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d’intention
Chambre des
représentants de Belgique
Séance du lundi 10 juin 1844
Sommaire
1)
Pièces adressées à la chambre, notamment pétition relative à l’assainissement
de la Senne (Scheyven)
2)
Motion d’ordre relative au projet de loi sur la nomination des jurys d’examen universitaire
et règlement de la chambre des représentants (Malou, Nothomb, Malou, de
Theux, Nothomb)
3)
Conclusions de la commission d’enquête parlementaire (commission « de
Foere ») et système des droits différentiels. Politique commerciale du
gouvernement. Second vote des articles. Possibilité pour un navire de faire
escale (Osy, Cogels, Nothomb, Eloy de Burdinne, Cogels, Donny, Osy,
Eloy de Burdinne, Nothomb, Cogels, Coghen, Nothomb),
examen de capacité des marins belges et écoles de navigation (Castiau, Nothomb, Nothomb, Donny, Verhaegen,
Nothomb, Castiau, Malou, Nothomb, d’Elhoungne, Verhaegen, Delfosse, Nothomb, de Haerne, Dumortier, Nothomb, Delfosse, Nothomb), encouragement à la construction de navires
belges, à la marine transatlantique à voiles et à l’établissement de comptoirs
commerciaux (de Garcia, Nothomb,
de Theux, Nothomb, Nothomb, Mast de Vries, de Haerne, Desmet, Dumortier)
(Moniteur
belge n°163-164, des 10 et 11 juin 1844)
(Présidence de M. d’Hoffschmidt, vice-président.)
M.
de Renesse procède l’appel nominal à 1 heure.
M.
Scheyven donne lecture du procès-verbal de la
dernière séance. La rédaction est approuvée.
M.
de Renesse communique les pièces de la
correspondance :
PIECES ADRESSEES A
« Les sieurs Reysen et Peeters prient
la chambre d’améliorer la position des secrétaires communaux. »
- Renvoi au ministre de l’intérieur.
_________________________
« Les médecins, chirurgiens et
accoucheurs du district de Termonde demandent l’abolition de l’impôt-patente
auquel sont assujettis ceux qui exercent l’une des branches de l’art de
guérir. »
- Renvoi à la section centrale chargée
de l’examen du projet de loi sur tes patentes.
_________________________
« Le sieur Mawet, militaire réformé pour
infirmité contractée au service, demande une pension ou un secours. »
- Renvoi à la commission des
pétitions.
« Plusieurs propriétaires et locataires de
biens situés sur la rive de la Senne, à Vilvorde et aux environs, demandent que
l’on prenne des mesures pour l’assainissement de la rivière. »
M.
Scheyven. - A une séance précédente, la
chambre, sur ma demande, a renvoyé à la commission des pétitions, avec demande
d’un prompt rapport, une pétition des riverains de
_________________________
M. Henot informe la chambre qu’une indisposition l’empêche d’assister à la
séance.
- Pris pour information.
Motion d’ordre
M. Malou. - La motion que j’ai l’honneur de soumettre à la chambre se rapporte à
l’ordre de ses travaux. Il paraît tacitement admis, il est d’ailleurs conforme
aux précédents que la chambre ne siège pas pendant la réunion des conseils
provinciaux. D’un autre côté, la chambre, à la suite de cette longue
discussion, s’ajournera probablement avant la fin du mois de juin. Une
attribution importante lui a été conservée par la loi du 8 avril dernier. Je
veux parler de la nomination des membres des jurys d’examen.
Le moment est arrivé de s’en occuper
; de fixer jour pour la nomination du jury et d’examiner si les articles
réglementaires relatifs à cette nomination ne doivent pas par suite des
changements introduits dans la loi de 1835 éprouver quelques modifications
d’une importance secondaire.
La nécessité de fixer un jour pour la
nomination des membres du jury d’examen me paraît établie par les explications
que je viens de donner. Le jury doit s’assembler le troisième mardi du mois
d’août, c’est-à-dire vers 1844, le 20. Si la chambre ne siégeait pas pendant le
mois de juillet, la nomination ne serait pas faite un mois au moins avant la
session des jurys, comme l’exige la loi du 8 avril dernier.
Quant au deuxième point, je
rappellerai d’abord que les dispositions réglementaires adoptées en 1835, se
trouvent à la page 106 du manuel à l’usage des membres de la chambre.
La loi nouvelle a laissé subsister la
loi ancienne sous le rapport du nombre de jurys et du nombre de jurés à nommer
par chacune des deux chambres. Le règlement ne doit donc pas être modifié à cet
égard. Mais deux innovations ont été faites à la loi de 1835. L’une concerne
l’élimination par la voie du tirage au sort ; l’autre la nomination des
suppléants.
La discussion relative au tirage au
sort ne peut pas avoir son effet cette année. Les membres des jurys nommés sous
la loi ancienne ont vu leur pouvoir expirer à la fin de la session de Pâques.
Dès lors, si on faisait un tirage au sort parmi les jures dont les pouvoirs ont
cessé pour désigner ceux qui doivent être conservés, ce ne serait plus la
chambre, ce serait le sort qui attribuerait des pouvoirs aujourd’hui éteints.
La seule modification qui doive recevoir son application cette année, concerne
donc la disposition relative à la désignation individuelle des suppléants. D’après
l’article réglementaire adopté en 1835, quatre scrutins doivent avoir lieu. Le
premier scrutin est relatif à la nomination des membres titulaires des jurys
d’examen pour le doctorat en droit et en médecine, pour les sciences et pour la
philosophie et les lettres.
Le second scrutin est relatif à la
nomination des jurys d’examen pour la candidature en droit et en médecine. Le
troisième a pour objet la nomination des suppléants des membres nommés au
premier scrutin, et le quatrième a pour objet la nomination des suppléants des
membres nommés au second scrutin.
D’après le texte et l’esprit de la
loi que vous avez adoptée, il est impossible de modifier le règlement en ce
sens que les suppléants seraient nommés par le même scrutin que les titulaires,
il pourrait en résulter cette conséquence bizarre que la nomination des
suppléants serait le résultat de la réunion de minorités et non de la
désignation individuelle faite dans les bulletins.
On ne peut pas se dissimuler que la
pensée primitive du projet du gouvernement, la représentation des
établissements dans le jury, n’ait, en quelque sorte, déteint sur le projet de
la section centrale, définitivement converti en loi, et que dés lors il
convienne de choisir les suppléants de manière à les mettre dans un certain
rapport de position avec les titulaires. La nécessite de scrutins séparés pour
les titulaires et les suppléants étant établie, le mode le plus simple de
mettre les suppléants en rapport avec les titulaires, c’est de designer sur les
bulletins les titulaires auxquels les suppléants seraient attachés.
Je ne pense pas qu’on omette cette
désignation. Mais dans le cas où le nom du titulaire ne serait pas joint à
celui du suppléant, on pourrait résumer avec raison que les suppléants sont
indiqués dans le même ordre que les titulaires. Il faut établir par le
règlement cette présomption. Le mode le plus naturel de classer les titulaires,
c’est celui des suffrages obtenus, on pourrait donc se borner à intercaler
entre le dernier et l’avant-dernier § de l’article réglementaire adopté à la
séance du 21 décembre 1835 les dispositions dont je vais avoir l’honneur de
vous donner lecture :
« Les membres titulaires
seront classés, pour chaque jury, d’après le nombre de suffrages qu’ils auront
obtenus.
« Les bulletins, pour la
nomination des suppléants, indiqueront, à côté du nom de chacun d’eux, le nom
du titulaire qu’il peut être appelé à remplacer.
« A défaut de désignation spéciale,
les suppléants seront présumés être inscrits sur le bulletin selon l’ordre de
nomination des titulaires. »
Moyennant ces dispositions, je pense
que nous pourrons procéder à la nomination que la loi vous a conservée. Ma
motion a donc deux objets : fixer le jour pour examiner les modifications à
apporter aux dispositions du règlement ; en second lieu, fixer le jour pour
cette nomination. Je propose de fixer a mercredi la discussion des
modifications au règlement, et à jeudi la nomination des jurés.
Je rappellerai que c’est ainsi qu’on
a procédé en 1835. L’article du règlement a été présenté et mis en discussion
deux jours après ; et le lendemain de la discussion la nomination du jury a eu
lieu.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
Je suppose qu’il n’entre pas dans l’intention de l’honorable membre
d’interrompre le deuxième voie de la loi des droits différentiels.
M. de Theux. -
Ce sera fini avant !
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
J’en accepte l’augure. (On rit.)
Messieurs, il entrait dans mes
intentions de faire une motion du genre de celle qui vous est soumise. Je
regrette que l’honorable préopinant ne m’en ait pas laissé l’initiative. J’ai
préparé tous les documents dont la chambre a besoin pour procéder à cette opération,
la liste des jurés existante des professeurs des universités et des membres des
académies. Ces documents sont prêts. Je me proposais de les déposer sur le
bureau et de proposer à la chambre de fixer un jour pour la révision des
dispositions de son règlement.
L’honorable préopinant a fait la
motion que je me proposais de faire, je me joins à lui. Cependant je doute que
la chambre puisse fixer à mercredi la discussion des modifications à apporter
au règlement. On pourrait la fixer après le second vote des droits
différentiels, et renvoyer à un autre jour la nomination des membres du jury.
Du reste, la motion va être imprimée. On pourrait ne statuer qu’ultérieurement.
M. Malou. - J’avais proposé mercredi pour la révision de la disposition du
règlement que j’ai indiquée, parce que je supposais que la discussion relative
aux droits différentiels serait terminée. On pourrait fixer cette révision
après le deuxième vote de la loi dont la chambre s’occupe. J’ai cru devoir
prendre l’initiative, parce qu’il y avait urgence de s’occuper de la nomination
des membres du jury d’examen et que l’initiative en cette matière me paraissait
appartenir naturellement à la chambre.
M. de Theux. - Je
propose de fixer la discussion des dispositions réglementaires après le second
vote du projet de loi relatif aux droits différentiels.
- Cette proposition est adoptée.
M. Malou. - J’ai proposé de fixer la nomination des membres du jury au lendemain
de l’adoption des modifications au règlement.
- Cette proposition est adoptée.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
Je proposerai de fixer la discussion du projet de loi relatif aux indemnités
des membres du jury au même jour que les dispositions réglementaires.
Cette proposition est adoptée.
M.
Osy. - L’honorable M. de Brouckere, qui est malade,
m’a chargé d’exprimer à la chambre les regrets qu’il éprouve de ne pouvoir être
ici dans cette circonstance et de demander une prolongation de congé.
La prolongation de congé est
accordée.
CONCLUSIONS
DE LA COMMISSION D’ENQUETE PARLEMENTAIRE (COMMISSION « DE FOERE ») ET
SYSTÈME DES DROITS DIFFERENTIELS
Second vote des articles
Article 5
M. le président. - Samedi, la chambre a remis à la séance de ce jour la continuation de
la discussion sur l’art. 5.
M. Osy propose au § 2 la suppression
des mots : Au nom de maisons belges.
M. le ministre de l’intérieur propose
au § 3 nouveau, ainsi conçu :
« Le connaissement, etc.
M.
Osy. - Dans la séance de samedi, j’avais proposé de
supprimer dans le deuxième paragraphe de l’art. 5 les mots « au nom de maisons
belges. » M. le ministre de l’intérieur m’a fait observer que cette disposition
ayant été adoptée sans amendement, il n’était plus possible d’y revenir. Il
ajoute à l’art. 4 un 2ème § que nous pourrons adopter s’il consent à changer
seulement un mot, c’est-à-dire à terminer l’article par ces mots :
« directement en Belgique, » au lieu de « directement de ces
lieux à une maison de Belgique. »
J’ai démontré, samedi, qu’il était
impossible de savoir d’avance à quelle maison de Belgique une cargaison est
destinée ; il suffit qu’elle ait
Je proposerai un 5ème §. Les
Américains font un grand commerce de poivre ; ils vont le chercher dans l’île
de Sumatra où il n’y a que des Indiens, des sauvages. Il serait impossible
d’avoir là des papiers comme ceux dont il est question au § 4. Comme ces
navires ont a bord un subrécargue, il n’y a pas de facture ; il n’y a pas de
connaissement. Le navire arrive à Cowes ou à Falmouth, où l’on demande s’il faut
le diriger sur Anvers, ou Rotterdam, ou sur tel autre port où il y a plus
d’avantages pour le commerce, pour le transport. Commue le poivre n’est pas un
objet de grande consommation, il est expédié en Allemagne, pour la presque
totalité. Si vous rendez difficile l’arrivage de ces navires en Belgique, ils
seront dirigés sur Anvers ou Rotterdam, où un transport en Allemagne est aussi
facile que par le chemin de fer.
Il arrive, tous les ans, dans le
pays, deux navires ayant à bord un million de kilog. de poivre. Ces navires,
qui sont toujours d’un fort tonnage, laissent chacun 200,000 fr. dans le pays.
Ils sont obligés de prendre des vivres, de payer les gages qui se dépensent
dans le pays. On est obligé de mettre le poivre en sac ; on achète pour cela
pour 20,000 fr. de toiles. Certes, je n’exagère pas en évaluant à 200,000 fr.
la dépense de chaque navire. Si vous n’adoptez pas mon amendement il sera
impossible de faire ces affaires ; vous les chasserez du pays. Vous concevez
qu’il est indifférent aux Américains d’aller par
Voici le paragraphe que je
propose, de concert avec l’honorable M. Cogels :
« Les navires ayant subrécargue à
bord, à partir du lieu de chargement, seront dispensés d’être munis de lettres
de connaissement et de papiers de bord, visés par les consuls belges. »
Le subrécargue déclarera à Anvers
qu’il vient du lieu de chargement.
J’ai à faire encore une observation
assez importante ; c’est au sujet des sucres qui arrivent à Anvers, qui doivent
être expédiés en transit pour l’Allemagne, mais dont une partie se trouvant
avariée comme cela arrive souvent, doit être vendue à Anvers, conformément à la
police d’assurance. Cette partie est assimilée aux arrivages des entrepôts
européens et frappée d’un droit de 2 fr. 75 c. ou de 4 fr. 25 c., suivant les
cas, au lieu du droit d’un centime. On conçoit que cela peut éloigner de notre
pays un grand nombre d’affaires. Néanmoins, si M. le ministre veut prendre
l’engagement d’examiner cette question que nous résoudrions dans la loi
relative au transit qui expire cette année, je ne présenterais pas d’amendement
sur ce point.
M.
Cogels. - Messieurs, vous vous rappelez que
dans la séance de samedi, à l’occasion de cette question, j’avais soulevé
quelques doutes sur les conséquences de l’amendement présenté par M. le
ministre de l’intérieur. Je pensais que cet amendement avait besoin
d’explications pour éviter toute difficulté avec la douane. J’avais fait voir
alors que très souvent une cargaison, dirigée des pays transatlantiques, est
accompagnée d’un subrécargue, qu’elle ne peut, par conséquent, être dirigée sur
une maison déterminée, puisque le subrécargue est chargé de s’informer quelle
maison présente toutes les garanties nécessaires. Cependant, quand le navire
est dirige sur
D’après la rédaction que nous vous
proposons, vous voyez que nous substituons aux mots à une maison en Belgique, les mots pour la Belgique, ce qui revient au même ; car c’est tout ce que M
le ministre désirait ; c’est tout ce que la majorité de la chambre peut
désirer.
Quant aux cargaisons
accompagnées d’un subrécargue, comme le subrécargue est, soit le représentant
de la maison étrangère, soit le propriétaire de la cargaison, il est naturel de
ne pas les écarter. Comme le subrécargue est à bord à partir du lieu de
chargement, il n’y a pas de connaissement ; car c’est le subrécargue qui a la
libre disposition de la cargaison, et qui doit venir librement la consigner.
Ce que nous avons voulu éviter, en
insérant dans l’article, les mots à
partir du lieu de chargement, c’est que l’on prît à Cowes un subrécargue
qui aurait eu, si je puis m’exprimer ainsi, un caractère simulé.
Nous avons donc voulu nous rallier aux
intentions de M. le ministre et de la majorité, en éloignant les cargaisons qui
ne viendraient pas directement des contrées transatlantiques. Mais nous voulons
maintenir, dans l’intérêt du pays, dans l’intérêt du commerce, les
consignations et les cargaisons mêmes qui sont propriété belge, et qui
cependant, comme nous l’avons expliqué dans une précédente séance, sont
obligées de toucher à Cowes.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
Je présenterai un doute relativement au dernier paragraphe ainsi conçu :
« Les navires ayant subrécargue
à partir du lieu de chargement, seront dispensés d’être munis de connaissements
et de papiers de bord visés par les consuls belges. »
Je m’empresse de dire que les
honorables membres sont sur un point entrés complètement dans les vues
qu’atteste le premier vote, en mettant dans cette disposition les mots :
« à partir du lieu de chargement, » ce qui implique nécessité de
relations transatlantiques directes. Je me plais à reconnaître ce premier
point. Mais les honorables membres ne vont-ils pas trop loin, au moins d’après
les termes dont ils se sont servis ?
Il y a dispense de deux choses : d’un
connaissement ; pourquoi ? Parce qu’il y a un subrécargue à bord à partir du lieu
de chargement. Le subrécargue tient la place du propriétaire ; par conséquent,
il ne faut pas de titre transmissible de la propriété ; ce qui s’appelle
connaissement.
Il y a, messieurs, une deuxième
dispense : c’est la dispense de tout visa. On a invoqué une espèce de force
majeure ; on a dit que certaines marchandises se prennent dans les pays où il
n’y a pas de consuls ni de négociants. Mais il est difficile d’admettre que le
navire qui prendra ces marchandises, ne s’arrêtera pas dans un port où il y a
un consul belge, et c’est alors dans ce port qu’il faut constater tous ces
faits.
L’honorable M. Osy invoque la
force majeure, l’impossibilité ; mais il faudrait qu’il fût dit qu’il y avait
impossibilité d’avoir un visa. Sans quoi, qu’arrivera-t-il ? Mais rien ne sera
plus facile que de mettre désormais à bord de toute nature au subrécargue. On
pourra même le faire sans dépense ; on déclarera le capitaine subrécargue, et
ainsi les maisons anglaises qui exploitent le système de relâche a Cowes, se
borneront à ajouter aux ordres qu’elles donnent dans les pays transatlantiques,
la recommandation de donner le titre de subrécargue au capitaine.
Voilà les doutes que je soumets aux
honorables membres. Je demande des explications, et j’ai le droit d’en demander
à tout auteur d’un amendement.
Nous voulons rester dans le système
restrictif ; je dirai donc aux honorables préopinants avec lesquels je me
félicite de me trouver sur le même terrain : Ne quittons pas ce terrain, restez
sur le terrain restrictif et voyez, d’après les réflexions que je vous
présente, si votre amendement n’est pas de nature à élargir les restrictions au
point que nous rentrerons pleinement dans le système de relâche volontaire à
Cowes. Je les prie de donner les explications nécessaires.
M. Eloy de Burdinne. -
J’avais demandé la parole pour faire quelques observations sur la proposition
de l’honorable M. Osy. Je crois que cette proposition doit être sérieusement
méditée, avant d’être résolue et qu’on ferait bien d’en ordonner l’impression.
Nous devons, selon moi, être un peu sur nos gardes relativement aux
subrécargues ; car les subrécargues pourraient bien contrecarrer toute la loi.
Nous ne devons pas, messieurs,
admettre avec trop de facilité et sans un mûr examen les propositions, de
quelque part qu’elles nous viennent, et encore moins lorsqu’elles nous viennent
d’Anvers.
M.
Osy. - Je remercie l’honorable M. Eloy de Burdinne
d’avoir une aussi bonne opinion d’Anvers.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
Je demande que la discussion continue. C’est le seul moyen d’éclairer la
question.
M.
Cogels. - Messieurs, il n’est pas aussi
facile qu’on le croit bien de mettre à bord d’un navire un subrécargue qui
serait, si je puis m’exprimer ainsi, un homme de paille. Le subrécargue a des
pouvoirs très étendus ; il faut donc que ce soit un homme bien connu, pour que
le propriétaire de la cargaison lui confie ces pouvoirs. Il est même très rare
que l’on accorde les pouvoirs de subrécargue au capitaine, à moins que cela ne
soit tout à fait nécessaire. Car vous concevez, messieurs, que les faits dont
le capitaine se rendrait coupable comme capitaine, serait baraterie de patron ;
ce sont des faits qui seraient nécessairement punis. Mais les faits dont il se
rendrait coupable, comme subrécargue, ne constitueraient qu’un simple abus de
confiance, et il n’y aurait pas les mêmes moyens de répression.
Vous concevez donc, messieurs,
que le propriétaire d’une cargaison ne mettra un subrécargue à bord ou ne
donnera au capitaine les pouvoirs de subrécargue, que lorsqu’il sera absolument
indispensable de le faire. Et on vient de vous citer des circonstances où il
est impossible de ne pas avoir un subrécargue ; c’est lorsqu’il s’agit de ces
navires qui font des voyages autour du monde, ou qui font plusieurs escales,
qui sont obligés enfin de faire le trafic des côtes.
Vous voyez dès lors, messieurs,
qu’une des inquiétudes qui ont été manifestées par M. le ministre de
l’intérieur, n’est pas complètement fondée.
Quant aux inquiétudes que paraît
avoir l’honorable M. Eloy de Burdinne, je crois que s’il avait assisté aux
séances précédentes, il aurait vu que la question avait été longuement discutée
et qu’il ne devait avoir ici aucune défiance.
M. Donny. - Messieurs, tous les jours nous nous écartons davantage du principe
primitif du projet de loi en ce qui concerne les entrepôts flottants ; tous les
jours nous approchons davantage de l’état actuel des choses en ce qui concerne
les opérations du Cowes. Pour moi, messieurs, je me suis refusé dès le principe
à tout changement, à cet égard, et je continuerai à m’y opposer.
L’honorable M. Osy vous a présenté
une disposition nouvelle. Il nous arrive, dit-il, deux navires par an, qui sont
obligés de charger du poivre dans des lieux où il n’y a pas de consul. Comment
voulez-vous que l’obligation du visa du consul belge reçoive son application
pour ces navires ?
Si l’honorable membre avait voulu être
conséquent avec ses prémisses, sans vouloir bouleverser la loi cependant, il
aurait pu conclure de là qu’il y avait peut-être lieu de retrancher l’article
Poivre du tarif différentiel ; j’aurais compris une proposition dans ce sens.
Mais non, messieurs, en considération
de deux navires chargés de poivre, on vous propose d’admettre en Belgique tous
les navires quelconques, pourvu qu’ils aient un subrécargue à bord. Eh bien,
c’est tirer d’une prémisse des conséquences beaucoup trop étendues, chose que je
ne puis admettre.
Examinons d’ailleurs la question des
subrécargues. Ou bien le navire qui a un subrécargue est dirigé vers
Mais, messieurs, qu’est-ce que cette
dernière opération ? N’est-ce pas précisément cette même opération de Cowes que
nous avons voulu proscrire ? C’est évidemment la même chose.
Que fera-t-on ? On mettra à
bord un homme qu’on décorera du titre de subrécargue, et l’opération se fera
avec autant ou plus de facilite qu’à présent. Mais, dit l’honorable M. Cogels,
réfléchissez qu’on ne le fera pas, parce qu’un subrécargue est investi de
pouvoirs extraordinaires qu’on ne lui confie qu’en pleine connaissance de cause
et en cas de nécessité absolue. Messieurs, on mettra à bord un homme auquel on
donnera le titre de subrécargue, et à côté de ce titre, on lui donnera tels
pouvoirs qu’on voudra ; de sorte qu’on éludera complètement votre disposition.
Je crois, messieurs, vous avoir
signalé les dangers qu’il y a dans cet emploi des subrécargues. Il faut,
lorsque
M.
Osy. - Messieurs, je n’ai aucune inquiétude pour le
commerce en général ; mais ce pour quoi j’ai de l’inquiétude, c’est pour le
commerce de la Belgique ; si l’on veut en chasser les affaires, elles iront
chez nos voisins. Comme je l’ai déjà dit, nous ne sommes pas le seul point de
l’Europe où l’on fasse des affaires. Si l’on veut nous ramener au temps de
Marie-Thérèse, ce n’est pas moi qui y consentirai ; mais tel pourrait bien être
le résultat de votre loi.
Comme vous l’a dit l’honorable M.
Cogels, le subrécargue qui part, par exemple, de Boston pour la côte de
Sumatra, doit avoir des pouvoirs très étendus et on lui confie des sommes très
fortes. Un chargement de 800,000 kilog. de poivre vaut 600,000 fr. au prix très
réduit de 75 c. Vous sentez donc que ce ne sera pas un homme de paille que l’on
mettra à bord.
Je suis étonné, messieurs, de la
défiance qu’inspire tout ce qui vient d’Anvers. Anvers ne veut que le bien du
pays. Certainement, le négociant cherche à attirer les affaires, mais si vous
les chassez, il ira à Rotterdam.
J’ai dit, messieurs, qu’un chargement
de 800,000 kil. de poivre laissait 100,000 fr. au moins dans le pays, sans
compter les frais de transport par chemin de fer. Eh bien, si un navire qui a
un tel chargement ne peut plus arriver en Belgique, et parce qu’il aura couché
à Cowes, il doit payer les droits des entrepôts d’Europe, il se dirigera sur
Rotterdam.
J’ai vu hier encore une note
de courtier d’assurances pour de semblables cargaisons ; je puis vous assurer
que le navire qui arrive avec 800,000 kilog. de poivre, dépense 80,000 fr. De
plus, il dépense 20,000 fr. pour achat de sacs de toile. C’est là une ressource
importante pour votre industrie linière.
Messieurs, dès le premier jour nous
avons déclaré que nous ne voulions pas qu’on pût introduire en Belgique aux
droits réduits les cargaisons sous voile, ces cargaisons qui arrivent à Cowes
sans destination fixe, et que l’honorable M. de Haerne a appelées entrepôts
flottants. Mais les grands chargements qui viennent de l’Inde ne sont jamais à
destination d’une maison ; ils doivent s’arrêter à Cowes pour savoir du
correspondant de Londres à quelle maison en Belgique ils seront adressés.
Messieurs, si la relâche à Cowes
était aujourd’hui défendue, mais une loi telle que celle que vous faites
détruirait votre commerce. En effet, le navire qui arriverait, dans quelques
mois, et qui ne connaîtrait pas cette loi, serait obligé de payer des droits
sur lesquels il ne compte pas ; ce serait là un véritable piège. Il est donc
nécessaire que vous autorisiez dans les cas que j’ai indiqués, la relâche à
Cowes.
Messieurs, j’espère que l’opinion de
l’honorable M. Eloy de Burdinne ne sera pas partagée par cette chambre. Nous
avons montre assez de franchise dans cette discussion pour prouver que les
intérêts d’Anvers se liaient aux intérêts du pays, et vraiment, pour ma part,
je regrette infiniment d’avoir entendu exprimer par un de mes collègues une
semblable opinion à notre égard et à l’égard de la ville d’Anvers.
M. Eloy de Burdinne. -
Mon intention n’est nullement d’attaquer la ville d’Anvers, mais je dis que les
intérêts commerciaux qui existent à Anvers, sont des intérêts tout à fait opposés
à l’intérêt de
Le commerce d’Anvers est aujourd’hui,
à l’égard de
Un membre. - Cédez Anvers.
M. Eloy de Burdinne. -
Anvers sera d’une grande importance pour
J’aurais encore beaucoup de choses à
dire, messieurs, mais je me bornerai à ces observations en réponse à celles
présentées par l’honorable préopinant.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
Je vois avec peine, messieurs, que nous sommes sur le point de sortir
complètement de la question. Je pense qu’il faut nous y tenir. Au fond, je
crois que nous sommes d’accord, et c’est une rédaction que nous cherchons. (Interruption.) Oui, je dis que nous
sommes d’accord, parce que je ne doute de la sincérité de personne.
Je dis que nous cherchons une
rédaction. Que nous avait-on dit, messieurs, dans la première discussion ?
Comment le paragraphe 2 a-t-il été amené dans la première discussion ? J’avais
dit qu’il fallait des relations transatlantiques directes, et que la relâche à
Cowes avait ce résultat, qu’au fond les opérations ne se faisaient qu’entre Anvers
et ceux qui, dans l’île de Wight, représentent les maisons de Londres. On m’a
répondu : « Vous êtes dans l’erreur. Savez-vous pourquoi l’on s’arrête à
Cowes ? C’est uniquement pour régler des opérations de banque sur Londres. Ce
sont des affaires belges directement faites avec les contrées transatlantiques
; mais la nécessité, ou les usages des banquiers exigent cette relâche à Cowes.
C’est uniquement pour cela qu’on s’arrête à Cowes. »
Je vais, messieurs, rappeler les
précédents. (Interruption.) Je pense
qu’il est important de suivre les progrès de la discussion.
J’avais émis des doutes sur la nature
de ces relations et voici ce que me répondait l’honorable M. Cogels :
« M. le ministre de l'intérieur, en
répondant, a prononcé quelques paroles dont je m’emparerai parce qu’elles me
prouvent qu’il doit avoir été, quant aux relâches à Cowes, induit complètement
en erreur. Voici ce que dit M. le ministre de l'intérieur : Certes, s’il y
avait à Anvers des négociants ayant directement des relations avec les contrées
transatlantiques, s’ils n’avaient recours aux maisons de Londres que pour la
garantie et la réalisation des traites, la situation serait tout autre. Mais,
je le répète, ce n’est pas ainsi que les choses m’ont été présentées. »
Ce sont mes expressions.
L’honorable M. Cogels reprend et dit
« C’est cependant ainsi que les choses existent. »
L’honorable membre établit que je
suis dans l’erreur, que la relâche à Cowes n’a d’autre but que de régler des
opérations de banque pour des affaires faites directement pour compte belge.
C’est alors, messieurs, que, le prenant au mot (expression dont je me suis
servi), j’ai proposé le § 2 :
« Les navires étrangers venant
des mêmes endroits, et qui seront munis de connaissements et des papiers à
bord, dûment visés par les consuls belges, au nom des maisons belges et en
destination des ports belges, pourront être admis au même bénéfice. »
C’est-à-dire : puisque vous
reconnaissez que vous ne vous arrêtez à Cowes que pour un règlement de banque,
je fais droit à votre réclamation.
On a fait ensuite une nouvelle
objection. J’avais exigé que le connaissement fût au nom d’une maison belge. En
effet, s’il y a opération directe avec les pays transatlantiques, le
connaissement peut, en règle générale, être au nom d’une maison belge. On a
objecté que, dans certains cas spéciaux, le connaissement ne peut pas être au
nom d’une maison belge, que le connaissement doit être à ordre, pour couvrir
les traites. J’ai encore fait droit a cette nouvelle objection j’ai dit :
« Puisqu’il y a des cas exceptionnels où le connaissement ne peut pas être
au nom d’une maison belge, où le connaissement doit être à ordre, prévoyons ces
cas exceptionnels. » C’est alors que j’ai proposé le nouveau paragraphe
que voici :
« Le connaissement pourra être à
ordre pourvu qu’il soit constaté que la cargaison est expédiée des lieux
transatlantiques pour compte belge, soit comme propriété, soit comme
consignation faite directement de ces lieux à une maison en Belgique. »
C’est-à-dire, messieurs, que j’ai
résumé en un article très succinct le deuxième cas exceptionnel qui avait été
signalé par les honorables membres.
Maintenant, messieurs, on ne se borne
plus à dire qu’il y a des cas où le connaissement ne peut pas être au nom d’une
maison belge : on va plus loin, on dit qu’il y a des cas où il n’y a pas de
connaissement du tout. En vérité, messieurs, c’est pour un cas tout
exceptionnel détruire entièrement le principe. D’abord, messieurs, dans tout
les cas, l’amendement tel qu’il est, serait mal rédigé, c’est ce que je vous
prouverai tout à l’heure. Je prouverai également que l’amendement n’est pas
nécessaire, qu’il est impossible d’exécuter la loi autrement que ne le veulent
les honorables préopinants.
On réclame deux choses. Lisons le
paragraphe proposé par les honorables membres :
« Les navires ayant un
subrécargue, à partir du lieu de chargement.... » A partir du lieu de chargement, je prétends à cause de ces mots que
je suis d’accord avec les honorables membres que je crois très sincères.
« Les navires ayant un subrécargue,
à partir du lieu du chargement, sont dispensés d’être munis d’un
connaissement… » On devrait s’arrêter là, c’est le 1° ; mais on ajoute
: « et de papiers de bord visés par les consuls belges. » C’est
là une autre question. On veut dire : « 2° il y aura dispense du visa des
consuls belges pour tous les lieux où il n’y a pas de consul belge. »
L’amendement est donc évidemment mal
rédigé. On a réuni deux choses distinctes ; on réclame la dispense du
connaissement et la dispense du visa. Pourquoi réclame-t-on la dispense du
connaissement ? Parce qu’il y a un subrécargue à bord. Mais quand il y a un
subrécargue à bord, il n’y a pas de connaissement. Qu’est-ce qu’un
connaissement ? Le connaissement est le titre qui constate et transmet la
propriété de la cargaison. Si le propriétaire des denrées transatlantiques
était à bord, faudrait-il un connaissement ? Mais non ; le propriétaire serait
là, il serait le connaissement vivant. Eh bien, il en est de même du
subrécargue, qui est le représentant du propriétaire. Il ne faut donc pas de
connaissement dans ce cas spécial ; mais il faut que le cas reste spécial, et
le gouvernement, dans les règlements qu’il aura à faire à cet égard, prendra
les mesures nécessaires pour que la sincérité des faits soit constatée.
C’est ce qui sera établi par tous les
papiers de bord, car on a beau venir de pays sauvages, le navire n’en est pas
moins monté par des hommes appartenant aux pays civilisés. Il sera donc muni de
tous les papiers de bord, et surtout du journal qui doit présenter toutes les
circonstances du voyage...
M.
Osy. - Et dont l’exactitude doit être affirmée sous
serment.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Ainsi,
messieurs, pour le premier cas, voici ma réponse : Vous demandez la dispense du
connaissement pour le cas où il y a un véritable subrécargue à bord ; cette
dispense est inutile, elle résulte de la force des choses. S’il y a un
subrécargue à bord, il ne faut pas de connaissement. La seule chose à examiner,
c’est de savoir si le subrécargue n’est pas un homme de paille. Or, vous ne
voulez pas qu’il soit un homme de paille ; dès lors, nous sommes d’accord.
D’après les informations que j’ai
prises, le cas où il y a un subrécargue à bord, est extrêmement rare, on m’a
dit qu’il n y en a pas trois exemples depuis plusieurs années.
M. Lesoinne. - C’est très coûteux.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
Lorsque le subrécargue n’est pas un homme de paille, c’est très coûteux, M.
Lesoinne a parfaitement raison.
Ainsi, je n’hésite pas à déclarer que
si un navire se présente avec un véritable subrécargue à bord, et qu’il soit constaté
par les pièces que ce subrécargue a été placé à bord dans les circonstances
indiquées par les honorables préopinants, il ne faut pas de connaissement.
Remarquez qu’il y aura un manifeste, une charte-partie, et que dans ces pièces
il sera dit qu’il y a un subrécargue à bord. Voila pour le premier genre de
dispense.
Deuxième genre de dispense. On
demande la dispense du visa des consuls belges. Pourquoi ? On invoque la force
majeure. Mais la force majeure emporte toujours dispense. Dans toutes les lois
du monde, la dispense résultant de la force majeure existe implicitement. Je
n’hésite donc pas à déclarer que la force majeure étant constatée par le
journal, par toutes les circonstances de la navigation, il y aura dispense du
visa du consul belge ; mais je ne pense pas qu’il soit nécessaire d’insérer
cette dispense dans la loi.
M.
Cogels. - M. le ministre de l’intérieur
vient de rappeler un passage d’un de mes discours précédents, dans lequel,
répondant à M. le ministre, je lui aurais dit qu’il avait été induit en erreur,
que ce qu’il ne supposait jamais le cas était toujours le cas. Je n’ai pas dit que c’était toujours le cas, j ai dit seulement que les navires qui touchaient
à Cowes n’y touchaient pas toujours pour être mis à la disposition d’un
armateur ; mais qu’ils étaient souvent obligés, quoique dirigés sur une maison
belge, de toucher à Cowes dans l’intérêt d’une opération de banque.
M. Coghen. - Messieurs, comme j’ai eu l’honneur de le dire dans une autre séance,
le pavillon belge a tout son apaisement, il peut venir directement, il peut
faire relâche et faire même escale, parce que l’art. 5 réserve au gouvernement
le droit de l’accorder. Le pavillon belge est donc hors de cause. Le pavillon étranger
venant directement et qui ne fait pas relâche est également hors de cause. Le
navire étranger qui faut même relâche a Cowes, mais dont la cargaison est
destinée à transiter par
L’amendement proposé par M. le
ministre de l’intérieur me donne tous mes apaisements. Nous venons stipuler
pour les navires étrangers qui font relâche à Cowes ou à tout autre point des
côtes anglaises, pour recevoir des ordres, parce qu’on veut éviter la
concurrence des entrepôts flottants beaucoup plus dangereuse que celle des
entrepôts fixes. En effet, il y a beaucoup plus d’économie à acheter sous voile
que dans les entrepôts fixes.
L’honorable M. Osy propose de
supprimer les mots destinés à une maison
en Belgique. J’avais demandé cette suppression, parce que l’amendement de
M. le ministre de l’intérieur n’était pas encore produit. Cet amendement est
ainsi conçu :
« Le connaissement pourra être
d’ordre, pourvu qu’il soit constaté que la cargaison est expédiée des lieux
transatlantiques pour compte belge, soit comme propriété, soit comme
consignation, faite directement de ces lieux à une maison en Belgique. »
Je me rallie à cet amendement. Si
nous allons plus loin, nous pourrions compromettre le sort de toute la loi.
Quant aux subrécargues, il est fort
rare que les navires arrivent avec des subrécargues. Toutefois cela peut se
présenter. Mais lorsqu’il y a un
subrécargue à bord, il y aura connaissement, ou il faudrait que le propriétaire
de la cargaison fût aussi le propriétaire du navire, parce qu’autrement quelle
serait la justification de la propriété de la cargaison, si le subrécargue ou
ceux à qui en Europe on envoie ce document ne pouvaient pas justifier que la
cargaison est la propriété, non du capitaine, mais d’une tierce personne qui a
mis ces marchandises à bord ? Si l’on pouvait pour ces cas fort rares,
formuler une stipulation qui ne compromît pas le principe de la loi, je ne
serais pas éloigné de l’admettre, mais c’est la rédaction qui est fort
dangereuse.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
L’honorable M. Osy a fait une observation à laquelle je n’ai pas répondu.
L’honorable membre a, du reste, reconnu que son observation sortait de la
question. Nous avons dit que le transit était en dehors de la loi, et
l’honorable membre a signalé cette circonstance-ci :
Des marchandises sont expédiées en
transit ; mais à Anvers, d’après les polices d’assurance, il faut que l’on
vende les marchandises avariées. A quel droit seront-elles vendues ?
En principe absolu, elles doivent
être vendues au droit le plus fort. N’est-ce pas être trop rigoureux ? C’est un
point très important que le gouvernement doit examiner avec la plus grande
attention. Si l’on accorde ici une latitude, en faveur du transit, il faut
qu’on prenne toutes les précautions nécessaires.
Les honorables membres reconnaîtront
que, sous prétexte de séparer de la cargaison les marchandises avariées, on
pourrait faire passer pour des marchandises avariées la majeure partie de la
cargaison. Je donne l’assurance aux honorables membres que d’ici à l’époque où
la chambre sera saisie de la loi du transit par le chemin de fer, le
gouvernement examinera ce point avec toute l’attention nécessaire.
- Personne ne demandant plus la
parole, le premier § de l’art 5 est mis aux voix et adopté en ces termes :
« Art. 5. Les navires belges
venant des pays transatlantiques ou de lieux situés au-delà du détroit de
Gibraltar, pourront, sans perdre le bénéfice de l’importation directe, et en se
conformant aux conditions prescrites par le gouvernement, toucher dans un port
intermédiaire pour y prendre des ordres, pourvu qu’ils n’y fassent aucune
opération de commerce, de chargement ou de déchargement.
« Les navires étrangers venant
des mêmes endroits et qui seront munis de connaissements et papiers de bord,
dûment visés par les consuls belges, au nom des maisons belges, et en
destination des ports belges, pourront être admis au même bénéfice. »
- Adopté.
M. le président - Au paragraphe 3 proposé par M. le ministre de l’intérieur, MM. Osy et
Cogels proposent de substituer aux mots : à
une maison en Belgique, ceux ci : pour
- Cet amendement est mis aux voix. Il
n’est pas adopté.
Le paragraphe 3, proposé par M. le
ministre de l’intérieur, est adopté.
Le paragraphe 5, proposé par M. le
ministre de l’intérieur, est adopté.
- L’amendement proposé à ce
paragraphe par MM. Cogels et Osy n’est pas adopté.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
La loi sera exécutée dans le sens de cet amendement avec les restrictions que
j’ai indiquées.
- L’ensemble de l’article 5 est
adopté.
Article 8
M. le président. -
Article. 8. Le délai de 18 mois a été substitué à celui d’un an ; le reste de
l’article a été laissé en suspens. M. le ministre de l’intérieur a proposé un
paragraphe nouveau ainsi conçu :
« Les capitaines et les seconds,
etc. »
- Ce § est adopté.
L’art. 8 tel qu’il a été amendé est
ensuite adopté dans son ensemble.
Article 11(disposition additionnelle)
« Art. 11. Il sera établi, par les soins
du gouvernement, des caisses de secours ou de prévoyance, au profit des marins
naviguant sous pavillon belge.
« Le fonds de ces caisses se
composera :
« 1° D’une retenue sur le salaire des
marins ;
« 2° D’un versement à faire par
les armateurs ;
« 3° De dons et de legs ;
« 4° D’un subside de l’Etat qui ne
pourra s’élever, pour les diverses caisses, à plus de 10,000 fr. par an. »
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb)
propose d’ajouter à cet article la disposition suivante :
« A dater d’une époque à fixer
par le gouvernement, les marins belges et étrangers ne pourront être admis en
qualité de capitaines, de premiers ou de deuxièmes lieutenants, dans la marine
marchande belge, qu’après avoir subi un examen de capacité.
« Le gouvernement fera les
règlements nécessaires à cet effet. »
M.
Castiau. - Messieurs, je prends la parole
pour faire remarquer à la chambre qu’il n’y a aucune espèce de rapport entre la
disposition additionnelle proposée par l’honorable M. Rogier et celle présentée
par M. le ministre de l’intérieur, et qui vient de nous être distribuée. La
proposition de l’honorable M. Rogier était toute de bienfaisance, d’humanité et
de prévoyance. M. Rogier avait demandé l’établissement d’une caisse de
prévoyance dans l’intérêt des marins. C’était une pensée noble, une pensée
généreuse que celle qui avait pour but de garantir contre les vicissitudes du
besoin, contre les périls de leur profession, ces marins qui exposent leur vie
chaque jour, et étendre le patronage social sur leurs veuves et leurs orphelins
; cette proposition était de nature à rencontrer les sympathies unanimes de la
chambre.
Eh bien, à côté de cette proposition
si digne d’intérêt et de sympathie, nous voyons M. le ministre de l’intérieur
venir placer une proposition essentiellement gouvernementale ; à la place du
sentiment de bienfaisance et d’humanité, il met, lui, le sentiment du pouvoir.
C’est toujours la même pensée, qui dirige la politique de M. le ministre de
l’intérieur, il veut étendre sans cesse à tout prix l’action gouvernementale,
toucher à tout et faire tout retomber sous son contrôle. La proposition de M.
le ministre de l’intérieur ne tend pas à moins qu’à transformer les marins qui
exercent en ce moment une industrie privée en fonctionnaires publics. Aux
termes de cette disposition les capitaines de la marine belge, les premiers et
seconds lieutenants ne pourront être employés dans la marine marchande,
qu’après avoir subi un examen de capacité.
Mais cet examen de capacité,
devant quelle autorité le passera-t-on ? Devant des commissions ministérielles
? C’est donc le gouvernement qui, à l’aide de ces commissions ministérielles,
sera le dispensateur du droit d’exercer des fonctions maritimes. Les capitaines
et les lieutenants seront placés par ces examens sous la dépendance du ministre
de l’intérieur et transformés bientôt en officiers ministériels. Et comme la
question d’avancement se lie à la question de capacité, en fait ce sera encore
M. le ministre qui sera le dispensateur absolu des grades dans la marine
marchande. De sorte qu’après avoir vu, il y a quelques mois, M. le ministre se
poser dans cette enceinte comme le grand-maître de l’Université, nous le
verrons bientôt prendre, dans sa modestie, le titre de grand-amiral de
Belgique.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
De grand maître de l’amirauté. (On rit.)
M.
Castiau. - Malgré la confiance qu’on peut
avoir dans les connaissances maritimes et scientifiques de M. le grand-maître
de l’amirauté (qu’il me permette de lui donner ce titre, puisqu’il se
l’attribue lui-même), malgré cette confiance, il est ici une autorité et une
expérience qui me paraissent supérieures encore à la prétendue infaillibilité ministérielle,
c’est l’autorité et l’expérience de l’intérêt privé.
Pour apprécier la capacité des
capitaines et des premiers et seconds lieutenants de navire, les véritables
juges, ce sont les parties intéressées ; ce sont les armateurs qui sont exposés
à livrer leur fortune, et parfois leur existence à l’expérience des marins dont
ils font choix pour le commandement de leurs navires. Voilà les juges les plus
compétents sans contredit. Il faut vraiment vouloir faire intervenir la
puissance gouvernementale en tout et partout pour prétendre que le gouvernement
peut mieux juger la capacité des officiers de la marine marchande, que les
armateurs qui les emploient à leurs risques et périls.
Dans tous les cas, s’il y a des
mesures à prendre, des garanties de capacité à exiger, ce n’est pas au
gouvernement qu’il appartient de décider de pareilles questions par des
règlements généraux, sans l’intervention des chambres.
Voyez quel est l’arbitraire de la
proposition du gouvernement. Il s’arroge le droit de déterminer d’une manière
absolue les matières d’examen et de composer arbitrairement et sans règles les
commissions qui les feront subir. Quels seront les juges qui examineront ? Par
qui seront-ils choisis ? Quelles garanties d’impartialité et d’indépendance
offriront-ils ? Pas un mot de tout cela ne se trouve dans la proposition
ministérielle, elle présente le vague le plus effrayant, l’élasticité la plus
alarmante pour l’avenir. Le gouvernement fera les règlements nécessaires à cet
effet nous dit-on ; voilà tout. On ne se donne pas la peine de vous révéler
quelles dispositions seront contenues dans ce règlement, quelles garanties on
stipulera dans l’intérêt de l’impartialité des jurys qu’on veut constituer.
Je dis que nous ne pouvons pas
admettre un tel arbitraire. Il faut que la chambre se réserve le droit
d’intervenir en cette occurrence. Il s’agit de l’expropriation d’une industrie
entière, car la proposition a pour objet de faire passer à l’état de profession
privilégiée, de fonctions gouvernementales et ministérielles, une profession
qui a joui jusqu’ici de la latitude la plus illimitée ; il s’agit de porter
atteinte au droit des armateurs, de confier leur navire à qui ils jugent
convenable de le faire, il s’agit de porter atteinte aux droits de ceux qui se
destinent à la marine marchande et qui se verraient pour toujours repoussés de
cette carrière.
La chambre interviendra donc, je
l’espère, dans l’intérêt des principes et de ses prérogatives. Je demande, en
conséquence, la disjonction d’une proposition qui figure si mal à coté de la
généreuse proposition de l’honorable M. Rogier. Je demande, si le gouvernement
persiste à croire des examens de capacité nécessaires pour la marine marchande,
qu’il présente un projet de loi spécial sur cette importante matière, que la chambre
puisse l’examiner mûrement et qu’elle prenne, dans tous les cas, des mesures
protectrice dans l’intérêt des armateurs, des marins et surtout dans l’intérêt
des principes qu’on me paraît violer en ce moment.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
La disposition additionnelle que j’ai eu l’honneur de soumettre à la chambre et
l’article proposé par l’honorable M. Rogier, déjà provisoirement adopté, se
rattachent à la même idée : consacrer l’intervention morale du gouvernement.
L’honorable M. Rogier consacre cette intervention par une question d’humanité,
nous la consacrons par une question d’ordre, et nous pourrions même dire que
ces deux questions se confondent. Les pouvoirs que vous demande le gouvernement
n’ont pas ce caractère exorbitant et surtout nouveau que vient de vous dénoncer
un honorable membre. Cet honorable membre paraît ignorer qu’il existe deux
écoles de navigation, une à Anvers, l’autre à Ostende, et que d’après un
article du budget, le gouvernement a été autorisé à organiser ces deux écoles
et à instituer des examens de capacité pour les élèves de ces deux écoles. Qu’arrive-t-il aujourd’hui ? C’est que cette institution est
en quelque sorte annulée. Chaque année, il sort de ces écoles des élèves avec
les diplômes de capacité nécessaires, et il leur est fait concurrence par des
marins, qui n’ont fait aucun genre d’étude. Les armateurs et ensuite les
capitaines et lieutenants se sont adressés au gouvernement pour obtenir que cet
état de choses cessât et pour que les examens de capacité pussent être requis
non seulement pour les élèves des écoles de navigation, mais encore pour toute
personne qui, ayant fait des études en quelque lieu que ce fût, voudrait avoir
un grade dans la marine marchande. Les chambres de commerce ont été consultées
; elles ont été unanimes pour appuyer la disposition.
J’engage beaucoup la chambre à ne pas
attribuer à la proposition le caractère que l’honorable membre veut lui donner.
Elle ne partagera pas, j’espère, sur cette mesure, les appréhensions de
l’honorable préopinant. Vous ne ferez que continuer ce qui existe. Vous avez
autorisé le gouvernement à établir deux écoles à Anvers et à Ostende ; elles
reçoivent des subsides du gouvernement ; on demande que la position de ces deux
écoles puisse être régularisée.
M. Donny. - Dans l’intérêt, non pas du pouvoir, mais des armateurs, des marins
belges, et j’ajouterai dans l’intérêt de l’humanité, je viens appuyer la
proposition de l’honorable ministre de l’intérieur.
Je dis : dans l’intérêt des armateurs belges. Aujourd’hui, il n’existe pour
les armateurs belges aucune garantie quelconque de la capacité des capitaines.
J’ai connu un capitaine (il est mort aujourd’hui ; je puis en parler) ; il
avait navigué toute sa vie ; il m’a avoué qu’il n’avait jamais su faire un
calcul de longitude. Il est évidemment de l’intérêt des armateurs qu’un pareil
fait ne puisse se renouveler.
Les armateurs sont, dit-on, bien plus
compétents que le ministre pour juger de la capacité des capitaines. D’abord,
je ne pense pas que M. le ministre de l’intérieur veuille faire lui-même les
examens ; il nommera une commission composée de personnes capables d’examiner
les candidats. Ensuite, les armateurs sont-ils bien compétents pour juger la capacité
des capitaines ? Je n’hésite pas à répondre : Non. Si par hasard, un armateur
est en état de faire subir un examen technique à ses capitaines, je dis que
c’est l’exception. Pour faire subir de tels examens, il faut des connaissances
théoriques et pratiques de navigation, que bien peu de personnes réunissent.
C’est dans l’intérêt des marins
belges que j’appuie la proposition. Aujourd’hui, nos navires sont généralement
commandés par des capitaines étrangers. Cependant, comme vous l’a dit M. le
ministre de l’intérieur, nous avons en Belgique deux excellentes écoles qui,
chaque année, fournissent à la société un grand nombre de jeunes gens en état
de commander utilement les navires. Dans l’intérêt de
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
Mais nous les appelons.
M. Donny. - Je ne veux pas l’exclusion des étrangers ; mais je ne veux pas non
plus que les étrangers excluent les Belges. Lorsque les étrangers seront comme
les Belges assujettis à un examen de capacité, la position sera égale.
Aujourd’hui elle ne l’est pas. Les Belges n’obtiennent des certificats qu’après
examen. Les étrangers sont pourvus de commandements sans avoir subi d’examen.
La proposition est de plus dans
l’intérêt de l’humanité. Car l’honorable préopinant, qui est constamment sur la
brèche toutes les fois qu’il s’agit de l’intérêt de l’humanité ou d’une thèse
humanitaire, comme il le dit, doit convenir qu’il y a en quelque sorte de
l’inhumanité à favoriser un ordre de choses, où la vie d’un grand nombre de
personnes est mise à la merci de l’ignorance du premier venu ; il faut des
garanties. Il faut que l’équipage puisse avoir confiance en son capitaine. La
vie de marin offre assez de vicissitudes et de dangers pour qu’on n’y ajoute
pas les périls qui peuvent résulter de l’ignorance d’un capitaine.
Sous tous ces rapports, je crois que
l’on fera très bien d’exiger que celui qui commande un navire belge offre des
garanties de capacité.
M. Verhaegen. - Personne ne contestera qu’il faut avoir des marins éclairés, que c’est
une question d’organisation, une question d’humanité même, que celle qui se
présente au sujet de la proposition du ministre de l’intérieur. Mais ce que mon
honorable ami et moi contestons, précisément à raison de l’importance de
l’objet, c’est l’intervention exclusive du gouvernement dans l’organisation.
Que l’on demande des preuves de
capacité aux marins, rien de mieux. Mais, pour atteindre ce but, il faut des
garanties. Ces garanties ne peuvent être écrites que dans une loi.
Il existe en Belgique, vous a dit M.
le ministre de l’intérieur, deux écoles de navigation. Par un article du
budget, le gouvernement a été autorisé à organiser ces écoles. Sans examiner la
question de savoir si le pouvoir donné par un article d’un budget annal est
suffisant pour perpétuer ce qui est relatif à cette organisation, je me
permettrai de répondre à l’objection faite par M. le ministre de l’intérieur,
que, quelle que soit l’organisation de ces deux écoles gouvernementales, il
faut au moins des diplômes, des certificats de capacité ; or, il faut que leur
délivrance ait lieu sans porter atteinte au principe de la liberté
d’enseignement ; car, ne nous y trompons pas, il s’agit ici d’une branche
d’enseignement ; il s agit de l’enseignement maritime, d’une partie, si vous voulez,
de l’enseignement industriel.
Pourquoi serait-il permis au
gouvernement de concentrer ses faveurs sur ceux qui sortent de ces
établissements ? En un mot ne peut-on pas aller chercher l’instruction ailleurs
que dans les écoles gouvernementales ! Si un jeune homme est capable d’être
reçu lieutenant ou capitaine, et qu’il n’ait pas fait ses études dans l’une des
deux écoles gouvernementales, il faut bien lui donner un diplôme.
Plusieurs membres. -
C’est évident.
M. Verhaegen. - Si c’est évident, attribuerez-vous au gouvernement le pouvoir de
réglementer ces objets, alors que tout ce qui tient à l’enseignement doit être
réglé par la loi ?
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
Je rends hommage à la liberté d’enseignement, puisque j’ai reconnu qu’il
fallait une disposition législative formelle, pour autoriser le gouvernement à
instituer des examens de capacité pour les marins. Je rends donc hommage à
cette disposition constitutionnelle. De plus, je suis fidèle à tous les
précédents.
La seule objection que l’on puisse
faire, c’est que la question ne serait pas assez instruite.
Je dis que je suis fidèle à tous vos
précédents. En effet, comment a-t on réglé les examens de l’école du génie
civil établie près de l’université de Gand, de l’école des mines, établie près
de l’université de Liège ?
Il est dit dans la loi sur
l’instruction supérieure qu’il y aura près de l’une des universités une école
spéciale d’arts, de manufactures, d’architectures, ponts et de chaussées, et
près de l’autre une école spéciale pour les arts et manufactures et pour les
mines. C’est ce que porte l’article 2 de la loi, et dans un autre article on
donne au gouvernement les pouvoirs nécessaires pour organiser ces écoles.
Nous nous plaçons exactement sur le
même terrain ; nous sommes fidèles à tous vos précédents ; et si l’on peut
soutenir que l’on a méconnu le pouvoir constitutionnel des chambres, il
faudrait le soutenir à plus forte raison pour l’institution de l’école du génie
civil à Gand, pour l’institution de l’école des mines à Liége.
Il y a plus, messieurs, c’est
qu’il existe des écoles de navigation à Anvers et à Ostende, organisées par des
arrêtés royaux, en vertu de pouvoirs donnés dans un article du budget. Nous
vous proposons aujourd’hui d’ajouter que l’on pourra également exiger des
certificats de capacité de quiconque voudra être admis aux fonctions de
capitaine ou de lieutenant dans la marine belge. Nous n’exigeons pas de ces
personnes qu’elles aient étudié dans une des deux écoles de l’Etat. Nous
n’avons pas le droit de l’exiger ; la liberté de l’enseignement ne nous le
permet pas ; mais les personnes qui se présenteront sans qu’on s’enquiert où
elles ont étudié, se soumettront aux examens de capacité.
Je regarde donc cette question comme
complètement instruite. Toutes les chambres de commerce qui ont été consultées,
ont été favorables à notre proposition ; je vous ai fait distribuer une note
explicative à l’appui ; dès lors il faut résoudre cette question.
M.
Castiau. - Messieurs, l’argument de M. le
ministre de l’intérieur repose sur la plus faible des bases, sur l’autorité des
précédents. De pareils arguments ne sont pas de nature à exercer une bien
grande influence sur la chambre. Il ne suffit pas, en effet, de s’appuyer sur
l’autorité de précédents ; il faut encore établir que ces précédents sont basés
sur l’autorité du droit et de la loi. Ce n’est qu’à cette condition qu’il est
permis de s’en prévaloir.
Ici rien de pareil : le précédent que
M. le ministre de l’intérieur invoque dans cette circonstance, ne se rattache
pas même à la question que nous examinons. Quel exemple nous a cité M. le
ministre ? L’exemple de l’école du génie civil et de l’école des mines.
Il nous a dit que les conditions
d’examen auprès de ces écoles avaient été réglées par le gouvernement en vertu
d’une disposition de la loi et par arrêtés royaux. Mais, messieurs, quelle
était la spécialité de ces écoles ? C’était précisément de préparer à des
fonctions qui rentraient dans les attributions du gouvernement ; car il
s’agissait d’un côté des fonctions d’ingénieurs des mines, de l’autre des
fonctions d’ingénieurs de ponts et chaussées. Dans l’une et l’autre catégorie
s’agitait une question d’admissions aux fonctions publiques, et dans ces cas le
gouvernement pouvait, à la rigueur, réclamer le droit d’intervenir.
Mais ici il s’agit d’une industrie
qui jusqu’ici a été considérée comme une industrie privée d’intérêts purement
individuels. Nulle analogie donc entre les précédents invoqués et la question
qui nous occupe. Je m’emparerai seulement de l’argument invoqué par M. le
ministre de l’intérieur pour le retourner contre lui et ses prétentions
nouvelles. N’en résulte-t-il pas, en effet, qu’il voudrait placer les officiers
de la marine marchande de la marine libre, dans la position où se trouvent les
ingénieurs des mines et les ingénieurs des ponts et chaussées ? Eh bien ! nous
soutenons que ce qui a été décidé pour les uns ne peut être décidé pour les
autres, parce que la marine marchande est une industrie libre, livrée à toutes
les chances de la concurrence, et que ceux qui y sont employés sont si peu
fonctionnaires publics que le gouvernement lui-même, dans son projet, reconnaît
le droit des étrangers à l’exercice de ces fonctions.
Faut-il maintenant changer cet état
de choses ? Je n’ai pas repoussé d’une manière absolue l’introduction de
certaines garanties, de certaines conditions de capacité, si l’on pense
qu’elles sont nécessaires dans l’intérêt public. Je persiste cependant à croire
qu’ici comme toujours l’intérêt privé est bien autrement capable, est bien
autrement compétent que tous les jurys du monde pour décider de telles
questions qui le mettent directement en jeu.
Mais, en admettant la nécessité de
ces garanties de capacité, ce que nous contestons, c’est que le gouvernement
ait le droit de régler seul et sans contrôle ces garanties, c’est qu’il ait la
prétention de former des jurys d’examen en vertu d’arrêtés royaux et de
déclarer incapables du service maritime tous ceux qui refuseront de se plier
aux exigences de ces jurys ministériels.
Il y a donc ici une question de
légalité et j’oserais presque dire de constitutionnalité puisqu’il s’agit de
réglementer une industrie privée, de porter atteinte à des droits existants et
de remplacer la liberté par le monopole ; eh bien, des mesures aussi graves
pourront-elles jamais être prises en vertu de simples ordonnances
ministérielles ?
Si la question de légalité est grave,
la question d’argent qui s’y rattache mérite bien aussi d’arrêter l’attention
de la chambre. En effet, il y aura, dit-on, des jurys d’examen qui seront
composés par le gouvernement.
Mais comment ces jurys d’examen
seront-ils constitués, où siégeront-ils ? Quel en sera le nombre ? Quelles
dépenses cette institution nouvelle entraînera-t-elle ? Voilà certes des
questions que la chambre est intéressée à examiner et à résoudre, qui ne
peuvent être résolues que par un projet de loi spécial et détaillé.
Ma proposition, je dois le rappeler,
n’a pas pour objet le rejet absolu de la proposition de M. le ministre de
l’intérieur, mais l’ajournement et l’examen ultérieur de cette proposition,
afin qu’elle se reproduise dans cette enceinte sous la seule forme qu’elle
aurait dû prendre, sous la forme d’une loi, s’il y a lieu. Je ne comprends
vraiment pas la persistance avec laquelle M. le ministre de l’intérieur se
refuse encore à ce désir tout légal, tout constitutionnel en quelque sorte, que
nous exprimons dans cette circonstance.
Il vous dit, en effet, dans sa note
explicative, que l’instruction est complète sur le point que nous examinons.
Mais alors pourquoi le gouvernement ne viendrait-il pas saisir la chambre de
propositions formelles et catégoriques ? Pourquoi revendiquerait-il le droit de
résoudre, sans contrôle et sans responsabilité, des dispositions qui auront
pour effet de changer le caractère d’une industrie puissante et de la faire
passer, en la déshéritant de sa liberté, sous le régime du bon plaisir
ministériel.
Je ne puis assez répéter,
messieurs, qu’il y va ici non seulement de l’intérêt du corps de la marine,
mais encore d’un intérêt d’industrie, de commerce et de propriété. C’est porter
atteinte à la libre disposition du travail que de vouloir, par une simple
disposition ministérielle, faire passer au rang d’officiers ministériels des
hommes qui avaient pu jusqu’ici déployer l’activité de leur intelligence, de
leur zèle, de leur expérience, de toutes leurs facultés, dans la plénitude de
leur liberté. Des intérêts aussi graves demandent qu’on y regarde à deux fois
avant d’y porter atteinte.
Une
dernière fois, messieurs, nous ne vous proposons pas en ce moment, le rejet
absolu de la proposition de M. le ministre de l’intérieur ; mais nous demandons
seulement qu’on examine plus mûrement les questions aussi délicates que
compliquées qu’elle soulève. Elles sont trop graves pour que nous ne
persistions pas dans la proposition de distraction que nous avons faite ; nous
espérons que, dans l’intérêt de ses prérogatives, la chambre l’adoptera et
qu’elle fera cette fois encore justice des tendances par trop envahissantes de
M. le ministre de l’intérieur.
M. Malou. - Je suis porté à donner mon appui à la proposition du gouvernement ;
mais je voudrais avoir une explication sur le sens des mots ne pourront être admis. Il me semble en
résulter qu’on ne soumettra pas à un nouvel examen les capitaines et
lieutenants existants, qu’il ne s’agit que des admissions nouvelles, que le
capitaine qui passerait d’un navire à l’autre ne devrait pas subir un examen.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
Je m’empresse de répondre que l’article ne peut avoir un autre sens. Il est dit
marins belges et étrangers et l’on
suppose que la qualité de capitaine, de premier ou de second lieutenant est
nouvelle pour eux.
L’objection que me fait l’honorable
M. Castiau, est celle-ci : Vous invoquez des précédents législatifs, mais ces
précédents ne sont pas identiques. Le gouvernement a pu, en vertu d’une
disposition de la loi sur l’enseignement supérieur, organiser les écoles du
génie civil et des mines ; mais ici il s’agissait de recruter des hommes
capables pour des fonctions publiques officielles, des fonctions de l’Etat.
Eh bien ! l’honorable membre est
complètement dans l’erreur. On délivre des diplômes honoraires ; on donne des
diplômes d’architecte, d’ingénieur des mines ; et beaucoup de ces architectes,
de ces ingénieurs sont employés par l’industrie privée.
Les écoles de navigation, messieurs,
ont été instituées par deux arrêtés royaux, l’un contresigné par l’honorable M.
de Theux, l’autre par moi, et ces arrêtés n’ont soulevé aucune réclamation. Ce
sont ces arrêtés qui ont fixé le programme des trois examens, le programme des
examens pour le grade de deuxième lieutenant de long cours, de premier
lieutenant, de capitaine de long cours.
En vérité, je ne sais pas
pourquoi on ne pourrait donner légalement, dûment, au gouvernement, les
pouvoirs analogues qu’il réclame.
L’honorable M. Donny vous a dit avec
raison qu’à cette question d’ordre se rattache une question d’humanité.
M.
Castiau. - La loi la tranchera.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
Votre objection n’en est une que si vous contestez à la chambre (et c’est là
qu’il faut en venir), le droit d’imposer ces restrictions à l’industrie privée.
C’est là ce qu’il faut contester d’abord.
M. d’Elhoungne. - Les capitaines sont fonctionnaires publics.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
Certainement. Ils ont une très grande autorité. Le code de commerce et même le
code civil leur donnent un grand nombre d’attributions.
De sorte que la véritable objection,
et il faut que l’honorable membre l’énonce, est celle-ci : C’est que vous
n’avez pas le droit de faire une loi de ce genre. Si vous n’avez pas le droit
de déléguer les pouvoirs que le gouvernement demande, vous n’avez pas non plus
le droit de faire une loi sur cet objet. Vous devez, en un mot, laisser cette industrie
libre. Eh bien ! nous ne sommes pas de cet avis. J’attends que l’honorable
membre place la question sur ce terrain et conteste votre propre compétence.
Et, tout en nous promettant une loi dans l’avenir, s’il veut être fidèle à ses
principes, il doit croire qu’il n’y a pas de loi constitutionnellement
possible.
M. Verhaegen. - M. le ministre de l’intérieur veut tourner la difficulté. Nous ne
prétendons pas que l’industrie doive être libre en ce sens que pour accorder un
caractère officiel à un individu qui exerce une industrie, il ne faille pas
prendre des mesures, donner des garanties au public. Tout au contraire ; nous
disons à M. le ministre ; ce que vous proposez peut être très bon mais il faut
que cela soit réglé par une loi. Nous ne pouvons accorder au gouvernement la
faculté qu’il nous demande de faire des règlements qui auraient force de loi.
C’est précisément parce que les capitaines, les lieutenants et sous-lieutenants
remplissent, dans certaines circonstances, des fonctions très importantes, des
fonctions publiques, qu’il faut encore plus de garanties qu’il n’en faut
lorsqu’il s’agit de donner un diplôme d’avocat ou de médecin.
D’après son système, M. le ministre
de l’intérieur, au lieu de la loi sur le jury d’examen, aurait pu demander la
faculté de régler par simple arrêté tout ce qui est relatif à l’admission comme
avocat ou comme médecin ; il aurait pu demander que tout cela lui fût abandonné
sans condition, et que la législature en fût complètement dépouillée. Quant à
la nomination des membres d’un jury d’examen, j’aime certes mieux de la laisser
au gouvernement, que de la donner à la chambre ; mais encore faut-il que ce
soit la loi qui le dise, et non un simple arrêté. C’est une véritable question
de principe.
Il est évident, messieurs, que l’on
veut introduire dans la loi sur les droits différentiels une disposition qui
doit y rester tout à fait étrangère, disposition importante par cela même
qu’elle tient au principe de la liberté d’enseignement. En effet, messieurs, il
s’agit ici d’une branche d’enseignement et cette branche d’enseignement est
dans les attributions de la législature, comme toutes les autres branches.
Nous demandons, messieurs, que
la disposition soit distraite de la loi et qu’elle fasse l’objet d’un projet de
loi spécial. Si l’on est allé trop loin pour le génie, dont moi-même je disais
un mot tout à l’heure, eh bien la législature pourra s’occuper à la fois et de
l’objet dont il s’agit aujourd’hui et du génie et de tous les autres objets pour
lesquels il faudrait des garanties analogues. Si l’on a erré précédemment, ce
n’est pas une raison pour que l’on continue à verser dans la même erreur.
Si, contre mon attente, la
proposition d’ajournement n’était pas accueillie, dans ce cas il faudrait au
moins déterminer par la loi comment serait composé le jury d’examen appelé à
juger de la capacité des aspirants. Ne pourrait-on pas, par exemple, dire que
ce jury serait composé de sept membres ? Certes, pas plus ici que dans d’autres
circonstances, je ne voudrais en attribuer la nomination aux chambres
législatives ; je préférerais de laisser trois membres au choix du
gouvernement, deux au choix de la chambre de commerce d’Anvers et deux au choix
de la chambre de commerce d’Ostende, mais toujours faut-il l’intervention de la
législature pour la déterminer ainsi.
M.
Delfosse. - Je regrette de ne pouvoir adhérer
à la proposition subsidiaire que l’honorable M. Verhaegen vient de présenter. L’intervention
des chambres de commerce ne présenterait pas plus de garantie que
l’intervention exclusive du gouvernement, car les chambres de commerce émanent
du gouvernement, c’est le gouvernement qui les nomme. Mais j’appuie la
proposition d’ajournement. La discussion qui vient d’avoir lieu prouve que la
question est grave et c’est parce qu’elle est grave qu’il ne faut pas la
trancher immédiatement ; elle doit faire l’objet d’une loi spéciale qui sera
examinée en section et sur laquelle il y aura un rapport.
M. le ministre de l’intérieur nous
dit que la question est suffisamment instruite. Je ne vois pas, messieurs,
qu’elle soit instruite le moins du monde.
Elle peut être instruite pour M. le
ministre de l’intérieur, il est probable que M. le ministre d’intérieur l’a
étudiée, et qu’il a les documents qui s’y rattachent ; mais la question n’est
pas le moins du monde instruite pour nous. Tout ce que nous avons, c’est une
proposition de M. le ministre de l’intérieur jetée dans la chambre à la fin
d’une longue discussion, proposition qui n’est appuyée d’aucune espèce de
documents.
M. le ministre de l’intérieur nous
dit encore qu’il y a des précédents, mais le seul précédent cité par M. le
ministre de l’intérieur est loin d’être concluant, il n’y a nulle similitude
entre le cas cité par M. le ministre de l'intérieur et le cas dont nous nous
occupons en ce moment.
Le gouvernement a été investi par la
loi sur l’enseignement supérieur, du pouvoir d’organiser des écoles du génie
civil et de mines ; c’est le gouvernement qui a fait pour ces écoles les
règlements relatifs aux examens et à la délivrance des certificats de capacité.
Qu’est-ce que cela prouve ? Absolument rien. Ceux qui n’ont pas obtenu de
certificat de capacité, ceux qui n’ont pas étudié dans les écoles organisées
par le gouvernement, ceux qui ont étudié dans les écoles libres, ne peuvent-ils
pas être employés par les particuliers ? Ne peut-on pas nommer chef d’un
établissement industriel, ou directeur d’une exploitation, celui qui n’a pas
reçu le diplôme honoraire dont M. le ministre de l’intérieur nous a parlé ?
M. le ministre de l’intérieur veut
empêcher les propriétaires de navires de choisir des capitaines ou des
lieutenants parmi ceux qui n’auront pas reçu un certificat de capacité, et
c’est à l’appui de cette prétention qu’il nous cite les certificats d’examen
que l’on exige pour le génie civil ou pour les mines. Mais, pour que M. le
ministre de l’intérieur eût raison, il faudrait qu’il fût défendu aux
propriétaires d’établissements industriels, aux exploitants de houillères,
d’employer ceux qui n’ont pas de diplôme. Vous voyez, messieurs, qu’il n’y a
aucune similitude entre le précédent cité par M le ministre de l’intérieur et
le cas dont nous nous occupons.
C’est surtout à la majorité de cette
chambre que la question doit paraître très grave. Lorsque la majorité a refusé
d’admettre l’intervention exclusive du gouvernement dans la nomination des
membres du jury d’examen, quel est le motif qui l’a déterminée ? Elle a supposé
que le gouvernement aurait une tendance à favoriser les
établissements de l’Etat, elle a cru que ce serait une atteinte portée à la
liberté d’enseignement. Eh bien, cette même tendance n’existera-t-elle pas
lorsqu’il s’agira de la marine ? Le gouvernement n’aura-t-il pas une prétention
à favoriser les écoles créées par lui, comme il aurait été porté à favoriser
les universités de l’Etat. Pour être conséquents, messieurs, vous ne devez pas
donner ici au gouvernement un pouvoir que vous lui avez refusé dans d’autres
circonstances, et remarquez, messieurs, que le gouvernement demande même un
pouvoir plus étendu que celui qui lui a été refusé, ce n’est pas seulement la
nomination du jury qu’il réclame ; c’est en outre la faculté de tout régler à
lui seul.
Quoi qu’il en soit, messieurs, nous
ne voulons rien préjuger. Nous reconnaissons qu’il y a quelque chose à faire ;
nous reconnaissons qu’il faut exiger des garanties de ceux auxquels on confie
la direction d’un navire ; sur ce point, nous sommes tous d’accord ; mais
quelles seront ces garanties ? Seront-elles déterminées par la loi ? ou bien
donnera-t-elle de pleins pouvoirs au gouvernement ? Là est la question et cette
question doit être sérieusement examinée.
J’appuie donc la proposition
d’ajournement faite par l’honorable M. Castiau.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
L’honorable préopinant dit que dans les houillères, dans les établissements
privés, on peut employer des directeurs et autres personnes qui n’ont pas reçu
le diplôme d’ingénieurs civils ou des mines. Je le sais, mais ici il s’agit
d’un capitaine, qui a un caractère public, comme on l’a dit tout à l’heure, à
qui la législation a donné des droits, a donné des droits tout particuliers,
des attributions toutes particulières, qui rentrent dans l’exercice de la
puissance publique. Voila, messieurs, pourquoi vous avez ici une action de
surveillance.
Je suis, messieurs, vraiment étonné
de ne plus trouver aujourd’hui sur certains bancs le même appui que j’ai trouvé
naguère, lorsqu’il s’est agi d’une question beaucoup plus importante. (Interruption.) Si l’on présentait une
loi aux chambres, cette loi serait conçue en un seul article, à moins qu’on ne
veuille y inscrire des dispositions tout à fait
réglementaires, ou des dispositions que l’on sait d’avance être admises par le
gouvernement : la publicité, par exemple ; la composition du jury qui sera
évidemment de 5 ou de 7 membres. Je ne sais comment qualifier l’étrange
proposition faite tout à l’heure par l’honorable M. Verhaegen. Il veut 7
membres, dont 3 seraient nommés par le gouvernement ; 2 par la chambre de
commerce d’Anvers et 2 par la chambre d’Ostende. Je ne dirai pas sur ce point
toute ma pensée, chacune de vous la devinera.
Je dis, messieurs, que jamais vous
n’aurez une occasion meilleure d’exiger des garanties de la marine belge, des
armateurs belges. Evidemment votre loi est très avantageuse à la marine belge,
c’est une loi faite, en majeure partie, dans l’intérêt de la marine belge ; dés
lors, vous avez le droit de dire, en faisant cette loi, par un article
additionnel « Tout ce qui précède est un bienfait, mais maintenant, nous
demandons des garanties au nom de l’ordre, au nom de l’humanité, au nom des
attributions déléguées aux capitaines »
D’ailleurs, messieurs, vous avez adopté
la disposition d’humanité qui vous a été proposée par l’honorable M. Rogier ;
c’est encore par une espèce de compensation qu’après avoir pris cette
disposition d’humanité, vous avez le droit de prendre une disposition d’ordre
public.
M. de Haerne. -
Messieurs, je suis d’accord avec les honorables préopinants sur tout ce qui
concerne les garanties dont nous devons entourer la liberté d’instruction. Je
la veux sincèrement, je la veux pour toutes les opinions, je veux que toutes
les opinions trouvent dans la loi toutes les garanties désirables. C’est pour
ce motif que, dans une circonstance précédente, circonstance solennelle, que je
n’ai pas besoin de rappeler au souvenir de la chambre, je n’ai pas voulu
accorder au gouvernement la nomination du jury d’examen.
Je n’ai pas voulu non plus l’accorder
à la chambre seule. J’ai voulu que dans le jury les corps universitaires
fussent représentés directement, afin que tout conflit devînt impossible entre
les universités et que la liberté pleine et entière d’instruction fût sauve.
Je veux aussi, pour ma part, que la
liberté d’instruction soit entourée de toutes les garanties possibles, et je
crois, avec les honorables préopinants, que c’est un principe que nous pouvons
invoquer. Certes, nous ne pouvons pas improviser les dispositions légales
auxquelles on devrait se rapporter, pour ce qui regarde les examens à subir par
les marins. Cet objet est hérissé de difficultés, et c’est précisément la cause
de ces difficultés que la question doit être examinée d’une manière approfondie
et spéciale. J’appuie donc la proposition d’ajournement.
M.
Dumortier. - Messieurs, je conçois qu’une des
dispositions qui a été présentée au second vote puisse être mise en discussion,
lorsqu’elle se rattache aux dispositions qui ont été adoptées au premier vote,
mais ici il s’agit d’un système tout nouveau, d’une disposition qui n’a aucune
analogie avec celle qui n été présentée par l’honorable M. Rogier et qui a été
acceptée par la chambre.
D’un autre côté, la disposition
additionnelle soulève plusieurs questions graves. M. le ministre de l’intérieur
demande à pouvoir faire passer des examens à tous les capitaines de navire, à
faire les règlements nécessaires à cet effet. Je demanderai si le gouvernement
fait passer des examens aux conducteurs de diligences. (On rit.)
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
Les conducteurs de diligences n’ont pas d’attributions publiques.
M. Dumortier. - Les capitaines de la marine marchande sont absolument dans le même
cas que les conducteurs de diligences.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
Mais non, lisez le code de commerce.
M. Dumortier. - Ce sont des particuliers payés par d’autres particuliers, comme les
conducteurs de diligences.
La question soulevée par M. le
ministre de l’intérieur me paraît très grave. On ne peut pas ainsi légèrement,
alors qu’il n’y a pas eu discussion, venir au second vote présenter une
semblable disposition. Si un membre de cette chambre, qui n’a pas l’honneur de
siéger au banc des ministres, venait soumettre une disposition de ce genre au
second vote, on verrait immédiatement M. le ministre de l’intérieur se lever et
nous dire, le règlement à la main, que cette disposition ne peut pas être
discutée, parce qu’elle n’est pas dans les termes du règlement. J’invoque à mon
tour le règlement, et je demande que la disposition additionnelle soit disjointe
du projet de loi.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
Je dis que cette disposition est nouvelle, parce qu’elle se rattache à un
système nouveau d’intervention morale du gouvernement. C’est sur ce principe
que repose la disposition proposée par l’honorable M. Rogier, proposition que
j’ai acceptée au nom de cette idée.
M.
Delfosse. - De toutes les raisons que M. le
ministre de l’intérieur a fait valoir, la seule qui ait paru quelque peu sérieuse,
c’est ce que les capitaines de navires sont des fonctionnaires publics.
Messieurs, ce n’est que dans des
circonstances fort exceptionnelles que les capitaines de navires sont autorisés
à exercer les fonctions d’officiers de l’état civil, c’est lorsqu’il y a
impossibilité de recourir aux officiers de l’état-civil. sont-ils pour cela
fonctionnaires publics, faut-il pour cela que l’on ne puisse devenir capitaine
d’un navire marchand sans le bon plaisir du gouvernement ? Non sans doute.
Autant vaudrait prétendre que le
gouvernement doit intervenir dans la nomination des conseillers communaux,
parce qu’un conseiller communal peut, dans certains cas, être appelé à
remplacer le bourgmestre ou les échevins.
Les capitaines de navires
marchands sont si peu des fonctionnaires publics, qu’ils peuvent être
étrangers. M. le ministre de l’intérieur le reconnaît lui-même, puisque son
amendement est ainsi conçu :
« A dater d’une époque à fixer
par le gouvernement, les marins belges et étrangers ne pourront être admis en
qualité de capitaines, etc. »
Certes, si les capitaines de navires
marchands étaient des fonctionnaires publics, les étrangers ne pourraient être
admis en qualité de capitaines de ces navires, la constitution s’y opposerait.
Vous voyez, messieurs, que la seule objection de M. le ministre de l’intérieur
qui ait paru quelque peu sérieuse, ne l’est pas le moins du monde, elle est, au
contraire, futile.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
Messieurs, nous avons déjà introduit dans la loi deux dispositions en faveur
des personnes ; par la première disposition, nous avons exempté du payement du
droit de 500 francs les capitaines et les seconds qui obtiendront la
naturalisation dans les trois années de la promulgation de la loi ; la seconde
disposition est celle qui a été proposée par l’honorable M. Rogier, et qui a
été accueillie par la chambre ; maintenant, je propose une troisième
disposition, une disposition de garantie, et on la repousse !
Un membre. - Mais non ; on veut l’examen d’une
manière spéciale.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
La question est très simple ; aujourd’hui il n’y aucune garantie ; il en faut
une pour des fonctions de ce genre.
- La discussion est close.
M. le président. - Je mets aux voix la proposition de M. Castiau qui demande que la
disposition additionnelle soit disjointe de la loi, pour fait l’objet d’un
projet de loi spécial.
Des membres. - L’appel nominal.
- Il est procédé au vote par appel
nominal.
En voici le résultat :
68 membres répondent à l’appel,
47 répondent non.
21 répondent oui.
En conséquence, la motion de
disjonction n’est pas adoptée.
Ont répondu oui : MM. Castiau, Dedecker,
de Haerne, de
Ont répondu non : MM. Cogels, Coghen,
d’Anethan, David, Dechamps, de Chimay, de Corswarem, de Meester, de Muelenaere,
de Naeyer, de Renesse, de Roo, de Sécus, Desmaisières, Goblet,
Lejeune, Maertens, Malou, Mast de Vries, Mercier, Morel-Danheel, Smits,
Thienpont, Thyrion, Troye, Van Cutsem, Vanden Eynde, Van Volxem, de Florisone,
de Garcia, d’Elhoungne, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, de Terbecq,
Devaux, de Villegas, d’Hoffschmidt, Donny, Duvivier, Nothomb, Osy, Pirmez,
Pirson, Rogier, Scheyven, Verwilghen, Wallaert, Zoude.
Articles 11 et 12
M. le président - La chambre passe au vote de l’art 11.
Le § 1er est mis aux voix et adopté.
Il formera l’art. 11.
Le § 2 est mis aux voix et adopté. Il
formera l’art. 12.
Texte de la proposition additionnelle de la commission
d’enquête.
M. le président. - Il nous reste à discuter l’article additionnel proposé par la
commission d’enquête parlementaire.
« Art... Au moyen de la
perception pendant cinq ans, à partir du 1er janvier 1843, de 5 c. additionnels
à prélever sur les droits de douane, de transit et de tonnage, il sera formé un
fonds spécial destiné pendant le même nombre d’années :
« 1° Jusqu’à concurrence d’un
sixième, au maintien et à l’extension de la navigation transatlantique à voiles
;
« 2° Pour le surplus, à des
encouragements et subsides en faveur de la formation de comptoirs belges, par
des compagnies ou par le commerce privé dans les pays transatlantiques et dans
le Levant, ainsi que pour favoriser les exportations des produits du sol et de
l’industrie de Belgique vers le même pays.
« La répartition de ces
diverses sommes et conditions attachées à la jouissance de ces divers
encouragements, seront réglées par des arrêtés royaux insérés au Bulletin officiel ; chaque année, un compte
rendu de la recette et de l’emploi de ce fonds spécial sera soumis à
l’appréciation des chambres.
M. de Garcia. -
J’avais présenté un amendement qui reposait sur déclaration faite par M. le
ministre de l’intérieur lors du premier comité secret. Je voudrais qu’on
ajoutât un article additionnel ainsi conçu : « A partir de l’exécution de la
présente loi, il ne sera plus accordé de prime d’encouragement pour
constructions navales.
Je dépose mon amendement et j’en demande
l’impression.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
La loi relative aux primes pour constructions navales expire dans un an
environ, de sorte que de deux choses l’une : ou le gouvernement vous saisira,
ou il ne vous saisira pas d’une demande de prorogation ; s’il vous en saisit
vous examinerez s’il y a lieu de proroger la loi.
M. de Garcia. -
D’après les explications que vient de donner M. le ministre, je déclare retirer
mon amendement.
M. le président. -
Quelqu’un demande-t-il la parole sur la proposition de la commission d’enquête
?
M. de Theux. -
Je demanderai si M. le ministre se rallie à la proposition de la commission
d’enquête ?
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
Je vais à l’instant même répondre à cette question. On offre au gouvernement un
demi-million que l’on met à sa disposition dans des termes assez larges. Il est
évident que d’abord le gouvernement ne doit pas repousser une proposition de ce
genre. En second lieu, comme ministre de l’intérieur, je ne dois pas la
repousser non plus, parce que cette disposition est un budget quinquennal pour
certaine partie du budget de l’intérieur, de sorte qu’en mon nom et en celui de
mes successeurs, je devrais accueillir cette proposition avec empressement.
Voila la position que j’entends prendre. Je donnerai dans la discussion des
explications. Si la chambre veut créer un fonds semblable et le mettre à la
disposition du gouvernement, le gouvernement ne peut que l’accepter.
M. de Theux. -
Je ferai la motion d’ajourner cette proposition.
Les motifs de l’ajournement se
présentent naturellement. Cette proposition a surgi au milieu d’une discussion
qui lui était tout à fait étrangère. En effet, il s’agit ici d’un véritable
système de primes qu’on veut instituer en donnant au gouvernement le soin de
les répartir d’après les bases les plus arbitraires. Ce système de primes n’a
aucun rapport avec le système des droits différentiels. Lorsque l’on a demandé
l’adoption du système des droits différentiels, on a dit que l’industrie et le
commerce étaient en souffrance, que le remède certain était trouvé, qu’il
consistait dans le système des droits différentiels. Laissons la loi des droits
différentiels porter ses fruits, n’y mêlons pas un système de primes qui ne
ferait que maintenir l’obscurité qui existe depuis longtemps sur cette grave
question.
Si nous avons recours en même temps
aux deux moyens, au système des primes et au système des droits différentiels,
nous ne saurons pas si les avantages qu’on retirera de la loi sont dus au
système des droits différentiels ou au système des primes. Or, il importe au
pays de constater par une expérience sérieuse les effets du système des droits
différentiels. Si ce système répond à l’attente de ceux qui l’ont proposé, les
primes deviennent superflues ; il n’y a pas nécessité d’ajouter une aggravation
d’un demi-million aux charges qui pèsent déjà sur les consommateurs.
D’autre part, chaque fois qu’il s’est
agi d’accorder au budget de l’intérieur des sommes considérables pour être
réparties en primes, la chambre a toujours demandé que cela fût l’objet d’une
loi spéciale soumise à une discussion approfondie, et que les conditions pour
l’obtention des primes fussent déterminées par la loi. C’était juste, car dans
un gouvernement représentatif les ministres ne sont pas stables. Le système de
primes qu’adopterait un ministre pourrait être renversé par son successeur qui
y substituerait un autre système. Le commerce et l’industrie ont besoin de
sécurité, de fixité, on doit savoir d’après quelles règles on peut faire ses
opérations.
Il s’est toujours manifesté
dans la chambre une opposition très sérieuse contre tout système de primes
arbitrairement distribuées par le gouvernement ; c’est qu’en effet les faveurs
qu’on accorde aux uns causent un préjudice à d’autres, et il n’est pas possible
d’asseoir des opérations de longue durée sur des données incertaines. Je crois
donc que si l’on veut ajouter d’autres encouragements à ceux accordés par les
droits différentiels, il faut les déterminer par la loi et ne pas en laisser la
répartition à l’arbitraire de l’administration. Dans tous les cas, c’est un
système nouveau pour le pays, il est bon d’appeler la discussion sur ce nouveau
système et ne pas s’y engager à la légère. D’après ces différents motifs, je demande
l’ajournement de la proposition.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
Il y a deux points dans la proposition de la commission d’enquête : d’abord on
maintient et on étend les lignes régulières de navigation transatlantique. Il
figure, de ce chef, une somme au budget ; et je crois qu’il est nécessaire que
cette somme continue à y figurer pendant quelque temps, surtout que la loi a
pris dans certaine de ses parties un caractère transitoire. Je fais cette
observation pour que la chambre sache que la disposition concernant la
navigation vers des pays lointains, inconnus, sera encore nécessaire pendant
quelque temps. Le deuxième objet de la proposition consiste dans un système
d’encouragement et d’exportation dans les contrées lointaines, encouragement
qu’on a qualifié de primes.
La somme est forte, beaucoup plus
forte que celle qui se trouve au budget. Mais l’honorable préopinant sait aussi
bien que moi que le gouvernement a accordé constamment des encouragements de ce
genre sur le budget de l’intérieur : des sommes fixes ou des garanties contre
les pertes éventuelles pour certaines expéditions lointaines. (Interruption.) J’en conviens, je le
répète, il s’agit d’une somme beaucoup plus forte. J’ai sous les yeux la liste
de tous les encouragements accordés sur les minimes sommes mises à la
disposition du gouvernement. J’ai donc accueilli la disposition d’autant plus
facilement qu’à part la somme, elle n’a pas le caractère de nouveauté qu’on y a
trouvé.
M.
Mast de Vries. - Je me proposais de faire une
motion dans le sens de celle que vient de faire l’honorable M. de Theux.
J’aurai peu de chose à ajouter à ce que cet honorable membre vous a dit.
Messieurs, la question des primes
n’est pas seulement une question commerciale, mais aussi une question
industrielle. Nous avons à l’ordre du jour la question industrielle ; si la
question des primes doit être discutée, c’est après la question industrielle,
après la discussion des tarifs.
Un membre. -
Elle ne viendra pas.
M.
Mast de Vries. - Si cette question ne vient pas,
nous n’entrerons pas dans la question des primes, cette question des primes est
d’ailleurs une question immense ; il y de quoi mettre le feu aux quatre coins
du pays. Accorder ces primes, c’est dire à l’industrie : Restez dans la
position où vous êtes, car certain d’avoir de primes, on ne cherchera à faire
aucun progrès. Vous trouverez mille preneurs ; vous donnerez des primes à des
industries qui n’en ont pas besoin. Ce sera une faveur pour une ou deux
provinces. J’appuie donc la motion d’ajournement faite par l’honorable M. de
Theux, C’était pour la faire que j’avais demandé la parole.
M. de Haerne. - Je
viens m’opposer à l’ajournement. L’honorable M. Mast de Vries voudrait renvoyer
cette discussion jusqu’à la partie industrielle des conclusions de la
commission d’enquête ; à quoi tend le rapport de la commission d’enquête sur la
question industrielle ? A garantir le marche intérieur et dans la proposition
qui vous est soumise en ce moment par la commission d’enquête, il s’agit de
favoriser les exportations. C’est pour cela que la proposition de la commission
d’enquête se rattache au projet de loi des droits différentiels ; car nous
avons fait dans ce projet des concessions à toutes les opinions,
aux propriétaires par rapport à la question des bois, à la province de Liége
quant au tabac et aux 7 millions. Nous sommes entres pour ainsi dire dans la
manière de voir des Anversois, au sujet de la relâche à Cowes. Après cela, ne
fera-t-on rien pour l’industrie, que cette loi avait spécialement pour but de
favoriser ; car la marine, la protection à donner au commerce, tout cela ne
tendait qu’à favoriser l’écoulement de nos produits.
Ainsi votre but principal, celui de
favoriser l’industrie, ce but qu’au commencement de cette discussion, M. le
ministre de l’intérieur déclarait espérer atteindre, votre loi mutilée ne
l’atteindra pas. C’est pour cela que je pense que la proposition de la
commission d’enquête doit être jointe à la loi.
Au reste, cette question
d’ajournement même soulève de graves questions ; elle ne peut être résolue
aujourd’hui, je pense que la chambre devrait en ajourner la discussion à
demain.
M.
Desmet. - A entendre les honorables MM. de
Theux et Mast de Vries, on dirait que les droits différentiels ne sont pas des
primes. Cependant la protection au pavillon est une véritable prime. Quel est
donc notre but ? L’exportation. Ce but, vous avez cherché à l’atteindre par la
protection accordée au pavillon ; mais vous l’atteindrez avec plus de certitude
encore par les primes d’exportation. Ceci n’a rien de nouveau.
Plusieurs membres. - A demain.
M. Dumortier. - Il s’agit de savoir si chaque année on accordera en Belgique un
demi-million de primes à l’industrie. Vous n’avez pas oublié le million Merlin. Ce qu’on vous
propose, c’est un demi-million Merlin
! (Mouvement en sens divers.)
Sous le gouvernement précédent, il
n’y a eu qu’un cri contre ce système de primes que repousse toute industrie
sérieuse et qui ne profite qu’à quelques industries factices. Il n’y a eu qu’un
cri contre le million Merlin ; on a été charmé de le voir disparaître on ne
désire pas le voir renaître.
L’industrie ne veut pas de primes,
parce que les primes c’est l’aumône. Donnez à l’industrie une protection
efficace. Voilà ce qu’elle demande, ce que nous serons toujours prêts à
accorder.
L’honorable préopinant dit que le
système des droits différentiels n’est autre chose qu’un système de primes en
faveur de l’industrie. Sans doute ; mais c’est le droit commun ; chacun peut en
recueillir les avantages, tandis que les primes ne seront jamais accordées
qu’au favoritisme. Je ne veux de ce système à aucun prix. Vous devez le
repousser.
Plusieurs membres. - C’est le fond.
M. Dumortier. - Je sais très bien que c’est le fond. Mais les honorables membres
auxquels je réponds ont tous parlé sur le fond,
Il est vrai que les chambres ont
accordé deux fois de fortes primes à l’industrie ; mais c’était dans des
circonstances extraordinaires, dans des moments de crise. D’abord, peu après la
révolution, et ensuite, en 1839, lors de la cessation de payements de la banque
de Belgique. Ces circonstances extraordinaires pouvaient autoriser une
dérogation momentanée aux principes généraux.
Mais nous sommes maintenant dans un
état normal ; la chambre ne doit pas adopter un système qui, je le répète, ne
profite qu’à des industries factices, qui rend impossible tout progrès de
l’industrie, et qui, par conséquent, ne peut être que fatal à l’industrie et au
pays.
- La discussion est continuée à
demain.
La séance est levée à 4 heures et
demie.