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Chambre des représentants de Belgique
Séance du vendredi 27 février 1846
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre,
notamment pétition relative au canal de dérivation de la Lys (Rodenbach)
2) Rapport sur une
pétition. Motion d’ordre relative à la circonscription territoriale des
justices de paix (Fallon, de Bonne,
Dubus (aîné), Fallon)
3) Proposition de loi portant
modification des droits d’enregistrement relatifs aux donations entre vifs à
titre gratuit (proposition Verhaegen) (de Corswarem)
4) Projet de loi sur la comptabilité publique. Discussion
des articles. Restriction de la durée de l’exercice budgétaire de 3 à 2 ans et/ou présentation anticipée du projet de
budget de l’Etat (Malou, Rogier, Delfosse, Desmet, Osy,
Malou, de Man d’Attenrode, Desmaisières, Delfosse, Malou, Desmet, de Man
d’Attenrode, Delfosse, Veydt,
Malou, Delfosse, Desmet, Malou, Desmet,
Devaux, Malou, (+spécialité budgétaire)
de Man d’Attenrode, Malou, Mast de Vries, Rogier), preuve du versement
dans les caisses de l’Etat et de la société générale en tant que caissier de
l’Etat (Lebeau, Malou, Lebeau, Osy, Malou,
de Man d’Attenrode), définition des ordonnateurs et des comptables
de l’Etat, notamment en ce qui regarde les agents du chemin de fer et de la
poste (de Man d’Attenrode, de Bonne,
Malou, Osy, de Man
d’Attenrode, d’Hoffschmidt, de
Man d’Attenrode, Malou, de Bonne,
d’Hoffschmidt, Rogier, d’Hoffschmidt, (+société générale) de
Man d’Attenrode)
(Annales
parlementaires de Belgique, session 1845-1846)
(Présidence de M.
Liedts.)
(page 800) M. Huveners procède à l'appel nominal à une heure
et quart ; le même secrétaire lit ensuite le procès-verbal de la séance
précédente, dont la rédaction est adoptée ; il présente l'analyse des pièces
adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Le sieur Poorters,
colporteur à Overpelt, demande qu'il soit pris des mesures pour empêcher un
genre de fraude, en matière de douanes, qui se pratique par les femmes, sur la frontière
du Brabant septentrional. »
- Renvoi à la
commission des pétitions.
_______________
« Le sieur Dens,
brigadier de douanes, pensionné, demande exemption du droit d'enregistrement
pour l'acte de naturalisation qui lui a été accordé. »
- Même renvoi.
_______________
« Le sieur
Victorin-Louis Gilone prie la chambre de statuer sur sa demande par laquelle il
sollicite sa nomination dans l'administration des accises. »
- Même renvoi.
« La chambre de
commerce de la ville de Bruges présente des observations contre le projet de
loi sur la dérivation des eaux de la Lys. »
M. Rodenbach. - Ainsi que je l'ai
fait hier pour la pétition du conseil communal de Bruges, je demande le renvoi de
la pétition de la chambre de commerce de la même ville, à la section centrale
chargée d'examiner le projet de loi dont il s'agit ; j'en demande également
l'insertion dans le Moniteur. La dernière requête appuie fortement le mémoire
qui nous a été remis hier.
- La double
proposition de M. Rodenbach est mise aux voix et adoptée.
_________________
« Le sieur Slevens,
ingénieur des ponts et chaussées, présente des objections sur les faits exposés
dans le rapport de la commission d'enquête, chargée de rechercher les causes de
l'éboulement du tunnel de Cumptich. »
- Dépôt au bureau des
renseignements.
_________________
« Il est fait hommage
à la chambre par la société anonyme du chemin de fer de Louvain à la Sambre de
100 exemplaires de la carte de ce chemin de fer, offrant le tracé qui a motivé
la présentation du nouveau projet de loi. »
- Dépôt à la
bibliothèque, et distribution entre les membres de la chambre.
_________________
M. le président. - Hier la chambre a
chargé le bureau de nommer la commission qui sera chargée d'examiner le projet
de loi interprétatif de l'article 442 du Code de commerce, projet de loi qui a
été renvoyé amendé par le sénat.
________________
Le bureau a composé
la commission ainsi qu'il suit : MM. de Muelenaere, Cans, Dubus (aîné),
Fleussu, Van Cutsem, Vanden Eynde et Maertens.
M. Dubus (aîné). - Je ferai observer
que j'ai fait partie d'une des commissions antérieures.
M. le président. - Je ferai remarquer
à mon tour que le bureau a précisément eu en vue de conserver autant que
possible les membres de la commission primitive ; elle s'est bornée, en
conséquence, à remplacer les membres qui manquaient dans le sein de cette
commission.
M. Dubus (aîné). - Lorsqu'on a nommé
la seconde commission, on l'a composée de membres nouveaux ; je crois qu'on
devrait en faire encore de même aujourd'hui.
M. le président. - Les membres sont nommés
par le bureau ; je ne puis pas changer la nomination qui a été faite. On a
adjoint M. Dubus aîné à la commission, parce que le système qui a été adopté
par le sénat, se rapproche de l'opinion professée par l'honorable membre. M.
Dubus aîné a remplacé M. Dedecker, comme M. Cans a remplacé M. Coghen.
RAPPORT SUR UNE PETITION
M. Fallon (au nom de la
commission des circonscriptions cantonales), donne lecture du rapport ci-après,
sur la pétition de plusieurs habitants de la commune de Lichtervelde (Flandre
occidentale).
Le projet de loi
déterminant la circonscription des cantons de justice de paix, fut proposé à
l'adoption de la chambre, dans la séance du 22 février 1834.
L'exposé des motifs
qui l'accompagne énonce les diverses considérations qui lui servent de base.
La pensée qui avait
provoqué principalement cette entreprise entourée d'obstacles difficiles à
surmonter, c'était que, dans l'intérêt de l'administration de la justice, il
fallait agrandir le ressort des cantons, où le juge de paix ne trouvait pas,
dans l'exercice de ses fonctions, la source d'une existence convenable ; que ce
projet avait l'avantage d'améliorer leur position, et que c'était dans ce but
que la suppression d'un certain nombre de cantons était proposée.
C'est aussi en vue de
relever l'institution des justices de paix, de leur donner plus d'importance,
de pouvoir faire de meilleurs choix et de mieux salarier ces magistrats sans
augmenter les charges du trésor, que votre commission procéda à son travail, en
posant le principe qu'il fallait chercher plutôt à agrandir qu'à resserrer le
cercle des circonscriptions, alors qu'il ne pouvait en résulter aucun
inconvénient réel pour les besoins des localités et les exigences d'une bonne
administration de la justice.
Dans le courant de la
même année (1834), votre commission déposa ses rapports, en exprimant le désir
qu'avant de les livrer à la discussion, ils fussent communiqués aux conseils
provinciaux, afin qu'entourée de renseignements locaux plus précis, la chambre
pût statuer en plus ample connaissance de cause.
Le gouvernement
déféra à ce désir. Les avis des conseils provinciaux, et de leurs députations
permanentes, furent provoqués ; mais autant votre commission avait mis
d'empressement à terminer son travail, autant le résultat de cette enquête se
fit attendre, tellement que ce n'est qu'après quatre ans d'intervalle, en sa
séance du 7 février 1838, que le résumé en fut remis à la chambre.
Voire commission ne
tarda pas à se livrer à la reprise de ses travaux, mais plusieurs circonstances
vinrent successivement l'entraver.
Depuis la
présentation du projet primitif, les principales bases du premier travail de
votre commission se trouvaient renversées ; l'extinction des circonscriptions
que comportaient les attributions alors existantes, et qui offrait le moyen
d'argumenter les traitements des juges de paix par l'accroissement du casuel,
était une considération qui avait dominé ses combinaisons, et cette
considération disparaissait en présence de la loi sur la compétence civile qui
était venue augmenter les attributions des juges de paix ; il en fut de même de
la loi qui vint ensuite améliorer et fixer définitivement leurs traitements.
D'un autre côté,
l'enquête administrative avait fait surgir de nouvelles difficultés.
Successivement les populations se sont accrues ; de nouvelles voies de
communication se sont ouvertes, et de nouveaux centres d'industrie se sont
formés là même où des suppressions de cantons avaient d'abord paru n'offrir
aucun inconvénient.
Ajoutons à ces
circonstances la nécessité de prendre égard, dans son travail, aux
perturbations que le transfert de communes d'une province à l'autre, d'un
arrondissement judiciaire à une autre circonscription judiciaire ou administrative,
produit nécessairement dans les archives des dépôts des hypothèques, de l'état
civil et du cadastre ; la connexité intime de ce travail avec le notariat et le
régime électoral dans tous ses degrés ; la masse de réclamations parvenues à la
chambre depuis le projet primitif et surtout postérieurement aux avis des
conseils provinciaux ; la difficulté de réunir pendant le temps des sessions,
où chacun se trouve distrait par les autres travaux incessants de la chambre,
la majorité d'une commission composée de dix-huit membres, et l'on ne sera pas
étonné que depuis d'abord douze ans, votre commission ne soit pas parvenue
encore à se mettre d'accord sur la circonscription cantonale d'une seule
province.
C'est dans cet état
de choses que plusieurs habitants de la commune de Lichtervelde dans la Flandre
occidentale se sont adressés à la chambre afin d'obtenir le maintien de la
circonscription des deux cantons de justice de paix de Thourout, et la fixation
des deux chefs-lieux, l'un à Thourout, et l'autre à Lichtervelde.
Dans la séance du 23
janvier dernier, la chambre a renvoyé cette pétition à votre commission, avec
demande d'un prompt rapport.
Voici, en ce qui
regarde ces deux cantons, quelles sont les phases de l'instruction.
Dans le projet primitif,
le gouvernement a proposé de réunir ces deux cantons en un seul, en y ajoutant
même la commune d'Eerneghem à provenir du démembrement du canton de Ghistelles.
Votre commission,
dans son rapport du 14 juillet 1834, a adopté la proposition du gouvernement,
en y ajoutant en outre la commune de Zwevezeele à provenir du canton d'Ardoye.
La commission du
conseil provincial a donné un avis diamétralement contraire ; elle demande la
conservation des deux cantons, et elle transfère le chef-lieu du second canton,
de Thourout à Lichtervelde.
Quant au conseil
provincial il s'abstint de tout avis sur la circonscription cantonale de cette
province, en déclarant, dans sa séance du 19 octobre 1836, qu'il en ajournait
l'examen jusqu'après le vote sur le projet de loi de compétence des juges de
paix, dont la chambre se trouvait alors, saisie.
Après avoir pris
connaissance de la pétition des habitants de Lichtervelde, votre commission a
considéré que le renvoi qui lui en était fait par la chambre avec demande d'un
prompt rapport, comportait naturellement la question de savoir s'il y avait
lieu de disjoindre de son travail sur l'ensemble de la circonscription
cantonale des justices de paix de la Flandre occidentale, les deux cantons de
Thourout pour en faire le sujet d'un rapport séparé, et cette question en
souleva une autre, dont je vais rendre compte, et qui était de nature a être
préalablement résolue.
Les obstacles dont
votre commission se trouve entourée, et que j'ai précédemment signalés ; les
nombreux changements survenus dans l'état des (page 801) choses et dans les convenances des localités, tel qu'il
existait en 1834, changements qui nécessiteraient une toute nouvelle
instruction ; l'époque prochaine d'un recensement général de la population qui
s'est accrue considérablement depuis lors ; et enfin une expérience acquise
dans le sein de votre commission, ayant suffisamment démontré qu'un travail
d'ensemble se ferait encore longtemps attendre, si même on peut espérer de le
voir terminer un jour, ont déterminé votre commission à s'occuper d'abord de la
question de savoir s'il ne serait pas opportun de proposer à la chambre, par
forme de motion d'ordre, de ne plus s'occuper provisoirement d'un travail
d'ensemble, même par province, en se bornant à délibérer, et à lui faire
rapport, sur les cas spéciaux qui pourront se présenter, soit de la part du
gouvernement, soit à la demande des parties intéressées par voie de pétition.
Cette question ayant
été mise en délibération a été résolue affirmativement à l'unanimité, et c'était
la préjuger.
La première question
posée était celle de savoir s'il y avait lieu de disjoindre du travail sur
l'ensemble de la circonscription cantonale de la Flandre occidentale les deux
cantons de Thourout pour en faire l'objet d'un rapport spécial. En conséquence
la pétition des habitants de Lichtervelde fut livrée à l'examen et à la
discussion.
On fit observer, dans
ce débat, que nonobstant que, dans son projet primitif, le gouvernement avait
proposé la réunion des deux cantons de Thourout en un seul, proposition que
votre commission avait adoptée, il avait été pourvu récemment à la nomination
de titulaires à ces cantons, ce qui devait faire supposer que le gouvernement
avait eu des motifs de ne pas persister dans la demande de réunion, et que, d'un
autre côté, le conseil provincial s'était réservé de donner son avis à cet
égard après l'adoption ou le rejet de la loi de compétence civile.
Ces observations
amenèrent pour conséquence la nécessité de se borner, quant à présent, à
proposer à la chambre le renvoi de la pétition au ministre de la justice avec
demande d'explication et de complément d'instruction.
Par
ces diverses considérations la commission, à l'unanimité, propose à la chambre
:
1° Par forme de
motion d'ordre, de décider que, jusqu'à ce qu'il en soit autrement disposé, la
commission des circonscriptions cantonales ne s'occupera plus d'un travail
d'ensemble, même par province, et se bornera à délibérer, et à lui faire
rapport, sur les cas spéciaux qui pourront se présenter, soit de la part du
gouvernement, soit à la demande des parties intéressées pas voie de pétition.
2° De renvoyer la
pétition des habitants de Lichtervelde au ministre de la justice avec demande
d'explication et de complément d'instruction.
- Le rapport sera
imprimé et distribué.
La chambre fixera
ultérieurement le jour de la discussion.
M. de Bonne. - Messieurs,
beaucoup de projets de loi, comme celui dont on vient de parler, datent de 1834
; la plupart de ces projets ont déjà donné lieu à des rapports ; les membres
nouveaux ne les ont pas, et ne peuvent pas les avoir, parce que les exemplaires
sont épuisés. Pour examiner le projet dont il s'agit, et voter avec
connaissance de cause, il faudrait réimprimer les pièces.
M. le président. - Je prie M. de
Bonne de vouloir bien reproduire sa demande, lorsque la chambre votera sur les
conclusions du rapport dont il vient d'être donné lecture.
M. de Bonne. - Bien, M. le
président.
M. Dubus (aîné). - Messieurs, à
l'occasion de cette demande, je rappellerai qu'on a réimprimé tous ces projets
de loi, il y a deux ou trois ans, dans un travail qui a été présenté par M. le
ministre de l'intérieur. Je crois qu'il doit encore exister des exemplaires de
cette réimpression.
M. le président. - D'ici au jour de
la discussion des conclusions de la commission, je ferai prendre des
informations.
M. Fallon. - S'il était
question d'une réimpression, il ne suffirait pas de réimprimer le travail
présenté par M. le ministre de l'intérieur, mais il faudrait encore y joindre
les documents fournis par M. le ministre de l'intérieur, parce qu'il y a entre
l'un et l'autre travail certaines contradictions.
PROPOSITION DE LOI PORTANT MODIFICATION DES
DROITS D’ENREGISTREMENT RELATIFS AUX DONATIONS ENTRE VIFS A TITRE GRATUIT
M. de Corswarem. - Messieurs, j'ai l'honneur
de déposer sur le bureau le rapport de la section centrale qui a été chargée
d'examiner la proposition de la loi qui a été faite par M. Verhaegen, et
portant modification des droits d'enregistrement relatifs aux donations entre
vifs à titre gratuit.
- Le rapport sera
imprimé et distribué.
La chambre en fixera
ultérieurement la discussion,
Discussion des articles
Chapitre premier. - Budget général de l’Etat
Article 2
M. le président. - La chambre est
arrivée à l'article 2 du projet.
M. Devaux propose de
modifier ainsi qu'il suit la rédaction du dernier paragraphe.
« Toutefois, les
opérations relative au recouvrement des produits, à la liquidation et à
l'ordonnancement des dépenses, pourront se prolonger jusqu'au 31 octobre de
l'année suivante. »
M. Delfosse propose
de substituer dans le second paragraphe la date du 30 septembre à celle du 31
octobre.
M. le ministre des finances (M.
Malou).
- Messieurs, je me suis rallié hier à l'amendement proposé par l'honorable M.
Devaux ; cet amendement contient une rédaction meilleure ; il n'a pas été
combattu jusqu'à présent ; je ne m'en occuperai pas davantage.
L'amendement de
l'honorable M. Delfosse restreint d'un mois la durée que le projet de la
section centrale, auquel le gouvernement s'est rallié, assignait à l'exercice
pour achever les opérations.
Je ne crois pas
pouvoir me rallier à cet amendement. Il est dans l'esprit du projet de loi que
les créances, à charge d'un exercice, soient, autant que possible, payées sur
cet exercice, avant la clôture, et que les reports soient exceptionnels. Si
nous restreignons trop la durée de l'exercice, les reports deviendront beaucoup
plus considérables, et au lieu d'avoir fait chose utile pour la comptabilité de
l'Etat, pour la clarté de la situation, nous aurons produit un résultat
diamétralement contraire.
J'ai déjà fait
remarquer hier comment étaient échelonnés les divers délais portés dans le
projet de loi. La durée de l'exercice est l'année. Il y a dix mois pour achever
certaines opérations ; les 10 mois écoulés, le département des finances doit
préparer le compte général de l'administration des finances. Ce projet est
soumis à la cour dans le premier trimestre de l'année suivante. Ainsi, le
compte des finances commence à se faire, lorsque l'exercice est clos ; mais
pour que ce compte produise le résultat qu'on a en vue, il faut qu'il approche
autant que possible de la situation définitive ; en d'autres termes, il faut
que les reports soient tout à fait exceptionnels.
Ce serait une erreur
de croire qu'en limitant ainsi la durée de l'exercice, l'on puisse, en vertu de
la loi actuelle, soumettre immédiatement à la chambre la situation de
l'exercice. Cette situation doit être arrêtée seulement dans le premier
trimestre de l'année suivante. En effet, lorsque la loi donne la faculté
d'imputer sur l'exercice, jusqu'au 31 octobre, il reste à accomplir ensuite par
la cour des comptes la formalité du visa et c'est seulement lorsque le délai
est expiré pour soumettre la situation générale des finances à la cour des
comptes, que l'on peut remettre aux chambres un état provisoire de la
situation, c'est-à-dire au mois de mars suivant, d'après l'article 44 du projet
de la section centrale.
Je persiste donc à
demander que le projet de la section centrale, en ce qui concerne la
prolongation de l'exercice, soit adopté.
J'ai mûrement
réfléchi, par suite de la discussion qui a eu lieu hier, sur les propositions
faites par les honorables MM. Devaux et Rogier. Ces honorables membres désirent
qu'on parvienne à voter, en une année deux budgets. Je pense que nous
arriverons à ce résultat, en répartissant sur deux années l'excédant de travail
que suppose le vote de deux budgets. Voici comment on peut réaliser cette idée.
Ainsi que je l'ai
annoncé à la chambre, j'ai prié mes collègues de préparer leurs budgets
respectifs pour 1847 ; je me suis informé auprès d'eux de l'état d'avancement
de ce travail, et je pense que nous pourrons avant la séparation ordinaire de
la chambre, vers l'époque de Pâques, ou immédiatement après sa rentrée, lui
soumettre, non pas tous les budgets, mais les budgets dont la discussion
pourrait vraisemblablement avoir lieu avant la fin de la session ; tels sont le
budget de la dette publique qui est devenu, en quelque sorte, normal, les
budgets des finances, des non-valeurs, etc., qui doivent ne présenter que peu
de changements, le budget de la justice qui n'est en grande partie que
l'application de lois existantes ; enfin le budget de la marine et celui des
affaires étrangères.
Si, dans le courant
de la session actuelle, la chambre avait examiné ces budgets, il resterait,
pour la session prochaine, à voter en double les trois autres budgets, de la
guerre, des travaux publics et de l'intérieur.
L'on disait tout à
l'heure que les budgets que je proposais de discuter cette année étaient ceux
qui donnaient ordinairement lieu aux discussions les moins prolongées.
Cependant notre expérience même des sessions antérieures et de celle-ci
démontre que le vote de ces budgets prend un temps assez long. L'on aurait
beaucoup gagné en ne léguant à la session prochaine que le double vote de trois
budgets. J'ajouterai que depuis le vote de la loi d'organisation de l'armée, le
vote du budget de la guerre prendra probablement peu de temps.
En procédant ainsi,
en répartissant le travail sur deux sessions, nous arrivons à gagner une année,
à entrer dans la même voie que les chambres françaises, et à voir le budget
d'un exercice présenté au moins 14 mois avant l'ouverture de cet exercice. Une
fois entré dans cette position normale, on y resterait forcément, comme nous
sommes malheureusement restés dans la position où nous nous trouvons
aujourd'hui.
Le
gouvernement prenant l'engagement de présenter les budgets que j'ai indiqués,
il est satisfait, ce me semble, au vœu de l'honorable auteur de la proposition
; et même il y sera satisfait plus tôt qu'il ne le demande ; car veuillez
remarquer que, d'après la proposition de l'honorable M. Devaux, il est fait
exception pour les exercices de 1847 et 1848, de sorte qu'il se peut, il est
même probable qu'en 1849, nous nous retrouvions encore dans la position où nous
sommes actuellement. C'est pour en sortir d'une manière pratique que j'indique
à la chambre la marche qui me paraît la meilleure.
M. le président. - D'après les
observations que vient de présenter M. le ministre, la discussion porte à la
fois sur l'article 2 et les amendements qui s'y rattachent, ainsi que les articles
3 nouveaux proposés par MM. Rogier et Devaux.
M. Rogier. - Il m'est
impossible d'accueillir les observations de M. le ministre des finances. Nous
avons de lui la promesse que trois des budgets seront présentés d'ici à peu de
temps, de manière que la chambre puisse les examiner et les voter dans le cours
de la session. Il y a une fin de non-recevoir qui s'oppose au projet de M. le
ministre. La Constitution ne suppose pas la présentation de deux ou trois
budgets isolés. L'article 115 de la Constitution veut que chaque année les
chambres votent le budget de l'Etat, ce qui comprend l'ensemble de ses voies et
moyens et de ses (page 802)
dépenses. Sous ce rapport il ne me semble pas que nous entrerions dans une voie
régulière en admettant la présentation de quelques budgets isolés.
Nous ne pouvons pas
d'ailleurs nous prononcer sur les budgets de quelques départements sans
connaître l'ensemble de toutes les dépenses ; c'est sur la connaissance de cet
ensemble que la chambre doit se baser pour introduire des économies dans les
divers services et les mettre en harmonie les uns avec les autres.
Si la promesse de M.
le ministre recevait son exécution, nous ne serions pas plus avancés
qu'aujourd'hui. En effet, il propose de présenter cette année les budgets qui,
d'ordinaire demandent le moins de temps, ceux qui à différentes sessions ont
été votés quelquefois en une séance, notamment le budget des finances. Ce n'est
pas à ces budgets-là, mais à ceux qui donnent lieu à de plus longs débats, sôit
dans les sections, soit dans la section centrale, qu'il faut attribuer la
situation anormale où nous nous trouvons.
Quand nous aurions
voté les budgets des finances, de la justice, des affaires étrangères et de la
marine à la fin de la présente session, il ne s'ensuivrait pas que l'intervalle
du mois de novembre au mois de janvier suffirait pour examiner et voter les
budgets de l'intérieur, des travaux publics et de la guerre. Ainsi, nous
n'aurions fait qu'ajourner la difficulté, déguiser les embarras sans y porter
remède. Je ne comprends pas l'opposition de M. le ministre à ma proposition qui
est toute dans l'intérêt du gouvernement, car il n'est pas indifférent pour
l'Etat d'être longtemps à l'avance en possession de ses moyens d'action, et de
ne pas se trouver dans la nécessité de demander des crédits provisoires, ce qui
nécessairement enchaîne sa marche.
On a fait observer
que ma proposition ne pouvait pas recevoir d'effet dans cette session, parce
que je ne proposais la présentation du budget que six mois avant l'ouverture de
l'exercice. Mais je laisse au gouvernement la faculté de présenter les budgets
neuf mois, dix mois à l'avance. On a dit que s'ils étaient présentés en juillet
il n'y aurait pas possibilité de les examiner et de les voter avant la fin de
la session. Je crois que la chambre, en présence de cette nécessité reconnue
par tous de sortir de l'état anormal où nous nous trouvons, n'écouterait ni les
conseils de la paresse, ni le désir de se donner des vacances ; et si elle
voulait consacrer un mois ou deux, en dehors du temps ordinaire de ses
sessions, à ces graves intérêts, tout serait régularisé pour cette année et
pour l'avenir.
Si donc la chambre
voulait prendre sur elle cette résolution qui ne demande de sa part ni un grand
courage ni un immense travail, de voter en juillet et août les budgets de 1847,
tout en rentrant dans son devoir, elle rendrait un service au pays et à
l'administration.
Voilà
quel est le but de mon amendement et quels seraient ses résultats. Je ne
demande pas à la chambre un effort surnaturel en l'engageant à siéger deux mois
de plus pour voter le budget de 1847. Si on craignait de siéger pendant les
mois d'été, eh bien ! que les budgets soient présentés plus tôt et qu'on
les examine sans retard ; on pourra alors se donner des vacances, si tant est
qu'on puisse y songer, quand on se trouve dans une situation financière
irrégulière, qu'il est indispensable de faire cesser.
La proposition de M.
le ministre est impuissante pour arriver à ce résultat, c'est un vain palliatif
; car sa promesse ne porte que sur des budgets relativement insignifiants, et
qui ne donnent pas lieu à longue discussion. Elle n'apporte pas remède aux
abus. C'est pourquoi je persiste dans ma proposition.
M. Delfosse. - Nous nous
trouvons en présence de trois systèmes pour la clôture définitive de l'exercice
: le projet du gouvernement fixe cette clôture au 31 décembre de l'année qui
suit celle de l'exercice, la section centrale propose de substituer l'époque du
31 octobre à celle du 31 décembre. D'après mon amendement, l'exercice serait
définitivement clos le 30 septembre.
M. le ministre des
finances vient de déclarer qu'il ne peut pas se rallier à mon amendement, parce
qu'il donnerait lieu à un trop grand nombre de reports d'un exercice à l'autre
; les reports doivent, selon lui, être l’exception.
Pour être conséquent,
M. le ministre des finances aurait dû repousser l'amendement de la section
centrale comme le mien ; il est évident qu'il y aura moins de reports si l'exercice
n'est définitivement clos que le 31 décembre au lieu de l'être le 31 octobre,
comme la section centrale le propose.
Pourquoi la section
centrale n'a-t-elle pas admis la proposition primitive du gouvernement ?
Pourquoi, au lieu de fixer la clôture de l'exercice au 31 décembre, l'a-t-elle
fixée au 31 octobre ? Pourquoi le gouvernement s'est-il rallié à cet
amendement, bien qu'il doive en résulter un plus grand nombre de reports d'un
exercice à l'autre ? C'est probablement pour que l'exercice soit définitivement
clos avant l'ouverture de la session ordinaire des chambres, c'est afin que
l'on puisse communiquer aux chambres les résultats définitifs de cet exercice.
Si c'est là le but que la section centrale a eu en vue, il ne suffit pas, pour
l'atteindre, que la clôture de l'exercice ait lieu quelques jours avant
l'ouverture de la session ; il faut un délai utile, il faut que le gouvernement
ait un délai proportionné à l'importance du travail auquel il doit se livrer.
Si la section
centrale, en présentant son amendement, et le gouvernement, en s'y ralliant,
n'ont pas eu le but que je viens d'indiquer, il était fort inutile d'abréger
l'exercice de deux mois ; il était, au contraire, préférable de ne le clôturer
qu'au 31 décembre, comme le gouvernement le proposait ; les reports, que M. le
ministre des finances considère comme un mal, auraient été moins nombreux.
Je sais, et je l'ai
dit hier, que la section centrale, en fixant l'époque du 31 octobre, a voulu
faire passer dans notre législation une disposition des lois françaises ; mais
la section centrale n'a pas tenu compte de la différence qu'il y a entre les
deux pays. En France, la session s'ouvre à la fin de décembre. II y a en
France, entre la clôture de l'exercice et l'ouverture de la session, un intervalle
d'environ deux mois. En Belgique, où la session s'ouvre au commencement de
novembre, l'intervalle ne sera que de quelques jours.
La section centrale
et le gouvernement devraient bien tenir compte de cette différence.
Ma proposition n'est
pas seulement fondée sur les considérations que je viens de développer, elle
est fondée aussi sur l'article 32 du projet de la section centrale. Cet article
porte :
« Art. 32. La
présentation du projet de loi spécial pour le règlement définitif du budget du
dernier exercice clos, a lieu à l'ouverture de la session ordinaire des
chambres.
« La cour des comptes
soumet à la même époque, avec ses observations, le compte général de l'Etat du
même exercice et les documents à l'appui. »
La section s'ouvre au
commencement de novembre. Aux termes de l'article que je viens de lire, on
devra présenter aux chambres, à l'ouverture de la session d'après le projet de
la section centrale, et dans le mois de l'ouverture d'après le projet du
gouvernement, la loi relative au règlement définitif du budget du dernier
exercice clos. Quel est ce budget ? Evidemment celui de l'exercice clos le 31
octobre. S'il en est autrement, si l'on entend parler d'un exercice antérieur à
celui-là, il faut changer l'article ; si on ne change pas l'article, l'exercice
au sujet duquel une loi devra être présentée sera l'exercice clos le 31
octobre, c'est-à-dire, quelques jours avant ; ce n'est pas en quelques jours
que le gouvernement pourra se mettre en mesure de présenter un projet de loi
aussi important, qui doit être appuyé d'une masse de pièces. Il faut pour cela
plus de quelques jours, il faut au moins les dix à onze semaines que je propose
d'accorder.
Ma proposition tend à
faciliter l'accomplissement d'une obligation qui incombera au gouvernement en
vertu de la loi.
Si elle est adoptée,
il y aura un peu plus de reports ; mais le gouvernement ne trouve pas sans
doute que ces reports présentent de graves inconvénients ; sans cela aurait-il
accueilli la proposition de la section centrale, qui donnera lieu à beaucoup
plus de reports que la proposition primitive ?
Le gouvernement
pourra d'ailleurs parer aux inconvénients, s'il y en a, en mettant plus de
diligence dans ses actes, en pressant les opérations ; il dépend de lui que les
reports ne se multiplient pas trop.
Il n'y a qu'un moyen
de repousser ma proposition, c'est de modifier l'article 32, c'est de dire que
l'exercice clos, dont cet article parle, n'est pas celui qui aura été clos
quelques jours avant l'ouverture de la session, mais l'exercice antérieur.
Si,
comme je le prévois, le gouvernement propose de modifier l'article 32 dans ce
sens, il y aura, au moment de la présentation et de l'examen des budgets, deux
exercices dont les résultats seront encore inconnus : l'exercice clos le 31
octobre précédent, et l'exercice en cours d'exécution ; c'est trop d'un ; ce
retard dans la présentation des comptes empêchera la chambre et le pays
d'apprécier convenablement la situation financière. Il y aura là une cause
permanente d'abus.
J'attendrai, avant de
présenter d'autres observations, que M. le ministre des finances se soit
expliqué sur la portée de l'article 32.
M. Desmet. - Tous les ans nous
sommes frappés des inconvénients que présente la discussion des budgets ;
jamais le sénat n'a le temps nécessaire pour les examiner sérieusement. C'est
un fait qui existe depuis quinze ans, malgré la prescription formelle de la
Constitution. Que doit-on désirer ? Que l'on puisse discuter et voter les
budgets à l'époque la plus voisine de l'exercice pour lequel ils sont faits. Je
crains que l'amendement proposé par l'honorable M. Rogier ne puisse pas obvier
à l'inconvénient qu'on signale.
Il voudrait qu'on
présentât les budgets dix mois avant l'ouverture de l'exercice ; mais alors,
comme on ne connaît pas exactement quels pourront être les besoins, on est
obligé d'avoir recours ensuite aux crédits supplémentaires et complémentaires,
c'est-à-dire d'avoir deux budgets. On cite l'exemple de la France ; mais
qu'arrive-t-il en France ? Il y a une foule de crédits qui s'ouvrent par
ordonnance. Voilà ce que nous ne voulons pas. La proposition de M. le ministre
ne remédie pas non plus au mal. Le seul moyen, selon moi, de voter les budgets
avant l'ouverture de l'exercice, c'est de changer l'époque de l'ouverture de
l'exercice, de la porter au 1er mars, au lieu du 1er janvier.
D'après la
Constitution, en vous réunissant au mois de novembre, vous pourrez voter les
budgets avant le commencement de l'exercice. Si on ne prend pas cette mesure,
il n'y aura pas moyen de faire cesser les retards qu'éprouve le vote des
budgets. Je ne fais pas de proposition ; si cependant cette mesure ne devait
pas rencontrer d'opposition, j'en ferais l'objet d'un amendement.
Qu'arriverait-il ? Que, pour la première année, vous auriez un exercice de 4/5
de l'année.
Je demanderai donc à
M. le ministre des finances s'il y aurait des inconvénients à substituer dans
l'article le 1er mars au 1er janvier.
M. le président. - M. Desmet vient
de déposer l'amendement suivant au paragraphe 2 de l'article 2.
« L'exercice
commence le 1er mars et finit le dernier jour de février de l'année suivante. »
- Sur la proposition
de M. Osy, la
chambre décide qu'avant de s'occuper des articles 3 nouveaux proposés par MM.
Devaux et Rogier, elle s'occupera exclusivement de l'article 2.
(page 803) M. le président. - La parole est à M. le ministre des
finances sur l'article 2.
M. le ministre des finances (M.
Malou).
- Il ne me paraît pas nécessaire, pour atteindre le résultat que nous avons
tous en vue, de changer l'époque du commencement de l'année financière. cette
question a été déjà discutée plusieurs fois. Mais je crois que l'on doit
respecter les habitudes, les précédents, à moins qu'une nécessité évidente ne
soit démontrée. L'on peut arriver au résultat que nous désirons sans contrarier
ces habitudes. En effet, nous allons, d'une manière ou d'une autre, arriver
avant trois ans à gagner une année pour le vote des budgets. Alors, nous serons
rentrés dans la voie normale où l'on se trouve en France, et où l'on n'a pu
entrer jusqu'ici à cause des circonstances que le pays a traversées depuis
1830. Il y a donc lieu, à mon avis, de maintenir l'exercice du 1er janvier au
31 décembre.
Mais je crois aussi
devoir persister dans la proposition de la section centrale, en ce qui concerne
la prolongation de l'exercice. L'honorable M. Delfosse croit qu'il n'y aurait
pas d'inconvénient à ce que l'exercice fût clos plus tôt. Mais il est ici une
limite que nous n'avons pas arbitrairement créée ; nous l'avons puisée dans
l'expérience d'une nation voisine. Le délai de dix mois existe en France depuis
longtemps. Si le terme n'est pas assez long, on aura amené le désordre, au lieu
de simplifier la comptabilité.
Pourquoi, dit
l'honorable membre, retrancher deux mois ? Toutes les dispositions se lient et
s'expliquent. On a retranché deux mois de la durée de l'exercice, pour pouvoir
retrancher trois mois à la durée accordée au ministre des finances, pour la
formation du compte, en vertu de l'article 44.
On a abrégé le délai,
pour que les comptes puissent être votés par les chambres dans un délai plus
rapproché.
L'honorable membre
invoque constamment l'époque de la réunion ordinaire des chambres. Mais toute
l'argumentation tombe du moment que le gouvernement convoquerait les chambres
quelques mois plus tôt, ce qui est arrivé, ce qui peut arriver encore.
M. Delfosse. - Il faut raisonner
d'après la règle et non d'après l'exception.
M. le ministre des finances (M.
Malou).
- Sans doute. Mais lorsque vous posez un principe, en vue d'un résultat
certain, il m'est permis de faire observer que depuis 1830 les chambres ont été
convoquées avant le mois de novembre et que dans ce cas le résultat n'est pas
obtenu.
II y a plus ;
l'honorable membre ne se rend pas compte de la portée des articles 32 et 44.
L'article 32 oblige
le gouvernement à présenter le projet de loi spécial pour le règlement
définitif du budget du dernier exercice clos, soit à l'ouverture de la session,
comme le propose la section centrale, soit dans le mois d'ouverture de la
session, comme j'ai l'honneur de le proposer.
Mais quel est le
compte qu'il s'agit de régler alors ? Ce n'est pas le compte de l'exercice clos
le 31 octobre. C’est le compte de l'exercice précédent.
M. de Man
d’Attenrode, rapporteur. - C'est cela !
M. le ministre des finances (M.
Malou).
- Je dis, messieurs, que c'est le compte de l'année précédente ; il faut en
effet se demander, d'après toutes les dispositions du projet, à quelle époque
l'exercice esl clos, de manière à ce que la loi de règlement puisse être
soumise aux chambres. Ce n'est pas à la date du 31 octobre que l'exercice est
clos et arrêté, mais c'est lorsque les opérations ou le contrôle de la cour des
comptes ont pu être terminées pour former la loi de règlement des comptes.
Voici ce qui se
passe. L'exercice est clos le 31 octobre, en ce sens qu'on ne peut plus imputer
sur cet exercice. Mais alors seulement doivent être accomplies les formalités
du visa, de la liquidation de la cour des comptes pour les demandes de payement
qui lui ont été transmises avant la clôture de l'exercice. Alors seulement
commence le délai de cinq mois accordé au ministre des finances pour rédiger le
compte général qui doit être soumis à la cour des comptes. Au mois de mars
seulement de l'année suivante commence le délai accordé à la cour des comptes,
pour examiner cette situation. Après la liquidation, et après l'examen par la
cour des comptes de cette situation qui lui a été remise, le gouvernement est
en mesure, d'après l'ensemble de la loi, de soumettre a la législature la loi
de règlement des comptes.
Il ne faut pas,
messieurs, changer la rédaction de l'article 32 parce que (il me paraît presque
inutile d'énoncer un principe élémentaire) un article de loi ne doit pas
s'interpréter seul, mais tous s'expliquent les uns par les autres. Il faut donc
voir quel est le dernier exercice clos, non pas en s’attachant à toutes les
formalités à accomplir pour arriver à la clôture de l'exercice, et c'est ce que
l'honorable membre a complétement perdu de vue.
Je vais rendre encore
une fois l'application de la loi sensible par un exemple. D'après l'article 2,
en supposant toujours le délai de dix mois, le 31 octobre, le gouvernement peut
imputer sur le budget de l'exercice précédent, pour une obligation contractée à
raison de cet exercice, une dépense de deux millions. Qu'arrive-t-il alors ?
Cette demande est envoyée à la cour des comptes, et cette cour doit avoir donné
son visa avant que l’on puisse charger cet exercice clos de la dépense
légalement contractée. Qu'arriverait-il si la situation était donnée à la date
du 31 octobre ? Cette situation n'aurait aucune signification, aucune valeur.
Je
le répète encore, messieurs, il faut pour expliquer l'article 32, prendre la
loi dans son ensemble, et voir quelles sont réellement les formalités à suivre
pour la clôture du budget et la présentation de la loi des comptes.
Au reste, messieurs,
lorsque nous en viendrons à l'article 32, nous discuterons encore cette
question. Mais alors j'espère que l'honorable membre voudra bien rencontrer
l'objection que je viens de faire.
M.
le président. - La parole est à M. le rapporteur.
M. de Man
d'Attenrode, rapporteur. - M. le ministre vient de présenter les observations
que je voulais faire. Il me paraît inutile de répéter ce qu'il vous a si bien
expliqué.
M. Desmaisières. - J'avais demandé
la parole pour parler a la fois sur l'amendement de l'honorable M. Rogier et
sur celui de l'honorable M. Delfosse. Par suite de la motion que vous avez
adoptée sur la proposition de l'honorable M. Osy, je me trouve forcé à ne
parler pour le moment que de ce dernier amendement.
Messieurs, après les
observations que vient de présenter M. le ministre des finances, j'ai peu de
choses à dire sur l'amendement de l'honorable M. Delfosse. J'ajouterai
seulement que nous ne devons pas perdre de vue que nous discutons dans ce
moment un projet de loi qui est destiné à former en quelque sorte la
constitution, la loi constitutionnelle des finances de l'Etat, que par
conséquent cette loi doit avoir, avant tout, un caractère permanent, qu'il faut
prendre garde d'y insérer des dispositions qu'il faudrait modifier après
quelque temps d'expérience. Déjà, messieurs, vous remarquerez que le projet de
loi, tel qu'il a été rédigé par la section centrale et admis par M. le ministre
des finances, change considérablement l'état actuel des choses. Car
actuellement un exercice dure trois années, et vous allez le réduire à une
année, en accordant seulement dix mois pour certaines liquidations.
Messieurs,
en pareille matière, c'est surtout l'expérience qui doit nous servir de guide.
Cette disposition ayant pour but de réduire l'exercice a une année, en
accordant dix mois pour parfaire certaines liquidations, est empruntée à la loi
française. Déjà depuis un grand nombre d'années, messieurs, cette disposition a
été soumise en France à l'expérience des faits et nous n'avons pas vu qu'il en
soit résulté d'inconvénient. La preuve qu'il n'en est résulté aucun, c'est qu'on
la maintient. Dès lors, et jusqu'à ce qu'on m'ait signalé les inconvénient qui
pourraient se présenter, je crois devoir voter pour la fixation de la durée à
dix mois de la période de liquidation à ajouter à l'exercice d'une année.
M. Delfosse. - On m'oppose
continuellement l'exemple de la Franc, et l'on ne tient aucun compte de ce fait
que j'ai signalé, que la session s'ouvre en France à la fin de décembre,
c'est-à-dire six ou sept semaines plus tôt que chez nous.
Je persiste à croire
qu'il faut ou adopter mon amendement ou modifier l'article 32. Cet article
impose au gouvernement l'obligation de présenter, dans le mois de l'ouverture
de la session des chambres, le projet de loi spécia1 pour le règlement
définitif du budget du dernier exercice clos. Le dernier exercice dont il est
ici question est évidemment celui qui aura été clos le 31 octobre précédent.
La chambre se
réunissant au mois de novembre, le bon sens indique que l'article 32 doit
recevoir l'interprétation que je viens d'indiquer, je vous démontrerai tantôt
que cette interprétation résulte encore d'un autre article du projet ; s'il en
est ainsi, et si vous adoptez la proposition de la section centrale, le
gouvernement n'aura pas assez de temps pour préparer et présenter à la chambre
dans le mois de l'ouverture de la session, le projet spécial mentionné à
l'article 32 ; les dix à onze semaines que je propose de lui accorder seront à
peine suffisantes pour ce travail.
M. le ministre des
finances me dit que les mots « exercice clos » qui se trouvent dans
l'article 32, ne doivent pas s'entendre de l'exercice clos au 31 octobre, mais
de l’exercice antérieur à celui-là, et pourquoi ? Parce que l’exercice clos le
31 octobre, dit M. le ministre des finances, n'est réellement clos que lorsque
toutes les opérations de la cour des comptes seront terminées. C'est là une
erreur. L'exercice est clos à l'époque indiquée par la loi.
L'interprétation que
je donne à l’article 32 résulte d'ailleurs de l'article 39, qui est devenu
l'article 44 du projet de la section centrale. On y lit : « Dans le premier
semestre de chaque année, le ministre des finances transmet à la cour des
comptes le compte général des finances, comprenant l'exercice clos et la
situation provisoire du l'exercice suivant avec les document à l'appui. »
Vous voyez bien que
dans cet article, par exercice clos, on entend l'exercice clos au 31 octobre
précédent ; c'est l'année suivante qu'on transmet le compte de cet exercice à
la cour des comptes. Vous ne pouvez donner aux mots « exercice clos »
un sens dans l'article 32 et un autre sens dans l'article 39.
Modifiez l'article
32. je le veux bien ; alors mon amendement n'aura plus le même degré d'utilité.
Mais si vous adoptez l'article 32 tel qu'il est, vous devez admettre mon
amendement, sous peine de mettre le gouvernement dans l'impossibilité de
remplir les obligations que la loi lui imposerait.
Faut-il, messieurs,
modifier l'article 32 ? Si on le change dans le sens indiqué par M. le ministre
des finances, il y aura, à l'époque de l'ouverture des chambres et de la
présentation du budget, deux exercices encore soumis à des éventualités. Au
lieu de présenter alors le compte de l'exercice antérieur à celui qui sera en
cours d'exécution, on ne présentera que le compte d'un exercice plus ancien ;
il y aura encore une grande obscurité dans notre situation financière.
Je regrette que M. le
ministre des finances ne veuille pas entrer franchement dans une autre voie. M.
le ministre objecte quelques difficultés ; il nous dit qu'il y aurait trop de
reports. Mais je suis peu touché de ces difficultés, lorsque je vois que dans
la province de Liège l'exercice est clos au mois d'avril. L'administration
provinciale de Liège n'a que trois ou quatre mois pour terminer ses opérations.
Je propose d'en donner neuf au gouvernement.
M. de Man d'Attenrode. - Je demande la
parole.
M. Delfosse. - L'honorable
rapporteur va me dire qu'il y a des difficultés dans la province de Liège,
qu'il y a beaucoup de reports d'un exercice à l'autre. Mais c'est justement
pour qu'il y ait moins de reports que je (page
804) propose d'accorder neuf mois au gouvernement. D'ailleurs, le système
suivi dans la province de Liège n'a pas fait naître d'inconvénient sérieux,
tandis qu'il présente cet avantage très grand qu'on peut d'un coup d'œil, en
inspectant un seul budget, apprécier toute la situation financière de la
province.
Je voudrais qu'il en
fût de même quant aux finances de l'Etat. Il est fâcheux que les comptes ne
nous soient présentés qu'après que les ministres, qui ont posé les actes, ne
sont plus aux affaires. En général, la durée d'un ministère est de deux ans ;
c'est la moyenne. Les ministres n'étant plus aux affaires lorsqu'on examine les
comptes de leur gestion, la responsabilité ministérielle devient en quelque
sorte illusoire.
M. le ministre des finances (M.
Malou).
- Je demande de nouveau ce que devient l'amendement de l'honorable M. Delfosse,
pour les années où le gouvernement croira devoir convoquer les chambres le 10
octobre ou même le 29 septembre.
Je ferai une seconde
question.
Le gouvernement
convoque les chambres le 29 septembre. Quel est l'exercice clos ? L'exercice
recule donc d'une année, parce qu'on a convoqué les chambres un jour avant le
30 septembre.
Messieurs, la loi ne
peut s'entendre ainsi, parce qu'il est impossible que le gouvernement, même
avec le mois de plus que lui donne généreusement l'honorable M. Delfosse,
puisse arrêter les comptes pour l'ouverture de la session. Le budget est clos
quant aux imputations nouvelles à faire postérieurement au 31 octobre. Mais le
budget n'est pas arrêté, parce qu'il est clos. L'on doit alors remplir toutes
les formalités nécessaires pour arriver à la clôture réelle de l'exercice.
Je
voudrais, comme l'honorable membre, que du jour au lendemain la comptabilité
pût être arrêtée, la situation d'un budget put être définie, de manière que
dans l'espace de six semaines la chambre pût être saisie du compte définitif.
Mais, messieurs, nous
ne devons pas nous régler d'après ce que nous voudrions voir exister ; nous
faisons des lois pour ce qui est possible ; or il est impossible de terminer
avant un délai de plusieurs mois des opérations si longues, si compliquées. Par
la force des choses, les chambres ne pourront jamais être saisies que du compte
de l'avant-dernière année.
M. Desmet. - Messieurs,
l'honorable ministre des finances est dans l'erreur lorsqu'il pense que la
question du changement de l'ouverture de l'année financière a déjà été
discutée. Une proposition a été faite par l'honorable M. Verdussen ; cette
proposition a été développée ; mais elle n'a jamais été mise en discussion.
Je crois, messieurs,
que le seul moyen de parer aux inconvénients qui ont été signalés, c'est de
changer l'époque du commencement de l'année financière. Ou nous oppose ce qui
se fait en France ; mais j'espère bien que nous n'entrerons jamais dans le
régime français, qui aboutit à créer un budget supplémentaire par ordonnance.
Si ma proposition
était adoptée, le gouvernement aurait quatre mois pour préparer le compte du
dernier exercice clos et nous discuterions les budgets à une époque rapprochée
de l'ouverture de l'exercice auquel ils doivent s'appliquer. Nous serions ainsi
à même de connaître avec exactitude les besoins de cet exercice. Il me semble
que ma proposition satisfait à tous les besoins, et à moins que M. le ministre
ne déclare qu'elle est inexécutable, que des difficultés pratiques rendent son
exécution impossible, je suis forcé d'insister pour qu'elle soit adoptée.
M. de Man
d'Attenrode, rapporteur. - Il est fâcheux, messieurs, que nous passions sans
cesse d'une idée à une autre : nous venons de discuter la question de savoir si
le délai de dix mois proposé par la section centrale, doit être réduit à neuf
mois, comme le demande l'honorable M. Delfosse, et voilà que l’honorable M.
Desmet vient nous proposer de changer l'époque de l'ouverture de l'année
financière.
M. Desmet. - Faites une motion
d'ordre,
M. de Man d'Attenrode. - Eh bien, je fais
la motion formelle de terminer la question soulevée par l'honorable M. Delfosse
avant de passer à une autre ordre d'idées.
Un membre. - C'est décidé
ainsi.
M. de Man d'Attenrode. - J'aborderai donc
le fond de la question.
Depuis longues
années, messieurs, les comptes sont présentés d'une manière extrêmement tardive
; et pour parer, autant que possible, aux inconvénients de cet état de choses,
le gouvernement nous présente, à l'ouverture de chaque session ce qu'on est convenu
d'appeler la situation du trésor. Quant a moi, je n'attache que très peu
d'importance à ce document qui ne renferme, en définitive, que des
appréciations qui n'ont rien d'officiel.
Je sais que certains
membres y attachent plus d'importance que moi, et j'ai déjà remarqué plusieurs
fois que l'honorable M. Delfosse en faisait une étude approfondie pour les
discussions des budgets. Maintenant cet honorable membre voudrait que le compte
du dernier exercice clos, put aussi servir de renseignement dans l'examen des
budgets.
Je le voudrais
également, si la chose était possible, mais il faut tenir compte de certaines
exigences de l'administration ; il est impossible que le gouvernement examine
les comptes en quelques semaines.
Comme rapporteur de
la section centrale, j'ai examiné cette question à fond ; je l'ai discutée avec
des hommes qui s'entendent parfaitement en administration, et nous avons
reconnu d'abord que le délai de dix mois est indispensable, que si on fixait un
délai plus court il y aurait des reports extrêmement nombreux, ce qui
compliquerait beaucoup la comptabilité La province de Liège depuis plusieurs
années a adopté un délai de quatre mois seulement, mais qu'en résulte-t-il ?
C'est qu'il y a des
reports tellement nombreux que la comptabilité de la province de Liége donne à
la cour des comptes presque autant de besogne que lui en donnera la
comptabilité de l'Etat, si nous admettons le délai de dix mois, quant à la
besogne des reports d'un exercice à un autre.
La section centrale a
proposé de réduire le délai d'un an à 10 mois, et pourquoi ? C'est pour hâter
l'envoi du compte à la cour des comptes. Le gouvernement avait d'abord proposé
de ne faire cet envoi que dans le semestre ; nous avons demandé qu'il eût lieu
dans le premier trimestre, et le gouvernement s'est contenté de ce délai ; il
aura arrêté les mois de novembre, décembre, janvier, février et mars, pour
rédiger le compte et c'est à la fin de mars qu'il sera à même de le transmettre
à la cour.
Celle-ci devra alors
les examiner à son tour ; elle devra confronter le compte général avec les
comptes individuels, rédiger ses observations, et ce travail lui demandera bien
aussi cinq ou six mois. Nous avons donc proposé que la cour des comptes
renverrait les comptes, avec ses observations, à l'ouverture de la session des
chambres.
D'après cela,
messieurs, il serait donc absurde de supposer que les comptes de l'exercice
clos au 31 octobre pussent être présentés aux chambres dans les premiers jours
du mois de novembre suivant.
Je
ne veux pas taxer d'absurdité ce qui a été dit par M. Delfosse. Cet honorable
membre a trop de logique pour que je puisse adresser une semblable
qualification à ses paroles ; mais il n'aura pas assez approfondi les
difficultés inhérentes à la formation du compte, et cela est fort simple,
puisqu'il ne faisait pas partie de la section centrale. Il se sera attaché trop
exclusivement à l'article 32.
Ce qui est certain,
c'est que, dans la pensée de la section centrale, l’article 32 n'a en vue que
le compte de l'exercice pénultième. Il suffit d'examiner les diverses
dispositions du projet pour se convaincre qu'il n'en saurait ère autrement
Je bornerai là mes
observations pour le moment.
M. Delfosse. - Je ne puis voir
dans les lois que ce qu'on y met. Quand je vois dans une loi : « le
dernier exercice clos» je dois supposer qu'il s'agit de l'exercice qui a été
clos le dernier. Si l'on veut que ce soit celui qui a précédé, soit ; mais
alors il faut le dire ; je ne puis pas lire les lois autrement qu'elles ne sont
écrites.
Je maintiens ce que
j'ai dit tantôt, vous devez adopter mon amendement ou changer la rédaction de
l'article 32 M. le ministre des finances m'a objecté que le gouvernement peut
convoquer les chambres avant l'époque ordinaire. Je répondrai à M. le ministre
des finances que nous faisons des lois pour les cas ordinaires et non pour les
cas exceptionnels. Mais il y a un moyen bien simple de parer à l'éventualité
indiquée par M. le ministre des finances ; au lieu de dire dans l'article 32
que le gouvernement présentera les comptes du dernier exercice clos, dans le
mois de l'ouverture des chambres, il n'y a qu'à mettre qu'il présentera ces
comptes au plus tard le 15 décembre.
M. Veydt. - Pour éclaircir la
question soulevée par l’honorable M. Delfosse, je demanderai quel sera le
compte qui servira de point de départ au budget de 1847, par exemple ?
Un membre. - Celui de 1845.
M. Veydt. - Cela ne me paraît
pas résulter du projet en discussion.
M. Delfosse. - D'après M. le
ministre des finances, ce serait le compte de 1844.
M. Veydt. - D'après moi
aussi, ce serait le compte de 1844. Je désire que M. le ministre nous donne des
explications à ce sujet.
J'avais surtout
demandé la parole pour combattre l'amendement présenté par l'honorable M.
Desmet.
Déjà
M. le ministre des finances a dit, avec raison, qu'il faudrait une nécessité
absolue pour introduire une semblable innovation. Il n'y a dans les habitudes
administratives du pays aucun exemple d'un exercice qui commence, soit au mois
de mars, soit au mois de juillet : tous les comptes provinciaux et communaux,
les comptes de tous les établissements publics, cadrent avec l'année ordinaire,
et si l'on suivait une autre marche pour les comptes de l'Etat, il en
résulterait de graves inconvénients. Ainsi, les crédits votés par les conseils
provinciaux ou par les conseils communaux pour des objets d'utilité publique
auxquels concourt également l'Etal, ces crédits ne se rapporteraient plus à la
même période que les subsides alloués par les chambres du même chef. Je partage
entièrement l'opinion de M. le ministre des finances, qu'il faudrait une
nécessité absolue pour adopter la proposition de l'honorable M. Desmet. Il
faudrait qu'il n'y eût pas d'autre moyen de sortir de la situation vicieuse qui
a été signalée tant de fois. Or, il n'en est pas ainsi, car, à mon avis, il n'y
a aucun motif sérieux qui s'oppose à l'adoption de l'amendement de M. Devaux.
M.
le ministre des finances (M. Malou). - Voici, messieurs, comment les choses se
passeront d'après le projet qui vous est soumis. Je prendrai pour exemple
l'exercice de 1844. Cet exercice sera clos le 31 octobre 1845, c'est-à-dire
qu'après le 31 octobre 1845, le gouvernement ne pourra plus faire aucune
imputation sur l'exercice de 1844. Tel est le sens de l'article 2 que nous
discutons. D'après l'article 44 du projet de la section centrale, le
gouvernement devra, immédiatement après le 31 octobre 1845, s'occuper de
rédiger le compte de l'exercice 1844, qui devra être remis à la cour des
comptes avant le 1er avril 1846. Ce compte de 1844 sera donc soumis à
l'ouverture de la session de 1846-1847. Voilà, messieurs, le seul sens que l’on
puisse donner, selon moi, aux dispositions du projet de loi. Je voudrais qu'on
pût abréger ces délais, mais nous devons tenir compte des impossibilités
matérielles qui s'y opposent II est matériellement impossible de rédiger les comptes
d'un exercice dans un délai de six semaines ou de deux mois ; le gouvernement
devra y mettre la plus grande activité pour arrêter (page 805) ses comptes endéans le délai de cinq mois que lui accorde
le projet de la section centrale, et il faudra pour cela que la cour des
comptes renvoie dans un délai très rapproché les mandats qui auront été émis
dans les derniers jours avant la clôture de l'exercice.
Il n'est donc pas
possible de soumettre à la chambre, dans les premiers jours de novembre le
compte de l'exercice qui aurait été clos même le 30 septembre ; je n'indique
pas ici une préférence pour tel ou tel système, je signale une impossibilité de
fait.
M. Delfosse. - Pourquoi
serait-il impossible de régler les comptes d'un exercice dans l'espace de deux
mois et demi ? Si l’on voulait travailler sérieusement, ce délai suffirait.
Le sous-amendement de
M. Delfosse est mis aux voix et n'est pas adopté.
Le dernier paragraphe
de l'article, tel qu'il a été proposé par l'honorable M. Devaux, est mis aux
voix et adopté.
M. le président. - Je mets aux voix
l'amendement proposé par M. Desmet au paragraphe 2.
M. Desmet. - Je prie M. le ministre
des finances de me dire si la disposition que je propose doit rencontrer un
obstacle absolu dans la pratique.
M. le ministre des finances
(M. Malou). - Messieurs, il y a fort peu de choses tout à fait
impossible en matière de comptabilité. La chambre ici doit se décider par un
autre motif : le changement proposé n'est pas nécessaire, et en le faisant, on
amènerait uns perturbation, non seulement dans toutes les habitudes, mais dans
toutes les comptabilités. Je pense qu'il faudrait une nécessité démontrée, à
l'évidence, pour introduire ce changement. Ici, au contraire, l'honorable
membre voudrait l'introduire, par cela seul qu'il n'y aurait pas impossibilité
absolue. Il vaudrait mieux laisser la disposition telle qu'elle est
aujourd'hui.
M. Desmet. - Je n'avais
d'autre but que de faire discuter en temps utile les budgets. Toutefois,
d'après les observations de M. le ministre des finances, je crois devoir
retirer mon amendement.
M. le président. - La chambre passe
à l'article 3 nouveau présenté par M. Rogier :
« Le budget des
recettes et celui des dépenses seront présentés aux chambres, neuf mois au
moins avant l'ouverture de l'exercice auquel ils se rapportent. »
M. Devaux a présenté
un article nouveau ainsi conçu :
« Les budgets des
dépenses et des voies et moyens seront présentés à la chambre des
représentants, au moins dix mois avant l'ouverture de l'exercice.
« La présente
disposition ne sera point applicable aux budgets des exercices de 1847 et 1848.
»
M. Devaux. - Messieurs, par
mon sous-amendement, j'ai eu pour but de modifier celui de l'honorable M.
Rogier en deux points. Je pense d'abord qu'il faut écrire dans la loi que le
budget sera présenté dix mois avant l'ouverture de l'exercice, c’est-à-dire au
mois de mars. L’expérience prouve qu'il faut trois mois pour terminer la
discussion des budgets ; or, de deux années l'une, nous avons des élections au
mois de juin ; il faut donc que le budget soit présenté au mois de mars pour
être voté avant la fin de mai.
Je modifie encore la
proposition de l'honorable M. Rogier, en stipulant qu'il pourra y avoir deux
années transitoires. Je dis que la loi ne sera pas applicable pour les budgets
des exercices 1847 et 1848. Toutefois, d'après les observations qui ont été
faites, on a semblé croire que je voulais interdire au gouvernement la faculté
de présenter les budgets plus tôt pendant ces deux années. Telle n'a pas été
mon intention. Si le gouvernement pense pouvoir présenter un second budget,
soit dans la session actuelle, soit dans la session prochaine, ou s'il peut
aviser à tout autre mesure transitoire pour faciliter l'application définitive
du nouveau système, je ne m'y oppose pas. Je proposerai donc de changer la
rédaction de mon amendement, et de dire que l'exécution de la présente
disposition pourra être suspendue, si le gouvernement le juge nécessaire,
jusqu'aux budgets des exercices 1847 et 1848 ; de manière que
le gouvernement aura pleine liberté, quant à la transition. M. le ministre des
finances veut la même chose que ce que je demande, seulement il ne veut pas
comme moi, qu'on l'écrive dans la loi. Il vaut mieux, je pense, l'écrire dans
la loi, surtout si on ne rend la mesure impérative que dans deux ans. C'est une
garantie contre toutes les éventualités. D'ici à la semaine prochaine, il peut
venir d'autres événements, d'autres préoccupations, et l'utilité de la mesure
peut être oubliée. Aujourd'hui que nous nous occupons de la comptabilité, cet
objet est très important à nos yeux, mais plus tard cette importance peut être
perdue de vue comme elle l’a été depuis 16 ans, si le gouvernement adopte une
mesure transitoire, il faul éviter aussi que cette mesure soit appliquée
pendant longtemps ; il ne faut pas que pendant sept ou huit ans, on suive, par
exemple, le système de nous présenter une partie des budgets dans une session,
et une autre partie dans une session suivante. Pour empêcher cet inconvénient,
ce qu'il y a de mieux à faire, c'est d'insérer une disposition formelle dans la
loi. De cette manière nous entrerons sûrement au but que nous sommes presque
tous d'accord, et qui est d'entrer dans un mode plus régulier, plus gouvernemental
en quelque sorte.
M. le ministre des finances (M.
Malou).
- Messieurs, d'après les explications qui viennent d'être données, et dès qu'il
est entendu que pendant la période de transition nous pouvons présenter, même
partiellement, successivement, les mesures nécessaires pour passer cette
transition, je crois pouvoir me rallier à la proposition qui vient d'être
faite. En effet, il n'y a de dissentiment que sur le période de transition. En
principe, il est à désirer, pour sauvegarder tous les intérêts, que les budgets
pussent être votés quelque temps avant l’ouverture de l'exercice ; c'est le
principe posé dans l'amendement de l'honorable M. Devaux. Ce qui nous
préoccupait, c'était la question de savoir si, pendant les deux années qui sont
assignées, nous pouvons atteindre le résultat désiré ; j'avais indiqué un mode,
j'examinerai encore si c'est le meilleur pour arriver à ce résultat.
Je me rallie donc à
la proposition de la nouvelle rédaction du paragraphe 2.
M. le président. - M. Devaux suppose
de modifier son amendement de la manière suivante :
« L'exécution de la
présente disposition, pourra, si le gouvernement le croit nécessaire, être
suspendue jusqu'aux budgets des exercices 1847 et 1848. »
M. de Man
d'Attenrode, rapporteur. - Messieurs, je n'ai rien à dire sur l'amendement,
puisque M. le ministre des finances s’y est rallié. Mais j'ai à présenter une
observation qui m'a été suggérée par la lecture du dernier rapport de la cour
des comptes. La chambre aura remarqué par le travail de la section centrale,
qu'il a été question, dans le sein de cette section, d'un délai pour la
présentation des budgets, mais que la section centrale n'a pas adhéré à cette
idée. On a également soulevé une autre question ; on aurait désiré voir écrire
en quelque sorte dans la loi les différentes conditions que devait présenter la rédaction des budgets ; on avait demandé, entre autres,
que les allocations destinées au personnel, fussent entièrement distinctes de
celles qui étaient affectées au matériel. Je ne ferai pas d'amendement à cet
égard, mais je pense que la commission qui sera chargée d'élaborer les
dispositions réglementaires, pourra prévoir les cas indiqués dans les
observations de la cour des comptes. Ainsi, au ministère des travaux publics
selon l'aveu même du chef de ce département, on a imputé sur les fonds destinés
à la construction du chemin de fer, jusqu'à concurrence de 100,000 fr. pour
traitements.
Dans sa réponse à la
cour des comptes, M. le ministre des travaux publics justifie cette manière de
procéder, par cette considération que la chambre n'avait jusqu'ici rien trouvé
à redire à cela. Je désire, pour ma part, que M. le ministre des finances
s'engage en quelque sorte à rédiger les budgets, de manière qu'il y ait une
distinction entre les crédits destinés au matériel, et les crédits affectés au
personnel.
M. le ministre des finances (M.
Malou).
- Messieurs, cette question a été examinée par la section centrale qui a jugé à
propos, et avec raison ce me semble, d'en renvoyer l'examen aux dispositions
réglementaires qui devront faire le complément de la loi actuelle.
M. Mast de Vries. - Messieurs, on a
aussi examiné cette question dans le sein de la section centrale du budget du
département des travaux publics ; cette section ne vous proposera pas de
changer ce qui existe actuellement. En voici la raison : Le montant des
traitements imputés sur les fonds de construction du chemin de fer s'élève
annuellement à 80,000 fr. : d'ici à un an ce chiffre aura disparu, si on
continue à l'imputer sur les mêmes fonds ; si, au contraire, on le transférait
au chapitre du personnel de l’administration centrale, on augmenterait d’une
manière permanente le crédit du personnel d'une somme de 80,000 fr.
- La discussion est
close.
M. Rogier. - Je me rallie à
l'article 3 nouveau, proposé par M. Devaux.
- Cet article 3
nouveau est adopté.
Chapitre II. - Comptabilité générale
§ 1. Recettes
Article 3 (devenu article 4)
« Art. 3. Les
recettes de chaque exercice sont opérées conformément aux lois annuelles ou
spéciales des voies et moyens.»
- Adopté.
« Art. 4. Tout
versement ou envoi en numéraire et autres valeurs, fait dans les caisses de
l'Etat pour un service public, donne lieu à la délivrance d'un récépissé à
talon, avec imputation de versement.
« Ce récépissé est
libératoire, et forme titre envers le trésor public, à la charge toutefois par
la partie versante de le faire viser et séparer de son talon dans les 24
heures, par les fonctionnaires et agents administratifs à désigner à cet effet.
»
M. Lebeau. - Quand on fait des
versements dans les caisses de la société générale, du caissier de l'Etat, il
n'y a pas aujourd'hui d'imputation. J'appelle l'attention de la chambre sur
l'importance du passage de l'article 4 qui prescrit l'imputation du versement,
parce qu'il me semble que vous touchez à un système, que vous y touchez d'une
manière incidente, Le gouvernement peut sans doute exiger des formalités de
cette nature, quand il a des receveurs de province et d'arrondissement à lui.
Je ne sais si vous
pouvez imposer un nouveau travail aux agents de la société générale.
Aujourd'hui, il n'y a pas d'imputation ; c'est un mal ; et je reconnais qu'en
l'introduisant on fait une amélioration ; mais je ne sais pas si cette
amélioration peut être introduite, car c'est une innovation qu'on apporte aux
rapports du gouvernement avec le caissier général de l'Etat. Je pense même
qu'il ne donne pas de récépissé à talon. Ce sont là des mesures anciennes qui
étaient excellentes, car elles donnaient au gouvernement un moyen de contrôle ;
mais je ne sais, je le répète, si leur rétablissement est conciliable avec les
rapports qui existent entre le caissier de l'Etat et le gouvernement.
M. le ministre des finances (M.
Malou).
- Quand un versement est fait entre les mains du caissier de l'Etat, il en est
donné récépissé sans imputation, sans talon. La disposition qui vous est
soumise aura pour effet, cela est très utile comme l'a dit l'honorable
préopinant, de prescrire la délivrance de quittances à talon, d'organiser un
moyen de contrôle qui manque aujourd'hui et de forcer de donner une imputation
aux versements.
(page 806) La chambre est saisie de plusieurs amendements que j'ai
eu l'honneur de lui soumettre en ce qui concerne le caissier de l’Etat.
Les
observations qui viennent d'être faites, m’engagent à définir dès à présent
quel peut être le rapport de la loi actuelle avec le caissier de l'Etat. Si
nous ne pouvions conserver le caissier général, qu'en laissant intactes toutes
les formes actuelles, nous ne pourrions pas faire de loi. Cette loi contient
des formalités nouvelles auxquelles le caissier général se conformera, comme il
s'est conformé aux règlements qui ont été faits ; l'on n'altère pas les
rapports qui existent, en vertu du contrat, entre le caissier et le
gouvernement, en changeant des formes qui ont pour objet la justification des
recettes de l'Etat, sans rien changer à l'essence du contrat.
M. Lebeau. - Cette disposition
est très importante ; si vous prescrivez pour tout versement la délivrance d'un
récépissé à talon avec imputation du versement, vous allez multiplier les
écritures des agents de la banque, vous les transformez en receveurs
d'arrondissement ; je le répète, je ne vois aucun mal à cela ; mais vous
doublez, triplez le travail de ces fonctionnaires ; l'imputation des versements
les obligera à avoir des comptes avec les employés des administrations fiscales
; il faudra ouvrir un compte à chaque receveur de contributions. Véritablement
aussi il faudra développer les livres auxiliaires et le grand livre autrement
qu'aujourd'hui. Maintenant il n'y a que des chiffres, vous aurez autant
d'imputations qu'il y a de branches de revenus, des imputations pour les
contributions directes, les douanes, les accises, l'enregistrement, vous aurez
une comptabilité très étendue.
Le caissier de l'Etat
se prêtera-t-il à ces changements ? Je ne sais si le gouvernement veut
conserver le caissier général, question sur laquelle je ne veux pas me
prononcer ; peut-être l'article 4 pourra-t-il ne pas rencontrer de difficulté ?
Je ne sais ; mais comme on touchait à une grande question, j'ai voulu qu'elle
ne passât pas inaperçue.
M. Osy. - Les observations
de l'honorable M. Lebeau sont très justes. Jusqu'à présent les versements entre
les mains du caissier général ont été faits sans imputation ; l'article qui
vous occupe prescrit à l'avenir l'imputation ; avant de le voter, il faudrait
savoir si le gouvernement est d'accord avec le caissier de l'Etat sur l'introduction
de cette mesure. Je pense que nous ferions sagement de réserver cet article
jusqu'à ce que nous en soyons arrivés à l'article 57. D'ici-là M. le ministre
aura pu s'entendre avec le caissier de l'Etat et nous dire si on peut lui
imposer l'obligation qui résulte de l'article 4. Je crois qu'il serait possible
que cette disposition donnât lieu à quelque difficulté dans le cas où il en
résulterait, pour le caissier de l'Etat, beaucoup d'écritures à faire. Mais si
on se bornait à faire envoyer tous les mois les talons à l'administration des
finances, le caissier n'aurait pas plus d'écritures à faire que par le passé ;
seulement il aurait à inscrire au talon la quittance donnée au comptable.
Quoi qu'il en soit,
je pense qu'on ferait bien de réserver l'article 4 jusqu'à ce que nous en
soyons arrivés à l'article 57.
M. le ministre des finances (M.
Malou).
- La mesure dont il s'agit existe en France. Voici comment les choses se
passent :
Un comptable vient
verser chez le receveur de l’Etat une somme provenant des contributions
directes, En Belgique on donnera une simple quittance portant reçu sans
indication d'origine ; en France le receveur délivre une quittance à talon
indiquant que la somme versée provient des contributions directes.
Nécessairement, les mêmes indications se trouvent sur le talon et sur la
quittance délivrée. Des fonctionnaires administratifs sont désignés pour
détacher le talon de la quittance, et le talon est envoyé à la trésorerie ou à
une autorité qui le remet à la trésorerie.
Il s'établit un
contrôle par la quittance qui est entre les mains du comptable et revient à la
trésorerie, et par la production du talon qui arrive par une autre voie. C'est
ainsi que les choses se passeraient. Il n'est pas nécessaire, comme le pense
l'honorable M. Lebeau, que les agents du caissier tiennent une comptabilité de
tous les produits des revenus de l'Etat ; ils donneraient seulement un
récépissé et un talon portant la même mention. Ces talons détachés par des agents
administratifs désignés par la loi arriveraient à la trésorerie et serviraient
à contrôler les récépissés.
Je
ne pense pas qu'il puisse y avoir de difficulté quant aux relations du
gouvernement avec le caissier de l'Etat. La société générale m'aurait sans
doute fait des observations avant la discussion de la loi, si elle avait cru
que les formes de comptabilité existantes dussent rester invariables. Je
conçois que le contrat ne puisse pas être changé par l'une des parties, quant à
son essence ; mais le gouvernement a le droit de prescrire les formalités
nouvelles qu'il croit nécessaires pour établir le contrôle de ses recettes.
M. de Man
d'Attenrode, rapporteur. - Les explications dans lesquelles vient d'entrer M.
le ministre des finances, doivent donner toute espèce d'apaisement aux
honorables membres. Cependant, je crois devoir en ajouter quelques-unes pour
démonter l'urgente nécessité d'adopter ce nouvel article. Depuis 1824, les
comptables qui font des versements entre les mains du caissier général
reçoivent de simples quittances de versement sans imputation, sans aucune
formalité exigible pour leur donner date certaine et un caractère authentique,
sans aucun terme assigné à leur reproduction à la trésorerie. Qu'en
résulte-t-il ? C'est que des débiteurs ou agents qui versent des fonds pour le
compte de l'Etat et qui n'appartiennent pas à l'administration des finances, se
figurent quelquefois qu'ils ont satisfait à toutes leurs obligations au moment
où ils ont versé dans les mains du caissier ce à quoi ils étaient tenus, et
qu'ils peuvent conserver par devers eux ces récépissés et ne les envoient pas
par conséquent à l'administration du trésor.
Il en résulte que la
trésorerie ignore pour quel objet telle somme a été versée, ou pourrait même
ignorer le versement, si elle n'était prévenue par le caissier général
lui-même.
C'est ce que la cour
des comptes a démontré dans son cahier concernant l'exercice définitif de 1839.
Des difficultés très graves sont résultées de ce mode de procéder, entre la
province de Liège et M. le ministre. La province de Liège avait réclamé une
somme de 428,496-83 ; le ministre écrivit à la cour des comptes qu'il croyait
que cette somme ne lui était pas entièrement due, que les prétentions de la
province étaient exagérées, qu'il était probable qu'elles devaient être
réduite, au moins de 115,470 fr. 32 c. La plus grande incertitude existait sur
le solde créancier de la province de Liège.
D'où provenait cette
incertitude inqualifiable ? Elle est provenue de ce que l'administration des
finances ne reçoit pas régulièrement les récépissés, de ce qu'elle est
dépourvue des moyens de se les faire produire.
En rendant le
récépissé à talon obligatoire, toutes ces difficultés disparaîtront ; et vous
serez tous d'avis, messieurs, qu'il est de la plus grande urgence de les faire
disparaître.
La cour des comptes a
signalé encore un autre fait, que je tiens à rappeler ici.
Le receveur des feux
du phare d'Ostende avait versé une somme de 31,947 fr. 41 c, à la société
générale ; il avait négligé d'envoyer son récépissé ; le trésor n'ayant pas
reçu ce récépissé ignorait que la somme eût été versée et ne l'avait pas, en
conséquence, inscrite dans ses comptes. C'est par hasard que ce receveur, se
trouvant à la cour des comptes, fit connaître qu'il était porteur du récépissé
en question. On lui fit observer qu'il avait abusivement conservé devers lui
cette pièce importante, et ce ne fut qu'à la suite de cette circonstance, que
la quittance de versement fut transmise à la trésorerie. Sans cette
circonstance, le gouvernement aurait ignoré à tout jamais que cette somme avait
été versée.
Je pense, messieurs,
que quand bien même la mesure qu'on vous propose occasionnerait quelque
embarras au caissier de l'Etat, vous ne devriez pas hésiter à l'adopter, car
c'est le seul moyen de mettre quelque ordre dans nos finances, de faire
connaître quelles sont les sommes qui, versées au trésor, appartiennent aux
communes, aux provinces et à l'Etat.
Après ces
explications je pense que vous n'hésiterez pas à adopter l'article en
discussion.
- La discussion est
close.
L'article 4 est mis
aux voix et adopté.
Article 5 (devenu article 6)
L'art. 5 est mis aux
voix et adopté dans les termes suivants :
« Art. 5. Toute
entrée de fonds dans les caisses publiques, quel que soit le service auquel ils
appartiennent, a lieu pour le compte du département des finances, qui en
centralise le montant dans les livres et la comptabilité de la trésorerie
générale. »
Le deuxième
paragraphe de l'article est, sur la proposition de M. le ministre des finances,
transféré à l'article 16.
Article 6 (devenu article 7)
« Art. 6. La
perception des deniers de l'Etat ne peut être effectuée que par un comptable du
trésor, et en vertu d'un titre légalement établi. »
- Adopté.
« Art. 7. Les
fonctions d'ordonnateur et d'administrateur sont incompatibles avec celles de
comptable.
« Tout agent
chargé d’un maniement de deniers appartenant au trésor public est constitué
comptable, par le seul fait de la remise desdits fonds sur sa quittance ou son
récépissé ; aucune manutention de deniers ne peut être exercée, aucune caisse
publique ne peut être gérée, que par un agent placé sous les ordres du ministre
des finances, nommé par lui ou sur sa présentation, responsable envers lui de
sa gestion, et justiciable de la cour des comptes. »
M.
le président. - Deux amendements sont présentés à cet article :
l'un par M. le ministre des finances, consistant à ajouter au commencement du
deuxième paragraphe les mots : « Sauf les exceptions établies par la loi, »
l'autre par M. de Bonne, consistant à modifier le commencement da deuxième
paragraphe en ces termes : « Tout agent du gouvernement est constitué comptable
par le seul fait de la recette des fonds de l'Etat et justiciable de la cour
des comptes. »
M. de Man
d'Attenrode, rapporteur. - Cet amendement n'est que la reproduction de la
disposition de l'article de la section centrale.
M. de Bonne. - Pas exactement ;
en effet la disposition de la section centrale tend a constituer comptable, par
le seul fait de la remise des fonds sur sa quittance ou son récépissé, tout
agent chargé d'un maniement de deniers appartenant au trésor public ; mais
l'amendement que j'ai l'honneur de proposer, a pour but de constituer comptable
et justiciable de la cour des comptes l'agent même du gouvernement qui n'est
pas chargé de la recette des deniers de l'Etat, celui qui par fraude, par
escroquerie, ou de toute autre manière indirecte, aurait reçu des deniers
appartenant à l'Etat.
C'est
un moyen de sauvegarder les intérêts du trésor.
Si mon amendement
n'est pas adopté, le gouvernement devra, dans le cas que je viens d'indiquer,
poursuivre son agent devant les tribunaux ordinaires ; j'ai confiance dans
cette juridiction ; mais son action est lente. En attendant, l'intérêt du
gouvernement peut être compromis. Il n'en est plus ainsi, si l'agent est
justiciable de la cour des comptes, l'instruction qui se fera devant cette cour
étant plus prompte et plus facile.
Mon amendement n'a
rien d'anormal ; il se trouve dans la législation française. J'ai pensé qu'il
convenait de l'insérer dans notre loi.
M. le ministre des finances (M.
Malou).
- Parmi les dispositions transitoires que j'ai eu l'honneur de proposer, se
trouve l'article 54 qui déroge temporairement à l'article 7 de la section
centrale.
En principe, j'adhère
volontiers à la proposition de la section centrale. Mais pour cette disposition
très bonne en elle-même, comme pour plusieurs autres, il faut une période de
transition. C'est ainsi, qu'en Belgique, plusieurs (page 807) services seraient compromis si l'on appliquait
immédiatement tous les principes de la loi de comptabilité. On aurait
désorganisé avant d'avoir organisé.
La régie du chemin de
fer a déjà été l'objet de longues discussions dans la chambre. Au moment où
nous réglons les principes fondamentaux de la comptabilité publique, je pense
qu'il faut laisser en dehors de cette question déjà assez vaste les questions
relatives aux services spéciaux. Il faut admettre une période de transition, en
réservant d'une manière expresse l'examen dans un délai déterminé par les
chambres législatives.
Faut-il rattacher au
département des finances les postes, les recettes du chemin de fer ? Ce sont
deux questions qui ne sont pas intimement liées aux principes généraux que nous
allons poser. Il peut y avoir utilité, nécessité même de distraire du
département des finances certaines parties de l'administration. Plus l'action
du gouvernement s'étend, plus cette nécessité se fait sentir, et en Belgique,
eu égard à l'étendue du pays et comparativement avec les autres nations,
l’action du gouvernement est beaucoup plus large. C'est ainsi que le chemin de
fer seul pourrait former une espèce de ministère, et que si l'action du
gouvernement soit pour l'exploitation directe des voies de communication, soit
dans un autre ordre d'idées, avait plus d'extension encore, il y aurait
impossibilité d'exécuter le principe d'ailleurs très bon de l'article 7 de la
section centrale.
Cette question
pourrait donc être réservée en ce sens qu'un délai serait fixé pour que la
chambre fût saisie d'une proposition complète, à l'occasion de laquelle on
examinera jusqu'à quel point l'action du ministre des finances sur les services
spéciaux doit être accordée ou refusée.
L'article 54, dont je
viens d'indiquer le but, est ainsi conçu :
«Art. 54. Par
dérogation à l’article 7 de la présente loi, les recettes du chemin de fer de
l'Etat et celles des postes continueront provisoirement d'être faites
conformément aux arrêtes et règlements en vigueur.
« L'organisation
définitive du service des recettes du chemin de fer de l'Etat fera l'objet
d’une loi spéciale qui sera présenté avant le 1er juillet 1847. »
Ainsi avant un an et
quelques mois, la question élaborée dans son ensemble, question qui a longtemps
préoccupé les départements des finances et des travaux publics, vous sera
soumise avec un projet complet.
M. Osy. - J'approuve la
proposition de M. le ministre de finances. C'est à l'article 54 que nous
délibérerons sur ce qu'il y aurait à faire, par exception à la loi, pour le
chemin de fer, etc.
Mais la question
soulevée par l'honorable M. de Bonne doit être résolue.
L'honorable
rapporteur dit que l'amendement se trouve tout à fait dans l'article 7. Cela
pourrait s'y trouver si le gouvernement nous donnait une explication, s'il
déclarait que les receveurs seuls ont le maniement des fonds de l'Etat. Mais au
ministère de l'intérieur et au ministère des affaires étrangères il y a des
employés qui reçoivent des sommes très importantes et qui les conservent en
caisse pendant longtemps. Je demande si ce sont des receveurs. Sinon, ils ne
tomberont pas sous l'application de l'article 7. Si ces employés ne sont pas
considérés comme receveurs, il est évident que l'amendement de l’honorable M.
de Bonne doit être adopté.
Dans
le dernier cahier de la cour des comptes, nous avons vu qu'il se fait de très grandes
dépenses, et que les employés ne rendent leurs comptes que trois ou quatre ans
après. Ils conservent chez eux, ou déposent à la caisse d'épargne cet argent
qu'ils n'emploient pas de suite pour le service de l'Etat.
Je prie M. le
ministre des finances de vouloir bien dire comment les choses se passent à cet
égard.
M. de Man
d'Attenrode, rapporteur. - Je pense que dès qu'on touche les fonds de l'Etat
on devient comptable. Il suffit pour cela, comme le dit l'article 7, que l'on
vous ait remis les fonds de l'Etat.
L'honorable M. Osy
vient d'indiquer un assez grave abus. Il est des ordonnateurs secondaires, à
qui on ne remet pas des fonds, mais auxquels on ouvre des crédits. Par une
tolérance coupable, ces agents se sont cru permis de convertir ces crédits en
espèces et ainsi ils sont devenus ordonnateurs et comptables.
L'article 7 tend à
prévenir ce grave abus. Voici quel est son premier paragraphe :
« Les fonctions
d'ordonnateur et d'administrateur sont incompatibles avec celles de comptable.
»
Dès que la chambre
aura voté ce paragraphe, il ne sera plus possible qu'un ordonnateur secondaire
transforme son crédit en argent sur lui-même, se crée une caisse. Comme vous
l'a fort bien dit l'honorable M. Osy, il est résulté de graves abus de cet
usage, et ces abus existent encore a présent. On ne peut en douter lorsqu'on a
vu le régisseur du chemin de fer transformer des crédits sur sa propre caisse,
détenir des millions sans en rendre comptent cela pendant quatre ou cinq ans.
Le dernier cahier de la cour des comptes vous apprend qu'on a profilé de cet
abus pour faire des transferts qui sont, selon moi, extrêmement condamnables,
pour dépasser même les crédits accordés.
L'honorable M. de Bonne est convenu que l'article 7
atteignait les personnes auxquelles on remettait les fonds de l'Etat ; mais il
veut atteindre ceux qui les détiennent indûment, et je crois qu'il a surtout
voulu atteindre ces ordonnateurs secondaires qui transforment des crédits sur
leur propre nom au lieu d'user de ces crédits en faveur des créanciers de
l'Etat.
Je pense, messieurs,
que si ces graves abus se renouvelaient, s'il était des personnes qui
détinssent illégalement les fonds de l'Etat, elles seraient justiciables non
pas de la cour des comptes, mais des tribunaux correctionnels ou de la cour
d'assises.
Je crois, messieurs,
en avoir dit suffisamment pour vous faire comprends ce que la section centrale
entend par un comptable.
M. le
ministre des travaux publics (M. d’Hoffschmidt). - Messieurs,
l'article 7 a été introduit dans le projet par la section centrale. Je conçois
qu'il y ait quelques explications à demander sur la portée du second paragraphe
de cet article.
Déjà l'honorable M.
Osy vous a signalé que, dans les ministères, un employé était chargé de payer
les menues dépenses. On met à la disposition de cet employé, sur le visa mène
de la cour des comptes, 3 ou 4,000 fr., il paye pendant l'année les menues
dépenses, et au bout de l'exercice, il justifie près de la cour des comptes de
l'emploi de la somme qui lui a été allouée.
D'après l'article 7,
s'il était entendu comme le dit M. Osy, cet état de choses ne pourrait plus
continuer. Car cet employé devrait être un agent du ministre des finances,
puisqu'il est dit : « Aucune manutention de deniers ne peut être exercée que
par un agent placé sous les ordres du ministre des finances. »
Mais il est un autre
cas beaucoup plus important, selon moi, qui se présente quant au département de
la guerre. Les chefs de corps sont aussi chargés de la manutention des fonds
pour payer la solde de l'armée. Si l'on interprétait l'article 7 comme on vient
de le dire, il ne pourrait plus en être de même à l'avenir. Mais il est
évident, messieurs, que telle n'est pas la portée qu'a voulu lui donner la
section centrale.
M.
le rapporteur a touché la question du régisseur comptable du chemin de fer.
Nous pourrons entrer dans de plus grands développements sur cette question, si
la discussion nous y amène. Mais je dois déclarer dès maintenant qu'il n'est
pas exact de dire qu'il y a des millions dans la caisse du régisseur du chemin
de fer, qui est plutôt un agent payeur qu'un régisseur. Les fonds ne font en
quelque sorte que transiter chez le régisseur comptable, et il n'y a jamais dans
sa caisse que des sommes extrêmement minimes, qui lui viennent de
remboursements. Jamais il n'est arrivé qu'il y eût des millions, et surtout
c'est ce qui n'arrive pas maintenant.
M. de Man
d'Attenrode, rapporteur. - Je ne pense pas avoir dit qu'il y avait des
millions dans la caisse du régisseur du chemin de fer. Car j'ignore l'étal de
sa caisse ; je ne l'ai pas vérifié ; la cour des comptes elle-même ne pourrait
me donner aucune lumière à cet égard, puisqu'il n'est pas considéré comme
comptable, justiciable de la cour.
On lui ouvre des
crédits, et en le faisant on le considère comme ordonnateur secondaire. Mais
qu'arrive-t-il ? Il mandate sur sa propre personne. On dit qu'il n'a pas des
millions dans sa caisse ; mais ce qui est certain, c'est que les millions
passent par sa caisse, car je suis persuadé qu'ils n'y restent pas ; car je
crois pouvoir assurer qu'on ne se borne pas à lui faire payer les ouvriers,
mais qu'on lui fait faire des avances jusqu'à des deux et trois cent mille
francs à des entrepreneurs.
On s'est servi de
cette irrégularité très grave pour dépasser les articles du budget et pour
opérer des transferts. C'est ce que la cour des comptes déclare dans son
dernier cahier d'observations. Je vous demanderai la permission d'en lire un
passage. Voici ce que dit la cour des comptes :
« Telles sont,
M. le ministre, les conséquences auxquelles entraînent les crédits ouverts au
directeur de la régie ; elles conduisent, comme vous le voyez, à un désordre
réel dans la comptabilité, qui fausse le résultat des budgets et des comptes.
La comptabilité, qui devrait être claire et simple, se trouve plongée dans un
chaos pour ainsi dire impénétrable, et ce n'est qu'à l'aide d'opérations
fastidieuses et peu intelligibles pour toute personne peu familiarisée avec ces
matières, ainsi que cela se voit par les calculs qui précèdent, que l'on
parvient à rétablir la vérité des faits.
« Cet inconvénient
sans doute est grave, puisqu'il s'ensuit que les allocations des budgets ne
sont point respectées ; mais un inconvénient plus grave encore, qui résulte de
cet état des choses, c'est que les dépenses mandatées par le directeur de la
régie ne sont ni apurées ni régularisées dans le terme de l'exercice ;
aujourd'hui encore, que l'exercice 1841 a reçu l'épreuve de 5 années ; que
depuis 2 ans il est légalement clos, n’est-il pas étrange que les dépenses
grevant ce budget ne soient point définitivement justifiées et régularisées ?
Par suite il arrive que les chambres législatives sont chaque année dans
l'impossibilité d'arrêter les comptes avec une connaissance parfaite des
dépenses effectuées, et que les comptes eux-mêmes pèchent dans leurs résultats,
en ce qui concerne la sortie des fonds des caisses publiques et la situation
réelle du trésor.
« La cour terminera
ses observations sur les irrégularités causées par les dépenses payées par voie
de crédit ouvert au directeur de la régie, en vous présentant la récapitulation
de la partie des dépenses soldées par ce mode, qui n'ont pu être justifiées et
régularisées sur les budgets, non seulement à la clôture des exercices, mais
encore à l'époque de l'établissement des comptes généraux, à partir de 1836
jusqu'à 1841 inclusivement.
« Les comptes rendus
par le département des finances accusent des dépenses de l'espèce pour
lesquelles les fonds sont sortis des caisses publiques, mais qui n'avaient
point été justifiées, savoir :
« Sur l’exercice
1836 : 166,872 03
« Sur l’exercice
1837 : 51,245 81
« Sur l’exercice
1838 :639,685 65
« Sur l’exercice
1840 : 6,618,209 17
« Sur l’exercice
1841 : 118,799 60
« Total des
mandats du directeur de la régie, sur lesquels les fonds sont sortis des
caisses publiques, sans justification d'emploi, en fin d'exercice et à la
clôture de 1841 : fr. 7,594,810 26.
(page 808) « La cour n'ajoutera rien à ce qui précède, le
chiffre de fr. 7,594,810 26 c. est assez important à lui seul pour justifier
ses réclamations contre un tel état de choses, qui compromet la régularité des
comptes de cinq exercices, porte la perturbation dans la comptabilité, et peut
exposer sérieusement les intérêts du trésor.
« Elle aime à croire,
M. le ministre, que reconnaissant avec elle les dangers d'une telle situation,
vous prendrez des mesures pour la faire cesser à l'avenir. »
Je crois, messieurs,
qu'il y a un moyen de faire cesser ces abus ; l'article 7 y pourvoira, si vous
l'adoptez, comme je l'espère.
Je suis peu partisan
des dépenses en régie ; je n'aime pas les avances. J'avoue cependant qu'il est
des circonstances où il est impossible d'éviter ce mode. Ainsi il est
impossible de l'éviter pour le payement de la solde des troupes, pour acquitter
les traitements de la douane. Nous sommes encore obligés de l'admettre pour
cette armée d'ouvriers qui travaillent sur notre chemin de fer. Mais je crois
qu'il ne faut y recourir que lorsque cela est strictement nécessaire ; je pense
que l'administration a abusé des facilités que lui donne l'établissement d'une
régie des travaux du chemin de fer. Elle en a abusé pour le payement des
travaux de la construction de la ligne de la Vesdre, elle en a abusé dans
d'autres circonstances encore : que ce fonctionnaire cesse d'être ordonnateur,
administrateur, qu'il revête franchement le caractère de comptable, de payeur,
qu'il soit le justiciable de la cour des comptes, qu'il donne un cautionnement
; et il sera dans les termes de la loi que nous discutons.
Messieurs,
qu'arrive-t-il pour l'armée ? Et en général la comptabilité militaire est une
des mieux tenues aussi bien en Belgique qu'en France. Eh bien, que se passe-t-il
dans ce département ? La cour des comptes ouvre des crédits aux intendants
militaires. Ceux-ci ne transforment pas ces crédits sur eux-mêmes, mais ils
mandatent au fur et à mesure des besoins sur le conseil d'administration des
régiments. Les fonds sont déposés dans une caisse à trois clefs. Il y a
responsabilité, il y a contrôle.
Mais ce qui se passe
au département des travaux publics, je l'ai, depuis plusieurs années condamné
d'une manière un peu sévère, et je m'applaudis d'en avoir agi ainsi, car tout
ce que je vois en examinant les comptes prouve que mes observations étaient
fondées.
J'ai vérifié pendant
cet été le compte de 1834 ; j'ai eu l'honneur de déposer le rapport de la
commission des finances.
Eh bien,
qu'avons-nous remarqué dans ce compte ? Nous y avons trouvé une
« dépense » de 26,000 portée parmi les restes « à payer ».
L'administration n'est parvenue à la comprendre dans le compte que de cette
manière anormale. La somme est peu considérable, mais ce fait a de la gravité à
cause du principe. Voici quelle en a été la cause ; un chef de département
demande l'ouverture de ce crédit, la cour délivra ce moyen de service, et elle
ne le délivre que pour des dépenses urgentes qui ne souffrent pas le délai du
visa préalable. Eh bien, que fit l'ordonnateur secondaire au nom duquel ce
crédit fut ouvert ? Dès le lendemain de l'ouverture il le transforma en écus
sur lui-même, et au lieu de payer des dépenses soi-disant urgentes, il se créa
une caisse, garda les espèces pendant 2 à 3 ans, et on ne parvint pas à lui
faire rendre compte avant la clôture d'un exercice de 5 ans. Que sont devenues
ces valeurs pendant ce long espace de temps ? je l'ignore. Mais voilà ce qui se
dit, c'est que dans des circonstances semblables les fonds sont déposés à la
caisse d'épargne, et je ne vous dirai pas non plus qui en a recueilli les
intérêts.
Du
reste, messieurs, il faut bien le reconnaître, nous vivons depuis trop
longtemps au milieu de nombreux abus. On y est tellement habitué que cela
paraît tout naturel. J'entends répéter sans cesse : Nous ne pouvons faire ici
comme dans les autres pays, nous avons contracté telles habitudes, nous ne
pouvons y déroger. Nos habitudes sont le laisser-aller, le sans-gêne. Je le dis
à regret. Eh bien, quand on veut avoir une nationalité et un gouvernement,
quand on veut être pays, il faut pour en être digne, pour savoir conserver ce
bienfait inappréciable, savoir s'assujettir à certaines gênes.
M. le ministre des finances (M.
Malou).
- Messieurs, je ne puis donner à l'article 7 une portée qu'il n'a pas. Cet
article pose un principe adopté depuis longtemps en France ; il correspond à
l'article 67 de l'ordonnance générale de 1838. Cependant, messieurs, jamais
dans ce pays, cette disposition n'a reçu une application tellement absolue,
que, par exemple, on ait fait nommer les comptables militaires par le ministre
des finances. Je déclinerais, quant à moi, l'honneur ou la charge de nommer les
administrations des régiments. Si l'article 7 devait avoir cette conséquence,
loin de m'y rallier, je m'y opposerais.
Rendons-nous compte
du mode d'autorisation des dépenses. Ou les dépenses sont créées sur visa
préalable de la cour des comptes, ou elles sont créées par crédits ouverts.
Lorsqu'un crédit est ouvert, il y a un comptable et l'article que nous
discutons s'applique à ce comptable, à celui qui est chargé du maniement des
deniers publics, et qui devient, d'après la disposition, comptable par ce seul
fait.
La question de savoir
dans quelles limites doit se restreindre l'ouverture des crédits, a préoccupé
aussi la section centrale et elle fait l'objet notamment de l'article 15 du
projet de loi relatif a l'organisation de la cour de comptes, projet qui est à
l'ordre du jour après celui dont nous nous occupons.
Je ne suivrai pas
l'honorable rapporteur dans l'examen des divers faits qu'il a cités. Il est tel
de ces faits qui est soumis à la discussion de la chambre. Ainsi la question
relative à une somme de 27,000 fr., qui figure au compte de 1834, a été
soulevée par la commission des finances ; lorsque nous discuterons le projet de
loi relatif au compte de cet exercice, nous examinerons quelles peuvent avoir
été les circonstances spéciales qui justifient le fait signalé par l'honorable
membre. (Interruption.) Je fais
seulement observer qu'il serait prématuré d'examiner maintenant une question
dont la chambre devra s'occuper dans la discussion des projets de lois relatifs
aux comptes. Si je parle de ce fait, c'est seulement parce que le silence du
gouvernement en cette circonstance pourrait être considéré comme un
acquiescement tacite aux paroles de l'honorable membre.
Quant aux recettes du
chemin de fer, j'ai déjà fait remarquer qu'il ne suffit pas de poser dans
l'article 7 un principe absolu, que l'application de ce principe doit être
l'objet d'une organisation qui ne peut pas être immédiate, mais que dans le
délai très rapproché que j'ai fixé, je concilierai les faits actuels avec le
principe posé par la section centrale et qui est un principe vrai et utile.
Je dirai un mot de l'amendement de l'honorable
M. de Bonne. Dans cet amendement, comme dans celui qui se rapporte à l'article
23, l'honorable membre paraît avoir perdu de vue quel est l'objet spécial de
l'institution de la cour des comptes. La cour des comptes vérifie et arrête les
comptes de l'Etat et des provinces, mais là se borne sa juridiction
constitutionnelle. Si quelqu'un se constitue détenteur de deniers de l'Etat, se
donne en quelque sorte à lui-même la qualité de comptable qu'il n'a pas, alors
il y a deux actions à exercer ; l'action judiciaire et l'action à exercer
envers le vrai comptable. Cette dernière action peut seule appartenir à la cour
des comptes et les articles suivants du projet sont conçus de telle manière que
le vrai comptable serait forcé en recette à raison des sommes qui auraient été
détournées. L'honorable M. de Bonne suppose un délit et déclare, si je
comprends bien son amendement, que ce délit sera jugé par la cour des comptes,
et c'est ce qui ne peut pas être ; la cour des comptes n'a pas d'action en
matière répressive.
M. de Bonne. - Ce n'est pas là
le sens de mon amendement.
(page 821) M. le ministre des travaux publics (M.
d’Hoffschmidt). - Je dois ajouter quelques mots à ce qu'a dit mon
honorable collègue, M. le ministre des finances, en réponse aux observations de
l'honorable M. de Man. A entendre l'honorable membre, on dirait réellement que
la régie du chemin de fer est une source d'abus. Eh bien, messieurs, il n'en est
rien ; tout se passe, dans la régie du chemin de fer, avec la plus complète
régularité.
Du reste, messieurs,
je crois qu'il est très possible de concilier le principe de l'article 7 avec
le système de la régie, et je ne ferai pour le moment aucune observation sur
l'application de ce principe.
Je n'entrerai pas non
plus dans l'examen de la question de savoir si la perception des recettes du
chemin de fer doit passer au ministère des finances. Je crois que la chambre
adoptera la proposition faite par le gouvernement, et dès lors il est
préférable de réserver cette discussion pour l'époque où un projet de loi
spécial sera présenté sur cette matière. Je n'entrerai donc dans l'examen de
cette question que si j'y suis amené par des discours que l'on prononcerait
ultérieurement.
Quant aux dépenses du
chemin de fer, elles sont de deux natures ; les premières se payent par suite
d'un contrat ; elles font l'objet de demandes soumises au visa préalable de la
cour des comptes, et rentrent par conséquent dans les principes ordinaires de
la comptabilité. Mais il est des dépenses d'une autre nature, ce sont les
dépenses urgentes ; celles-là, il est (page
822) impossible qu’on les soumette aux lenteurs inséparables du visa
préalable. C'est ainsi, par exemple, que l'honorable rapporteur reconnaît
lui-même, et la cour des comptes le reconnaît également, que pour la solde de
l'armée il faut un autre mode de payement que pour les dépenses faites en vertu
d'un contrat. Eh bien, messieurs, il en est identiquement de même en ce qui
concerne le payement des ouvriers du chemin de fer ; il est impossible de ne
pas opérer ces payements d'une manière régulière aux époques fixées et
d'attendre les formalités assez longues qui devraient être remplies pour obtenir
le visa préalable.
C'est ce qui sera
reconnu par tout le monde. Il est donc nécessaire d'avoir un agent chargé de
faire ces payements, et cet agent est le régisseur comptable du chemin de fer.
Je dois encore répéter ici qu'on ne peut pas trop s'attacher à cette
dénomination de régie, car elle n'est pas exacte, puisqu'il s'agit seulement
d'un agent de payement ; c'est l'exploitation du chemin de fer tout entière qui
est un véritable régie.
Maintenant, ce mode
de payement n'offre-t-il point de garantie ? Remarquez, messieurs, qu'il y a
ici également un grand nombre de formalités à remplir et que la cour des
comptes elle-même exerce un double contrôle sur les opérations. D'abord le
ministre des travaux publics doit demander au département des finances qu'il
soit ouvert un crédit au directeur de la régie ; ce crédit n'est ouvert
qu'après le visa de la cour des comptes ; ensuite les dépense faites par la
régie ne sont liquidées qu'en vertu de l'autorisation du ministre des travaux
publics, et les mandats sont visés préalablement par le ministre.
Puis toutes les
pièces relatives à la dépense font l'objet d'une demande de régularisation
adressée par le département à la cour des comptes, et la cour des comptes,
après due vérification, accorde la décharge au directeur de la régie. C'est
alors seulement que l'opération est terminée.
Ainsi vous voyez,
messieurs, que tout ce système, auquel cependant on pourra apporter encore
quelques modifications, présente déjà toutes les garanties désirables.
Réellement, je ne crois pas qu'on puisse signaler, dans l'état actuel des
choses, un seul abus réel qui serait la suite de ce système.
Supposons maintenant
que l'on abandonne le système que je viens d'indiquer ; quel serait celui par
lequel on le remplacerait ? Voudriez-vous, messieurs, revenir à celui que la
régie a fait disparaître ? C'est alors qu'on pourrait dire, avec vérité, que
des abus seraient possibles. Avant l'établissement de la régie, c'étaient les
ingénieurs qui avaient la mission de payer leurs ouvriers, ainsi que toutes les
dépenses urgentes. Les sommes nécessaires à cet effet étaient mises à leur
disposition. Ils étaient donc véritablement administrateurs et comptables en
même temps, et c'est précisément ce qu'on ne veut pas. Or, c'est pour faire
cesser ce système que l'on a cru devoir charger un agent, tout à fait en dehors
de l'administration ordinaire, qui n'a rien de commun avec l'ordonnance de la
dépense, de faire les payements.
Des membres. - On
n'est plus en nombre.
M. le
ministre des travaux publics (M. d’Hoffschmidt). - Il ne s'agit pas
de voter, on peut continuer la discussion.
M. Rogier. - C'est un des
articles les plus importants de la loi.
M. le président. - On peut toujours
entendre la suite du discours de M. le ministre. (Adhésion.)
M. le
ministre des travaux publics (M. d’Hoffschmidt). - On a prétendu que
l'emploi des sommes dépensées par la régie n'était pas justifié. Messieurs,
quant aux dépenses normales, celles que paye la régie actuellement, il n'existe
aucun retard ; la justification en est toujours présentée et au département des
travaux publics et à la cour des comptes, dans le courant de l'année ; il y a,
à la vérité, quelques dépenses arriérées dont la justification n'est pas encore
complétement terminée ; mais dans l'état actuel des choses, la justification,
je le répète, a toujours lieu dans le courant de l'année.
Je bornerai là mes
observations, puisque la chambre n'est plus en nombre, et que l'on paraît
désirer de lever la séance.
(page 808) M. Rogier. - J'ai à parler assez longuement sur cet
article, qui est un des plus importants de la loi, et je me réserve de prendre
la parole dans la séance de demain. Mais je dois protester dès à présent contre
les paroles désobligeantes prononcées par M. le rapporteur, en ce qui concerne
le directeur de la régie. Je tiens cet employé pour un parfait honnête homme, au-dessus
de tout reproche, au-dessus surtout de toute espèce de soupçon. Cet employé a
été nommé par l'honorable M. Nothomb, je l'ai trouvé en place lorsque je suis
arrivé au ministère des travaux publics et mes successeurs l'ont maintenu. Tous
les ministres, à partir de M. Nothomb, ont reconnu cette fonction comme
indispensable, et il sera facile de démontrer que si la régie des chemins de
fer n'existait pas, il faudrait l'inventer. Il ne faut pas se méprendre sur la
nature de cette fonction.
Le directeur de la régie, c'est l'officier payeur des
employés du chemin de fer payés par quinzaine. En principe ce n'est que cela.
C'est du moins sa principale attribution. Maintenant le ministre lui a-t-il
donné l'ordre de faire des payements en dehors de ses attributions courantes ?
Cela est possible, mais ce fonctionnaire n'est nullement responsable des ordres
qu'il a pu recevoir et auxquels il a dû se conformer. Aujourd’hui, je pense que
tout est rentré dans l’ordre et que les fondions du régisseur du chemin de fer
consistent principalement à payer le salaire des ouvriers. Or, ces fonctions-là
sont semblables à celles des officiers payeurs de l'armée ; on ne signale pas
d'abus dans cette opération, tandis qu'il y en avait avant la création de
l'emploi dont il s'agit. Je crois devoir défendre ici et les fonctions, dont
l'utilité est incontestable, et le fonctionnaire, que je connais
particulièrement et dont je réponds personnellement.
M. le
ministre des travaux publics (M. d’Hoffschmidt). - Je n'avais pas
compris que l'honorable rapporteur de la section centrale eût attaqué
personnellement le directeur de la régie ; sans cela je serais venu joindre ma
protestation à celle de l'honorable préopinant. Je puis aussi déclarer que ce
fonctionnaire est un des hommes les plus honorables que je connaisse.
M. de Man d'Attenrode. - Ce que vient de
dire M. le ministre des travaux publics nie dispenserait jusqu'à un certain
point de prendre la parole. M. le ministre n'a rien vu dans mes paroles qui fût
une attaque contre le directeur de la régie, et en effet je n'ai nullement eu
l'intention de l'attaquer ; je ne le connais pas, je ne lui ai jamais parlé ;
je crois que ses fonctions sont utiles ; mais ce que j'ai attaqué c'est l'abus
qui consiste à réunir sur un même homme les fonctions d'ordonnateur et de
comptable.
Je n'ai pas voulu
attaquer la personne, je suis persuadé qu'elle est parfaitement intègre ; j'ai
seulement voulu attaquer un vice de comptabilité, et cet abus résulte, non de
la faute des hommes, mais de l'absence d'une règle, d'une loi de comptabilité.
L'honorable M. Rogier
a demandé que quelques pièces fussent jointes comme annexes au rapport de la
section centrale. Je m'associe à ce vœu, et je prie la chambre de vouloir bien
ordonner l'impression de ces pièces qui sont : 1° l'arrêté du 30 mars 1843, par
lequel le gouvernement a prorogé le privilège de l'ancienne banque jusqu'en
1853 ; 2° l'arrangement fait par le gouvernement avec le caissier général ; 3°
les statuts de la banque de France.
M. le président. - Veuillez, M. de
Man, reproduire cette proposition à l'ouverture de la séance de demain, ; la
chambre n'est plus en nombre.
- La séance est levée
à 4 heures 3/4.