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Chambre des représentants de Belgique
Séance du samedi 13 décembre 1845
Sommaire
1) Pièces adressées à la
chambre
2) Motion d’ordre relative
au code pénal militaire (de Man d’Attenrode, Malou, de Garcia, de
Man d’Attenrode)
3) Rapport sur des
pétitions relatives aux examens universitaires (Van de
Weyer, Dumortier, Zoude, Delehaye, de Theux, Van de Weyer, de Brouckere,
Van de Weyer, de Garcia, Fleussu, de La Coste, Van de Weyer, de La Coste, Van de Weyer, Dumortier, de Theux, Van de Weyer, Verhaegen, de Brouckere)
(Annales
parlementaires de Belgique, session 1845-1846)
(Présidence de M.
Liedts.)
(page 255) M.
Huveners fait l'appel nominal à midi un quart. Entre l'appel et le réappel il
est procédé au tirage au sort des sections de décembre.
M.
Albéric Dubus lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est
approuvée.
M.
Huveners présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.
.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Le
sieur Nicolas Henri-Romain Noël, né à Sissonne (France), demande la
naturalisation. »
-
Renvoi au ministre de la justice.
________________
«
Le sieur Joestens, ancien employé des douanes et des accises, réclame
l'intervention de la chambre pour rentrer dans la jouissance de sa pension de
retraite, telle qu'elle a été fixée par décision du 17 mai 1833. »
-
Renvoi à la commission des pétitions.
________________
«
Le sieur Libert demande l'exécution du jugement du tribunal de Mons qui a
condamné le gouvernement à lui payer le prix de cinq chênes vendus pour la
construction du chemin de fer de l'Etat. »
-
Renvoi à la commission chargée d'examiner le budget des travaux publics.
________________
«
Plusieurs négociants à Charleroy demandent la révision de la législation des
faillites et des sursis.
-
Renvoi à la commission des pétitions.
MOTION D’ORDRE RELATIVE AU CODE PENAL MILITAIRE
M. de Man d’Attenrode. - Messieurs, le gouvernement
a déposé, il y a un an et demi, je pense, un projet de loi ayant pour but de
modifier plusieurs articles du code pénal militaire. Ce projet de loi a une
grande importance, car il intéresse la moralité et l'honneur de l'armée. Il
intéresse la moralité de l'armée, parce que son adoption empêchera qu'un grand
nombre de soldats ne soient envoyés dans les prisons ; il intéresse aussi le
trésor public parce qu'il diminuera nos dépenses. Les sections ont composé une
section centrale. Cette section centrale s'est réunie à diverses reprises, et
son travail est assez avancé ; elle a même nommé un rapporteur. Ce rapporteur
est l'honorable M. Malou, qui depuis a été nommé ministre des finances. Je ne
pense pas, messieurs, que l'honorable M. Malou, à cause de sa position
nouvelle, puisse continuer à être chargé du rapport dont il s'agit. Je
demanderai donc que la chambre décide qu'il y a lieu de compléter cette section
centrale.
M. le
ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, lorsque j'ai été nommé ministre des
finances, j'avais déjà commencé le travail relatif à la loi dont l'honorable
membre vient de parler. J'ai renvoyé alors toutes les pièces à mon collègue M.
le ministre de la justice, et je dois me concerter avec lui pour terminer
l'avant-projet que la section centrale m'avait chargé de rédiger. L'honorable
M. Devaux voudra bien se rappeler que de toutes les discussions qui ont eu lieu
dans la section centrale, il est résulté cette conséquence qu'il était
nécessaire de préparer un travail complet avant que cette section pût
poursuivre ses travaux. Je m'entendrai sous peu de jours avec mon collègue pour
terminer ce travail préparatoire, et alors il pourra être remis au nom du
gouvernement, à la section centrale, qui croira sans doute nécessaire de nommer
un nouveau rapporteur, car il me serait, en effet, impossible de me charger du
rapport.
M. de Garcia. - Je crois devoir appuyer
les observations faites par M. le ministre des finances. Le projet dont il
s'agit a été considéré par toutes les sections comme incomplet, comme
n'atteignant pas son but. Je me félicite donc de la promesse que vient de nous
faire M. le ministre, de s'entendre avec son collègue de la justice, pour
présenter un projet, ou au moins des modifications au projet primitif, qui
soient de nature à atteindre plus sûrement et d'une manière plus complète, le
but qu'on se propose dans la révision du code pénal militaire.
M. de Man d’Attenrode. - Je ne conteste pas au
gouvernement le droit de modifier ses propositions concernant le projet de loi
en question. M. le ministre des finances, à cause de son ancienne position de
membre de la section centrale, est à même d'y introduire des améliorations.
Mais
je désirerais savoir, si ces modifications auront le caractère d'une
proposition nouvelle, et seront, comme telles, déposées sur le bureau de cette
chambre ; s'il en résultera un projet de loi nouveau ; ou bien si les
dispositions que l'on se propose de modifier, seront tout simplement envoyées à
la section centrale.
M. le
ministre des finances (M. Malou). - Elles seront remises à la section centrale.
M. de Man d’Attenrode. - Alors il me semble que
rien ne s'oppose à ce que la chambre complète la section centrale, comme je
l'ai proposé ; et je renouvelle en conséquence la motion que je viens de faire.
M. le
ministre des finances (M. Malou). - J'ai cru donner suite aux intentions de la
section centrale en me concertant avec mon collègue M. le ministre de la
justice pour la rédaction de l'avant-projet qu'elle m'avait chargé de préparer.
Lorsque ce projet sera terminé, il sera remis à la section centrale.
-
La chambre décide successivement que la section centrale sera complétée et
qu'elle le sera par le bureau.
RAPPORT SUR DES PETITIONS RELATIVES A L’ORGANISATION DES EXAMENS
UNIVERSITAIRES
M.
le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - Messieurs, avant de
donner à la chambre une analyse fidèle des opinions émises par les différentes
universités auxquelles le gouvernement s'est adressé, j'ai pensé qu'il était
utile, pour que la chambre connût les motifs sur lesquels se basaient les
élèves, qui à plusieurs reprises se sont adressés à la législature, pour
demander la prorogation de l'exécution de la loi, j'ai pensé, dis-je, qu'il
était utile de résumer aussi en quelques mots et les demandes qu'ils avaient
adressées et les motifs sur lesquels leur demande était basée.
Le
2 février 1837, les étudiants en droit de l'université de Liège, se fondant sur
ce que l'ouverture des cours avait été retardée de plus de trois mois, par
suite de la réorganisation des universités en l'année académique 1835-1856, ont
demandé que les dispositions transitoires de l'article 68 de la loi du 27
septembre 1835 fussent prorogées pour six mois, l'intervalle d'une session à
l'autre.
Les
autorités des universités consultées donnèrent l'avis suivant : « Il convenait
que le délai de deux ans accordé par l'article 68 du lu loi fût prorogé
purement et simplement pour la session de Pâques 1838. »
Le
27 mars de la même année, les candidats en médecine de l'université libre de
Bruxelles, ainsi que les candidats en droit de la même université firent la
même demande en s'appuyant sur les mêmes motifs.
Le
jury d'examen pour le doctorat en droit, consulté par le gouvernement, répondit
par l'organe de son président, M. Raikem, et de son secrétaire M. Ernst :
« L'on
ne peut dire avec raison, avec justice, que les deux années d'exécution seront
complètes à la deuxième session de 1837, qui a lieu au mois d'août, et qu'il y
a lieu par suite, un terme moyen étant impossible, de reconnaître que le
bénéfice de l'article 68 pourra encore être utilement invoqué à la première
session de 1838. »
Le
29 avril 1837, un projet de loi fut présenté aux chambres dans ce sens et
sanctionne le 27 mai suivant. Toutefois le terme de six mois, proposé par le gouvernement,
avait été étendu à une année entière, sur la proposition de M. Raikem,
président de la chambre.
Deuxième
prorogation.
Au
mois de mai 1838 et au mois de novembre de la même année, des étudiants des
universités de Bruxelles, de Gand et de Louvain, s'adressèrent aux chambres
pour obtenir une seconde prolongation du régime transitoire.
Ils
se fondaient cette fois, non plus sur un droit acquis, puisque tous les
candidats dont le diplôme portait une date antérieure à septembre 1835 étaient
alors faits docteurs. Mais ils invoquaient en leur faveur cette circonstance
que, selon eux, les cours des universités étaient donnés, en grande partie,
conformément au programme de 1816 ; ils ajoutaient que les matières exigées
pour l'examen par la nouvelle loi sont trop nombreuses.
Le
7 décembre 1838, M. Zoude lit à la chambre un rapport dans lequel il conclut en
faveur des pétitionnaires et proposa le renvoi des pétitions au ministre de
l'intérieur.
Quelques
jours après, M. de Theux, ministre de l'intérieur, fit à la chambre un rapport
raisonné, dans lequel il démontra le peu de fondement de la réclamation des
étudiants et conclut au rejet.
Ce
rapport résume la question autant qu'elle peut l'être, en ce qui concerne le
doctorat en droit.
Messieurs,
ce rapport dans sa concise simplicité, présente la question d'une manière si
claire et si lumineuse que j'eusse pu me borner à en donner lecture à la
chambre pour étayer l'opinion que je vais avoir l'honneur d'exprimer.
L'honorable
ministre de l'intérieur s'exprimait de la manière suivante, en examinant les
questions soulevées par les élèves, c'est-à-dire celle entre autres de la trop
grande multiplicité des cours :
«
La réclamation des élèves en droit n'a donc réellement qu'un but : celui
d'obtenir la faveur d'être dispensés de l'examen sur ces quatre branches.
«
Serait-ce qu'elles sont inutiles aux légistes ?
« Serait-ce
que les élèves n'ont pas été mis à même de suivre les cours qui les concernent
?
«
L'utilité de ces cours est incontestable : non seulement vous les avez mis dans
la loi, mais, de l'avis des personnes les plus compétentes sur la matière, j'ai
dû les conserver dans le nouveau projet.
«
Quant à la deuxième question, elle est résolue par l'inspection des programmes
des deux universités de l'Etat.
« Pendant
les deux dernières années académiques, tous les cours prescrits pour les
examens ont été portés aux programmes, il a été pourvu aux chaires qui en font
l'objet, et si quelques cours n'ont pas été donnés, c'est que les élèves, par
des motifs dont ils se sont faits seuls les juges ne se sont point présentés
pour les fréquenter.
(page 256) « Au surplus, le projet de
loi que j'ai eu l'honneur de présenter à la chambre fait de toutes ces matières
du doctorat, l'objet de deux examens, ce qui permettra aux élèves de mieux s'y
préparer.
«
La prolongation de dispositions transitoires donne lieu à des abus ; elle
exerce une influence funeste sur l'enseignement : les élèves, dans le désir de
profiter du délai qu'on leur accorde, se hâtent d'arriver à la fin de leurs
études, et s'exposent ainsi à de fâcheux échecs.
«
La dernière session du jury pour le doctorat en droit a montré combien certains
étudiants ont nui à leurs études pour avoir voulu profiler des dispositions
transitoires, dont l'effet a été étendu à une troisième année par la loi du 27
mai 1837.
«
Il serait imprudent de perpétuer cet état de choses par une trop grande
condescendance.
«
D'ailleurs les élèves qui ont négligé de suivre les cours dont ils espéraient
être dispensés par une nouvelle disposition législative, ont encore le temps
nécessaire pour se préparer à l'examen qu'ils auront à subir sur ces matières.
«
J'ai la confiance, messieurs, que, partageant mon opinion sur cette question,
vous ne verrez dans cet incident qu'une raison de plus pour hâter l'examen et
le vote du projet de loi que j'ai eu l'honneur de vous présenter.»
C'est
ainsi, messieurs, que s'exprimait en session de 1838-1839 l'honorable M. de
Theux, alors ministre de l'intérieur.
Troisième
prorogation.
Le
18 janvier 1839, M. Henri de Brouckere développa une proposition tendant à
proroger d'une année encore les dispositions transitoires de l'article 68,
concernant tous les doctorats, indistinctement. Cette proposition fut
accueillie par la chambre.
L'on
s'appuyait surtout, cette fois, sur cette considération que, depuis le mois de
décembre 1838, les chambres se trouvaient saisies d'un projet de révision de la
loi de 1835 ; que ce projet partageait l'examen de docteur en droit en deux
examens, ce qui devait le rendre plus facile pour les élèves : la proposition
de M. de Brouckere fut adoptée et devint la loi du 29 mars 1839.
La
quatrième prorogation passa sous l'influence des préoccupations politiques du
moment, au milieu de la crise ministérielle, et fut prononcée par la loi du 27
mars 1840.
Il
en fut à peu près de même les années suivantes à l'occasion de la cinquième
prorogation par la loi du 6 mars 1841 ; de la sixième, par la loi du 27 février
1842 ; et de la septième, par la loi du 10 février 1843.
Ces
quatre dernières prorogations passèrent, en outre, à la faveur d'une autre
disposition provisoire que l'on renouvela d'année en année, et l'on comprit
chaque fois dans une même loi le mode de nomination du jury et le
renouvellement des dispositions transitoires de l'article 68.
Huitième
prorogation.
Enfin
en 1844, la section centrale introduisit dans son projet relatif au mode de
nomination du jury, un article 2, prorogeant jusqu'à la fin de la 2ème session
de 1844 les dispositions transitoires de l'article 68.
Pendant
la discussion, M. Delfosse vint demander, au nom des étudiants, une prorogation
de trois ans, c'est-à-dire jusqu'à la fin de la session de 1846 ; deux années
de plus que n'en proposait la section centrale.
Cette
proposition, combattue par M. le ministre de l'intérieur, fut amendée par son
auteur, lequel consentit à ce que la prorogation se bornât à l'année 1845.
Il
fut bien entendu que c'était la dernière fois.
Ainsi
pour ces huit prorogations, d'abord un motif d'équité ; l'on reconnaît la première
fois que les étudiants ont un droit acquis à une prorogation de trois mois ; on
la propose de six, et la chambre, pour n'y plus revenir, adopte le terme d'une
année.
La
deuxième fois : l'on se fonde sur ce que les cours nouveaux ne sont pas encore
organisés dans les universités. Nouvelle prorogation d'un an.
La
troisième fois : l'on n'a plus de droit à faire valoir : on invoque la
discussion prochaine d'un projet de révision de la loi de 1835.
Les
quatrième, cinquième, sixième et septième fois : la prorogation a été décidée
par la législature, en vue de l'impossibilité où l'on se trouve de consacre rie
temps nécessaire à la discussion.
Enfin
la huitième fois : la prorogation n'est pas plus motivée ; on l'adopte
seulement parce que l'on est certain que pendant quatre années l'on n'aura plus
à s'occuper des questions se rattachant à la loi de 1835.
En
1845, de nouvelles pétitions ont été adressées aux chambres par les étudiants.
Dès
que le gouvernement en a eu connaissance, il a demandé l'avis des quatre
universités du royaume.
Louvain,
27 novembre. - La faculté de droit est
d'avis qu'il faut maintenir en principe comme matières de l'examen du doctorat
en droit tous les cours exiges par la loi du 27 septembre 1835.
Reconnaissant
toutefois qu'il est à peu près impossible d'obtenir les résultats que l'on
désire, en exigeant, comme le prescrit la loi, que l'aspirant au grade de
docteur réponde sur toutes les branches en un seul examen, la faculté demande
que l'examen soit scindé en deux.
Bruxelles,
4 décembre. - La faculté de droit est d'avis que la loi du 27 septembre 1835
peut et doit être exécutée. Si cette exécution présente des difficultés que
quelques-uns regardent comme insurmontables, c'est que les universités et le
jury se sont écartés visiblement de l'esprit de la loi, tant pour
l'organisation de l'enseignement que pour la manière de procéder aux examens.
La
division réclamée dans l'examen de docteur pourrait être obtenue avec avantage
sans qu'il soit besoin d'apporter à la loi aucun changement ; il suffirait pour
cela que le gouvernement proscrivit aux jurys une marche plus rationnelle.
La
loi dit que les examens se font par écrit et oralement (article 52).
Mais
elle n'interdit point un partage des matières de l'examen l'épreuve écrite et
l'épreuve orale.
Il
est, en effet, dans tout examen, telle matière qui serait mieux traitée par
écrit, telle autre verbalement. Or le temps ne manque souvent au jury que parce
qu'il se croit obligé d'interroger sur toutes les branches à l'examen écrit et
d'interroger sur toutes les mêmes branches à l'examen oral.
Liège,
8 décembre. - La faculté de droit pense que la loi du 27 septembre 1835 ne peut
être exécutée tant que les matières rapportées au paragraphe 2 de l'articl 51
seront comprises dans un seul et même examen. Elle propose de créer deux
examens de docteur et entre dans de grands développements sur le moyen
d'exécuter cette division.
Université
de Gand, 11 décembre. - La faculté de droit pense que la loi du 27 septembre
1835 n'est pas exécutable ; que les matières sont trop nombreuses pour que l'on
puisse exiger des élèves des études sérieuses ; qu'il est impossible que le
jury puisse interroger sérieusement sur toutes les matières, eu égard à la
durée de l'examen. Elle appuie le maintien des dispositions transitoires.
Les
facultés de philosophie et lettres ont aussi été consultées. Celles des
universités de Louvain, de Liège et de Gand ont donné leur avis. En voici le
résumé.
Louvain.
- La faculté de philosophie donne l'avis suivant :
Si
le gouvernement a l'intention de faire modifier plus tard la loi du 27
septembre 1835, en ce qui concerne l'examen de docteur en philosophie, il
faudrait maintenir les dispositions transitoires ; si, au contraire, le
gouvernement veut s'en tenir à la loi telle qu'elle est, la faculté ne
désapprouve pas sa mise à exécution dès 1846.
Liège.
- La faculté de philosophie a unanimement exprimé le vœu que le provisoire
vienne enfin à cesser.
Gand.
- La faculté de philosophie est d'avis que les difficultés signalées par la
faculté de droit n'existent pas au même degré pour le doctorat en philosophie ;
elle se prononce pour le maintien des dispositions transitoires, si l'intention
du gouvernement est de proposer sous peu des modifications à la loi du haut
enseignement.
En
faisant parvenir au gouvernement l'avis des facultés, M. le recteur de
l'université de Louvain accompagne cet envoi de l'avis suivant :
« Si,
dans l'intérêt des éludes, vous vous décidiez contre le maintien de la
disposition transitoire contenue dans la loi du 27 mai 1837, ne pourriez-vous
pas, M. le ministre, adoucir un peu les dispositions de votre circulaire du 26
octobre- dernier, en adressant au jury une instruction par laquelle il serait
engagé à traiter avec indulgence les récipiendaires dans l'examen sur les matières
nouvelles pendant les deux sessions de 1846. Il me semble qu'on pourrait
concilier ainsi et l'intérêt des études et l'intérêt des récipiendaires. »
Vous
voyez que, dans l'expression de cette opinion, M. le recteur de l'université de
Louvain reconnaît que l'intérêt des études exige le maintien des dispositions
de la loi de 1835, et qu'il propose un moyen fort sage de concilier l'intérêt
des élèves avec le respect dû à la loi et le respect dû à la loi dans l'intérêt
même des hautes études.
En
résumé, bien que l'avis de quelques facultés semble, au premier abord,
favorable au maintien des dispositions transitoires, en les étudiant avec
attention l'on est amené à reconnaître que celles qui regardent le maintien du
provisoire comme nécessaire partent de cette idée que la loi elle-même de 1835
est provisoire, et que des modifications vont prochainement y être apportées.
Ces facultés semblent aussi croire que les difficultés qu'elles signalent dans
l'exécution de la loi sont insurmontables sans un changement à la loi. Enfin
toutes paraissent d'accord pour reconnaître que si le jury avait assez de temps
pour faire subir à chaque récipiendaire une épreuve sérieuse sur chacune des
matières de l'examen, les inconvénients qu'on reproche à la multiplicité de ces
matières disparaîtraient ou du moins seraient beaucoup diminués.
Remarquons
encore que personne ne conteste l'utilité, la nécessité même, des matières
prescrites par la loi de 1835, et que depuis dix ans on supprime en réalité ces
matières de notre haut enseignement.
L'on
trouve d'ailleurs dans les avis des facultés la démonstration, par les
arguments les plus plausibles, de l'utilité des matières d'enseignement dent
les étudiants demandent à être dispensés.
Qu’y a-t-il à faire dans cette occurrence ?
Exécuter
la loi.
L'exécuter
dans son esprit.
Partager,
dans tous les examens, les matières entre l'épreuve orale et l'épreuve écrite.
Le
gouvernement, en déclarant à la législature son intention de faire exécuter la
loi, s'empresse de lui donner l'assurance qu'il prendra toutes les mesures
nécessaires, d’une part, pour adoucir la transition aux élèves qui passeront
leurs examens en 1846 ; d'autre part, pour que le jury d'examen distribue les
matières entre l'épreuve orale et l'épreuve écrite de telle manière que
l'examen soit également sérieux et efficace sur toutes les branches.
M.
Dumortier. - Messieurs, il y a deux manières d'envisager l'intérêt des études ;
il y a deux manières d'envisager les modifications demandées à la loi relative
au jury d'examen et aux universités.
Les
deux manières d'envisager la loi relative aux universités, les voici :
Suivant
les rapports des universités de Louvain et de Bruxelles, dont (page 257) M. le ministre vient de nous
donner l'analyse, la loi est exécutable, mais il faut créer deux examens au
lieu d'un.
Suivant
les élèves, la loi est inexécutable, et il faut réduire les matières d'examen.
Ce sont là deux manières opposées d'envisager cette question.
Quant
à ce qui est des études, il y a également deux manières d'envisager la
question. Dans l'intérêt des professeurs, il s'agit de faire venir le plus
d'élèves possible dans les cours. Dans l'intérêt de la science, il s'agit, non
pas de former, à vingt-cinq ans, des têtes encyclopédiques, et par cela même
superficielles, mais de fortes spécialités.
Quant
à moi, messieurs, je partage l'opinion que la manière d'opérer, dans l'intérêt
des éludes, ce n'est pas de former des têtes encyclopédiques à l'âge de 20 ou
25 ans, mais que c'est de former de fortes spécialités. Je partage, on outre,
l'opinion qu'en matière d'instruction, il faut, non pas que les élèves soient
faits pour les professeurs, mais les professeurs pour les élèves ; c'est-à-dire
qu'il m'importe assez peu de savoir si les professeurs auront un peu plus ou un
peu moins d'élèves, mais que je veux avant tout que les élèves qui s'adonnent
aux études universitaires acquièrent en intensité ce que d'autres voudraient
qu'ils eussent en étendue.
Sans
doute, messieurs, l’intelligence humaine peut acquérir de nombreuses
connaissances ; l'homme qui veut s'adonner au travail peut acquérir même une
véritable force dans des parties bien différentes Mais, à mes yeux, c'est à une
seule et unique condition : c'est qu'il étudie successivement les parties qu'il
veut connaître, tandis qu'en étudiant cumulativement toutes ces parties, on
n'arrive à rien autre chose qu'à un véritable chaos, qu'à l'absence d'une
fixité et d'une véritable profondeur dans l'intelligence de celui qui s'y
adonne.
En réalité,
envisageons les faits qui se sont passés depuis le jury d'examen, et
comparons-les avec les faits qui ont eu lieu sous le gouvernement précèdent ;
nous serons frappés d'une différence très grande entre les deux situations.
Sans doute, les jeunes gens qui, depuis la révolution, ont passé leurs examens,
d'une manière brillante, devant le jury, ont dû faire preuve d'une grande
intelligence pour obtenir un grade élevé. Cependant, il y a un fait qu'on ne
peut pas méconnaître, c'est que depuis l'époque où les élèves sont tenus de
répondre sur tant de matières différentes, nous n'avons plus vu des jeunes
gens, quelque heureusement doués qu'ils fussent d'ailleurs, doter le pays de
ces œuvres scientifiques et littéraires que nous avons vues si fréquemment être
produites par les élèves des anciennes universités.
Il
y a ici quelque chose de très frappant. Avant la révolution, les jeunes gens
qui. fréquentaient les universités, arrivaient à la fin de leurs études, en
publiant des travaux, et la plupart ont continué à produire des œuvres très
remarquables ; tandis que, d'un autre côté, les jeunes gens, même les plus
capables, les plus intelligents, qui ont dû s'astreindre au système d'étude
suivi depuis dix ans en Belgique, n'ont encore rien fourni pour la gloire littéraire
du pays : ce n'est pas leur faute, c'est la faute du système qu'on a adopté en
Belgique.
Déjà,
lorsqu'on a fait la loi de 1835, j'ai professé hautement cette manière de voir
; j'ai déclaré qu'on arriverait à un faux résultat, si on voulait forcer ainsi
les jeunes intelligences. Je disais alors : « Comment ! vous prêchez en toutes
choses la division du travail, et vous voulez l'accumulation des travaux de
l'intelligence ! C'est contre toute espèce de principe. Vous voulez accumuler
tous les travaux de l'intelligence dans une jeune tête de 22 ans, mais c'est
véritablement marcher à l'absurde ! »
Les
choses en sont arrivées à ce point que si aujourd'hui les élèves qui se
trouvent devant la table du jury, pouvaient renverser les rôles, s'ils
pouvaient prendre la place des interrogateurs, il n'y a aucun de ceux-ci qui
pût passer un examen devant les élèves. Je défie tout professeur quelconque de
l'université, s'il était interrogé, de répondre à toutes les questions que le
programme actuel des examens embrasse. Un pareil état de choses est éminemment
déplorable pour le progrès des études, et je dis que les réclamations des
élèves des universités méritent d'être prises en haute considération par la
chambre.
Je
le répète, messieurs, il n'y a pas un homme de science qui puisse répondre sur
toutes les matières d'examen, telles qu'elles sont fixées aujourd'hui. Ainsi,
par exemple, pour arriver au doctorat en sciences mathématiques, l'élève est
astreint à répondre, non seulement sur le calcul différentiel et intégral, mais
encore sur la mécanique céleste. Chacun sait que lorsqu'on posait à Laplace,
l'auteur de la mécanique céleste, une question de mécanique céleste, il devait
recourir à son propre ouvrage, pour la résoudre. Et pourquoi ? C'est que
l'intelligence humaine peut bien s'abstraire pendant un certain temps, pour
arriver à certaines déductions de haute portée mais cette abstraction ne peut
pas durer toujours. Et vous voulez que les élèves soient préparés à répondre
sur toutes les questions possibles en pareille matière ! Avouons-le, c'est une
amère dérision ; c'est pis, c'est un malheur véritable pour les fortes études,
puisque l'élève, au lieu d'approfondir les parties essentielles de la science à
laquelle il se destine, ne peut que connaître des faits isolés.
Il
en est de même pour les sciences naturelles. Le cercle des questions sur
lesquelles l'élève est appelé à répondre est tellement vaste que l'homme le
plus savant du monde est incapable de satisfaire à de semblables exigences.
Et
ce que je dis pour les matières que je connais, existe, j'en suis convaincu,
dans les matières sur lesquelles les autres jurys d'examen interrogent. Ainsi,
par exemple, pour le droit, on exige que l'élève réponde sur le droit
coutumier.
Tous
ceux qui se sont occupés de l'histoire du moyen Age savent les difficultés que
s'attachent à l'étude du droit coutumier. Comment voulez-vous que des élèves
répondent sur une matière aussi compliquée, lorsque quelques professeurs la
possèdent à peine, et font l'aveu que le droit coutumier est un véritable
dédale dans lequel on manque encore aujourd'hui du fil conducteur ?
Et
c'est sur des objets aussi difficiles qu'on examine les élèves ! Rappelons-nous
donc les faits qui nous sont connus à tous. Nous savons tous que des jeunes
gens sont tombés dangereusement malades la veille de leur examen, tant ils
avaient surexcité leur intelligence, pour satisfaire aux exigences du programme
! La loi n'est donc pas seulement contraire aux fortes études, elle est
inhumaine.
Et
qu'on ne vienne pas nous dire que, sous l'empire des dispositions transitoires
dont les élèves demandent le maintien, les études, en général, se sont
affaiblies en Belgique. Il n'en est rien, messieurs ; il ne me serait pas
difficile d'administrer la preuve de celle assertion. Je pourrais nommer ici
des étrangers qui ont passé leur doctorat, d'une manière distinguée, dans une
faculté quelconque, soit en France, soit en Allemagne, et qui, en Belgique, ont
eu toutes les peines du monde pour subir l'examen devant le jury. Plusieurs même
ont reculé devant la difficulté, et surtout devant la diversité des questions.
Tant il est vrai que le programme des matières, réduit aux limites de la loi du
27 mai 1837, est encore plus vaste que celui auquel on est assujetti dans toute
autre université étrangère.
Messieurs,
il y a deux moyens d'amener l'avancement des sciences, c'est de former des
hommes universels, ou de créer des spécialités. Pour mon compte, je suis
convaincu que le but que l'on doit se proposer dans les études, afin de les
rendre fécondes et productives, c'est de former, avant tout, des spécialités,
et de laisser ensuite à l'avenir le soin de faire des hommes universels, s'il y
a des hommes qui veulent s'adonner plus tard à l'élude d'une foule de sciences.
Mais il est impossible qu'arrivé à l'âge de 22 ou 23 ans, un jeune homme puisse
répondre, d'une manière approfondie, à toutes les questions qu'on peut lui
faire sur des matières aussi variées.
Messieurs,
je viens de vous démontrer que l'intérêt des études n'est pas engagé dans la question.
L'intérêt des études, au point de vue des professeurs, c'est d'amener un
personnel nombreux à leur auditoire ; je conviens ; que cela leur est très
favorable et surtout très agréable. Mais l'intérêt bien entendu des études,
c'est qu'on enseigne dans le pays toutes les sciences possibles ; que, dans les
universités, vous ayez une chaire pour chaque science, afin que chaque élève
puisse suivre l'étude spéciale vers laquelle il se sent entraîné, et qu'on ne
l'interroge pas sur des matières tout à fait inutiles, ou peu utiles.
Aujourd'hui,
par exemple, pour devenir docteur dans telle faculté, vous devez être interrogé
sur la statistique. Mais qu'est-ce que la statistique ? Est-ce une science bien
fixée ? Savez-vous ce qu'est pour moi la statistique ? C'est l'art de grouper
les chiffres de manière à démontrer ce qu'on se propose. Voilà ce qu'est la
statistique et rien autre chose. Et comment voulez-vous interroger les élèves
sur cette prétendue science ?
Messieurs,
avec le système adopté, on doit renoncer à former des hommes d'une science
profonde. Quoi que vous fassiez, vous devez arriver, en matière des études
universitaires, à l'un de ces deux résultats, ou gagner en intensité ce que
vous perdez en étendue, ou gagner en étendue ce que vous perdez en intensité.
Tous les hommes qui ont réussi dans l'étude de différentes sciences, ne se sont
jamais occupés simultanément de ces sciences, mais ils s'y sont adonnés
successivement ; ce n'est qu'à ce prix qu'il est possible d'acquérir des
connaissances variées et approfondies à la fois.
M.
le ministre de l'intérieur vient de dire que, lorsque la chambre a adopté la
proposition de l'honorable M. Delfosse au mois de mars 1844, il a été entendu
que la prorogation des dispositions transitoires aurait lieu pour la dernière
fois ; M. le ministre a ajouté qu'il y a eu, à cet égard, unanimité dans la
chambre.
Je
proteste contre la pensée qu'on prête à la législature. L'opinion de
l'honorable député de Liège est son opinion particulière ; mais jamais il n'y a
eu unanimité sur cette question ; jamais il n'a été décidé que le
renouvellement des dispositions transitoires aurait lieu pour la dernière fois.
Au contraire, beaucoup de membres de cette chambre se sont convaincus de plus
en plus qu'il fallait rendre ces dispositions définitives ; ils sont même
arrivés à cette conséquence, que ces dispositions sont encore trop dures pour
les élèves ; qu'il valait beaucoup mieux examiner ceux-ci d'une manière plus
approfondie, sur un nombre moindres de matière, en rapport avec la profession à
laquelle ils se destinent, que de les examiner fort légèrement sur un programme
plus vaste et plus étendu.
Messieurs, selon moi, il est indispensable de
réviser le programme des divers examens. Nous avons été beaucoup trop loin en
1835. Mieux instruits par l'exemple, nous devons aujourd'hui à la jeunesse de
revenir sur cette partie de la loi du 27 septembre 1835. Que la chambre soit
bien convaincue de ceci : on ne sortira jamais de la difficulté que par une
bonne révision des matières.
J'appuie
donc de toutes mes forces la pétition des élèves des universités ; et s'il n'y
est pas fait droit, quelques-uns de mes honorables collègues et moi, nous
sommes décidés à proposer une modification à la loi du 27 septembre 1835, en ce
qui concerne les matières de divers examens.
M.
Zoude. -
Pour ajouter quelque développement au rapport que j'ai eu l'honneur de faire,
je dirai que les études ont fait jusqu'ici, en Belgique, des hommes réputés par
la profondeur de leurs connaissances dans les sciences comme dans les arts.
Nous
en avons des preuves nombreuses en médecine comme en jurisprudence.
(page 258) Le barreau est doté d'avocats
célèbres, la magistrature est réputée par les lumières de ceux qui la composent
comme par l'équité de leur jugement.
Cependant,
ces hommes si distingués n'ont pris été soumis à ces divers cours que l'on veut
rendre obligatoires.
Souvenons-nous
que le mieux est souvent l'ennemi du bien.
Je
répéterai ce que j'ai déjà eu occasion de dire, et ce qui est, pour moi, d'un
puissant argument, c'est qu'en 1838, lors du premier rapport que j'ai eu
l'honneur de présenter à la chambre sur la matière, deux hommes éminents, qui
étaient alors nos collègues et qui tous deux avaient été examinateurs, ces
estimables et savants collègues nous disaient sans hésitation que, s'ils
étaient eux-mêmes sur les bancs pour être interrogés sur toutes ces matières,
ils éprouveraient beaucoup d'embarras pour répondre. Depuis, on nous a dit, et
l'honorable M. Dumortier vient de nous en donner la preuve, c'est qu'il n'est
pas un examinateur dont les connaissances soient assez variées pour pouvoir
interroger sur toutes ces matières.
Le
gouvernement lui-même disait, en 1838, que l'expérience avait appris qu'il
était utile d'apporter des modifications à la loi de 1835, afin d'assurer mieux
le succès des hautes études qui contribuent essentiellement à l'honneur comme à
la prospérité du pays ; il importe, disait-il, d'arrêter le découragement de jeunes
gens qui les porte à entrer dans d'autres carrières.
L'université
de Liège disait, en 1837, que l'on était d'accord que les matières prescrites
par la nouvelle loi étaient trop nombreuses.
Le
jury d'examen de Gand disait aussi, alors, qu'il était urgent de réduire les
matières d'examen, que rien n'était plus funeste que de transformer en
encyclopédie vivante de jeunes étudiants, que c'était leur inspirer des
prétendons déplacées, en ne leur donnant qu'un savoir superficiel et purement
verbal.
La multiplicité de matières, disait encore un autre
jury d'examen, constitue un inconvénient qu'il faut faire disparaître dans
l'intérêt des bonnes éludes, dans l'intérêt surtout des étudiants qu'on force à
s'occuper simultanément de trop de choses à la fois.
Enfin,
messieurs, si la question est d'une solution assez difficile, ce dont il me
semble qu'on doit convenir, accordons un délai pour qu'on puisse l'examiner
plus à fond et rassurer au moins les élèves contre la crainte qui les domine,
et qui est trop générale pour ne pas avoir de fondement.
J'insiste
pour qu'accueil soit fait à la demande des élèves des universités.
M.
Delehaye. - Messieurs, sans partager toutes les opinions émises par l'honorable
M. Dumortier, je suis aussi de l'avis de ceux qui pensent que les examens qu'on
fait subir aux élèves sont déjà hérissés d'assez de difficultés pour ne pas les
augmenter encore.
Toutefois,
en présence des conclusions de la commission, je pense que cet objet n'est pas
encore à l'ordre du jour ; la commission a proposé le renvoi à M. le ministre
de l'intérieur pour provoquer des modifications à la loi qui nous régit. Son
rapport ne laisse pas le moindre doute, il vous a dit ce qu'il serait. D'après
le rapport de la commission, la demande des pétitionnaires serait fondée et
il y aurait lieu de
modifier la loi.
M.
le ministre de l'intérieur vient de dire que, dans son opinion, il n'est pas
nécessaire de modifier la loi, qu'il suffit d'engager les jurys à user
d'indulgence. Au moyen de cette explication, je pense que l'ordre du jour est
épuisé et que le discours de l'honorable M. Dumortier viendra à propos quand il
fera une proposition positive à la chambre. L'honorable M. Dumortier nous a
dit, il y a un instant, qu'il prierait quelques-uns de ses amis de se joindre à
lui pour faire une proposition. Quand il la fera, je déclare que je me joindrai
à lui avec empressement. Mais quant à présent, nous n'avons plus à délibérer,
tout est terminé.
La
commission a demandé le renvoi au ministre de l'intérieur. M. le ministre est
allé au-devant de ce renvoi ; il vous a fait connaître son opinion et ce qu'il
se proposait de faire. Si vous n'êtes pas satisfaits des mesures que le
gouvernement veut prendre, c'est à vous de faire usage de votre droit d'initiative.
En attendant, je demande qu'on s'en tienne aux explications du gouvernement, et
afin qu'on puisse s'éclairer sur ce qu'on pourra juger devoir faire plus tard,
je demanderai l'impression du rapport fait sur cet objet.
Un membre. - Ce sera imprimé au Moniteur.
M.
Delehaye. - Chacun pourra examiner les pièces, étudier la question, el par là
nous serons mieux à même de faire une proposition ; quand elle sera faite, je
l'appuierai.
M. de Theux. - J'avais demandé la
parole pour m'exprimer en peu de mots sur le fond de la question. Mais d'après
les observations de l'honorable M. Delehaye, je crois inutile de prolonger la
discussion. Je suis disposé à voter le renvoi pur et simple à M. le ministre de
l'intérieur.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - Je demande l'ordre du
jour.
M. de Theux. - Le renvoi sans
conclusion n'implique aucune conséquence.
M. le
président. - Je ferai observer qu'on a prononcé le renvoi des pétitions avec
demande d'explications et fixé la discussion du rapport à la séance de ce jour.
M. de Theux. - On me dit qu'il faut
savoir si la chambre accepte les explications données par M. le ministre de
l'intérieur. Evidemment la chambre les accepte tant qu'elle ne prend pas
l’initiative de présenter un projet de loi.
Je
dirai cependant quelques mots sur la question. Il est évident, comme je l'ai
dit en 1838, que c'est une situation fâcheuse que celle dans laquelle on doit
d'année en année proroger des dispositions transitoires, parce que les élèves,
craignant qu'elles ne soient pas maintenues, se hâtent de terminer leurs
éludes. Il est donc essentiel qu'une mesure définitive intervienne.
Je
considérerais comme une décision l'attention de la chambre ; si elle ne prend
pas l'initiative d'un projet de loi, c'est qu'elle se rallie à l'opinion émise
par M. le ministre de l'intérieur. Si quelque membre, au contraire, fait une
proposition, je demanderai la mise à l'ordre du jour le plus tôt possible, afin
qu'il y ait une décision prompte, que la chambre accepte ou rejette le projet,
parce que cet état transitoire est intolérable,.
En
1838, j'avais été pénétré de la difficulté pour les élèves de passer les
examens du doctorat tels qu'ils sont prescrits par la loi, vu l'expérience qui
a été faite ; c'est pour ce motif que j'avais proposé une meilleure division
des matières et un examen de plus. En 1835, le projet de loi avait introduit
deux examens pour le doctorat en droit ; mais dans la discussion on les a
réduits à un seul.
On
avait pensé, et l'on avait exprimé ce vœu dans la discussion, que le jury
ferait une distinction entre les matières essentielles, celles que tous les
jurisconsultes doivent connaître, c'est-à-dire ceux qui veulent suivre le
barreau ou entrer dans la carrière de la magistrature, et les matières
accessoires qui sont moins directement du ressort de la jurisprudence, ou
celles qu'on peut plus facilement apprendre quand on a terminé ses études ;
qu'une réponse complète sur ces matières qui ne sont pas du ressort de la
jurisprudence ou d'une application immédiate, serait moins nécessaire, et que
son défaut ne serait pas suffisant pour amener le rejet du récipiendaire ;
seulement elle entrerait en considération pour les mentions plus ou moins
honorables dans l'examen. Si les choses s'étaient passées ainsi, il eût été
possible de maintenir la loi de 1835 telle qu'elle a été faite.
Aujourd'hui,
il resterait peut-être encore un moyen, ce serait si M. le ministre de
l'intérieur pouvait faire pour les autres matières d'examen ce qui a été fait
quant aux pandectes et au droit civil approfondi. Il a été reconnu qu'il est
impossible de donner un enseignement complet des pandectes et du droit civil
approfondi dans les deux années pendant lesquelles les élèves se livrent à ces
éludes.
Alors
le jury s'est entendu et l'on a déterminé annuellement quelles seraient les
parties des pandectes et du droit civil approfondi sur lesquelles l'examen
porterait. Les universités se sont mises d'accord pour enseigner les mêmes
parties des pandectes el du droit civil approfondi. Cette partie de la
difficulté de l'examen a disparu ; dans les premières années, elle paraissait
insurmontable. J'ai moi-même indiqué le moyen adopté par le jury d'examen. Il
s'agirait de donner un complément à cette mesure. Si la loi de 1835 n'est pas
modifiée, il pourrait se faire que le jury prît des mesures analogues sur les
autres matières sur lesquelles l'examen doit porter, qu'il fît un programme
d'examen, les professeurs feraient un programme d'enseignement ; et les élèves
ne pourraient pas être surpris par des interrogations sur les parties qu'ils
n'auraient pas été à même d'étudier.
Je
me bornerai à ces observations que je fais pour le cas où la chambre ne
prendrait pas l'initiative de modifier la loi de 1835, quant aux matières
d'examen. Si donc la loi est maintenue, M. le ministre pourra se concerter avec
les jurys d'examen pour introduire en quelque sorte un programme d'examen.
J'ai cependant encore une observation à rencontrer.
M. le ministre a dit qu'on pourrait engager les jurys d'examen à diviser les
matières entre l'examen écrit et l'examen oral. Cette division n'est pas
possible d'une manière absolue. L'examen oral est surtout institué pour
compléter l'examen écrit, en ce sens que si un élève a mal répondu dans
l'examen écrit on puisse avoir égard aux réponses faites dans l'examen oral, et
s'assurer si le manque d'une réponse adéquate provient du défaut d'instruction
ou de toute autre cause. De même quand le récipiendaire a répondu dans l'examen
écrit, il importe de savoir s'il ne répond pas de mémoire, s'il a une
connaissance réelle des matières el s'il ne répond pas comme un enfant qui a
appris sa leçon.
Je
ne pense pas qu'on puisse interroger les élèves sur certaines matières
oralement et sur certaines autres par écrit ; les mêmes matières doivent être
comprises dans les deux examens, pour que le jury puisse se faire une opinion
de l'étendue de l'instruction de l'élève.
M.
de Brouckere. - Je pense, comme l'a dit l’honorable M. Delehaye, que l'ordre du jour
est épuise. On a demandé le renvoi des pétitions des élèves des universités à
M. le ministre de l'intérieur, afin d'obtenir des explications. M. le ministre
vient de donner des explications catégoriques ; il les a fait suivre d'une
conclusion formelle ; il vous a exprimé son opinion qu'il n'y a pas lieu dans
la circonstance actuelle de modifier la loi de 1835. Tous les discours qui
seraient prononcés maintenant n'auraient aucun résultat, ils ne pourraient ni
changer ni modifier l'opinion du ministre pour le moment actuel.
Si
des membres ont l'intention d'user de leur droit d'initiative, de présenter un
projet de loi, nous devons attendre qu'il soit présenté ; quand il le sera, on
reconnaîtra qu'il est urgent de le discuter dans le plus bref délai possible.
Mais prolonger la discussion maintenant, c'est la prolonger en pure perte,
parce qu'il est impossible qu'elle aboutisse à une résolution quelle qu'elle
soit. La seule résolution qu'on puisse prendre, c'est le dépôt au bureau des
renseignements, en attendant qu'une proposition soit faite, si on juge à propos
d'en faire une. Un nouveau renvoi serait inutile, il ne pourrait aboutir à
rien.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - Messieurs, la chambre a
renvoyé les pétitions au ministre du l'intérieur et lui a demandé des
explications. Ces explications devaient-elles être suivies d'une conclusion,
oui ou non ? Pouvait-on se borner purement et simplement à exposer les raisons
qui déterminaient le gouvernement à demander l'exécution de la loi, puis
ensuite après l'énoncé de cette opinion, à déposer purement et simplement les
pétitions au bureau des renseignements et à ne point conclure ?
Messieurs,
vous êtes ici en présence de l'opinion émise par les hommes pratiques, par les
professeurs des quatre universités.
Ces
universités ont reconnu que si les matières que l'on enseigne offrent, par leur
multiplicité, quelque obstacle aux élèves, il y avait cependant, dans la
pratique, un moyen simple et facile d'arriver à une conclusion qui, d'une part,
adoucirait la transition pour les élèves et qui, d'autre part, maintiendrait
l'exécution de la loi. C'est à l'opinion de ces hommes pratiques que le
gouvernement s'est rallié. En conséquence, messieurs, je ne pense point que le
gouvernement puisse laisser ni les universités, ni les élèves dans l'incertitude
où les laisserait le simple dépôt au bureau des renseignements. Il faut que le
gouvernement sache si la conviction qu'il s'est faite, conviction fondée sur
l'examen approfondi des opinions des professeurs, sera partagée par la chambre,
c'est-à-dire, en d'autres termes, si la loi de 1835 sera exécutée ou bien si
vous déciderez hic et nunc qu'une loi nouvelle vous sera présentée et que
l'enseignement supérieur sera de nouveau soumis à vos délibérations.
A
cette occasion, l'honorable député de Tournay, entrant dans des considérations
scientifiques de l'ordre le plus élevé, a demandé si l'intention du
gouvernement, ou l'intention du pays, ou l'intention des parents était de
former des têtes encyclopédiques ou si, au contraire, il ne fallait pas diriger
les éludes vers les spécialités. Mais, messieurs, c'est précisément une
spécialité que nous examinons, c'est la question de l'étude du droit ; et nous
demandons si le droit administratif, l'histoire du droit coutumier, le droit
commercial font partie de l'étude du droit en général. N'est-ce pas là une
question toute spéciale ? Qu'est-ce donc que l'honorable préopinant entend par
des spécialités ? Entend-il qu'on soit docteur en procédure civile ou docteur
en droit commercial purement et simplement ? Oh ! c'est alors que les études
seraient tout à fait incomplètes ; c'est alors que vous verriez les fâcheux
résultats dont on se plaint dans d'autres pays. Si c'est ainsi que vous
entendez les spécialités, vous morcelez véritablement l’enseignement ; vous
amoindrissez, vous rétrécissez l'esprit des élèves.
De
quoi s'agit-il, messieurs, dans le haut enseignement ? Il ne s'agit pas de
pénétrer dans les détails de la science ; ce sont les sommités qu'il faut
enseigner, ce sont les principes fondamentaux de la science qu'il importe de
présenter à l'esprit des élèves.
A
cette occasion, l’honorable préopinant s'est trouvé encore dans une étrange
contradiction avec lui-même : d'une part il fait l'éloge le plus brillant des
anciennes universités, et d'autre part, comparant le résultat des études
anciennes avec les études actuelles, il reconnaît que les études actuelles sont
bien supérieures aux études anciennes. Messieurs, nous sommes à peu près tous
docteurs des anciennes universités ; soyons justes, et reconnaissons que les examens
qui se faisaient alors, que les doctorats qui s'accordaient, que les thèses qui
se défendaient, ne témoignaient nullement d'un enseignement sérieux et solide ;
à nos propres yeux mêmes on jouait une véritable comédie. Comparez cet état de
choses, messieurs, aux études qui se font depuis la conquête de noire
indépendance, depuis que nous avons senti le besoin d'imprimer aux études une
haute direction ; comparez ce que font les jeunes gens aujourd'hui avec ce que
nous avons fait nous-mêmes pour devenir docteurs, et reconnaissez, quoiqu'il
doive en coûter quelque chose à notre amour-propre, que les jeunes gens sortis
de nos universités sont bien supérieurs à ce que nous étions alors. L'honorable
préopinant l'a reconnu en quelque sorte lui-même, puisqu'en examinant le
programme des cours auxquels sont soumis les élèves belges, il a avoué que ceux
qui avaient subi des examens à l'étranger et y avaient reçu le doctorat,
eussent été fort embarrassés de se soumettre aux épreuves que l'on exige en
Belgique. Que résulte-t-il de cet aveu, si ce n'est que les études ont fait
plus de progrès dans notre pays qu'à l'étranger ? Je voudrais que la Belgique
conservât cette supériorité, et que nos universités occupassent le rang le plus
élevé parmi les institutions de ce genre en Europe. Je voudrais qu'aucun
étranger ne fût a même de dire : J’obtiens un diplôme ici avec plus de facilité
qu'en tout autre pays. Multipliez au contraire les difficultés, messieurs ; on
ne fait bien que ce qui est difficile. Je l'ai déjà dit. Pardonnez-moi de le
répéter. Habituez la jeunesse à de hautes et sévères études, habituez-la à voir
dans un diplôme non pas le côté utile, le côté mercantile, le métier, si je
puis le dire ainsi ; mais le côté noble, pur, scientifique ; et vous formerez
ainsi des hommes propres à tout et de grands citoyens.
Or,
c'est précisément, messieurs, sous un gouvernement représentatif, dans un pays
où les citoyens sont appelés à appliquer leur intelligence à toutes les
questions, que vous devez multiplier les études au lieu d'en rétrécir le
cercle.
Quoi
! Nous jouissons d'institutions qui nous appellent à délibérer sur les
questions les plus élevées : nous pouvons être appelés à nous occuper de tout
ce qui intéresse la société humaine ; et vous voudriez rabaisser les éludes, et
rétrécir au lieu d'en étendre la sphère ! Messieurs, le premier intérêt de la
société est de posséder dans son sein des hommes qui, ayant fait de fortes
études, étendent les connaissances qu'ils ont acquises à tous les grands
intérêts, et ne se renferment point dans d'étroites vues de professions.
L'honorable
membre vous dit qu'il y a peu de professeurs qui, changeant de place, ne
fussent fort embarrassés de répondre aux questions qu'ils posent eux-mêmes aux
élevés. Messieurs, c'est là un argument que font valoir tous les jeunes gens.
C'est une petite satisfaction d’amour-propre qu'ils se donnent à eux-mêmes. Il
est bien reconnu partout, non seulement dans les universités, mais même dans
cette enceinte, qu'il est plus facile de questionner que de répondre. Je pense
que l'honorable membre sera lui-même convaincu de cette vérité. Pour moi, je
sens tous les jours combien est plus aisé le rôle des honorables membres de
cette assemblée qui interpellent un ministre, que celui du ministre qui doit
leur répondre.
Mais,
messieurs, si les élèves se donnent cette petite satisfaction d'amour-propre,
nous devons cependant reconnaître que les universités du royaume sont composées
d'hommes qui connaissent leur mission et qui, dans les examens, ne dirigent pas
l'esprit sur les détails et les subtilités de la science pour se donner le
plaisir d'embarrasser l'élève, mais qu'ils le portent d'ordinaire sur les
principes généraux de la science. Si, messieurs, dans la pratique on s'écartait
de ces règles indispensables à tout bon examen, je pense que le gouvernement
pourrait et devrait, dans ses rapports avec les jurys d'examen, rappeler à leur
souvenir quels sont les principes qui doivent présider à l'accomplissement de
leur devoir.
L'honorable
membre, passant des généralités aux détails, vous a dit aussi qu'il était
incroyable que l'on exigeât d'un élève l'étude du droit coutumier, de ce droit
né au moyen âge, et inapplicable à l'étal actuel de notre société.
D'abord,
messieurs, notre droit coutumier ne date pas de si loin ; et ce n'est pas
jusqu'au moyen âge qu'on nous oblige de remonter. J'ajouterai que lorsque
j'avais l'honneur d'appartenir au barreau, mon expérience personnelle m'a
démontré qu'il était peu de questions, surtout dans certaines provinces et dans
les provinces les plus riches, pour la solution desquelles l'élude profonde de
noire droit coutumier ne fût nécessaire. J'en appelle à tous les jurisconsultes
de cette assemblée.
Messieurs,
je crois, malgré tous les développements dans lesquels je viens d'entrer pour
répondre à l'honorable préopinant, que nous discutons une question dont la
chambre n'est pas saisie.
J'ai
eu l'honneur de dire à la chambre qu'elle n'avait à décider qu'une question
fort simple ; la voici : la loi de 1835 sera-t-elle révisée, ou bien
sera-t-elle exécutée ?
Les quatre universités du pays ayant été consultées
sur l'exécution de la loi, ont suggéré au gouvernement un moyen pratique de
maintenir l'exécution de la loi, tout en adoucissant et en facilitant son
exécution.
Le
gouvernement a reconnu la possibilité de parvenir à ce résultat. En conséquence
il n'a pas considéré la révision de la loi de 1835 comme nécessaire et je
demande que tout en déposant les pétitions des élèves des universités au bureau
des renseignements, on n'en décide pas moins que la loi de 1835 sera exécutée,
mais exécutée avec ces adoucissements pratiques, ces moyens de transition
suggérés par les hommes qui, en appréciant les difficultés, ont en même temps
présenté les mesures propres à les surmonter.
M. le
président. - La parole est à M. de Garcia.
M. de Garcia.. - D'après ce que vient
de dire M. le ministre, je considère la discussion comme épuisée. Je me
réserve, si l'on présente un projet, de présenter mes observations.
M.
Fleussu. - Messieurs, je ferai observer que nous sommes en présence de deux
conclusions...
Un membre. - M. le ministre s'est
rallié à la proposition du dépôt au bureau des renseignements.
M.
Fleussu. - Je ne sais si M. le ministre peut se rallier à cette proposition.
La
commission des pétitions avait proposé le renvoi des pétitions de MM. les élèves
des universités à M. le ministre de l'intérieur, avec demande d'explications.
Ces conclusions ont été adoptées. Je crois dès lors que tout est épuisé sur ces
pétitions, puisque le renvoi a eu lieu et que M. le ministre de l'intérieur a
fourni le rapport demandé.
Pouvons-nous
encore demander maintenant le dépôt au bureau des renseignements ? Ce sont des
conclusions qui viennent un peu tard et dont je ne vois pas trop l’utilité.
J'aurai
cependant, messieurs, une observation à faire sur les explications de M. le
ministre.
D'après
ces explications, il semblerait que les professeurs des quatre universités sont
d'accord pour le maintien de la loi de 1835. Cependant, messieurs, autant que
j'ai pu saisir les explications données à la tribune, il me semble qu'aucune
des universités n'a demandé le maintien de la loi sans réserve. Toutes ont fait
des réserves.
C'est
ainsi que l'université de Louvain a dit qu'on pouvait maintenir la loi, mais
qu'elle désespérait de voir les élèves venir aux examens munis de toutes les
connaissances que l'on veut en exiger. Les matières qui n'ont pas été
enseignées jusqu'à présent seront apprises par les élèves d'une manière très
superficielle et il est probable qu'ils ne satisferont pas à toutes les
demandes qui leur seront proposées.
L'université
de Bruxelles aussi demande le maintien de la loi, mais il semble que c'est à
cause du mérite de ses professeurs qu'elle demande ce maintien, puisqu'elle dit
que c'est par l'ordre, par la méthode qui est employée dans l'enseignement et
dans l'examen que l'on peut parvenir à voir les jeunes gens répondre, d'une
manière satisfaisante, à tant de matières différentes. Voilà encore une
réserve.
Les
universités de l'Etat ont fait d'autres réserves. Elles ont demandé qu'il y eût
plusieurs examens sur des matières si multipliées.
Il
est donc vrai de dire, messieurs, qu'aucune des universités n'a demandé le
maintien pur et simple de la loi de 1835.
M.
le ministre de l'intérieur nous a dit que, conformément à l'avis de ces
universités le gouvernement est d'opinion d’exécuter la loi, sauf à ménager une
espace de transition dans l'examen pour les matières non enseignées jusqu'à
présent.
Je
crois, messieurs, que le gouvernement fait bien d'exiger l'accomplissement
d'une loi tant que cette loi existe. C'est son droit, je dirai même (page 260) c'est son devoir. Mais je
demanderai si nous pouvons bien nous en rapporter entièrement au gouvernement
sur la manière dont il entend exécuter la loi. Ne devons-nous pas craindre,
dans ce cas, que très souvent ce sera la volonté du gouvernement et non la
volonté de la loi, c'est-à-dire la volonté de la législature qui sera exécutée
? Car par la manière dont il interpréterait la loi, le gouvernement pourrait la
modifier entièrement, et alors ce ne serait plus votre volonté, mais la sienne
qui réglerait l'instruction publique en Belgique. Je suis assez d'avis, en
général, de fortifier l'action du gouvernement en matière d'instruction. J'en
ai donné la preuve, et je ne rétracte aucun de mes principes à cet égard. Mais,
vous, messieurs de la majorité, qui avez toujours été très jaloux de vos
prérogatives en cette matière, je vous demanderai si vous voulez laisser la
volonté du ministère se substituer à la volonté de la loi ?
M.
le ministre de l'intérieur nous a dit que la trop grande quantité des matières
enseignées n'était critiquée par personne. Messieurs, quant à moi, j'en
conteste l'utilité. Je crois remarquer que la loi ordonne l'enseignement de
bien des branches qui peuvent être utiles, parce que plus on a de connaissances,
et plus on en retire de fruits, mais qui surchargent la mémoire des élèves et
leur demandent un temps beaucoup trop considérable.
On
vous a parlé de l'histoire du droit coutumier. Eh bien, je dis qu'enseigner
maintenant le droit coutumier à des élèves, demander qu'ils emploient une
partie de leur temps à l'étude de cette histoire, c'est les distraire d'études
beaucoup plus sérieuses et plus utiles.
Savez-vous,
messieurs, que le droit coutumier est tout aussi difficile à apprendre que les
pandectes ? Savez-vous que chaque localité du pays, pour ainsi dire, avait son
droit coutumier ? Dans le ressort de la cour de Liège, par exemple, vous avez
les coutumes de Liège, vous avez les coutumes de Namur, les coutumes du
Luxembourg avec son cortège de droits féodaux ; vous avez les coutumes de
Stavelot, les coutumes du duché de Limbourg et les coutumes du comté de Looz,
Je ne vous parle que du ressort de la ville de Liège, parce que c'est celui que
je connais le mieux.
Enseignez
donc l'histoire de tous ces droits coutumiers à des jeunes gens et dites-moi
l'utilité qu'ils en retireront !
La
connaissance des coutumes était utile il y a vingt ans, messieurs, parce que
vous aviez les questions de prescriptions à examiner. Vous aviez aussi les
mariages contractes sous l'empire des coutumes ; mais la plupart de ces
mariages sont rompus aujourd'hui. Aussi arrivera-t-il souvent, messieurs, qu'un
jeune homme qui aura consacré un temps considérable à l'étude du droit
coutumier, aura à en faire tout au plus une fois, l'application. J'admets même
en fait que l'élève qui termine aujourd'hui ses études ou qui les terminera
dans deux ans, n'aura jamais à faire usage de ses connaissances sur ce point.
Ensuite,
messieurs, quand vous aurez enseigné aux jeunes gens le droit coutumier, vous
devrez leur enseigner bien autre chose ; vous devrez leur enseigner les
localités où les droits coutumiers s'appliquaient. Car, vous savez ce qui en
était autrefois. Dans le- pays de Liège, par exemple, à peine trouvez-vous un
ou deux villages contigus, soumis à la même juridiction. Chacun avait sa loi
particulière.
Quoi
! Vous aurez enseigné tout cela aux élèves, messieurs, quel fruit en
retireront-ils ?
Pour
les questions transitoires, c'est encore à peu près la même chose. Elles
reçoivent très rarement leur application dans ce moment, parce qu'on a fait
retour à un droit plus conforme à nos mœurs, au droit romain.
Messieurs,
je vous parlais tout à l'heure du droit coutumier. Il est vrai de dire qu'il
est un droit coutumier dont l'étude serait peut-être nécessaire, c'est celui
qui a servi de base au code civil ; mais c'est le droit coutumier français,
particulièrement les coutumes de Paris et d’Orléans, et pas le nôtre.
Pour
la candidature en philosophie et lettres, que doivent subir les jeunes gens qui
se destinent au barreau, on exige encore l'étude de beaucoup de choses qui ne
sont pas en rapport avec la carrière à laquelle ils se destinent.
Je
vous demanderai pourquoi vous voulez que celui qui se destine à l'étude du
droit, connaisse les mathématiques, l'algèbre, la géométrie, la trigonométrie,
la physique. Quel rapport y a-t-il entre l'étude du droit et celle de la
physique ?
On
dit : Les mathématiques rectifient le jugement. Remarquez, messieurs, que je
voudrais, si la chose était possible, qu'un jeune homme put acquérir toutes les
connaissances que la loi requiert. Sans doute, il ne s'en trouverait que mieux,
même pour l'exercice de son état. Mais je demande où est la possibilité qu'un
jeune homme puisse caser à la fois tant de connaissances dans sa tête.
Dernièrement,
messieurs, j'ai pris des renseignements près d'un de mes parents qui étudie à
l'université de Liège. Il est en philosophie. Je lui demandai combien il lui
fallait d'heures pour entendre les leçons des cours qu'il doit suivre. Il
m'apprit qu'il lui fallait six heures par jour. S'il ne fait qu'assister aux
leçons, et s'il ne les recueille pas quand il est rentré chez lui, c'est comme
s'il ne faisait rien ; il lui faut à peu près un temps égal pour recueillir et
résumer les leçons. Voilà donc un jeune homme occupé douze heures par jour. Je
demande, messieurs, comment la santé d'un élève qui tient à accomplir ses
devoirs, peut suffire à une besogne aussi dure.
Je
crois donc, messieurs, qu'il serait sage de réviser la loi de 1835. Tant
qu'elle est en vigueur, je demande son application, parce que laisser une loi
sans exécution, ce serait agir contrairement à la Constitution. Mais je demande
que nous revoyions cette matière ; elle est grave, et digne de toute notre
attention.
Puisque j'ai traité cette question, messieurs, je
me permettrai de vous signaler encore un autre mal que je crois avoir aperçu :
c'est que, pour entrer dans les universités, on n'exige des jeunes gens ni
conditions d'âge, ni conditions d'études préparatoires. Qu’arrive-t-il ? C'est
que des parents, pressés de voir leurs enfants en possession d'un état, et
croyant gagner beaucoup en gagnant une année ou deux, les font passer des bancs
du collège aux bancs de l'université sans qu'ils aient terminé leurs humanités,
sans que leur intelligence soit assez développée et sans qu'ils aient acquis
des connaissances propres à les faire profiter des études universitaires.
Savez-vous ce qui en résulte, messieurs ? C'est que les professeurs des
universités, voyant le peu de connaissances de ces jeunes gens, sont obligés de
faire descendre les cours à la faiblesse de leurs élèves, alors que les élèves
devraient être à la hauteur des cours universitaires. Je crois, messieurs,
qu'il faudrait remédier à ce mal. Peut-être est-ce celui qui entraîne tous les
autres après lui.
M.
de La Coste. - Messieurs, le motif qui m'avait fait demander la parole a, si j'ai
bien entendu M. le ministre de l'intérieur, perdu de sa force. Je crois avoir
compris que M. le ministre ne s'opposait plus au dépôt des pétitions au bureau
des renseignements et n'insistait pas sur l'ordre du jour.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - J'avais pensé,
messieurs, que, d'après l'opinion de quelques membres, les pétitions pouvaient
être déposées sur le bureau à litre de renseignements, et que c'eut été en
quelque sorte manquer de déférence envers la chambre que de ne point accepter
cette proposition.
Mais,
en agissant ainsi, est-ce que je renonçais aux conclusions de mon rapport ?
Pourrait-on en conclure que je ne demandais pas à la chambre de se prononcer
sur la question de savoir si la loi doit être exécutée ou non. En aucune façon
; et si le dépôt au bureau des renseignements devait avoir cette portée, je
vous déclare que je conclurais de nouveau purement et simplement à ce que la
chambre passât à l'ordre du jour.
M.
de La Coste. - Messieurs, je crois qu'il importe, et cette explication ne sera pas
inutile, peut-être, à M. le ministre de l'intérieur lui-même, de rappeler ce
qui s'est passé lors de la proposition de l'honorable M. Delfosse. Il
semblerait, d'après ce qui a été dit à ce sujet, qu'il existerait, de la part
même de la chambre, une sorte de fin de non-recevoir qui trancherait la
question. Mais voici ce qui a eu lieu, et je suis persuadé que tous ceux de mes
collègues qui étaient présents alors, se rappelleront comme moi ces
circonstances.
C'était
à la fin d'une discussion très vive et très fatigante ; la chambre était pour
ainsi dire épuisée. Elle était très agitée ; il y avait des conversations
particulières sur tous les bancs, et il était presque impossible que
l'assemblée manifestât l'unanimité que M. le ministre de l'intérieur a cru voir
dans la résolution qui a été prise. A travers ces conversations particulières,
on a, s'il m'est permis de le dire, jeté à l'honorable M. Delfosse le conseil
de modifier sa proposition, afin d'en finir ; et c'est ainsi que l'on en est
venu à une décision.
Quoi
qu'il en soit, M. le ministre de l'intérieur déclare qu'il doit résulter pour
lui de notre délibération actuelle, que la chambre veut que la loi soit
exécutée. Nul doute, messieurs, comme l'a dit l'honorable M. Fleussu, que la
chambre ne peut vouloir autre chose. M. le ministre n'a plus qu'à exécuter la
loi, du moment que lui-même ni personne ne fait une proposition pour la
modifier. Mais, messieurs, j'ai craint un moment, d'après la manière dont M. le
ministre de l'intérieur posait la question, qu'il ne désirât amener la chambre
à formuler pour ainsi dire implicitement une résolution, non pas sur la
question de savoir si la loi sera exécutée aussi longtemps qu'elle existera,
mais sur la question même que l’honorable M. Dumortier annonce qu'il soumettra
à vos discussions.
Telle
ne peut être l'intention de M. le ministre ; mais, si l'ordre du jour avait dû
avoir cette tendance, j'aurais cru devoir m'y opposer.
M.
le ministre se fonde sur les avis des corps savants dont il nous a donné
l'analyse. Lui-même n'a pas eu beaucoup de temps pour étudier ces, avis et, de
notre côté, nous n'en avons pas eu du tout, pour ainsi dire. Pour les méditer,
pour former notre opinion d'après eux, il faudrait plus qu'une simple analyse,
il faudrait les connaître en entier, il faudrait, je pense, comme l'a déjà
demandé l'honorable comte de Theux, que ces avis fussent imprimés. Alors nous
nous formerions une opinion pour le cas éventuel d'une proposition qui serait
faite, soit par l'honorable M. Dumortier, soit par tout autre membre.
Ainsi
donc, messieurs, l'incertitude qui pourrait exister chez les étudiants n'en
subsistera pas moins, dans ce sens que la chambre se réserve son opinion pour
le moment où pourra venir la discussion annoncée.
Messieurs,
je pense que la question de la multiplicité des objets d'étude ne se
présenterait peut-être pas, ou se présenterait du moins sous un tout autre
aspect, si les diplômes avaient réellement la valeur qu' à mes yeux ils
devraient avoir.
En
effet, où conduisent maintenant ces diplômes ? Dans la faculté de droit, ils
ouvrent l'entrée du barreau, de la carrière judiciaire ; mais pour toutes les
autres carrières ils sont quelquefois un obstacle plutôt qu'un titre.
De
deux jeunes gens qui se destinent à la carrière administrative, ou qui désirent
parcourir l'honorable carrière des bureaux d'administration générale, celui qui
n'aura pas étudié dans les universités sera dans les meilleures conditions
d'avancement. Entré fort jeune peut-être dans une administration, il aura
employé utilement pour son avancement cinq ou six années de sa vie, que l'autre
aura consacrées à acquérir des connaissances très utiles, mais qu'il aura
perdues pour l'ancienneté de service. Je crois donc qu'il faudrait faire des
études universitaires un titre à l'entrée (page
261) dans la carrière administrative, à l'avancement dans les bureaux, en
un mot, dans toutes les parties du service public pour lesquelles elles sont
une excellente préparation, mais aujourd'hui plus nuisibles qu'utiles pour
celui qui s'y soumet. C’est alors qu'on comprendrait tout le prix des
connaissances variées et qu'on se sentirait encouragé à les acquérir.
Au
surplus, M. le ministre ayant déclaré qu'il ne s'opposait point au dépôt au
bureau des renseignements, je bornerai là mes observations.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - Messieurs, je serais
fâché d'avoir affirmé à la chambre un fait qui ne fût pas conforme à la vérité,
et la représentation fidèle de ce qui s'est passé dans votre sein. Mais j'ai
sous les yeux le texte même des discussions qui ont eu lieu lors de la dernière
demande de prorogation. Cette demande avait été faite par l'honorable M.
Delfosse ; et pour décider l'assemblée à y donner son assentiment, il déclara,
de la manière la plus formelle, que son intention n'était pas que cette
prorogation fût accordée ultérieurement. Il s'exprima de la manière suivante :
« Comme la prorogation que nous allons voter sera la dernière, il n'y a pas le
moindre inconvénient à la voter pour deux ans. »
Un membre. - C'est une opinion
individuelle.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - Ce n'est point une
opinion individuelle. C'est l'auteur d'une proposition qui, pour la faire
adopter par la chambre, déclare que c'est la dernière fois qu'elle aura à la
voter. La chambre est saisie de la proposition en ces termes, et c'est sur les
termes même de la proposition faite par M. Delfosse que la chambre a procédé au
vote.
On
nous a dit, messieurs, que les universités n'étaient point favorables à
l'exécution de la loi, et qu'il y avait divergence d'opinion entre elles. J'ai
cru, au contraire, faire ressortir d'une manière la plus évidente que, si les
quatre universités reconnaissaient certaines difficultés à l'exécution de la
loi, elles avaient en même temps suggéré des moyens pratiques pour atteindre ce
but, sans que les élèves eussent à s'en plaindre. Ce sont ces moyens que le
gouvernement compte adopter. Le gouvernement a entendu que la loi fût exécutée
; il n'entend point, en exprimant cette opinion, lier la chambre et la priver
de son initiative ; mais aussi longtemps que cette loi existe, le gouvernement
croit qu'il est de son devoir, et en même temps de la dignité de la chambre de ne point continuer d'année en année à en suspendre l'exécution.
Cependant, cette exécution peut s'effectuer de manière à diminuer momentanément
ce qu'elle peut avoir de sévère pour quelques élèves. Or, on vous suggère un
moyen d'exécution fort simple, et non pas, comme l'a dit l'honorable député de
Liège, dans le but de dominer la loi, de l'interpréter arbitrairement, de la
pétrir, en quelque sorte, de nos propres mains, pour la rendre plus conforme à
nos principes, à nos vues ; mais dans le but d'aplanir les difficultés dans les
termes et avec les restrictions mêmes qui vous ont été communiqués. N'oubliez
pas que nous reproduisons en quelque sorte textuellement les opinions des
hommes pratiques intéresses à la même exécution de la loi, et intéressés encore
à adoucir la transition, à diminuer les inconvénients qui ne sont que
temporaires. Ce n'est pas là dominer arbitrairement l'exécution de la loi, et
s'il s'agissait d'être revêtu de ce pouvoir exorbitant, je vous avoue,
messieurs, que je n'accepterais pas cette responsabilité, et que je n'accepte
pas cette position de maître souverain de la loi.
M.
Dumortier. - Une chose, messieurs, m'a frappé dans les observations de M. le
ministre ; c'est qu'il s'est singulièrement trompé sur la portée du vote émis
par la chambre, lorsqu'elle a voté la dernière prorogation. M. le ministre
s'appuie sur les paroles prononcées par l'honorable M. Delfosse ; mais ces
paroles ne sont que l'opinion de l'honorable M. Delfosse, et pourquoi
voudrait-on que ce fût celle de la chambre tout entière ? J'ai voté de grand
cœur la proposition de M. Delfosse, mais en me réservant bien de reproduire mon
opinion chaque fois que l'occasion s'en présenterait. Beaucoup de membres de la
chambre ont voté avec cette réserve, et je suis convaincu que c'est la
majorité. Certainement personne n'a entendu se lier pour l'avenir et enchaîner
d'avance son opinion.
Quant
au fond de la question, messieurs, sur quoi s'appuie M. le ministre de
l'intérieur ? Il s'appuie sur les rapports des quatre universités, des deux
universités libres et des deux universités de l'Etat. Eh bien, messieurs, les
quatre universités sont d'accord sur un point, c'est que la loi est
inexécutable. Deux d'entre elles (ce sont les universités libres) demandent
qu'il y ait deux examens, au lieu d'un, pour le droit ; les deux autres, au
contraire, paraissent appeler plutôt des modifications dans l'intérêt des
élèves ; et ce qui me paraît fort significatif, c'est que ce sont précisément
les universités de l'Etat qui réclament ces modifications.
Que
dit en effet l'université de Liège ? Elle dit que la loi ne peut être exécutée
avec un seul examen. Que dit l'université de Gand ? Elle dit que la loi est
inexécutable, que les matières sont trop nombreuses et puis elle appuie le
maintien des dispositions transitoires. Il est donc inexact de venir dire à la
chambre que les quatre universités sont d'accord pour maintenir ce qui existe.
Aucune des universités ne veut le maintien de ce qui existe ; les quatre
universités sont d'accord pour reconnaître que la loi est inexécutable.
Seulement deux d'entre elles se bornent à demander qu'il y ait deux examens au
lieu d'un, et ce sont les deux universités libres, tandis que des deux
universités de l'Etat, l'une appelle des modifications à la loi et l'autre
demande positivement le maintien de la mesure provisoire.
Il
y a plus, messieurs, à côté des avis des quatre universités, il faut placer
ceux des jurys d'examen. Tout à l'heure l'honorable M. Zoude vous l'a rappelé,
après quelques années d'exécution de la loi, plusieurs de nos honorables
collègues, qui faisaient partie du jury d'examen, nous firent connaître que ce
jury trouvait les matières trop nombreuses, et le ministre de l'intérieur de
cette époque (je crois que c'était l’honorable
M. de Theux demanda l'avis de tous les jurys d'examen sur la loi. Eh
bien, messieurs tous les jurys d'examen, à l'unanimité, demandèrent la révision
des matières d'examen, et déclarèrent qu'elles étaient trop nombreuses, que la
loi était inexécutable. Voilà, messieurs, une circonstance bien grave et qui,
ce me semble, ne devrait pas être perdue pour M. le ministre de l'intérieur.
Qu'il relise les avis des jurys d'examen, qui se trouvent imprimés dans les
documents parlementaires, et il verra que tous ont demandé la simplification
des matières d'examen.
N'est-ce
donc rien qu'une pareille déclaration ; et M. le ministre viendra-t-il dire
aussi que les jurys d'examen voulaient l'amoindrissement des études ? Ce ne
sera jamais à moi, messieurs, qu'on pourra adresser un pareil reproche. Je
crois avoir prouvé, en toute circonstance, que je veux le développement des
études, mais je ne veux pas que l'on exige de jeunes gens de 25 ans, plus de
connaissances que n'en peut posséder un homme de 40 ans. Je veux que, dans
l'enseignement universitaire, on enseigne aux élèves les principes de la
science, et qu'on leur fasse approfondir l’étude de ces principes ; mais je ne
veux pas qu’on leur fasse étudier une foule de questions, comme on le fait
aujourd'hui. Il est impossible que l'homme acquière cumulativement une
connaissance parfaite d'une foule de matières.
Mais,
dit-on, il ne s'agit que d'une seule matière, le droit. Comment, messieurs, le
droit n'est qu'une seule matière. Mais le droit comprend un nombre immense de
matières. On veut, par exemple, que les élèves connaissent le droit coutumier ;
mais, comme l'honorable M. Fleussu l'a déjà fait comprendre à la chambre, la
vie d'un homme ne suffirait pas pour acquérir une connaissance parfaite de
toutes les coutumes de la Belgique. Dans le seul district de Tournay, nous
avions les coutumes de la cité, les coutumes des seize communes, les coutumes
du Hainaut. Et vous voulez que les élèves connaissent toutes les coutumes de la
Belgique ! Mais c'est vouloir qu'un jeune homme de 25 ans ait les connaissances
que possèdent à peiner les jurisconsultes les plus distingués.
Et
notre droit administratif. Qu'est-ce qu'un jeune homme qui se destine à la
carrière du barreau, a besoin d'étudier le droit administratif ? Sans doute, il
est à désirer qu'il le connaisse un jour aussi bien que le droit coutumier,
mais laissez donc quelque chose à l'avenir. Ne dites pas aux jeunes gens :
Lorsque vous aurez achevé vos études, vous aurez fini avec l'instruction ! Et
c'est ce qu'on leur dit aujourd'hui. Mais n'avez-vous donc plus les années de
stage qui sont prescrites par la loi ? Ne faut-il plus que ces années-là soient
employées aussi à acquérir de nouvelles connaissances ?
Non,
messieurs, je ne veux pas amoindrir les études ; mais je prétends qu'on les
amoindrît en voulant former des têtes encyclopédiques. Je soutiens que, pour
relever les études, il faut s'attacher à former des spécialités et de fortes
spécialités, qu'il ne faut pas inspirer aux jeunes gens l'idée que tout est
fini lorsqu'ils sortent de l'université. Je soutiens qu'il faut laisser quelque
chose aux études futures. Je dis que ce système de vouloir tout apprendre aux
jeunes gens est un système fatal ; les plus capables, les mieux organises, les
plus aptes au travail ne peuvent y résister, il en résulte de deux choses l'une
: ou que l'élève voit ses facultés s'épuiser, s'affaiblir, ou qu'il se dégoûte
des études ; et l'une et l'autre de ces conséquences est également funeste à
son avenir.
Ce
que j'entrevois mieux dans toute cette question, messieurs, c'est l'intérêt des
professeurs. Mais à mes yeux cet intérêt n'est rien en présence de l'intérêt
des études, et je rends hommage aux professeurs des deux universités qui ont su
placer en première ligne l'intérêt des élèves.
En
résumé, messieurs, une chose est claire, c'est que tout le monde reconnaît la
nécessité d'une modification, c'est que tout le monde reconnaît que la loi est
inexécutable.
Toul
le monde est d'accord sur ce point, aussi bien les universités que les jurys
d'examen. Les deux universités libres demandent un double examen, mais ce
double examen ne peut être établi que par la loi. Les jurys d'examen, au
contraire, ainsi que l'université de Gand et (je dois le croire) aussi
l'université de Liège demandent la révision des matières. A mes yeux, c'est là
ce que nous devons faire, la nécessité m'en semble impérieuse ; mais en
attendant que cette révision soit opérée, il faut ou une nouvelle prorogation
des dispositions provisoires que nous avons votées, ou bien l'établissement
d'un double examen.
Il
faut l’intervention de la loi et non pas l'intervention du gouvernement dans un
pareil état de choses. Si le gouvernement ne présente pas de loi, l'élève aura
toujours en perspective un seul et unique examen, portant sur toutes les
matières ; or, c'est là une chose inexécutable, aux yeux du jury, ainsi que des
universités. Le gouvernement doit donc nécessairement présenter une loi.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - Je déclare que le
gouvernement n'a pas l'intention de présenter une loi.
M.
Dumortier. - M. le ministre s'est pourtant appuyé sur l'avis de la faculté de
droit de l'université de Louvain. Or, cette faculté est d'avis qu'il faut maintenir
tous les cours, mais que la loi est inexécutable, s'il n'y a pas deux examens.
Pour prescrire deux examens, il faut une loi.
La
faculté de droit de l'université de Bruxelles demande le partage des matières
en deux examens...
M.
Verhaegen. - C'est une erreur. Je demande la parole.
M.
Dumortier. - Le jury ne peut de lui-même faire deux examens ; si le jury divisait
l'examen en deux, il se ferait législateur, et ce n'est plus nous qui ferions
la loi, comme le disait l'honorable M. Fleussu, nous rentrerions dans le régime
de l'arbitraire. Ainsi, dans toutes les hypothèses, il faut nécessairement une
loi, et puisque M. le ministre de l'intérieur déclare (page 262) qu'il n'en présentera pas, j'attendrai la discussion de
son budget, pour proposer moi-même une modification à la loi de 1835.
M. de Theux. - Messieurs, je répondrai
d'abord à l'honorable M. Dumortier.
Il
n'est entré dans la pensée d'aucun membre ni d'aucune université que le
gouvernement ou le jury pourraient de leur propre autorité, introduire deux
examens. Cela a été si peu la pensée du gouvernement qu'en 1838, voulant
faciliter les examens, j'ai présenté un projet de loi, ayant pour objet de modifier
la loi du 27 septembre 1835 en ce sens, qu'il y aurait un examen de plus ; et
j'ai remarqué que trois universités paraissent aujourd'hui se rallier à
l'opinion que j'avais en 1838.
Du
reste, messieurs, je ne veux rien préjuger à l'égard de la discussion qui
pourra avoir lieu ultérieurement.
L'honorable
M. Fleussu a cru aussi que nous voulions donner trop d'autorité à M. le
ministre de l'intérieur, en l'invitant à donner des instructions au jury.
L'honorable membre a très mal compris notre pensée. Nous avons dit que nous
engagions M. le ministre de l'intérieur à prier le jury d'examiner s'il n'y
aurait pas lieu d'apporter, pour cette année, quelque tempérament dans l'examen
sur les nouvelles matières, ou s'il n'y aurait pas lieu, d'introduire en quelque
sorte un programme d'examen, pour que l'enseignement fût à peu près le même
dans les quatre universités, et que conséquemment les élèves pussent se
préparer, sans excéder leurs forces, à subir les examens.
Telle
a été notre pensée. Nous ne voulons donc déférer aucune autorité à M. le
ministre de l'intérieur. M. le ministre prend simplement l'initiative d'une
bonne pensée qu'il communique au jury ; et les membres du jury, juges absolus,
aux termes de la loi, tant pour le mode d'interrogation que pour l'admission
des aspirants, adopteront tel parti qu'ils jugeront convenable sur la
communication que M. le ministre de l'intérieur voudra leur faire...
M.
le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - C'est cela.
M. de Theux. - L'honorable M. Fleussu
a fait encore allusion à ce qui s'est passé, lors de la discussion de la loi
relative à la nomination du jury. Mais, messieurs, nous ne sommes nullement en
contradiction avec l'opinion que nous avons émise alors. Nous pensons, au
contraire, que la manière dont le jury est constitué aux termes de la loi lui
donne ce caractère d'indépendance que l'on exige, et nous garantit qu'il ne se
laisserait pas imposer arbitrairement la loi. Le jury n'est pas une commission
qui reçoit des ordres ; le jury est en quelque sorte un tribunal qui décide le
mode d'interrogation des récipiendaires, et qui prononce en dernier ressort sur
leur admission.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - Messieurs, l'honorable
préopinant a si nettement expliqué la pensée du gouvernement, qu'il me semble
inutile de prolonger les débats, et d'entrer à cet égard dans de nouvelles
explications. (Aux voix ! Aux voix !)
- Plus de dix membres demandent la clôture.
M.
Verhaegen (contre la clôture). - J'avais demandé la parole, pour répondre
quelques mots à un honorable préopinant. On nous a fait dire beaucoup de choses
qui n'ont pas été dites. On a voulu vous présenter un épouvantail. Il ne s'agit
pas ici du droit coutumier, il s'agit de l'histoire du droit coutumier ; ce
n'est pas la même chose ; tout comme l'histoire du droit romain est autre chose
que le droit romain. On fait peur par là aux élèves.
- La
discussion est close.
M.
de Brouckere n'insistant pas sur sa proposition tendant à ce que les pétitions
soient déposées au bureau des renseignements, rien n'est plus à l'ordre du
jour.
La
chambre décide qu'elle se réunira lundi en séance publique à deux heures.
-
La séance est levée à 3 heures.