lieu de renvoyer la pétition à M. le ministre de
l'intérieur.
M. Delfosse. - Je dois insister pour le renvoi de
la pétition à la section centrale. Le renvoi direct à M. le ministre de
l'intérieur serait contraire au règlement, et il est bon que la section
centrale examine s'il n'y aurait pas quelque mesure à prendre au sujet du pont
qui se construit en ce moment sur la Meuse.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, je ne connais pas la
pétition dont il s'agit. Cependant j’éprouve le besoin de protester contre
certaines expressions, échappées à l'honorable M. Delfosse. Il paraît qu'un
malheur très regrettable est arrivé au pont du val de Saint-Lambert,
c'est-à-dire à raison des travaux exécutés pour la construction du chemin de
fer de Namur à Liège ; et de ce malheur, on accuse la cruelle indifférence du
gouvernement. Messieurs, il est impossible qu'une navigation comme celle de la
Meuse ne donne pas lieu à des accidents ; ce qui ne peut pas être admis, et il
me suffit sans doute d'énoncer cette vérité première, c'est que le gouvernement
soit responsable de pareils malheurs.
M. Delfosse. - Je maintiens mes paroles. Elles ne me sont pas échappées,
elles étaient très réfléchies. Je ne demanderais pas mieux que d'avoir tort,
mais tant que le gouvernement ne viendra pas nous présenter un projet de loi
sur la dérivation de la Meuse, tant qu'il ne mettra pas là main à l'œuvre pour
nous sauver des périls dont nous sommes menacés, je maintiendrai le blâme que
je lui ai infligé, je l'accuserai d'une indifférence cruelle.
Quoi ! des malheurs
arrivent tous les jours, nous sommes assaillis de pétitions couvertes de
milliers de signatures, et le gouvernement reste froid et inactif ! Cette
conduite est indigne.
M. le ministre
des finances (M. Malou). - Messieurs, il ne s'agit pas ici d'une localité intéressée à la
dérivation de la Meuse ; si mes notions de géographie ne me trompent pas, le
val Saint-Lambert est à 2 lieues ou à 2 lieues et demie en amont de Liège.
Je persiste à protester
contre le système qui tend à rendre le gouvernement responsable de tous les
accidents qui arrivent. On a déjà voulu le rendre responsable du manque de la
récolte des pommes de terre ; et ici, on veut lui imputer un accident qui est
arrivé dans la navigation de la Meuse. C'est un système qui tend à faire
retomber sur la tête du gouvernement une responsabilité injuste et odieuse.
M. Lesoinne. - Je ne parlerai pas ici de
l'imprévoyance du gouvernement relativement à la navigation delà Meuse. Il a
fait faire des études, quoique un peu tardivement, pour l'amélioration de la
navigation depuis la ville de Liège jusqu'à une lieue au-delà du point où se
trouve le pont contre lequel le bateau du pétitionnaire est venu sombrer et où
son frère a péri. Si le gouvernement fait exécuter les travaux pour lesquels il
a fait faire des études, les dangers de la navigation disparaîtront ; mais pour
cela il importe qu'il se hâte de mettre la main à l'œuvre, car les mêmes
malheurs se renouvelleront à ce pont comme à ceux qui se trouvent situés dans
la ville de Liège.
- Le renvoi proposé est
ordonné.
« L'administration communale d'Ath signale une
erreur dans le chiffre de la population de l'arrondissement de ce nom sur
lequel s'est basée la section centrale chargée d'examiner le projet de loi
relatif à l'augmentation du nombre des membres des deux chambres, et demande
que cet arrondissement alterne avec celui de Soignies, pour la nomination du
troisième représentant qu'on propose d'accorder à Soignies. »
M. Lebeau. - Ne pourrait-on pas renvoyer cette
pétition à la sec-lion centrale qui a été chargée d'examiner le projet de loi ?
Je sais que cette section centrale a fait son rapport et qu'on peut prétendre
qu'elle a épuisé sa mission ; mais il y a de nombreux précédents de renvois de
pétitions à une section centrale qui avait terminé ses travaux.
M.
le ministre de l’intérieur (M. de Theux). – Il me serait indifférent qu'on renvoyât la pétition dont
il s'agit à la section centrale, puisqu'elle a déjà émis une opinion, et qu'il
est probable que cette opinion, fondée sur des chiffres qui n'ont pas été
détruits, restera la même. Mais ce que je ne puis admettre, c'est qu'on
provoque constamment de nouvelles réunions de sections centrales qui entravent,
sans utilité, la marche des travaux de la chambre. Le président de la section
centrale qui a examiné le projet de loi auquel se rapporte la pétition dont il
s'agit, préside la section centrale qui examine le projet de loi relatif à la
société linière ; si on empêche le président de la réunir, en le retenant
ailleurs, il sera impossible d'arriver à des conclusions sur ce projet de loi ;
il est cependant d'une urgence telle, qu'il faudrait laisser au président le
temps de diriger et de conduire à fin son travail.
M. Lebeau. - Je n'insiste pas pour le renvoi à
la section centrale, mais je demanderai le renvoi à la commission des
pétitions, avec invitation de faire un prompt rapport avant la discussion de la
loi.
- Le renvoi à la
commission des pétitions, avec invitation de faire un prompt rapport, est
ordonné.
________________
« Le sieur Guillaume Hole demande la
concession d'un chemin de fer de Gand à Furnes, avec un embranchement sur
Nieuport et Ostende. »
- Renvoi à la commission
des pétitions.
________________
MM. de T'Serclaes et de
Brouckere demandent un congé.
- Accordé.
________________
M. le ministre
de la guerre (M. Prisse) adresse deux exemplaires de l'Annuaire militaire officiel
pour 1847.
- Dépôt à la
bibliothèque.
________________
Par message du 17
février, le sénat informe la chambre que le sieur Philippe Marx renonce à sa
demande de naturalisation ordinaire.
- Pris pour notification.
________________
Par message du même jour,
le sénat informe la chambre que le sieur E. Mus a renoncé à sa demande de
naturalisation ordinaire.
- Pris pour notification.
PROJET DE LOI RELATIF AU DEFRICHEMENT DES TERRAINS INCULTES
Rapport de la section centrale sur les amendements présentés
M. Mast
de Vries. - Messieurs, la section centrale s'est occupée des amendements présentés
par MM. Eloy de Burdinne, Lejeune et d'Huart à la loi concernant les
défrichements que vous avez renvoyés à son examen.
Les deux premiers
paragraphes de l'amendement de M. Eloy de Burdinne sont ainsi conçus :
« Une surtaxe annuelle
progressive de dix centimes sur l'impôt foncier sera perçue pour chaque hectare
de bruyère qui sera reconnue par le gouvernement et susceptible d'être
défrichée et propre à produire des graminées, des fourrages ou du bois.
« Cette surtaxe cessera
d'être perçue sur cette partie de bruyère que le gouvernement reconnaîtra être
en état de produire, par suite du défrichement, des céréales, du fourrage ou du
bois. »
Ces deux premiers
paragraphes de l'amendement de M. Eloy de Burdinne n'ont pas été admis, par le
motif que certaines communes possèdent de grandes quantités de bruyères, et que
si ces bruyères étaient (page 832)
sujettes à la taxe proposée, ces communes devraient y employer tous leurs
moyens ; car.il est impossible que les communes possédant plusieurs milliers
d'hectares de bruyères, puissent trouver immédiatement un prix représentant
leur juste valeur.
Quant au troisième
paragraphe, l'honorable membre demande que les terrains défrichés soient
exempts de l'impôt foncier pendant 32 ans ; nous avons examiné cette
proposition, nous l'avons admise en principe, parce qu'elle est favorable au
but de la loi. Mais nous en avons changé la rédaction ; nous avons l'honneur de
vous proposer de la formuler de la manière suivante :
« Art.... Par extension à
l'article 112 de la loi du 3 frimaire an VII, la cotisation des terres vaines
et vagues depuis 15 ans, qui seront mises en culture, autres que celles
désignées dans les articles 113 et 114 de la même loi, ne pourra être augmentée
pendant les vingt premières années après le défrichement. »
« Art.... Tous
bâtiments ou habitations nouvellement construits sur les terres vaines et
vagues appartenant aux communes, ne seront point imposés à la contribution
foncière durant les quinze premières années, à compter de l'époque de leur
construction ; la même exemption sera accordée aux possesseurs des terres
vaines et vagues ayant appartenu aux communes et dont l'aliénation aura lieu
postérieurement à la présente loi. »
Ainsi nous restreignons,
comme je l'ai dit, la proposition de l'honorable M. Eloy de Burdinne à vingt
ans ; mais nous ajoutons l'exemption d'impôt sur les propriétés qui seraient
bâties sur des bruyères communales.
Ces deux mesures ne
peuvent qu'avoir le meilleur effet, elles sont plus favorables que celles qui
existent aujourd'hui.
Pour ce qui regarde les
bois, nous ne touchons pas à la loi de l'an VII, qui les exemple pour 30 ans ;
ce terme est suffisant. Pour les terres arables exemptées pour 10 ans, nous
avons pensé devoir vous proposer d'étendre cette exemption à 20 ans. De cette
manière, nous améliorons certainement la condition de ceux qui défricheront.
L'honorable M. Lejeune a
présenté un amendement, dont il a envoyé à la section centrale une nouvelle
rédaction ainsi conçue :
« Le cahier des charges
stipulera la portion des lots que l'acquéreur s'oblige à mettre en culture
chaque année.
« Les lots ou les parties
de lots aliénés, qui ne seront pas mis en culture dans le délai prescrit,
seront passibles d'une surtaxe annuelle et progressive de 50 c. par hectare.
Cette imposition cessera lorsque la condition de mise en culture. aura été
accomplie ou que la déchéance aura été prononcée. »
Ainsi la nouvelle
proposition admettait 50 c. par hectare au lieu de 10.
La section centrale pense
que la garantie de défrichement que désire obtenir l'honorable M. Lejeune, peut
être obtenue sans un impôt progressif.
D'ailIeurs, comme la
commune est la plus intéressée à ce que les conditions de vente s'exécutent,
c'est à elle que doivent revenir les amendes pour non-exécution de ces
conditions.
Ceci posé, nous pensons
que ce résultat peut être obtenu, en ajoutant au deuxième paragraphe de
l'article premier les mots suivants : « Et des dommages-intérêts à
stipuler au cahier des charges ».
De cette manière le
cahier des charges stipulera des dommages-intérêts en cas de non-défrichement
jusqu'à la déchéance qui pourra être imposée à l'acquéreur.
Maintenant je viens aux
amendements qui ont été proposés par l'honorable M. d'Huart. La section
centrale vous a proposé, dans une précédente séance, l'adoption du premier
changement proposé par cet honorable membre.
L'autre modification est
ainsi conçue :
« Le partage, entre les
habitants, des terrains communaux incultes, bruyères, sarts et vaines pâtures,
pourra être ordonné par arrêté royal, sur l'avis conforme de la députation
permanente du conseil provincial, après avoir entendu le conseil de la commune
intéressée, où ce mode sera reconnu propre à assurer la culture de ces terrains,
sous les conditions et dans les délais déterminés par le même arrêté royal.
« Une redevance annuelle
sera stipulée au profit de la commune ; toutefois, chaque copartageant pourra
s'en affranchir à volonté et obtenir liberté entière de disposer de son lot, en
versant à la caisse communale une somme équivalente à vingt fois le montant de
cette redevance. »
Nous avons pensé,
messieurs, que cet amendement était une dépossession forcée et que dès lors il
était contraire à la Constitution qui voulait une juste et préalable indemnité.
Ce motif a fait rejeter la disposition proposée.
La deuxième disposition
proposée par l'honorable M. d'Huart a au contraire été trouvée utile et a été
admise comme un acte de bonne administration.
Le premier paragraphe de
cette disposition est ainsi conçu :
« La location des
terrains communaux incultes, bruyères, sarts et vaines pâtures, pourra être
ordonnée par arrêté royal, sur l'avis conforme de la députation permanente du
conseil provincial, après avoir entendu le conseil de la commune intéressée,
sous la condition que ces terrains seront mis en culture dans les délais
déterminés par le même arrêté royal. ».
Le deuxième paragraphe
est ainsi conçu :
« Les baux, réglés à
longs termes, stipuleront une redevance annuelle au profit de la caisse
communale, et réserveront qu'à leur échéance les preneurs auront la faculté de
continuer respectivement la culture des mêmes parcelles, sauf à payer à la
commune une redevance annuelle telle qu'elle sera fixée alors, en vertu d'un
arrêté royal porté de la même manière que celui ci-dessus, eu égard à la valeur
des produits du sol et aux besoins financiers de la commune. »
Nous avons pensé,
messieurs, qu'il fallait mettre une borne à la durée des baux, et en
conséquence nous vous demandons l'adoption du premier paragraphe et le
remplacement du second par la mesure suivante :
« Les baux n'excéderont
point le terme de trente ans, et stipuleront qu'à leur échéance les anciens
preneurs pourront les renouveler aux prix qui seront alors fixés par arrêté
royal porté de la manière indiquée au paragraphe précédent et eu égard à la
valeur du sol. »
En ce qui concerne le
troisième article proposé par M. d'Huart et qui tend à décider que la loi
cessera d'être exécutoire le 1er janvier 1850, si elle n'a pas été renouvelée,
la section centrale ne croit pas pouvoir l'admettre. Elle croit que son
adoption serait de nature à engager quelques communes à s'opposer au
défrichement et amènerait ainsi un résultat tout à fait contraire à celui que
l'on veut obtenir.
Voilà, messieurs, le
résultat des délibérations de la section centrale sur les amendements que vous
lui avez renvoyés.
M. le président. - Pour faciliter la discussion, je
demanderai la permission de faire imprimer le projet avec les amendements qui
ont été présentés et le rapport de la section centrale.
- Cette proposition est
adoptée.
Discussion des articles
Article premier
M. le président. - La discussion continue sur
l'article premier.
(page 839) M. d’Elhoungne. - Messieurs, je ne me propose pas de traiter toutes les
questions qui se pressent dans cette discussion, bien que l'article premier,
renfermant le principe de la loi, les ramène forcément. Je restreindrai à quelques
points peu nombreux les considérations que je viens présenter à la chambre.
J'écarterai sans façon,
messieurs, les fins de non-recevoir que les adversaires du projet de loi lui
ont opposées, et auxquelles, je le pense, on a accordé dans ce débat une place
trop large, une importance exagérée. Je ne suis point parvenu, pour ma part, à
trouver dans le projet en discussion rien qui soit ou inconstitutionnel, ou
subversif du droit de propriété, ou attentatoire à nos franchises communales.
Quelque savantes que
soient les dissertations que nous avons écoutées depuis neuf ou dix séances,
j'en suis encore à me demander comment on a pu découvrir une
inconstitutionnalité dans l'article premier du projet de loi. On a établi sans
doute une distinction inexplicable et inexpliquée entre l'utilité publique et
l'intérêt général ; mais on a perdu de vue que s'il y a une différence, c'est
que l'utilité publique, telle que toutes les lois l'entendent, est quelque
chose de plus étendu, dé plus élastique infiniment que l'intérêt général.
Je ne comprends pas
davantage en quoi le projet de loi est subversif du droit de propriété. La
chambre aura remarqué que les objections des adversaires de la loi s'appliquent
moins encore à la loi elle-même qu'au principe de l'expropriation pour cause
d'utilité publique en général. C'est à ce point qu'ils ont été amenés, comme
malgré eux, à prêter au droit de propriété un caractère et des proportions
inouïs. N'ont-ils pas contesté à la chambre, n'ont-ils pas dénié à la foi le
pouvoir de modifier, soit le droit de tester, soit l'ordre des successions qui,
évidemment, ne relèvent que de la loi civile ? Quant à la croisade qu'on a
entreprise contre le communisme, l'avenir sans doute nous en donnera le mot.
Entre-temps, c'est là un fantôme auquel je ne crois point, que je redoute moins
encore, et qui me paraît le fruit d'imaginations beaucoup trop promptes à
s'alarmer. Loin de soupçonner M. le ministre de l'intérieur de vouloir
révolutionner la propriété, je le suspecterais plutôt d'avoir pour elle des
prédilections trop exclusives. Je craindrais plutôt qu'il ne voulût lui ménager
une protection exagérée dans l'avenir, et lui assurer un tarif peu en harmonie
avec les besoins du pays. Aussi est-ce contre es tendances seules que je fais
mes réserves, en acceptant le projet de loi sur les défrichements.
(page 840) Mais le projet, s'il laisse intactes et la Constitution
et la propriété, porte-t-il atteinte à nos franchises communales ? C'est
demander, messieurs, si la loi qui crée les mainmortes qu'on nomme communes,
peut déterminer quel sera le patrimoine de ces mainmortes, de quelles espèces
de biens ce patrimoine se composera, et comment il sera régi, administré.
Evidemment, c'est là la véritable mission du législateur en cette matière. Il
peut donc prescrire aux communes l'aliénation d'immeubles qui sont presque
stériles pour elles par l'effet d'une exploitation nulle ou imparfaite, et dont
l'immobilisation perpétuelle dans le chef des communes est doublement onéreuse
pour l'Etat au point de vue de l'impôt comme au point de vue de l'alimentation
du pays.
Vraiment, messieurs, on
dirait, à entendre les adversaires du projet de loi, que les terres incultes ne
jouissent point, pour l'impôt, d'un privilège qu'il importe au pays de voir
disparaître, qu'il est du devoir de la législature d'éteindre graduellement !
On dirait qu'il est indifférent de voir des immeubles si considérables, frappés
de la mainmorte, être seuls soustraits à cette confiscation périodique
qu'opèrent les lois sur les droits de mutation ! L'oubli de ces deux
considérations décisives, je dois le dire, a lieu de m'étonner de la part d'un
des honorables opposants, député de Bruxelles, qui a cherché, par les
propositions qu'il nous a faites il y a peu de mois, à soumettre toutes les
mainmortes à cette confiscation périodique du droit de mutation dont je viens
de parler.
Il serait superflu,
messieurs, d'envisager la question sous le point de vue où s'est placé hier
l'honorable M. Rogier, c'est-à-dire sous le point de vue des propriétés
privées. Ici la question de l'expropriation se présenterait sans contredit dans
des termes bien différents, et quant aux principes, et quant à leur
application. Qu'il me suffise de faire remarquer que les abus signalés par
l'honorable député d'Anvers ne sont pas sérieusement à redouter chez nous. Avec
la loi sur les successions qui morcelle indéfiniment et d'une manière si rapide
tous les héritages, qui les endette en quelque sorte, il n'est pas à craindre
que de vastes domaines, auparavant cultivés, soient laissés en friche pour le
plaisir de la chasse, par exemple. Cela s'est vu, je le sais, mais cela ne peut
se voir que dans un pays où une aristocratie puissante possède presque
exclusivement toute la surface du territoire.
En écartant ainsi les
objections préliminaires que le projet de loi a rencontrées, il reste les deux
questions qui dominent véritablement le débat et que mon honorable ami, M. le
baron de Tornaco, a si nettement posées dans les discours lumineux et
remarquablement pratiques qu'il a prononcés. Ces questions, les voici : En
premier lieu, le défrichement est-il chose utile ? En second lieu, le projet de
loi sera-t-il efficace pour amener le défrichement ?
Encore, la première
question n'en est-elle plus une au point où la discussion est parvenue. Tout le
monde, en effet, est unanime maintenant pour proclamer l'utilité du
défrichement des bruyères et terres incultes du pays. II n'y a donc plus que
l'efficacité de la loi qui soit contestée : c'est cette efficacité que je vais
rapidement discuter.
L'article premier du
projet de loi, complété par les amendements auxquels le gouvernement s'est déjà
rallié, consacre trois moyens de déterminer le défrichement, savoir : 1° la
vente ou l'expropriation des bruyères communales ; 2° leur partage et 3° leur
location par des baux à longues années.
J'adopte sans peine,
messieurs, ces trois moyens, mais je ne cache pas que je préfère le partage à
l'expropriation, à la vente, et même aux baux à long terme. Toutefois je me
hâte d'ajouter que, dans le partage des bruyères communales, j'entends qu'on
respecte pleinement, absolument, les droits de la commune. Il ne faut pas
méconnaître que c'est la commune seule en définitive, qui, comme être moral,
est propriétaire tandis que les habitants sont de simples usagers. Sacrifier
les droits de la commune, ce serait sacrifier les droits de l'avenir aux
usurpations du présent. C'est assez dire que je repousse avec force l'idée
émise par l'honorable M. Jonet d'appliquer au partage des communaux l'article
815 du Code civil, et d'attribuer à chaque habitant le droit de faire cesser
l'indivision. Ne consacrerait-on pas de la sorte la tyrannie d'un seul sur la
volonté et l'intérêt de tous ? Ne serait-ce pas introduire dans la commune un principe
d'anarchie, inconciliable avec les notions les plus élémentaires de toute
agrégation politique ?
Après avoir adopté en
principe le moyen de l'expropriation, et le partage, et les baux à long terme,
il s'agit d'examiner comment ces moyens fonctionneront, quels résultats ils
peuvent produire : question complexe, messieurs, dont la solution varie d'après
les différentes localités intéressées au défrichement.
Je ne m'occuperai que du
Limbourg et du Luxembourg, tout en mentionnant pour mémoire le vry-geweyd,
auquel je désire vivement de voir appliquer la loi, et en émettant le vœu que
le gouvernement règle à l'amiable, avec un esprit conciliant, les droits que
l'Etat peut avoir sur cette propriété. II me paraîtrait préférable mille fois
d'abandonner avec condescendance une partie des prétentions de l'Etat que de
retarder, par des procès inutilement dispendieux, le défrichement du
vry-geweyd, si important pour la Flandre occidentale.
Voyons maintenant si la
loi sera efficace pour le Limbourg, ou plutôt pour la Campine.
Personne ne conteste que
le système d'irrigation, savamment étudié par M. Kummer, ne doive doter la
Campine d'une étendue considérable de prairies. Mais ce n'est pas tout d'avoir
des prairies ; il n'est pas un homme spécial qui, à côté des prairies, ne
réclame une juste proportion de terres arables, obtenues à l'aide du
défrichement en même temps qu'on créera les prairies.
C'est sous ce rapport que
je ne saurais admettre l'amendement de l'honorable comte de Mérode, qui
consacre exclusivement le système d'irrigation et la création de prairies, et
qui exclut la mise en culture de cette juste proportion de terres arables,
proclamée utile, proclamée indispensable.
M. de
Mérode. - Mon
amendement n'exclut pas d'une manière absolue ce défrichement-là...
M.
d’Elhoungne. - J'accepte volontiers cette rectification, et je suis heureux de n'être
pas, sur ce point encore, en désaccord avec l'honorable comte de Mérode.
Je disais, messieurs, que
de l'aveu des honorables députés de la Campine et du gouvernement, la loi
proposée atteindra dans la Campine le double but de créer des prairies et des
terres arables en une proportion convenable. C'est un point acquis à la discussion
; et c'est un point qui devient incontestable, si l'on considère que la
construction presque complète du canal de la Campine, que l'exécution prochaine
des travaux d'irrigation, forment à la fois un grand subside et un stimulant
puissant pour les défrichements. Il en est de même des exemptions d'impôt que
la section centrale vient de vous proposer au début de la séance, par l'organe
de son honorable rapporteur, et qui constitueraient un encouragement facile à
apprécier. Et en cela, messieurs, je crois répondre à une objection de mon
honorable ami, M. le baron de Tornaco, qui a trop amoindri, ce me semble, ce
que le projet de loi fait tout au moins pour la Campine.
Il est un deuxième point
sur lequel il règne entre les honorables députés de la Campine et le
gouvernement un accord parfait : c'est que l'œuvre du défrichement, ainsi
abandonnée à la seule action des moyens que le projet de loi consacre, sera
très lente et s'opérera principalement, sinon exclusivement, à l'aide des
ressources locales. Je sais que c'est là le vœu des honorables membres, que
c'est le vœu clairement exprimé dans cette discussion par le gouvernement. Mais
n'est-ce pas resserrer dans des limites trop étroites un projet qui, de sa
nature, comportait une exécution plus large, plus générale ? Messieurs, je ne
saurais le dissimuler, il y a beaucoup d'égoïsme local, beaucoup de préjugés et
de préventions injustes dans les vues des honorables députés de la Campine
lorsqu'ils acceptent ainsi les mesures que nous votons, les crédits que nous
allouons, mais uniquement pour défricher dans l'intérêt, selon la convenance,
et, je le crains, d'après la routine de la population campinoise.
Quoi qu'il en soit, si je
regrette que le projet ne fasse ni plus ni mieux, je n'en reconnais pas moins
qu'il conserve, quant à la Campine, un degré d'utilité incontestable ; et,
dût-on le restreindre à la Campine seule, je le déclare, il aurait encore mon
assentiment.
Je passe maintenant au
Luxembourg. La loi sera-t-elle efficace pour amener le défrichement dans cette
province ? Les documents que la chambre a sous les yeux, messieurs, me semblent
résoudre cette question.
Sans doute le
gouvernement s'est montré pressé, trop pressé peut-être, d'étendre la loi aux
terres vagues et incultes du Luxembourg. Voulût-on tenter le défrichement sur
une vaste échelle, sans doute la Campine suffisait ; elle présentait d'ailleurs
aux essais un champ assez étendu et d'autant plus convenable que le
défrichement de la Campine a été plus mûrement examiné, plus complétement
étudié. Mais, à part cette remarque, l'efficacité de la loi en discussion est
établie si complétement que nous pouvons asseoir avec toute sécurité notre
opinion.
Dans le rapport de la
députation permanente du Luxembourg, nous trouvons le relevé et l'analyse des
renseignements fournis par toutes les communes qui possèdent des terres vagues
et incultes. On avait, à ces communes, posé les questions suivantes :
« 1° Quelle est la
qualité des terres vagues et spécialement de celles situées dans les deux
premiers rayons ?
« 2" Sont-elles de
nature à être livrées à la culture ?
« 3° Pense-t-on qu'elles
y seraient livrées si elles étaient mises à la disposition des habitants au
moyen, soit d'un partage, soit de baux emphytéotiques, soit d'aliénation ? »
On avait donc, messieurs,
interrogé les communes sur l'efficacité et la convenance des mesures que
l'article premier du projet de loi décrète. Et savez-vous ce que les réponses
des communes ont constaté ? C'est que 48 communes se sont prononcées pour le
partage, 12 pour la vente, 11 pour des locations à long terme, et 20
indistinctement pour ces trois mesures : ensemble 97 communes favorables aux
mesures du projet de loi. Et savez-vous combien il y a de communes qui
s'opposent à ces mesures ? On en compte à peine quarante ! Ainsi l'efficacité
de la loi est proclamée par la grande majorité des communes intéressées. (Interruption.)
Je répète qu'il est
démontré à la chambre, par le fait que je viens de signaler, qu'on arrivera au
défrichement des bruyères communales dans le Luxembourg au moyen du partage, au
moyen des locations emphytéotiques, au moyen de l'aliénation. (Interruption)... Il va sans dire que je
ne parle pas d'une aliénation en masse, qui n'entre dans la pensée de personne,
mais d'une aliénation successivement et prudemment faite là où d'autres mesures
seront reconnues impraticables.
Malheureusement, pour le
Luxembourg comme pour la Campine, on n'arrivera au défrichement que très
lentement, par la seule action locale ; mais c'est aussi ce que les honorables
députés du Luxembourg désirent ; c'est ce qu'avait conseillé la députation
permanente de cette province, dans le travail de laquelle, quoi qu'on en ait
dit, le gouvernement (page 841) a
puisé les dispositions du projet en discussion. Pour ma part, je ne puis donc
que répéter mon adhésion à ces dispositions. Si on ne veut pas faire plus, si
on ne veut pas faire mieux, assurément le projet de loi est suffisamment
efficace.
Je dis, messieurs, si
l'on ne veut pas faire plus, si l'on ne veut pas faire mieux : en effet, vous aurez
remarqué que, dans le projet tel qu'il est compris par le gouvernement, il ne
s'agit point d'un défrichement rapide, vigoureux, entrepris sur une vaste
échelle. Un pareil défrichement, mon honorable ami M. de Tornaco l'a dit avec
raison, exigerait de l'argent, beaucoup d'argent. Or, l'Etat peut-il se lancer
dans les avances considérables que l'œuvre du défrichement, poursuivie sur une
grande échelle, exigerait nécessairement ?
Ici, messieurs, il faut
le reconnaître, la question prend une face toute nouvelle ; et je n'hésite pas
à le dire, c'est ici qu'elle se présente dans toute sa grandeur, dans toute son
importance.
S'il ne s'agissait que de
l'amélioration d'une partie considérable du territoire, quelque grands que
soient l'intérêt national et l'intérêt fiscal qui se rattachent à cette
amélioration, je n'hésiterais pas à différer la mesure. J'attendrais des jours
meilleurs. J'attendrais que le numéraire eût reparu plus abondant, plus
répandu, dans la circulation. J'attendrais que le crédit public, momentanément
déprimé, fût remonte au niveau des ressources et de la solvabilité du pays.
J'attendrais tout cela, messieurs. Mais il est une question d'urgence qui
domine la situation tout entière ; qui préoccupe et la chambre et le pays ; qui
aurait dû préoccuper plus vivement le ministère : c'est la question des
Flandres.
Croyez-vous avoir résolu
la question des Flandres ? Croyez-vous qu'en votant quelques subsides, qu'en
distribuant pour quelques milliers de francs d'outils, qu'en décrétant une
société anonyme d'exportation, qu'en préparant quelques rares et tardifs
travaux publics, croyez-vous, dis-je, qu'avec ces palliatifs impuissants,
dérisoires quand on les compare à l'étendue du mal, odieux quand on les compare
au charlatanisme des promesses, croyez-vous avoir résolu cette formidable
question des Flandres ? Pour le présent, vous n'avez rien fait qui eût quelque
portée, et vous vous flatteriez d'avoir fait quelque chose pour l'avenir ! Ah !
en présence de cet avenir si sombre, gardez-vous de croire, messieurs, que vous
aurez dans la mortalité effrayante des Flandres un auxiliaire assez actif pour
résoudre les difficultés de la situation. La mort, elle fait bien sa tâche sans
doute, mais elle est moins prompte encore à décimer les rangs de nos populations
affamées que la misère à les peupler de nouveaux indigents. Tout ne sera pas
dit, messieurs, quand vous serez arrivés à la moisson nouvelle. Si abondante
que le ciel nous l'accorde, elle n'empêchera pas la question des Flandres de se
représenter à la session prochaine aussi menaçante, aussi peu résolue, aussi
inexorable qu'aujourd'hui.
J'aurais voulu garder le
silence. J'aurais voulu comprimer le sentiment de découragement que j'ai au
fond du cœur. Mais après le discours prononcé hier, et dans lequel la politique
du gouvernement s'est dévoilée encore une fois dans des termes qui interdisent
tout espoir, il faut bien que je mette sous vos yeux cette vérité claire comme
le jour : que le gouvernement ne veut rien faire, que le gouvernement ne fera
rien d'efficace pour les Flandres, et que tout grand remède, il le repousse
systématiquement.
On vous a parlé hier des
travaux publics à faire dans nos provinces. Multiplier, presser la construction
de travaux publics, c'était, en effet, le remède le plus simple, le plus
facile, et le plus sûrement efficace contre la misère. Eh bien ! quelle a été
la conduite du gouvernement ? Mes honorables amis et moi, nous avions proposé,
à la session dernière, de décréter le canal de Schipdonck jusqu'à la mer. Ce
travail considérable est plus qu'utile : il est nécessaire pour délivrer la
plus grande partie de la Flandre du fléau des inondations. Messieurs les
ministres n'ont point contesté que ce canal ne fût nécessaire ; ils n'ont point
contesté qu'il ne dût se faire, un peu plus tôt ou un peu plus tard, n'importe
! Cependant, messieurs les ministres ont repoussé notre proposition, ils l'ont
fait rejeter par la chambre. Au lieu des salaires que la construction d'un
aussi grand travail eût régulièrement répandus au sein de nos populations, on a
préféré leur jeter des aumônes nécessairement insuffisantes, qui démoralisent,
et qui nous mettent à tous le désespoir dans l'âme et la rougeur au front. On
aime mieux, million par million, venir arracher à la pitié des chambres ces
secours, ces aumônes qui créent le paupérisme et le développent, que d'aborder
franchement de grands travaux publics dont la dépense serait largement
reproductive d'abord, et qui substitueraient le pain du travail au pain de
l'aumône.
Je ne mentionnerai que
pour mémoire le chemin de fer direct entre Bruxelles et Gand par Alost. C'était
là encore un grand travail d'utilité publique. Sa construction devait amener,
dans une des parties les plus maltraitées de la Flandre, une immense
distribution de salaires, en même temps qu'elle était un acte de réparation et
de justice. Vous savez tous, messieurs, l'irrésolution du gouvernement sur
celle question. et je ferai la concession d'admettre que le gouvernement soit
hostile à ce chemin de fer ; je supposerai qu'il est d'avis que ce chemin de
fer ne peut pas se faire. Eh bien ! alors encore son inaction est sans excuse.
Il ne doit pas se laisser accuser d'entraver, par ses hésitations, un travail
qui ferait vivre des milliers de malheureux. Il doit à la dignité du pouvoir
d'avoir une opinion sur une question aussi grave. Il y va de la popularité du
gouvernement que M. Malou invoquait tantôt (encore un fantôme !), de se
prononcer à la face du pays.
Le chemin de fer concédé
de la Dendre est un projet non moins important, non moins considérable que ceux
que je viens de rappeler. Sa construction aurait répandu l'abondance dans les
localités qu'il doit traverser ; elle aurait assuré du travail à des milliers
de bras. Ce chemin de fer cependant n'est pas même commencé ; les conditions de
la concession restent en cela inexécutées. Or, le gouvernement a-t-il fait des
efforts sérieux auprès de la compagnie concessionnaire pour la forcer à mettre
la main à l'œuvre ? Si la compagnie avait besoin d'aide, a-t-on songé à lui en
donner ? Si elle rencontrait des obstacles, a-t-on songé à les aplanir ? Non,
messieurs, on n'a rien fait ; et au lieu de dix à douze millions de salaires
que les grands travaux publics que j'ai cités auraient déversés dans les
Flandres, on leur a lentement distribué une aumône de quelques centaines de
mille francs !
II restait la
colonisation : la colonisation de la Campine d'abord, où la similitude du
langage et du sol appelle les Flamands, puis la colonisation du Luxembourg, qui
se présente en seconde ligne.
Eh bien ! le projet de
loi que nous discutons, messieurs, les vues que le gouvernement y développe,
attestent pour les Flandres la même inertie, la même impassibilité, le même
mauvais vouloir. On avait introduit la question du défrichement sous les
auspices en quelque sorte de la misère des Flandres, aujourd'hui on refuse de
l'y rattacher. On disait dans l'exposé des motifs de la loi ouvrant au
gouvernement un crédit de 2,000.000 de fr. :
« Ce crédit pourrait
encore recevoir son application, au moins en partie, pour hâter la colonisation
ou l’habitation des portions du territoire, aujourd'hui désertes ; le. premier
stimulant sera certainement l'intérêt des nouveaux propriétaires, qui devront
faire construire des habitations pour la culture des terres et l’exploitation des
prés ; mais le gouvernement pourra y contribuer également, au mois, en faisant
construire quelques édifices indispensables à un nouveau centre de population,
savoir : uni chapelle, un presbytère, une école ; nous mettrons sous les yeux
de la chambre les divers rapports adressés au gouvernement sur les moyens de
colonisation et sur la part qu'il pourrait y prendre. »
On invoquait ainsi la
juste sympathie que la misère des Flandres excite dans cette enceinte et
au-dehors, pour faire voter le premier crédit de 500,000 fr. destiné aux
défrichements, avant même que la législature eût fait le moindre examen du
projet actuel. Maintenant on change de langage. Non seulement on recule devant
les préjugés du Limbourg et du Luxembourg, mais on les accepte, on les ratifie.
Aujourd'hui on déclare que les Flandres n'ont à profiter du défrichement qu'en
recueillant les avantages généraux qu'il doit produire pour tout le pays. Mais
quant à une colonisation sérieuse, étendue, quant à cette colonisation vraiment
nationale, qui aurait offert un soulagement efficace, un remède puissant,
prolongé aux souffrances des Flandres, le gouvernement n'en veut pas, le
gouvernement s'y oppose.
Et cependant, veuillez-le
remarquer ; si, comme on l'a dit, l'argent est le nerf du défrichement ; si le
côté financier de cette grande opération a le plus d'importance, est-ce que la
colonisation de la Campine et de l'Ardenne pouvait se faire avec plus
d'opportunité et de chances de succès qu'au point de vue des Flandres ? En
favorisant cette colonisation, messieurs, en aidant au déplacement de nos
populations trop agglomérées, que feriez-vous sinon rédimer une taxe des
pauvres tous les ans croissante, tous les ans plus lourde et pour vous et pour
nous ? (Interruption.)
Je dis, M. le comte de
Mérode, qu'une colonisation sur une large échelle serait à la fois une bonne
œuvre et une bonne spéculation (si l'on peut employer un tel mot dans de telles
questions) ; car, elle permettrait de racheter cette taxe des pauvres qui de
cent cinquante mille francs est montée en un an à deux millions, et qui finira
par écraser notre budget.
Ne craignez pas qu'une
grande et courageuse mesure contre le paupérisme fasse baisser encore le crédit
de l'Etat, crédit auquel on ne rend pas justice, auquel on ne se confie pas assez.
Emprunter à des conditions que les circonstances actuelles rendent fatalement
onéreuses, est une chose fâcheuse sans doute ; mais lorsque vous sauvez par cet
emprunt la vie à des milliers de malheureux, est-ce une mauvaise affaire ?
est-ce un mauvais marché ? J'écarte la question d'humanité, messieurs, et ne
considérant que le côté financier, je réponds que ce serait un bon placement.
Ce n'est pas en effet une
dépense improductive qu'on vous demande, car on vous propose la création d'une
nouvelle province qui supportera avec les autres le fardeau des impôts. Ce
n'est pas davantage un système de subsides à distribuer sans espoir de
remboursement, car on ne demande que des avances qui rentreront un jour dans la
caisse de l'Etat.
Déjà mon honorable ami, M.
Rogier, vous a signalé divers moyens d'obtenir le concours des communes et des
bureaux de bienfaisance pour parvenir à la colonisation. Sans se faire
défricheur, sans coloniser par lui-même, ce qu'il ferait très mal, le
gouvernement peut imprimer au défrichement et à la colonisation une activité
décisive. Pour cela je ne lui demande qu'une chose, c'est qu'il aide de son
crédit et de ses ressources ceux qui voudront coloniser. Je lui demande
d'organiser le crédit agricole qui s'ignore lui-même, et au besoin de le créer
par une large et habile intervention. Par là, messieurs, le gouvernement aura
fait faire un grand pas à la colonisation ; par là il aura fait faire un grand
pas à la question des Flandres.
Que si quelques subsides
étaient d'abord nécessaires, faudrait-il s'abstenir ? N'avons-nous pas subsidié
indirectement, mais très réellement la compagnie de Guatemala, et ferons-nous
moins pour nos provinces que pour les contrées tropicales ?,,.,
Messieurs, je
m'expliquerais l'apathie du gouvernement, la sérénité désolante avec laquelle
il assiste aux souffrances des Flandres, si les (page 842) Flandres méritaient le reproche d'avoir causé elles-mêmes
leurs maux. On a répété à satiété que l'industrie linière, notre grande
industrie, était restée stationnaire. Mais, au nom du ciel, soyons sincères,
messieurs, dans ces circonstances si graves et que le gouvernement nous rende
justice, qu'il se rende justice à lui-même ! Qu'on reconnaisse enfin que si le
gouvernement avait fait son devoir depuis 16 ans, les Flandres n'en seraient
pas réduites où elles sont. Disons franchement, hautement, que ce que les
Flandres expient en ce moment, c'est l'impéritie du gouvernement et de ses
diplomates. Elles expient cruellement les fautes commises dans les négociations
avec la France, avec l'Espagne, avec l'Allemagne. Elles expient l'indifférence
systématique du gouvernement, son incurie, son impuissance à conjurer les
augmentations de tarifs qui ont frappé les Flandres à coups redoublés dans
leurs exportations.
Je n'en veux citer qu'une
preuve toute récente encore. Lorsque les représailles de l'union allemande ont
atteint la province de Liège dans son industrie métallurgique, vous avez vu
quelle agitation s'est produite ; vous avez vu avec quel empressement et quelle
pénurie da lumières le gouvernement s'est hâté de conclure le traité du 1er
septembre, afin de rendre le débouché allemand à l'industrie liégeoise. Eh bien
! messieurs, il y a quelques mois, le Zollverein a frappé aussi l'industrie
linière et l'industrie cotonnière, les deux grandes industries des Flandres.
Nous avons perdu, nous aussi, le débouché de l'Allemagne, vers lequel nos
exportations en fil de lin, en toiles, et en twists ont précisément la même
importance, que les exportations en fonteet en fer. Le gouvernement s'est-il
ému de ce coup qui a frappé les Flandres, comme il s'était ému du coup porté à
la province de Liège ? Le gouvernement, messieurs, il a regardé, il a laissé
faire !
Après cela, répondrai-je
à ce témoignage que M. le ministre de l'intérieur s'est donné à lui-même : que
le gouvernement a fait pour les Flandres tout ce qu'il pouvait faire, et que sa
conduite avait servi de modèle à l'Angleterre ? Oh ! ce n'est pas sérieusement,
M. le ministre, que vous avez tenu ce langage ! Servir de modèle à l'Angleterre
! Mais voyez donc les grandes mesures qui se discutent en ce moment même dans
le parlement britannique ; allez-y puiser des leçons, n'ayez pas la prétention
d'en donner !
M. de
Mérode. - Allez voir
l'Irlande.
M.
d’Elhoungne. - Allez voir l'Irlande ! Heureusement la Flandre n'est pas encore dans
la situation de l'Irlande. La Flandre offre des analogies avec l'Irlande parce
qu'elle a des pauvres comme elle, quoique moins nombreux qu'elle ; mais elle
n'a pas l'état social de l'Irlande. L'Irlande, M. le comte, mais c'est un pays
conquis, où tous les genres de spoliations et de tyrannies s'exercent depuis
des siècles. C'est un pays où tout semble en état le décomposition, où chaque
élément de la société vit d'une existence anomale. C'est un pays où il n'y a ni
sécurité pour les personnes, ni sûreté pour les propriétés, ni respect pour la
loi. Avons-nous tout cela en Flandre ? Non, vous le savez bien, nous avons une
population morale, paisible, admirablement résignée.
Je
m'arrête ici, messieurs. Je crois avoir démontré que le gouvernement n'a rien
fait, ne veut rien faire d'efficace pour les Flandres. Je crois avoir prouvé
qu'en présence de la question du défrichement, si facile à résoudre au point de
vue du paupérisme, le gouvernement s'est montré comme toujours sans grandeur,
sans résolution, impuissant. Mais si le projet de loi est, sous ce rapport,
inhumain pour les Flandres ; si, par rapport à l'intérêt général du pays, il
est incomplet ; je dois cependant, je le répète en terminant, lui reconnaître
une somme d'utilité suffisante pour que, député impartial, je lui donne,
quoique à regret, un vote affirmatif.
(page 832) M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Messieurs, la partie essentielle
du discours de l'honorable préopinant, est celle par laquelle il a réfuté les
objections qui ont été adressées au projet de loi. Sur ce point nous sommes
entièrement d'accord avec l'honorable membre. Nous pensons qu'aucune des
objections n'est restée debout dans cette discussion.
Mais l'honorable membre
désirerait des moyens plus efficaces encore pour arriver au défrichement et
surtout pour arriver à la colonisation. Ici, messieurs, nous attendons les
leçons de l'expérience et nous n'avons pas voulu engager trop avant le trésor
de l'Etat.
Il est donc inexact de
dire que lorsque nous avons demandé un crédit de 500,000 fr., nous avons en
quelque sorte donné en perspective la transplantation de l'excédant des populations
des Flandres dans la Campine. La première destination du crédit demandé était
celle des irrigations ; la seconde destination était d'aider aussi à
l'augmentation de la population dans cette partie de notre territoire, et voici
de quelle manière nous nous sommes exprimé dans l'exposé des motifs relatif aux
500,000 fr.
« Le défrichement
des terrains incultes exige une population d'ouvriers ; mais pour leur procurer
des salaires convenables, il faut que des propriétaires et des fermiers aisés
puissent les mettre à l'œuvre. Peupler la Campine d'indigents, serait ruiner
ses habitants et aggraver la misère des colons qu'il faudrait renvoyer à leur
domicile de secours. C'est le mélange d'habitants aisés et de bons ouvriers qui
peut seul assurer le succès de la colonisation. »
Ainsi, messieurs, nous
indiquions d'une manière secondaire l'augmentation de la population et une
transplantation lente des colons. La modicité des subsides elle-même indiquait
que notre intention ne pouvait pas être autre.
Nous avons aussi produit
l'avis du conseil supérieur d'agriculture qui, sur ce point, a émis des avis
très sages et qui sont partagés par tous les hommes pratiques. Voici ce que dit
le conseil d'agriculture :
« Quant à la population,
il n'est pas douteux que les travaux de défrichement ne sauraient devenir
faciles, rapides et productifs, si, dans les contrées où on doit les
entreprendre, on ne cherche pas à l'augmenter et à la mieux répartir sur la
surface du territoire. Le conseil ne croit pas toutefois qu'il faille
s'efforcer d'attirer, dans ces contrées, les habitants des provinces où sévit
le paupérisme ; un déplacement pareil ne serait utile ni aux localités qu'il
s'agit de défricher, ni aux malheureux qu'il aurait pour effet d'arracher à
leurs foyers.
« Rien n'est préparé en
Campine ou dans l'Ardenne pour nourrir et abriter ces nouveaux venus ; leur
travail n'y pourrait être suffisamment rétribué, et peut-être même n'y
trouveraient-ils pas à occuper leurs bras, à moins que le gouvernement ne
décrétât de suite une masse de travaux publics, canaux, routes, chemins
vicinaux, etc.
« Le conseil pense que,
dans tout ce qui a pour but de déplacer des populations, il convient d'agir
avec une sage lenteur et d'après des règles où préside une haute prudence. Le
gouvernement peut sans doute exercer ici, comme en toutes choses, une
bienfaisante influence ; il est même à souhaiter qu'on lui donne le pouvoir
d'intervenir d'une manière active dans le mouvement qui aura pour résultat de
fixer sur nos landes défrichées des populations nouvelles ; mais son
intervention, pour être à la fois utile et efficace, doit se circonscrire dans
un cercle fort limité, et n'apparaître qu'au fur et à mesure que le besoin s'en
fera sentir. Quand on considère la marche des défrichements, on voit qu'ils se
développent peu à peu autour des communes ; on dirait que c'est une tache qui
s'élargit par l'influence naturelle du temps, et, en réalité, ce n'est pas
autre chose, puisque chaque parcelle nouvelle de terre qui est mise en culture
augmente la somme des engrais disponibles, et que ceux-ci, à leur tour,
permettent de défricher une étendue de terrain plus grande. »
(page 833) Nous avons aussi indiqué, messieurs, comme possible,
comme même probable la formation de quelques noyaux de communes dans le centre
des grandes bruyères, mais à proximité des communications et principalement sur
les bords du canal. Aller au-delà, messieurs, ce serait risquer de compromettre
en vain et le sort des populations et les deniers de l'Etat.
L'honorable membre a
terminé son discours par des considérations toutes spéciales aux Flandres.
Déjà, messieurs, nous
avons fait voir que les ressources du trésor, quant aux travaux publics,
étaient presque exclusivement appliquées aux Flandres pour l'année actuelle ;
que pour d'autres provinces on avait dû interrompre les travaux déjà commencés
et s'abstenir de pétitionner des crédits.
L'honorable membre semble
regretter que la somme de 1,500,000 fr. soit, pour la majeure partie,
distribuée en quelque sorte en avances aux communes des Flandres pour les aider
à procurer des moyens d'existence à leurs habitants.
Messieurs, nous avons,
quant à l'emploi de cette somme, vivement recommandé de n'en pas faire un usage
exclusif pour l'aumône, mais au contraire d'en faire un emploi tel, qu'il en
résulte des travaux, de l'occupation, et qu'au lieu d'étendre la mendicité on
cherche à la restreindre. Mais, dans la situation actuelle, une partie de ces
fonds recevra, sans doute, une destination en secours. Le propriétaire qui se
bornerait exclusivement à faire faire des travaux, et qui ne soulagerait pas
par des aumônes les maux excessifs de certaines familles, maux causes par une
surabondance d'enfants ou par les infirmités des parents, ne satisferait qu'en
partie à son devoir. C'est le travail, d'une part, ce sont les secours, d'autre
part, qui seuls peuvent faire face à la situation.
L'honorable membre
s'étonne que le gouvernement n'ait pas déjà décrété le chemin de fer direct de
Bruxelles vers Gand par Alost. Messieurs, cette question est très grave ; dans
les Flandres même, elle présente des dissentiments.
C'est d'ailleurs une
question d'argent, question qui ne peut pas recevoir de solution dans le moment
actuel. Nous dira-t-on : Mais concédez cette ligne ? D'abord c'est une grande
question de savoir s'il conviendrait de concéder cette ligne directe de
Bruxelles à Gand, à côté du chemin de fer national. En second lieu, messieurs,
n'est-il pas constant que plusieurs compagnies ont en ce moment suspendu leurs
travaux, ou n'entreprennent point les travaux des concessions qui leur sont
accordées. Le moment est-il donc si bien choisi pour lancer encore de nouvelles
concessions en concurrence avec celles qui sont déjà accordées ?
M. Rogier. - Forcez-les !
M.
le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - On me dit : Forcez-les. Mais la seule clause dont le
gouvernement puisse faire usage, c'est de confisquer les sommes données à titre
de cautionnement, et encore faut-il que les délais soient expirés et que les
circonstances donnent lieu à une pareille mesure. A cet égard j'ai lieu de
croire que M. le ministre des travaux publics saura remplir les devoirs que lui
imposent les actes de concessions et user des droits qu'ils lui donnent.
L'honorable
membre a isolé une phrase du discours que j'ai prononcé dernièrement sur les
mesures prises par le gouvernement, pour parer autant qu'il était en lui aux
malheurs occasionnés par le manque de deux récoltes successives : ce n'est
point mon exemple que j'ai cité : j'ai cité les actes de mon prédécesseur, les
actes de mes collègues et les miens ; j'ai cité l'ensemble des mesures prises
par le gouvernement, et ici, je suis heureux de le dire, le gouvernement a
trouvé dans les témoignages du gouvernement britannique un dédommagement aux
critiques qui lui ont été adressées, critiques, j'ose le dire, isolées. (Aux voix ! Aux voix !)
M. de
Mérode. - Je voudrai
dire un mot. Lorsque je suis entré dans la salle, l'orateur qui avait la parole
citait mon amendement et disait qu'il tendait à empêcher le défrichement des
terrains non susceptibles d'irrigation ; or, messieurs, telle n'est pas la
portée de mon amendement. Mon amendement se borne à ne donner au gouvernement,
d'accord avec la députation, le droit d'expropriation qu'il demande, à ne lui
donner ce droit que pour des terrains bien définis, pour les terrains où
l'application de la mesure a un but utile bien connu. Voilà, messieurs, ce que
fait mon amendement ; mais il n'exclut nullement le défrichement des autres
terrains incultes.
Je n'admets pas que le
gouvernement puisse avoir, d'une manière générale, absolue, le droit
d'exproprier tous les terrains quelconques, sans avoir même indiqué d'avance
quel est le but de cette expropriation ; mais lorsqu'un certain nombre de
terrains susceptibles d'irrigation auront été mis en valeur par cette
irrigation, que les terrains voisins seront par conséquent susceptibles d'être
cultives, d'être labourés, attendu qu'il y aura des engrais et que les simples
notions d'agriculture enseignent que c'est là le principal élément de
fertilisation pour les terrains maigres comme ceux dont il s'agit ; eh bien,
alors les possesseurs des terrains voisins de ceux qui auront été soumis à
l'irrigation, ne refuseront pas de mettre eux-mêmes en culture ces terrains
qu'ils aiment mieux, aujourd'hui, garder tels qu'ils sont que de les voir
vendre à des particuliers qui en feraient vraisemblablement des bois de sapin.
Il ne faut pas se faire illusion ; si ces terrains sablonneux de la Campine
n'ont jamais été cultivés, c'est parce qu'ils étaient très mauvais, parce
qu'ils n'étaient guère susceptibles de culture ; dès qu'ils le deviendront, les
habitants ne se refuseront plus à les cultiver, et dès lors il est inutile de
donner au gouvernement le droit exorbitant qu'il demande.
Je dis que ce serait
compromettre le droit de propriété, que d'admettre un droit d'expropriation
sans limites ; et c'est pour éviter cela que j’ai présenté mon amendement. Mais
il est tout à fait contraire à la vérité de présenter cet amendement comme un
obstacle au défrichement des terrains qui ne sont pas susceptibles
d'irrigation.
Je dirai un mol,
messieurs, des travaux qu'on engage le gouvernement à entreprendre dans les
Flandres, car je m'intéresse, moi, particulièrement aux Flandres, attendu que
les Flandres font partie de la Belgique, qu'ils en font une partie
intéressante, et que mon patriotisme s'applique, non pas à une seule localité,
mais à toutes les provinces du pays. Eh bien, messieurs, si vous faites dans
les Flandres une quantité de chemins de fer, où portez-vous votre argent ? Mais c'est dans l'arrondissement de Charleroy, qui
fournit les rails. Il en est de même pour les routes pavées. Qu'est-ce qui
coûte le plus dans une route pavée ? Ce ne sont pas les travaux de
terrassement, ce n'est pas le lit du chemin. Je me chargerais volontiers de
faire construire une lieue de chemin non pavé pour une bagatelle. Les ouvriers
flamands ne gagneraient donc presque rien à l'exécution de chemins de fer et de
routes pavées. Ce qui peut être utile dans les Flandres, c'est le creusement de
canaux qui délivreraient le pays des inondations et dans lesquels tout est
main-d'œuvre, dans lesquels tout serait, par conséquent, bénéfice pour les
ouvriers flamands. J'engage donc le gouvernement à faire particulièrement des
canaux dans les Flandres plutôt que tout autre genre de travaux.
M.
le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - C’est ce qu'il fait.
M.
d’Elhoungne. - Voici, messieurs, l'amendement présenté par l'honorable comte de
Mérode :
« La vente des terrains
incultes : bruyères, saris, vaine pâture, dont la jouissance appartient, soit à
des communes, soit à des communautés d'habitants qui en font usage par indivis
et reconnus susceptibles d'être mis en valeur au moyen d'un système
d'irrigation, pourra être ordonnée par arrêté royal, sur l'avis conforme de la
députation permanente du conseil provincial, après avoir entendu les conseils
des communes intéressées. »
J'avais compris cet
amendement comme n'appliquant le principe de l'expropriation...
M. de
Mérode. - Forcée.
M.
d’Elhoungne. - Mais pour la vente volontaire il ne faut pas de loi, M. le comte !
J'avais compris, dis-je,
que l'honorable comte de Mérode voulait exclure de l'expropriation forcée les
terrains non susceptibles d'irrigation. (Interruption.)
Je n'ai pas dit autre chose. (Nouvelle
interruption.) Eh bien alors je n'ai pas dit une chose que l'honorable
comte de Mérode a appelée si obligeamment, contraire à la vérité ; seulement,
j'ai beaucoup mieux exprimé sa pensée qu'il n'est parvenu à l'exprimer
lui-même. (Interruption.)
M.
le comte de Mérode conteste la valeur énorme en salaires qui résulte de la
construction de chemins de fer ; il considère le coût des rails comme étant la
chose la plus importante. L'honorable comte de Mérode perd de vue que quand on
construit un chemin de fer on achète d'abord une grande quantité de terrains
dont le prix forme un capital remboursé aux propriétaires et qui entre toujours
dans la circulation d'une manière avantageuse pour les ouvriers. Il perd
ensuite de vue que les travaux de terrassement sont aussi une partie
considérable de la construction d'un chemin de fer, que les ouvrages d'art en
sont une partie plus considérable encore. Enfin il perd de vue qu'li ne
s'établit jamais un chemin de fer dans une localité sans donner lieu à une foule
de constructions particulières et de travaux particuliers qui créent aussi une
valeur considérable en main-d'œuvre.
- La clôture est
demandée.
M. de Mérode (pour un fait personnel). - On m'a reproché, messieurs, de
m'être servi du mot « contraire à la vérité ». Je n'ai pas entendu par là que
l'orateur ait voulu dire quelque chose de mensonger ; j'ai entendu seulement
que mon amendement n'avait pas la portée que l'honorable membre y avait
attribuée. J'ai dit que mon amendement n'empêchait pas les communes de vendre
volontairement leurs terrains et de les livrer à l'agriculture, ce qu'elles
feraient nécessairement lorsqu'on aurait soumis les terrains voisins à
l'irrigation.
M. Orban (contre la clôture). - Comme nous
allons voter sur les amendements, il est essentiel que la portée en soit bien
comprise. Je demanderai à la chambre la permission de dire deux mots sur
l'amendement de M. de Mérode.
- La clôture est mise aux
voix ; l'épreuve est douteuse. En conséquence la discussion continue.
M. Orban. - Messieurs, si l'observation qu'a
faite tantôt l'honorable M. d'Elhoungne était fondée, je conçois qu'il y aurait
quelques difficultés à adopter l'amendement de l'honorable M. de Mérode. En
effet, si le gouvernement ne pouvait exproprier que les terrains susceptibles
d'irrigation, le système ne serait pas complet, car à côté des terrains
susceptibles d'irrigation, il faut que le gouvernement puisse encore faire
vendre les terrains susceptibles d'être mis en culture au moyen des prairies,
des fourrages qui seront créés au moyen de l'irrigation.
Eh bien, c'est évidemment dans ce sens que doit être compris
l'amendement de l'honorable M. de Mérode. En effet, cet amendement dit que le
gouvernement pourra faire vendre, non pas les terrains susceptibles
d'irrigation, mais les terrains susceptibles d’être mis en valeur au moyen d'un
système général d'irrigation. Eh bien, je dis que tous les terrains dont le
défrichement, dont la culture sera rendue possible par suite des irrigations
opérées, par suite de la conversion en prairies des terrains avoisinants, que
tous ces terrains pourront être (page
834) expropriés en vertu de l'amendement de l'honorable M. de Mérode. Il me
semble que c'est là le sens bien clair et bien littéral de l'amendement.
M. de
Mérode. - J'admets
cette signification donnée à mon amendement.
M.
le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Messieurs, quel que soit le sens que l'on veuille donner à
l'amendement de l'honorable comte de Mérode, je dois le combattre parce que je
le considère comme tout à fait insuffisant. Il ne s'agit pas seulement de
mettre en valeur quelques terrains qui longent les canaux que l'Etat a fait
construire, il s'agit de mettre en valeur les landes communales dans quelque
province qu'elles soient situées, pourvu qu'elles soient susceptibles de
culture. Tel était le but de l'ancien édit, tel était le but de l'enquête
commencée en 1813 par mon prédécesseur, et c'est sur ce point que tous les avis
ont porté, et tel est le but de la loi.
-
La discussion sur l’article premier et les amendements est close.
M. le président se dispose de mettre aux voix
l'amendement de M. de Mérode.
Des
membres
réclament la priorité en faveur du projet du gouvernement.
M. Huveners (sur la position de la question). -
Messieurs, nous ne pouvons pas commencer par voter sur l'amendement de
l'honorable comte de Mérode : il faut d'abord mettre aux voix le principe
général, tel qu'il est posé par le gouvernement ; car si ce principe n'était
pas admis par la chambre, je voterais pour l'amendement de l'honorable M. de
Mérode.
M. le président. - Je consulterai la chambre sur la
priorité.
M. le ministre des finances (M. Malou) (sur la position de la question). -
Messieurs, on dit que c'est un amendement ; mais enfin l'ordre du vote doit
être déterminé de manière que chacun ait la pleine et entière liberté de son
vote ; ceux des membres de la chambre qui veulent admettre le principe général,
si ce principe est rejeté, se reporteront nécessairement sur le principe
restreint. II faut donc, ou que l'on pose une question de principe, ou que l'on
prenne la question la plus générale ; c'est le principe du projet de loi qui
comprend à la fois les irrigations et le défrichement des terrains incultes.
M. d’Hoffschmidt (sur la position de la question). -
Messieurs, le règlement est formel ; l'article 24 dit que les amendements
doivent être mis aux voix avant la question principale. Je ne pense pas que,
dans le cas actuel, nous devions nous écarter du règlement.
Il n'y a pas le moindre
inconvénient à nous conformer au règlement dans cette circonstance ; je demande
donc qu'on mette d'abord aux voix l'amendement de l'honorable M. de Mérode.
Ceux qui voudront du projet du gouvernement, voteront contre cet amendement ;
si au contraire la majorité adopte l'amendement, le projet du gouvernement sera
par là rejeté.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux) (sur la position de la question). -
Messieurs, quel que soit le mode de voter, le résultat sera le même, puisque la
question est parfaitement comprise. Cependant je crois que, pour suivre l'ordre
des délibérations que la chambre a toujours consacré, il faut commencer par la
question la plus générale. Je m'en vais citer un exemple. Lorsqu'on est en
présence de deux chiffres pour une dépense, la chambre vote toujours en premier
lieu sur le chiffre le plus élevé. Pourquoi agit-elle ainsi ? Parce que ceux
qui ont voulu le chiffre le plus élevé, veulent à plus forte raison le chiffre
inférieur. De même, les membres qui, aujourd'hui, voteront pour le principe
général proposé par le gouvernement, voleront ensuite, si ce principe est
écarté, pour l'amendement de l'honorable M. de Mérode, qui accorde quelque
chose, quoique infiniment moins quel projet du gouvernement ; tandis que si on
adoptait un autre ordre de voter, et que. par exemple, l'amendement de
l'honorable M. de Mérode fût écarté, et ensuite la proposition du gouvernement,
il n'y aurait rien.
M. Huveners (sur la position de la question). -
Messieurs, je veux seulement faire remarquer que si l'on mettait aux voix en
premier lieu l'amendement de l'honorable M. de Mérode, je voterais pour ; mais
il doit être entendu que ce vote de la chambre n'exclut pas le vote ultérieur
sur la proposition du gouvernement.
L'amendement
de l'honorable M. de Mérode ne s'applique qu'à l'expropriation des terrains
incultes qui sont irrigables ; la proposition du gouvernement, au contraire,
concerne l'expropriation de tous les terrains incultes sans distinction. Si le
projet du gouvernement n'était pas adopté, j'admettrais l'amendement qui se
restreint aux terrains irrigables. Si cet amendement est mis aux voix en
premier lieu, je dois nécessairement voter pour, puisque je veux le résultat
que l'amendement a en vue ; mais alors je demanderai que l'on mette aux voix en
second lieu le projet du gouvernement ; sinon le vote ne sera pas libre, car
ceux qui adoptent le projet du gouvernement voteront à plus forte raison pour
l'amendement de l'honorable comte de Mérode. Cet amendement ne peut donc
écarter la proposition du gouvernement.
M. Dubus (aîné) (sur la position de la question). -
Messieurs, on a invoqué l'article du règlement qui forme la règle que l'on suit
habituellement. Je dis que l'on suit habituellement, parce qu'on s'en est
écarté toutes les fois que l'ordre logique de la discussion exigeait de s'en
écarter. On vous a cité un exemple qui doit, me paraît-il, entraîner la
décision de la chambre. Lorsque la chambre doit se prononcer sur différents
chiffres, toujours on met le chiffre le plus élevé aux voix le premier, sans
distinction si le chiffre forme la proposition principale ou s'il forme un
amendement ; pourquoi ? Parce que l'ordre logique de la délibération l'exige
impérieusement ; parce que ceux qui veulent le chiffre le plus élevé, si ce
chiffre est écarté, sont naturellement disposés à se rallier au chiffre qui
suit immédiatement.
Eh bien ! nous nous
trouvons dans une situation tout à fait analogue ; il y a une proposition qui
forme en quelque sorte le chiffre le plus élevé ; puisque d'honorables membres
ne pourront admettre la proposition restreinte que dans le cas où ils verraient
écarter la proposition la plus générale, c'est donc la proposition la plus
large qui doit être mise la première aux voix.
M. de La
Coste (sur la
position de la question). - Messieurs, la proposition de l'honorable M. de
Mérode est moins un amendement qu'une demande de vote par division. L'honorable
membre sépare les terres irrigables des autres bruyères ; eh bien, si l'on veut
cette division, l'ordre logique serait de voter d'abord sur les bruyères
irrigables, et puis sur les autres.
Des membres. - C'est cela.
M. de Tornaco (sur la position de la question). -
Messieurs, je crois qu'il serait plus logique et même plus prudent de commencer
par voter la question de principe. L'amendement de l'honorable M. de Mérode se
présente aujourd'hui de telle manière qu'il y a du doute dans les esprits sur
la portée de cette disposition. Il serait plus clair et plus franc de voter sur
le principe d'expropriation. De quoi s'agit-il ? Il s'agit d'une proposition du
gouvernement qui a pour but d'établir l'expropriation, pour cause d'utilité
publique, de toutes les bruyères vaines qui appartiennent aux communes, que
l'utilité de ces terrains soit reconnue ou ne soit pas reconnue.
Voilà ce dont il s'agit,
voilà ce que j'aime à constater. D'un côté, il y a des membres qui prétendent
accorder ce pouvoir exorbitant au gouvernement et d'autres qui veulent le lui
refuser. Je pense que dans cette position il est plus franc de décider par une
question de principe si on accordera au gouvernement le pouvoir qu'il demande.
M. d’Hoffschmidt. - J'ai présenté un amendement
formant un article nouveau destiné à restreindre la faculté d'expropriation,
accordée au gouvernement, au tiers des terrains incultes appartenant à chaque
commune. Il faut qu'il soit bien entendu que, par l'adoption de l'article premier
du gouvernement, mon amendement ne se trouvera pas écarté. Si cela est bien
entendu, je n'ai, pour le moment, plus rien à dire ; sans cela, j'aurais
demandé qu'on votât d'abord sur mon amendement.
Plusieurs voix. - C'est entendu !
M. Delfosse. - Je ne puis admettre que l'on pose une question de
principe. Nous sommes ici pour faire des lois, et non pour nous prononcer sur
des questions de principe. Je sais que la chambre est déjà entrée dans cette
voie, mais je crois qu'elle a eu tort. Si l'on pose une question de principe,
je m'abstiendrai ; et j'attendrai pour dire oui ou non que l'on mette un
article de loi aux voix.
La proposition que l'on
nous fait de mettre l'article aux voix avant l'amendement de l'honorable comte
de Mérode est tout simplement le procès fait au règlement. La disposition du
règlement qui porte que le vote des amendements doit être préalable n'établit
pas de distinction entre les amendements qui tendraient à introduire un système
plus ou moins général, plus ou moins restreint ; tout amendement, quelle qu'en
soit la nature, doit, aux termes du règlement, être mis aux voix avant la
proposition principale ; ce n'est que lorsqu'il s'agit de voter sur des
chiffres que l'on s'écarte de cette règle.
M. Rogier. - Je demande
s'il est bien entendu que l'adoption du principe n'absorbera pas entièrement
les amendements proposés à cet article ; notamment, l'amendement proposé par
l'honorable M. d'Hoffschmidt qui demande que la faculté d'exproprier les
communes pour fait de non-culture soit restreinte au tiers des biens incultes
des communes, et que les deux tiers soient réservés pour l'avenir ; mais que
pour le moment la faculté donnée au gouvernement soit ainsi limitée. Je suis
disposé à donner mon vote approbatif à cette proposition. Mais il est plusieurs
membres qui reculeraient devant l'adoption d'un article qui proclamerait le
principe sans limite, sans condition.
Je
demanderai donc que l'amendement de M. d'Hoffschmidt soit mis aux voix avant
l'article premier, ou qu'il soit bien entendu que le vote de l'article premier
n'entraînera pas le rejet de cet amendement.
M. le président. - Cela ne fait pas de doute ; cet
amendement forme un article distinct qui viendra après l'article premier ; il
n'a pas été discuté, il n'a pas même été appuyé ni développé, la question reste
donc sauve.
M. Dumortier. - Puisque j'entends faire des
réserves, je demanderai à pouvoir en faire une pour la discussion des articles
qui doivent suivre. Il y a pour moi, dans la loi qui est présentée, deux
positions différentes. Malheureusement ces deux positions ont toujours été
confondues : c'est la position des bruyères et celle des sarts qui se rencontrent
toujours en Ardennes. Je dis que si une proposition est faite relativement aux
sarts, je l'appuierai. Les sarts ne sont pas des propriétés incultes ; il y a
des sarts qui appartiennent à des communes, mais ce sont des terrains
exploités. J'entends donc réserver toute espèce de vote quant à cette question,
quand elle se présentera.
M. le président. - Vous venez d'entendre la
proposition de M. de La Coste, de diviser la question en terrains irrigables et
en terrains non irrigables ; l'amendement de M. de Mérode serait compris dans
cette proposition, car il ne s'applique qu'aux terrains irrigables ; on
voterait d'abord sur le principe appliqué à ceux-là, sauf à voter ensuite sur
son application aux terrains non irrigables.
(page 835) - La chambre consultée accorde la priorité au vote sur
l'amendement de M. de Mérode, les terrains susceptibles d'être soumis à un
système d'irrigation.
Cet amendement est mis
aux voix et adopté.
La chambre passe ensuite
au vote du principe appliqué aux terrains non susceptibles d'être soumis à un
système d'irrigation.
Plusieurs membres ayant
demandé l'appel nominal, il est procédé à cette opération.
En voici le résultat :
70 membres ont répondu à
l'appel.
52 membres ont répondu
oui ;
16 membres ont répondu
non ;
2 membres se sont
abstenus.
En conséquence, le
principe est également admis quant aux terrains non susceptibles d'irrigation.
Ont répondu oui : MM.
d'Elhoungne, de Man d'Attenrode, de Meester, de Naeyer, de Renesse, de Roo, de
Saegher, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, de Villegas, d'Huart,
Donny, Dubus aîné, Dubus (Albéric), Dubus (Bernard), Dumont, Dumortier, Fallon,
Goblet, Henot, Huveners, Kervyn, Lebeau, Lejeune, Lesoinne, Loos, Malou, Mast
de Vries, Mercier, Osy, Rodenbach, Scheyven, Sigart, Simons, Thienpont, Troye,
Van Cutsem, Van den Eynde, Veydt, Wallaert, Brabant, Cans, Clep, d'Anethan, de
Corswarem, Dedecker, de Haerne, de la Coste, de Lannoy, Liedts.
Ont répondu non : MM.
Delfosse, de Mérode, de Tornaco, d'Hoffschmidt, Fleussu, Jonet, Lange, Orban,
Pirmez, Pirson, Vandensteen, Verhaegen, David, de Baillet, de Bonne et de
Garcia.
M. le président invite MM. Eloy de Burdinne et
Rogier à motiver leur abstention.
M.
Eloy de Burdinne. - Très partisan du défrichement des bruyères, je n'ai pas voulu empêcher
qu'on expropriât.
D'un autre côté, j'aurais
voulu qu'on employât d'autres moyens pour encourager les défrichements, avant
d'en venir à cette extrémité.
M. Rogier. - Je n'ai pas
voulu voter contre la proposition, parce qu'elle renferme un principe
susceptible d'une bonne application. Mais je n'ai pas voulu voter pour, parce
que l'application du principe doit, d'après moi, se faire avec certaines
réserves et certaine mesure ; et dans le doute si l'amendement de l'honorable
M. d'Hoffschmidt sera adopté, je n'ai pu voter le principe dans un sens général
et illimité.
M. le président. - Nous passons au premier membre de
phrase de l'article premier ainsi conçu :
« La vente des terrains
incultes, bruyères, sarts, vaines pâtures et autres reconnus comme tels par le
gouvernement. »
La parole est à M. Orban
sur cette rédaction.
M. Orban. - Il semblerait résulter de cette
rédaction que les vaines pâtures constituent une espèce particulière de
terrains incultes. Or, il n'en est rien, la vaine pâture est un droit d'une
espèce particulière qui s'exerce sur les terrains incultes et même sur des
terrains soumis à la culture.
Il arrive, il est vrai,
que l'on confond le droit de vaine pâture avec les terrains sur lesquels il
s'exerce. Mais alors l'expression est générale et comprend tous les terrains
sur lesquels la vaine pâture peut s'exercer. Mais ajouter, comme on vous le
propose, les vaines pâtures aux sarts et aux bruyères, c'est supposer, ce qui
n'existe pas, que la vaine pâture est une espèce particulière de terrains
incultes, autres que les sarts et bruyères. Il faudrait donc dire, pour être
exact et correct : la vente des sarts, bruyères et autres terrains incultes.
Maintenant, voici une
seconde modification qui, je crois, serait nécessaire. Il faudrait retrancher
les mots : reconnus comme tels par le gouvernement. Je pense qu'en tout état de
choses cette suppression devrait être ordonnée, car il ne peut dépendre du
gouvernement de reconnaître comme terrains incultes d'autres terrains que ceux
qui le sont réellement ; c'est là une faculté abusive qui ne peut lui être accordée.
Mais cette suppression ne peut souffrir aucune difficulté, du moment où
l'amendement, par lequel l'honorable M. d'Huart propose de terminer l'article,
est admis. Cet honorable membre propose d'ajouter : Dans les communes où il
aura été nécessaire de recourir à cette mesure pour cause d'utilité publique.
La
faculté accordée au gouvernement de spécifier les terrains dont l'aliénation
est exigée pour cause d'utilité publique, absorbe celle qui lui serait
accordée, de reconnaître les terrains qui devraient être considérés comme
incultes. Ce serait lui accorder deux fois et dans des termes différents la
même faculté dans le même article de la loi.
Je crois, messieurs,
qu'en présence de ces observations, M. le ministre de l'intérieur lui-même ne
fera aucune difficulté, dans l'intérêt de la correction et de la précision de
la rédaction de la loi, de consentir à la suppression et au changeaient que je
propose.
M.
le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Messieurs, j'ai déjà dit dans une séance précédente qu'en
insérant dans la loi ces mots : Et autres reconnus comme tels par le
gouvernement, j'avais en vue de prévenir les contestations devant les
tribunaux.
Ainsi, par exemple, il
existe des bruyères sur lesquelles végètent quelques sapins épars. Evidemment
ce n'est pas là un terrain cultivé. Il existe des bruyères sur lesquelles il y
a par-ci par-là des broussailles. De toute évidence ce n'est pas encore là un
terrain cultivé. Eh bien, ce que j'ai demandé, c'est que le gouvernement eût la
faculté de reconnaître ce qui constitue les terrains incultes.
Le gouvernement n'entend
en aucune manière aliéner ni les propriétés boisées ni les propriétés cultivées
de toute autre manière ; il n'entend provoquer que l'aliénation des terrains
incultes.
Quant à l'énumération,
messieurs, elle est consacrée par l'usage, et les différentes expressions du
projet de loi se retrouvent fréquemment dans les documents soumis à la chambre
: bruyères, sarts, vaines pâtures, ce sont là toutes expressions consacrées par
l'usage ; et je crois qu'elles ne peuvent présenter aucune difficulté.
Pour
qu'une vaine pâture puisse être expropriée, il faut nécessairement que ce soit
terrain communal et inculte, aux termes du projet de loi.
J'adopte, messieurs, la
modification que vous a proposée l'honorable M. d'Huart et que la section
centrale a également admise, parce qu'elle rentre évidemment dans les termes du
projet de loi, qui est tout entier ; fondé sur l'utilité publique, qui ne
consacre l'expropriation que pour cause d'utilité publique.
Je crois donc que, pour
éviter tout doute sur l'application de la loi, il vaut mieux maintenir la
rédaction du projet du gouvernement, sauf à y ajouter l'amendement de
l'honorable M. d'Huart.
M. d’Hoffschmidt. - Messieurs, j'ai présenté hier à la
chambre quelques amendements. L'un d'eux se rattache au paragraphe premier de
l'article premier en discussion ; c'est celui qui a pour but de remplacer les
mots : communautés d'habitants, par ceux-ci : sections de communes.
M. le président. - Nous n'en sommes pas encore
arrivés là ; nous y viendrons tantôt. Pour le moment, il ne s'agit que de la
première partie du paragraphe.
Aucun amendement n'étant
présenté sur cette partie du paragraphe, je vais la mettre aux voix.
M. Dumortier. - J'ai demandé à faire à la chambre
quelques observations sur la disposition qui va être mise aux voix.
M. le président. - La discussion est close. Je ne
puis vous accorder la parole.
M. Dumortier. - J'avais fait mes réserves quant au
mot sarts qui se trouve dans l'article.
M. le président. - Vous pourrez faire telles observations
que vous voudrez après le vote de l'article.
-
La première partie du paragraphe premier est mise aux voix et adoptée.
_________________
M. le président. - «... dont la jouissance ou la
propriété appartient, soit à des communes, soit à des communautés d'habitants
qui en font usage par indivis. »
M. d'Hoffschmidt propose
de remplacer les mots : « Soit à des communautés d'habitants qui en font usage
par indivis, » par ceux-ci : « Soit à des sections de communes. »
M. d’Hoffschmidt. - Je demande la parole ; je désire
dire quelques mots sur mon amendement.
M. le président. - Vous avez la parole sur la
position de la question.
M. d’Hoffschmidt. - Messieurs, je désire qu'on
comprenne bien qu'en votant mon amendement, on n'exclurait pas les terres que
l'on appelle en Flandre vry-geweyd, et pour lesquelles on pourrait voter une
disposition distincte. C'est uniquement à cause du vry-geweyd que M. le
ministre de l'intérieur conserve les expressions qui se trouvent dans la loi.
M. le président. - Vous rentrez dans la discussion,
et la discussion est close sur l'article premier et sur tous les amendements.
M. Orban.- Il est évident que l'examen de propositions de la nature de
celle qu'a faite l'honorable M. d'Hoffschmidt doit avoir lieu maintenant, et
que nous devions voter sur la question de principe avant de nous en occuper.
Aussi longtemps que cette
question n'a pas été vidée, nous avons ignoré quelle serait, en réalité, la
disposition de la loi, et dès lors, il était impossible de discuter celle-ci ou
de l'amender.
M. le président. - Chaque membre qui présente un
amendement a la parole pour le développer, et il peut alors en faire connaître
l'esprit et la portée. Mais une fois la discussion close sur un article et sur
les amendements qui s'y rattachent, je ne puis plus accorder la parole, à moins
que la chambre ne décide que la discussion sera rouverte.
M. d’Elhoungne. - Je dois faire remarquer que l'amendement de l'honorable M.
d'Hoffschmidt tend à exclure du projet les quartiers. Or, M. le ministre de
l'intérieur a déclaré lui-même qu'ils n'y étaient pas compris, et dans tous les
renseignements statistiques qui nous ont été distribués, les quartiers sont
considérés comme des bruyères appartenant à des particuliers, et non à des communes.
Il est essentiel de bien se fixer sur la portée de la rédaction que la chambre
va voter.
M.
le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Lorsque l'on a affirmé dans cette chambre que les
quartiers constituaient des propriétés privées, quoique appartenant à un
certain nombre de familles, je n'ai pas hésité à déclarer que ces propriétés ne
pouvaient tomber sous l'application de la loi.
M. Lebeau. - Le texte est contre vous.
M.
le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Pardonnez-moi. Il faut que les bruyères soient des biens
communaux pour qu'elles puissent être expropriées.
(page 836)
L'honorable M. d'Hoffschmidt veut introduire dans l'article les mots : sections
de commune. J'ai déjà fait observer que nous avions un exemple dans le
vry-geweyd, qui devait nécessairement faire exclure la rédaction de l'honorable
M. d'Hoffschmidt, et je ne suis pas du tout certain que ce qui se passe pour le
vry-geweyd ne se passe pas encore ailleurs. J'ai lieu de croire que cela se
représente assez souvent.
Ce qu'il y a de certain,
c'est que, toute la discussion en fait foi, le projet ne s'applique en aucune
manière à des propriétés privées, soit qu'elles appartiennent à un seul
individu, soit qu'elles appartiennent en commun à plusieurs individus.
M. le président. - Je ferai remarquer à M. le
ministre que la discussion est close ; qu'il ne s'agit que de la position de la
question.
M.
le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Je prie M. le président de m'excuser si j'ai pour un
instant perdu de vue la décision de la chambre.
M. d’Hoffschmidt. - Je demanderai cependant à la
chambre la permission de dire quelques mots. On n'est pas même d'accord sur le
sens qu'il faut accorder à mon amendement, et le principal est de s'entendre.
D'ailleurs je dois
déclarer que je ne m'attendais pas à ce que la discussion serait close sur tous
les amendements. Je demande donc que la chambre veuille bien me permettre
quelques courtes observations.
M. le président. - Je consulterai la chambre.
- La chambre décide
qu'une discussion sera ouverte sur l'amendement de M. d’Hoffschmiddt.
M. d’Hoffschmidt. - Messieurs, je ne connais que trois
catégories de propriétés incultes possédées par indivision ; ce sont d'abord
les propriétés appartenant aux communes ; ce sont, en second lieu, les terres
incultes appartenant à une section de commune ; et, en troisième lieu, les
terres qui appartiennent à une communauté d'habitants, à un certain nombre
d'habitants, qui les possèdent par indivis. L'intention de M. le ministre de
l'intérieur, qui est ici la même que la mienne, n'est pas d'appliquer le
principe de l'expropriation aux terres appartenant par indivis à une communauté
de particuliers. Or, messieurs, cette question est d'une très grande importance
pour le Luxembourg. Il y a dans le Luxembourg, j'en suis sûr, au moins 30,000
hectares de terres appartenant à des communautés de particuliers et qui ne sont
pas dans les attributions des conseils communaux.
C'est tellement
important, que j'ai reçu un grand nombre de réclamations sur ce point, et que
c'est une partie de la loi qui inquiète le plus nos populations. Dès lors vous
comprenez, messieurs, que je dois insister pour que la loi soit claire et
précise à cet égard. Or, je dis que, d'après les termes de la loi, elle
s'appliquerait également à ce que nous appelons quartiers, et c'est cependant
ce que M. le ministre de l'intérieur ne veut pas lui-même. M. le ministre de
l'intérieur nous donne même des déclarations formelles à cet égard ; mais je ne
sais pas, quand on fait une loi, si on peut se borner à accepter des
déclarations, s'il n'est pas infiniment préférable que la loi soit claire,
précise, complète.
Je
demande donc qu'on change la rédaction du projet de manière à écarter le danger
que je viens de signaler. On peut le faire par différents moyens ; on peut le
faire, soit en adoptant mon amendement, soit en ajoutant, par exemple : « à
l'exception des quartiers. » Si on veut admettre cette dernière modification,
je crois qu'elle sera suffisante.
M. le ministre craint que
les 4 ou 500 hectares qu'on appelle dans les Flandres vry geweyd, ne tombent
pas sous l'application de la loi, mais il serait très facile d'ajouter un
paragraphe particulier à l'article, relativement à cette partie de terrain. On
n'adopte jamais une disposition générale en vue d'un cas spécial ; je crois
donc devoir insister sur mon amendement.
M. Dubus (aîné). - Je crois, messieurs, que
l'amendement est tout à fait inutile, et qu'il pourrait être nuisible. Je dis
qu'il est tout à fait inutile, parce qu'il ne faut pas d'amendement pour
exclure de la disposition les quartiers dont parle l'honorable préopinant, au
moins d'après la désignation qui a été donnée de ces quartiers. C'est un genre
de propriétés que je ne connais pas ; mais je m'en rapporte aux explications
données par les honorables députés du Luxembourg. Eh bien, ces honorables
membres nous ont dit que les quartiers sont des propriétés indivises entre un
certain nombre d'habitants d'une commune. Remarquez ceci : indivise entre eux,
de telle sorte que chacun de ses habitants a sa part indivise dans l'immeuble.
Evidemment ce n'est pas là une propriété appartenant à une communauté
d'habitants ; jamais l'expression : « appartenant à une communauté d'habitants
» n'a eu ce sens ; c'est une propriété particulière appartenant, par indivis, à
un certain nombre d'individus déterminé. Ces individus ne sont pas même obligés
d'être habitants de la commune ; s'ils habitaient ailleurs, ils ne perdraient
pas pour cela leur copropriété indivise ; car s'ils la perdaient en changeant
de commune, c'est qu'ils ne l'auraient jamais possédée ; dès qu'ils la
possèdent, elle est attachée à leur personne, et ils la conservent quelque part
qu'ils aillent. (Interruption.)
J'entends même dire
qu'ils peuvent la donner en hypothèque ; c'est donc bien une propriété
particulière, une propriété privée. Une propriété, au contraire, appartenant à
une communauté d'habitants, celle propriété ne réside que dans le chef de la
communauté, et les membres de la communauté n'ont aucune copropriété indivise
dans l'immeuble.
Ainsi, vous voyez,
messieurs, qu'il y a une très grande différence entre les membres d'une
communauté d'habitants qui n'ont aucun droit de copropriété, et les membres
d'un quartier qui ont un véritable droit de copropriété et de copropriété
privée dans l'immeuble. C'est là une différence radicale et, d'après la
définition même que l'on a donnée des propriétés appartenant aux quartiers, il
est évident que l'article ne peut pas les atteindre.
Ainsi, messieurs,
l'amendement que l'on propose est parfaitement inutile.
Un autre amendement que
l'on a annoncé, consisterait à ajouter à l'article, les mots : « A l'exception
des quartiers. » Cet amendement serait inutile aussi, mais il pourrait de plus
être très nuisible, car il donnerait aux expressions : « Communauté d'habitants
» une valeur qu'elles n'ont pas. Si cet amendement était adopté et s'il
existait des propriétés de cette nature, mais qui ne s'appelassent pas
quartiers, ces propriétés-là seraient comprises dans la loi. Cet amendement
serait donc nuisible.
Le
premier amendement serait nuisible parce qu'il restreindrait la disposition aux
propriétés possédées par des communes ou des sections de communes, alors qu'il
existe des communautés d'habitants, qui ne forment ni une commune ni une
section de commune proprement dite, mais qui s'étendent sur plusieurs communes
à la fois. Il n'y a pas de cela seulement un exemple isolé. On a dit que l'on
pourrait faire une disposition spéciale pour le vry geweyd, mais la même chose
existe dans d'autres localités, il y en a notamment plusieurs exemples dans la
Campine. Il est donc plus sage de maintenir les expressions insérées dans
l'article par le gouvernement, et qui ne peuvent offrir aucune espèce
d'inconvénient.
M. Lebeau. - Je désirerais que
M. le ministre de l'intérieur voulût avoir la bonté d'expliquer de nouveau
pourquoi il s'oppose à l'insertion des mots sections de communes, en
remplacement des mots communautés d'habitants ; je dois confirmer l'opinion
exprimée par plusieurs membres, que les quartiers sont des propriétés privées :
j'ai été dans le cas d'en acheter, et j'ai eu affaire à quarante ou cinquante
vendeurs.
M.
le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Le motif pour lequel les mots sections de communes ne
conviennent pas, c'est qu'il arrive que des biens appartiennent, soit quant à
l'usage, soit quant à la propriété, à une communauté d'habitants qui ne
constitue pas une section de commune, qui ne constitue qu'une fraction de
commune, ou bien qui se compose de plusieurs sections de communes. II est à ma
connaissance, par exemple, que dans la province de Liège, il y avait un terrain
considérable appartenant aux habitants d'une certaine étendue de territoire qui
faisait partie de plusieurs communes et qui, par conséquent, ne formait point
ce qu'on appelle une section de commune. Je dis donc que les mots sections de
communes sont insuffisants.
D'autre part, messieurs,
si vous ajoutez les mots : « à l'exception des quartiers, » il en résultera que
tout ce qui ne porte pas le nom de quartiers pourra être exproprié ; or, ce
serait encore aller trop loin.
Veuillez, messieurs, bien
faire attention à une distinction claire et précise : si le droit se transmet
par l'hérédité et par la vente, il est évident que c'est une
propriété particulière ; si au contraire le droit s'acquiert par l'habitation
et se perd par le changement d'habitation, c'est là ce qu'on appelle des
propriétés possédées par une communauté d'habitants. (Interruption.) On dit que cela n'a pas lieu pour les quartiers. Eh
bien dès lors sans qu'il en soit fait mention dans la loi, il est certain que
les quartiers ne pourront jamais tomber sous l'application de l'article. Dans
tout le cours de la discussion, veuillez, messieurs, ne point le perdre de vue,
on n'a cessé de dire que le gouvernement avait soigneusement excepté de son
projet les propriétés privées ; ou a même reproché au gouvernement d'avoir
exclu les propriétés privées : comment pourrait-il, en présence d'une semblable
discussion, indépendamment de ce que le texte est très clair, comme l'a dit
l'honorable M. Dubus, comment pourrait-il, y avoir la moindre incertitude sur
le sens de la disposition ? Je crois, messieurs, que tout ce qu'on pourrait
insérer dans la loi serait de nature à faire naître le doute au lieu de le
lever.
M. Orban. - Il est donc parfaitement entendu
que la loi ne s'applique point aux quartiers ?
De toutes parts. - Oui ! oui !
M. Orban. - Mais une chose qui n'est point
explicite, c'est le sens des mots : communautés d'habitants. Dans le langage de
nos lois, dans la langue administrative, il n'existe et l'on ne peut entendre
par communautés d'habitants que les communes et les sections de commune. Chaque
fois que dans une commune il existe des intérêts qui ne concernent pas tous les
habitants, mais seulement ceux d'une partie de la commune, ces habitants
constituent ce qu'on appelle une section de commune ; c'est l'existence
d'intérêts distincts spéciaux dans le sein de la commune, qui constitue les
sections communales qui sont, en d'autres termes, une commune dans la commune.
Ainsi, messieurs, pour se servir des expressions légales, des expressions
consacrées par la loi communale et par les usages administratifs, il faut dire
: « communes et sections de commune. »
Lors
même qu'il y aurait des intérêts concernant des habitants de plusieurs
communes, réunis, comme l'a supposé M. le ministre de l'intérieur, eh bien
encore les expressions de communes et sections de communes seraient
suffisantes. Ne vous servez donc pas d'une expression dont personne ne
comprendra ni le sens, ni la portée. Il n'existe pas d'autres communautés
d'habitants que les communes et les sections de communes, à moins que vous ne
vouliez parler des communautés religieuses, comme je l'entends dire à mes côtés
par M. Dumortier, et je ne suppose pas que ce soit d'elles que l'on veut
parler.
M. d’Hoffschmidt. - On reconnaîtra sans Joute qu'il
était utile au moins de provoquer des explications. Le texte de la loi, au lieu
d’être (page 837) clair, est, au
contraire, extrêmement obscur : il fait quatre catégories de propriétaires :
les communes, les sections de communes, les communautés d'habitants et les
particuliers qui possèdent par indivis. Eh bien, comme l'a fort bien fait
observer l'honorable M. Orban, les communautés d'habitants, comme l'entend M.
le ministre, sont de véritables sections de communes et, par conséquent, on
pourrait adopter mon amendement tout en restant parfaitement d'accord avec les
intentions de M. le ministre de l'intérieur. Cependant les explications que
l’on vient de donner me semblent écarter tout danger de voir appliquer la loi à
ce qu'on entend par quartiers dans le Luxembourg. C'était là, je le répète, une
question fort sérieuse ; on avait conçu de vives inquiétudes dans une partie du
pays, et dès lors il était extrêmement important de provoquer des explications
claires et précises sur le sens de la loi.
Ces
explications ont été données. M. le ministre de l'intérieur et d'autres
orateurs ont déclaré à plusieurs reprises, que tout ce qui constitue une
propriété privée, qu'elle appartienne soit à un particulier isolé, soit à un
certain nombre de particuliers possédant par indivis, est formellement en
dehors de l'application de la loi. D'après cela, je crois pouvoir retirer mon
amendement.
M. de Garcia. - Messieurs, je
crois que la rédaction qui a été formulée par le gouvernement comporte le véritable
sens et toute la portée que le gouvernement a déclaré attacher à cette
disposition. (Interruption.)
Qu'il me soit permis
d'ajouter un mot, et la chose sera démontrée ; on dit que l'on ne comprend pas
l'expression communautés. Il faut qu'on nie les monuments de notre législation
ancienne pour produire cette assertion.
J'ai sous les yeux
l'ordonnance de Marie-Thérèse qui, partout, consacre cette expression pour
exprimer ce qu'on veut dans la loi ; cette expression est en outre la plus
vulgaire dans nos campagnes, où l'on qualifie de communauté les biens
appartenant aux habitants de tel village ou hameau ; partout l'on dit
vulgairement : Ce bien appartient à telle communauté d'habitants.
Dans cet état, messieurs,
et dans l'intérêt d'une appréciation saine et juste de la loi, je pense qu'on
doit adopter purement et simplement la rédaction proposée par le gouvernement,
plus nette que celle qui résulterait des amendements.
- La discussion est
close.
M. le président. - Je mets aux voix la partie de
l'article premier ainsi conçue :
«... dont la jouissance
ou la propriété appartient, soit à des communes, soit à des communautés
d'habitants qui en feront usage par indivis, pourra être ordonnée par arrêté
royal, sur l'avis conforme de la députation permanente du conseil provincial...
»
- Cette partie de
l'article est adoptée.
_________________
M. d'Huart a proposé de
supprimer, à la fin du paragraphe premier de l'article premier, le mot
intéressées, et d'ajouter la disposition suivante :
« Où il aura été reconnu
nécessaire de recourir à cette mesure pour cause d'utilité publique. »
-
La proposition de M. d'Huart est adoptée.
M. le président. - M. d’Hoffschmidt demande que son
amendement, tendant à ajouter à la fin du paragraphe premier les mots :« et les habitants par une
information de commodo et incommodo, » soit réuni au paragraphe nouveau qu'il a
également proposé, et sur lequel la chambre votera tout à l'heure. Ce
paragraphe serait alors ainsi conçu :
« Dans tous les cas le
gouvernement devra entendre les habitants par une information de commodo et
incommoda, faire lever le plan de la propriété qu'il est question d'aliéner et
procéder à son expertise. »
M. de Garcia (sur la position de la question). -
Messieurs, je crois que pour suivre l'ordre logique des idées, il faudra
commencer par dire :
« Dans tous les cas le
gouvernement devra faire lever le plan de la propriété, etc. »
Et puis viendrait
l'amendement de l'honorable M. d’Hoffschmiddt. En effet, pour apprécier
exactement les choses, il faut qu'auparavant on connaisse le plan de la
propriété qu'il s'agit d'exproprier. Partant, suivant l'ordre des faits,
l'amendement de l'honorable M. d'Hoffschmidt doit arriver comme je viens de
l'indiquer ; le surplus n'est qu'une affaire de rédaction.
M. Lebeau. - Messieurs, je crois qu'il y a une lacune dans l'article
premier. Dans le rapport de la section centrale, il a été bien entendu que si
la commune envers laquelle le gouvernement serait dans l'intention d'appliquer
l'arme qu'il réclame par son projet de loi, voulait elle-même défricher ,on lui
accorderait un délai de mise en demeure. Je crois qu'on peut s'en rapporter sur
ce point à l'intervention de la députation permanente. Il me semble cependant
que cette mise en demeure pourrait être formulée. Il ne faut pas se dissimuler
que cette loi, de quelques restrictions qu'on l'entoure, est destinée à exciter
un certain émoi dans une partie de la population du pays. Je crois donc que si
on pouvait inscrire dans la loi des garanties de nature à dissiper ces
craintes, dût-on même tomber dans un pléonasme, ce serait une excellente
mesure. J'invite, en conséquence, M. le ministre de l'intérieur à voir s'il
n'est pas possible de faire passer dans la loi l'opinion très explicite de la
section centrale qui l'a même formulée comme question, et qui, à l'unanimité, a
répondu que si les communes s'offraient à défricher elles-mêmes dans un délai
déterminé, le gouvernement ne devrait pas recourir à l'aliénation. '
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Messieurs, il est évident que si
une commune voulait défricher des terrains et, par exemple, les convertir en
bois, la députation permanente ne manquerait jamais de donner son autorisation
et refuserait son avis conforme pour l'aliénation. Le gouvernement lui-même ne
le voudrait pas et ne le pourrait pas en présence du texte de la loi. C'est là une
question d'administration, qui doit être appréciée par la députation
permanente. Si vous insérez trop d'exceptions dans la loi, vous encouragerez
les résistances sous toutes les formes imaginables. J'ai formulé le projet de
loi dans un sens très restrictif, précisément pour ne pas faire naître des
appréhensions dans une certaine partie du pays ; mais il faut éviter les
restrictions sans objet qui ne peuvent qu'embarrasser inutilement la marche de
l'instruction des affaires.
M. de Mérode. - Messieurs, M. le ministre de l'intérieur trouve à tout une
ressource dans l'intervention de la députation permanente. Moi, je demanderai à
M. le ministre de l'intérieur de me dire si, dans le cas où il aurait des
propriétés, il voudrait les laisser abandonnées à la discrétion d'une
députation permanente, en supposant que cette députation ne put jamais rien
faire que de parfaitement motivé. Si c'est ainsi qu'on doit envisager les
députations, on peut alors leur abandonner out. La députation permanente arrive
là comme une espèce d'autorité infaillible, et on est livré entièrement à sa
discrétion. Chaque fois qu'on veut une proposition quelconque, pour assurer une
garantie aux communes, on vous oppose que la députation est là ; qu'elle tranchera
la question qui concerne les intérêts communaux de la manière la plus
convenable. Dans ce système, avec les députations permanentes, nous pourrions
nous passer de toute garantie.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Messieurs, l'objection de
l'honorable M. de Mérode n'est pas réellement sérieuse : il compare la
situation d'un particulier, qui est le maître absolu de disposer de sa
propriété, qui est capable de la gérer, avec une propriété communale qui doit
être gérée par des personnes déléguées et sous le contrôle des autorités
supérieures. Ce sont les autorités administratives des différents degrés qui
représentent la commune. Dès lors, je ne conçois pas cette défiance à l'égard
de la députation permanente.
M. Fallon. - Messieurs, il a été décidé qu'on
ne s'occuperait en ce moment que des amendements à l'article premier ; or, je
demande si le débat actuel se rapporte à un amendement. Je ne connais pas
d'amendement.
M. le président. - Dans la séance du 18 février, M.
d'Hoffschmidt a présenté divers amendements ; il a demandé, entre autres, que
l'on entende les habitants par une information de commodo et incommodo.
Maintenant il s'agit de savoir où l'on placera cette disposition.
M. Fallon. - L'honorable M. Lebeau ne fait-il
pas une autre proposition ?
M. le président. - Le bureau n'est pas saisi d'une proposition de M. Lebeau.
M. de Garcia. - Dès le moment
que l'amendement n'est pas déposé, je renonce à la parole.
M. le président. - Je vais consulter la chambre sur
l'amendement suivant qui serait ajouté à la fin du paragraphe premier. «Et les
habitants par une information de commodo et incommodo. »
M. Veydt. - Messieurs, vous avez admis
l'amendement de l'honorable M. d'Huart, portant que l'article en discussion n'aura
d'application que dans les communes, où il aura été reconnu nécessaire de
recourir à la mesure de la vente ordonnée par arrêté royal pour cause d'utilité
publique.
Vous avez admis, en
outre, que les conseils de ces communes seront entendus. Après ces garanties il
ne me paraît plus nécessaire d'entendre encore les habitants dans une enquête
de commodo et incommodo. J'y vois une cause de retard, sans utilité réelle,
sans résultat possible, puisque la question de l'intérêt public a déjà été
tranchée.
Ces motifs m'engagent à
proposer la suppression de cette partie de l'amendement de l'honorable M.
d’Hoffschmiddt. Quanta la levée du plan et à l'expertise de la propriété qu'il
est question d'aliéner, j'en comprends mieux l'utilité et j'adopterai cette disposition.
M. d’Hoffschmidt. - Je crois, messieurs, que la
disposition que je propose est une garantie importante qu'on n'expropriera pas
trop facilement les biens des communes. Consulter les habitants, mais c'est ce
qui se fait quand le conseil lui-même propose une aliénation ; à plus forte
raison doit-on le faire quand il s'agira d'exproprier la commune, de lui
enlever cette propriété qui procure l'existence aux familles pauvres. Mais
souvent de l'observation de quelques chefs de famille naîtra l'idée de renoncer
à l'expropriation ; ce sera d'ailleurs une marque de sollicitude pour les
habitants. J'insiste donc pour que mon amendement soit adopté ; c'est
d'ailleurs une formalité très facile à remplir, aussi facile et plus importante
que celle du dépôt du plan au chef-lieu de la commune.
Quand on voit la loi de
1810 ne pas dédaigner de prescrire des mesures aussi minutieuses que celle de
l'annonce à son de trompe, on ne doit pas hésiter à insérer une mesure aussi importante
que celle que nous proposons, et qui doit donner une garantie aux communes
menacées d'être expropriées de terrains où elles trouvent leur subsistance.
M. de Garcia. - J'appuie
l'amendement de M. d’Hoffschmidt. Si vous ne consultez que l'autorité
communale, le but qu'on se propose, les droits des habitants communistes, ne
sera pas atteint. Des intérêts contraires à ceux des habitants pourront dominer
dans le conseil ; si vous consultez les habitants, leurs réclamations seront
soumises, à côté de l’avis du conseil, à la députation qui prononcera en
dernier ressort. L'amendement (page 838) proposé ne peut avoir pour objet
que de compléter l'instruction, et son rejet pourrait avoir des conséquences
fâcheuses aux intérêts des communes. Outre l'utilité incontestable de cette
mesure, elle donne une satisfaction morale aux habitants de nos communes
rurales.
J'appuie donc de toutes
mes forces l'amendement proposé.
M.
le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - J'ai déjà déclaré que je ne m'opposais pas à cet
amendement ; ce sont des mesures administratives ; nous nous réservons
seulement de classer l'amendement et de le coordonner avec les autres
dispositions de la loi.
- Cet amendement est mis
aux voix et adopté.
M. le président. - Paragraphe 2 qui devient paragraphe 3 : « La condition de
mise en culture desdits biens dans un délai à fixer sera toujours imposée aux
acquéreurs, sous peine de déchéance. »
La section centrale
propose de remplacer l'amendement proposé par M. Lejeune, en terminant le
paragraphe par ces mots : sous peine de déchéance ou de dommages-intérêts à
stipuler au cahier des charges.
Les dommages-intérêts
devant tourner au profit de la commune, la section centrale pense que cette
stipulation atteindra le but que s'était proposé M. Lejeune.
M. Lejeune. - Messieurs, la section centrale, en
remplaçant mon amendement par quelques mots ajoutés au paragraphe 2 de
l'article premier, déclare qu'elle atteint le but que je me suis proposé. Je ne
devrais donc pas tenir à faire passer la rédaction que j'ai présentée,
puisqu'il s'agissait surtout pour moi d'atteindre le but. Je dois cependant
dire que la section centrale a été en quelque sorte effrayée du mot
« impôt progressif ». Mais il faut voir de quoi il s'agit. Il est
évident que, d'après la dernière rédaction de mon amendement, il ne s'agit pas
d'un impôt, mais d'une pénalité que subit l'acquéreur qui n'a pas rempli
l'obligation qu'il a contractée. L'impôt progressif ne frapperait que les
terres vendues avec charge de mise en culture et qui n'auraient pas été mises
effectivement en culture, dans le délai prescrit. Ainsi, ce n'est qu'une
pénalité et non un impôt, une mesure qui tend à remplir les caisses de l'Etat,
mais à atteindre le but que se propose le projet de loi, le défrichement.
J'avais
proposé ce moyen de forcer les acquéreurs à remplir leurs obligations, parce
que je le trouvais puissant. L'impôt est, en effet, un des moyens les plus
puissants que les Etats possèdent pour agir sur les intérêts privés, pour les
mettre en cause, en action ; je le préférais à la mesure de la déchéance, parce
que, pour arriver à la déchéance, il faut passer par certaines formalités
telles que la mise en demeure, tandis que l'impôt se percevrait par le fait
même que l'acquéreur aurait laissé passer le délai qui lui aurait été accordé,
sans mettre en culture le terrain acquis.
Je me bornerai à
constater le point sur lequel je suis parfaitement d'accord avec la section
centrale, c'est que nous voulons avoir pour acquéreurs des colons sérieux. Si
ce but est réellement atteint par la section centrale, je ne tiens pas à la
rédaction que j'ai présentée.
M. Mast de Vries, rapporteur. - Je proposerai un léger changement
à la rédaction de la section centrale, ce serait de renverser la fin du
paragraphe et de dire : « sous peine de dommages-intérêts à stipuler au
cahier des charges et de déchéance. »
La déchéance serait la
dernière pénalité.
M. de Garcia. - La partie
nouvelle du projet de loi résultant d'amendements, qui prononcent des amendes,
des pénalités, des dommages-intérêts, etc., etc., est des plus importantes,
puisqu'elle peut donner lieu à des procès de toute espèce. Pourtant, à moins
d'avoir sous les yeux ces amendements imprimés, il est vraiment impossible de
pouvoir les examiner avec prudence et sagesse.
Plusieurs membres. - Il y aura un second vote.
M. de Garcia. - Je le sais
aussi bien que mes interrupteurs, mais ce n'est pas un motif pour ne pas avoir
une discussion éclairée sur les propositions qui sont soumises. Toute autre
manière de procéder n'est pas rationnelle, et, je dirai plus, est dangereuse,
puisqu'on est plus ou moins engagé par un premier vote. Or, on doit le
reconnaître, l'amendement de l'honorable M. Lejeune sous-amendé par la section
centrale ne peut, à une simple lecture, être apprécié sous tous ses rapports.
Pour moi, je n'hésite pas à le déclarer, je ne puis, dans l'état des choses,
apprécier toute la valeur des dispositions nouvelles proposées. Je demande donc
que la discussion soit continuée à demain.
M. Vanden
Eynde. - Je
désirerais avoir une explication sur l'amendement proposé par la section
centrale. Je demanderai si par le mot dommages-intérêts on entend une certaine
somme à titre de clause pénale.
De toutes parts. - Assurément !
M. Vanden Eynde. - Dans ce cas, je n'ai aucune
observation à faire.
M. d’Elhoungne. - Comme vient de le faire observer l'honorable M. de Garcia,
il est impossible de continuer la discussion sur des amendements nouveaux.
Il vaudrait mieux
renvoyer la discussion à demain de bonne heure.
M. le président. - Je comptais proposer à la chambre
de fixer désormais la séance publique à midi et demi, et la réunion des
sections centrales à dix heures et demie ; elles ont beaucoup de travaux à
terminer. J'en fais la proposition. Nous aurons ainsi trois heures de plus de
séance par semaine.
- Cette proposition est
adoptée.
M. Orban. - J'ai l'honneur de proposer
l’amendement suivant :
« Les sommes provenant
des ventes faites en vertu de la présente loi seront placées en rentes sur
l'Etat, ou en obligations du trésor, par les communes intéressées, à moins
qu'elles ne soient affectées au payement de dettes, à des travaux d'utilité
publique, ou à l'acquisition d'immeubles.
« En cas de refus, le
gouvernement y pourvoira d'office, sur l'avis de la députation permanente du
conseil provincial. »
Il n'existe dans la
législation aucun moyen de contraindre les communes qui ont des fonds en caisse
à les placer à intérêt. Cet état de choses présente de très grands
inconvénients, et ceux qui se sont occupés d -l'administration des communes ont
eu souvent à déplorer l'impuissance dans laquelle ils se trouvaient placés sous
ce rapport vis-à-vis d'elles.
On conçoit qu'il soit
nécessaire de se préoccuper d'une pareille lacune à propos d'une loi qui va
mettre à la disposition des communes des sommes considérables dont l'emploi ne
sera pas réclamé immédiatement par les besoins communaux.
Il importe de déterminer
que les fonds provenant de ventes immobilières faites pour cause d'utilité
publique, non seulement ne resteront pas improductifs dans les caisses
communales, mais encore qu'ils ne pourront servir à l'acquit des charges
ordinaires des communes. Le payement des dettes communales, l'acquisition de
nouveaux immeubles, la construction de travaux publics sont les seules destinations
qui pourront être données à ces fonds. C'est le moyen d'empêcher que les
ressources de l'avenir ne soient absorbées par la génération présente.
Le pouvoir d'agir
d'office pour assurer l'exécution de cette disposition, est accordé au
gouvernement par la disposition finale de l'article.
Tel est le but du nouvel
article que je propose et dont la nécessité n'a pas besoin d'être autrement
démontrée.
- La chambre ordonne
l'impression de l'amendement de M. Orban.
La séance est levée à
quatre heures et un quart.