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Chambre des représentants de Belgique
Séance
du mardi 2 juin 1846
Sommaire
1) Lecture du procès-verbal.
Lutte contre les inondations de la Lys et de l’Escaut (Dumortier, Desmaisières,
Dumortier)
2) Pièces adressées à la
chambre, notamment pétition relative aux droits sur le bétail (de Renesse)
3) Rapports sur des pétitions
relatives au prix de la viande, au droit sur le bétail (Zoude, de Renesse,
Zoude,
de Renesse,
Delfosse,
Dechamps,
Eloy de
Burdinne), à la remise d’un fermage au profit de l’Etat (de Villegas,
Malou,
de Villegas)
4) Interpellation relative
au coût, à charge de l’Etat, des fêtes organisées à l’occasion de l’inauguration
du chemin de fer de Bruxelles à Paris (de Brouckere, de Bavay,
Rodenbach,
de Brouckere,
de Bavay,
de
Garcia, de Theux, de Brouckere, Osy,
Loos,
de Bavay,
Manilius,
de Brouckere)
5) Projet de loi relatif
au canal de dérivation de la Lys. Lutte contre les inondations (service de l’Escaut
et de la Lys). Second vote des articles (Dumortier, Malou,
Delehaye,
Dumortier,
de Bavay,
de Saegher,
Lejeune,
(droit pour le gouvernement d’annuler une décision de l’administration
provinciale) de Brouckere, (+ canal de Mons à Condé) Dumortier,
de
Villegas, Malou, de Villegas, Delehaye,
Malou,
Desmaisières,
Dumortier,
Maertens,
de Bavay,
Desmaisières,
Dumortier,
Delehaye,
de Bavay,
Desmaisières,
(droit pour le gouvernement d’annuler une décision de l’administration
provinciale) Vanden Eynde)
(Annales parlementaires de
Belgique, session 1845-1846)
(Présidence de M.
Dumont.)
(page 1509) M. Huveners procède à l'appel nominal à
1 heure et demie.
- La séance
est ouverte.
M. de Man d’Attenrode donne
lecture du procès-verbal delà précédente séance.
M.
Dumortier. - Usant du droit
que me confère le règlement, j'ai demandé l'insertion dans le procès-verbal de
mon vote affirmatif sur l'article 5 relatif à l'exécution du canal de Zwynaerde à Melle. D'après le Moniteur j'aurais demandé
l'insertion de mon vote négatif. Je voudrais savoir s'il en est de mime dans le
procès-verbal. Je demanderais qu'il fût rectifié. Dans tous les cas, je demande
que le Moniteur le soit.
M. le président. - Le procès-verbal porte vote affirmatif. Le
Moniteur sera rectifié par l'insertion de l'observation de l'honorable membre.
- Le
procès-verbal est adopté.
M.
Desmaisières. - Dans la
séance de samedi dernier, pendant le discours de l'honorable M. Dumortier, plusieurs
interruptions ont eu lieu. Loin d'en faire, j'ai engagé mes honorables
collègues à se les interdire. Cependant, le Moniteur m'en prête une, qui ne
pouvait se trouver dans ma bouche.
L'honorable
M. Dumortier avait dit : « Mais vous prétendez donc que l'ingénieur dont vous
faisiez l'éloge est un homme qui ne connaît pas son métier. » Il s'agissait de
M. Wolters, ingénieur en chef de la Flandre
orientale. Le Moniteur me fait dire : « Oui ! mais
il devient inexécutable. » Or, personne plus que moi n'apprécie le talent
et les services rendus par l'ingénieur distingué placé à la tête de ce service
dans la Flandre orientale. Lorsque j'étais ministre, j'ai été deux fois très
heureux de récompenser son mérite.
M. Dumortier. - Je ne sais ce qui est cause de l'erreur du
Moniteur. Je n'ai pas besoin de dire que j'y suis complétement étranger. Mais
je reconnais que l'interruption prêtée à l'honorable M. Desmaisières ne rend
pas sa pensée.
M. le président. - Ces observations seront insérées dans le compte
rendu de la séance.
M. Huveners fait
connaître l'analyse des pièces suivantes adressées à la chambre :
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Plusieurs
habitants de Vive-St.-Bavon demandent l'union
douanière avec la France. »
« Même
demande de plusieurs habitants d'Ousselghem. »
- Renvoi à la
commission des pétitions.
________________
« L'administration
communale de Quievrain demande le retrait de la
disposition, en vertu de laquelle les convois sur les chemins de fer et les
gardes belges, au lieu de s'échanger à la frontière, seront tenus d'aller
jusqu'à Valenciennes. »
- Même
renvoi.
________________
« Les
notaires de l'arrondissement de Bruges, réunis en assemblée générale, présentent
des observations concernant le projet de loi sur l'organisation du
notariat. »
« Les
notaires des cantons d'Ellezelles demandent le rejet de ce projet. »
« Ceux de
résidence à Furnes déclarent adhérer au mémoire des notaires de diverses villes
communique à la chambre dans la séance du 18 mai. »
« Les
notaires des campagnes dans l'arrondissement d'Ypres présentent dey
observations en faveur du projet de loi. »
- Renvoi à la
section centrale chargée d'examiner le projet de loi, sur la proposition de M.
Biebuyck, qui demande à cette occasion que la section cenir.de s'occupe de
l'examen de ce projet de loi dans le plus bref délai possible.
________________
« Le sieur Delaveleye, ingénieur civil, présente des observations sur
la demande de concession du chemin de fer du Luxembourg, et prie la chambre de
discuter un système général de chemins de fer de l'Etat, avant d'accorder
aucune conclusion. »
- Dépôt sur
le bureau pendant la discussion du projet de loi sur la concession du chemin de
fer du Luxembourg.
- Les
conseils communaux de Petit-Brogel et de Grand- Brogel demandent que le gouvernement ne consente pas à une
réduction du droit d'entrée sur le bétail hollandais. »
- Sur la
proposition de M. de Renesse., renvoi à la
commission des pétitions avec demande d’un prompt rapport.
________________
« M. F.
Basse, membre de la chambre de commerce de Bruxelles, adresse à la chambre cent
exemplaires de son travail sur quelques questions relatives aux monnaies. »
- Distribution
aux membres.
________________
MM. Anspach
et de Foere annoncent qu'ils ne peuvent assistera la séance de la chambre pour
cause d'indisposition.
- Pris pour
information.
________________
M. Duvivier, obligé
de s'absenter pour affaires de famille, demande un congé de quelques jours,
- Le congé
est accordé.
RAPPORTS SUR DES PETITIONS
M. Zoude, rapporteur. - Treize pétitions de la province de
Liège exposent à la chambre que la viande est élevée à un prix tellement
excessif, qu'il surpasse les moyens de la classe ouvrière.
La cause de
cette cherté, disent les pétitionnaires, est dans le droit auquel est soumis le bétail étranger, et le remède dans l'abolition
totale de ce droit ou dans sa réduction notable.
Votre
commission, d'accord avec les pétitionnaires sur le fait du prix élevé de la
viande, ne l'est nullement sur la cause qu'ils indiquent, et encore moins sur
le remède qu'ils proposent.
En effet, le
droit à l'importation du bétail est de 10 centimes par kil.,
ou 5 centimes à la livre, droit fixe ; tandis que le prix de la viande s'est
élevé, suivant les localités, de 45 à 70 et même à 90 centimes, c'est-à-dire
qu'elle a éprouvé un renchérissement de 30 à 50 p. c, tandis qu'il est encore
des provinces où le prix de la bête à cornes a peu varié, dans celle de Namur,
a dit il y a quelques jours l'honorable M. de Garcia, le renchérissement du
bétail est peu important, et dans le Luxembourg, le prix est resté presque
stationnaire.
Et puis
serait-il vrai, comme le disent les pétitionnaires, que le renchérissement
exercerait l'influence la plus funeste sur la classe ouvrière ? Votre
commission hésite à le croire ; elle lit, en effet, dans un document publié par
le gouvernement le 30 mai 1844, accompagnant un projet converti en loi le 24
février 1845, que la commission mixte instituée dans la province de Liège, en
1843, pour apprécier les effets de la loi de 1835 sur le bétail, dit que la
classe ouvrière ne consomme que très peu de cette viande et encore de qualité
inférieure ; la grande consommation, dit le rapport consiste en viande de porc,
à laquelle elle est habituée.
La pomme de
terre ayant manqué, cette viande a dû augmenter de prix et, sous ce rapport, la
classe laborieuse doit souffrir.
Mais la même
cause, celle du manque de pommes de terre, a dû contribuer à réduire le nombre
de bêtes grasses ; ajoutez à cela le ralentissement des dissidents et des
brasseries, conséquence de la cherté des céréales et là vous avez une autre
cause bien puissante de la rareté et par fuite du renchérissement de la viande
; si l'on écoule encore les accusations vraies ou fausses d'une coalition entre
les bouchers et enfin les reproches adressés aux octrois municipaux, on
trouvera dans la réunion de toutes ces circonstances la cause la plus probable
de la grande cherté dont on se plaint.
Quant au
remède qui consisterait dans la suppression totale du droit à l'entrée,
l'intérêt de l'agriculture s'y oppose ; et elle en a le droit, d'autant plus
que le tarif de tous les pays protège le bétail indigène contre le bétail
étranger.
En Hollande
le droit par tête est de 42 fr. 33 c.
En Belgique,
sur une moyenne de 400 kil, le droit serait de 40 fr., donc moindre qu'en Hollande
et beaucoup moindre qu'en France.
Votre
commission a l'honneur de vous proposer le renvoi de toutes ces pétitions à M.
le ministre de l'intérieur.
M. de Renesse. - Je
demanderai à l'honorable rapporteur si la commission compte bientôt présenter
son rapport sur les pétitions qui lui ont été renvoyées et qui sont en sens
inverse, c'est-à-dire qui soutiennent que les intérêts de l'agriculture ne
doivent pas être sacrifiés aux exigences de la Hollande, et que la loi de 1835,
sur le bétail, ne doit pas être modifiée essentiellement. Ces pétitions ont été
renvoyées à la commission des pétitions. Il me semble qu'il aurait dû être fait
rapport en même temps sur les unes et sur les autres.
M. Zoude. - La commission s'est occupée de ces pétitions
où l'on proteste contre le traité de commerce avec la Hollande, qui, dit-on,
abaisse considérablement le droit sur le bétail. Le rapport est prêt ; mais la
commission a cru que la prudence nous faisait une loi de ne pas le présenter
maintenant. Au reste si la chambre en ordonne autrement, je suis prêt à me
conformer à sa décision.
M. de Renesse. - Je crois
que l'on aurait dû faire rapport sur ces pétitions. Le gouvernement aurait à examiner
s'il faut sacrifier les intérêts de l'agriculture à d'autres exigences.
Maintenant je
me permettrai de faire quelques observations dans l'intérêt de l'agriculture.
On ne peut
contester l'influence heureuse qu'exerce l'élève du bétail sur le développement
de l'agriculture, sur une plus forte production de céréales de toute nature, il
est donc de l’intérêt général d'encourager et de protéger cette industrie
nationale qui, depuis la loi du 31 décembre 1835, (page 1510) a pris beaucoup d'extension ; cette loi a eu pour objet
principal de protéger les intérêts agricoles du pays ; aussi, déjà en 1835, la
commission d’industrie, de commerce et d'agriculture de la chambre a reconnu
avec le gouvernement et les nombreux pétitionnaires qui s'étaient adressés à la
législature, que le commerce des bestiaux était en Belgique l'une des branches
les plus importantes de l'industrie agricole, qu'en conséquence, l'on ne
pouvait maintenir l'état de la législation douanière décrétée sur cette matière
en 1830, par le gouvernement provisoire, vu qu'il était prouvé par
l'expérience, que cette législation a eu pour effet de favoriser l'agriculture
et les distilleries hollandaises, au grand préjudice de l'agriculture et des
distilleries belges ; alors, l'importation du bétail étranger était si
considérable, que nos distillateurs, ne pouvaient réussir à vendre les bestiaux
qu'ils engraissaient dans leurs étables.
Si donc on
veut modifier sensiblement la loi de 1835, on ferait le plus grand tort aux
intérêts de l'agriculture : les mêmes causes qui existaient avant 1835, et
empêchaient le développement de l'éducation du bétail, en Belgique, par
l'introduction du bétail étranger, produiraient les mêmes effets, si cette
législation sur le bétail devait être actuellement essentiellement changée dans
un intérêt purement hollandais. Déjà, les pétitionnaires de la Campine ont
protesté contre le projet de modifier cette législation qui a eu la plus
heureuse influence sur l'élève, le commerce du bétail ; elle a provoqué une
plus forte production de céréales, par l'augmentation des engrais, si
nécessaires pour parvenir au défrichement de nos bruyères ; il est certain que
pour parvenir à ce résultat, qui doit nous affranchir d'un tribut à l'étranger,
il faut encourager l'élève du bétail dans notre pays, il faut, par tous les
moyens en notre pouvoir, chercher à améliorer cette industrie nationale, si
intimement liée à tous nos intérêts agricoles.
Déjà l'année
dernière, lors de la discussion du projet de loi, sur les mesures à prendre
contre l'épizootie, j'ai prouvé à la chambre, par des citations extraites de
documents statistiques sur l'agriculture de la France et de l'Angleterre, que
ce dernier pays est parvenu à ce haut point de perfectionnement de la culture
de ses terres, par la protection qu'il avait accordée jusqu'ici a l'élève du
bétail. C'est ainsi qu'en Angleterre 2,300,000 hectares de terres arables sont
consacrés à la culture des grains ; ils produisent, terme moyen, chacun 23
hectolitres, tandis qu'en France les 14 millions d'hectares, employés à la même
culture, donnent par hectare seulement 11 hectolitres de grains ; de sorte
qu'en Angleterre un hectare rapporte plus que le double du produit d'un hectare
en France ; ce grand résultat y est obtenu, en grande partie, par les soins que
l'on donne, dans ce pays, à l'éducation du bétail, et par le plus grand nombre
de bestiaux que l'agriculture anglaise est parvenue à entretenir, en améliorant
la culture des terres.
Il me paraît
donc incontestable que nous avons le plus grand intérêt à protéger et à
provoquer l'élève du bétail, à faire les sacrifices nécessaires pour améliorer
nos différentes espèces de bestiaux attachés à l'agriculture ; aussi les
commissions mixtes, instituées en 1835, par le département de l'intérieur, pour
organiser la question du maintien et de l'extension de la loi de 1835 à toutes
nos frontières, ont reconnu qu'il fallait maintenir la législation actuelle,
qu'elle avait rendu les plus grands services à la première de toutes nos
industries, que le renchérissement survenu dans le prix de la viande ne peut
raisonnablement être attribue à la loi sur le bétail, mais bien à des causes
diverses qui ont amené de pareilles augmentations dans le prix de plusieurs
denrées ; que l'élévation des droits d'octroi et d'abattage dans les villes
pourrait, en partie, ne pas être étrangère à ce renchérissement.
Quant à
renchérissement actuel et momentané de la viande, l'on doit plutôt l’attribuer
à la perte de la plus grande partie de la récolte des pommes de terre ; par ce
fléau, qui a atteint plus particulièrement l’agriculture, les propriétaires,
les cultivateurs et les engraisseurs de bétail ont été forcés de vendre, avant
l'hiver, à tout prix, une forte partie de leurs bestiaux, n'ayant pas de
nourriture suffisante pour leur entretien ; c'est aussi la même cause qui a
produit la forte augmentation du prix des céréales et a forcé les distillateurs
à restreindre l'engraissement du bétail, dans d'autres pays, le prix des
viandes a subi pareillement une hausse assez marquante depuis l'année dernière
; ainsi, ce n'est pas en Belgique seule, que cette denrée alimentaire a été si
chère ; il est à espérer que, sous peu, le bétail engraissé dans les prairies
pourra être livre à la consommation, et que le prix de la viande descendra à
son taux normal.
J'espère que
le gouvernement ne sacrifiera pas, par le traité à intervenir avec la Hollande,
les intérêts de l'agriculture en faveur d'autres intérêts du pays, et que l'on
ne portera aucune atteinte sensible à la législation actuelle sur le bétail ; j'ai
lieu de supposer que l'honorable ministre des finances n'oubliera pas les
principes qu'il a invoqués dans la proposition qu'il a faite à la séance du 9
mai 1844, signée, conjointement avec 25 de nos honorables collègues, qui avait
rapport au transit du bétail venant des Pays-Bas, et qu'il soutiendra de tous
ses moyens, ainsi que ses honorables cosignataires, les intérêts agricoles
contre les exigences du gouvernement hollandais, de l'industrie et du commerce
de ce pays-ci.
Dans les
développements de la proposition collective sur le transit du bétail
hollandais, l'honorable M .Malou disait « que de longues et solennelles
discussions avaient précédé le vote de la loi du 31 décembre 1835 ; qu'elle
accordait à la plus importante de nos industries, à l'industrie agricole, une
protection dont la nécessité a été établie par des faits et par de puissantes
considérations d'intérêt général. J'ose donc espérer que M. le ministre des
finances ne perdra pas de vue les intérêts de l’agriculture, qu'il les défendra
avec autant de chaleur, animé de la profonde conviction de 1844, pour repousser
toutes les modifications qui pourraient porter une atteinte fâcheuse et
essentielle au principe de la loi du 31 décembre 1835, sur le bétail.
Je crois
devoir déclarer d'avance que si le gouvernement méconnaissait les intérêts de
l'industrie agricole, en les sacrifiant aux exigences de la Hollande, je me
verrai forcé de repousser et de combattre toute convention qui porterait une
grave atteinte à l'agriculture, ce plus grand intérêt du pays, que le
gouvernement ne devrait jamais sacrifier ni perdre de vue ; j'ai l'intime
conviction que si l'agriculture nationale est froissée dans ses intérêts, elle
ne pourra plus prospérer, elle ne pourra plus lutter contre la concurrence
étrangère, ni supporter les charges nombreuses qu'elle acquitte actuellement ;
si cette première de toutes nos industries n'est pas florissante, les autres
industries se ressentiraient immédiatement du malaise, de la crise qui pèserait
sur l'industrie agricole ; il faut donc que le gouvernement et les chambres
assurent à l'agriculture une protection permanente et équitable ; en accordant
cette protection à l'élève de bétail, l'on parviendra à provoquer en Belgique
une production plus forte de bétail de toute espèce, ce qui amènera, certes, en
peu de temps, une forte diminution dans les prix de la viande, et nous
dispensera, dorénavant, de rester à cet égard les tributaires de l'étranger.
Si le gouvernement veut
adapter un système commercial plus libéral, s'il veut suivre l'exemple de
l'Angleterre, qu'il propose un remaniement général de notre tarif des douanes.
qu'il abaisse pareillement les droits d'entrée sur tous les produits étrangers,
alors nous verrons si ceux qui appuient actuellement la diminution des droits à
l'entrée du bétail seraient prêts à suivre le gouvernement sur ce terrain ;
mais en attendant que le système protecteur et parfois exagéré est maintenu
pour les houilles, les fers, les draps, tissus de laine, pour les toiles, coton
et d'autres produits fabriqués dans le pays, je pense que l'on ne peut, en
premier lieu, sacrifier les intérêts de l'agriculture, qui, à elle seule, a
plus d'importance que toutes les autres industries réunies.
M. Delfosse. - Nous n'étions pas avertis que le rapport de
l'honorable M. Zoude serait présenté aujourd'hui. Je dois en demander
l'insertion au Moniteur. Lorsque chacun de nous l'aura lu attentivement, on
pourra le discuter.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Je crois
effectivement qu'il est impossible de discuter les conclusions du rapport.
L'honorable
M. de Renesse vient de discuter un des points du traité en négociation avec la
Hollande. Ce ne peut être l'intention de la chambre. Je me joins donc à
l'honorable. M. Delfosse pour demander que le rapport soit inséré au Moniteur
et que la chambre fixe le jour de la discussion.
M. Delfosse. - Il convient que le rapport soit discuté dans une
prochaine séance ; la pétition a un caractère d'urgence que l'on ne saurait
méconnaître. Ne pourrait-on pas la discuter en même temps que la loi sur
l'entrée des subsistances ?
M. le ministre de
l’intérieur (M. de Theux). - Cette loi
viendra tantôt.
M. Delfosse. - Ce n'est pas sûr, nous ayons le second vote de
la loi sur le canal de Deynze.
M. le ministre de
l’intérieur (M. de Theux). - Je prierai
la chambre de se borner à ordonner l'impression du rapport, sauf à fixer
ultérieurement le jour de la discussion. Il se pourrait que cette discussion
fût absolument sans objet. Attendons encore quelques jours.
M. Eloy de Burdinne. - Je ne m'oppose pas à la demande des deux
honorables préopinants. Mais je demande que la commission fasse un prompt
rapport sur les pétitions dont a parlé l'honorable comte de Renesse, et que ce
rapport soit inséré au Moniteur, pour que la chambre voie le pour et le contre.
- La chambre
consultée ordonne l'insertion du rapport de la commission au Moniteur, et se
réserve d'en fixer ultérieurement la discussion.
M. Eloy de Burdinne. - Je demanderai que la commission veuille bien
faire également un très prompt rapport sur les pétitions qui tout en opposition
avec celle dont il vient d'être question.
M. Zoude, rapporteur. - « Plusieurs habitants d'Audenarde,
locataires de parcelles de terre labourables appartenant à l'Etat, qui ont été
plantées de pommes de terre, dont la récolte a été nulle, demandent remise du
prix de leur bail. »
Des ouvriers
d'Audenarde exposent qu'ils ont loué au domaine de la guerre quelques parcelles
de terrain pour y planter des pommes de terre, mais que la maladie qui a
affligé ce tubercule leur a fait perdre leur engrais, leur semence et leurs
peines.
Cette perte
les ayant réduits à la misère, ils ont demandé au ministre des finances la
remise du prix de leur bail pour 1845 ; cette demande ayant été rejetée, ils
prennent leur recours envers la chambre et font appel à ses sentiments
d'humanité.
Rigoureusement
leur demande peut être inadmissible, mais elle est fondée en équité en ce que,
par des causes indépendantes de leur volonté, ils n'ont pas retiré le moindre
fruit de la chose louée, quoi qu'ils y aient sacrifié leur travail et leur
temps.
Beaucoup de
propriétaires, en présence de cette calamité, ont fait à leurs locataires
remise totale ou partielle des baux qui leur étaient dus, et votre commission
croit qu'il y a lieu, de la part du gouvernement, d'user de la même indulgence
; c'est pourquoi elle a l'honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition
au ministre des finances.
M. de Villegas. - Je commence par remercier l'honorable rapporteur
de l’obligeance qu'il a eue de faire un si prompt rapport, attendu que la
pétition a été analysée dans la séance de samedi dernier.
Dans cette
même séance notre honorable président, M. Liedts, a élevé (page 1511) la voix en faveur de ces malheureux locataires, et de
nombreuses marques de sympathie, sur tous les bancs de la chambre, ont
accueilli ses paroles, comme le Moniteur en fait foi. J'appuie de toutes mes
forces le renvoi de la pétition à M. le ministre des finances, et j'espère
qu'il voudra bien s'associer à cette sympathie : l'intérêt du trésor ne serait
pas lésé d'une manière notable, c'est un léger sacrifice qu'on nous demande, et
j'espère dès lors que M. le ministre voudra bien prendre la requête en
considération.
M. le ministre des finances
(M. Malou). - Je vais
donner immédiatement quelques explications sur la pétition. Par suite du manque
de la récolte des pommes de terre, un grand nombre de locataires du domaine se
sont adressés au département des finances pour obtenir la remise totale ou
partielle de leurs fermages. J'ai pensé que s'il appartient au propriétaire qui
exerce la plénitude de son droit, de faire des actes d'équité eu dehors des
termes du contrat, le même pouvoir n'appartient pas et ne peut pas appartenir
au ministre des finances. J'ai cru que ce serait un principe très dangereux et
je me suis refusé à le poser. Si aujourd'hui, messieurs, la pétition m'est
renvoyée purement et simplement je comprendrai le renvoi en ce sens que je dois
faire un nouvel examen de la question spéciale qui concerne les pétitionnaires
; mais je déclare dès à présent que je croirais manquer à tous mes devoirs si
je méconnaissais le principe en lui-même, que j'ai dû appliquer bien malgré moi
à tous les locataires du domaine.
M. de Villegas. - Je suis d'accord avec M. le ministre des
finances qu'en droit strict la remise des fermages ne peut pas être accordée,
mais il s'agit ici d'une question d'équité, d'une question d’humanité, et
j'engage M. le ministre a bien vouloir faire un examen ultérieur de cette
question.
________________
M. Zoude, rapporteur. - « Les sieurs Claes Maréchal,
et autres commissaires de la société de musique de Tongres, dont la réclamation
faite au nom de cette société, du chef des pertes essuyées par suite des
événements de guerre de la révolution, a été rejetée par la commission de
liquidation, attendu que la loi du 1er mai 1842 serait applicable aux individus
seulement, prient la chambre de réformer cette décision.
- La
commission propose le renvoi à M. le ministre de l'intérieur.
Adopté.
________________
« Le sieur Arend, cultivateur à St-Pol, demande à être exemple du
service militaire. »
Le
pétitionnaire expose à la chambre qu'il a réclamé,
près de la députation de sa province, l'exemption du service militaire, attendu
que, des six frères dont sa famille est composée, trois avaient déjà été sous
les drapeaux, l'aîné comme conscrit sous l'empire et deux autres comme
militaires.
Mais la
députation ne voulut tenir aucun compte du service militaire sous l'empire et
le pétitionnaire fut condamné à être incorporé comme milicien.
Cependant
cette décision de la députation est en opposition formelle avec la première loi
sur la milice.
Toutefois,
les décisions de cette nature étant sans appel, force a été au pétitionnaire de
s'y soumettre, et il ne reste à votre commission que de vous proposer le renvoi
de cette pétition à M. le ministre de la guerre pour qu'il veuille adoucir
envers ce militaire la rigueur de la décision dont il est frappé ; elle vous
propose également son renvoi au ministre de l'intérieur pour qu'il provoque la
discussion du nouveau projet de loi sur la milice, qui doit rectifier beaucoup
d'erreurs et prévenir bien des injustices.
- Ces
conclusions sont adoptées.
INTERPELLATION
M. de Brouckere. - Messieurs, j'ai beaucoup approuvé la réserve
dont a fait preuve M. le ministre des finances, à l'endroit des locataires du
domaine qui ont demandé à être libérés d'une partie de leurs fermages, par
suite du manque de la récolte des pommes de terre, parce que, dans aucune
circonstance, le gouvernement ne peut puiser dans le trésor de l'Etat pour en
faire des libéralités. Mais que la chambre, à cette occasion, me permette
d'adresser une interpellation à M. le ministre des travaux publics.
Les journaux
nous apprennent qu'à l'occasion de la prochaine inauguration du chemin de fer
de Paris à la frontière belge, il y aura à Bruxelles des fêtes solennelles ;
ces journaux nous apprennent aussi que c'est le gouvernement qui supportera la
plus grande part des frais de ces fêtes.
Je déclare
tout d'abord, qu'en principe, j'approuve l'idée des fêtes, et que, si le
concours des chambres est demandé pour intervenir dans cette dépense, mon vote
est d'avance acquis au gouvernement ; mais je dois dire que je suis un peu surpris
de voir le gouvernement, sans le concours de la législature, puiser à pleines
mains dans le trésor public, pour donner, en son propre et privé nom, des fêles
dont tout l'honneur rejaillira sur lui. Que MM. les ministres donnent des
dîners et des bals à leurs frais, rien de mieux ; mais vous conviendrez qu'il
est assez singulier que les ministres, et sans nous en faire la confidence
préalable, aillent puiser dans le trésor des sommes qu'on dit devoir s'élever
de 80 à 100,000 fr.
Je demande
que M. le ministre des travaux publics veuille bien répondre catégoriquement à
l'interpellation que je vais lui faire : je le prie
de me dire sur quels fonds il prélèvera les sommes dont il compte disposer ; je
lui demander pourquoi il n'a pas réclamé le consentement des chambres.
Messieurs, tous les ans, nous allouons dans le
budget de l'intérieur une somme très modique, pour subvenir aux frais des fêtes
qui se célèbrent dans le mois de septembre ; à l'occasion de ce chiffre, on a
discuté pendant plusieurs heures pour savoir s'il ferait plus ou moins élevé de
4 ou 5,000 fr. ; et nous avons vu le gouvernement, à chaque occasion qui se
présentait, donner des fêtes magnifiques et solennelles en son nom, de telle
manière que si un jour la chambre demandait le relevé des fêtes que le
gouvernement a données pendant les 10 ou 12 années qui viennent de s'écouler,
elle serait fort surprise de voir jusqu'à quelle somme les dépenses de ces
fêtes se sont élevées.
M. le ministre des travaux publics
(M. de Bavay). - Messieurs,
la fête internationale qui motive l'interpellation de l'honorable préopinant ne
se donne pas au nom d'un ministre, au nom du gouvernement ; cette fête se donna
au nom du pays ; le gouvernement n'agit dans cette circonstance que comme représentant
du pays ; si de l'honneur doit revenir à quelqu'un de cette manifestation,
c'est au pays lui-même.
Ce que je
puis dire, pour ce qui me concerne, c'est que je n'ai pas désiré de
manifestation de ce genre, et que je ne l'ai pas non plus provoquée ; mais j’ai
été informé, de la manière la plus positive, qu'en France on désirait une
inauguration internationale, et j'aurais cru, en présence d'un pareil désir,
manquer à un devoir en ne répondant pas aux ouvertures qui m'étaient faites.
Quant aux moyens du couvrir la dépense, je les
trouverai, en partie, sur le fonds des stations, attendu qu’il s'agit
d'inaugurer une de nos stations les plus importantes. D'ailleurs, si les
ressources dont je puis disposer se trouvaient être insuffisantes, j'aurais soin
de m'adresser à la chambre. J'ai tout lieu de croire qu'en pareille
circonstance, la chambre ne me désavouerait pas.
Si je n'ai
pas débuté par faire à la chambre une proposition formelle au sujet de cette
inauguration internationale, c'est parce que j'ai cru qu'un de voir de
bienséance s'y opposait. Je suis porté à croire que la discussion provoquée par
l'honorable membre est chose regrettable, et que, dans l'intérêt du pays, il
eût été préférable de passer la chose sous silence, sauf à faire au ministre telles
observations qu'on aurait jugé convenable, lorsqu'il serait venu demander à la
chambre les moyens de couvrir la dépense.
M. Rodenbach. - J'approuve la motion d'ordre de l'honorable
député de Bruxelles. Je trouve que dans un moment où il y a tant de misère dans
le pays, il est extraordinaire qu'on aille dépenser en fêtes des 30, 40 ou
50,000 fr. ; car il est question de banquets et de bals à donner aux frais de
la nation, aux frais des habitants qui restent à 50 ou 60 lieues de la
capitale, et qui n'en auront aucun avantage. On dit que c'est pour le pays
qu'on fait ces dépenses. Mais, je vous le demande, est-ce que ce ne sont pas
les députés qui représentent le pays ? C'est eux qu'on aurait dû consulter pour
donner des fêtes au nom du pays.
M. le
ministre est venu parler des fonds de stations pour couvrir la dépense ; est-ce
qu'il y a là une caisse où l'on peut puiser suivant son bon plaisir pour faire
danser et donner des banquets ? Les fonds de stations ? Mais on devrait en
rendre compte comme de tous les fonds du pays.
J'ai
regretté, quand on a discuté le budget de l’intérieur, de ne pouvoir assister
aux séances ; il y avait un article relatif aux décorés de la croix de fer, dont
je me proposais de vous demander d'élever le chiffre, non de 20 ou de 30 mille
francs, mais de quelques mille francs seulement, parce qu'il y a des veuves de
décorés de la croix de fer qui, d'après votre vote, devaient recevoir
annuellement 100 fr., et qui n'ont pu avoir que 75 fr., à cause de la
parcimonie qu'on a mise dans la fixation de l'allocation.
Je vous le demande, on va dépenser en fêtes
peut-être 75 fr. par tête d'invité, au lieu de distribuer cette somme en
secours aux veuves de ceux qui ont sauvé la pairie, aux veuves de ceux qui ont
fait les ministres ! C'est aux hommes de la révolution que nous devons d'être
assis sur ces bancs. On vient dépenser en fêtes 30 à 40 mille francs sans
demander l'autorisation de la chambre. La ville de Bruxelles a voté 10 mille
francs. Mais si on doit donner un banquet à 1,200 individus
et donner encore d'autres fêtes, la dépense devra s'élever à des sommes assez
fortes.
Je ne sais ce
que c'est que le fonds de stations ; je demande s'il y a des caisses où l'on peut
puiser à volonté, sans avoir de compte à rendre ?
M.
de Brouckere. - J'ai dit
en débutant que quant à moi, et ici je ne suis pas d'accord avec l'honorable M.
Rodenbach, je ne blâmais pas l'idée des bêtes ; je ne blâme pas même l'idée du
concours du gouvernement Mais ce dont je suis choqué, c'est qu'on ne demande
pas l'assentiment des chambres.
On nous parle
de fêtes internationales. Mais je prierai M. le ministre de remarquer qu'il ne
s'agit pas de fêtes rendues par un gouvernement à un gouvernement. En France,
c'est une société particulière qui donne les fêtes, et c'est à cette société
que les fêtes seront rendues à Bruxelles. Ce n'est donc pas, comme on semble le
croire, une espèce d'obligation d’un gouvernement vis-à-vis d'un autre, c'est
au contraire une société particulière à laquelle vous allez faire des honneurs
tout particuliers.
Je le répète,
je veux bien que vous donniez ces fêtes, mais faites nous-en la confidence et
dites-nous quelles elles seront.
M. le ministre des travaux publics
(M. de Bavay). - Messieurs,
si je n'ai pas débuté par demander un crédit, ce n'est pas évidemment pour ma
plus grande facilité personnelle, ni pour mon agrément personnel. Evidemment,
demander un crédit, était au point de vue tout personnel, le seul et le
meilleur parti à prendre. Mais, messieurs, lorsqu'il s'agit d'une cérémonie
internationale, et je maintiens que l'inauguration dont il est question à ce
carrière, il faut quelquefois se laisser guider par d'autres considérations.
La demande de
crédit que je serais venu faire à la chambre, aurait vraisemblablement
rencontré des contradicteurs. Il n’est aucune question sur laquelle une chambre
puisse se trouver unanime. Vous avez vu tout à l'heure l'honorable M. Rodenbach
critiquer les fêtes. Eh bien ! des critiques de ce
genre ont quelque chose de regrettable vis-à-vis d'une nation étrangère.
M. Osy. - Il ne s'agit pas d'une nation étrangère.
M.
le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Je dis, messieurs, que des critiques de ce genre
ont quelque chose de désobligeant vis-à-vis d'une nation étrangère ; qu'elles
ont par elles-mêmes quelque chose de (page
1512) fâcheux, et c'est pour ne pas les provoquer que je me suis abstenu de
demander un crédit spécial.
On a dit,
messieurs, qu'il ne s'agissait pas ici d'une solennité internationale, que le
chemin de fer français était dirigé par une société, que c'était à cette
société qu'on voulait faire une politesse. Messieurs, c'est prendre les choses
à un point de vue extrêmement restreint. En France, le gouvernement lui-même
s'est associé à cette manifestation et je suis porté à croire que plusieurs
ministres français viendront à Bruxelles à cette occasion.
Je crois
aussi, messieurs, pouvoir invoquer les précédents. Jusqu'à présent le
gouvernement a joui d'une latitude assez grande, lorsqu'il s'est agi
d'inaugurations de ce genre. Cette latitude, messieurs, impose avant tout une
responsabilité. C'est donc une chose que les ministres ne doivent pas
ambitionner ni rechercher. Mais, messieurs, cette latitude existe de fait. Je
ne pense pas qu'il y ait un précèdent d'un crédit demandé pour une
inauguration, et je crois que poser aujourd'hui ce précédent, serait le faire
dans des circonstances inopportunes.
M. de Garcia. - Messieurs, je crois que la discussion actuelle
est plutôt dans la forme que dans le fond. Au surplus, elle prouve une chose, c'est
que les observations que j'ai faites lors de la discussion du budget des
travaux publics sont justes. J’ai critiqué la manière dont ou dépensait les
fonds qui sont consacrés au département des travaux publics. J'ai prétendu, et
je crois avoir démontré alors, qu'il n'y avait aucune espèce de régularité dans
ce département, soit au point de vue des dépenses, soit au point de vue de
certaines recettes. Si, sous ce rapport, il restait une démonstration à faire,
le cas qui vous est signalé prouverait que ma critique était fondée. En effet,
que veut-on aujourd'hui ? On veut disposer, pour faire les frais d’une fête
nationale, de fonds votés pour un tout autre objet, de fonds destinés à la
construction des stations. Ce mode d'agir est évidemment irrégulier, inconstitutionnel
et contraire aux principes posés dans l'article 115 de notre Constitution. Il
faut, à mes yeux, que la chambre soit saisie d’une demande de crédit pour
couvrir la dépense dont s'agit, et une demande semblable, loin de porter
atteinte à la dignité nationale, n'était propre qu'à la relever et à lui donner
de l'éclat.
L'incident
actuel prouve à l'évidence que l'administration des travaux publics laisse
beaucoup à désirer.
Cette
circonstance nous démontre, messieurs, qu'il faut nécessairement qu'il soit
établi dans ce département des principes organiques qui nous permettent de
suivre l'emploi des fonds qui sont mis à sa disposition.
Le chemin de fer, messieurs, a coûté beaucoup au
pays. Cette grande œuvre a demandé beaucoup d'efforts. Mais il reste encore
beaucoup à faire, il faut donner à cette administration une organisation
régulière dont jusqu'à ce jour elle a été dépourvue complétement, et une
semblable organisation honorerait le ministre qui l’établirait, autant que les
actes antérieurs de la grande création des chemins de fer.
Je me
félicite donc de l’observation de l’honorable M. de Brouckere, que je considère
comme parfaitement juste. Vainement le gouvernement s’étaye sur le passé. Le
passé ne justifie pas l’avenir. Je sais qu’on a donné des fêtes d’inauguration
avec les deniers destinés aux travaux publics. Eh bien, je dis que le passé
constitue des abus comme le présent.
M. le ministre de
l’intérieur (M. de Theux). - Messieurs,
mon honorable collègue M. le ministre des travaux publics a pu se croire
autorisé à agir ainsi qu'il l’a fait, d'après tous les précédents qui ont été
facilement consentis par la chambre.
Il est
regrettable que cette motion soit soulevée précisément à l’occasion de la
dernière fête donnée pour nos chemins de fer.
Veuillez
remarquer que les compagnies de chemins de fer agissent généralement en cette
matière avec beaucoup de générosité. Ainsi on voit de grandes fêtes données au
commencement des travaux et des grandes fêtes données par les mêmes compagnies
à l’achèvement des travaux.
On me dira
que les compagnies disposent de leurs fonds comme elles l'entendent. Mais il
n’en est pas moins vrai qu’on pourrait aussi objecter que ceux qui ont pris
intérêt dans la création des chemins de fer, ont entendu exclusivement prendre
intérêt dans les travaux et nullement dans les fêtes.
Cependant il
est d’usage que toutes les dépenses de ces fêtes données par les compagnies
soient payées sur les fonds d’établissement de la route. C’est là un usage
universellement reçu, et je crois que c’est cet usage qui a déterminé la
chambre à garder le silence, lorsque le gouvernement, imitant cet usage, a
également donné des fêtes pour de grands travaux nationaux.
Messieurs, que l'on ne dise pas qu'il ne s'agit pas
ici d'une fête internationale. Il s’agit d'une double jonction avec la France,
par Lille et par Valenciennes. Eh bien, quel est l’ordre naturel des
fêtes ? Après l’inauguration de Lille, on vient de faire une halte à
Bruxelles, et de Bruxelles on retourne à Valenciennes pour compléter ainsi la
double inauguration.
Je dis,
messieurs, qu’il était impossible de s’abstenir dans cette circonstance de
donner une fête à Bruxelles. Quant au mode d’y parvenir, j’engagerai la chambre
à ne pas user dans cette circonstance particulière sur le vote d’un crédit. Le
gouvernement naturellement, n’excédera pas une dépense raisonnable. Mais je
crois qu’il serait préférable, dans cette circonstance, de ne pas entrer dans
les détails de la dépense.
M. de Brouckere. - Messieurs, je consens à ne pas insister ;
mais j’y mets une condition : c’est que le gouvernement, avant la fin de
la session actuelle, nous rendra compte de la somme qu’il aura prélevé et de
l’usage qu’il en aura fait.
Messieurs,
soyez persuadés que ma motion n’aura pas été son bons résultats, alors même que
la chambre adopterait la manière de penser que je viens d’exprimer. On a
coutume, messieurs, de puiser un peu à pleine bourse, sans économie, sans ordre,
parce qu'on n'a pas de comptes à rendre, ou qu'au moins on n'en a jamais rendu.
Eh bien, je désire que le gouvernement soit prévenu que si la chambre, en
supposant que la majorité partage mon opinion, consent à ce que des fêtes
soient données, elle exigera au moins qu'un compte lui soit rendu plus tard de
la quotité des fonds qui auront été employés et de l'usage qu'on en aura fait.
De cette manière je suis persuadé que le gouvernement ne dépassera pas les
bornes des convenances, et je serai rassuré.
Ce qui m'a
déterminé à faire cette motion, messieurs, ce sont certains voyages que j'ai
déjà vus annoncés fort pompeusement dans les journaux. Le grand ordonnateur des
fêtes, qui ferait beaucoup mieux de diriger le chemin de fer de Belgique que
d'organiser des fêtes à l'étranger, est déjà parti pour Paris. Ce grand
organisateur, messieurs, je le vois voyager dans toutes les parties de
l'Europe. Tantôt il est en Allemagne, tantôt il est en France, tantôt il va se
promener à Turin, et outre-temps l'administration du chemin de fer laisse
beaucoup à désirer.
Il n'est pas une place dont le royaume, je ne
crains pas de le dire, qui exige plus la présence continue d'un fonctionnaire
que celle de directeur général du chemin de fer, et cependant il n'y a pas un
seul fonctionnaire qui soit moins à son poste que ne l'est le titulaire actuel.
Qu'on fasse le relevé de ses voyages, et je suis persuadé que l'on trouvera
qu'il passe la moitié de l'année en pays étranger, occupé à étudier des chemins
de fer que l'on fait pour telle ou telle nation, à organiser des fêles que l'on
donnera dans tel ou tel pays. Je préfère quant à moi que ce fonctionnaire,
dût-il en avoir un peu moins de décorations, s'occupe de sa place et qu’on
donne moins de banquets et de fêtes.
M. Osy. - Messieurs, comme l'honorable M. de Brouckere, je
déclare que si l'on nous demande un crédit pour la fête internationale qui se
donnera à l'occasion du chemin de fer qui va s'ouvrir, je l’accorderai ; mais
je ne puis appuyer la seconde motion de l'honorable M. de Brouckere, que la
dépense soit faite préalablement à une demande de crédit à la chambre. Car si
nous approuvons qu'on donne des fêtes, nous voulons en avoir les mêmes honneurs
que le gouvernement. Le gouvernement doit donc nous demander la dépense avant
qu'elle ne soit effectuée, et non la faire d'abord et venir ensuite nous
demander un bill d'indemnité.
On a parlé
d'autres fêtes qui auraient été données. Nous n'avons eu jusqu'à présent qu'une
seule fête internationale, c'est celle qui a eu lieu à l’ouverture du chemin de
fer belge rhénan. Eh bien, à cette occasion c'est la ville d'Anvers qui a fait
les frais. (Dénégation de M. le ministre
des affaires étrangères.) Permettez, la vile d'Anvers a fait les frais ;
seulement le gouvernement lui a accordé un subside de quelques milliers de
francs qu’il a pris, non pas sur le fonds des stations, mais sur les dépenses
imprévues du département des travaux publics ; je crois que ce subside était de
5,000 francs. Ceux qui ont pris part au banquet et au bal ont dû payer une
rétribution assez considérable. Cependant c’était bien là aussi une fête
internationale ; des ministres étrangers, le gouverneur de la province
rhénane ont pris part au banquet d’Anvers.
Je ne demande pas que l’on fasse à Bruxelles ce qui
s’est fait à Anvers ; je veux bien que le gouvernement contribue aux fêtes
d’inauguration. Mais je crois qu’il serait irrégulier de faire la dépense avant
qu’elle n’ait été autorisée par les chambres. J’engage donc M. le ministre des
travaux publics à nous présenter un projet pour lequel je m’engage d’avance à
voter. Il en est temps encore. Si le gouvernement ne le faisait pas, je déclare
que je lui refuserais le bill d’indemnité qu’il serait obligé de venir nous
demander.
M. Loos. - J’entends dire qu’à l’occasion de la fête
internationale qui a été donnée à Anvers lors de l’inauguration du chemin de
fer belge-rhénan, le gouvernement a accordé un subside à la ville d’Anvers. Je
crois que c’est une erreur ; aucun subside n’a été alloué : la ville
d’Anvers seule a fait les frais. Seulement une avance de 2,500 francs a été
faite à une société qui existe à Anvers, mais à conditions de restitution. En
résumé donc, le gouvernement n’a pas déboursé un sou pour les fêtes qui ont eu
lieu à Anvers, et il n’y a pas là un précédent que l’on puisse invoquer.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Il y a eu d’autres fêtes d’inauguration.
M. Loos. - Je conviens qu'il y a eu d'autres fêtes
d'inauguration, mais c’était à l’occasion de lignes nouvelles se trouvant tout
entières dans le pays. Je conçois que dans ces circonstances on pouvait donner
quelques fêtes ; seulement je trouve avec l’honorable M. de Brouckere que
la dépense n’a pas été faite légalement, et qu’on aurait dû demander des fonds
à la chambre.
M. le ministre des travaux publics
(M. de Bavay). - Messieurs,
cette discussion a produit tout l’effet fâcheux que je voulais prévenir, en
m’abstenant de former une demande de crédit préalable à l’inauguration. Au
point où en sont les choses, je préfère formuler cette demande, et j’annonce
qu’elle sera déposée d’ici un jour ou deux.
J’aurai
maintenant un mot à dire en réponse aux observations présentées par l’honorable
M. de Brouckere au sujet d’un haut fonctionnaire de mon département.
Je pense,
messieurs, qu’il est regrettable que des fonctionnaires qui ne siègent pas sur
ces bancs soient en quelque sorte traduits à la barre de la chambre. Il n’y a
personne, messieurs, dont les actes ne puissent prêter à la critique,
lorsqu’ils sont présentés d’une certaine façon.
L’honorable M. de Brouckere pense qu’un directeur
de chemin de fer, pour bien remplir sa mission, doit rester constamment au lieu
de sa résidence. C’est là, messieurs, une manière de voir. Ce que je puis
affirmer, c’est que la plupart des directeurs de chemins de fer étrangers
voyagent et (page 1515) voyagent beaucoup.
J'ai eu, pour ma part, l'honneur de me trouver en relation avec un très grand
nombre de ces messieurs.
Le voyage
auquel l'honorable M. de Brouckere a fait allusion n'avait pas, d'ailleurs,
pour simple but de régler des détails d'inauguration ; il avait en outre et
spécialement pour objet de régler certains détails du service international à
l'égard duquel des arrangements restaient à prendre.
M. Manilius. - Messieurs, nous devons remercier l'honorable
député de Bruxelles d'avoir soulevé cette question, car c'est réellement une
chose contraire à toutes les règles que de marcher de cette façon en ce qui
concerne les dépenses du trésor. Il y a peu de jours, M, le ministre des
finances nous a fait voir combien il est peu prodigue. Il a dit, pour des
travaux de première nécessité, qu'il n'avait pas de fonds, et à qui l'a-t-il
dit ? A M. le ministre des travaux publics, qui veut maintenant puiser dans le
trésor sans y avoir été autorisé par une loi.
Maintenant, messieurs, l'honorable ministre des
travaux publics a annoncé qu'il présenterait un projet de loi ; je crois que
cette déclaration doit satisfaire la chambre et que toute discussion doit
cesser en ce moment. Mais lorsque nous serons saisis de ce projet, il sera de
notre devoir de l'examiner très sévèrement ; il est temps qu'on cesse de faire
ainsi des dépenses considérables pour des objets sans nom.
On nous a dit
qu'il y aurait en quelque sorte malséance à faire à la chambre une demande de
crédit pour cet objet ; mais, messieurs, la chambre a discuté la liste civile
et on n'a rien vu là de malséant ; la chambre doit se prononcer encore sur un
projet de loi qui tend à ajouter quelques parcelles de terrain au domaine de la
Couronne et là encore on ne voit rien de malséant.
Je le répète,
quand le projet nous sera soumis, j'espère que nous l'examinerons avec beaucoup
de soin.
M. de Brouckere. - M. le ministre des travaux publics vient de dire
qu'il est toujours regrettable que des fonctionnaires qui ne sont pas ici pour
se défendre soient traduits à la barre de la chambre par un représentant. C'est
là une doctrine, messieurs, que j'ai professée avant que M. le ministre des
travaux publics y eût peut-être jamais songé ; mais je me permettrai de lui
dire que ce n'est pas au directeur des chemins de fer que s'adressent mes
reproches, c'est au gouvernement ; car M. le ministre des travaux publics et
ses collègues savent très bien qu’aucun fonctionnaire ne peut quitter le
royaume sans en avoir l’autorisation du ministre. Si donc je regrette de voir
le directeur des chemins de fer si souvent en pays étranger, ce n'est pas à lui
que j'en fais un reproche, c'est au gouvernement, qui l'envoie perpétuellement
dans tous les pays de l'Europe avec des missions spéciales. Que M. le ministre
des travaux publics veuille donc bien ne pas faire retomber sur son subalterne
mes reproches, mais qu'il veuille bien les prendre pour lui-même.
PROJET DE LOI RELATIF AU CANAL DE DERIVATION DE LA LYS
Second vote des articles
Article premier
«
Article 1er. Le gouvernement est
autorisé :
« 1° A
ouvrir de Deynze à Schipdonck un canal de dérivation des eaux de la Lys vers le
canal de Gand à Ostende, sauf à régler ultérieurement par une loi le concours des
provinces ou autres intéresses, s'il y a lieu »
A la suite de
ce 1°, il a été introduit un paragraphe nouveau, ainsi conçu :
« Avant
de faire emploi du canal de Deynze à Schipdonck, un arrêté royal déterminera,
sur l'avis conforme des députations permanentes des conseils provinciaux des
deux Flandres, toutes les dispositions relatives à la manœuvre des écluses. Une
commission composée de cinq membres, dont la majorité appartiendra à la Flandre
occidentale, surveillera l'exécution rigoureuse de ce règlement. »
- Cet amendement est définitivement adopté.
« 2° A recreuser le Moervaert depuis Roodenhuys jusqu'à la naissance de la Durme
à Splettersput. »
Le n°3° a été
amende de la manière suivante :
« 3° A faire
exécuter dans la vallée de l'Escaut, simultanément avec le canal de Schipdonck,
les travaux les plus propres à activer l’écoulement des eaux du haut Escaut. »
M. Dumortier. - Messieurs, je me lève, je dois le dire, avec une
vive douleur, pour prendre la parole dans cette discussion. Je me lève,
messieurs, avec un sentiment plus pénible encore, que je chercherai à étouffer
en ce moment, lorsque je vois combien les intérêts de la vallée de l'Escaut ont
été abandonnés, sacrifiés dans cette circonstance. (Rires.) Je n'aime pas ces
rires hypocrites. Allez jeter les jeux sur la carte qui se trouve dans
l'antichambre, examinez les inondations de l'Escaut et les inondations de la
Lys, et vous verrez où sont les souffrances. Je dis que je suis en droit,
lorsque je connais les douleurs, les souffrances de cette magnifique contrée du
pays, que je suis en droit de déplorer le vote émis dans la dernière séance. Je
suis en droit de regretter qu'on ne veuille rien faire pour nous alors qu'on
fait de grands sacrifices pour la Lys, qui, dans ce moment, n'éprouve aucun
malaise et dont aucune partie n’est inondée. Chez nous c’est l’inverse ;
déjà j'ai eu l'honneur de le dire plusieurs lois dans les séances précédentes,
toutes les prairies de l'Escaut sont encore aujourd'hui, en juin, sous les eaux.
Un membre. - Les
prairies basses.
M. Dumortier. - Il n'y a que les crêtes seules qui soient
découvertes depuis quelques jours, depuis 5 ou 6 jours ; mais toutes les récoltes
de foin sont considérées par tout le monde comme entièrement perdues. Eh bien,
messieurs, c'est en présence de pareils malheurs, malheurs occasionnés par le
gouvernement, occasionnés par un traité conclu avec l'étranger, c'est en
présence de ces malheurs que l'on ne fait rien pour nous et que l'on n'a pas
honte de soutenir que ce qu'on fait pour d'autres nous procurera des avantages.
Mais,
dira-t-on, vous devez être satisfait, puisqu'une somme de 300,000 francs est
votée pour l'Escaut. Je dois, messieurs, appeler toute votre attention sur
l'emploi de ce crédit. L'emploi de ce crédit peut être avantageux, sans doute,
mais aussi il peut être la chose la plus funeste que l'on puisse faire pour
l'Escaut. En effet, messieurs, la question des travaux à exécuter sur une
rivière aussi considérable est une des plus délicates que l'on puisse traiter ;
il y a là deux intérêts en présence, deux intérêts qui se combattent
nécessairement, c'est l'intérêt de la propriété et l'intérêt de la navigation.
Si l'on veut faire des coupures maladroites sur l'Escaut, voici le résultat
qu'on va amener : Les prairies situées le long des crêtes de l’Escaut ont, en
moyenne, une valeur de 12,000 francs par hectare ; les prairies qui sont dans
les bas-fonds de l'Escaut, dans les parties les plus marécageuses, ne valent
que 300 à 400 fr. par hectare ; maintenant, en faisant des coupures, il peut se
faire qu'on abandonne les anciennes crêtes dont les prairies valent 12 mille
francs, pour faire des crêtes nouvelles là où il n'y a aujourd’hui que des
marais sans valeur ; en un mot, on ruinera certains propriétaires pour en
enrichir d'autres. Or, c'est là un acte excessivement grave, surtout lorsqu'il
est posé par le législateur. C'est un acte qu'aucun de vous ne voudrait voter
en connaissance de cause ; aucun de vous ne voudrait ruiner un propriétaire
pour en enrichir un autre. C'est cependant ce qui arrivera si la somme que nous
avons votée n'est pas employée avec la plus grande prudence.
Ensuite,
messieurs, les bords de l'Escaut ont nécessairement besoin d'inondations
pendant l'hiver ; ce sont ces inondations qui font la richesse du fleuve,
lequel, semblable au Nil, dépose tous les ans son limon sur les plaintes
voisines ; noua avons donc besoin de ces inondations pendant l'hiver, mais si
elles se prolongent au-delà du mois d'avril elles deviennent funestes, parce
qu'alors commence la croissance des herbes. Il faut donc faire écouler les
eaux, mais il ne faut pas les faire écouler d'une manière trop précoce, car
alors nous pourrions perdre le bienfait d'inondations régulières et renfermées
dans de justes limites.
Ces
questions, messieurs, ne sont pas des questions d'art, ce sont de véritables
questions de science, ce sont de véritables questions da géologie, et par là
d'histoire naturelle. Or tous les ingénieurs les ont méconnues. Rappelez-vous,
messieurs, que depuis quinze années, mon honorable ami. M. Dubus aîné et moi,
organes des intérêts du haut Escaut, nous avons toujours protesté contre la
canalisation de cette rivière, nous nous y sommes opposés par tous les moyens
qui sont en notre pouvoir. La chambre s'en souviendra, lorsqu'il a été
question, il y a une dizaine d'années, de cette canalisation, des pétitions
couvertes de milliers de signatures sont arrivées à la chambre pour protester
contre la canalisation, en en signalant les immenses dangers.
Il est une
autre question excessivement grave ; c'est celle des écluses ; pourquoi cette
question est-elle grave ? Parce que l’établissement d'un grand nombre d'écluses
sur l'Escaut doit inévitablement relever le lit du fleuve ; ainsi, sur un
fleuve comme l'Escaut, moins on fait, mieux on fait.
La question
des atterrissements en géologie est une des moins contestées aujourd'hui. Voyez
les bords du Rhin, du Pô, des plus grandes rivières ; partout des
atterrissements ont lieu lorsque le cours du fleuve cesse de devenir rapide.
L’Escaut charrie une eau extrêmement limoneuse ; aussi longtemps que son cours
n'est entravé par rien, ce limon reste suspendu dans l’eau et va se déposer
dans la mer. Mais du moment où vous établissez des écluses, le cours de l'eau
se ralentit et alors ce limon se dépose au fond du lit du fleuve ; le fleuve se
relevé, et au bout d’un certain nombre d'années, le fleuve peut se trouver
au-dessus même des prairies environnantes.
Ainsi, dans
le bassin de l'Escaut, sois Vauban, on a voulu canaliser la Scarpe ; il est
arrivé ce résultat-ci que cette rivière relevant chaque année son lit, ce lit
est devenu plus élevé que les prairies environnantes et que ces prairies sont
devenues des marais.
De même, dans
l'Escaut français, il y a actuellement une vingtaine d'années, le gouvernement
français a créé l’écluse de Rodignies ; au moment de
cette création, les bateaux pouvaient y passer avec deux mètres et demi à trois
mètres de tirant d'eau ; aujourd’hui l'atterrissement est tellement
considérable que c'est à peine si les bateaux français peuvent y charger un
mètre 30 centimètres.
Un de mes
honorables amis, à la science pratique duquel je suis heureux de rendre
hommage, un homme que sa modestie empêche trop souvent de se faire entendre
parmi nous, et qui est un des représentants les plus éclairés des intérêts des
Flandres, l'honorable M. Kervyn, me disait récemment que la création d’une
écluse en Flandre avait provoqué en moins de six ans un exhaussement du lit, a
peu près d'un pied.
Maintenant,
je vous le demande, messieurs, en présence de ces faits, faut-il toucher
légèrement au régime du fleuve ? Laissez faire MM. les ingénieurs, ils vous
feront des canaux, mais ils s’occuperont fort peu des propriétés ; ils vous
feront des écluses partout, ils ruineront ainsi les propriétés. Remarquez-le,
messieurs, au moyen de la canalisation, vous dégorgez beaucoup plus vite les
eaux de l'Escaut en accélérant sou cours, il faudra nécessairement, dans
l'intérêt de la navigation elle-même, créer des barrages pour favoriser la
remonte des bateaux ; les bateaux qui ont chargé de la houille et de la chaux
dans le Hainaut, descendent pour transporter leurs marchandises jusque dans le
cœur de la Flandre, et puis remontent le fleuve ; trouvant alors une navigation
plus rapide, l'intérêt commercial portera les ingénieurs à créer de nombreux
barrages dans (page1514) l'Escaut, et je n'hésite pas à le déclarer,
la création de ces barrages amènerait sur l'Escaut le même inconvénient qu'ils
ont produit sur la Scarpe et sur l'Escaut français, c'est-à-dire que le lit du
fleuve s'élèvera de plus en plus ; avec cet autre inconvénient qui est inhérent
à notre position : que le cours de l'Escaut n'est pas aussi proclive chez nous
qu'en France ; donc nous aurons deux causes pour une, de l'exhaussement du lit
du fleuve.
Voilà des
questions d'une gravité immense, et pour mon compte, j'adjure la chambre de ne
pas toucher légèrement à de si grands intérêts ; il ne suffit pas d'avoir fait
en été une promenade sur l'Escaut pour connaître le lit du fleuve, comme
quelques-uns des orateurs gantois qui se disent si éclairés ; il faut avoir
fait de cette question l'objet de ses études spéciales pendant de nombreuses
années.
Eh bien, tous
les hommes qui ont fait une étude spéciale du régime de l'Escaut, au double
point de vue de l'intérêt de la navigation et de celui des propriétés, sont
unanimement d'accord que la canalisation de l'Escaut ou la création d'écluses
nombreuses amènera ce résultat, que le lit du fleuve sera exhaussé et que, dans
un temps plus ou moins éloigné, les prairies des bords l'Escaut deviendront des
marais, comme les prairies avoisinant la Scarpe. Il y a donc là mûrement à
réfléchir sur les conséquences de ces atterrissements.
'Messieurs,
je regrette amèrement que le gouvernement n'ait pas mieux compris ces intérêts
; je dois surtout déplorer la conduite des deux ministres des travaux publics
qui se sont succédé ; jamais question dans le pays n'a été mieux étudiée que la
question qui nous occupe ; jamais travail plus capital n'a été présenté ; eh
bien, à quel scandale n'avons-nous pas assisté ? On a vu le gouvernement
discuter les intérêts de l'Escaut, en s'écartant tout à fait des conclusions
formulées par la commission.
La commission
avait proposé deux remèdes, l'un pour l'Escaut et l'autre pour la Lys» savoir :
l'établissement d'un canal de Deynze à Schipdonck, pour remédier aux
inondations de la Lys, et l'exécution d'un canal de Zwynaerde
à Melle, pour remédier à celles de l'Escaut ; elle avait aussi proposé de faire
quelques coupures très restreintes dans le bassin de Gand. Eh bien ! n'est-il pas déplorable d'avoir vu le précèdent ministre des
travaux publics et son successeur
s'écarter d'une manière aussi scandaleuse des propositions de la commission
d'enquête ? Désormais, il devient inutile de nommer des commissions de ce
genre ; pourquoi faire un appel aux lumières des capacités si vous n'avez aucun
égard aux observations et aux conclusions qu'elles vous présentent et si la
minorité vient ensuite faire la loi ? On a parlé du vague et de l'indécision
qui ont règne dans le cours de cette discussion ; mais pourquoi la question
n'a-t-elle pas paru suffisamment claire ? Parce que le gouvernement s'est
écarté des conclusions de la commission d'enquête. Si le gouvernement avait
adopté ces conclusions, toute espèce de difficulté était levée ; mais le
gouvernement a tenu une conduite différente. Et chose étonnante ! tandis que dans l’immense travail de la commission, il n’est
dit à aucune page que les travaux de la Lys doivent être utiles à l'Escaut, on
est venu ici, nous montrant un intérêt hypocrite, prétendre que c'était pour
nous qu'on travaillait !
II n'y avait
qu'un seul moyen de porter remède à l’état de choses dont nous soufflons,
c'était de soulager l'Escaut même en créant le canal de dérivation des eaux de
l'Escaut, parce que l’ouverture des eaux qui nous viennent de France est plus
que doublée, et qu'aujourd’hui l’écluse d'Antoing à 20 mètres, tandis qu'elle
n'en avait que 9 autrefois ; le gouvernement devait nous donner dans le bas
Escaut une ouverture proportionnée à celle qu'il a accordée à la France. Mais
je le conçois, tandis qu'on sacrifie les intérêts du pays à l'étranger, on doit
donner des fêtes à la France, comme en vient de le faire pour le chemin de fer
; voilà comment se conduisent les gouvernements qui n'ont pas soin de leurs
nationaux !
J'ai encore à
me plaindre gravement de M. le ministre des finances, lui qui a fait échouer la
motion qui nous intéressait. Je sais que M. Malou s'est toujours montré ennemi
prononcé de tous les intérêts du Hainaut, de tous les intérêts wallons. C'est
lui qui a enlevé au Hainaut son canal de Mons à Condé ; c'est lui qui vient de
contribuer à sacrifier les intérêts du Hainaut, en sacrifiant à l'industrie de
la filature du lin notre industrie lainière ; aujourd'hui c'est le même M.
Malou qui continue de nous sacrifier à la Flandre, et il semble qu'il ait suffi
à un honorable députe de Gand de venir faire un appel aux sentiments flamands
de M. le ministre des finances, pour qu'il consentît sur-le-champ à ce nouveau
sacrifice. Pourtant vous devez savoir, monsieur, que vous n'êtes pas ministre
des Flandres, mais du pays entier. Il faut donc que les députés du Hainaut
sachent ce qu’ils ont à attendre d'un tel ministre.
Messieurs,
cette question est d'une immense gravité. Je vois bien que nous ne pouvons pas
espérer d'obtenir un soulagement à nos maux. C'est le gouvernement qui en est
la cause, c'est le gouvernement qui en repoussant l'amendement proposé par tous
les députés des localités intéressées l'a fait échouer. Mais je le prédis, ce
travail se fera tôt ou tard. Qu'on ne croie pas que
ce soit une question d'argent ; je suis convaincu que s'il le fallait tous les
intéressés feraient volontiers la dépense du canal à leurs frais sans subside
du gouvernement ; bien que l'Etat soit la cause de leurs souffrances ils feront
seuls ce travail pour se soustraire aux maux qui pèsent sur eux ; encore que
ces inondations soient le fait du gouvernement. Et pourtant, aujourd'hui c'est
le gouvernement qui a fait échouer la proposition qui devait y porter remède.
Mais le Hainaut saura qu'il a des ennemis dans le ministère actuel.
Mais,
messieurs, dans notre situation fâcheuse, il reste une chose à laquelle je prie
la chambre de prêter attention. Je viens de dire combien le système des
barrages peut devenir dangereux, combien des coupures intempestives peuvent
causer de préjudice, à un grand nombre de propriétés de citoyens. La justice
exige que la chambre ne perde pas de vue qu'elle doit donner en pareil cas
toutes garanties aux intéressés.
Je vais
déposer un amendement afin qu'aucune écluse ne puisse être établie sur le
fleuve, sans l'intervention des régences de Tournay ou d'Audenarde, suivant qu'elles
se rapprochent plus de l'une ou de l'autre de ces localités. Je désire que
l'autorité populaire ait un mot à dire dans cette affaire, qu'elle soit
entendue. Une question aussi grave ne peut pas être laissée au caprice des
ingénieurs ou au mauvais vouloir du gouvernement qui a fait échouer une
proposition qui émanait d'une commission nommée par le gouvernement lui-même.
Il espère
que, par analogie à ce que vous venez de faire pour la Lys, vous voudrez bien
donner votre assentiment à cette proposition :
« Il ne
pourra être établi de nouvelle écluse sur l'Escaut que de l'avis conforme de
administrations communales de Tournay et d'Audenarde. »
J'entends dire auprès de moi que c'est mettre
l'administration entre les mains de la commune. Est-ce que vous voulez, par
hasard, être omnipotent ici comme dans les fêtes nationales ? Contentez-vous
des fêtes, mais laissez-nous défendre nos intérêts. Nous vous avons vu
sacrifier nos intérêts, et nous ne chercherions pas à vous poser quelques
limites ! nous manquerions à nos devoirs. Si
votre projet est bon, les régences ne manqueront pas de l'approuver ; mais si,
dans des intentions louables, vous veniez présenter un projet préjudiciable aux
propriétés qui bordent le fleuve, il nous faut des garanties contre cette éventualité
; car, en votant des crédits sans qu'on vous ait rien dit sur leur destination
spéciale, savez-vous, messieurs, ce que vous votez ? Pour moi, je ne le sais
pas. Je vois que je vote un crédit sans en fixer l'emploi ; c'est un
blanc-seing que je donne au gouvernement. Avec ce crédit on peut faire du bien
: mais on peut aussi faire beaucoup de mal, un mal irréparable. De deux choses
l'une, que le gouvernement déclare formellement quel emploi il entend faire du
crédit ou qu'il nous permette de mettre une réserve qui empêche de donner à ce
crédit une destination plus préjudiciable à nos intérêts que l'inaction
absolue.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Je ne suivrai pas l'honorable préopinant dans
les considérations qu'il a présentées sur les travaux d'amélioration de
l'Escaut ; je me bornerai à dire quelques mois en réponse à ce qui m'a été
adresse personnellement, et à définir la portée que nous devons attacher au
vote que nous avons émis samedi dernier.
Le Hainaut,
non plus qu'aucune autre partie du pays, ne compte aucun ennemi dans le
ministère. Le premier comme le plus impérieux devoir et le premier soin du
ministère est de montrer pour toutes les provinces du royaume une égale
sollicitude.
L'honorable membre
a rappelé un antécédent, et il en a singulièrement altéré la portée. Ce n'est
pas moi qui ai repris au Hainaut le canal de Mons à Condé, c’est la majorité de
la chambre. Je l’ai proposé, il est vrai, mais la chambre l'a admis ; si elle
l'a admis, c'est qu'elle a approuvé la proposition. L'honorable membre n'est
pas recevable à présenter cette reprise comme un acte d’hostilité envers la
province du Hainaut.
M. Dumortier. - Si vous ne l'avez pas proposée, la chambre ne
l'aurait pas décrétée.
M. le ministre des finances (M. Malou). - C'est possible, mais si la chambre a admis ma
proposition, c'est qu'elle l'a trouvée bonne ; cela me suffit.
Le gouvernement,
en se ralliant à une proposition augmentant de 150 mille francs le crédit pour
l'Escaut, a voté la même somme que demande M. Dumortier ; n'a-t-il pas poussé
aussi loin que lui la sollicitude pour la province du Hainaut ? Car encore une
fois la différence entre la proposition de l'honorable M. Dumortier et celle
qui a été adoptée, consiste en ce que mon honorable collègue, avec une pleine
conviction, croit qu'il faut dès à présent décréter une dérivation désignée,
tandis que le gouvernement croit que cette question comme plusieurs autres
exige encore des études.
Si, après ces études, l'opinion de l'honorable M.
Dumortier est reconnue fondée, il peut être certain que la dérivation qu'il
demande se fera, car le crédit alloué au gouvernement a été voté avec mandat de
l'employer de.la manière la plus utile pour l'Escaut.
Mais je vais
plus loin dans ma sollicitude pour le Hainaut que l'honorable M. Dumortier.
Dans notre pensée les 300,000 fr. ne doivent pas être le dernier mot pour
l'Escaut. S'il est prouvé que l'emploi a été fait utilement, rien n'exclut les
demandes ultérieures pour améliorer l'Escaut. Ainsi, je le répète, je donne une
nouvelle preuve de la sollicitude du gouvernement pour cette importante
province.
La portée du
vote est donc celle-ci : que le gouvernement aura à sa libre disposition une
somme que l’honorable membre veut affecter à un ouvrage qui soulevé des
craintes d'un côté et est considère comme inefficace de l'autre, mais à l’égard
duquel on poursuivra les études.
M.
Delehaye. - Messieurs,
après les paroles de M. le ministre des finances, il me reste bien peu de
choses à dire sur la proposition de l’honorable M. Dumortier.
J'ai demandé
la parole lorsque l'honorable membre disait à la chambre, avec cet accent de
conviction qui le distingue, que les prairies des bords de l'Escaut se
trouvaient encore inondées.
M. Dumortier. - Dans notre pays.
M. Delehaye. - Je puis donner à l'honorable M. Dumortier la
garantie que bien loin que les prairies soient inondées dans notre pays…
M. Dumortier. - A Gand ?
M. Delehaye. - Mais qu’appelez-vous notre pays ? Assurément
c'est la Belgique.
M. Dumortier. - J'ai entendu dire dans notre arrondissement.
(page 1515) M. Delehaye. - Eh
bien ! je puis donner la certitude que dans l'arrondissement
do Tournay il n'y a que les prairies basses qui soient encore inondées.
M. Dumortier. - C'est une erreur.
M. Delehaye. - Ce n'est pas du tout une erreur. Les prairies
basses seules sont inondées, et encore ne le sont-elles pas toutes.
Je suis
réellement étonné, messieurs, de la proposition que vient de nous faire
l'honorable M. Dumortier. Cet honorable membre ne veut pas que l'on établisse
des écluses sur l'Escaut sans l'assentiment d'Audenarde et de Tournay ; dans
une autre séance, l'honorable membre ne proposait pas de consulter Gand ; il
paraît qu'il a fait des progrès. Un de nos amis nous disait que l'honorable M.
Dumortier ne professait pas tous les jours la même opinion ; et, en effet,
messieurs, si je voulais répondre au discours qu'a prononcé le député de
Tournay la semaine dernière, je n'aurais qu'à lui opposer celui que vous venez
d'entendre, et je réfuterais victorieusement tout ce qu'il vous a dit.
L’honorable
M. Dumortier nous dit aujourd'hui que rien n'est plus dangereux dans certains
cas que d'établir des écluses. Et cependant que demandait-il la semaine
dernière et que voulait-il ? Il voulait établir des écluses en amont et en aval
de Gand.
M. Dumortier. - Pas du tout.
M. Delehaye. Lisez votre discours ; vous verrez que pour
apaiser les craintes des honorables députés de Termonde, vous avez demandé
qu'on construisît des écluses en amont et en aval de Gand.
Il faut, nous
dit aujourd'hui l'honorable M. Dumortier, prendre bien garde d’établir des
écoulements trop rapides. Que nous a proposé l'honorable membre la semaine
dernière ? Il nous a proposé une dérivation de Zwynaerde
à Melle ; et remarquez qu'il nous a dit qu'il y avait entre ces deux localités
une pente de 8 pieds ; il se serait donc établi là un écoulement très rapide et
très dangereux pour le bas Escaut.
Je vous
demande si l'on peut mieux combattre l'opinion émise la semaine dernière par
l'honorable M. Dumortier que ne vient de le faire cet honorable membre
lui-même.
Messieurs,
chose étonnante, alors qu'on ne proposait pas l'intervention de Gand pour
l'établissement d'écluses en amont et en aval de cette ville, on veut
aujourd'hui que sur le long parcours de ce fleuve, on ne puisse plus établir
une seule écluse sans connaître l'opinion de Tournay et d'Audenarde. Mais on ne
nous a pas dit comment Tournay et Audenarde seraient appelés à émettre leur
avis. Sont-ce les conseils communaux qui émettront leurs avis ? Mais alors
pourquoi le conseil communal de Gand n'émettrait-il pas aussi le sien ?
Pourquoi, lorsque vous voulez faire une dérivation de Zwynaerde
à Melle, ne voulez-vous pas que Termonde émette également son avis ?
Comment ! vous aviez fait une proposition qui
devait avoir résultat d'inonder tout le bas Escaut, et vous ne demandiez pas
alors que Termonde fût consulté !
L'honorable
M. Dumortier vient de dire que le gouvernement veut sacrifier le Hainaut. Je crois,
au contraire, que l'on pourrait citer beaucoup trop de cas où le gouvernement,
loin de sacrifier le Hainaut, lui a rendu d'immenses services. Mais la contrée
du bas Escaut est, paraît-il, fort peu importante en comparaison du Hainaut ;
peu importait que la dérivation de Zwynaerde vint
inonder tout le pays de Termonde. L'honorable membre a oublié qu'avec la
dérivation, il devait y avoir des portes
à flot qui, dans l'opinion des ingénieurs, devaient retenir les
inondations que sans elles devait entraîner cette
coupure. Ainsi, si comme le disait l'honorable M. Dumortier, 5,000 signatures
sont prêtes à appuyer la proportion qu'il nous avait faite, il ne serait pas
difficile d'en trouver 10,000 qui protestassent contre elle.
On nous dit,
messieurs, que les ingénieurs sont des hommes qui tiennent peu compte de la
propriété. Mais si les ingénieurs sacrifient parfois la propriété, les
propriétaires par contre ne cherchent que trop à conserver les leurs. Ils
s'occupent fort peu des propriétés d'autrui ; il leur suffit que les leurs
soient à l'abri de toute lésion. La propriété d'autrui n'est rien pour eux, la
leur est tout. Dès lors, si vous ne voulez pas consulter les ingénieurs, parce
qu'ils ne respectent pas la propriété, irez-vous consoler les pétitionnaires
dont nous parlait l’honorable M. Dumortier ? Mettez-vous l’intelligence de
ces pétitionnaires au-dessus de celle des ingénieurs ? Mais dans ce cas
supprimez votre corps des ponts et chaussées, et vous ferez une large économie.
Les
ingénieurs ont quelquefois commis des fautes ; mais quels sont ceux qui n'en
ont jamais commis ? D'ailleurs, si vous ne voulez plus qu'on consulte les
ingénieurs, quel sera le corps savant auquel vous aurez recours en matière de
travaux publics ? Sera-ce l'Académie des sciences ? Si telle est votre opinion,
dites-le.
Je le répète,
certainement les ingénieurs font des fautes, ils en feront toujours. Mais quand
il s'agit de travaux hydrauliques, je dis que nous sommes forcés de recourir à
leurs lumières, et quoi qu'on dise et qu'on fasse, j'aurai toujours plus de
confiance en pareille question en l'avis des ingénieurs qu'en celui des
pétitionnaires, qui, souvent, ne consultent que leurs intérêts.
Messieurs, la
proposition de l'honorable M. Dumortier ne me paraît réellement pas concevable.
J'aurais compris l'honorable membre si, amendant l'article voté, il était venu
demander qu'on portât la somme pour travaux à effectuer sur l'Escaut, à 600,000
fr., à un million. J'aurais compris l'honorable membre ; de cette manière il
serait venu efficacement au secours de sa province, il eût été logique ;
prétendant qu'il y a d'autres travaux à effectuer, il devait demander une
augmentation de crédit ; mais s'il n'indique pas un travail, sa proposition est
incompréhensible. Le gouvernement, d'après l'article voté, doit faire les
travaux les plus utiles, s'il ne les fait pas tous.
Il serait loisible plus tard à l'honorable M.
Dumortier, comme à tous ceux qui s’intéressent à l'amélioration de l'Escaut, de
nous faire connaître ces travaux utiles, et nous devrons allouer les fonds pour
l'exécuter. Mais venir dire dans la loi que le gouvernement ne pourra faire des
écluses qu'en se soumettant à l'avis de personnes étrangères à
l'administration, c'est décharger le gouvernement de la responsabilité des travaux
qui pourraient être utiles. Or, je ne veux pas qu'une pareille responsabilité
incombe à d'autres qu'au ministre, je veux qu'elle pèse tout entière sur le
gouvernement. C'est au gouvernement à exécuter, et à la chambre à contrôler.
S'il pose des actes contraires à l'intérêt général, le gouvernement devra nous
en rendre compte et en répondre.
M.
le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Messieurs, je n'ai qu'une observation à faire
sur l'amendement de l'honorable M. Dumortier en tant que cet amendement aurait
pour résultat de constituer des administrations communales juges suprêmes des
travaux à exécuter sur l'Escaut.
Il y a
quelques années, messieurs, la chambre a consacré par son vote la reprise de
l'Escaut par l'Etat. On a été mû alors par cette considération que les fleuves
et les rivières devaient être avant tout traités à un point de vue d'ensemble.
On a pensé que ce coup d'œil d'ensemble ne pouvait appartenir qu'au
gouvernement.
Si l'on en
venait, messieurs, à adopter aujourd'hui la proposition de l'honorable M.
Dumortier, on rétrograderait d'une manière visible, on ferait plus que remettre
les fleuves et les rivières aux mains des provinces ; on les placerait
sous une direction omnipotente des administrations communales.
Je crois,
messieurs, que c'est là une proposition absolument inadmissible.
M. de Saegher. - Messieurs,
je dois d'abord répondre quelques mots à cette assertion si souvent reproduite par
l'honorable M. Dumortier que nous voulons sacrifier les intérêts du haut Escaut
au profit de la localité que nous représentons, et que la construction du canal
de Schipdonck ne peut apporter aucun soulagement au haut Escaut.
Messieurs,
puisqu'on veut réduire la question à des propositions aussi mesquines, nous
dirons que nous croyons défendre les intérêts du haut Escaut aussi bien que
l'honorable membre ; que le haut Escaut parcourt un espace de plus de cinq
lieues sur l'arrondissement de Gand et que là se trouvent les mêmes causes
d'inondation que dans le voisinage de Tournay. ; Eh bien, nous prétendons avoir
toujours défendu les intérêts du haut Escaut, les intérêts de nos commettants.
L'assertion
dont je parle a été répétée si souvent dans le courant de la semaine dernière,
que j'ai voulu de nouveau m'assurer des faits. Je me suis rendu hier sur les
lieux. J'ai parcouru une partie des rives du haut Escaut. Je me suis adressé à
des personnes compétentes, d'abord dans la commune de Meirelbeke,
et ensuite dans les communes plus en amont, et j'ai pu me convaincre que toutes
les personnes qui ont fait des observations relativement à l'Escaut, sont dans
la persuasion qu'avec le système, qui a été proposé, je veux parler de la
coupure de Zwynaerde à Melle, on inonderait le bas
Escaut.
Le
bourgmestre de Gavre, homme qui depuis trente ans
observe le cours de l'Escaut dans sa commune, est également de cette opinion.
Nous citerons encore l'opinion du bourgmestre de la commune de Berchem, située
en amont d'Audenarde ; ce fonctionnaire faisait partie de la commission.
Vous voyez
donc que l'assertion de l'honorable M. Dumortier n'est basée que sur des
allégations entièrement inexactes. J'ai vérifié le discours que l'honorable
membre a prononcé dans le courant de la semaine dernière, et j'ose affirmer que
presque tous les faits, tels qu'il les a cités, sont inexacts. Je me
permettrai, messieurs, d'en citer deux ou trois pour les rappeler à votre
mémoire : c’est, par exemple, que l'Escaut a huit pieds de chute à Melle ; c'est
la description que l'honorable M. Dumortier a donnée de l'Escaut à l'intérieur
de Gand ; c'est l'allégation deux fois reproduite qu'en moins de huit jours les
eaux étaient considérablement baissées à Tournay, par suite de la manœuvre des
écluses à Gand, sur l'ordre de M. le ministre des travaux publics.
M. Dumortier. - Cela est vrai.
M. de Saegher. - J'ai
réfuté de point en point, et l'échelle à la main, l'assertion de l'honorable M.
Dumortier. L'honorable membre s'est bien gardé de toucher à ce passage de mon
discours ; mais il a répété sa première assertion purement et simplement, sans
apporter aucune preuve. Voilà comment on discute dans cette question.
Pour
combattre les arguments que nous avons énoncés, on s'est basé sur de véritables
subtilités. C'est ainsi que, dans son discours, l'honorable. M. Dubus aîné a
voulu me mettre en contradiction avec moi-même en s'attachant à un mot pris
isolément, sans tenir compte du sens que présentait la phrase prise en son
entier.
Venons maintenant à la proposition en
question.
On avait
soutenu dans les séances précédentes que le nouveau canal de Schipdonck
n'amènerait jamais, quant à l'Escaut, un autre système que celui qui existe,
puisque aujourd'hui la Lys est au niveau de la jauge d'été, et que cependant à
Tournay, il y a encore des inondations ; qu'ainsi les eaux n'arriveraient pas
plus vite à Gand lorsque le nouveau canal serait construit. Ou arrivait à cette
conclusion en scindant le projet de loi qui était présenté. En effet, le projet
ne présente pas seulement le canal de Schipdonck, mais il propose en outre des
coupures. Or, on supposait toujours qu'aucune coupure,
qu'aucune réclamation ne devait être faite à l'Escaut supérieur.
Maintenant
que sur la proposition d'un honorable député de Tournay, notez-le bien, on
admet des coupures plus importantes encore que celles (page 1516) qui étaient proposées d'abord, et qui doivent
nécessairement être favorables au haut Escaut, on vient critiquer ces coupures
mêmes, et pour les critiquer, on commence par dire que le corps du génie n'est
pas compétent pour traiter des questions de cette espèce.
Mais,
messieurs, je vous le demande, où allons-nous avec de semblables arguments ?
Que l'honorable M. Dumortier nous dise comment il sera possible d'administrer
le pays, si l'on veut administrer une partie du service public en dehors des
hommes spéciaux qui sont chargés de ce service, si nous ne pouvons avoir
confiance dans le corps des ponts et chaussées lorsqu'il s'agit de travaux
hydrauliques.
Nous devons,
dit l'honorable M. Dumortier, être prudents, car si nous établissons des
écluses, nous allons rehausser le lit de la rivière !
J'avais
écouté attentivement, messieurs, le discours de l'honorable général Goblet. Il
m'avait semblé que l'honorable membre avait parfaitement bien compris la
question, et qu'il avait combiné sa proposition avec le système propose par
l'inspecteur divisionnaire M. Vifquain. Je trouvais dès lors que nous pouvions
nous entendre. Mais je vois aujourd'hui que l'honorable M. Dumortier est loin
d'être d'accord avec son collègue. Il reproduit précisément les mêmes arguments
qu'ont fait valoir dans le temps les propriétaires de Tournay contre le système
Vifquain ; cependant ce système a été exécuté en partie, puisqu'un barrage a
été formé à Autryve, puisqu'une coupure a été faite à
Zevelghem, et l'honorable M. Dumortier n'a pas pu
nous signaler le moindre inconvénient qui résulterait de ces travaux
considérables.
M. Dumortier. - Il demandait 8 écluses et 30 coupures. Voilà la
différence.
M. de Saegher. -
L'honorable M. Dumortier dit qu'il demandait huit écluses et trente coupures.
Mais il demandait d'exécuter successivement ces coupures, afin de pouvoir juger
de l'effet qu'elles auraient produit et cet essai a été commencé. Cet essai n'a
pas été poursuivi, parce que l'on craignait qu'aussi longtemps que la ville de
Gand n'aurait pas de voies d'écoulement suffisantes, c'est à la ville de Gand
et aux environs que la coupure aurait pu faire du tort.
Pour appuyer,
messieurs, son nouvel amendement, l'honorable M. Dumortier continue comme il a
commencé, c'est-à-dire qu'il cite des faits complétement inexacts.
M. Dumortier. - Je vous défie d'en citer.
M. de Saegher. - Je vais en
citer. Je m'empresse de reconnaître que c'est par ignorance, que l'honorable M.
Dumortier aura péché parce que probablement il n'a pas été sur les lieux.
L'honorable
membre vient de vous dire, que par suite de l’établissement d'écluses sur la
Scarpe, le lit de cette rivière s'est tellement élevé que ce lit se trouve
aujourd'hui au-dessus des niveaux des prairies, et que ces prairies sont
devenues de véritables marais. Or, c'est précisément le contraire qui est
arrivé.
Avant 1836 ou
1837, les prairies de la Scarpe formaient de véritables marais. Les plaintes
des habitants des bords de la Scarpe étaient innombrables.
Il existait
dans les marais de la Scarpe des fièvres pestilentielles qui enlevaient une
partie de la population. C'est un des motifs sur lesquels la société de la
canalisation de la Scarpe est fondée, pour demander l'autorisation
d'entreprendre les travaux de canalisation de cette rivière.
La Scarpe a
été canalisée et par-là plusieurs milliers de bonniers qui n'étaient autrefois
que des marais sont devenus aujourd'hui des prairies très productives. Je le
demande maintenant, est-il vrai, oui ou non, que ce que l'honorable M.
Dumortier vient de dire est absolument contraire à ce qui existe ?
M. Dumortier. - Vous ne connaissez pas l'A b c de la question.
M. de Saegher. - Je crois
prouver le contraire.
M. le président. - Je remarque depuis quelque temps que la
discussion s'égare. La question du canal du haut Escaut a été écartée au
premier vote ; nous n'avons plus à statuer que sur l'amendement d'après lequel
on ne pourrait construire des écluses sur l'Escaut que de l'avis conforme des
conseils communaux de Tournay et d'Audenarde. Il faut restreindre la discussion
dans l'examen de cet amendement ; sans cela nous retombons dans la discussion
générale et nous pourrons en avoir encore pour deux ou trois séances.
M. de Saegher. - Je ne
désire rien tant que d'abréger la discussion, mais j'ai cru devoir répondre aux
arguments présentés par l'honorable M. Dumortier à l’appui d’un amendement qui
est réellement inadmissible. Du reste, je vais terminer.
On nous l'a
déjà dit, messieurs, l'honorable M. Dumortier veut faire dépendre la
construction des écluses à établir sur l'Escaut de la décision des autorités
communales ; il veut faire dépendre des autorités communales l'exécution des
travaux qui doivent être faits sur l'Escaut. Vous comprenez, messieurs, que
cela est impossible ; vous comprenez que ces autorités ne sont pas compétentes
pour décider ce qu'il convient de faire dans l'intérêt général.
On dit : mais
comment allez-vous employer les fonds ? Vous ne donnez aucune destination
directe et spéciale aux fonds que nous avons alloués. D'abord, messieurs, je
crois que c'est la une garantie : l'administration n'emploiera ces fonds que
lorsqu'elle aura la conviction que les travaux projetés seront utiles, et c'est
précisément la question de l'utilité des travaux qui doit être éclaircie. Si
vous voulez avoir mon opinion à cet égard, je vous dirai que, d'après moi, la
mission des ingénieurs consistera à revoir le travail de M. Vifquain et à le
combiner avec ce qui doit être fait d'après la résolution que nous prenons
aujourd'hui.
D'ailleurs, messieurs, quel mal y a-t-il à ce que
la destination des fonds n'est pas déterminée ? C'est, au contraire, cette
destination déterminée que nous aurions dû craindre ; maintenant tout devra
être examiné et ce ne sera qu'à bon escient que l'on pourra faire les travaux.
Du reste, messieurs, remarquez que la proposition que l'honorable M. Dumortier
veut restreindre, émane d'un député de Tournay, homme spécial par ses études sur
la matière. Lorsqu'il s'agit de travaux de la nature de ceux qui nous occupent
ici, nous croyons pouvoir placer notre confiance dans le talent d'un officier
supérieur du génie ; nous ne faisons que le suivre et j'ai la conviction que
notre confiance en lui sera très bien placée.
M. Lejeune. - Messieurs, après les discours des honorables
préopinants, je n'ai que peu de mots à dire .Je n'entrerai pas dans le fond de
la question, mais je ne sais si nous pouvons finir cette discussion en restant
sous le poids des reproches graves que l'honorable députe de Tournay a
plusieurs fois lancés contre nous. Selon lui, nous avons agi avec perfidie,
avec hypocrisie, dans les illusions d'un égoïsme mal entendu. Il s'agit
seulement, messieurs, de bien poser la question. D'après les discours de
l'honorable membre, il veut la dérivation de Zwynaerde
à Melle, et il est constaté par son discours d'aujourd'hui qu'il ne veut
presque pas d'autres travaux. Il s'est élevé avec force contre les coupures à
faire dans le haut Escaut, et il a manifesté des craintes très sérieuses sur
l'emploi du crédit proposé par l'honorable général Goblet. Eh bien, messieurs,
est-ce que le crédit de 500,000 fr. est de nature à faire naître ces craintes ?
Je ne le pense pas.
Pour nous,
messieurs, nous avons indiqué, avec une conviction profonde, quel est le
véritable et le seul moyen d'affranchir le haut Escaut de toute inondation
intempestive. On devra nécessairement en venir à ce moyen, qui est le débouché
à la mer. Alors, mesieurs, toutes les dérivations, y
compris, au besoin, celle de Zwynaerde et d'autres
encore, et tous les travaux en amont de Gand deviennent possibles, deviennent
utiles. Si jamais, je le répète, le haut Escaut est sauvé, ce sera par ce
moyen-là. Si donc le débouche à la mer avait été voté dans la séance de samedi,
la cessation des inondations sur le haut Escaut n'était plus qu'une question
d'exécution. Le rejet de cette proposition a remis le principe en question.
On devra bien
en venir là ; mais on discutera de nouveau le principe, tandis que si le
débouché à la mer avait été voté, la cessation des inondations du haut Escaut
n'était plus, je le répète, qu'une question d'exécution. Les honorables députés
de Tournay et d'Audenarde n'ont pas cru pouvoir se joindre à nous pour voter ce
moyen de sauver le haut Escaut ; je respecte infiniment les convictions, le
caractère et les talents de ces honorables députés ; mais je ne puis m'empêcher
de dire que, selon moi, ils sont dans l'erreur sur les intérêts du haut Escaut,
je ne puis m'empêcher de regretter infiniment cette erreur. Je la déplore, et
je suis persuadé que ceux qui la commettent aujourd'hui la reconnaîtront un
jour.
Puisque, d'après le vote de samedi, la question
doit se reproduire, en réponse à tous les reproches qui nous ont été adressés,
j'exprime le désir le plus formel qu'il soit procédé à des enquêtes, à un
examen sévère de la question et à des investigations sur les intérêts bien
entendus des propriétaires ; je demande l'étude la plus complète de la question
pour le moment où elle reviendra à la chambre, et c'est alors qu'on verra si
c'est nous qui avons agi avec perfidie, avec égoïsme, ou si ce sont nos
honorables contradicteurs qui ont été dans l'erreur sur les intérêts qu'ils
prétendent défendre, qu'ils défendant avec conviction sans doute, mais non pas
avec plus de sollicitude que nous.
M. de Brouckere. - Messieurs, si les intérêts du Hainaut sont véritablement
lésés par la disposition dont nous nous occupons en ce moment, chose dont, pour
ma part, je dois déclarer que je doute ; mais s'il en est ainsi, je regrette
que l'honorable M. Dumortier n'ait pas trouvé, pour sauvegarder et protéger ces
intérêts, d'autre mesure que l'amendement qu'il a présenté ; car, messieurs, au
point de vue gouvernemental, je dois dire que, selon moi, l'amendement est
inacceptable.
Quel serait
effet le résultat de l'amendement de l'honorable M. Dumortier ? Ce serait de
soumettre un acte du gouvernement au consentement de deux administrations
communales ; ce serait mettre à la disposition de deux administrations
inférieures le pouvoir exécutif supérieur, pour des choses qui rentrent
essentiellement dans ses attributions.
Messieurs, il
y a dans cet amendement quelque chose qui bouleverse tellement toutes les idées
de hiérarchie et de gouvernement que je concevrais à peine comment on a pu le
présenter, si ce n'était que l'honorable M. Dumortier a été en quelque sorte
entraîné dans cette voie par une disposition que la chambre a adoptée dans la
séance de samedi.
M. Dumortier. - C'est précisément cela.
M. de Brouckere. - Et sur la motion de qui ? Sur la motion d'un membre
du cabinet. En effet, l'amendement présenté par l'honorable M. de Muelenaere,
et aux termes duquel un arrêté royal, déterminant les dispositions relatives à
la manœuvre des écluses ne peut être pris que sur l'avis de deux députations
permanentes ; cet amendement, dis-je, a été adopté. Il y a plus : par le même
amendement, la chambre a décidé que la composition de la commission qui sera
chargée de surveiller l'exécution du règlement gouvernemental, n'est pas
abandonnée au gouvernement : il est obligé de prendre la majorité des membres
de cette commission dans une province déterminée.
Eh bien, je dois le dire, cet amendement, quoi
qu'il y ait encore une légère différence entre cette disposition et celle que
l'honorable M. Dumortier présente aujourd’hui ; cet amendement que la chambre,
je le répète, a cru devoir adopter sur la motion d'un membre du cabinet, me
paraît aussi très anti-gouvernemental. Je ne conçois pas comment le
gouvernement (page 1517) peut jamais
consentir à se lier les mains pour un acte qui est tout à fait dans les
attributions du pouvoir exécutif.
Quant à moi,
je n'admets pas plus que le gouvernement s'engage à ne placer les écluses
qu'avec l'autorisation d'un conseil communal que, je n'admets qu'il s'engage à
ne faire jouer les écluses qu'avec l'autorisation d'une députation permanente.
M. Dumortier. - Messieurs, je suis vraiment charmé d'apprendre
que nous, représentants de Tournay et d'Audenarde, nous connaissons moins les
questions qui nous intéressent que les honorables MM. Lejeune et de Saegher ;
j'avoue que cette découverte me ravit singulièrement. Ces messieurs savent se
rendre justice à eux-mêmes. Je m'imaginais que quand il s'agissait d'une
question qui intéresse spécialement une localité, les observations et les
arguments des députés de cette localité avaient quelque valeur, surtout quand
ils sont unanimes ; mais je me trompais. Tous nous avons été unanimes pour
demander, en faveur de l'Escaut, ce que la commission d'enquête, dans laquelle
figuraient MM. de Saegher et Lejeune, avait proposé, la construction d'un canal
de Zwynaerde à Melle. Mais nous ne savions ce que
nous demandions ! Ainsi disent nos honorables contradicteurs. Ces
manifestations d'un si vif intérêt en notre faveur ont quelque ressemblante
avec celles que le gouvernement hollandais prodiguait naguère à la Belgique ;
ce gouvernement prétendait aussi qu'il appréciait mieux les intérêts de la
nation belge qu'elle-même ; la Belgique a fait sa révolution, et elle a prouvé
qu'elle comprenait mieux ses propres intérêts que ses anciens frères du Nord.
Il en est de
même aujourd'hui. Je maintiens que nous connaissons nos intérêts mieux que les
honorables préopinants, et si je voulais le démontrer, je n'aurais qu'à
désigner les discours que vous venez d'entendre. Le discours de l'honorable M.
de Saegher n'est qu'un tissu de faits contraires à la vérité. Messieurs, pour
avoir une connaissance parfaite de l'état des choses, il ne suffit pas d'avoir
été sur l'Escaut jusqu'à Meulebeke à une lieue et demie de Gand, d'avoir fait
une promenade jusqu'à Antoing ; nous, nous avons parcouru, non pas une fois,
mais des milliers de fois, le haut Escaut ; nous connaissons le régime de cette
rivière, pour avoir pris naissance sur ses bords, pour y avoir été élevé, pour
avoir été en un mot bercé sur ce fleuve ; dès lors, ne devons-nous pas mieux
connaître ce que cette rivière exige, que les personnes qui viennent y faire
une promenade de touriste, et qui, à l'instar de ces Anglais qui visitent en
courant une localité, croient avoir tout vu en un moment et savoir tout ce qui
concerne la localité, comme MM. de Saegher et Lejeune ?
Prenons le
discours de M. de Saegher. Selon lui, je n'aurais avancé que des faits inexacts
; j'aurais désiré qu'il eût énuméré ces faits et qu'il m'en eût démontré
l'inexactitude. L'honorable membre a beau se glorifier, célébrer ses exploits,
je maintiens pour vrais tous les faits que j'ai avancés. Quant à lui c'est
autre chose, il n'en est aucun qui n'accuse la plus grossière ignorance ; un seul
suffira pour l'établir. « Suivant M. Dumortier, dit-il, les prairies
voisines de la Scarpe seraient devenues des marais par suite de la canalisation
; mais c'est une erreur ; jusqu'en 1837, il y avait des marais, et aujourd'hui,
grâce à la canalisation, ces marais sont de magnifiques prairies. »
Messieurs, il
est vraiment pitoyable d'entendre dire de pareilles choses. Comment ! l'honorable membre a fait partie de la commission qui a été
chargée d'examiner toutes les questions dont il s'agit, et il ignore que la
Scarpe a été canalisée, non pas en 1837, mais sous Vauban, il y un siècle et
demi ; il ne devrait pas ignorer que c'est la canalisation qui a produit ces
marais le long de la Scarpe, et il devrait savoir que si on soumet l'Escaut au
même régime, on y amènera le même résultat. Il devrait savoir que
l'amélioration récente des prairies de la Scarpe est due, non à la
canalisation, ouvrage de Vauban, mais à l'ouverture du canal du Décours et à
l'élargissement des écluses d'Antoing qui ont fait refluer sur notre territoire
les eaux des marais de la Scarpe.
Je suis donc
en droit de dire que l'honorable membre n'est pas à l'Abc de la question qu'il
traite, et je suis certes fondé à rétorquer contre lui le reproche d’ignorance
dont j'ai été l'objet de sa part. Tous les faits qu'il a avancés reposent sur
l'ignorance la plus profonde ; et il n'y a pas lieu de s'en étonner,
l'honorable membre n'ayant parcouru l'Escaut qu'a une distance d'une lieue et
demie de Gand.
J'ai dit et
répété que le canal de Deynze à Schipdonck ne nous amènerait aucune ou presque
aucune amélioration ; et pourquoi donc les honorables membres qui, aujourd'hui
prétendent que l'Escaut va se trouver soulagé par ce canal, n'ont-ils pas eu le
courage et la force de venir soutenir ce système à la commission d'enquête ?
Lisez,
messieurs, le rapport de cette commission, vous n'y trouverez pas une ligne qui
parle de ce système. Je l'ai relu depuis la discussion de samedi, je n'y ai pas
trouvé une seule ligne en faveur de ce système sur lequel roule tout ce qu'on a
dit depuis huit jours. C'est parce qu'on en avait besoin pour son propre
intérêt, qu'on a trouvé et produit un pareil argument.
Mais on s'est
bien gardé de le présenter dans la commission d'enquête. C'est un argument
posthume présenté pour nous faire croire qu'on agissait dans nos intérêts,
quand on ne faisait que ses propres affaires à l'exclusion des nôtres.
C'est là ce
que j'appelle un système hypocrite : présenter après coup des arguments que
l’on n'a pas osé présenter dans la commission spéciale ; si on avait avancé là
que le canal de Deynze à Schipdonck devait apporter du soulagement au haut
Escaut, on aurait rencontré des personnes ayant une connaissance parfaite des
faits, qui auraient démontré l'inexactitude, je dirai l'absurdité et la
violence d'une pareille allégation.
L'honorable
M. Lejeune vous a dit que le haut Escaut n'éprouverait de soulagement que quand
on porterait ses eaux à la mor ; c'est là son grand argument ; présentez ce
système de mettre l'Escaut en contact avec la mer, je le voterai tout de suite
; mais ne venez pas dire qu'en construisant sur la Lys un canal à six lieues en
amont de Gand, à mi-chemin de Gand à Courtray, vous soulagez l'Escaut. Est-ce
que les eaux de l'Escaut vont remonter la Lys jusqu'à Deynze pour entrer dans
le canal ? Les hommes de bon sens savent ce que vaut un pareil argument, ils
savent qu'il a pour objet de servir des intérêts locaux. Si on veut faire un
canal pour soulager l'Escaut, ce sont les eaux de l'Escaut et non celles de la
Lys qu'il faut prendre pour les porter à la mer.
L'honorable
M. Lejeune a dit encore que je m'étais élevé contre le système des coupures à
l'Escaut. J'ai sans doute indiqué les difficultés sérieuses que présentaient
ces coupures à celui qui approfondit les questions et qui ne se borne pas à un
examen superficiel ; j'ai dit qu'il y avait quelques coupures qu'on pouvait
utilement faire. C'est parce qu'elles présentent des difficultés que j'ai
désiré le concours de personnes éclairées pour leur exécution.
Mon
amendement, dit-on, n'est pas acceptable, parce que ce serait mettre le pouvoir
exécutif entre les mains de l'autorité communale ; mais je n'ai fait que
demander pour l'Escaut ce que vous avez adopté pour la Lys ; je n'ai fait que
proposer une disposition analogue à celle présentée par les honorables députés
de Gand et de Bruges. L'honorable M. Delehaye a signé la disposition relative à
la Lys qui a été adoptée.
Si cette
disposition n'est pas une entrave à l'action lu pouvoir exécutif, la nôtre ne
l'est pas non plus.
L'honorable
M. Delehaye vient de signaler des contradictions dans lesquelles, selon lui, je
serais tombé.
Vous ne
voulez pas d'écluses sur l'Escaut, me dit-il, l'autre jour vous en vouliez deux
au canal de Gand. Mais, messieurs, j'en demande pardon à l'honorable membre, il
fait là preuve d'une excessive légèreté. Les écluses
que nous proposions devaient être établies, non sur l'Escaut, mais à l'entrée
et à la sortie du canal ; il n'y a donc aucune espèce de contradiction. Il faut
agir avec une bien grande légèreté pour me reprocher
une contradiction quand je suis toujours la même pensée ; c'est la même chose
pour les dérivations ; l'autre jour, me dit-il, vous en vouliez, aujourd'hui
vous n'en voulez plus. Mais ne confondez pas les coupures du fleuve avec les dérivations.
Nous avons
une dérivation autour de Tournay et nous en avons sollicité devant les grandes
villes. Une dérivation et une coupure sont deux choses que l'on devrait
connaître quand on se pose ainsi en aristarque. La raison le voudrait ;
l'honorable M. Delehaye le veut autrement. Ce n'est qu'en connaissant les
questions superficiellement qu'on arrive à de pareilles aberrations. Avec peu
de connaissance on s'en croit beaucoup, et on arrive à d'immenses erreurs,
comme MM. les députés de Gand, qui jugent du haut Escaut par sa traversée dans
leur ville.
On me fait
observer une chose pleine de justesse, c'est que l'article adopté qui admet
l'intervention des députations des deux Flandres va plus loin que le mien. Il
est contraire à la Constitution. En effet, l'article 108 permet au gouvernement
d'annuler les décisions des conseils provinciaux Non seulement, le gouvernement
ne pourra plus annuler dans ce cas leur décision, mais il se lie à l'avance, il
reconnaît qu'il devra les approuver.
L'amendement
que j'ai l'honneur de présenter a un but unique, celui de donner des garanties
pour le bien-être de l'Escaut. Je dois le dire, après tout ce qui s'est passé
depuis 15 ans, nous sommes en droit d'avoir des craintes.
L'honorable
M. de Saegher a beaucoup vanté le système de M. Vifquain. Dans ce système, ce
n'est pas une ou deux, mais six à huit écluses qu'il s'agissait de mettre sur
l'Escaut, entre Gand et Tournay. Quand, il y a douze ans, ce système a été
présenté, il a été repoussé à l'unanimité par les députés de Tournay et
d'Audenarde, qui l'ont fait échouer. Ce système a été écarté, parce que nous
nous y sommes opposés. Nous avons démontré, qu'il serait une ruine pour les
magnifiques prairies qui bordent l'Escaut.
Vous voyez
combien mon amendement est important ; car s'il est écarté, c'est à l'exécution
de ce système qu'on se propose de revenir. Quand il s'agit de projets qui
embrassent les intérêts d'une localité, l'opinion de ses députés doit avoir une
grande valeur. Certainement nous qui avons étudié ces questions depuis notre
enfance, notre opinion doit prévaloir sur celle de ceux qui les ont étudiées en
touristes en faisant une petite promenade.
On me dit :
Vous n'êtes pas d'accord ; c'est une erreur, nous sommes parfaitement d'accord
; l'honorable général Goblet a parlé de petites coupures à faire à Audenarde,
mais il a subordonné sa proposition à l'adoption de la dérivation de Zwynaerde, proposée par la commission d'enquête. Nous
sommes donc entièrement d'accord sur ce point que nous voulons avant tout la dérivation
de Zwynaerde.
Mais,
messieurs, pourquoi ne trouvons-nous pas dans l'action du gouvernement une
garantie suffisante ?
Le ministre
des finances nous a dit que le gouvernement ferait des études. Mais je vous le demande,
quelle garantie pouvons-nous trouver dans cette promesse, quand nous voyons que
c'est le gouvernement qui a persisté à repousser le système réclamé par les
parties intéressées et regardé par elles comme le seul moyen efficace de
remédier au mal ; quand nous voyons qu'il a repoussé le système adopté par la
commission d'enquête ? Quelle confiance pouvons-nous avoir dans le gouvernement
? Il prétend qu'il ne s'est pas montré hostile au Hainaut, mais c'est sur la
proposition de M. Malou que le revenu de la province a été réduit par
l'enlèvement du produit du canal de Mons à Condé ; mais, dit-il, la
chambre a voté la reprise de ce canal, (page
1518) c'est la chambre que vous attaquez ; c'est là une vieille
argumentation renouvelée de M. Nothomb. Comment ! vous
M. le ministre des finances, qui parlez si souvent de responsabilité,
voulez-vous couvrir la vôtre en la plaçant derrière la responsabilité de la
chambre ? Ne nous parlez plus de responsabilité quand vous agissez de la sorte.
Pensez-vous que la chambre serait venue porter ce préjudice au Hainaut si vous
n'étiez venu, avec un acharnement sans exemple, la pousser à cet acte ?
Je dis que si
vous n'aviez pas présenté cette proposition, la chambre ne l'aurait pas votée,
et vous êtes responsable de vos propositions comme de vos votes. Vous n'avez
pas le droit alors de parler de votre responsabilité. Votre responsabilité
devient une fiction au moyen de laquelle vous pouvez faire de mauvaises choses
quand vous voulez.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Je n'étais pas ministre alors.
M. Dumortier. - Vous êtes resté le même étant ministre.
M. le président. - Arrivons à l'amendement.
M. Dumortier. - On a dit encore qu'à Tournay, que sur le haut
Escaut les prairies ne sont plus inondées. Je maintiens ce que j'ai dit. Il y a
huit jours, toutes les prairies du haut Escaut étaient encore sous l'eau. Je
vous ai lu une lettre écrite par un des plus grands propriétaires de prairies
de nos environs, et dans laquelle nous trouvons cette phrase : « Dans ce moment
nos prairies sont encore couvertes de cinq à six pieds d'eau, nous n'avons pas
plus de 50 à 60 mètres qui soient découverts le long des rives. »
M. de Brouckere. - De quelle date est la lettre ?
M. Dumortier. - Elle est du 25 mai. Il y a donc sept jours
qu'elle est écrite. Pensez-vous que parce que nous avons eu huit jours de beau
temps ce lac de quinze lieues a pu complétement s'écouler ? Pensez-vous que les
soixante communes qui bordent l'Escaut soient soulagées ? Pensez-vous que nous
n'avons pas été dans l'eau jusqu'à la fin de mai ? Ne vous y trompez pas,
messieurs, la récolte est entièrement perdue, dans ce magnifique domaine, et il
l'est par le fait du gouvernement ; on ne trouvera que du fumier dans les
prairies du haut Escaut. Je vous le demande, si les inondations si désastreuses
de la Senne pendant l'hiver dernier avaient encore existé il y a huit jours,
croyez-vous qu'on aurait pu récolter un brin d'herbe dans les prairies qui
avoisinent cette rivière ? La récolte des prairies est perdue, lorsqu'on y a de
l'eau jusqu'au 25 mai, comme si l'on en avait jusqu'au 25 juin. D'ailleurs,
messieurs, plus de la moitié de nos prairies sont encore sous l'eau. Ah ! croyez-moi bien ; si le mal n'était pas si grand, je
n'insisterais pas aussi vivement pour réparer ces désastres.
Une preuve,
messieurs, que le malaise vient de ce qu'à Gand les moyens d'écoulement ne sont
pas suffisants, c'est ce que j'ai dit et ce que l'honorable M. de Saegher a
demandé à tort, et pour lui retourner son compliment, par ignorance, c'est que
peu de temps après qu'on avait levé les écluses à Gand, les eaux ont baissé de
trois pieds dans la ville de Tournay. A Termonde, au contraire, la chute de
l'eau, c'est-à-dire la distance qu'il y a entre les rives et l’eau, est de 16
pieds, en d'autres termes, l'eau est à dix pieds en dessous des rives. Je me
suis transporté dans ce pays, et j'ai vu de mes yeux que l'eau était à dix
pieds plus bas que la crête. Chez nous, au contraire, elle est encore à deux
pieds de la crête ; en amont de Gand elle est à trois ou quatre pieds. Vous
voyez donc quelle facilité nous pourrions avoir pour l'écoulement de nos eaux,
si le canal de Zwynaerde existait, et cela sans nuire
à personne, comme cela a toujours été dans notre pensée.
L'honorable
M. de Saegher dit que nous voulons inonder Termonde. Je suis sensible à ce
reproche déloyal, messieurs, parce que j'ai toujours protesté contre une
semblable insinuation. Toujours nous avons demandé que le canal que nous
proposions eût des écluses dont la manœuvre serait laissée à la Flandre
orientale, et qui ne pourraient servir qu'autant que l'état des eaux du bas
Escaut le permissent. Jamais nous n'avons demandé autre chose, et je prie les
honorables membres, s'ils veulent me répondre, d'avoir la générosité de ne pas
faire dire le contraire de ce que je propose. S'écarter ainsi de la vérité, c'est
prouver qu'on a besoin de mauvaises armes ; nous dire que nous voulons vous
inonder lorsque nous mêlions les écluses à votre disposition, que nous faisons
de cette clause une prescription formelle de la loi, je laisse à la chambre à
qualifier une pareille conduite et la pensée qui la dicte.
Dans l'état
des choses, messieurs, le Hainaut et l'arrondissement d'Audenarde sont
visiblement sacrifies. Il ne faut pas que la chambre, que les honorables
membres étrangers à ces localités, s'y trompent ; nous considérons, tous, nos
intérêts comme abandonnés. Quelque chose sera à faire plus tard pour l'Escaut
et, je le répète, le canal de Zwynaerde s'exécutera.
Oui, il s'exécutera et malgré vous ; à ce point de vue notre cause est gagnée.
Mais ce que je déplore, ce que je blâme vivement, c'est que le gouvernement ait
abandonné, sans en donner aucun motif, une résolution
qui avait été prise par la commission d'enquête pour soulager l'Escaut, la
première de toutes les résolutions qu'elle ait prises. Que le gouvernement
vienne aujourd'hui prétendre qu'en prenant les eaux de la Lys à six lieues
au-dessus de Gand, il soulagera les riverains de l'Escaut, c'est là une
mystification indigne de ministres du Roi que je combattrai toujours, que je
blâme et que je flétris comme un acte de déloyauté.
Au total,
messieurs, quelle est la différence entre la Lys et l'Escaut. C'est que sur la
Lys il n'y a aucune prairie sous l'eau, tandis que sur le haut Escaut la moitié
de nos prairies sont inondées. Quelle est la différence de situation ? C'est
qu'on fait un canal pour faciliter l'écoulement des eaux de la Lys et qu'on ne
fait rien pour faciliter l'écoulement des eaux de l'Escaut.
En présence
de ces faits, je dois insister sur l'amendement que j'ai eu l'honneur de
proposer. Toutefois puisqu'on voit des inconvénients à ce que l’avis conforme
des députations soit nécessaire pour établir des écluses, je consens à modifier
mon amendement et remplacer les mots « que de l'avis conforme » par
ceux-ci : « qu'après avoir entendu les régences ». J'espère que vous
accepterez mon amendement ainsi modifié et que vous ne refuserez pas aux
intéressés de pouvoir être entendus sur des questions d'une aussi immense
gravité.
- La
discussion est close.
L'amendement
de M. Dumortier, avec la substitution des mots « qu'après avoir
entendu » aux mots « que de l'avis conforme », est mis aux voix
et adopté.
Article 2
M. le président. - A l'article 2, le chiffre de 300,000 fr. a été
substitué à celui de 150.000.
M. de Villegas. - Je n'ai qu'une observation à présenter. Il me
semble que dans cet article il y a une omission. II est évident qu'il faudra
dépenser plus de 300,000 f. pour activer l'écoulement des eaux du haut Escaut.
Tout à
l'heure M. le ministre des finances nous a dit que les 300,000 fr. ne devaient
pas être le dernier mot pour l'Escaut. Je ne doute pas que M. le ministre des
finances ne veuille faire pour l'Escaut tout ce qui est nécessaire. Mais je
préfère trouver une garantie dans la loi même. Car vous le savez, les flots des
ministères sont changeants.
Je pense,
messieurs, qu'il n'y aurait aucun inconvénient à mettre dans la loi ces mots,
qui du reste se trouvent déjà dans le paragraphe précédent.
« 2° Un
crédit de 300,000 francs pour les premiers travaux, propres à activer
l'écoulement des eaux du haut Escaut.... »
J’en fais la
proposition.
M. le ministre des finances
(M. Malou). - Messieurs,
je pense qu'il n'y a pas lieu d’admettre l'amendement de l'honorable M. de Villegas.
Quelle est la
position prise maintenant ? On décrète le canal de Deynze à Schipdonck. On
alloue en même temps un crédit pour commencer ou pour faire les travaux à
l’Escaut. On ne préjuge ni qu'il faudra encore d'autres sommes, ni qu'il n'en
faudra pas. Quand ces 300,000 fr. seront dépensés, d'autres propositions
pourront être faites, si elles sont nécessaires.
Mais
l'amendement de M. de Villegas suppose que, ces 300,000 fr. dépensés, il y aura
encore d'autres travaux à faire et c'est ce qu'on ne peut pas décider dès
aujourd'hui.
M.
de Villegas. - Lorsque
j'ai fait cette proposition, j'avais devant moi le discours prononcé par l'honorable
M, d'Hoffschmidt, dans une séance précédente, et dans lequel il évalue les
travaux à faire à une somme de 500,000 francs, indépendamment de la
construction éventuelle du canal de Zwynaerde, dont
il dit que la dépense s'élèvera à 500,000 francs. Il résulte de là que les
300,000 fr. accordés pour activer l'écoulement des eaux de l'Escaut, sont une
somme évidemment insuffisante ; c'est pourquoi je demande qu'il soit dit dans
la loi que ce crédit est accordé pour le commencement des travaux. Je n'ai que
ce seul motif ; il n'y a aucune arrière-pensée dans ma proposition.
M. Delehaye. - Messieurs, je ne vois réellement aucun motif
pour lequel on puisse s'opposer à la proposition de l'honorable M. de Villegas.
L'opposition que le projet de loi a rencontrée en ce qui concernait le
prolongement du canal jusqu'à la mer, est venue de la part de M. le ministre
des finances qui a insisté sur la difficulté qu'il y aurait à contracter un
emprunt dans le moment actuel Eh bien,
dans la proposition de M. de Villegas il ne s'agit pas de faire un emprunt, il
ne s'agit pas de décréter une dépense immédiate ; tout ce que demande
l'honorable député d'Audenarde, c'est que la chambre ne déclare pas en quelque
sorte que le crédit de 300,000 fr. sera le seul qu'elle accordera pour le haut
Escaut. Remarquez, messieurs, que l'adoption de l'amendement de M de Villegas
ne lierait pas la chambre, car si le gouvernement reconnaît plus tard la
nécessité d'exécuter de nouveaux travaux, il ne pourra dans aucun cas le faire
sans avoir obtenu les fonds nécessaires et dès lors nous aurions toujours à
examiner si ces travaux sont utiles. Il s'agit simplement de donner à la vallée
de l'Escaut une garantie que si les travaux dont il s'agit en ce moment ne suffisent
pas, la chambre est disposée à accueillir avec bienveillance les propositions
ultérieures qui lui seraient faites à cet égard.
M. le ministre des finances
(M. Malou). - L'addition
des mots premiers travaux constitue un engagement pour d'autres crédits ou n'en
constitue aucun. Si elle constitue un engagement, je demanderai pour quel motif
on pourrait demander que la chambre prenne cet engagement avant que le crédit
de 300,000 fr. ne soit dépensé. Si le crédit n'est pas suffisant, le
gouvernement pourra demander de nouveaux fonds, soit au budget, soit par une
loi spéciale. Si, au contraire, l'adoption de la proposition ne constitue pas
un engagement, à quoi peut-elle servir ? Ce sont des choses qu'il faut éviter,
parce que souvent on considère de pareils votes comme formant un engagement en
quelque sorte indéfini. J'insiste d'autant plus sur cette observation, que l'on
pourrait très facilement dépenser plusieurs millions à l'Escaut. Je suis
intervenu plusieurs fois dans cette discussion parce que l'un des plus grands
intérêts du pays est à mes yeux de conserver sa situation financière, de ne
l'aggraver qu'en cas de nécessité absolue et parfaitement démontrée. Ce motif
me porte à engager de nouveau la chambre à ne pas admettre l'addition proposée
par M. de Villegas.
M.
Desmaisières. - Quant à
moi, messieurs, j'ai la conviction intime que la somme de 300,000 fr. est loin
de pouvoir suffire à exécuter les travaux les plus propres à faire écouler les
eaux du haut Escaut, et dès lors je ne fais aucune difficulté à ce que la
proposition de l'honorable député d'Audenarde soit admise ; je l'appuie, au contraire, de tous mes vœux, mais je dois faire
une simple observation sur la réduction de l'amendement. Je conçois qu'au n°10
on ait dit « le canal prémentionné », parce que là il s'agit d'un
canal déterminé ; mais dans le n°3 il s'agit « des travaux les plus (page 1519) propres à activer
l'écoulement des eaux du haut Escaut », et je ne comprends pas trop ce que
signifierait après cela l'expression de « premiers travaux
mentionnés » au n°3. Je proposerai en conséquence de dire : « 2° un
premier crédit de 300,000 fr. pour les travaux mentionnés au n°3. »
M. Dumortier. - C'est précisément pour le motif que vient
d'indiquer l'honorable M. Desmaisières que l'adoption de l'amendement me semble
nécessaire. Dans le n° 1°, il s'agit d'un travail déterminé ; dans le n° 2, il
s'agit au contraire d'un travail indéterminé ; vous avez décidé que l'on
exécutera le canal de Deynze à Schipdonck ; vous devez savoir ce qu'il coûtera
; pour les travaux à exécuter sur l'Escaut, la dépense vous est inconnue ; il
me semble que c'est un motif de plus pour adopter l'amendement de l'honorable
M. de Villegas.
En ce qui concerne l'observation de M. le ministre
des finances, je le prierai de vouloir jeter les yeux sur le paragraphe premier
de l'article en discussion. Il porte : «... Pour les premiers travaux du canal,
etc. » Pourquoi donc ne voulez-vous pas adopter une disposition analogue dans
le second paragraphe ?
Veuillez
remarquer, messieurs, que dans la vallée de la Lys, depuis Deynze jusqu'à la
frontière de France, il n'y a pas un pouce de terrain qui soit sous l'eau ;
tandis que dans la vallée de l'Escaut, 10 lieues carrées, 20,000 hectares sont
inondés. Il suffit de jeter un coup d'œil sur la carte qui se trouve dans
l'antichambre. Il me semble dès lors, messieurs, que la vallée de l'Escaut
devrait exciter toute notre sollicitude, et qu'au moins vous ne pouvez pas
refuser d'adopter l'amendement de M. de Villegas.
M. Maertens. - Peu importe, messieurs, de quelle manière le
numéro 2° soit rédigé : il s'agit de voter des fonds pour exécuter des travaux,
sur l'Escaut ; 300,000 fr. suffiront ou ne suffiront pas ; s'ils suffisent,
vous aurez beau dire dans la loi que c'est un premier crédit ou que le crédit
est destiné aux premiers travaux, il ne sera pas pour cela voté de nouveaux
fonds ; si, au contraire, comme la chose paraît constante, le crédit ne suffit
pas, il faudra bien, quelle que soit la rédaction adoptée, que le gouvernement
vienne plus tard demander de nouveaux fonds, et, dans tous les cas, cette
demande de fonds, si elle est faite, devra être justifiée. Je n'attache donc
aucune importance à la rédaction de cet article.
C'est pour un
autre motif, messieurs, que j'ai demandé la parole. Je regrette toujours que la
chambre n'ait pas voté d'emblée le canal de Deynze jusqu'à la mer ; je pense
que ces travaux devront se faire et qu'ils ne pourront pas être différés
longtemps ; ce n'est qu'au moyen du canal entier que la vallée de la Lys et le
bassin de Gand pourront être débarrassés des inondations et ce n'est qu'au
moyen de la construction intégrale de ce canal que nous verrons s'éloigner de
nous le danger que nous avons signalé dans la discussion générale. Je regrette,
messieurs, que les députés du Hainaut n'aient pas, selon moi, compris l'intérêt
de leur province ; il me semble que cet intérêt commandait qu'ils votassent
d'emblée le canal jusque la mer.
M. Dumortier. - Qu'est-ce que cela nous fait ?
M. Maertens. - Il est évident qu'il est de votre intérêt de
déblayer le bassin de Gand pour pouvoir y déverser vos eaux, et ce résultat
était indubitablement atteint si vous aviez voté notre proposition.
Quoi qu'il en
soit, je ne puis pas représenter l'amendement, la proposition tendant à faire
décréter immédiatement le canal entier, ayant été définitivement rejetée au
premier vote. Mais je demande qu'au moins M. le ministre des travaux publics
prenne l'engagement de faire faire sans retard les études nécessaires pour la
partie du canal entre Schipdonck et la mer. Au moins alors, si la section de
Deynze à Schipdonck tendait à réaliser pour nous les mauvais effets que nous en
craignons, ou n'amenait pas pour Gand les résultats que l'on désire atteindre,
on ne pourrait plus nous éconduire par une fin de non-recevoir, comme on l'a
fait aujourd'hui ; on ne pourrait plus reculer devant la présentation immédiate
d'un projet de loi, qui, comme nous n'avons cessé de le dire, est seul de
nature à remédier à tous les maux.
Si le gouvernement veut prendre cet engagement,
alors, et moyennant la garantie que nous offre l'amendement que j'ai présenté
conjointement avec l'honorable comte de Muelenaere et plusieurs autres
collègues des deux Flandres, et qui a été définitivement admis, je croirai
pouvoir voter la loi en discussion. Ce vote, comme vous le savez tous, n'est
dicté par aucun intérêt particulier ; ma localité n'a pas le moindre intérêt à
ce que l'on fasse quelque chose pour l'Escaut et la Lys, qui, dans l'état
actuel, ne nous font et ne peuvent nous faire aucun tort ; mais en émettant ce
vote, j'entends faire acte de bon voisinage envers une province, dont les
députés, j'espère, seront à leur tour disposés à nous aider, lorsque nous
aurons besoin de leur appui.
M.
le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Messieurs, je prends volontiers l'engagement de
faire poursuivre les études depuis le canal de Bruges jusqu'à la mer. Je
comprends parfaitement qu'il est d'un très haut intérêt que la question soit
approfondie dans tous ses détails. La continuation des études ne pourra que contribuer
à ce résultat. Je recommanderai donc que ces études soient faites et
poursuivies avec toute la célérité possible.
M.
Desmaisières. -
L'honorable M. Dumortier me paraît avoir tout à fait mal compris l'observation
que j'ai faite tout à l'heure sur la rédaction de l'amendement de l'honorable
député d’Audenarde. J'ai fait remarquer que dans le n°1° on peut dire
« premiers travaux » parce que l'on dit : « Premiers travaux du canal
prémentionné. » Mais j'ai demandé si 1° on pourrait employer la même rédaction
dans le n° 2°, alors que cela reviendrait à dire : « premiers travaux des
travaux mentionnés, etc. » Il me semble que la rédaction serait bien préférable
et que le but de l'honorable M. Dumortier serait tout aussi bien atteint si
l'on disait « premier crédit pour les travaux mentionnés, etc. »
M. le président donne
lecture d'un amendement de M. Dumortier tendant à supprimer le mot
« premiers » dans le n° 1° dans le cas où l'amendement de M. de
Villegas ne serait pas adopté.
M. Dumortier. - Je trouve, messieurs, qu'il y a une similitude
parfaite entre les deux paragraphes. Si, en ce qui concerne la canalisation de
la Lys, on prétend que le crédit est affecté aux premiers travaux, à plus forte
raison faut-il stipuler la même chose pour l'Escaut. Si donc on rejette la
disposition pour l'Escaut, je demanderai qu'on la rejette également pour la
Lys. Je ne suis pas fort disposé à voter de pareilles dépenses sans que la nécessité
en soit trois fois démontrée, et je crains que les mots « premiers
travaux » n'engagent à donner à la canalisation dont il s'agit beaucoup
plus d'extension qua la chambre ne l'entend.
L'honorable
M. Maertens a reproché tout à l'heure aux députés du Hainaut de ne pas avoir
compris l'intérêt de leur province en n'appuyant pas le canal de Deynze jusqu'à
la mer ; je pense que l'honorable membre n'a point parlé sérieusement :
évidemment les eaux de l'Escaut ne remonteront jamais dans la Lys pour passer dans
ce canal, et dès lors ce canal ne sera d'aucune espèce d'utilité pour l'Escaut.
Quant au bassin de Gand, tout ce que le canal pourra faire, ce sera de l'amener
à la jauge d'été ; eh bien, c'est l'état dans lequel il se trouve actuellement,
et cependant toute la vallée de l'Escaut est inondée.
Je maintiens, messieurs, qu'il faut faire de deux
choses l'une, ou ajouter les mots : « premiers travaux » dans le second
paragraphe ou bien les retrancher dans le n°1°.
-
L'amendement de M. de Villegas est mis aux voix ; il n'est pas adopté.
L'amendement
de M. Desmaisières est ensuite mis aux voix ; il n'est pas adopté.
M. le président. - Nous avons maintenant l'amendement de M.
Dumortier
M.
Delehaye. - Je dois
faire une observation sur cet amendement. Remarquez bien, messieurs, que le
canal de Schipdonck doit coûter plus de 500,000 fr. ; l'honorable M. Dumortier
croit que les mots « premiers travaux » rentrent dans l'amendement de M.
d'Elhoungne ; qu'ils tendent à faire considérer le canal de Schipdonck comme la
première section du canal de Deynze à la mer du Nord. Or, c'est là une erreur,
car l'article premier dit positivement qu'il ne s'agit que d'un canal de Deynze
à Schipdonck, et c'est pour les premiers travaux de ce canal que les 500,000
francs sont accordés.
M.
Dumortier. - Combien
coûtera ce canal ?
M. Delehaye. - Je pense que l'honorable M. Dumortier a lu le
rapport ; il doit se rappeler que le canal de Schipdonck coûtera un million et
au-delà. Il s'agit, en outre, du recreusement du Moervaert. Ainsi, la proposition de l'honorable M.
Dumortier confondrait deux choses distinctes.
M. le ministre des travaux publics
(M. de Bavay). - On
pourrait peut-être lever la difficulté en disant : « Un premier crédit de
500,000 fr. pour les travaux du canal de Schipdonck et pour le recreusement du canal de Moervaert. »
M. Desmaisières, rapporteur. - Il n'y a
pas d'amendement sur cette partie de l'article 2. L'article 2 du gouvernement
portait : « Un crédit de 500,000 fr. est ouvert au département des travaux
publics pour les premiers travaux du canal prémentionné. » Le n°1 de l'article
2 de la section centrale, auquel le gouvernement s'est rallié, porte :
« Un crédit
de 500,000 fr. pour les travaux du canal prémentionné et pour le recreusement du canal le Moervaert.
»
Il n'y a donc
pas d'amendement ; l'article est définitivement adopté ; on ne peut plus y
revenir.
M. le président. - M. Dumortier ayant lié son amendement à
l'adoption ou au rejet de la proposition de M. Desmaisières, il a le droit de
faire mettre aux voix son amendement. (Adhésion.)
- L'amendement
de M. Dumortier est mis aux voix et n'est pas adopté.
- L'article 2
est définitivement adopté.
Vote sur l’ensemble du projet
On passe à
l'appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.
61 membres
sont présents.
4 s'abstiennent
(MM. Vanden Eynde, de Garcia, Dumortier et Eloy de Burdinne).
54 répondent
oui.
3 répondent
non.
En
conséquence, le projet de loi est adopté. Il sera transmis au sénat.
Ont répondu oui : MM. Biebuyck, Brabant, Clep,
Coppieters, de Bonne, de Breyne, de Brouckere, Dechamps, Dedecker, de Haerne,
de La Coste, Delehaye, Delfosse, d'Elhoungne, de Man d'Attenrode, de Meer de
Moorsel, de Meester, de Muelenaere, de Naeyer, de Renesse, de Roo, de Saegher,
Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Tornaco, d'Hoffschmidt, Fallon, Fleussu,
Goblet, Henot, Kervyn, Lange, Lejeune, Lesoinne, Loos, Maertens, Malou,
Manilius, Osy, Pirson, Rodenbach, Rogier, Scheyven, Simons, Thienpont, Thyrion,
Troye, Van Cutsem, Verwilghen, Veydt, Vilain XIIII, Zoude.
Ont répondu non
: MM. de Villegas, Donny et Liedts.
M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités à
faire connaître les motifs de leur abstention.
(page 1520) M. Vanden Eynde. - Messieurs, je me
suis abstenu, d'abord parce qu'en présence des opinions contradictoires qui ont
été émises dans cette discussion, je n'ai pu me former une conviction sur
l'utilité des travaux qui sont ordonnés par la loi actuelle ; en second lieu, parce
que dans l'amendement qui a été proposé par M. le comte de Muelenaere, je vois
une inconstitutionnalité, en ce que cet amendement empêche le gouvernement
d'annuler des actes de députations permanentes de conseils provinciaux, qui
pourraient blesser l'intérêt général, et pour l'annulation desquels l'article
108 de la Constitution et l'article 89 de la loi provinciale lui donnent un
pouvoir formel ; tandis que, d'un autre côté, je ne veux pas empêcher
l'exécution des travaux qui peuvent être nécessaires pour débarrasser les rives
de l'Escaut des inondations.
M. de Garcia. - Je me suis abstenu par le motif que je n'ai pas
pu assister à la discussion.
M. Dumortier. - Messieurs, je me suis abstenu, parce que d'un
côté, je n'ai pas cru devoir voter contre la somme qui a été allouée en faveur
de l'Escaut, pourvu que cette somme reçoive un bon emploi, et sous ce rapport,
l'amendement que j'ai eu l'honneur de déposer aujourd'hui et qui a été accueilli
par la chambre, me donne une légère garantie. D'un autre côté, je ne voulais
pas sanctionner par mon vote une loi qui, présentée à la chambre dans le but de
soulager les immenses malheurs de l'Escaut, écarte en réalité le seul et unique
remède, propre à soulager ces maux ; je veux parler du moyen indiqué par la
commission mixte, la dérivation de Zwynaerde.
M. Eloy de Burdinne. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs que
l'honorable M. Vanden Eynde, moins cependant celui d'inconstitutionnalité.
- La séance
est levée à 4 heures et demie.