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Chambre des représentants de Belgique
Séance du lundi 4 mai 1846
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre,
notamment pétitions relatives aux inondations de la Dyle (Henot,
Scheyven) et au système des concessions ferroviaires (Rodenbach)
2) Projet de loi accordant un
crédit supplémentaire au budget du département de l’intérieur. Ecole vétérinaire
3) Projet de loi accordant un
crédit supplémentaire au budget du département des affaires étrangères
4) Rapport sur des pétitions
relatives à la concession ferroviaire de Liége à Namur (de
Tornaco)
5) Projet de loi autorisant
le gouvernement à concéder le chemin de fer de Manage à Wavre
6) Projet de loi portant le
budget du département des travaux publics pour l’exercice 1846. Discussion des articles.
Concession ferroviaire de Wavre à Manage et Braine-le-Comte (de
Bavay, Dechamps, Osy, Malou, Dechamps, Rogier),
concession de Louvain à la Sambre (de Bavay), (Lys)
(Annales parlementaires
de Belgique, session 1845-1846)
(Présidence de M. Liedts.)
(page
1209) M.
A. Dubus procède à l'appel nominal à deux heures.
M. de Man d’Attenrode donne lecture du
procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est approuvée.
M. A. Dubus présente l'analyse des pétitions adressées à la
chambre.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Le collège des
professeurs de l'école d'agriculture et de médecine vétérinaire de l'Etat
demande une loi d'organisation définitive de cette école et présente un projet
sur cette matière. »
- Renvoi à la section
centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi sur l'organisation de
l'école vétérinaire.
_________________
« Le sieur
Carlier-Gilain, directeur gérant de la société en commandite pour le tissage et
filature de laine, sous la raison Carlier-Gilain et comp., présente des
observations sur la convention de commerce conclue avec la France. »
« Plusieurs
fabricants de coutils à Turnhout demandent le rejet de cette convention. »
- Renvoi à la section
centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la convention et
insertion au Moniteur.
« Le conseil communal
d'Oyghem prie la chambre de sanctionner la convention de commerce conclue avec
la France. »
- Même décision.
« Plusieurs
usiniers à Malines réclament l'intervention de la chambre pour obtenir une
indemnité à raison du chômage auquel ils ont été condamnés par suite des
mesures prises dans l'exécution des travaux destinés à empêcher les inondations
de la vallée du Demer et de la Dyle. »
M. Henot. - Les
pétitionnaires possèdent tous des usines sur la rivière la Dyle à Malines ; ils
se plaignent à leur tour des ouvrages exécutés d'une manière si irrationnelle à
Werchter, et d'un chômage de près de trois mois auquel ces travaux ont condamné
leurs établissements ; comme les pertes qu'ils ont essuyées de ce chef ne sont
pas les résultats du régime naturel de cette rivière, mais la conséquence de
travaux exécutés d'une manière vicieuse, ils demandent la réparation du tort
qu'ils leur ont causé.
Je demande que cette
pétition soit déposée sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux
publics, et qu'après cette discussion elle soit envoyée au chef de ce
département.
M. Scheyven. - Il est un autre point dont les pétitionnaires
se sont occupés dans la pétition dont on vient de faire l'analyse. Ils
demandent que la Dyle soit endiguée entre Malines et Muyzen. En appuyant la
proposition de mon honorable collègue M. Henot, je crois devoir appeler
l'attention de M. le ministre des travaux publics sur cet objet, car il est
constant que, par suite des travaux faits en amont à la Dyle et au Demer, des
inondations fréquentes ont eu lieu et qu'il est impossible de préserver les
propriétés riveraines de la Dyle dans la suite, si l’on ne s'occupe pas de
faire endiguer la Dyle entre Malines et Muyzen.
- Le dépôt sur le
bureau pendant la discussion du budget des travaux publics et le renvoi au
ministre de ce département sont ordonnés.
« Le sieur de
Laveleye, ingénieur civil, présente des observations contre les demandes en
concession de chemins de fer et prie la chambre de ne point sanctionner de
nouvelles concessions avant d'avoir arrêté un plan qui assure les revenus des
lignes de l'Etat. »
M. Rodenbach. - Je demande que cette pétition soit déposée sur le
bureau pendant la discussion ; je demande ensuite qu'on la renvoie aux sections
centrales chargées d'examiner les divers projets de loi de demandes en
concession. Cette pétition est assez importante pour qu'on ordonne ce renvoi.
- Cette proposition
est adoptée.
PROJET DE LOI ACCORDANT UN CREDIT SUPPLEMENTAIRE AU
BUDGET DU DEPARTEMENT DE L’INTERIEUR
M. le ministre des finances (M.
Malou).
- J’ai l'honneur de présenter deux projets de loi de crédits supplémentaires.
Le premier concerne
l'école vétérinaire de l'Etat, pour laquelle les traitements des professeurs
n'ont pas été votés pour l'année 1845 entière.
Ce projet est ainsi
conçu :
« Sur la
proposition de nos ministres de l'intérieur et des finances, nous avons arrêté
et arrêtons :
« Notre ministre des
finances est chargé de présenter en notre nom à la chambre des représentants le
projet de loi dont la teneur suit :
« Art. unique.
Le budget des dépenses du département de l'intérieur, pour l'exercice 1845,
fixé par la loi du 13 mars de la même année (insérée au Moniteur du 18 mars
1845), est augmenté de la somme de 24,000 fr., destinée à payer les dépenses de
l'école de médecine vétérinaire et d'agriculture de l'Etat, pendant les mois de
novembre et de décembre 1845.
« Cette allocation
formera le chapitre XXIV, article unique, du budget du ministère de l'intérieur
de l'exercice susmentionné. »
M. le président. - Il est donné acte à M. le ministre des
finances de la présentation du projet de loi dont il vient de donner lecture.
Ce projet et les
motifs qui l'accompagnent seront imprimés et distribués aux membres.
M. le ministre des finances (M.
Malou).
- Je propose de renvoyer ce projet à l'examen de la section centrale qui a
examiné le budget de 1845.
- Cette proposition
est adoptée.
PROJET DE LOI ACCORDANT UN CREDIT SUPPLEMENTAIRE AU
BUDGET DU DEPARTEMENT DES AFFAIRES ETRANGERES
M. le ministre des finances (M.
Malou).
- J'ai l'honneur de présenter un projet de loi de crédit supplémentaire pour le
département des affaires étrangères.
Ce projet est ainsi
conçu :
» Sur la proposition de
Nos Ministres des affaires étrangères et des finances,
« Nous avons arrêté
et arrêtons :
« Notre Ministre des
finances présentera, en Notre nom, à la chambre des représentants le projet de
loi dont la teneur suit :
« Article
unique. Il est ouvert au département des affaires étrangères un crédit
supplémentaire de 39,618 fr. 08 c. destiné à couvrir des dépenses arriérées de
1845. Cette somme sera ajoutée à l'allocation votée pour le chapitre VI,
article unique, du budget de 1845, intitulé : Missions extraordinaires,
traitements d'agents politiques et consulaires en inactivité et dépenses
imprévues. »
M. le président. - Il est donné
acte à M. le ministre des finances de la présentation du projet de loi dont il vient
de donner lecture.
Ce projet et les
motifs qui l'accompagnent seront imprimés et distribués.
M. le ministre des finances (M.
Malou).
- Je propose de renvoyer ce projet à la section centrale qui a examiné le
budget des affaires étrangères de 1845.
- Cette proposition
est adoptée.
__________________
M. Eloy de Burdinne
demande un congé de trois jours.
- Accordé.
RAPPORT SUR DES PETITIONS
M. de Tornaco. - Messieurs, votre commission des pétitions m'a
chargé de vous faire rapport sur cinq pétitions que vous avez renvoyées à son
examen et qui concernent le tracé du chemin de fer de Liège à Namur, mais
seulement dans la partie qui doit s'étendre de Flémalle à Huy.
A l'exception d'une
seule, qui vous a été adressée par le comité des charbonnages liégeois, les
pièces dont il s'agit émanent de conseils de communes riveraines de la Meuse.
Ce sont les communes des Awirs, de Saint-Georges et d'Amay, situées à la rive
gauche, et de la Neuville-sous-Huy, située à la rive droite de la Meuse ; la
plus ancienne en date des pétitions qui nous occupent est du 27 janvier, la
plus récente est du 4 mars dernier. Toutes indistinctement, qu'elles soient
l'expression des vœux d'habitants de la rive gauche ou d'habitants de la rive
droite, tendent au même but, c'est-à-dire la construction du chemin de fer sur
la rive gauche. Bien qu'elles ne portent aucune trace de concert entre ceux qui
les ont signées, elles renferment cependant l'indication des mêmes besoins, des
mêmes intérêts, des mêmes faits. La pétition de la commune de Saint-Georges a
pourtant cela de remarquable, qu'elle vous est adressée de la localité même où
paraissait avoir pris naissance l'opposition au tracé sur la rive gauche. II
résulte évidemment de cette particularité que l'opposition manifesté dans une
question d'intérêt général n'avait pas seulement atteint la hauteur d'un
intérêt communal.
Les pétitionnaires
font ressortir en faveur du tracé par la rive gauche la supériorité numérique
et industrielle des populations. Tandis que le tracé par la rive droite ne
rencontrerait qu'une population de 2 à 3,000 âmes et seulement deux fours à
chaux, deux carrières de pierres et une poudrière ; le tracé par la rive gauche
traverserait des communes dont la population s'élève de 14 à 15,000 âmes et
possédant de 60 à 70 établissements industriels. Parmi ceux-ci il en est
beaucoup d'une grande importance, des exploitations de charbon, des fabriques
de zinc, des distilleries.
Tout est pour ainsi
dire industrie commerciale et manufacturière sur la rive gauche, pendant que
l'agriculture seule occupe la rive droite. Le chemin de fer qui activerait
l'industrie d'un côté prendrait, à l'autre côté de la rivière, d'excellentes
terres que l'agriculture tient à conserver. Ici le chemin de fer ferait du mal,
on le repousse ; là il ferait du bien, on le demande.
Les habitants de la
rive gauche, depuis longtemps en possession du mouvement commercial de la
vallée, en seraient privés par suite de l'établissement du chemin de fer sur
l'autre rive. Nul doute que cet établissement n'amenât la suppression des
messageries et d'une grande partie des moyens de transport dont jouissent
aujourd'hui les habitants de la rive gauche ; nul doute qu'il ne résultât de ce
changement une profonde perturbation dans leurs intérêts.
Ainsi l'adoption du
tracé du chemin de fer sur la rive droite, au lieu d'être, comme elle le serait
sur la rive gauche, une source de satisfaction, de richesse, de prospérité pour
tous les riverains de la Meuse, serait au contraire pour tous un sujet de
plaintes, d'appauvrissement, de ruine.
Tel est en peu de
mots le résumé des observations que vous ont adressées les pétitionnaires.
(page 1210) Votre commission a reconnu toute la justesse de ces
observations, elles s'accordent parfaitement avec le contenu des pièces qui
furent soumises à la chambre lorsqu'elle vota la loi de concession du chemin de
fer dont il s’agit.
Les vœux des
pétitionnaires sont également d’accord avec la pensée qui a présidé à la
présentation et au vote de la loi. Le rapport de M. l'ingénieur Magis, qui a
servi de base au projet de loi, l'exposé des motifs à l'appui de ce projet, le
rapport de la section centrale, sont autant de pièces qui peuvent servir de
fondement à cette opinion.
Votre commission a
l'honneur de vous proposer le renvoi des pétitions à M. le ministre des travaux
publics.
- Ces conclusions
sont adoptées.
Discussion des articles
Chapitre III. -
Chemin de fer, postes
Première section. -
Chemins de fer
M. le président. - La discussion
continue sur le chapitre III, article premier.
M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la
chambre les pièces relatives à la concession du chemin de fer de Wavre à Manage,
dont l'honorable M. Osy a demandé la production dans une précédente séance. Ces
pièces se composent :
1° D'une demande de
concession de M. Al. Vifquain du 22 avril 1845, avec plan à l'appui ;
2° D'une lettre du 6
mai 1845, de M. le comte de Hompesch ;
3° D'une lettre de M.
le ministre des travaux publics du 8 mai 1845.
Plusieurs voix. - Donnez-en lecture
!
M.
le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Comme c'est à moi que
l'interpellation, que la demande de renseignements a été adressée, la chambre
me permettra de donner lecture des pièces que mon honorable collègue vient de
déposer sur le bureau.
Voici la lettre de M.
Alexandre Vifquain du 22 avril 1845, qui accompagnait le dépôt du projet déposé
sur le bureau :
« M. le ministre,
« J'ai l’honneur de
vous adresser ci-joint le plan et le profil d'un chemin de fer parlant de
Manage et se dirigeant d'une part vers Lobbes (sur Sambre), par l'Olive,
Bascoup, Anderlues, et d'autre part, sur Nivelles, Genappe et Wavre, en suivant
la vallée de la Dvle.
« La première partie
de ce chemin de fer serait évidemment la voie la plus convenable pour exporter
les charbons du district du centre vers la Sambre française, l'Oise et le marché
de la Seine. La seconde rattacherait les importantes villes de Nivelles et
Genappe au réseau des grandes communications du pays et satisferait ainsi à un
vœu si souvent manifesté par nos populations wallonnes. Considéré sous ce
double point de vue, le railway projeté présente un caractère d'utilité
publique tellement évident, que d'autres développements deviendraient inutiles.
Le railway de Manage, district du centre, à la haute Sambre et à Wavre sera
d'une longueur de 62 kilomètres et l'estimation détaillée pour le chemin de fer
à double voie, y compris le matériel d'exploitation, ainsi que les frais de
négociation de fonds, s'élève à 20 millions de fr.
« Les intérêts de ce
capital d'établissement seraient d'ailleurs parfaitement couverts par les
revenus, des calculs statistiques ayant démontré que le produit net annuel,
même dans l'hypothèse la plus modérée, atteindrait le chiffre de 1,200,000 fr
« Les immenses
avantages que présente cette nouvelle voie de communication ayant été appréciés
par une compagnie financière, je viens en son nom, M. le ministre, vous prier
de nous en faire accorder la concession par les chambres législatives, nons
soumettant dès à présent à toutes les clauses et conditions des marchés
contractés avec d'autres compagnies et soumis aujourd'hui à la chambre des
représentants.
« J'ai également
l'honneur de vous prier, M. le ministre, de vouloir bien charger un ingénieur
de l'Etat de vérifier le projet en question, afin qu'il puisse acquérir un
caractère plus convenable par la sanction de votre département. »
Voici la lettre de M.
le comte de Hompesch du 6 mai 1845 :
« M. le
Ministre,
« Par suite de droits
de priorité acquis à M. l'ingénieur Vifquain, pour le chemin de fer de Wavre à
Manage et Nivelles et de la cession que ledit sieur Vifquain m'a faite de ces
droits, je viens, M. le ministre, vous prier de m'accorder une convention
provisoire pour la concession de cette ligne, qui a fait l'objet des études
déposées à l'appui de sa demande, par M. Vifquain et en comprenant dans cette convention
l'extension éventuelle de Manage à la frontière de France, par Thuin, Beaumont
et Chimay, ainsi que l'embranchement de Nivelles à Braine-le-Comte, dont les
études seront incessamment complétées. Je m'engage en même temps, M. le
ministre, à vous présenter, dans un bref délai, une compagnie financière pour
l'exécution de ces lignes, et qui offrira au gouvernement toutes les garanties
nécessaires. »
Voici la réponse que
j'ai faite à cette lettre de M. le comte de Hompesch :
« M. le comte,
«Vous avez, depuis
longtemps, appelé mon attention sur le projet de chemin de fer étudié par M. A.
Vifquain, et qui, en parlant de Wavre, à la jonction du chemin de fer de
Louvain à Jemeppe, se dirige par Nivelles d'un côté vers la station de Manage,
et de là vers Thuin et Chimay et la frontière de France, et de l'autre côté
vers la station de Braine-le-Comte.
« Votre intention et
celle de M. Vifquain est de former une compagnie pour l'exécution de ce projet,
qui, d'après vos vues, devrait être prolongé de Wavre vers Tervueren, dans le
cas où le chemin de fer direct de Louvain à Bruxelles par Tervueren serait
décrété.
« Vous me demandez,
M. le comte, avant de constituer cette société, une convention provisoire ou
tout au moins un droit de priorité, qui vous appartient en vertu du dépôt des
projets remis par M. A. Vifquain.
« Les études de
l'avant-projet de Wavre par Nivelles à la station de Manage et à celle de
Braine-le-Comte m'ayant été soumises avant la publication d'un arrêté qui va
paraître sur les demandes en concession et étant assez avancées pour que je me
forme une opinion mûrie sur l'utilité de cette ligne et sur la possibilité de
son exécution, je puis vous accorder ce droit de priorité dans le cas où la
compagnie dont vous m'annoncez la formation donnerait au gouvernement toutes
les garanties qu'il est en droit d'exiger.
« Ce n'est qu'après
l'accomplissement de ces conditions que je pourrai passer une convention
provisoire avec la Compagnie, qui devra se conformer au tracé admis par le
gouvernement. Les conventions et les cahiers des charges, adoptés par les
chambres dans cette session, serviront de bases générales à cette convention.
« Relativement au
prolongement du chemin de fer de Manage vers la frontière de France, les études
n'en sont pas faites, et ce n'est qu'après leur achèvement et l'accomplissement
des formalités exigées, que je pourrai prendre une décision à cet égard.
Toutefois, dans le cas où le gouvernement croirait pouvoir concéder cette
ligne, et après examen des droits éventuels que la compagnie de
l'Entre-Sambre-et-Meuse pourrait faire prévaloir sur cette branche, je ne fais
aucune difficulté de vous promettre d'accorder pour son exécution une
préférence à votre compagnie. »
Messieurs, ces pièces
dont je viens de donner lecture, confirment pleinement les faits tels que je
les ai présentés à la chambre dans la séance de samedi, tels que mes souvenirs
me les rappelaient.
Vous voyez que je
n'accordais ni privilège, ni concession, ni promesse de concession, ni
convention provisoire, soit à M. Alexandre Vifquain, soit à M. le comte de
Hompesch, mais un droit de priorité de concession ; et encore ce n'était que
dans le cas où la société qui n'était pas formée, dont on organisait la
formation, donnerait des garanties de probité, de solvabilité, de bonne
exécution, que ce droit de priorité devait avoir une valeur quelconque.
La dépêche du 8 mai
est un accusé de réception contenant un double refus. Ces messieurs demandaient
au gouvernement une convention provisoire, non seulement pour le projet de
Wavre aux stations de Braine-le-Comte et de Manage, mais pour un chemin de fer
vers la frontière de France et Tervueren qui n'était pas étudié.
Ma
lettre contient un double refus de toute convention provisoire avant la
formation de la société et le versement du cautionnement, refus de droit de
priorité pour les parties qui n'étaient pas parfaitement étudiées.
Le projet de M.
Alexandre Vifquain n’était pas une étude sur le papier, mais une étude sur le
terrain. M. le ministre des travaux publics vient de me faire connaître que
l'ingénieur Dandelin, chargé de la vérification du projet, n'y a apporté que de
légères modifications, ce qui démontre que c'était un projet parfaitement
étudié.
M. Rogier. - Y a-t-il d'autres
études que ce morceau de papier ?
M.
le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Ce sont des études
faites sur le terrain.
Ces études étaient
faites sérieusement, puisque la vérification de l'ingénieur Dandelin n'a
apporté que de très légères modifications.
Ainsi ma lettre
n'accordait aucun droit que les concessionnaires ne possédaient déjà ; c'est un
simple récépissé. Le dépôt de leur demande leur aurait accordé les mêmes droits
que la lettre que je viens de lire.
Pour ce qui s'est
passé ensuite, pour la valeur attribuée à la cession de leurs droits, lors de
la formation de la compagnie, ce fait ne peut pas concerner le gouvernement,
c'est en dehors de sa compétence ; le gouvernement n'avait aucun moyen
quelconque pour empêcher les abus, si abus il y a. Du reste, je dois le
déclarer, sans vouloir apprécier ou justifier cette cession, je la crois
parfaitement légitime. Ainsi, lorsqu'un auteur de chemin de fer, un inventeur
d'une mine ou l'auteur d'une découverte pour laquelle un brevet est accordé,
fait cession de ses droits à une compagnie financière qui se forme pour
l'exploiter, la cession de ses droits de priorité est parfaitement légitime.
Mais, je le répète,
je ne veux nullement apprécier la valeur à laquelle ce droit de priorité a été
cédé. C'est une question qui a dû être débattue entre les cessionnaires et la
compagnie, et sur laquelle le gouvernement n'a aucun contrôle à exercer.
M. Osy. - Pour ne pas confondre
les différentes observations relatives au chemin de fer, je crois que nous
ferions bien de terminer cet incident.
Ce qui m'a frappé le
plus dans la lettre adressée à M. Hompesch, c'est qu’on y dit que, nonobstant
le projet de prendre un arrêté qui a été pris en effet quelques jours après
pour empêcher qu'il ne fût accordé des concessions illusoires, on lui a
néanmoins accorde un droit de priorité. Cela est inconcevable, quand le
gouvernement voulait changer de système pour éviter les abus.
Dans
toutes les autres concessions, un cautionnement était déposé d'avance ; le
gouvernement avait une garantie ; ici il n'a rien reçu. C'est donc un cadeau
qu'on a voulu faire.
Cela est vraiment
regrettable, parce que les actionnaires anglais sont en droit de nous reprocher
les sacrifices qu'ils ont été obligés de faire pour racheter ce droit de
priorité. Pour le chemin de fer de Jemeppe à Louvain, ils ne l'ont pas payé
moins de 42,000 liv. st.
J'espère que de tels
abus ne se renouvelleront pas ; je regrette ceux qui ont eu lieu ; car cela ne
fait pas honneur à la moralité belge.
(page 1211) M. le ministre des finances (M. Malou). - J'ai écouté
avec attention la discussion de samedi et celle d'aujourd'hui. Il me semble que
les observations de l'honorable M. Osy vont plus loin qu'il ne pense, et
qu'elles tendent à modifier profondément les principes de notre législation, en
ce qui concerne la propriété des œuvres de l'esprit, de l'intelligence.
Il est reconnu (c'est
un principe de notre législation) que l'inventeur a un droit qui se résout en
d'autant plus d'argent que l’invention est plus utile. Si ce principe
n'existait pas, il faudrait l'inventer.
Mais qu'est-il arrivé
dans cette circonstance, notamment pour le chemin de fer de Jemeppe à Louvain ?
Un ingénieur a étudié sur le terrain (comme le prouve le plan) une ligne qu'il
croyait utile. En déposant ce plan, cette idée formulée ainsi, il a acquis,
d'après les principes de notre législation, un droit de préférence indépendant
de toutes les décisions que le gouvernement aurait pu prendre.
Ce droit de priorité
acquis, il s'est entendu avec des capitalistes pour réaliser son idée. Rien de
plus légi ime. C'est ce qui se fait, c'est ce qui devait se faire.
Un ingénieur civil a
fait des études, des plans, des mémoires sur un projet de chemin de fer de
Louvain à la Sambre. Les capitaux se sont portés un jour sur les chemins de
fer, et l'ingénieur qui avait fait les travaux, qui avait étudié toute la
ligne, a vendu son droit de priorité 42,000 liv. sterl. Qu'importe ? S'il avait
valu 50,000 liv. st., il aurait pu le vendre 50,000 liv. st. Ce que l'honorable
membre devrait prouver, c'est que cette concession ne valait pas, au profit de
celui qui a fait les études, une somme de 42,000 liv. sterling.
Cette
preuve faite, vous n'aurez encore rien établi, quant à la responsabilité du
gouvernement. Vous aurez prouvé ainsi que les capitalistes n'ont pas bien
apprécié la valeur de l'entreprise ; à cet égard ils sont parfaitement libres.
Personne d'ailleurs ne peut apprécier d'avance la valeur de l'entreprise ;
personne ne peut dire que le chemin de fer de Louvain à la Sambre ne vaut pas
le coût d'exécution et les 42,000 liv. st. payées volontairement à l'ingénieur
créateur du projet. Cette transaction, je le répète, est conforme aux principes
de notre législation.
J'ai fait ces
observations, uniquement pour faire ressortir que, d'après l'esprit de nos
lois, l'auteur d'une invention, d'une découverte, d'une œuvre intellectuelle,
dans quelque branche des connaissances humaines que ce soit et qui veut en
retirer un profit, peut le réaliser sous la forme de concession d'ouvrage
d'utilité publique, ou sous telle autre forme que ce soit.
M.
le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - L'honorable M. Osy
se trompe, lorsqu'il nous parle de faveur accordée et de garanties que le
gouvernement n'aurait pas stipulées.
Le gouvernement
n'avait besoin d'aucunes garanties, parce qu'il ne concédait rien. Il
s'agissait d'un droit de priorité que le gouvernement n'avait pas le droit
d'enlever, et que notre législation leur accordait.
Ma dépêche du 8 mai
n'était simplement qu'un accusé de réception, dont le but était plutôt de
refuser la convention provisoire et une promesse de concession pour la partie
de la ligne qui n'était pas encore étudiée.
M. le ministre des
finances vient de le dire avec raison, ce droit de priorité accordé à l'auteur
d'un projet ou d'une découverte est conforme aux principes de notre législation
et aux usages administratifs.
D'après la loi sur
les concessions de péages, l'auteur d'un projet ne peut être évincé que si le
rabais sur le montant des péages dépasse 5 p. c. En cas d'éviction, une
indemnité est accordée à l'auteur du projet. L'auteur d'un projet de
communication, l'inventeur d'une mine, possèdent une propriété dont le
gouvernement ne peut s'emparer qu'en l'expropriant pour cause d'utilité
publique et avec indemnité.
Tel est le principe ;
ce n'est donc pas une faveur qui a été accordée dans la question qui nous
occupe, c'est un droit qui a été reconnu.
L'honorable M. Osy
m'a fait l'observation que j'étais sur le point de prendre l'arrêté du 21 mai.
Dans la lettre même je déclare que si je ne soumets pas le projet du chemin de
fer de Wavre aux formalités que je me préparais à prescrire, c'est parce que
ces études m'ont été soumises avant que cet arrêté n'ait été pris. Mais c'est
précisément à cause de faits de cette nature, qui tendaient à se produire, que
j'ai pris l'arrêté du 21 mai. J'ai senti la nécessité pour le gouvernement de
s'armer contre les obsessions.
A la fin de la session il y avait cent demandes de
concessions déposées au ministère des travaux publics. J'ai pris cet arrêté,
afin de suspendre l'instruction de ces projets et de les soumettre aux
prescriptions sévères déterminées dans l'arrêté de 1835, afin que, si des
concessions étaient demandées dans la suite, elles ne le fussent qu'en vue
d'une exécution sérieuse.
Mais, je le répète,
la présentation du projet de Wavre et Nivelles était antérieure à l'arrêté du
21 mai qui ne devait donc pas lui être applicable.
M. Rogier. - Cette discussion
se renouvellera probablement lors de la discussion du projet de loi relatif à
la concession du chemin de fer de Manage à Wavre récemment présenté. Je me
réserve de faire alors mes observations en réponse à M. le ministre des
affaires étrangères.
M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Je désirerais donner quelques explications au
sujet du chemin de fer de Louvain à la Sambre, dont il vient d'être question.
La concession a été demandée par M. Tarte qui, dès 1833, a publié une brochure
et qui depuis en a publié d'autres à ce sujet. Il était en instance depuis
longtemps, lorsque le projet de concession a été apporté dans cette chambre.
L'idée de ce chemin de fer doit même son origine à un projet de canal de
Louvain à la Sambre présenté par cet ingénieur en 1829.
M. Tarte s'est rendu
à Londres où il a fait des démarches pour former une société financière.
Quelques-unes des personnes avec lesquelles M. Tarte a été en rapport à ce
sujet se sont adressées à M. Van de Weyer, notre ambassadeur à Londres.
Celui-ci en a référé à M. le ministre des affaires étrangères qui, à son tour,
a écrit à son collègue des travaux publics dans les termes suivants :
« Bruxelles, le
28 janvier 1845.
« M. le ministre,
« La compagnie qui
s'est formée pour la construction d'un chemin de fer à double voie, de Louvain
à Jemeppe sur Sambre, vers Namur et Charleroy, a envoyé un mandataire en
Angleterre, à l'effet de solliciter le concours des capitalistes anglais pour
l'exécution de cette entreprise. Quelques-uns de ceux-ci se sont adressés à M.
Van de Weyer, afin de connaître les dispositions du gouvernement du Roi
relativement à cette affaire. Ils demandent s'il est vrai que, moyennant le
versement d'un cautionnement d'un million de francs, la concession serait
accordée, avec les conditions suivantes, à ratifier par les chambres :
« 1° Concession
directe et sans concurrence du droit de péage pour un terme de 90 années ;
« 2° Engagement par
le gouvernement de payer les intérêts de la somme d'évaluation du coût du chemin
de fer et de ses dépendances, matériel compris, à raison de 4 p. c. l'an, et
cela pendant l'exécution des travaux seulement, travaux dont la durée sera
fixée à trois années ;
« 3° Application du
tarif du chemin de fer de l'Etat ;
« 4° Exécution des travaux
sous la surveillance immédiate des agents du gouvernement ;
« 5°A
l'expiration de la concession, le chemin de fer et ses dépendances devenant la
propriété de l'Etat, l'administration publique reprendra le matériel
d'exploitation au prix qui sera déterminé par des arbitres nommés de commun
accord entre le gouvernement et les intéressés.
« Je vous prie, M. le
ministre, de vouloir bien me mettre à même de donner à. M. Van de Weyer les
renseignements qui lui ont été demandés. On a désiré savoir également si la
composition de la compagnie présentait toute garantie à ceux qui associeraient
leurs capitaux à l'entreprise ; je pense qu'il ne peut y avoir de doute à cet
égard.
« Le ministre des
affaires étrangères,
« Comte Goblet.
»
Voici quelle a été la
réponse du ministre des travaux publics à cette communication :
« Bruxelles, le 12
février 1845.
« M. le ministre,
« J'ai l'honneur de
vous faire connaître, en réponse à votre lettre du 25 janvier dernier, litt. B,
n° 1624, que, dans ma pensée, la concession du chemin de fer de Louvain à
Jemeppe-sur-Sambre aurait des chances d'être accordée par la législature, en
considération de sa haute utilité pour la ville de Louvain et pour la vallée de
la Dyle et du débouché nouveau que cette communication ouvrirait aux produits
pondéreux de la Sambre.
« Je crois
également que les chambres seraient disposées à concéder cette entreprise aux
conditions indiquées dans noire lettre précitée, sous les n 1, 3, 4 et 5,
moyennant le dépôt préalable d'un cautionnement d'un million de francs.
« Quant à la
condition n°2, aux termes de laquelle le gouvernement payerait les intérêts du
coût d'évaluation, pendant l'exécution des travaux, je la regarde comme moins
acceptable et de nature à soulever une difficulté sérieuse au sein des chambres.
« Je pense, du reste,
que le moyen le plus sûr de garantir les intérêts des capitalistes qui auraient
l'intention de s'associer à l'entreprise, consisterait à formuler la demande en
concession au nom des principaux d'entre eux, sauf à prendre des arrangements
équitables avec les auteurs du projet.
« Le ministre des
travaux publics,
« A. Dechamps. »
(page 1215) Nous reproduisons ici la fin du discours prononcé dans
la séance du 4 mai par M. le ministre des travaux publics p. 1211.
Messieurs, à la suite
de cette communication, M. l'ingénieur civil Tarte est parvenu à se stipuler
des avantages qui peuvent paraître exorbitants.
Mais peut-on dire que
la responsabilité d'un pareil fait doive atteindre en aucune façon
l'administration ? L'administration avait-elle à intervenir dans un règlement
semblable entre un demandeur primitif des capitalistes qui s'associaient à lui
? Evidemment non. Evidemment le cahier des charges, déjà soumis à
l'appréciation des chambres, était rédigé dans un tout autre ordre d'idées, et
supposait que l'administration resterait en dehors de tout arrangement
financier, à tel point que l'administration interdisait toute cote et toute
négociation d'actions dans le pays avant l'ouverture de la voie de
communication.
(page 1211) M. Lys commence un discours
que nous reproduirons en entier dans le compte rendu de la prochaine séance.
La séance est levée à
4 heures et demie.