Accueil Séances plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Bibliographie
et liens Note d’intention
Séance précédente Séance suivante
Chambre des représentants de Belgique
Séance
du mardi 26 mai 1846
Sommaire
1) Pièces adressées à la
chambre, notamment pétition relative au droit d’entrée sur le bétail (Huveners),
au système des concessions ferroviaires (Osy)
2) Projet de loi prorogeant
la loi du 24 septembre 1845. Droit sur les céréales
3) Projet de loi relatif
au canal de dérivation de la Lys. Lutte contre les inondations (service de l’Escaut
et de la Lys), port d’Ostende et canal de Bruges à Ostende. Discussion générale
(de Roo,
Donny,
Delehaye,
Donny,
Maertens,
Desmaisières,
Delehaye)
(Annales parlementaires de Belgique, session 1845-1846)
(Présidence de M. Liedts.)
(page 1442) M. Huveners procède à l'appel nominal à deux heures
et un quart. La séance est ouverte.
M. de Man d’Attenrode donne lecture de la séance de mercredi dernier la rédaction en est
approuvée.
M. Huveners fait connaître l'analyse des pièces suivantes.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Les sieurs Loomans et Van Look réclament
l'intervention de la chambre pour obtenir du gouvernement le payement des
terres qui ont été retirées du Schorre situé entre l'Escaut et la digue de Kruysschrans. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
________________
« Le sieur Rosseels,
préposé de première classe des douanes pensionné, réclame l'intervention de la
chambre pour obtenir le remboursement des retenues qu'il a subies pendant 22
années, au profit de la caisse de retraite. »
- Même renvoi.
________________
« Le sieur Baux, ancien
instituteur communal, réclame l'intervention de la chambre pour obtenir un
secours annuel de 250 fr. ou une place d'inspecteur cantonal dans
l'arrondissement de Philippeville. »
- Même renvoi.
________________
« Le sieur L'Host, voiturier à Blanden, demande une place de garde-convoi ou toute autre
équivalente dans l'administration des chemins de fer en exploitation. »
- Même renvoi.
________________
« L'administration communale de Thienlain demande, pour les indigents de cette commune, une
quote-part de la somme de deux millions votée pour mesures relatives aux
subsistances. »
- Même renvoi.
« Le conseil communal de Lommel
demande que le gouvernement ne consente point a une
réduction du droit d'entrée sur le bétail hollandais. »
- Sur la proposition de M. Huveners,
renvoi à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.
________________
« Plusieurs cultivateurs et
habitants de la commune de Jalhay demandent le rejet de la convention de
commerce conclue avec la France.
« Les membres du bureau de bienfaisance et du comité pour l'industrie
lisière à Wyngene demandent l'adoption de la
convention. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi
relatif à la convention, et insertion au Moniteur.
________________
« La fabrique de Laek, de concert avec l'administration de la commune de Houthaelen, dont Laek fait
partie, prie la chambre de lui accorder un subside pour l'aider à couvrir les
frais de construction de l'église, et demande qu'elle soit érigée en
succursale. »
- Renvoi à la section centrale pour le budget de la justice de 1847.
________________
« Plusieurs habitants de la
commune de Melden, présentant des observations sur le
projet de canal de dérivation des eaux de la Lys, prient la chambre de décréter
d'abord, on tout au moins en même temps, la construction d'un canal de décharge
qui relie le haut au bas Escaut depuis Zwynaerde
jusque vers la commune de Melle. »
« Même demande des membres du conseil communal de Berchem. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur le
canal de dérivation des eaux de la Lys.
________________
« Le sieur Maugeer, major pensionné, décoré de
la Légion d'honneur, prie la chambre de statuer sur sa demande tendant à
obtenir la dotation accordée aux légionnaires da l'empire. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
________________
« Le sieur Demelin-Zoude,
propriétaire agriculteur à Sirault, présente des
observations contre la prorogation immédiate de la loi du 24 septembre 1845
concernant les denrées alimentaires. »
- Même renvoi.
________________
« Les sieurs Labeye,
Stockart et autres membres de la commission de
l'harmonie de Dalhem demandent un subside pour ce corps de musique. »
- Même renvoi.
________________
« Plusieurs habitants de Haren réclament l'intervention de la chambre pour obtenir
un supplément d'indemnité du chef des pertes qu'ils ont subies par suite des
événements de la révolution. »
- Même renvoi.
________________
« Les membres des administrations
communales d'Hérinnes, Thollenbeek,
Gammerage, Oetinghen, Hefflelingen, Vollezeele et
Haute-Croix demandent la formation d'un nouveau canton de justice de paix dont
le chef-lieu serait Hérinnes. »
- Renvoi à la commission chargée de l'examen du projet de loi de
circonscription cantonale.
« Le sieur de Laveleye, ingénieur
civil, donnant quelques développements aux considérations qu'il a présentées
contre les demandes en concession de chemins de far, prie la chambre d'arrêter
un système général des chemins de fer de l'Etat, avant d'accorder de nouvelles
concessions. »
Sur la proposition de M. Osy,
dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur la concession du
chemin de fer du Luxembourg ; renvoi à la section centrale chargée charger
d'examiner le projet de loi relatif à la concession du chemin de fer de Manage
à Wavre, et insertion au Moniteur.
________________
Il est fait hommage à la chambre par M. Haeck,
premier commis au trésor public, de 95 exemplaires d'un opuscule qu'il vient de
publier sous le titre : « Essai sur l'organisation de l'administration centrale
du ministère des finances. »
- Distribution aux membres de la chambre.
________________
M. de Brouckere s'excuse par l'organe de M. Fleussu de ne pouvoir
assister à la séance de ce jour, pour cause d'indisposition. Il ajoute qu'il
espère pouvoir prendre part aux travaux de la chambre avant la fin de cette
semaine.
Pris pour information.
PROJET DE LOI PROROGEANR LA LOI DU 24 SEPTEMBRE 1845 CONCERNANT LES DENREES ALIMENTAIRES
M. le ministre de
l’intérieur (M. de Theux) présente
le projet de loi suivant :
« Art. 1er La loi du 24 septembre 1845, concernant les denrées
alimentaires, est prorogée jusqu'au 1er octobre prochain.
« Le gouvernement est autorisé en outre à la proroger, en tout ou en
partie, jusqu'au 1er décembre prochain.
« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa
promulgation. »
- La chambre donne acte à M. le ministre de l'intérieur de la
présentation de ce projet de loi, en ordonne l'impression et la distribution
et, sur la proposition de M. Lejeune, le renvoie à l'examen de la section
centrale qui s'est occupée de la loi du 24 septembre dernier.
PROJET DE LOI RELATIF AU CANAL DE DERIVATION DE LA LYS
Discussion générale
M. le président. - Par une erreur d'impression l'article 5 du projet de la section centrale
qui se trouve p. 1516 du rapport a été omis dans le projet de loi joint au
rapport.
La parole est à M. de Roo, sur l'ensemble du projet de loi.
M. de Roo. - Je commencerai par dire que je ne serai point opposé par mon vote au
projet de loi en discussion, car je crois qu'il incombe au gouvernement de
maintenir les propriétaires qui payent la contribution foncière dans la
jouissance la plus entière de leurs propriétés. Certainement les propriétaires
aux abords de la Lys ne payent pas les moindres contributions à l'Etat, et, en
serait-il autrement, leur droit n'en serait pas moins sacré, car les plus
grandes inondations ont presque toujours eu lieu par la faute du gouvernement,
en raison de l'élargissement des écluses où passent les eaux qui arrivent de
France, eaux qui inondent 20 à 30,000 hectares de terre qui avoisinent l'Escaut
et la Lys. C'est donc un dommage causé par le gouvernement lui-même, qu'il est
obligé de réparer ou du moins de faire cesser.
Mais je crains qu'on ne commette une nouvelle erreur dans la direction
de ce nouveau travail d'utilité publique dans les Flandres.
Vous connaissez tous la première erreur commise dans la direction du
chemin de fer des Flandres. Au lieu de faire une seule ligne, en la faisant
bifurquer on a été obligé d'en faire deux.
(page 1443) Je crains que même chose
n'arrive dans la direction du canal projeté ; car on va le construire entre
deux canaux, entre le canal de Zelzaete vers la mer du Nord et le canal de Gand
à Ostende ; car je n'envisage pas le projet en discussion, le canal de
Schipdonck à Deynze, comme suffisant. Je trouve dans le rapport des experts
eux-mêmes la preuve que ce n'est que le commencement d'un canal pour soulager
la ville de Gand, la première section d'un canal de Deynze à la mer du Nord.
Ce qui vient à l'appui de ce que j'avance, c'est qu'en maintenant la
jauge au point convenu, il est impossible que le canal soit suffisant pour
évacuer les eaux qui viennent rapidement et abondamment de France, qui inondent
ces contrées en 24 heures.
Si l'on ne maintient pas la jauge, on va inonder tout le nord du canal
de Bruges ; on ne fera que déplacer le fléau : on déchargera les terrains aux
abords de la Lys, en inondant les terrains du nord situés aux côtés du canal de
Bruges à Ostende.
C'est ce qui résulte du rapport joint à celui de la section centrale
émané de M. l'ingénieur Forêt, qui exerce ses fonctions depuis 30 ans dans la
Flandre occidentale, et qui a, par conséquent, des connaissances très tendues
en cette matière et de la localité.
Je demande donc que M. le ministre des travaux publics, avant d'exécuter
l'ouvrage qu'on nous propose aujourd'hui, fasse étudier s'il n'y aurait pas
moyen d'établir un canal du côté gauche de celui de Gand à Bruges, dans la
direction de Vive-Saint-Bavon sur Nieuport. Ce canal rencontrerail
dans son cours la Mandel, la Riviérette ou Rivierke et d'autres ruisseaux qui inondent les villages de
Wyngene, Ruddervoorde, Oostcamp, Thourout et tous ces environs. Il aurait l'avantage
de décharger les eaux surabondantes de la Lys, et en même temps celui de
dessécher une partie des marais de Ruddervoorde, et
de parcourir des terres, encore incultes qu'on pourrait ainsi rendre fertiles.
On dit dans le rapport que les eaux du côté droit du canal d'Ostende se
dirigeront dans le canal de Zelzaete du côté gauche, vers le port de Nieuport ;
mais les endroits que je viens de citer sont distants de Nieuport de six ou
sept lieues.
Il faudra donc un canal accessoire pour diriger ces eaux vers le port de
Nieuport, tandis que la construction du canal que je viens d'indiquer, s'il
était possible de le faire, servirait à la dérivation des eaux de la Lys, et en
même temps atténuerait les inondations dont je viens de parler, et vous
dispenserait du canal accessoire que vous serez obligés d'exécuter, si vous
voulez achever ce que vous avez commencé.
Ce canal servirait encore à faire concourir
les propriétaires dont les terrains inondés sont transformés en marais. Il y a
une loi formelle à cet égard, ils ne peuvent refuser de s'y soumettre.
C'est une étude à faire, et j'en préviens M. le ministre des travaux
publics pour ne pas avoir à déplorer une seconde erreur, dont la première a été
si funeste au gouvernement, et dont l'étranger profite actuellement en
dirigeant son chemin de fer, comme le gouvernement aurait dû diriger le sien.
M. Donny. - On est d'accord, je pense, sur l'importance des pertes que
l'agriculture subit, chaque année, par suite des inondations extraordinaires dans
le bassin de l'Escaut et de ses affluents. On est d'accord sur les causes de
ces inondations extraordinaires, et l'on est aussi d'accord qu'il existe un
moyen efficace, infaillible d'y mettre un terme. Et cependant, chose étrange,
ce remède, que tout le monde reconnaît infaillible, ne vous est proposé par
personne. On se borne à vous présenter de misérables palliatifs, et encore des
palliatifs qui doivent nécessairement, de deux choses l'une, ou bien ne
produire aucun résultat utile pour personne, ou bien amener des résultats
souverainement injustes. Et quels sont les motifs qui déterminent le
gouvernement à se conduire de cette manière ? Ce sont de prétendues
considérations d'économie, qui, dans les circonstances actuelles, sont
complétement sans valeur, complétement déplacées. Car, ainsi, que je le
démontrerai tout à l'heure, rien ne serait moins économique que les économies
qu'on se propose d'obtenir.
Telle est l'opinion que je me forme du projet de loi qui vous est
soumis, opinion que je vais avoir l'honneur de développer devant vous.
S'il faut en croire quelques-uns de nos honorables collègues,
parfaitement au courant de la chose, et je citerai l'honorable M. Lejeune et
l'honorable M. Dumortier, les inondations de l'hiver dernier doivent causer à
l'agriculture, dans le seul bassin de l'Escaut, une perte d'au moins 6 millions
de francs. D'un autre côté, la section centrale nous apprend dans son rapport,
qu'année commune, il faut évaluer à plus d'un million les pertes causées par
les inondations extraordinaires dans le bassin de la Lys. Ainsi le pays se
trouve à la veille de subir une perte de plus de 7 millions de francs par suite
des inondations de l'hiver dernier.
Je sais bien, messieurs, qu'il ne faut pas s'attendre à voir chaque
année se renouveler des inondations aussi étendues. Mais on conviendra, je
pense, que ce n'est pas exagérer que d'évaluer, année commune, la perte
occasionnée par les inondations dans le bassin de l'Escaut et dans le bassin de
la Lys à plusieurs millions de francs.
Les causes de ces inondations vous ont été signalées déjà à plusieurs
reprises. Ces causes sont d'un côté les travaux qu'on a faits et en France et à
la frontière belge pour permettre aux eaux françaises de se déverser plus
rapidement sur le sol belge, et d'un autre côté l'absence de travaux
correspondants en Belgique. Il résulte de là que les eaux de la France nous
arrivent plus rapidement qu'autrefois, tandis qu'elles s'écoulent toujours avec
la même lenteur, et qu'ainsi la Belgique, au lieu de fournir un simple passage
aux eaux françaises, devient pour ces eaux un véritable lieu de stationnement
temporaire.
Si telles sont les causes du mal, mais le remède est indiqué par le plus
simple bon sens. Il faut faire en sorte que les eaux soient déversées dans la
mer avec autant de rapidité qu'elles se trouvent amenées sur le sol belge. Il
faut creuser une voie d'écoulement plus directe entre les eaux qui nous
arrivent de la France. C'est là, messieurs, ce qui a été proposé au
gouvernement par des hommes qui avaient examiné la question sous toutes ses
faces et qui étaient très compétents dans la matière : je veux parler
d'une commission qui a été nommée en 1841, qui a travaillé pendant longtemps,
pendant plusieurs années, je pense, pour se mettre au courant de la véritable
situation des choses et pour indiquer le remède que réclame cette situation.
L'avis de cette commission a reçu la sanction de l'opinion du conseil
des ponts et chaussées. Voici en effet ce que je trouve dans l'annexe au n°117,
à la page 3 ; c'est le conseil des ponts et chaussées qui parle :
« En ce qui regarde le bassin de la Lys, la commission indique
l'ouverture d'un canal entre Deynze et Schipdonck, et un autre de Schipdonck à
la mer : quoique vraisemblablement l'exécution de l'un et de l'autre devienne
nécessaire pour atteindre complétement le but cherché, et réaliser en entier
les vues de la commission, le conseil croit qu'on ne devrait ouvrir d'abord que
le canal de Deynze à Schipdonck sur le canal de Bruges, en ajournant celui de
Schipdonck à la mer.
Vous le voyez, lorsque le conseil des ponts et chaussées se place au
point de vue où se trouvait la commission spéciale, lorsqu'il examine les
moyens de réaliser le but que se proposait la commission, il reconnaît que
vraisemblablement il sera nécessaire d'exécuter les travaux que cette
commission a proposés. Il est vrai que le conseil des ponts et chaussées ajoute
immédiatement après qu'on peut ajourner la construction du canal de Schipdonck
à la mer. Mais pourquoi veut-il ajourner ? Il en dit la raison, c'est parce
qu'il quitte le terrain sur lequel s'était placée la commission, c'est parce
qu'il se place à un autre point de vue : « Il importe, dit-il, d'éclaircir ce
point, véritablement capital, et le conseil doit énoncer sur quoi son opinion
se fonde. » Et sur quoi cette opinion se fonde-t-elle ? Je continue à lire : «
Il s'agit de faciliter l'écoulement des crues de la Lys, et de dégager autant
que possible la ville de Gand. »
On le voit, lorsque le conseil des ponts et chaussées propose
l'ajournement d'une partie des travaux proposés par la commission, c'est parce
qu'il n'a plus en vue de débarrasser le pays de la calamité des inondations,
c'est parce qu'il restreint son but seulement à faciliter l'écoulement des
crues de la Lys et à dégager autant que possible la ville de Gand.
Le projet de la commission a non seulement reçu l'approbation du conseil
des ponts et chaussées, lorsque celui-ci s'est placé au point de vue de la
commission, mais il a encore reçu l'approbation du gouvernement ; et pour vous
le prouver je n'ai qu'à lire un passage de l'exposé des motifs, page 5, dernier
paragraphe :
« L'examen des propositions de la commission spéciale instituée en 1841
et de celles du conseil des ponts et chaussées, a conduit le gouvernement aux
conclusions suivantes :
« 1° La mesure la plus efficace, la plus complète dans ses résultats,
consisterait sans doute à exécuter, dans leur ensemble, les travaux indiqués
par la commission comme appartenant au premier système ;
« 2° Vu le chiffre élevé de la dépense qu'exige le premier système
exécuté dans son ensemble, et eu égard à ce qu'une amélioration sensible serait
vraisemblablement obtenue par une mesure moins large, il y a lieu de décréter
actuellement le canal de la Lys au canal de Bruges, et d'attendre qu'il soit
ouvert et puisse être apprécie dans ses résultats, avant de rien statuer quant
à un deuxième canal, du canal de Bruges à la mer du Nord. »
Ainsi, messieurs, lorsque le gouvernement examine les propositions de la
commission spéciale, sans préoccupation de la question d'économie, il se
déclare partisan de ces propositions ; il trouve qu'on n'a rien de mieux à
faire que d'exécuter l'ensemble des travaux. Mais imitant ensuite le conseil
des ponts et chaussées, il vous propose l'ajournement d'une partie de ces
travaux. Et pourquoi ? Parce qu'il recule devant la dépense. Je vous ferai voir
tout à l'heure combien il a tort de se laisser arrêter par la question
d'économie.
Messieurs, à ce projet de la commission spéciale, que vient-on
substituer ? Je viens de vous le lire ; le gouvernement veut une mesure moins
large ; il espère, au moyen de cette mesure moins large, obtenir une
amélioration sensible, et c'est pour obtenir cette amélioration sensible qu'il
vous propose, à titre d'essai, la construction du canal de Deynze à Schipdonck.
Ainsi, on substitue une simple espérance à la certitude de mettre un
terme aux inondations. On substitue un simple essai à l'adoption d'un remède
que l'on juge efficace.
C'est déjà là, messieurs, une conduite assez peu rationnelle ;
cependant, je pourrai la concevoir si l'espérance de cette amélioration
sensible était fondée sur des bases solides, et si, d'un autre côté, l'essai
que l'on veut tenter ne devait pas causer des préjudices considérables à
d'autres intérêts belges, à d'autres intérêts tout aussi respectables, tout
aussi dignes de sollicitude que ceux que l'on veut sauvegarder aujourd'hui.
Mais je n'hésite pas à le déclarer, l'espérance dont on se flatte est
chimérique, et l'essai que l'on veut tenter doit causer un préjudice
considérable à une grande partie de la Flandre occidentale et aux intérêts de
la navigation.
Je dis d'abord que les espérances que l'on forme sont chimériques. Maïs
pour le prouver, je dois commencer par faire remarquer qu'il y a des espérances
de natures diverses, qu'il y a des espérances légitimes cl d'autres qui ne le
sont pas.
Par exemple, dans la circonstance actuelle, on formerait des espérances
légitimes si l'on espérait parvenir, au moyen du canal de Deynze à (page 1444) Schipdonck, à jeter sur la
Flandre occidentale une partie des eaux que la nature des choses porte
aujourd'hui dans le bassin de Gand. On formerait des espérances illégitimes, si
au moyen de ce canal on espérait parvenir à déplacer ou tout ou en partie le
fléau de l'inondation. On formerait des espérances illégitimes, si l'on
espérait parvenir à soulager en partie la Flandre orientale aux dépens de la
Flandre occidentale.
Il n'est pas impossible que le canal de Deynze à Schipdonck puisse réaliser
en partie des espérances semblables, bien que j'en doute Mais, je le répète,
ces espérances seraient illégitimes, et je m'empresse d'ajouter que des
espérances semblables ne peuvent être entrées ni dans l’esprit de la section
centrale, ni dans l'esprit du gouvernement, ni dans celui de ses agents ; et si
j'en parle ici, messieurs, c'est uniquement pour mettre ce genre d'espérances
hors de cause, pour constater que je n'ai pas à les discuter, que je n'ai pas à
les combattre, que je ne dois pas m'en occuper.
J'arrive, messieurs, aux espérances légitimes, qu'à tort ou à raison on
peut former au sujet du projet de loi, et voici comment je les comprends.
Je suppose que le gouvernement et que la section centrale espèrent qu'au
moyen du canal de Deynze à Schipdonck, on parviendra à débarrasser, en partie,
non pas la ville de Gaud ou telle autre localité, mais le pays tout entier, des
maux de l’inondation, et qu'on espère en même temps que ce résultat pourra être
obtenu sans nuire â d'autres intérêts belges. Voilà les seules espérances qui
sont légitimes, les seules espérances que l'on peut former, les seules que l'on
forme sans doute, les seules auxquelles mes arguments doivent s'appliquer.
Eh bien, je le répète, ces espérances sont chimériques, et je vais vous
le prouver par des faits :
Vous voulez, au moyen du canal de Deynze à Schipdonck, amener les eaux
de la Lys plus directement dans le canal de Gand à Bruges et de Bruges à
Ostende ; mais le canal de Gand à Bruges et celui de Bruges à Ostende ne sont
pas la mer, ces canaux ne tout pas même une rivière qui communique librement
avec la mer.
Entre la mer et ces canaux il se trouve une barrière, et cette barrière
c'est l’écluse de Slykens. Lorsque vous aurez fait
arriver les eaux de la Lys d'une manière plus directe dans ces canaux, vous
vous trouverez, non pas en face de la mer, mais en face de l’écluse de Slykens. Je sais bien que cette écluse est puissante,
qu'elle a 24 mètres d'ouverture, mais, quelque grande qu'elle soit, il est
évident que si vous arrivez devant cette écluse avec une masse d'eau supérieure
à celle qui peut s'écouler par une ouverture de 24 mètres, l'écluse sera pour
la masse excédante une barrière infranchissable. Si maintenant je prouve que
dans l'étal actuel des choses, où les eaux de la Lys n'arrivent à l'écluse de Slykens qu’après avoir fait un détour par Gand, si je
prouve que dans l'état actuel des choses l'écluse de Slykens
est insuffisante, j'aurai prouvé qu'elle le sera encore bien plus lorsque vous
y amènerez une masse d'eau plus grande, lorsque vous y amènerez les eaux avec
plus de rapidité. Eh bien, la preuve de l'insuffisance actuelle de l’écluse de Slykens, je vais la donner de la manière la plus évidente.
Je pourrais citer des circonstances antérieures dans lesquelles il a
fallu faire jouer l'écluse de Slykens pendant dix
jours, pendant 15 jours, uniquement pour faire écouter les eaux du canal de
Gand ; je pourrais rappeler ce qui s'est passe en 1840 et 1841 et citer à cette
occasion le rapport du M. l'ingénieur Forret ; mais
pour ne pas occuper trop longtemps l'attention de la chambre, je me bornerai à
vous parler de ce qui s'est passé l’hiver dernier. L'hiver dernier, il y a eu,
vous le savez, deux crues extraordinaires ; à la première de ces crues les
écluses de Slykens ont joué de toute leur puissance
du 25 décembre au 15 janvier, c’est-à-dire pointant vingt-trois jours ; à la
deuxième crue elles ont encore joué de toute leur puissance du 22 janvier au
1er mars, c'est-à-dire un mois neuf jours, et pendant chacune de ces deux périodes
la plus grande partie du service a été exclusivement consacrée à l'écoulement
des eaux du canal de Gand : à la première crue les écluses ont joué
exclusivement au profit du canal de Gand : à la première crue les écluses
ont joué exclusivement au profit du canal de Gand du 23 décembre au 8 janvier,
seize jours, et à la deuxième crue, du 22 janvier au 12 février, vingt et un
jours.
Et ne pensez pas, messieurs, que pendant ces périodes de 16 jours et de
21 jours l’écluse de Slykens ait pu évacuer autre chose
que les eaux du canal de Gand, ne pensez pas que pendant ces deux périodes
l’écluse de Slykens ait laissé s’écouler avec les
eaux du canal de Gand, soit les eaux des terres du nord de Bruges, soit les
eaux provenant des terres de l’ouest d’Ostende. Il n’en est rien, et la raison
en est extrêmement simple ; c’est que pendant tout le temps qu’a duré
l’écoulement des eaux de Gand, le point d’eau a été tellement élevé dans le
canal de Bruxelles à Ostende qu’il a été impossible d’ouvrir les vannes qio donnent issue aux eaux provenant ; soit du Nord de
Bruges, soit de l’ouest d’Ostende. Ainsi pendant tout ce temps l’écluse de Slykens a servi exclusivement à l’évacuation des eaux du
canal de Gand.
Eh bien, messieurs, je le demande ; si, dans l'étal actuel des choses,
il faut seize jours, vingt et un jours pour décharger les eaux du canal de
Gand, combien faudra-t-il de temps lorsque les eaux de la Lys arriveront avec
plus de rapidité et en beaucoup plus grande masse, devant l'écluse de Slykens ? Les eaux, alors, ne seront écoulées que le risque
d'inondation aura duré aussi longtemps qu'elle dure aujourd’hui et plus
longtemps encore.
En présence de l'insuffisance de l'écluse de Slykens
et du projet incomplet par lequel ou veut porter remède aux inondations au moyen
du seul canal de Deynze à Schipdonck, il me semble voir une vaste salle de
spectacle, n'ayant qu'une seule issue trop étroite, remplie d'une foule pressée
de sortir ; il me semble voir un directeur de police faisant enlever les bancs
et autres obstacles qui peuvent se trouver dans la salle, et s'imaginer qu'en
rendant ainsi la circulation intérieure plus facile, il rendra plus facile
aussi l'écoulement de la foule par la porte trop étroite. La chambre me
pardonnera cette comparaison. Elle me paraît exacte.
J’ai dit, messieurs, qu'en tout cas, le projet, s'il était adopté,
devait causer des préjudices considérables à une partie de la Flandre
occidentale et à la navigation. Ces préjudices consistent, d'une part, dans les
inondations des terres basses d'une partie de la Flandre occidentale,
inondations que la construction de ce canal rendra et plus étendues et plus
durables ; ces préjudices consistent, d'autre part, dans les entraves plus
prolongées qui en résulteront et pour la navigation de la ville d'Ostende vers
l'intérieur et pour les chasses qui doivent entretenir le port a sa profondeur
normale.
Quant aux inondations, messieurs, je n'en entretiendrai pas la chambre
en ce moment ; il est probable que plusieurs de nos honoraires collègues plus
au courant encore que moi, des localités se chargeront de nous fournir des
lumières à ce sujet. Pour moi, je me bornerai à ce qui concerne la navigation.
Messieurs, j'ai déjà eu l'honneur de vous dire que dans l'état actuel
des choses l'évacuation des eaux d'inondation avait entravé la navigation du
port d'Ostende vers l'intérieur, pendant un grand nombre de jours : si,
maintenant, il faut que le port d'Ostende évacue et les eaux du canal de Gand,
comme il le fait aujourd'hui, (car je suppose que le même régime sera maintenu)
et de plus les eaux que l'on déversera directement de Deynze dans le canal de
Gand, par le canal de Deynze à Schipdonck, alors il est certain qu'il y aura
aggravation pour le port d'Ostende. On prétend le contraire et pour cela un
fait valoir deux arguments.
On nous dit d'abord qu'il sera établi des écluses en aval et en amont du
canal de Deynze à Schipdonck, et l'on ajoute : Il est évident que ces écluses
seront manœuvrées par le corps des ponts et chaussées, d’une manière
convenable, de manière à ne pas aggraver la position des terres de la Flandre
occidentale en ce qui concerne les inondations, la position du canal, en ce qui
concerne l'écoulement des eaux. Messieurs, je me permettrai de dire que quelle
que soit la confiance que je place dans le corps des ponts et chaussées, tel
qu'il est constitué aujourd’hui, ni les écluses, ni les assurances qu'on me
donne, ne peuvent me tranquilliser. Lorsque des intérêts aussi considérables
sont en jeu, lorsqu'il s'agit non seulement d'intérêts actuels, mais encore
d'intérêts futurs, ce n'est pas dans les hommes, c'est dans les choses qu'il
faut trouver des garanties. Je suis heureux de pouvoir appuyer cette opinion
sur la manière de voir d'un honorable ingénieur en chef, qui précisément est
signataire d'une pièce dont nous sommes saisis, je veux parler de l'ingénieur
en chef M. Wolters.
Le rapport de la section centrale nous apprend, en effet, à la page 12,
que la France, non contente des ouvrages qui ont été faits pour faciliter
l'écoulement de ses eaux dans le bassin de l'Escaut, a voulu également pouvoir
déverser en Belgique, d'une manière plus, rapide, les eaux de la Lys française.
On voit dans le rapport de la section centrale que la France a été bien près de
réussir dans cette prétention ; car on nous dit que l'ingénieur belge et
l'ingénieur français, chargés de ces négociations, ont été d'accord pour
reconnaître la nécessité, dans l’état actuel du bassin de la Lys française,
d'élargir de beaucoup les débouchés de Comines et de Menin. Pourquoi ces
débouchés n'ont-ils pas été élargis ? Le rapport nous l'apprend, c'est parce
que l'ingénieur en chef M. Wolters s'y est opposé, et
voici les motifs tels que le rapport nous les fat connaître : « Mais, comme l'a
fort bien démontré M. l'ingénieur en chef Wolters de
la Flandre orientale, dans un document annexé au même rapport sous le littera
E, cet élargissement n’aurait d’autre effet pour la situation actuelle que de
déplacer le mal dont on se plaint en France pour en grever le territoire
belge. »
L'ingénieur en chef M. Wolters a très bien
fait de s'opposer à ce que demandait la France, et je le félicite de son
opposition, mais je ferai remarquer que ce débouche de Comines, que ce débouché
de Menin qu’il s’agissait d'élargir, auraient certainement été munis d’écluses,
de barrages ou de quelqu'autre ouvrage de ce genre,
et que les écluses ou les barrages se trouvant sur le territoire belge eussent
été à la disposition exclusive du corps des ponts et chaussées belge.
Maintenant si des écluses et si la confiance qu'on doit avoir dans le
corps des ponts et chaussées pour la manœuvre de ces écluses, sont une garantie
suffisante, pourquoi donc l'ingénieur en chef M. Wolters
s’est-il opposé à l’élargissement dont il s’agissait ? Le corps des ponts
et chaussées belge pouvait toujours manœuvrer les écluses de manière à empêcher
le déversement trop rapide des eaux de France sur le territoire belge.
Eh bien ! l'honorable M. Wolters n'a pas été de cet avis. Cette fois il n'a pas eu
confiance dans les écluses, il n'a pas eu confiance dans le corps des ponts et
chaussées, et l a eu raison, et s'il y a pu avoir chez lui défaut de confiance,
je ne dois pas, moi non plus, avoir confiance dans les écluses qu'on veut
établir à Schipdonck, et dans la manière dont ces écluses seront manœuvrées par
le corps des ponts et chaussées, soit aujourd'hui, soit dans un demi-siècle ou
même dans un siècle.
Le deuxième argument sur lequel on s'appuie pour prouver que le canal de
Deynze à Schipdonck ne causera pas de préjudice à la Flandre occidentale et à
la navigation, est celui-ci :
Aujourd'hui, nous dit-on, le canal d Ostende évacue les eaux des terres
du nord de Bruges ; évacuation qui se faisait autrefois par le Zwyn, mais
qui depuis 1830, se fait par le canal d'Ostende. Or, ajoute-t-on, lorsqu’on
aura construit le canal de Damme à la mer, cet écoulement par le port d’Ostende
cessera, et alors, toutes ces eaux, venant du nord de Bruges, seront évacuées
par le canal du Damme à la mer. D'un autre côté, le port d'Ostende reçoit
aujourd'hui les eaux venant des terres qui sont situées entre ce port et celui
de Nieuport. Mais sitôt que les travaux
qu'on fait autour de Nieuport seront achevés, cet écoulement par le port
d'Ostende cessera (page 1445) et
toutes ces eaux s'écouleront dans la direction de Nieuport, à tel point qu'il
n'y aura pas une seule goutte d'eau (dit la section centrale) qui passera par
le port d'Ostende.
Alors, s'étayant de ce double fait, l'on soutient que le canal et le
port d'Ostende vont éprouver prochainement, de ce double chef, un allégement
considérable, allégement qui compensera, dit-on, et au-delà, l'aggravation qui
peut résulter de la construction du canal de Deynze à Schipdonck.
Je crois avoir reproduit exactement les arguments de la section centrale
et du gouvernement ; eh bien, je suis fâché de le dire, et à la section
centrale et au gouvernement, tout ce raisonnement, d'un bout à l'autre, est
basé sur l'ignorance la plus complète des faits. La section centrale, pas plus
que le gouvernement, ne connaît ni les localités, ni les bassins d'inondation,
ni les moyens d'écoulement de ces eaux.
D'abord, je m'occuperai du gouvernement. Je dis que le gouvernement ne
connaît pas la situation, et pour le prouver, je n'ai qu'à vous lire un passage
de son exposé des motifs. Voici ce que je trouve à la page 6 du dernier
paragraphe :
« Il est d'ailleurs à remarquer que, par l'achèvement de la première
section du canal de Zelzaete et des travaux en construction autour de Nieuport,
les canaux de Gand à Bruges et à Ostende cesseront, à une époque peu éloignée,
de servir de voie d'écoulement pour les eaux du nord de Bruges et du pays de
Furnes. »
Or, messieurs, tous ceux qui connaissent un peu les localités vous
diront que le pays de Furnes n'a jamais envoyé une seule goutte d'eau dans le
canal et le port d’Ostende ; qu'aujourd'hui le pays de Furnes n'y envoie pas
non plus une seule goutte d'eau, et que jamais il n'y en enverra ; ils vous
diront tous que le pays de Furnes a toujours évacué, qu'il évacue encore
aujourd'hui, et qu'il évacuera probablement toujours les eaux par le port même
de Nieuport, et cela par une ancienne écluse qui porte encore le nom
significatif d'Ancienne écluse de Furnes.
J'ai devant moi la carte des localités, et il suffit d'y jeter les yeux,
pour reconnaître tout de suite combien le pays de Furnes se trouve éloigne du
bassin d'Ostende, combien il est impossible qu'il y ait communication entre les
eaux venant de ce pays et le canal d'Ostende.
Vous voyez maintenant quelle confiance vous pouvez placer et dans les
connaissances du gouvernement sur les voies d'écoulement de la Flandre
occidentale et dans la manière dont on a instruit l'affaire.
J'arrive maintenant à la section centrale, et celle-là a commis des
erreurs qui ne sont pas moins curieuses, mais qui ne doivent cependant
surprendre personne attendu qu'il s'agit ici de localités de la Flandre
occidentale et que les membres de la section centrale étant tous étrangers à
cette province, ne peuvent pas connaître ces localités aussi bien que celles
qu'ils sont dans l'habitude de fréquenter.
La section centrale, voulant faire une espèce d'instruction sur les
réclamations qui ont été adressées à la chambre, range en trois catégories ces
pétitions de l'examen desquelles elle a été saisie.
La première catégorie de pétitionnaires est composée, dit-elle, des
communes et wateringues qui autrefois avaient leur écoulement par le Zwyn et
qui aujourd'hui écoulent leurs eaux par le port d’Ostende, écoulement qui pour
toutes ces communes et wateringues, cessera par la construction du canal de
Damme à la mer.
La seconde catégorie de la section centrale est composée des communes et
wateringues situées entre Ostende et Nieuport qui aujourd'hui évacuent leurs
eaux par le port d'Ostende, mais qui cesseront, dit-on, d'y envoyer une goutte
d'eau, lorsque les travaux que l'on fait autour de Nieuport seront achevés.
Enfin, la troisième catégorie de pétitionnaires se compose des villes de
Bruges et d'Ostende.
Je commencerai par dire à la section centrale que sa classification est
incomplète. J'ai pris la liste des pétitionnaires, et il y en a qui ne peuvent
être placés dans aucune des trois catégories. Dans quelle catégorie, par exemple, faut-il placer les pétitionnaires
de Saint-André, de Varsenaere, de Sneldeghem,
de Zedelghem, de Ruddervoorde,
de Lophem, d'Oostcamp et
d'autres localités voisines ? Les eaux provenant de ces localités, vont-elles déboucher dans le canal de Damme, quand il sera
fait ? Non, la chose est impossible ; car ces eaux devraient franchir le canal
de Gand à Bruges. Se déchargeront-elles par Nieuport, quand les travaux que
l'on fait autour de cette ville seront achevés ? Mais non, la chose est encore
impossible ; car les eaux provenant de ces localités devraient ou franchir des
terres élevées, ou franchir soit le canal de Plasschendaele,
soit celui de Moerdyk.
Ces pétitionnaires devraient donc être rangés dans une autre catégorie ;
il fallait faire une catégorie spéciale pour les communes et les wateringues
dont les eaux se rendent, d'un côté, dans le canal de Bruges à Gand, et d'un
autre côté, dans le canal de Bruges à Ostende ; de cette manière on serait
resté dans le vrai, et l'on n'aurait pas écarté cette catégorie-là de
pétitionnaires par des arguments qui ne leur sont pas applicables.
Mais ce n'est encore là qu'une erreur de faible importance
comparativement à ce que je vais avoir l'honneur de vous signaler maintenant.
J'arrive à la première catégorie de pétitionnaires, c'est-à-dire ceux
qui, d'après la section centrale, appartiennent aux communes et aux wateringues
du nord de Bruges, et qui, toujours d'après elle, évacuaient
toutes leurs eaux par le Zwyn et les évacueront à l'avenir par le canal de
Damme à la mer.
Je ferai remarquer à la section centrale, puisqu'elle l'ignore, que les
terres au nord de Bruges sont divisées naturellement en deux grandes parties
par le canal de Lisseweghe ; que la plus considérable
de ces deux parties se trouve entre le canal de Lissewenghe et
le port d'Ostende, et la plus petite entre ce même canal et la frontière
hollandaise.
Il est vrai que dans cette dernière partie, mais dans cette partie
seulement, les eaux s'évacuaient autrefois par le Zwyn et s'écoulent
aujourd'hui temporairement par le canal d'Ostende ; il est vrai (du moins on
l'assure) qu'après la construction du canal de Damme à la mer, ces eaux
s'évacueront par ce dernier canal ; et ici j'admets l'argument de la section
centrale pour cette partie des terres du nord de Bruges ; mais pour les terres
qui se trouvent entre le canal de Lisseweghe et le
port d'Ostende, l'argument tombe complétement à faux.
Ces terres-là n'ont jamais évacué leurs eaux par le Zwyn, mais bien par
le canal et les ports d'Ostende ; et après l'ouverture du canal de Damme, elles
ne verseront pas une seule goutte d'eau dans celui-ci.
Maintenant, messieurs, veuillez remarquer que parmi les pétitions que la
section centrale range dans la catégorie de celles qui nous sont venues du nord
de Bruges, il n'y en a guère que 4 ou 5, si je ne me trompe, qui appartiennent
à cette partie du terrain qui, plus tard, évacuera ses eaux par le canal de
Damme. Le plus grand nombre de pétitions provenant du nord de Bruges,
appartient à l'autre partie qui ne doit pas évacuer ses eaux par le canal de
Damme, mais qui doit, en tout état de cause, continuer à les évacuer par le
port d'Ostende. Les membres de la section, n'ayant aucune connaissance
personnelle des localités, ont pensé, et cela se conçoit, que toutes les terres
au nord de Bruges se trouvaient dans la même position, quant à l’écoulement des
eaux. Je passe maintenant à la seconde catégorie des pétitionnaires.
La section centrale nous dit que les terres basses qui se trouvent entre
le port d'Ostende et celui de Nieuport évacueront leurs eaux par Nieuport,
lorsque les travaux que l'on exécute autour de cette ville seront achevés. Et
pourquoi ? parce que, dit la section centrale, ces
travaux vont donner un écoulement facile au bassin de l'Yzer
et que les terres basses qui sont dans le voisinage d'Ostende dépendent du
bassin de l'Yzer.
D'abord, je dirai à la section centrale qu'après l'achèvement des
travaux qu'on fait autour de Nieuport, toutes les eaux provenant des terres qui
avoisinent Ostende, continueront à s'écouter par le port d'Ostende, et doivent
nécessairement continuer de s'écouler par ce port : et j'ajouterai, quant au
bassin de l'Yzer, que ce bassin se trouve éloigné du
plusieurs lieues des terres basses qui avoisinent Ostende ; et qu'à raison
d’obstacles réels, tels que terres élevées, digues, etc., il n'y a pas la
moindre communication entre les eaux du bassin de l'Yzer
et celles des terres basses qui se trouvent à l'ouest d'Ostende.
Vous voyez, messieurs, que la section centrale n'est pas plus au fait
des localités que ne l'est le gouvernement ; et, sans lui en faire un reproche,
je ne puis m'empêcher de dire que, de sa part, l'instruction des intérêts de la
Flambe occidentale a été incomplète sous tous les rapports.
Mais peut-être croirez-vous, messieurs, que les préjudices dont la
Flandre occidentale est menacée par le projet de loi ne sont pas considérables,
matériellement parlant ; ce serait là une grave erreur dans laquelle je ne dois
pas vous laisser ; je ne dirai rien des inondations, d'autres vous en
entretiendront ; je vous parlerai seulement de ce qui concerne la navigation,
et encore n'en dirai-je que peu de mots, car je sens que j'ai déjà occupé bien
longtemps l'attention de la chambre.
Je me bornerai donc à vous citer deux faits : le premier, relatif à la
navigation intérieure, et l'autre, à la navigation extérieure du port
d’Ostende. L'hiver dernier, sauf un intervalle de sept jours, la navigation a
été interrompue sur le canal d'Ostende à Bruges, pendant deux mois et huit
jours. Ainsi, dans l'état actuel des choses, le simple écoulement des eaux
d’inondation a entravé la navigation intérieure du port d’Ostende pendant un
sixième de l'année ; et encore, je ne tiens pas compte des interruptions
ultérieures qui auront nécessairement lieu pour réparer les dommages que
l’écoulement de ces eaux d'inondation a dû causer aux digues et au canal.
Voilà le premier fait ; voici le second : on a fait un sondage sur la
barre du port d'Ostende, au mois de novembre dernier, avant les inondations ;
ce sondage a amené un résultat au-dessous de zéro de l'échelle du port ; au
commencement de février on a fait un deuxième sondage ; celui-là a eu pour
résultat de constater que pendant un peu plus de deux mois d'écoulement d'eau
d'inondation, la barre du port s'était élevée d'à peu près un mètre. Dans
l'état actuel des choses, les inondations doivent ensabler le port d'Ostende,
que sera-ce quand on aura construit le canal en projet !
Messieurs, j'ai raisonné jusqu'ici dans l’hypothèse que la Lys resterait
ce qu'elle est, mais je vous ai déjà fait remarquer que la France avait élevé
des prétentions, de nature à augmenter la masse des eaux de la Lys sur le
territoire belge ; j'ai fait remarquer qu'elle avait même été très près de
réussir dans ces prétentions. Je dois ajouter maintenant que, dans l'opinion de
la section centrale, sitôt que le canal de Deynze à Schipdonck sera construit,
il y aura possibilité d'élargir les débouchés de Comines et de Menin et de
jeter par-là dans la Lys belge une plus grande masse d’eau de la Lys française.
Quand les eaux arriveront en plus grande masse de France et qu’elles
seront conduites plus directement à Ostende par le canal de Schipdonck, les
préjudices dont j'ai parlé jusqu'ici augmenteront encore dans une proportion
considérable.
Il me reste à vous parler des considérations d'économie devant
lesquelles s'arrête le gouvernement. J'ai dit que ces considérations étaient de
nulle valeur. Je maintiens mon dire ; et voici comment je justifie mon opinion.
Le canal de Deynze à Schipdonck doit coûter un million. L'exécution du
système entier propose par la commission de 1841 doit coûter cinq millions. (page 1446) On dirait, donc à première vue,
qu'il se présente là pour le trésor une économie de 4 millions. Eh bien, ce
n'est là qu'une véritable illusion.
Dans l'opinion de la commission de 1841, dans l'opinion du conseil des
ponts et chaussées, dans l'opinion même du gouvernement, et j'ajouterai, sans
craindre d'être démenti, dans l'opinion de la majorité au moins de la section
centrale, la construction du canal de Deynze à Schipdonck n'est qu'un
palliatif, n'est qu'un essai, une tentative pour obtenir une amélioration
sensible.
Lorsque les inondations auront continué quelque temps encore, quand on
se sera convaincu que le but qu'on doit se proposer n'est pas atteint, il
faudra bien qu'on en vienne à construire l'ensemble des travaux proposés par la
commission de 1841, c'est-à-dire, à construire le canal de Schipdonck à la mer,
et à dépenser les cinq millions qu'on ne veut pas dépenser aujourd'hui. S'il en
est ainsi, tout ce qu'on obtiendra en ne construisant le canal que de Deynze à
Schipdonck, c'est un répit pour le trésor, rien de plus. Encore, ce répit ne
sera-t-il pas obtenu sans sacrifice ; car il faudra que le trésor paye les
dépenses nécessaires pour maintenir le port d'Ostende dans sa profondeur
normale ; il faudra en outre que le trésor fasse les dépenses nécessaires pour
réparer les dommages que l'écoulement extraordinaire des eaux causera au canal.
Voilà la position du trésor ; ce projet ne lui fait pas d'autre avantage que de
lui accorder un répit chèrement payé. Voyons maintenant la position du pays.
Pendant un an, deux ans, on va s'occuper de construire le canal de
Deynze à Schipdonck ; pendant deux ou trois ans ensuite on cherchera à
apprécier les résultats de ce canal. Quand on les aura bien appréciés, quand on
aura bien constaté que le canal de Schipdonck est insuffisant, il faudra bien
quelques années encore pour étudier sur le terrain le canal de Schipdonck à la
mer ou tout autre écoulement direct ; pour faire examiner le projet par le
conseil des ponts et chaussées, pour le discuter en conseil des ministres, pour
le présenter aux chambres, le faire discuter et voter, et enfin pour l'exécuter
; je pense que ce n'est pas trop dire que de fixer à 10 ans d'ici, l'ouverture
du canal qui doit conduire les eaux de la Lys directement à la mer à Heyst. Pendant ce temps les inondations auront continué à
faire éprouver des pertes considérables au pays. Ces pertes peuvent s'élever,
suivant les circonstances, à 20, 30 ou 40 millions de francs.
Ainsi, d'un côté, pour le trésor, simple
répit, et répit chèrement payé, et, de l'autre, pour le pays, perte de 20, 30
ou 40 millions. Si c'est là de l'économie, c'est une économie déplorable,
indigne d'un homme d'Etat. Je ne veux pas d'une pareille économie.
Je bornerai là, pour le moment, les observations que j'ai cru devoir
soumettre à la chambre, me réservant de reprendre la parole si la discussion
m'y détermine.
M. Delehaye. - Messieurs, l'honorable orateur que vous venez d'entendre a adressé un
singulier compliment à la section centrale ; il est vrai i que ce compliment
peu flatteur a été également adressé au ministre. Il est bon de vous faire
remarquer pour votre édification, que le ministre attaqué n'est plus au
pouvoir.
Toutefois, il vous paraîtra étrange à vous, pour la plupart étrangers
aux Flandres, d'être appelés à statuer sur une question concernant une
localité, qu'on vienne décliner la compétence du la section centrale-, dont la
composition cependant devait présenter des garanties, puisque la plupart de ses
membres appartiennent à la Flandre orientale, province attenante à celle dont
il s'agit.
On m'interrompt en me disant que ces membres appartiennent à la Flandre
orientale. J'admets cette rectification. Comment ! les
membres de la Flandre orientale et le ministre qui n'est plus au pouvoir et
qu'a si fort attaqué l'honorable M. Donny, ne connaissaient rien à la situation
des lieux ! Mais vous qui prétendez que nous ne sommes pas à même de prononcer
en connaissance de cause sur la question parce que nous en sommes éloignés, en
êtes-vous plus rapproché, vous M. Donny, qui demeurez à Gand ?
Ce n'est pas la première fois que nous voyons les députés de la Flandre
occidentale en opposition avec les membres de la Flandre orientale ; vous n'avez
pas oublié la singulière objection que faisaient ces honorables membres quand
une partie de la Flandre occidentale demandait à être rattachée au chef-lieu de
la Flandre orientale, quand la ville de Thielt, par exemple, demandait à être
mise en communication avec Gand. C’étaient ces messieurs de Bruges qui,
prétendant mieux connaître les intérêts des localités de la province
occidentale, ne voulaient pas que Thielt fût mis en rapport avec la ville de
Gand, qui lui fournissait seule des moyens de subsistance. Cette opposition,
comme celle d'aujourd'hui n'a fait aucune impression sur vous parce qu'elle est
dictée par l'esprit de clocher.
Je suis cependant d'accord sur un point avec M. Donny, je regrette
profondément que le gouvernement, après avoir fait étudier la question et
acquis la conviction intime que le projet qu'il nous a présenté était
insuffisant pour que les inondations cessassent, ne nous ait pas présenté le
projet en entier, tel que le présentaient les ingénieurs. Le gouvernement,
craignant sans doute de rencontrer une opposition au nom du trésor, s'est borné
à présenter une partie de ces systèmes. Toutefois, ne nous le dissimulons pas,
quoique le ministre qui a présenté ce projet ne soit plus au pouvoir, je me
plais à le remercier d'avoir porté la question devant la chambre ; le premier
il a compris la nécessité de prévenir les inondations.
Rappelez-vous, messieurs, notre altitude, à nous, députés de la Flandre
orientale, quand il s'est agi du canal de Zelzaete, auquel nous n'avions aucun
intérêt. Notre conduite était différente de celle de nos adversaires, nous
n'avons cessé de répéter que le canal de Zelzaete, quoique n'ayant aucune
utilité pour nous, n'en devait pas moins être construit. Les députés de la
Flandre occidentale nous répondaient que les eaux du nord de Bruges, trouvant
leur écoulement dans le canal de Zelzaete, nous trouverions un débouché à la
mer, par le canal de Gand à Ostende, dans lequel nous remplacerions les eaux du
nord de Bruges. Cet argument qu'on nous opposait alors, pour empêcher notre
opposition à ce canal, on l'oublie aujourd'hui. C'était le principal argument
qu'on faisait valoir vis-à-vis de nous, députés de la Flandre orientale ; il
était très puissant.
Aujourd'hui, toutes les eaux du nord de Bruges trouvent leur écoulement
par le canal de Zelzaete ; cette circonstance nous permettait de compter sur le
canal d'Ostende à Bruges qui, débarrassé, de ces eaux, pouvait recevoir celles
de la Lys. Cet espoir nous avait été promis, et je vois avec plaisir M. de
Muelenaere me faire un signe affirmatif.
Or, les eaux du nord de Bruges se trouvant dirigées vers la mer, par le
canal de Damme, il en résulte que les eaux de la Flandre orientale devaient se
déverser par le canal de Bruges à Ostende vers la mer.
C’était ainsi que nous avions un passage vers la mer, et que nous
pouvions indirectement tirer un grand parti du canal de Zelzaete.
Mais, dit l'honorable M. Donny, en 1845, les écluses de Slykens ont travaillé de toute leur puissance, d'abord
pendant seize jours, ensuite pendant 21 jours, pour évacuer exclusivement les
eaux de la Flandre orientale.
D'abord, je veux admettre ces faits comme vrais. Cependant je ferai
remarquer que c'est assez étrange ; car je remarque toujours, lorsque la crue
des eaux est abondante, que les écluses à Bruges sont se hermétiquement fermées
que les eaux du canal de Bruges, bien loin de se diriger vers Bruges, se
dirigent vers Gand.
C'est ainsi que la rivière la Riviérette
(communément en patois dit het Riviertje) située
exclusivement sur le territoire de la Flandre occidentale et qui a son débouché
dans le canal de Bruges, rivière qui, bien que petite en apparence, nous amène
une grande quantité d'eau, bien loin de diriger son cours vers la mer par le
canal d'Ostende, les reflue vers Gand. Moi-même qui habite une partie de
l'année sur les bords du canal de Bruges, j'ai souvent assisté à ce triste
spectacle de voir les eaux de Bruges remonter vers Gand. Or d'où cela
provient-il ? Cela s'explique tout naturellement ; et quoique nous soyons
étrangers à la localité, nous l'expliquerons cependant ; c'est que Bruges pour
mieux et plus facilement faire évacuer les eaux du nord, ferme ses écluses et
se débarrasse d'abord de toutes ces eaux, comptant sur notre coopération pour donner
passage aux eaux qui se trouvent dans le canal de Bruges.
Mais, dit l'honorable M. Donny, une fois pendant 10 jours, une autre
fois pendant 21 jours, les écluses ont été fermées aux eaux du canal de Damme,
et l'écluse de Slykens a travaillé de toute sa
puissance pour évacuer les eaux de Gand. Quand cela ? Quand, pour alimenter le
canal d'Ostende, il vous fallait des eaux que ne vous fournissait plus la
canalisation, et alors que débarrassés de toute crainte d'inondation, vous
trouviez votre intérêt à donner passage aux eaux que contient le canal de Gand
à Bruges. De l'argument de mon honorable collègue, il y a une autre
considération à déduire, c'est celle-ci :
Le canal d'Ostende a reçu, dit-on, pendant 16 et 21 jours les eaux de
Gand et il n'en est résulté aucun dommage pour les bords, pour les talus de ce
canal ; dès lors que deviennent ces réclamations qu'on adressait à la chambre,
lorsqu'on disait que le canal d'Ostende ne pouvait sans de grands dommages
servir aux écoulements ? Si ce canal a pu le faire alors, pourquoi donc ne
pourrait-il pas faire pour nous ce qu'il fait encore tous les jours pour le
nord de Bruges ?
Cela répond à l'observation faite à M. le ministre auteur du projet. De
ce que l'écluse a travaillé d'abord pendant 16 jours et ensuite pendant 21
jours sans qu'il y ait eu dommage, on peut conclure que le dommage ne sera pas
plus considérable lorsque l'écluse recevra les eaux de la Flandre occidentale.
Mais la section centrale a dû faire différentes catégories des pétitions
dont elle était saisie. Pourquoi ? Pour faire voir combien quelques-unes
étaient peu fondées. Le système du pétitionnement dans la Flandre occidentale a
été singulièrement organisé. C'est ainsi que nous avons vu des communes venir
s'opposer à la construction du canal de Schipdonck, après l'avoir demandée avec
instance. Il y a 18 ou 20 communes toutes appartenant à la Flandre occidentale
qui sont dans ce cas. Or, il ne s'agissait pas de la
continuation vers la mer ; on ne conteste pas cette position. Je n'attache pas
à cela une grande importance. Je veux dire que beaucoup de communes ont
pétitionné sous l'influence des personnes intéressées ; mais qu'elles n'ont pas
plus compris leurs intérêts quand elles s'y sont opposées, que quand elles
l'ont demandé.
Si l'on décidait que le canal de Deynze doit s'arrêter à Schipdonck, je
déclare franchement que je m'y opposerais ; il ne ferait que déplacer les
inondations, les localités en amont de Schipdonck supporteraient le même fléau
que nous voulions prévenir ; et personne ne doit vouloir cela, il faut aller
plus loin.
Le gouvernement a déclaré très sagement que son projet était de pousser
le canal jusqu'à la mer ; mais il a ajouté qu’il voulait voir si ceux qui
prétendaient que le canal de Zelzaete achevé, les eaux de la Lys supérieure
pourraient sans dommage prendre la place de celles qui prendraient la nouvelle
direction, avaient raison ; de là, d'ailleurs, quel mal pouvait-il en résulter
? Un simple retard de quelques mois ; car quand le canal de Zelzaete sera
achevé, on pourra donc faire écouler les eaux sans dommage pour qui que ce
soit.
Mais il y a plus, c'est que le gouvernement, en présentant ce projet de
loi, a déclaré que le motif qui l'avait fait agir était un motif d'intérêt
financier : c'est parce que la situation du trésor ne permettait pas de faire
un travail d'ensemble qu'il a voulu qu'on s'arrêtât à Schipdonck, et qu'on
tentât une dernière épreuve.
(page 1447) Quant à moi, je voudrais que,
pour des travaux de cette nature, on ne fût jamais arrêté par des considérations
tirées du chiffre de la dépense ; et c'est par suite de cette considération que
j'aurai l'honneur d'amender le projet ; je ne recule pas devant la dépense,
alors qu'il s'agit de prévenir des pertes incalculables.
J'explique ainsi le projet du gouvernement auquel je suis bien loin
d'adresser le singulier compliment que vient de faire le député d'Ostende qui
n'a d'ordinaire que des choses très flatteuses à lui dire.
M. Donny. - Je demande la parole.
M. Delehaye. - M'honorable membre ne s'est pas borné à attaquer le ministère ; il a
attaqué la section centrale. Je ne fais donc que me défendre.
Je crois pouvoir dire incidemment que le ministère a dû être étonné
d'entendre adresser par l'honorable M. Donny, à un ministre qui n'est plus au
pouvoir, ce compliment peu flatteur qu'il aurait présenté un projet qu'il ne
connaîtrait pas. Si l'honorable M. Donny voit là quelque chose d'extrêmement
flatteur, c'est différent.
M. d’Hoffschmidt. - Je répondrai.
M. Delehaye. — Je n'en doute pas.
M. d’Hoffschmidt. - Au reste, le ministère actuel accepte le projet de loi.
M. Delehaye. - Alors la chose doit paraître encore plus étrange. Je continue,
messieurs.
Nous sommes en présence de trois systèmes.
Le premier consiste dans la construction du canal de Deynze à la mer. Le
gouvernement a proposé de s'arrêter momentanément à Schipdonck ; mais le
système de l'ingénieur ne s'arrête pas à ce point de Schipdonck. L'ingénieur
veut qu'il se dirige vers le canal de Bruges ; que de là il rejoigne la Lieve
et se dirige sur Heyst.
C'est un écoulement qui a toujours été réclamé, même dans la Flandre
occidentale. Je crois que la plupart des députés de la Flandre occidentale ont
accepté ce système. Je regrette que le gouvernement ne l'ait pas proposé ainsi
dans son ensemble. S'il avait fait une proposition, j'y aurais donné mon
assentiment. Ma proposition rétablira ce système, auquel j'espère que le
gouvernement voudra bien revenir.
Ce ne sont pas les dépenses qui me feront reculer, et elles ne seront
point de nature à faire reculer nos collègues de l'autre Flandre, dont toutes
les appréhensions disparaîtront ainsi complétement.
Je voterai donc la construction du canal jusqu'à la mer, et en
finissant, messieurs, je ferai une dernière observation.
Je regrette ce peu d'accord entre les députés des deux Flandres. En
général, les Flandres ne sont pas très bien partagées, comparativement aux
autres provinces. Si maintenant elles se divisent sur cette question, il en
résultera une prolongation des malheurs provenant des inondations. Nous qui
avons réclamé, pendant dix ans, contre les inondations, si nous nous divisons
nous aurons réclamé vainement.
Je ferai comme l'honorable M. Donny, je me
réserverai de répondre aux observations qui seront faites dans le cours de la
discussion.
Mais, pour le moment, qu'il me soit permis de dire aux députes de Bruges
qu'ils doivent accepter les conséquences de la position topographique de
Bruges. De même que nous recevons les eaux de la Lys et de l'Escaut, de même
Bruges, dont la position topographique est inférieure à la nôtre, doit recevoir
les eaux que lui amène le fonds supérieur ; c'est là une servitude toute
naturelle que nous désirons alléger pour nos voisins autant qu'il peut dépendre
de nous.
M.
Donny. - Je ne veux, dans ce
moment, que répondre à une observation de l'honorable M. Delehaye, qui me
paraît avoir un caractère personnel.
Cet honorable membre a fait remarquer que j'ai fait un mauvais
compliment à la section centrale et au ministre qui n'est plus au pouvoir. Je
ne suis ici pour faire de bons ou de mauvais compliments ni à la section
centrale, ni à personne. Je suis ici, comme l'honorable membre, pour remplir
des devoirs, et parmi ces devoirs se trouve celui de dire la vérité. Cette
vérité, je l'ai toujours dite et je la dirai toujours, et à la section
centrale, quelle qu'elle soit, et aux ministres, qu'ils soient encore au
pouvoir, ou qu'ils n'y soient plus.
M. Maertens. - Messieurs, il me semble qu'il convenait peu à l'honorable M.
Delehaye d'accuser notre opposition d'être dictée par un esprit de localité,
lorsque les deux députes de la Flandre occidentale que vous avez entendus ont
montré toutes leurs sympathies pour préserver les riverains de l'Escaut et de
la Lys des inondations dont ils sont affligés aujourd'hui, lorsque ces deux
honorables députés auxquels, de mon côté, je viens me joindre, se sont montrés
disposés à faire tout ce qui dépendait d'eux pour préserver le pays, pour
préserver la ville de Gand de ce fléau.
En effet, messieurs, les deux députés de notre province qui ont pris la
parole dans cette discussion, ne se sont nullement opposés à ce que l'on fît
des travaux tels qu'ils pussent, avec certaines chances de succès, amener les
résultats que l'on désire atteindre. Mais, messieurs, comme vous l'avez entendu
de la bouche de ces deux honorables membres, et notamment de la bouche de
l'honorable M. Donny, vous devez être convaincus que le projet de canal de
dérivation, que l'on nous soumet, est loin de pouvoir atteindre ce résultat.
Messieurs, tous nous connaissons le fléau de ces inondations. Moi tout
le premier, je prêterai tout mon concours pour en préserver la ville de Gand,
pour en préserver la vallée de l'Escaut et la vallée de la Lys. Moi qui ai vu
plus d'une fois ces désolantes inondations, je ne m'opposerai jamais à ce qu'on
emploie les moyens propres à en délivrer ceux qui en soutirent.
Messieurs, j'ai examiné attentivement toutes les pièces relatives à
cette question. J'ai parcouru entre autres un volumineux rapport dressé par
l'honorable M. Desmet, au nom d'une sous-commission, et par la lecture de ce
rapport, de même que par celle de toutes les pièces, je me suis convaincu que
ce n'est pas d'aujourd’hui que datent ces inondations, mais qu'elles se sont
représentées très souvent et à diverses époques. Je conviens cependant que
jamais elles n'ont été aussi désastreuses qu'elles le sont aujourd'hui. Mais
aussi dans ce volumineux rapport, j'ai vu que chaque fois qu'il s'est agi de
porter remède à ces inondations, toujours on a pris une mesure qui tendait à
conduire directement à la mer les eaux surabondantes que produisaient ces
inondations. Vous n'avez qu'à consulter le rapport rédigé par l'honorable M.
Desmet ; vous y verrez que toujours les voies d'écoulement que l'on a choisies
conduisaient directement les eaux vers la mer du Nord ; et je me hâte de le
dire, chaque fois aussi ces voies d'écoulement ont produit les résultats que
l'on en espérait.
Jamais, messieurs, jamais avant aujourd'hui il n'était entré dans la
tête de qui que ce fut de condamner un canal de navigation à rester
perpétuellement une voie d'écoulement. Quoi ! messieurs,
la Belgique possède un seul port direct, le port d'Ostende. La navigation sur
le canal d'Ostende à Bruges et de Bruges à Gand souffre considérablement depuis
la révolution par suite de l'envasement du Zwyn, parce que ce canal a été
obligé de recevoir pendant 16 ans les eaux du nord. Le mal en est arrivé à un
tel point que l'on a senti le besoin d'y porter un remède efficace. Eh bien, à
peine a-t-on décrété la construction du canal de Zelzaete, à peine est-on en
train de construire ce canal pour nous décharger d'une servitude qui n'était
pas la nôtre, pour nous remettre dans l'état où nous étions, que ceux-là même
qui ont voulu nous dégrever veulent nous grever aujourd'hui d'une servitude
beaucoup plus intolérable, d'une servitude qui doit à jamais détruire la
navigation sur le seul port direct que la Belgique possède. Oui, messieurs,
l'honorable M. Desmaisières, lorsqu'il est venu proposer, comme ministre des
travaux publics, la construction du canal de Zelzaete, a soutenu, dans toute la
discussion, que c'était une nécessité de construire ce canal, que depuis seize
ans on faisait servir injustement le canal de Bruges à Ostende à une voie
d'écoulement, qu'il était temps enfin de porter remède à ce fléau, qu'il
fallait réparer les pertes occasionnées par la révolution, que le canal
d'Ostende s'ensablait, que la navigation devenait tous les jours plus
difficile, qu'il fallait promptement décréter la construction du canal de
Zelzaete pour mettre un terme à un état de choses aussi grave ; et aujourd'hui
le même M. Desmaisières qui nous a débarrassés de ce fléau, veut nous accabler
d'un fléau beaucoup plus grand. Il ne veut plus nous envoyer les eaux du nord
de la Belgique, il veut, par une pente très rapide, en construisant le canal de
Deynze à Schipdonck, nous accabler de toutes les eaux de la Lys. Voilà
messieurs, la conduite de l'honorable M. Desmaisières.
Dans cette circonstance, je me plais à dire que telle n'a pas été
l'opinion de tous ceux qui ont examiné l'affaire. La sous-commission a reconnu,
de même que les ingénieurs, de même que le gouvernement, doivent reconnaître,
que l'on ne pouvait pas s'arrêter à ce seul travail, sinon que ce n'était que
déplacer le mal ; que si l'on voulait éviter les inondations, il fallait
nécessairement construire une voie directe vers la mer du Nord. Tout le monde a
été de cet avis ; personne ne viendra soutenir le projet qui vous est soumis
aujourd'hui. Tous ceux qui connaissent la question seront d'accord pour vous
dire que si la section de Deynze à Schipdonck seule se construit, nous sommes
condamnés à des inondations perpétuelles, aussi longtemps que le prolongement
vers la mer ne sera pas effectué. Déjà il nous arrive de Gand aujourd'hui des
quantités d'eau tellement abondantes que le canal de Gand à Bruges et de Bruges
à Ostende ne peut suffire à leur écoulement. Cela est tellement vrai que
pendant l'hiver qui vient de s'écouler la ville de Bruges elle-même a été
inondée, et que pendant tout l'hiver pas un seul pouce d'eau du nord de Bruges
n'a pu s'écouler par le canal d'Ostende. Déjà les eaux qui nous arrivent des
communes à l'est de Bruges et par Gand ne peuvent s'écouler que lentement ;
nous en sommes tellement encombrés que la navigation en souffre
considérablement, et c'est cet état de choses que non seulement on veut rendre
perpétuel, mais que l'on veut aggraver considérablement, que l'on veut rendre
mille fois plus intolérable encore.
Je demande, messieurs, s'il
y a ici de l'égoïsme de la part de ceux qui repoussent ce système. Ce qui
m'étonne, c'est que les honorables députés de Gand voudraient débarrasser, à
notre préjudice, leur localité du fléau qui l'afflige, alors que nous, députés
de Bruges, nous nous montrons disposés à leur donner la main pour les préserver
de ce fléau. Tous ils devraient s'associer à nous pour demander, non pas un
bout de canal, non pas une voie qui ne peut avoir que des résultats aussi
funestes, mais pour demander que le canal soit construit en entier, et que les
eaux surabondâmes de la Lys soient déversées directement vers la mer. Tous
devraient avoir à cœur de défendre la navigation vers le seul port direct que
nous possédions.
Je pense, messieurs, que ce peu de mots suffiront pour vous démontrer
que s'il y a ici de l'égoïsme, de l'esprit de localité, ce n'est pas de notre
part qu'il vient.
M. Desmaisières. - Messieurs, dans le discours que vous venez d'entendre, il y a eu,
d'une part des éloges pour moi au sujet du canal de Zelzaete, d'autre part des
reproches très vifs quant au canal de Schipdonck qui nous occupe en ce moment.
Messieurs, je ne parlerai pas des éloges, je ne m'occuperai que des reproches
et je démontrerai à l'instant même à l'honorable préopinant que, lorsqu'il me
les adresse, il est complétement dans l'erreur.
Cet honorable membre semble prétendre que c'est moi, qu'il transforme en
espèce d'Atlas, qui m'oppose à ce que l'on prolonge le canal de Schipdonck
jusqu'à la mer. Messieurs, il n'en est absolument rien ; toujours, au (page 1448) contraire, j'ai maintenu
l'opinion (et mes honorables collègues de la commission mixte peuvent vous le
dire), qu'il fallait décréter immédiatement le canal tout entier de Deynze
jusqu'à Heyst et la mer du Nord. Vous voyez donc que
les reproches que m'a adressés avec assez de vivacité l'honorable préopinant
sont tout à fait dénués de fondement.
Actuellement encore je suis de cette opinion,
j'ai étudié consciencieusement et longuement la question de l'écoulement des
eaux de l'Escaut, de la Lys et de leurs affluents, et c'est chez moi l'effet
d'une profonde conviction lorsque je vous déclare que mon opinion est que si
l'on ni décrète pas aujourd'hui le canal tout entier, depuis Deynze jusqu'à Heyst, on sera amené par la force des choses à l'exécuter
plus tard. Si un amendement était présenté à la chambre pour décréter
immédiatement la construction du canal tout entier, je l'appuierais et je le
défendrais.
M. Delehaye. - Eh bien, M. le président, j'en fais la proposition.
M. le président. - Veuillez écrire votre proposition.
M. Desmaisières. - Ainsi, messieurs, vous voyez que, loin que nous soyons divises à cet
égard, nous sommes parfaitement d'accord.
Mais le gouvernement a vu la question sous un autre point de vue. Il l'a
envisagée sous le point de vue financier, et c'est par ce motif qu'il est venu
nous présenter seulement un projet de canal depuis Deynze jusqu'à Schipdonck.
Mes honorables collègues de la section centrale peuvent encore attester
que plus d'une fois, dans le sein de la section centrale, j'ai exprimé le
regret de ce qu'on ne proposait pas à la chambre la construction du canal tout
entier depuis Deynze jusqu'à Heyst.
Vous voyez donc, messieurs, que je pourrais me dispenser, si je n'avais
pas ici le rôle de rapporteur à remplir, de répondre aux observations qu'a
présentées tout à l'heure l'honorable députe d'Ostende. Aussi, je crois pouvoir
me borner, pour accomplir ma mission de rapporteur de la section centrale, à
répondre à deux points du discours de cet honorable collègue.
L'honorable membre, avec une vivacité qui ne lui est certainement pas
habituelle, a reproché à la section centrale d'avoir commis de très graves
erreurs.
Et pourquoi, messieurs, aurait-elle commis des erreurs ? C'est d'abord
parce qu'elle aurait divisé les pétitionnaires contre la construction isolée du
canal de Deynze a Schipdonck, en trois catégories.
La première de ces catégories était celle des communes et wateringues
appartenant aux terrains bas du nord de Bruges : la seconde celle des communes
et wateringues appartenant aux terrains bas situés entre le bassin d'Ostende et
le bassin de Nieuport ; la troisième celle des villes et du commerce de Bruges
et d’Ostende.
Messieurs, j'ai été réellement fort étonné, après les prémisses de
l'honorable député d’Ostende, de voir que ces erreurs qu'il reprochait à la
section centrale consistaient en définitive en très peu de chose ; c'est-à-dire
qu'elles consistaient en ce que la section centrale n'aurait pas vu qu'il y
avait quelques communes qui n'appartenaient ni à l’une ni à l'autre des trois
catégories qu'elle avait établies.
Eh bien, messieurs, cette erreur-là, vous l'avouerez, est bien
pardonnable, surtout à une section centrale ; et puis elle est réellement très
peu de chose dans la balance pour la solution de la question qui nous est
soumise. Ensuite, si cette erreur existe, et je dois en croire l'honorable
député d'Ostende, qui peut, je l'avoue, mieux connaître les localités que moi),
voici comment elle a pu être commise : lisez les pétitions, elles sont sur le
bureau. Vous verrez qu'elles ont toutes à peu près la même formule, et qu'elles
n'indiquent pas à quel bassin les signataires appartiennent, qu'elles ne
donnent même aucune espèce d'indication qui puisse le faire présumer. Il était
donc très facile à la section centrale de se tromper dans la désignation des
bassins d'où émanait telle ou telle pétition.
L'essentiel, pour la section centrale, était de démontrer que les
observations renfermées dans ces pétitions n’étaient pour la plus grande partie
pas fondées. C'est ce que l’honorable député d'Ostende a dû avouer, car il est
certain que les terrains bas du nord de Bruges seront tout à fait mis hors de
cause dès que la première section du canal de Zelzaete, celle de Damme à la
mer, sera achevée, puisque ces terrains évacueront alors leurs eaux à la mer
par cette voie et non plus par le canal d'Ostende.
Quant à ce que j’ai dit, dans le rapport de la section centrale, du
bassin de l'Yzer, je ne l'ai dit qu'après avoir
consulté un honorable membre de cette chambre, que je regrette de ne pas voir
ici maintenant, mais qui appartient au bassin de l'Yzer
et qui, conséquemment, doit être mieux à même que l'honorable député d'Ostende,
de connaître cette localité.
Un autre point du discours de l'honorable député d'Ostende, auquel je
crois devoir répondre, c’est une erreur qu’il a lui-même commise.
Messieurs, l'honorable membre vous a dit : Mais lorsque nous exprimons
des craintes sur ce que le canal de Schipdonck étant une fois construit, et
prenant les eaux de la Lys à un point beaucoup plus élevé que celui de Gand où
elles se jettent actuellement dans le canal de Bruges ; lorsque nous exprimons
des craintes sur ce que les eaux de la Lys vont arriver et beaucoup plus
rapidement et en beaucoup plus grande abondance et vont par conséquent inonder
les terrains autour de Bruges et empêcher la navigation, alors on nous dit : «
Soyez tranquilles à cet égard, car il y aura une écluse à la prise d'eau du
canal, à la Lys et une autre écluse à Schipdonck, point où le canal déversera
les eaux de la Lys dans le canal de Bruges ; soyez tranquilles-, car les
ingénieurs des ponts et chaussées n'iront pas commettre la faute de déverser
les eaux d'une manière trop forte dans le canal de Bruges, c'est-à-dire d'une
manière telle qu'il en résulte des inondations pour les localités qui n'en sont
pas frappées actuellement ; ils n'iront pas manœuvrer les écluses de manière à
causer des calamités à certaines localités pour en éviter d'autres. » A cela je
réponds, continue, l'honorable M. Donny, par l'opinion de M. l'ingénieur de la
Flandre orientale, par l'opinion que M. Wolters a
exprimée relativement aux travaux dont le gouvernement français avait demandé
l'exécution pour élargir en Belgique le débouché des eaux de la Lys venant de
France, travaux que l'ingénieur en chef de la Flandre occidentale, qui était le
commissaire du gouvernement belge, avait, lui, cru devoir accorder au
gouvernement français.
Il est vrai, messieurs, que M. l'ingénieur en chef de la Flandre
orientale a émis une opinion contraire et qu'il a motivé cette opinion sur ce
qu'il serait arrivé pour une trop grande partie du territoire de la Flandre
occidentale, et pour une partie du territoire de la Flandre orientale, ce qui
arrive aujourd'hui par suite de l'élargissement de l'écluse d'Antoing, pour les
terrains riverains de l'Escaut ; l'ingénieur de la Flandre orientale s'est donc
opposé avec raison à ces travaux. Eh bien, messieurs, l'honorable. M. Donny
conclut de ces craintes exprimées par l'ingénieur de la Flandre orientale qu'il
faut craindre également que l'ingénieur de la Flandre orientale ou d'autres
ingénieurs manœuvreront les écluses de manière à inonder Bruges pour
débarrasser Gand. L'honorable député d'Ostende oublie une chose, c'est que pour
le canal de Schipdonck, les ingénieurs se trouveront placés entre les intérêts
de deux localités appartenant au pays, et par conséquent sous les ordres et la
direction du seul gouvernement belge, tandis que pour l'élargissement des
écluses du Menin et de Comines, sur la Lys, si on l'avait accordé, les
ingénieurs belges se seraient trouvés non seulement vis-à-vis de localités
belges, mais aussi vis-à-vis de localités françaises, en même temps que le
gouvernement belge se serait trouvé en présence du gouvernement français, en
présence du gouvernement d'une nation beaucoup plus forte que la Belgique ; ce
gouvernement nécessairement prédominant, lorsque nous lui aurions accordé
l'élargissement de ces écluses, aurait exigé que nous en fissions usage,
dussions-nous inonder notre propre territoire ; c'était là un très grand
danger, et vous voyez dès lors, messieurs, que la question est toute différente
de celle qui se présente aujourd'hui ; l'honorable député d'Ostende a donc eu
tort d'argumenter de l'opinion émise alors par l'ingénieur de la Flandre
orientale. Je le répète, il n'en est pas à l'égard des écluses de Deynze et de
Schipdonck comme il en eût été infailliblement en ce qui concerne les écluses
de Comines et de Menin si elles avaient été élargies, car pour le canal de
Schipdonck les ingénieurs tant de Bruges que de Gand se trouveront placés sous
le même ministre, qui certainement ne souffrira jamais qu'un ingénieur manœuvre
de manière à causer une calamité à une localité qui en a été affranchie
jusqu'aujourd’hui pour en éviter une à d'autres qui en ont malheureusement la
servitude actuellement.
- La séance est levée à 4 heures 1/2.