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d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance du jeudi 29 février
1844
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre,
notamment pétition relative à la traduction du Bulletin officiel en langue
flamande (Desmet)
2) Projet de loi portant le
budget du département des travaux publics pour l’exercice 1844. Discussion des
articles.
a) Chemin de fer. Tarif
belgo-rhénan (Desmet), loyer des locaux du service du
chemin de fer (Lys, Dechamps, Lys, Desmaisières, Osy,
Dechamps), tarif belgo-rhénan (Dechamps,
Desmet, Mast de Vries, David), coûts d’exploitation (de Garcia,
Dechamps, de Garcia, Rogier, Brabant, Rogier,
Desmaisières, Rogier, Dechamps, Sigart, Devaux, Dechamps, Devaux, de Garcia, Dechamps, de Garcia, Rogier, Devaux), comptabilité de
l’Etat et cour des comptes (Vanden Eynde, Osy, Dechamps, Vanden
Eynde), section de Landen à Waremme (de Corswarem)
b) Postes (Rodenbach, Osy, Desmet, Cogels, de
Garcia, Castiau, Rodenbach,
Dechamps)
c) Ecole des mines
(Moniteur
belge n°61, du 1er mars 1844)
(Présidence de M.
Liedts.)
M. de Renesse procède à l’appel nominal à 2 heures, donne lecture du procès-verbal de la
séance précédente, dont la rédaction est approuvée, et présente l’analyse des
pièces suivantes adressées à la chambre :
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Le sieur Louis-Joseph Charanson,
préposé de deuxième classe des douanes à Courtray, né à Sonlez
(partie cédée du Luxembourg), demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi au ministre de la justice.
_________________________
« Plusieurs débitants de tabac du canton de Couvin
présentent des observations contre le projet de loi sur les tabacs. »
« La chambre de commerce et des fabriques de
Tournay transmet copie de son rapport au gouverneur de la province, concernant
le projet de loi sur les tabacs. »
- Renvoi à la section centrale chargée d’examiner le
projet de loi.
_________________________
« Le collège
des bourgmestre et échevins de Vilvorde présente des observations concernant
l’art. 3 de la loi du 28 novembre 1818, sur le domicile de secours. »
- Renvoi à la section centrale chargée d’examiner le
projet de loi sur le domicile de secours.
_________________________
« Le
sieur Mainvault réclame l’intervention de la chambre
afin d’obtenir le payement de ses fournitures et avances pour la confection des
ouvrages de fortification de la place d’Ath. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Plusieurs habitants d’Aerschot demandent que l’arrêté royal du 1er janvier,
relatif à la traduction du Bulletin
officiel en langue flamande, soit révoquée et que la langue flamande
nationale soit enseignée dans les écoles. »
« Même demande des habitants d’Overyssch, Saint-Jooris-Winghe, Lubbeék, Thielt, Kerkom, Binckom et de plusieurs
autres communes du Brabant. »
M. Desmet. - Je demande le renvoi de ces requêtes à la commission des pétitions avec
prière de faire un prompt rapport.
- Cette proposition est adoptée.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET
DU DEPARTEMENT DES TRAVAUX PUBLICS POUR L’EXERCICE 1844
Discussion des articles
CHAPITRE III. Chemin de fer et postes
CHEMINS DE FER
Paragraphe 1er - Administration
générale
M. le président. - La chambre passe à la discussion sur les articles du chapitre III,
chemin de fer et postes.
Article premier
« Art. 1er. Traitements et indemnités des
fonctionnaires, employés et gens de service : fr. 196,505. »
- Cet article est adopté.
« Art. 2. Main-d’œuvre, travaux, fournitures,
etc. : fr. 129,000 »
M. Lys. - Messieurs, cet article 2, qui présente un chiffre de 129,000 fr., se divise
en plusieurs litteras. Il y a d’abord salaires d’ouvriers, 7,000 fr. ; loyers
des bureaux de la direction, 9,000 fr. ; fournitures de bureau et impressions,
100,000 fr. ; mobilier, entretien annuel, 5,000 fr. ; menues dépenses, 10,000
fr.
Vous savez, messieurs, que nous payons déjà pour le
chemin de fer d’autres locations. Vous avez une maison qui est occupée par les
bureaux du chemin de fer en construction et en exploitation, et qui forment les
2ème et 6ème divisions du ministère des travaux publics. Vous avez ensuite une
seconde maison qui est occupée par la régie du chemin de fer et le bureau des
rebuts de l’administration des postes.
Aujourd’hui on vous demande encore 9,000 francs pour
la location des bureaux de la direction, que l’on veut transporter dans les
bâtiments qui servaient de palais au ministre des travaux publics. Cependant
vous savez qu’on nous a dit qu’on faisait une économie de 9,000 francs sur la
location, mais au lieu de faire une économie, vous faites une dépense plus
forte. Aussi votre rapporteur se borne-t-il à dire :
« Par suite de l’occupation
de l’hôtel du prince d’Orange, par le ministère des travaux publics, les
bureaux de la direction du chemin de fer vont s’établir à l’hôtel quitté par le
ministre. La différence qui existe entre le loyer de cet hôtel et les maisons
occupées jusqu’à ce jour par la direction, est d’environ 1,500 francs ; cette
différence sera compensée par les économies à faire dans les gens de service :
les bureaux n’étant plus disséminés, ce personnel pourra être réduit. »
S’il en est ainsi, il fallait diminuer dans le
budget l’allocation demandée pour les gens de service et pour le personnel.
Je ne vois pas pourquoi on n’a pas demandé la
justification du prix de location des divers bâtiments occupés par les bureaux
du chemin de fer. Il me semble qu’on aurait aussi dû nous donner quelques
explications à l’appui de la demande de 9,000 fr. pour le transfert des bureaux
de la direction à l’hôtel du boulevard Botanique. J’ai déjà eu l’honneur de
vous dire qu’on aurait pu établir ces bureaux à l’ancienne station du Nord. Le
directeur général y a déjà les siens. Il me semble qu’il y a là assez
d’appartements pour loger les bureaux de la direction, et que dès lors il y a
lieu de réduire le chiffre en discussion de 9,000 fr.
M. Desmet. - Comme nous arrivons à la fin de la discussion sur le chemin de fer, je
me permettrai d’appeler l’attention de M. le ministre des travaux publics sur
la station d’Audeghem. Vous savez que cette station
est fort importante et qu’elle doit servir pour tout le district d’Alost, pour
une population de 200,000 habitants. Cependant il n’y a pas encore de salle
d’attente pour les voyageurs. Ils doivent attendre les convois dans un cabaret,
qui n’est qu’un très mauvais abri. Dans un moment que beaucoup de petites
stations ont de superbes pavillons pour salle d’attente, il me semble qu’on
pourrait très bien accorder à la station d’Audeghem,
qui est si importante, un endroit plus ou moins convenable pour s’abriter. Je
pense que M. le ministre aura égard à ma remarque.
Je me permettrai encore d’appeler
l’attention de M. le ministre sur un autre objet important. Je l’aurais fait
hier, si la discussion n’avait été close.
Il existe une convention qui porte la date du 5
octobre 1843, je crois, entre la société rhénane et la Belgique, pour les
tarifs du chemin de fer. Je dois faire remarquer que le transport des produits
de l’Allemagne en Belgique, ont, par cette convention, un avantage important
sur le transport des produits de Belgique en Allemagne.
Le tarif établit trois catégories : Pour la première
classe le tarif est plus bas de 10 p. c. que pour la
seconde ; pour la seconde, le tarif est plus bas de 10 p. c. que pour la
troisième. Mais je remarque que, dans la première classe, se trouvent les
marchandises de fer. Ce sont, les fers ouvragés qui nous viennent en abondance
de l’Allemagne. Les clous, au contraire, qui forment une industrie importante
pour la Belgique, se trouvent dans la deuxième classe. Ils paient donc 10 p. c.
de plus que les marchandises en fer venant d’Allemagne.
La même observation se présente pour ce qui concerne
la deuxième classe.
Les marchandises de Nuremberg et les vins sont dans
la deuxième classe, tandis que les huiles végétales et les houblons sont dans
la troisième. Ici encore les produits belges paient 10 p. c. de plus que les
produits allemands.
J’appelle sur ce point l’attention de M. le ministre
des travaux publics et je pense qu’une fois on pourra sérieusement protéger les
produits nationaux et ne pas toujours travailler contre l’industrie indigène,
qui cependant n’est pas dans un état florissant et cela surtout par le peu de
protection qu’on lui accorde.
M. le ministre des travaux
publics (M. Dechamps) - Messieurs, l’honorable M. Lys
propose une réduction de la somme de 9,000 fr. pour le loyer des locaux
destinés à la direction du chemin de fer. Il faut bien se rendre compte des
faits.
Les bureaux de l’administration générale du
département des travaux publics et ceux de la régie seront transférés, pour
l’exercice 1844, au nouvel hôtel situé Place Royale.
D’un autre côté, la direction du chemin de fer
occupe maintenant plusieurs bâtiments disséminés, dont le loyer monte à une
somme d’environ 7,500 fr. Le bail de ces locaux étant résiliable à volonté, le
gouvernement usera de cette faculté, et la direction du chemin de fer sera
transférée dans les bâtiments du Jardin Botanique, occupés maintenant par les
bureaux du département.
La direction du chemin de fer étant transférée à cet
hôtel du boulevard, le loyer de ces bâtiments, s’élevant à 9,000 fr.,
continuera donc à courir, et la réduction proposée par M. Lys est impossible.
Mais on économise d’une autre part comme je viens de l’expliquer, une somme de
7,500 fr. Et quant à la différence de 1,500 fr., elle pourra vraisemblablement
être compensée par des dépenses en moins du personnel, parce que la
dissémination des bureaux exigent que ce personnel fût
plus nombreux.
L’économie existe donc. On a fait disparaître du
budget de 1844 la somme de 9,000 fr. pour la location des bâtiments destinés
aux bureaux du département des travaux publics, mais on y a substitué une même
somme pour la location des bureaux de la direction.
Il est donc impossible de ne pas voter le chiffre de
9,000 fr. proposé à l’article actuellement en discussion. En agir autrement, ce
serait décider que le loyer des bâtiments du boulevard Botanique, que nous
occupons en vertu d’un bail ne serait plus payé.
L’honorable M. Lys a dit : on aurait fait un
meilleur acte d’administration en établissant les bureaux de la direction à
l’ancienne station de l’Allée-Verte. C’est là une question administrative qu’on
a examinée et pour la solution de laquelle l’honorable M. Lys admettra, je
l’espère, notre compétence.
M. Lys. - Messieurs, je ne trouve nullement qu’il y ait une économie de 9,000
fr., comme le prétend M. le ministre. Il me paraît que la véritable économie
sera de 4,600 fr. Elle proviendra de l’abandon des locaux occupés, l’un par les
bureaux d’exploitation, et l’autre par la régie du chemin de fer. Mais vous
continuerez à payer le loyer de 9,000 fr. pour le local qui était habité par M.
le ministre, puisque vous y transportez les bureaux de la direction.
Je persiste à croire qu’on aurait dû exiger une
explication relativement au chiffre de 7,500 fr auquel M. le ministre porte
maintenant la réduction sur les loyers.
M. Desmaisières. -
Messieurs, dans une séance précédente, lorsqu’il s’est agi de l’article relatif
aux bâtiments civils, un reproche m’a été adressé par un honorable membre ;
j’ai omis de répondre à cet honorable membre, parce que je n’avais pas bien
compris ses paroles et qu’il m’avait donné en particulier des explications qui
ne s’accordent pas avec le compte-rendu du Moniteur.
Comme il s’agit ici de la même question à l’égard de laquelle ce reproche m’a
été fait, je crois l’occasion opportune pour réparer l’omission que j’ai
commise. Il s’agit, dans l’article en discussion, d’un crédit de 9,000 fr. pour
la location du bâtiment occupé jusqu’ici par le ministère des travaux publics ;
bâtiment qui deviendra disponible par le transfert des bureaux de ce ministère
dans l’hôtel de la place Royale et dont M. le ministre des travaux publics a
cru devoir disposer pour y placer une partie des bureaux de l’administration du
chemin de fer. On a dit que l’ancien ministère aurait eu tort de ne pas
présenter le projet de loi tendant à ouvrir au gouvernement le crédit
nécessaire pour opérer le transfert du ministère des travaux publics dans
l’hôtel de la Place Royale. Ainsi que M. le ministre des travaux publics l’a
déjà fait connaître, j’avais fait préparer le travail relatif à ce crédit, car
je crois que le premier devoir d’un ministre lorsqu’il a une demande de crédit
à faire aux chambres, c’est d’instruire cette demande et de ne la présenter que
lorsque l’instruction est complète, lorsqu’il est à même de la justifier sous
tous les rapports. Aussitôt que l’instruction fut achevée, j’ai soumis à Sa
Majesté un projet de loi tendant à accorder le crédit, ce projet m’a été
renvoyé par Sa Majesté, revêtu de sa signature, dans les premiers jours
d’avril. Vous savez, messieurs, que c’est vers la fin du mois de mars que la
discussion du budget de la guerre a commencé dans cette chambre et que dans les
premiers jours d’avril, l’honorable général de Liem a cru devoir, dans la
séance même de la chambre, annoncer sa démission de ministre de la guerre ;
avant de donner suite à la présentation du projet de loi dont il s’agit, je devais
consulter le conseil des ministres. Or, presque immédiatement après un autre
ministre est venu présenter sa démission au Roi ; dès lors, le ministère se
trouvait dans la nécessité de se dissoudre. Dans cet état de choses, le conseil
des ministres crut qu’il ne fallait présenter aux chambres aucune demande
nouvelle de crédit, et particulièrement en ce qui concerne le transfert des
bureaux du ministère des travaux publics dans l’hôtel de la Place Royale, il
pensa qu’il fallait laisser au nouveau ministère tout son libre arbitre à cet
égard, qu’il ne fallait pas le forcer à adopter le nouvel hôtel pour
l’administration centrale du département des travaux publics. Voilà, messieurs,
pourquoi le projet de loi n’a pas été présenté.
Quant aux constructions, je ne
les ai ni commencées ni achevées, quoi qu’on en ait dit. Maintenant mon
honorable successeur a-t-il agi illégalement en faisant commencer les travaux
d’appropriation sans avoir obtenu auparavant un crédit de la législature ? Je
crois, messieurs, que non, et il me sera facile de vous le démontrer.
En effet, quand une dépense peut-elle être réputée
illégale ? C’est lorsqu’elle n’est pas renfermée dans les limites du libellé de
la loi qui accorde l’allocation sur laquelle on impute cette dépense. Eh bien,
messieurs, sur quelle allocation de la loi du budget, l’honorable ministre des
travaux publics a-t-il imputé la première partie de la dépense dont il s’agit :
il l’a imputée sur l’article bâtiments
civils.
Il s’est donc renfermé dans les limites du libellé
de l’allocation portée au budget, et par conséquent il n’a pas commis un acte
illégal. Je sais bien que l’on dira : « Mais cela n’est pas conforme aux
développements présentés à la chambre à l’appui du budget ; dans ces
développements on ne parlait pas du transfert des bureaux du ministère des
travaux publics » ; on parlait d’autres travaux, d’autres bâtiments
civils. Les développements du budget, messieurs, ne peuvent jamais constituer
un engagement positif ; ce n’est qu’un engagement moral, et du moment qu’un
ministre ne s’en écarte que pour poser un acte de bonne administration (et ici
tout le monde a reconnu qu’il s’agit d’un acte de bonne administration), dès
qu’il ne s’en écarte, dis-je, que pour poser un acte de bonne administration et
qu’il se tient, du reste, dans les limites du libellé de la loi, je crois qu’il
n’y absolument rien à lui reprocher.
M. Osy. - Si j’ai bien compris l’honorable M. Desmaisières, il a répondu à
quelques paroles que j’ai prononcées dans une séance précédente, lorsque nous
nous occupions de l’article bâtiments
civils. J’ai dit alors que l’irrégularité commise relativement au transfert
des bureaux du département de travaux publics, retombait sur l’ancien ministère
; je persiste dans cette opinion, car l’honorable M. Desmaisières a soumis son
projet de loi à la signature royale le 1er avril, et le ministère n’aurait pas
dû prononcer la clôture de la session avant d’avoir obtenu les lois qui lui
étaient nécessaires.
M. le ministre des travaux
publics (M. Dechamps) - Messieurs, puisque l’honorable
M. Lys a persisté, la chambre me permettra d’ajouter encore quelques mots à ce
que j’ai dit tout à l’heure. Voici, messieurs, les chiffres qui figuraient au
budget précédent pour les diverses locations dont il s’agit dans ce débat :
9,000 fr. pour le bâtiment occupé par
l’administration centrale du département.
4,600 fr. pour les maisons occupées par la régie et par
les deux divisions de la construction et de l’exploitation du chemin de fer.
7,500 fr. pour les maisons occupées par la
direction.
Ce qui fait un total de 21,100 fr.
Eh bien, messieurs, sur cette
somme nous économisons d’une part les 4,600 francs formant le loyer des deux
maisons occupées par la régie et les divisions de la construction et de
l’exploitation, et d’une autre part les 7,500 fr. que l’on paie pour la
location des diverses maisons occupées par la direction du chemin de fer.
Ainsi, la différence n’est que de 1,500 fr., et cette différence sera
vraisemblablement compensée par les économies à faire sur le personnel, par
suite de la réunion en un même bâtiment de bureaux qui étaient auparavant
disséminés.
J’avais oublié, messieurs, de
répondre à une observation faite par l’honorable M. Desmet. Cet honorable
membre demande comment il se fait que dans le tarif belge-rhénan nous voyons
figurer dans la première classe comprenant les prix les plus bas, plus de
produits allemands que de produits belges, tandis que pour la deuxième classe
le contraire a lieu.
Messieurs, la raison en est très simple : quel était
le but que nous devions atteindre par la fixation des tarifs belges-rhénans ?
C’était de faire concurrence au Rhin. Du moment que le tarif du chemin de fer
atteignait le niveau du péage du Rhin, le résultat était obtenu, et toute
réduction en dehors de ces limites devenait une réduction inutile et onéreuse.
Mais, messieurs, il y a deux péages sur le Rhin : le péage à la remonte du
fleuve, qui est le plus élevé, et le péage à la descente beaucoup plus modéré
que le premier.
Or, les produits belges ou les produits amenés en
transit d’Anvers vers Cologne doivent faire concurrence aux transports en
remonte du Rhin, tandis que les produits de l’Allemagne, transportés en retour
sur notre chemin de fer, sont en concurrence avec ceux descendant le Rhin. Les
prix des tarifs peuvent donc être, dans l’intérêt même des transports sur notre
chemin de fer, plus modérés pour certains produits que l’Allemagne nous envoie
en retour, que pour certains de nos produits diriges vers Cologne. Du reste,
les faits démontrent que l’honorable M. Desmet est dans l’erreur ; les
transports de sucre, de cuirs, de coton filé, de fontes augmentent de jour en
jour d’Anvers et de Liége vers l’Allemagne, tandis que les retours de
l’Allemagne sont presque nuls. Ainsi, si une réduction de tarif doit avoir
lieu, c’est peut-être dans le sens contraire que celui indiqué par l’honorable
préopinant.
Vous voyez donc, messieurs, que les raisons qui ont
dicté le tarif belge rhénan sont très fondées. L’intérêt de la Belgique était
d’attirer chez elle le transport des produits de l’Allemagne ; or, pour obtenir
ces transports, il faut que les tarifs soient assez modérés, qu’ils puissent
faire concurrence aux tarifs du Rhin ; il fallait donc que les produits de
l’Allemagne figurassent dans la classe la plus favorisée.
M. Desmet. - Il est possible que ceux qui ont passé la convention avec la Prusse et
travaillé au tarif des péages sur le chemin de fer rhénan aient envisagé la
question sous le point de vue que vient d’indiquer M. le ministre des travaux
publics, mais je pense que ce n’est pas dans l’intérêt du pays. En effet, je
vous le demande, messieurs, n’est-ce pas tout à fait travailler contre les
industriels de la Belgique que de conclure une convention et arrêter un tarif
qui contient des péages qui sont exclusivement en faveur du transport à
meilleur compte pour les produits allemands que pour les produits belges ?
M le ministre vient de vous dire
qu’il fallait faire un tel tarif, pour tâcher de faire concourir les transports
par le chemin de fer avec ceux par le Rhin, Je ne puis saisir la portée de ce
raisonnement, car je ne puis concevoir que, pour augmenter les transports par
le chemin de fer, il faille faire tort aux industries de Belgique et avantager
celles de Prusse. Je n’aurais jamais cru qu’un tel raisonnement serait sorti de
la bouche de l’honorable M. Dechamps, lui qui sait combien nos diverses
branches d’industrie sont souffrantes, combien le travail manque chez nous, et
qui sait aussi que tout ce tort provient de la concurrence étrangère, comme il
n’ignore pas combien les produits allemands surtout nous font une concurrence
désastreuse...
N’avions-nous pas assez avec la concession gratuite
que nous avons faite à la Prusse pour les vins et étoffes de soie, fallait-il
encore donner ce pays d’autres avantages sur nous ? Vraiment, c’est jouer un
rôle de dupe et c’est rendre continuellement victime la pauvre Belgique et cela
par nous-mêmes.
Vous laissez transporter et arriver en Belgique les
vins, les marchandises de Nuremberg, les fers ouvrages et beaucoup d’autres
articles de production allemande avec un péage de 10 et 30 p. c meilleur dompte
que les clous, les huiles, les houblons et autres produits belges que nous
transportons vers l’Allemagne.
On devra avouer que les Allemands tiennent peu
compte des conventions que nous concluons avec eux ; vous l’avez encore appris
hier, que, pour le premier mars prochain la société rhénane ne veut plus que
nous transportions nos houilles par son chemin, elle ne veut plus pour ce
transport que ces locomotives soient employées. Elle le fait, soit pour
économiser la dépense du transport, voyant que le tarif est trop bas, soit pour
empêcher que nos produits entrent en Allemagne. D’un côté comme de l’autre,
elle le fait toujours pour nous faire du tort. Tout le monde devra donc
reconnaître que la convention du 5 octobre est très nuisible à la Belgique. Je
puis concevoir que la Prusse soigne les intérêts de son industrie et de son
commerce, en cela elle a raison. Mais quand on voit qu’elle respecte si peu les
conventions et qu’elle travaille pour nous faire du tort, il me semble que nous
aurions aussi raison de songer un peu à nos industries et à notre commerce et
que nous usions de représailles, et qu’enfin nous ne soyons pas toujours la
dupe des autres nations. Je désire que M. le ministre ait égard à cet état de
choses qui ne peut plus durer.
M. Mast de
Vries, rapporteur. - Messieurs, lorsqu’il s’est agi du
tarif du chemin de fer rhénan, nous devions chercher à obtenir les dispositions
les plus favorables à la Belgique. Cependant nous ne pouvions pas forcer la
compagnie du chemin de fer rhénan à faire ce que nous voulions. Nous aurions à
traiter avec une société particulière, et nous avions un grand intérêt à
pousser en Allemagne une grande quantité de marchandises, tandis que
l’Allemagne n’avait à nous envoyer qu’une quantité extrêmement minime de
produits industriels. Nous aurions désiré sans doute voir adopter le tarif
belge par la société rhénane, mais cela n’était pas possible.
M. David. - Les paroles que je viens d’entendre m’encouragent, messieurs, à vous
donner communication d’une lettre d’un des principaux commissionnaires de
Cologne, qui parle d’une manière très étendue de ce qui se passe aujourd’hui à
propos des expéditions en retour de la Prusse vers la Belgique, expéditions
qui, malheureusement, sont presque nulles, grâce au système des waggons
complets. Voici, messieurs, la teneur de cette lettre, que je recommande à la
sérieuse attention de M. le ministre des travaux publics :
« Monsieur,
« J’ai lu avec intérêt les dernières discussions de
la chambre belge sur la marche des convois du chemin de fer. On y dit des
vérités qu’on ne saurait trop recommander à l’attention de votre ministre des
travaux publics.
« Il est pénible, comme vous le marquez, de
voir tous les jours partir d’ici 8 à 10 waggons vides, tandis qu’ils pourraient
être employés avec avantage, tant pour l’administration que pour le commerce,
puisqu’il s’expédie journellement pour la Belgique par roulage et une grande
partie par bateaux à vapeur par la Hollande une grande quantité de
marchandises, ceci ne peut manquer, puisque celui qui a à expédier par petites
quantités emploie cette dernière voie, puisque non seulement sa marchandise est
aussi vite à destination, mais encore ce mode lui donne un avantage assez
marquant.
« Par terre, je charge à fr. 4 50 les 50 kil., en aussi petite quantité que je veux pour Anvers,
tandis que si j’ai moins de 500 kil., par chemin de fer, cela me coûtera fr. 4
80.
« Par bateau à vapeur hollandais, cela ne me
coûte que fr. 3 40 les 100 kil., les frais hollandais
compris, et ma marchandise est le sixième jour à Anvers, tandis que jamais,
même en waggons complets, je n’ai à Anvers, par chemin de fer, ma marchandise
qu’en huit jours.
« Le principe de donner seulement des avantages par
waggon complet ne s’est nullement montré avantageux ; peut-être d’Anvers à
Cologne, c’est possible, parce que de notre ville il se transporte des masses,
mais en revanche d’ici à Anvers, il est rare qu’une maison ait à expédier pour
la même ville 4,500 kilog., tandis qu’il a ce poids,
très souvent pour différentes villes et est obligé, pour jouir du grand
avantage qu’accorde le waggon entier, de laisser la marchandise en magasin,
jusqu’à ce qu’il ait 4,500 kilog. pour
la même ville, ce qui lui est très nuisible, et il doit se servir d’une autre
voie qui lui offre plus d’avantages.
« Pourquoi l’administration ne pourrait-elle pas,
comme font les bateaux à vapeur, prendre toute marchandise à un prix modéré ?
Elle qui possède tant d’employés, il lui serait facile, même sans la moindre
dépense, de recevoir cette marchandise et de la faire charger sur les waggons
destinés pour les différentes villes. La seule peine serait de les inscrire et
le résultat que les waggons qui retournent à vide en pure perte, se
présenteraient chargés ; donc bénéfice pour l’administration et facilité pour
le commerce. Aujourd’hui j’expédie encore par la Hollande pour Londres une
balle de 465 kilog., que j’aurais expédiée par Anvers, si j’avais pu obtenir
le prix de transport à peu près comme on le paye par waggon. Cette expédition
me donne de cette manière un bénéfice de 2 fr. 79 c.,
tandis que le chemin de fer, ainsi que le commerce d’Anvers, perd le tout. Je
suis donc de l’avis, et tout notre commerce pense de la même manière, que le
chemin de fer ne donnera de l’avantage que pour autant qu’il marchera
en harmonie avec les besoins du jour. Car si aujourd’hui la Hollande abolissait
son droit fixe, j’oserais assurer que le chemin de fer n’aurait plus une livre
de marchandise pour notre pays. Je vous passe avec plaisir ces instructions,
pour que vous puissiez en faire usage en cas de besoin, etc. »
Voilà, messieurs, des observations très sérieuses et
surtout un grave avertissement dans ces paroles que je viens de citer :
« Si la Hollande (dit le correspondant de
Cologne,) abolissait son droit fixe, j’oserais assurer que le chemin de fer
n’aurait plus une livre de marchandise pour notre pays. »
- Personne ne demandant plus la parole, l’article 2
est mis aux voix et adopté.
Paragraphe 2. - Service de l’entretien des routes
et stations
Articles 3 et 4
« Art. 3. - Traitements et indemnités des
fonctionnaires et employés : fr. 142,310 »
« Art. 4. - Main-d’œuvre, travaux et
fournitures : fr. 1,113,300 »
- Ces deux articles sont adoptés sans discussion.
« Art. 5. Renouvellement de billes et fers :
fr. 205,000 »
M. de Garcia. -
Messieurs, nous voyons figurer au budget de 1844 une somme de 205,000 francs
pour renouvellement de billes en fer. L’année dernière, on avait porté au
budget, pour remplacement de rails uniquement et sans qu’il soit question du
renouvellement des billes, un crédit de 250 à 300,000 francs. La section
centrale a été frappée de la différence existante entre le subside de 1843 et
celui de 1844 ; en 1843, il fallait pour cet objet 300,000 francs et en 1844,
il ne faut que 25,000 francs. Je désire qu’on m’explique cette différence.
L’année dernière, j’avais critiqué l’élévation du chiffre de 300,000 francs qui
ne me paraissait pas nécessaire. La section centrale a exprimé son étonnement à
l’égard du chiffre auquel je fais allusion. En présence de cette différence, la
section centrale s’est exprimée de la manière suivante :
« Ce n’est point sans surprise que la section
centrale a remarqué qu’aucune allocation n’était demandée pour renouvellement
des rails, surtout en présence des adjudications annoncées par les
journaux. »
Le gouvernement a répondu à cette interpellation
d’une manière assez vague, selon moi. Je demanderai donc à M. le ministre des
travaux publics qu’il veuille bien nous dire si la somme qui a été votée
l’année dernière et qui s’est élevée de 350 à 300,000 francs a été employée
réellement au renouvellement des rails ; je m’explique : je demande à M.
le ministre si cette somme n’a pas reçu une application autre que celle qui lui
était destinée.
M. le ministre des travaux
publics (M. Dechamps) - Messieurs, les explications
que j’ai fournies à la section centrale ne lui ont pas paru vagues, puisqu’elle
s’en est contentée et qu’elle a voté le chiffre. La chambre me permettra de
relire ces explications qui ne sont pas longues :
« Il résulte des renseignements qu’elle a pris que
le service des années 1843 et 1844 a été assuré au moyen des mesures suivantes
:
« On a remplacé les rails faibles dans le corps
de la route par les rails destinés à la construction des évitements et
embranchements.
« On a ajourné la construction des évitements
dans diverses stations et, entre autres, dans celles de Hal et de Tubise ; les évitements dont l’établissement n’a pu être
retardé ont été construits avec les rails faibles provenant du corps de la
route.
« On a absorbé une grande partie des rails de
réserve.
« Il existe au dépôt environ 950,000 kil. vieux
rails complètement hors d’usage ; au moyen du remaniement de ces vieux fers, on
obtiendra près de 500,000 kilog. de
rails neufs qui permettront de pourvoir à une partie de l’entretien de
1844. »
« C’est pour exécuuter
les évitements ajournés, qu’a eu lieu l’adjudication du 30 décembre dernier ;
ces rails, qui remplaceront ceux empruntés à la construction des évitements,
seront payés sur les fonds alloués au budget de 1842 »
Ainsi, c’est précisément à cause
des observations qui ont été faites pendant la discussion du budget de 1843,
que j’ai prescrit de ne procéder au renouvellement de rails que lorsque la
nécessité en serait reconnue. Au budget de 1843, on avait demandé pour rails un
crédit de 226,000 francs. Dans la situation que j’ai présentée aux chambres, on
indique qu’une somme de 121,000 francs a été employée. D’où vient cette
différence ? C’est, au fond, la question que s’est faite l’honorable M. de
Garcia ; je m’en vais le lui dire : Les rails dont on a demandé le remplacement
pour l’exercice de 1844 étaient déjà remplacés, vu l’urgence, lors de la
discussion du budget. En effet, je vois dan le compte rendu qu’on porte pour
renouvellement de billes en 1842, une somme de 18,344 fr., tandis qu’on a
remplacé 1,120 tonnes de rails, ce qui, à raison de 225 fr. par tonne, donne
252,000 fr. Voilà d’où vient la différence apparente qui a été signalée par
l’honorable M. de Garcia ; le remplacement était déjà effectué, vu l’urgence,
lorsque l’allocation a été demandée.
De plus il a été permis à l’administration
d’employer les rails faibles de la route pour établir les évitements en projet
; les adjudications qui ont eu lieu récemment auront donc pour objet de
restituer aux dépôts de la construction ce qu’on leur avait emprunté.
M.
de Garcia. - M. le ministre a fait observer que
la section centrale n’avait pas trouvé de vague dans les explications qu’il a
données. Je n’ai nullement prétendu que la section centrale avait trouvé du
vague dans les explications qu’elle avait reçues, loin de là ; mais moi je ne les
ai pas trouvées suffisantes et même celles que M. le ministre vient de donner
ne me satisfont pas complètement. Je voulais savoir si, sur le subside accordé
pour renouvellement de rails, il n’a été pris aucune somme pour être distribuée
en indemnités aux fonctionnaires du chemin de fer.
M. le ministre des travaux
publics (M. Dechamps) - Aucune.
M.
de Garcia. - Cela me suffit.
M. Rogier. - Messieurs, l’année dernière j’ai combattu sans succès la demande d’un
crédit supplémentaire pour substitution de rails parallèles à des rails
ondulés. Je me rappelle que M. le ministre répondit qu’il y avait péril en la
demeure, qu’il fallait, sous peine de plus grands dangers, renouveler la
presque totalité des rails sur la route de Gand à Malines. Toutefois, le
ministre s’était engagé à ne procéder à ce renouvellement qu’après enquête et
sur le rapport des ingénieurs des ponts et chaussées. Je ne sais si j’ai bien
compris ce que vient de dire M. le ministre des travaux publics, mais il vient
de nous apprendre que, tandis qu’on annonçait l’intention de faire une enquête
et de demander un rapport aux ingénieurs, sur la nécessité du renouvellement
des rails, ce renouvellement avait déjà eu lieu. Je voudrais que les deux
ministres se missent d’accord sur ce point. Il y a plus : on nous représentait
la route de Gand à Malines comme exposant les voyageurs aux plus grands
dangers, parce que la plupart des rails étaient des rails ondulés. Nous avons
soutenu que ces rails pouvaient suffire, particulièrement sur cette route qui,
toute en ligne droite et toute de niveau, ne présentait aucune difficulté pour
les locomotives et les convois. Et, chose étonnante ! au
moment même où l’on se récriait contre l’emploi des rails ondulés sur la route
de Gand à Malines, on prescrivait l’emploi des rails ondulés sur la route de
Liège à Verviers, où les courbes et les pentes sont multipliées et où les
déviations peuvent avoir les conséquences les plus graves.
Voilà de quelle manière on procédait et comment on
obtenait de la chambre un crédit extraordinaire de 300,000 fr.
Je me borne à faire ces observations, non pour
récriminer, mais pour montrer que l’année dernière nous avions raison de nous
opposer à ce crédit supplémentaire.
M.
Brabant. - Il est vrai que l’année dernière,
avant qu’un crédit spécial ait été accordé, des rails subondulés
ont été retirés du chemin de fer de Gand à Malines. Mais je puis en parler
comme témoin oculaire, ils étaient dans un état tellement mauvais qu’il y avait
réellement danger pour ceux qui circulaient sur cette voie. Je me trouvais à
Namur quand on a discuté cette demande de crédit, j’ai vu arriver trois waggons
chargés de rails provenant de la section de Gand à Malines, tous ces rails de
rebut qui se trouvaient sur ces waggons étaient dans le plus déplorable état.
J’en vis un dont une partie se détachait ; je le tirai avec la main, l’effort
que je fis, qui n’avait pas la force d’un kilogramme, suffit pour en détacher
un mètre pesant au-delà de trois kilogrammes. Je l’ai rapporté, plusieurs
personnes l’ont vu. L’administration a fait sagement de retirer de pareils
rails qui compromettaient la sécurité des voyageurs.
M. Rogier. - L’honorable M. Brabant n’a pas pensé sans doute répondre à mes
observations. Il est possible qu’on ait retiré de la route de Gand à Malines,
et l’on a bien fait, des rails usés, jusqu’à concurrence de la charge de deux
ou trois waggons, mais il y a loin de cette dépense à l’emploi des 300 mille
fr. demandés pour remplacer sur la route de Gand tous les rails subondulés. Je demande ceci : a-t-on remplacé les rails subondulés jusqu’à concurrence de 300 mille francs ?
M.
le ministre des travaux publics (M. Dechamps) - Non !
M. Rogier. - Ainsi, malgré cette nécessité qui se faisait sentir d’une manière si
pressante, l’année dernière les rails subondulés ont
été maintenus à l’exception de ceux qui ont passé sous les yeux de l’honorable
M. Brabant.
Je suis donc forcé de demander, en reprenant
l’interpellation que faisait tout à l’heure M. de Garcia, quelle destination
ont reçue les 300 mille fr. votés pour cet objet.
M. Desmaisières. - L’année dernière, quand l’honorable M. Rogier a insisté pour obtenir
une réduction sur la somme demandée pour renouvellement des rails, j’ai insisté
pour obtenir le crédit que j’avais demandé, et j’ai donné pour motif principal,
qu’il fallait, avant tout, assurer la sécurité des voyageurs, niais j’ai ajouté
que rien ne serait dépensé de ce chef que lorsque la nécessite en aurait été
dûment constatée.
Vous venez d’entendre que, pour ce qui est des rails
qui ont été remplacés sur la route de Gand, et que l’on a commencé à remplacer
dès les premiers mois de l’année, il y avait la plus grande nécessité de les
remplacer.
Ensuite, pour satisfaire aux observations qui m’ont
été faites dans cette chambre et particulièrement à celles de l’honorable M.
Rogier, j’ai donné des ordres très précis aux inspecteurs des ponts et
chaussées de se livrer à des enquêtes, de visiter toujours avec le plus grand
soin les parties de route à l’égard desquelles l’administration du chemin de
fer demanderait des renouvellements soit de rails, soit de billes. Cela a eu
lieu pendant le temps que je suis resté au ministère, et je suis persuadé que
mon honorable successeur continue à exiger de la part
du conseil des ponts et chaussées une espèce d’enquête avant de se décider à
ordonner des renouvellements de rails ou de billes.
M. Rogier. - On ne me répond en aucune manière. Je demande quel emploi on a fait du
crédit qui ne devait être affecté au renouvellement des rails subondulés qu’après une enquête et un rapport ? Je demande
si cette somme a reçu un emploi quelconque.
M. le ministre des travaux
publics (M. Dechamps) - J’avais indiqué que déjà une
partie de l’emploi de cette somme était effectuée lors de la discussion du
budget. Si on n’a pas opéré sur la route de Termonde à Malines les
renouvellements que l’on croyait nécessaires en 1842, c’est que j’ai reconnu,
après avoir recueilli des renseignements nécessaires, que la nécessité de ce renouvellement
n’existait pas, qu’on pouvait attendre, avant de l’entreprendre, que l’urgence
en fût constatée. J’ai suivi la même marche indiquée par mon prédécesseur ;
j’ai procédé avec prudence, je n’ai autorisé le renouvellement de billes et de
rails que quand la nécessité en a été reconnue.
J’ai dit ensuite que l’adjudication de rails dont il
s’agissait, aurait pour objet de restituer aux dépôts de la construction les
rails qu’on leur avait empruntés, ce sont les seules explications que je puisse
fournir.
- L’art. 5 est adopté.
Paragraphe 3. - Service de locomotion et
d’entretien du matériel
Article 6
« Art. 6. Traitements et indemnités des
fonctionnaires et employés : fr. 125,460 »
(Au lieu de 162,460 fr., par suite d’un transfert.)
- Adopté.
« Art. 7. Main-d’œuvre, travaux, fournitures,
etc. : fr. 2,363,975 »
M. Sigart. - La section centrale, dans son rapport, messieurs, fait connaître les
prix du coak dans les lieux de production et de
réception. Les renseignements que j’ai reçus récemment, renseignements que je
crois dignes de confiance, contredisent les chiffres posés dans ce rapport. Je
pense donc que le gouvernement doit se délier des conclusions de la section
centrale, je pense qu’il doit suspendre
son opinion jusqu’après nouvelle information. (M. le ministre fait un signe d’assentiment.)
M. Devaux. - Je demanderai à M. le ministre si, dans ce chiffre se trouvent compris
les frais de construction de locomotives nouvelles. A ce sujet, je le prierai
de nous dire s’il est dans l’intention de faire construire encore des
locomotives cette année. Nous en avons 143. Si vous voulez que le calcul
d’après le nombre de lieues parcourues, vous verrez qu’une locomotive pendant
l’année dernière n’a fait que sept à huit lieues par jour, tandis qu’en
Angleterre, d’après le travail d’un ingénieur français, les machines font
moyennement 14 à 15 lieues par jour. Vous voyez dont que nous avons beaucoup
plus de locomotives que ne l’exige le service. Il serait temps de s’arrêter,
d’autant plus que la science dans ce moment fait chaque jour de nouveaux
progrès. Des changements très notables ont été introduits depuis quelque temps
dans la construction des locomotives.
En Amérique, il y a deux ou trois systèmes nouveaux
qui paraissent meilleurs que, ceux qui sont en usage en Europe. Les systèmes
nouveaux se succèdent avec tant de rapidité, qu’il est sage d’attendre quelque
temps. Car l’invention du lendemain dépasse cette de la veille. Ainsi, à la
locomotive deux roues motrices, a succédé récemment, en Amérique, le système à
quatre roues motrices, dépassé déjà, dit-on, par le système à six roues
motrices, que va suivre peut-être l’adjonction d’une autre paire de roues
motrices. On parle aussi en France de roues motrices horizontales et d’autres
procédés encore sans compter les chemins de fer atmosphériques qui n’admettent
que les machines fixes.
Je voudrais qu’on s’en tînt à cet énorme matériel de
143 locomotives, qui suppose un capital de 5 à 6 millions.
D’après les pièces communiquées par M. le ministre,
on voit qu’on allume chaque jour 50 à 60 locomotives seulement. Comme nous en
avons 143, vous voyez qu’il y a de quoi les laisser reposer. Il n’y a jamais,
je crois, à l’atelier, qu’une vingtaine de locomotives ; supposez qu’il y en
ait le tiers, le nombre excéderait encore les besoins,
J’insiste dont pour qu’on s’arrête dans ces dépenses
très grandes puisque chaque locomotive coûte 40,000 fr., et qu’on s’en tienne à
143 locomotives. Plus tard, on verra les progrès que la science fait faire à la
construction des locomotives, et on pourra acquérir les locomotives où auront
été introduits les plus utiles perfectionnements
Pour le moment, les locomotives que nous avons excèdent
les besoins, même en exagérant le nombre des machines qu’on est obligé de
remiser.
M. le ministre des travaux
publics (M. Dechamps) - L’honorable M. Devaux m’a
demande si l’intention du gouvernement était de faire construire de nouvelles
locomotives. Il lui a paru que le nombre de 143 locomotives était plus que
suffisant pour les besoins du service. Dans mon opinion, le nombre des
locomotives pour les voyageurs est suffisant pour les nécessités actuelles ;
mais il manque à l’administration quelques locomotives de 14 pouces et demi
pour le service des marchandises dans la vallée de la Vesdre.
Déjà, dans une discussion précédente, j’ai fait
remarquer qu’en Angleterre la plupart des administrations de chemin de fer
possédaient plus de 3 locomotives et demie, par myriamètre, qu’en France.
D’après le dernier rapport des ingénieurs français, on évaluait en général à
une locomotive et demie par lieue le nombre moyen et normal qu’exige un bon
système d’exploitation. En Belgique, nous n’avons pas atteint même cette
moyenne.
Mais il faut faire une remarque au sujet des chemins
de fer belges, c’est qu’ils ne sont pas, comme les chemins de fer anglais,
construits en ligue droite d’un point à un autre. Ils présentent une
exploitation extrêmement difficile, et les longs parcours des locomotives sont
enrayés par les simples voies d’une part, et de l’autre par un grand nombre de
bifurcations.
Je citerai un exemple qui fera comprendre ma pensée.
Nous avons les locomotives qui font 60 lieues par jour sur quelques-unes de nos
lignes ; mais sur d’autres, les petits parcours sont inévitables ; de St-Trond
à Landen, par exemple, il est impossible qu’une locomotive fasse plus de 5 à 6
lieues par jour. D’un autre côté, le chemin de fer belge n’a que 44 lieues de
double voie. Vous comprenez aisément que sur un chemin de fer à double voie, il
est facile de faire faire un service de navette aux locomotives dont le
parcours moyen deviendrait plus étendue que sur un chemin de fer à bifurcation
et à simple voie. Ainsi les chemins de fer belges sont, en comparaison des
chemins de fer anglais, dans des conditions très favorables ; malgré cela le
nombre moyen des locomotives en Belgique est inférieur au nombre des
locomotives en France et en Angleterre.
Du reste, ceci n’est pas une justification ; je
reconnais que l’une des améliorations possibles au chemin de fer et sur
laquelle l’attention de l’administration doit être portée, c’est la locomotion,
l’emploi utile des locomotives.
L’administration a déjà apporté des améliorations
dans ce sens. On a supprimé successivement la remise des locomotives à
Bruxelles, à Courtray et à Mons. La suppression de ces remises a permis à
l’administration d’accroître le parcours moyen des locomotives.
Une question est maintenant examinée
par moi : c’est celle relative à la possibilité de suppression d’une des
remises de locomotives de Malines. Cette question se rattache à une autre fort importante : c’est celle de savoir s’il ne
serait pas possible de réunir les lignes de l’Est et du Nord pour le service de
la locomotion. Vous le savez, chacune de nos lignes a un service séparé, c’est
comme si chacune était exploitée par une compagnie différente. Malines est le
point où les trois services des lignes de l’Est, du Nord et de l’Ouest viennent
se terminer.
Vous le concevez tous, si l’on pouvait, sans
rencontrer des inconvénients d’un autre genre, réunir le service de locomotion
des lignes de l’Est et du Nord, on arriverait à un parcours moyen plus étendu
de nos locomotives.
Je le répète donc, mon attention a été sérieusement
portée sur ce point. J’espère pouvoir introduire des améliorations dans le sens
indiqué par l’honorable M. Devaux. Mais il ne faut jamais oublier que les
conditions d’exploitation de notre chemin de fer ne sont pas les mêmes que
celles des autres pays. Si je reconnais que le nombre des locomotives pour les
voyageurs est actuellement suffisant je pense qu’il est indispensable
d’acquérir quelques fortes locomotives pour le transport des marchandises sur
la ligne de la Vesdre.
J’ajouterai ici (je réponds à une interpellation
fait précédemment) que j’ai fait la commande de deux locomotives américaines
d’après le système de Norris, parce que j’ai cru qu’il était du devoir du
gouvernement de posséder en Belgique un modèle de ce système, afin de pouvoir
en étudier l’application et de lui comparer nos excellentes locomotives belges,
dont la réputation grandit tous les jours à l’étranger.
M. Devaux. - Je reprends la parole, parce que si M. le ministre des travaux publics
s’en rapportait à la comparaison du nombre de kilomètres exploités en Belgique,
en France et en Angleterre, pour déterminer le nombre de locomotives
nécessaires au service, il partirait d’une base très fausse qui pourrait le
conduire à une dépense fort inutile.
Prendre, pour fixer le nombre des locomotives, la
longueur de la route c’est partir d’une base fausse ; vous le comprendrez
aisément. Le chemin de fer de Paris à St-Germain, qui n’a que 7 à 8 lieues
d’étendue, a 50 locomotives. Le chemin de fer de Roanne à Andrezieux,
qui a, je crois, 68 kilomètres, n’a 6 locomotives.
Vous comprenez que le nombre de
locomotives dépend non seulement de la longueur de la route, mais encore de la
question de savoir combien de fois la route sera parcourue.
Ainsi, si vous avez un départ toutes les
demi-heures, comme à Paris et Versailles, il faudra, indépendamment de la
longueur de la route, on bien plus grand nombre de locomotives que si vous
n’avez, comme dans plusieurs de nos stations, que trois départ par jours. Voilà
pourquoi la comparaison avec la France n’est nullement concluante ; c’est parce
que le nombre des départs de Paris est en dehors de toute proportion avec le
nombre des départs de Belgique.
Quant à l’Angleterre, M. le ministre dit que nous
sommes dans des conditions défavorables ; je crois qu’il se trompe ; nous
sommes au contraire dans des conditions plus favorables, parce qu’en Belgique
où il n’y a qu’une exploitation, une locomotive peut parcourir une très longue
ligne. En Angleterre, il y a, s’il m’en soutient, de 5 à 600 lieues de chemins
de fer, exploitées par 52 compagnies, qui ne peuvent avoir le même service de
locomotion, il faut changer de locomotion, chaque fois qu’on passe sur le
terrain d’une autre compagnie. En Angleterre, donc, les compagnies sont
nombreuses, où elles ne sont pas centralisées, il faut un bien plus grand
nombre de locomotives qu’en Belgique.
Pour établir la comparaison, il faudrait rapprocher
le nombre de lieues parcourues ; il faudrait voir combien une locomotive
parcourt de lieues dans un temps donné. Or, en Angleterre, d’après le tarif de
l’ingénieur français que je citais tout à l’heure, une locomotive parcourt, en
moyenne, de 7 à 8 lieues. Evidemment, nous locomotives ne font pas assez
d’ouvrage. Evidemment, loin de manquer de locomotives, nous en avons trop. Et
il est temps de s’arrêter dans cette dépense.
Il y a toujours, dans l’administration, des
personnes qui poussent à la dépense, au renouvellement des rails, des
locomotives, aux constructions dans les stations. Je désire que
l’administration supérieure se tienne en garde contre cette impulsion aux
dépenses inutiles.
M. de Garcia. -
Dans une séance précédente, M. le ministre des travaux publics a déclaré qu’il
ne se fait plus de voitures dans les ateliers de l’Etat. Cette mesure est, à
mes yeux, la meilleure dans l’intérêt de l’industrie et la plus économique pour
le trésor. Il vient de dire qu’il s’y fait encore des locomotives. Je
demanderai a M. le ministre si les ingénieurs ne font
pas, aux frais de l’Etat, des essais et des expériences pour le
perfectionnement des locomotives. Je ne prétends pas condamner ces essais. Au
contraire, je les loue et je félicite le gouvernement de chercher ainsi à faire
marcher la science, comme l’a dit l’honorable M. Devaux. Mais je demanderai si
lorsqu’un ingénieur de l’Etat salarié par le gouvernement, opérant ses
expériences avec les deniers publics, fait une découverte, je demanderai si cet
ingénieur reçoit une prime quelconque.
Je conçois qu’on accorde une prime à un ingénieur
qui n’est pas rétribué par l’Etat et même à un ingénieur fonctionnaire
lorsqu’il procède à ses découvertes avec ses deniers ; mais je considérerais
comme un abus l’allocation d’une prime à un ingénieur salarié, à un ingénieur
faisant des expériences et des découvertes aux frais du trésor. Dans cette
position, dans cette hypothèse, le temps de l’ingénieur fonctionnaire public,
son travail, le produit de son génie doivent rester acquis à l’Etat.
M. le ministre des travaux
publics (M. Dechamps) - L’honorable M. de Garcia me
paraît avoir voulu faire allusion à l’ingénieur en chef Cabri, qui a doté la
Belgique du système de l’expansion variable. Aucune prime ne lui a été
accordée, et le brevet ne lui a même été délivré qu’à la condition qu’il n’en
retirerait rien. Cependant, s’il est vrai qu’un fonctionnaire doit à l’Etat
tous ses services, il est certain, qu’il ne lui doit pas des inventions
nouvelles. (Adhésion générale.) Je
regrette profondément, pour ma part, qu’il n’ait pas été possible d’accorder à
cet ingénieur l’allocation de 30,000 fr. qui a figuré, il y a quelques années,
au budget de l’intérieur en faveur de celui qui aurait apporté au locomotives
les perfectionnements les plus propres à produire une économie de combustible.
Car, messieurs, il est évident pour moi que le système d’expansion variable a
produit au trésor une somme très considérable d’économie, et que si l’on
accordait à cet ingénieur une récompense de quelques mille francs, cette
allocation ne serait considérée par tous que comme un acte de justice et de
sage administration.
M. Mast de Vries. - Certainement, on devrait la voter.
M.
de Garcia. - Je suis d’accord avec M. le ministre
qu’il faut récompenser le talent et le génie, lorsqu’il ne s’exerce pas aux
frais de l’État. Mais j’ai demande si pour des expériences tendant à
l’amélioration des machines, expérience qui se font
avec l’argent de l’Etat, dans les ateliers de l’Etat, on accordait des primes.
M. le ministre des travaux
publics (M. Dechamps) - Non.
M. de Garcia. - En ce
cas nous sommes d’accord avec M. le ministre.
Je reconnais qu’il y a lieu d’accorder une prime à
un ingénieur employé par l’Etat aussi bien qu’à tout autre, lorsqu’il fait ses
expériences avec ses propres deniers. Mais je maintiens que lorsque ces expériences
se font au moyen des subsides que nous votons, il y aurait abus d’accorder des
primes. L’on observe qu’il serait juste, qu’il serait utile de conserver des
primes pour les auteurs de découvertes nouvelles. C’est parfaitement juste, et
je féliciterais le gouvernement de proposer même une somme de 30,000 fr. pour
celui qui ferait la découverte la plus utile dans l’intérêt du pays ; mais je
veux que tous les ingénieurs mécaniciens soient sur la même ligne, soit qu’ils
fassent partie de l’administration, soit qu’ils y soient étrangers. Je veux
qu’ils procèdent avec leur génie et par les mêmes moyens pécuniaires. Mais
j’avais demandé que si les expériences se faisaient aux frais de l’Etat, par
des fonctionnaires de l’Etat, dans les ateliers de l’Etat, les produits
appartinssent à l’Etat. La conduite inverse me paraît un abus, et un privilège
en faveur des fonctionnaires au détriment des autres citoyens qui se livrent à
l’étude des découvertes utiles à la société.
M. Rogier. - Je pense, messieurs, que les expériences qui peuvent profiter au chemin
de fer, ou à l’intérêt général, doivent être autorisées par l’Etat, se faire à
ses frais et non aux frais de celui qui s’occupe de l’expérience. Je crois
même, quoi qu’en dise M. le ministre des travaux publics, que les choses se
passent ainsi, que lorsqu’un ingénieur ou un employé quelconque demande à faire
une expérience, cette expérience ne se fait pas aux frais de l’ingénieur ou de
l’employé lui-même.
M. le ministre des travaux
publics (M. Dechamps) - Certainement ; je n’ai pas dit
le contraire.
M. Rogier. - Dans ce cas vous n’êtes pas d’accord sur ce point avec l’honorable M. de
Garcia et je vous en félicite. Je crois qu’il faut encourager de toutes
manières les procédés nouveaux et que le gouvernement doit donner la main aux
expériences qui en constatent l’efficacité. C’est là un des beaux côtés de sa
mission.
Il est bon que le chemin de fer devienne en quelque
sorte un terrain d’épreuves non pas pour toutes les folies qui peuvent passer
par la tête de toute espèce d’inventeurs, mais pour les idées nouvelles qui,
après examen, paraissent susceptibles d’une réalisation utile.
Le gouvernement peut être d’un grand secours, non
seulement à ses employés, mais à la généralité de ceux qui s’occupent
d’inventions. Souvent une invention nouvelle surgit dans un génie qui n’a pas
de capitaux à sa disposition. Eh bien, le gouvernement doit venir au secours
d’un pareil homme et souvent il obtiendra d’immenses résultats pour de très
faibles sacrifices.
Il y a au département des travaux publics une
division qui est chargée de l’examen de tous les procédés nouveaux. Lorsque ces
procédés sont jugés le moins du monde praticables, il faut qu’ils soient
expérimentés. Le chemin de fer, avec ses nombreux ateliers, son immense
matériel, peut faire beaucoup d’expériences sans qu’il en coûte cher à l’Etat ;
et j’engage M. le ministre des travaux publics à stimuler ses employés et tons
ceux qui s’occupent de perfectionnements, par des encouragements qui ne
compromettent pas les finances de l’Etat.
Puisque j’ai la parole,
j’ajouterai deux mots sur le service des locomotives.
Ainsi que l’a fait observer mon honorable ami M.
Devaux, nos locomotives, messieurs, eu égard à la besogne qu’elles font, n’ont
pas besoin de croître beaucoup en nombre. Elles sont bien loin de transporter
le maximum du poids qu’elles devraient transporter, si le chemin de fer
produisait tout ce qu’il doit produire.
Aujourd’hui, d’après l’aveu même de M. le ministre
des travaux publics, les convois se composent, en moyenne, de 80 voyageurs,
alors qu’une machine pourrait très facilement en transporter 400. Nos machines
ne vont que la moitié de la journée ; elles dorment la nuit, tandis que les
intérêts des capitaux engagés dans l’entreprise ne dorment pas, mais qu’ils
courent jour et nuit.
Les convois sur le chemin de fer ne peuvent être
trop multipliés s’ils sont utiles, c’est-à-dire si chaque convoi est bien
rempli. Or, la plupart du temps nos convois courent aux trois quarts ou à
moitié vides. Il faudrait un système d’exploitation qui tendit à utiliser
toutes les forces de nos locomotives. Il faut que les locomotives commencent
elles-mêmes par rapporter l’intérêt des capitaux qu’elles coûtent, et par payer
l’avoine qu’elles mangent, c’est-à-dire le coak
qu’elles consomment.
C’est au gouvernement à utiliser ces forces. Mais
aussi longtemps qu’on suivra un système d’exploitation incomplet et timide,
aussi longtemps qu’on n’imprimera pas à l’exploitation plus d’énergie et plus
de développement, le nombre actuel de nos locomotives suffira. Je ne demande
pas mieux que de voir ce nombre augmenter, mais c’est à la condition que le
mouvement du chemin de fer en voyageurs et en marchandises nécessite cette
augmentation.
Du reste, c’est une justice que nous devons rendre à
M. le ministre des travaux publics. La manière dont il a défendu son budget,
prouve qu’il a pris à cœur les grands intérêts qui lui sont confiés. Quant à
moi, quelles que soient les dissidences qui nous séparent au point de vue
politique, je dois rendre hommage à la manière dont il comprend ses fonctions
et je ne puis voir qu’avec plaisir qu’elles soient confiées à ses mains.
M. Devaux. - Messieurs, je crois aussi que lorsqu’il se fait une invention utile au
chemin de fer, une invention profitable au trésor, le gouvernement a tout
intérêt à le récompenser.
J’irai même plus loin ; si j’avais l’honneur d’être
ministre, je créerais un fonds pour récompenser, n’importe qui me proposerait
des idées économiques que je pusse adopter, et je n’hésiterais pas à promettre,
par exemple, pour une idée qui me ferait économiser 100,000 francs par an, une
récompense de 10,000 francs ; je crois que je ferais faire ainsi de très bonnes
affaires à l’Etat.
Messieurs, M. le ministre des travaux publics nous a
parlé de la nécessité de faire construire des locomotives à 14 pouces ; il
paraît que le besoin de ces locomotives à 14 pouces, pour transporter les
marchandises, se révèle, et se révèle assez subitement.
Je déplore, messieurs, la manière dont on a procédé
pour la construction des locomotives. Il paraît qu’aujourd’hui nous n’avons pas
assez de locomotives à 14 pouces et cependant on a construit des locomotives en
très grand nombre depuis quelques années. L’année dernière encore on en a
construit 20 ou 25, et dans ce nombre il n’y en a pas une seule à 14 pouces.
Je prends l’état de service des locomotives qui nous
a été communiqué par M. le ministre, et savez-vous ce que j’y trouve ? j’y trouve que depuis le 13 août 1839, il a été fourni 53
locomotives et que dans cette quantité il n’en figure pas une seule à 14 pouces
; ce sont toutes locomotives à 12 pouces ou à 12 pouces et demi.
Il y a là une imprévoyance singulière. Voilà deux
millions qui ont été dépensés pour des locomotives depuis le 13 août 1839, et
on n’a pas construit une seule locomotive à 14 pouces, dont on a maintenant
besoin pour le transport des marchandises.
Vous voyez combien les ministres doivent se mettre
en garde contre ces demandes de dépenses de l’administration inférieure.
Evidemment ou devait prévoir que l’on aurait besoin de locomotives à 14 pouces,
et dans les 53 qu’on a construites depuis le 13 août 1839, on pouvait
comprendre quelques-unes de celles dont fait sentir aujourd’hui.
- L’art. 7 est mis aux voix et adopté.
Paragraphe 4 - Service des transports
Articles 8 et 9
« Art. 8. Traitements et indemnités des
fonctionnaires, employés et gardes-convois : fr. 381,560 »
« Art. 9. Main-d’œuvre, travaux, fournitures,
indemnités pour pertes et avaries : fr. 575,380 »
- Ces deux articles sont adoptés.
Paragraphe
5 - Frais
de perception
Article 10
« Art. 10. Traitements et indemnités des fonctionnaires
et employés : fr. 222,010 »
M. Vanden
Eynde. - Dans la discussion générale du budget,
l’honorable M. Lys a appelé l’attention de la chambre sur une question qui me
paraît d’une très haute importance.
L’honorable M. Lys me semble avoir démontré la
nécessité de remettre aux mains de M. le ministre des finances la perception
des péages du chemin de fer. Il s’est basé sur l’intérêt du trésor et sur la
régularité de la comptabilité de l’Etat. Pour moi, je n’examinerai point la
question sous ce point de vue ; mais je veux l’examiner sous le point de vue
légal, sous le point de vue constitutionnel.
Dans sa réponse à l’honorable M. Lys, M. le ministre
des travaux publics a reconnu lui-même que l’agent chargé de distribuer les
coupons aux voyageurs, comme celui de recevoir la marchandise et de la livrer
contre payement des péages fixés par les tarifs, sont des agents comptables.
Or, l’agent comptable qui manie des deniers de l’Etat, n’importe dans quelle
administration il se trouve, doit nécessairement se conformer aux lois qui
règlent ses obligations et qui prescrivent ses devoirs. C’est du moins ainsi
qu’on l’entend dans un pays voisin. Je veux parler de la France, où pour les
deux sections du chemin de fer que le gouvernement exploite lui-même, ces
péages sont perçus par des employés dépendant du département des finances.
Ces mesures, qui existent en France, sont
formellement prescrites par l’ordonnance du 31 mai 1838, qui règle les
attributions de la cour des comtes éparpillées dans diverses lois françaises.
Je ne vois pas pourquoi on ne suivrait pas en Belgique la même impulsion, en
Belgique surtout, où nous avons non seulement une disposition légale sur ce
point, mais où il existe une disposition constitutionnelle qui tranche la
question.
En effet, messieurs, l’art. 116 de la constitution
porte que la cour des comptes est chargée de l’examen et de la liquidation des
comptes de tous les comptables envers le trésor public, et l’art. 115 oblige le
ministre des finances à porter dans son compte général des recettes de l’Etat
les recettes opérées par tous les comptables. Cet article rend ainsi les
comptables responsables de leur gestion vis-à-à-vis du ministre des finances.
Il s’ensuit qu’en Belgique existe le même principe qu’en France, que tout agent
maniant les deniers de l’Etat est responsable de sa gestion vis-à-vis du
ministre des finances, comptable envers lui et justiciable de la cour des
comptes.
Ces principes, messieurs, qui
sont écrits dans notre pacte fondamental, ont été même appliqués et par
l’honorable ministre des finances et par l’honorable ministre des travaux
publics dans le projet de loi présenté récemment sur la comptabilité de l’État
; car je crois que M. le ministre des travaux publics a concouru à la confection
de ce projet. Les principes que je viens de développer et qui se trouvent dans les art. 115 et 116 de la constitution, reçoivent une
application directe dans le projet de loi sur la comptabilité dé l’État : il y
est dit, notamment dans l’art. 6, que les agents commis aux deniers de l’Etat
sont responsables de leur gestion vis à vis du ministre des finances, et
justiciables de la cour des comptes. Je m’étonne dès lors de la déclaration
faite par M. le ministre des travaux publics dans la discussion générale que
contrairement à la disposition constitutionnelle que j’ai invoquée, le
département des finances et le département des travaux publics avaient fait un
arrangement pour faire contrôler les agents, préposés à la perception des
péages, par des fonctionnaires supérieurs du ministère des finances. Si cet
arrangement a été fait, il est en opposition directe avec les articles 115 et
116 de la constitution ; ce serait même une déclaration formelle que, lors même
que nous adopterions la loi sur la comptabilité de l’Etat, M. le ministre des
travaux serait décidé à ne pas l’exécuter, en ce qui concerne la perception des
péages du chemin de fer.
Je pense donc, messieurs ; qu’il faut concentrer
entre les mains du ministre des finances toutes les recettes quelconques, aussi
bien les recettes du chemin de fer que les recettes des postes ; qu’il faut le
faire non seulement dans l’intérêt du trésor et de la régularité de la
comptabilité de l’Etat, mais encore parce qu’une disposition de la constitution
l’exige formellement.
M. Osy. - Comme membre de la section centrale du projet de loi sur la
comptabilité de l’Etat, je dirai à la chambre que nous nous sommes déjà occupés
de la question soulevée par l’honorable M. Vanden Eynde. Nous avons prié M. le
ministre des finances de nous fournir la convention faite entre les deux
départements. Je crois qu’il vaudrait beaucoup mieux attendre la discussion de
la loi sur la comptabilité pour examiner s’il convient d’attribuer au
département des finances ou de laisser à celui des travaux publics la
perception des péages du chemin de fer.
M.
le ministre des travaux publics (M. Dechamps) - Je partage l’opinion de l’honorable M.
Osy. Je crois que la question trouvera mieux sa place lorsque nous discuterons
la loi sur la comptabilité de l’Etat.
Déjà, messieurs, j’ai traité cette question et je
croyais avoir répondu d’une manière péremptoire aux arguments présentés par
l’honorable M, Lys. Envisageant la question au point de vue administratif, je
croyais avoir démontré la nécessité, pour le chemin de fer, d’une forte unité
administrative ; je croyais avoir démontré que cette unité était impossible
dans le système proposé, que le service des transports ne pouvait pas être
séparé du service de la perception. Les délégués du département des finances
dans la commission mixte ont reconnu eux-mêmes que le service des transports
était intimement lié à celui de la perception. Le système proposé conduirait
donc directement à une désorganisation complète de l’administration actuelle ;
il vaudrait mieux transférer tout d’un coup l’exploitation tout entière du
chemin de fer au département des finances.
Je ne veux pas entrer maintenant dans la question de
constitutionnalité ni dans celle de la régularité de la comptabilité ; ces
questions seront traitées lorsque nous discuterons la loi sur la comptabilité.
L’honorable M. Vanden Eynde est dans l’erreur lorsqu’il croit que l’art. 6 de
la loi proposée par le gouvernement est contraire à l’opinion que j’ai
soutenue. Cet article, dont je n’ai pas le texte sous les yeux, dit, en
substance, que les revenus de l’Etat sont perçus sous les ordres ou sous la
surveillance du département des finances. Eh bien, messieurs, cette
surveillance, je l’admets. M. le ministre des finances et moi sommes d’accord
sur l’utilité d’établir un contrôle, une surveillance des recettes et de la
comptabilité du chemin de fer par les agents supérieurs du département des
finances.
Ainsi, messieurs, l’opinion que j’ai défendue n’est
nullement en contradiction avec le principe qui repose dans l’art. 6 de la loi
sur la comptabilité de l’Etat. Du reste, messieurs, lorsque sous en serons à la
discussion de cette loi, il ne me sera pas difficile de démontrer que les
articles 115 et 116 de la constitution n’empêchent pas d’avoir au chemin de fer
une bonne administration unitaire et forte et que nous ne serons pas obligés de
sacrifier les colonies à un principe. Il me sera facile aussi de démontrer que
rien ne s’oppose à la conciliation d’une bonne administration avec la
régularité de la comptabilité.
M. Vanden
Eynde. - Messieurs, mon sentiment, en traitant la
question au point de vue de la légalité et de la constitutionnalité, n’était
pas de la faire résoudre immédiatement. J’ai seulement voulu attirer
l’attention de l’assemblée sur l’importance de cette question.
La réponse que l’honorable ministre des travaux
publics avait faite à l’honorable M. Lys, ne portait nullement sur la question
de constitutionnalité ; elle ne portait que sur la régularité qu’il y aurait à
faire entrer cette administration dans les attributions du ministère des
finances. En ce qui concerne l’objection faite par M. le ministre des travaux
publics sur la portée de l’art. 6 du projet de loi sur la comptabilité, ce
n’est pas le moment de critiquer cette disposition, mais je dois faire
remarquer, pour répondre à M. le ministre, qu’elle renferme une véritable
contradiction. En effet, d’un côté cet article rendrait les agents comptables
responsables envers le ministre des finances, tandis que d’un autre il
permettrait, suivant M. le ministre, de placer ces agents sous les ordres d’un
autre ministre. Evidemment cela est contradictoire ; cela n’est admis nulle
part ; vous ne le trouverez dans aucun autre pays...
M.
le ministre des travaux publics (M. Dechamps) - Il n’existe pas dans les autres pays des chemins de fer exploités par le
gouvernement.
M. Vanden
Eynde. - Il en existe en France, et M. le ministre des
travaux publics sait fort bien que là les péages du chemin de fer sont perçus
non pas par le département des travaux publics, mais bien par le département
des finances. Or, je ne sache pas que jusqu’à ce jour il en soit résulté une
seule difficulté.
M. de Corswarem. - Je dois appeler l’attention
de M. le ministre sur un point qui ne regarde pas les frais de perception, mais
le mode de perception ; sur la section de Landen à Waremme il existe deux
haltes intermédiaires, celle de Rosoux et celle de
Gingelom. Les convois à grande vitesse ne s’arrêtent pas à ces haltes, mais les
convois de marchandises s’y arrêtent, le matin, en allant vers Liége et le soir
en allant vers le Brabant ; cela suffit jusqu’à présent, mais les voyageurs qui
prennent le convoi à la halte de Rosoux doivent payer
tout le parcours de Landen à Waremme, tandis que ceux qui prennent le convoi à
Gingelom ne paient que depuis là jusqu’à la station où ils se rendent ; il en
résulte que les voyageurs qui parcourent la moindre distance paient le plus et
que ceux qui parcourent la plus grande distance paient le moins. Cette
inégalité éloigne les voyageurs de la halte de Rosoux
et les attire vers celle de Gingelom.
Les habitants des communes voisines de Rosoux accusent le gouvernement de partialité en faveur de
la halte de Gingelom ; ils prétendent que l’administration agit ici dans le but
de diminuer graduellement l’importance de la halte de Rosoux,
afin de pouvoir la supprimer plus tard entièrement. Je demanderai que M. le
ministre veuille bien prendre une mesure quelconque pour rétablir l’égalité
entre ces deux haltes.
- L’article 10 est mis aux voix et adopté.
Article 11
« Art. 11. Loyer des locaux : fr. 5,300 »
Adopté.
Article 12
« Art. 12. Personnel des postes : fr.
825,000 »
M. Rodenbach. -
Messieurs, je ne contesterai pas le chiffre demandé par M. le ministre des travaux
publics, pour l’érection de bureaux de poste, puisque l’expérience nous a
démontré que plus le nombre des perceptions de poste est
considérable, plus les produits augmentent. En effet, en 1834 les postes ne
rapportaient que 1,600,000 francs, tandis que
maintenant elles rapportent 3,243,000 fr. J’ai particulièrement demandé la
parole pour attirer l’attention de M. le ministre sur les améliorations qu’il
est nécessaire d’introduire dans l’administration des postes.
J’ai dans la troisième section soulevé la question
de l’uniformité de la taxe des lettres. Je vois que la question est très grave.
Je ne demande pas que cette uniformité soit introduite en Belgique d’une
manière aussi brusque qu’elle l’a été Angleterre. En Angleterre on a diminué
d’emblée la taxe de la poste aux lettres de cinq sixièmes. La moyenne de la
taxe en Angleterre est de 60 centimes, et on l’a réduite à dix centimes. C’est
une diminution de cinq sixièmes. Voilà pourquoi le produit de la taxe des
lettres a été considérablement diminué en Angleterre. Cependant les revenus
augmentent d’année en année, vu que le nombre des lettres va en croissant.
Messieurs, on doit en convenir, la poste aux lettres
est excessivement chère en Belgique ; la taxe moyenne est d’environ 40
centimes. Je demanderai à M. le ministre des travaux publics si l’on ne
pourrait pas fixer cette moyenne à 20 ou 25 centimes. M. le ministre a dû
examiner cette question ; on s’en occupe en France et dans d’autres pays.
J’ai à réclamer sur un autre
fait. On exige à la campagne un décime en plus. C’est une injustice que
d’exiger cette rétribution extraordinaire, surtout pour de courtes distances
d’une demi-lieue, d’une lieue. C’est un motif pour lequel bien souvent on ne
confie pas ses lettres à la poste ; on préfère les donner aux messagers, parce
que ce mode de transport est moins cher. Je crois qu’il y a des améliorations à
apporter dans cette partie du service.
Les journaux ont, à diverses reprises, signalé des
soustractions de valeurs qui avaient été confiées à la poste ; je sais qu’il y
a eu souvent de l’exagération et des inexactitudes dans ces assertions ; mais
le fait est que du moins il y a eu des soustractions, puisqu’il y a eu des
condamnations. N’y aurait-il pas moyen de prévenir autant que possible ces
faits déplorables ? Ne pourrait-on pas exiger des facteurs un cautionnement ?
Cela amènerait une épuration dans le personnel. La défiance est telle
aujourd’hui qu’on n’ose presque plus confier des valeurs à la poste. Il me
semble qu’un monopole comme la poste doit inspirer une grande confiance.
Messieurs, on a présenté sous le précédent ministère
un projet de loi sur la poste aux chevaux. Le ministère actuel a retiré cette
loi. Il nous arrive à chaque instant des pétitions des maîtres de poste qui
demandent qu’on veuille s’opposer de cet objet, qui traîne depuis des années.
Je prierai M. le ministre des travaux publies de vouloir bien présenter un
nouveau projet dans le plus bref délai possible.
M. Osy. - Lors de la discussion du budget des voies et moyens, j’ai demandé à M.
le ministre des travaux publics si nous pouvions enfin espérer d’avoir une
convention postale avec l’Angleterre. Je disais alors que les villes
anséatiques et la Hollande avaient fait un arrangement très avantageux avec
l’Angleterre, et qu’il était désirable qu’un arrangement semblable et prochain
fût conclu par la Belgique, la nation la mieux située en Europe pour le
transport des dépêches de l’Angleterre vers l’Allemagne, la Russie et l’Orient.
J’ai appris que notre ministre plénipotentiaire à Londres est en congé. Je
désire savoir si le gouvernement a l’espoir d’arriver bientôt à un arrangement
avec l’Angleterre.
M. Desmet. - Quoi qu’en ait dit un honorable préopinant, la réduction qu’on a opérée
sur la taxe des lettres en Angleterre, n’y a pas produit des résultats
favorables ; on s’en plaint dans ce pays. Or, serait-il prudent d’opérer une
réduction du même genre en Belgique, dans un moment où les dépenses du budget
de l’Etat dépassent le chiffre des recettes ? Il n’y a pas de raison, selon
moi, pour diminuer le port des lettres : c’est une charge qui n’est pas fort
onéreuse à ceux qui la paient. On a parlé de l’équité qu’il y aurait à
supprimer le décime rural. C’est un surcroît de taxe dont on ne se plaint pas à
la campagne, et qu’on paie volontiers, en retour de l’avantage d’avoir un
facteur qui vous apporte tous les jours vos lettres et vos journaux.
J’appelle l’attention de M. le ministre des travaux
publics sur le sort des facteurs. Ces employés, qui sont occupés toute la
journée, qui n’ont ni trêve, ni repos, sont très mal payés : ils n’ont qu’un
franc et demi par jour. Les employés du chemin de fer, qui ont moins de
besogne, sont bien mieux rétribués.
M. Cogels. - Messieurs, l’honorable M. Rodenbach s’est plaint de soustractions de
valeurs qui ont eu lieu à la poste. Il y a un moyen tout simple d’éviter ces
soustractions, c’est de faire charger les lettres ; je ne pense pas que le
remède indiqué par l’honorable membre soit efficace. Ces soustractions ne sont
pas toujours le fait des facteurs, elles peuvent même se commettre plus
facilement dans les bureaux que par les facteurs, parce que dans les bureaux il
est impossible de savoir qui s’est rendu coupable de la soustraction, tandis
que lorsque la soustraction est le fait d’un facteur, comme chaque facteur a
son ressort, on peut diriger immédiatement ses soupçons sur le facteur qui
aurait commis le vol.
Quant à ce qui regarde la réduction du port des
lettres à une taxe uniforme, telle qu’elle existe en Angleterre, je ne vois pas
le grand avantage que le pays retirerait de cette mesure. On s’en est mal
trouvé en Angleterre. On y a subi une grande diminution dans cette branche du
revenu, et je ne pense pas que, dans la situation de notre trésor, nous devions
nous exposer au même résultat.
Si le gouvernement veut faire quelque chose d’utile
dans cette partie de l’administration, il doit principalement chercher à
obtenir une économie dans les ports de lettres que nous payons à l’étranger,
c’est-à-dire à faire des conventions postales, où la Belgique ne joue pas,
comme elle l’a fait jusqu’ici, un véritable rôle de dupe.
Ainsi, si nos renseignements sont
exacts, notre convention postale avec la France est tout à l’avantage de la
France ; pas plus pour le transport des lettres par la Belgique, que pour le
transit que nous offrons sur notre territoire, la France ne donne à la Belgique
ce que l’administration des postes en France se fait payer.
Pour ce qui regarde l’Angleterre, c’est encore bien
pis. Je vais citer un seul exemple, qui établira tout ce que nous payons à
l’Angleterre. Tout le monde sait qu’une lettre simple, expédiée d’Anvers ou de
Bruxelles pour Ostende, est taxée à 40 centimes ; eh bien, le même
affranchissement pour l’Angleterre est d’un franc, par conséquent nous payons à
l’Angleterre 60 centimes pour le trajet d’Ostende à Douvres. Arrivée à Douvres,
cette lettre n’en a pas fini avec la taxe ; le négociant à qui elle est
adressée, doit payer un schelling 4 pence, et qui fait un franc 68 centimes.
Voilà donc qu’un port de lettres pour Londres nous coûte 2 fr. 68 c. Or, cette
taxe a déjà été réduite pour la Hollande ; elle a subi également une diminution
considérable pour la France. L’affranchissement est aujourd’hui facultatif en
France. Il en résulte beaucoup moins d’embarras pour le commerce ; il en est
résulté une grande économie pour les négociants, quant au montant des parts.
Messieurs, pour nos relations avec l’étranger, cela
est d’autant plus essentiel, que le port est réellement payé par la Belgique,
et au profit de l’étranger. C’est une question sur laquelle j’appelle toute
l’attention de M. le ministre des travaux publics.
M.
de Garcia. - Messieurs, l’institution de la poste
rurale est un véritable progrès et une amélioration dans l’administration
générale du pays ; mais elle laisse encore beaucoup à désirer.
La poste rurale est aujourd’hui desservie, aussi
bien qu’elle peut l’être dans l’état actuel des choses ; mais les employés
subalternes ne sont pas suffisamment rétribués, pris égard à la besogne
excessive et accablante qui leur est imposée. Souvent ils sont appelés à faire
des courses que ne comportent pas les forces physiques de l’homme.
Dans ma province, je connais des facteurs de la
poste rurale qui sont obligés de faire chaque jour huit ou neuf lieues, et
quelquefois ils doivent en faire onze ou douze. Je demande comment il est
possible qu’un homme suffise à un travail si fatigant.
Je pense que M. le ministre des
travaux publics ferait bien de se faire remettre un rapport sur cet objet par
les directeurs des postes dans les provinces ; je crois que le gouvernement ne
devrait exiger d’aucun facteur qu’en règle générale il fît plus de quatre ou
cinq lieues par jour.
Il n’est pas sans exemple que des facteurs soient
devenus victimes du travail écrasant auquel ils sont assujettis aujourd’hui ;
j’en connais plusieurs qui sont morts de la phthisie,
et cette maladie ne s’était déclarée chez eux que par les fatigues incessantes
qu’ils avaient eu à supporter.
Eh bien, messieurs, ceux de ces malheureux employés
qui sont les mieux rétribués, reçoivent un traitement de 600 fr., d’autres
n’ont qu’un traitement de 550 fr. ! Tout le monde conviendra que cette classe d’employés
n’est pas convenablement rétribuée.
Il y a quelques années, nous avons voté une somme de
60,000 fr. pour l’amélioration de la position de ces fonctionnaires
subalternes. Il ne me paraît pas que leur sort ait été amélioré. Etait-il dans
toute l’administration une classe d’employés qui fussent plus dignes de la
sollicitude du gouvernement ?
Ils n’ont aucun jour de repos, ils ne peuvent
s’arrêter ni devant l’orage, ni devant le froid, ni devant la chaleur ; quelque
temps qu’il fasse ils doivent marcher ; car il faut qu’ils arrivent à une heure
marquée.
Je convie M. le ministre de fixer son attention sur
ce point. Le service de la poste, dans les communes rurales, est une grande
amélioration de notre époque ; je regarde cela comme un progrès. Je désire que
ces facteurs ruraux puissent être rétribués convenablement et remplir leurs
fonctions sans exposer leur vie, leur santé et souvent la position d’une
famille sans fortune.
M. Castiau. - J’ai demandé la parole parce que je ne veux pas laisser propager une
erreur dans laquelle est tombé, je pense, l’honorable M. Desmet, et qu’est venu
ensuite soutenir l’honorable M. Cogels. Ces honorables membres faisant allusion
à l’innovation introduite en Angleterre dans le service de la poste, ont
prétendu qu’elle avait été suivie d’une sorte de désappointement, et que
l’établissement d’une taxe uniforme pour les lettres n’avait pas répondu à
l’attente de ceux qui avaient adopté cette mesure.
Je pense que les souvenirs des honorables membres
les trompent en cette occurrence. Loin que les espérances de ceux qui ont
proposé la réforme postale aient été trahies, elles ont été dépassées, je
crois, par l’événement même.
Le service de la poste aux lettres était resté
stationnaire pendant plusieurs années ; il n’y avait progression ni pour le
nombre des lettres ni pour l’importance des revenus.
Eh bien, dans l’année qui a suivi l’adoption de la
taxe uniforme, quel a été le résultat de cette mesure ? C’est que le nombre des
lettres confiées à la poste a doublé dès la première année. Sans doute, la
recette a été notablement diminuée par suite de l’abaissement trop brusque
peut-être de la taxe ; mais les honorables préopinants doivent reconnaître que
l’immense et subit développement que le transport des lettres a pris, est déjà
un grand avantage pour le pays. Cette amélioration déjà si remarquable, s’est
continuée l’année suivante, ce qui a triplé le nombre des lettres transportées
par la poste. Que la progression continue encore quelques années et l’on remontera,
pour la recette, au chiffre du revenu ancien de l’administration de la poste.
L’on aurait donc ainsi rendu un grand service au pays, sans compromettre en
rien les intérêts du trésor.
Cet exemple de l’Angleterre contre lequel on veut
vous prémunir, a paru, au contraire, tellement décisif pour d’autres pays,
qu’en France, ainsi qu’on vous l’a dit, on s’occupe aussi très sérieusement de
la question, qu’un des principaux arguments qu’on fait valoir en faveur du
système anglais est le fait incontestable d’une progression de correspondance
qui paraît ne pas devoir rencontrer de limites.
On peut, du reste, différer d’opinion sur l’adoption
du système anglais, mais nous devons tous reconnaître qu’il y a nécessité de
réduire la taxe qui pèse sur les lettres ; elle est jusqu’à un certain point
exorbitante. Pour le trajet à travers le pays la taxe peut s’élever pour une
lettre simple, pour une lettre du poids de 7 grammes, à 90 centimes ; si le
poids est triple, la taxe peut s’élever de 2 à 5 francs.
J’ai lieu de m’étonner que l’honorable M. Cogels,
qui d’habitude défend avec tant d’habileté dans cette enceinte les intérêts du
commerce et de l’industrie, ne vienne pas se réunir à nous pour demander la
réduction de la taxe sur les lettres qui pèse principalement sur le commerce et
l’industrie, car le plus grand nombre de lettres sont des lettres d’affaire et
d’intérêt. Il est telle maison de commerce qui paye jusqu’à 1,000 fr. par mois,
à ce qu’on m’assure, de ports de lettre. Il faut dégrever le commerce de cette
taxe, et donner en même temps plus de facilité au développement des relations
épistolaires qui touchent à la circulation des idées et au mouvement des
intérêts.
Maintenant quel système faut-il adopter : une taxe
uniforme ou une réduction des taxes actuelles ? Ce sont là des questions que le
gouvernement doit examiner et sur lesquelles il nous donnera bientôt sans doute
des renseignements. Il ne s’agit pas ici seulement de l’intérêt des
particuliers, mais aussi de l’intérêt du gouvernement. On l’a répété souvent,
le système de l’élévation des taxes est aussi fatal au gouvernement qu’aux
particuliers, aussi bien pour le transport des lettres que pour les transports
par le chemin de fer. Dans la discussion relative au chemin de fer, on a plaidé
la question de la réduction des tarifs pour arriver à un transport plus
considérable de voyageurs et de marchandises. Il en est de même pour les
lettres, la réduction de la taxe aurait inévitablement pour effet d’augmenter
le nombre des lettres transportées par la poste.
Il résulte de la taxe actuelle une gêne qui pèse sur
la correspondance ; outre qu’elle est moins nombreuse, la recette que pourrait
faire le gouvernement est moins forte ; malgré la prohibition de la loi, on
peut se servir d’intermédiaires pour éluder la taxe. Vous voyez que l’intérêt
du trésor et celui des particuliers sont également intéressés à ce qu’on adopte
la réduction proposée.
Cette réduction, je crois devoir
la réclamer, non seulement pour les lettres, mais encore pour les imprimés et
les journaux. Je sais que les imprimés et les journaux jouissent déjà d’une
taxe de faveur. Ils sont soumis à une taxe uniforme qu’on peut trouver assez
modérée
Mais il ne faut pas séparer cette taxe de la taxe du
timbre, ce qui élève l’impôt sur chaque numéro d’un journal à 6 centimes. Ceci
donne pour l’année et par numéro de journal la somme de 21 fr. Dans l’état
actuel des choses que les journaux ont dû abaisser leurs prix et les réduire à
40 fr., le fisc perçoit ainsi en droit de timbre et de poste la moitié, non du
bénéfice de l’éditeur, mais du prix brut de la feuille. N’est-ce pas là une
sorte de confiscation ?
Ce droit est plus exorbitant encore quand on
considère ce qui se passe vis-à-vis des journaux étrangers, la taxe est bien
autrement élevée ; il s’agit non pas de 2 centimes de port, mais de 10 centimes
; avec le timbre cela fait 14 centimes par feuille. Le journal étranger, pour
arriver ici, ne coûte donc pas moins de 50 fr. de timbre et de poste ; c’est là
évidemment un droit prohibitif.
Pour en finir avec ces questions de réduction de
taxe, j’appellerai l’attention du gouvernement non seulement sur la taxe des
lettres et des journaux, mais sur le prix du transport des sommes que l’on
confie à la poste, La taxe qu’on paie n’est pas moins de 5 p. c. des valeurs
transportées. Si l’on suppose qu’une somme de 100 fr. fasse un voyage mensuel,
elle sera réduite, à la fin de l’année, à 40 fr. et laissera 60 fr. dans les
caisses du trésor. Ce sont là des droits vraiment usuraires. Le gouvernement
doit renoncer à ces exagérations, d’autant plus qu’il en serait de l’argent
comme de la correspondance. Si le gouvernement réduisait de moitié la taxe de 5
p. c. pour le transport de l’argent, il en résulterait une rapide augmentation
de transport de numéraire. Vous voyez que sur toutes ces questions, les
intérêts du trésor sont d’accord avec ceux du commerce et de l’industrie, pour
appuyer toutes les améliorations qu’on réclame en ce moment.
M. Rodenbach. - A
entendre l’honorable M. Cogels, il semblerait que j’ai demandé la suppression
des cinq sixièmes de la taxe des lettres. C’est cette énorme réduction qui a
jeté la perturbation la première année dans les recettes de l’administration
des postes en Angleterre. Je n’ai pas demandé cela. J’ai dit qu’en Belgique la
moyenne de la taxe des lettres était de 40 centimes par lettre. C’est
exorbitant. J’ai demandé qu’on la réduisît à 25 centimes.
L’honorable préopinant vient de dire que déjà le
nombre des lettres transportées avait doublé en Angleterre l’année qui a suivi
l’adoption de la taxe uniforme et triplé la seconde année. En admettant qu’ici
une réduction de taxe de 40 à 25 centimes fasse doubler seulement le nombre des
lettres transportées par la poste, le produit, au lieu de diminuer, augmenterait
probablement.
J’ai ajouté que c’était une question grave que celle
de la taxe des lettres, puisqu’on s’en occupait partout en France et ailleurs
et que je crois que M. le ministre s’en était occupé aussi.
Si on ne veut pas réduire la taxe au taux moyen de
25 centimes, qu’on essaie de la réduire à 30 centimes, la Belgique ne serait
pas ruinée par cet essai s’il ne réussissait pas.
L’honorable député d’Anvers a également parlé des
cautionnements que j’avais proposé d’exiger des facteurs. J’ai dit, et je
répète, que si on pouvait améliorer le personnel de l’administration des postes
il n’y aurait pas de vols. Il a prétendu qu’en chargeant les lettres on pouvait
se soustraire à ce danger. Je répondrai qu’il y a eu des cas de soustraction de
billets de banque qui se trouvaient dans des lettres chargées. Le gouvernement
n’est responsable que d’une somme de 30 à 40 fr. ; de sorte que si une lettre
chargée contenant 50 mille fr. de billets de banque était soustraite, voila la
seule indemnité à laquelle vous auriez droit. Cependant le gouvernement
exerçant un monopole et se faisant payer très cher devrait être responsable des
valeurs qu’on lui confie.
J’ai dit que la taxe d’un décime en plus, qu’on
faisait payer pour remettre les lettres dans les communes rurales était très
forte. En effet, je ne vois pas pourquoi les campagnards doivent payer plus
cher que les citadins pour les lettres qu’ils envoient ou qu’ils reçoivent.
Pour éviter cette surcharge on remet les lettres aux messagers ou aux
diligences. Si on réduisait cette taxe à 5 centimes au lieu de 10, on
chercherait moins à s’y soustraire et la recette serait plus forte. Je persiste
à soutenir qu’on peut diminuer la taxe sur les lettres, sans exposer le trésor
à en souffrir.
M. le ministre des travaux
publics (M. Dechamps) - L’honorable membre a soulevé
la question de la taxe uniforme, et l’honorable M. Castiau a fait toutes ses
réserves contre l’opinion émise par quelques honorables collègues au sujet de
l’essai fait en Angleterre qui n’aurait eu, selon eux, aucun succès. Vous savez
que l’opinion des hommes compétents est très divergente sur cette matière. Des
études se poursuivent à ce point de vue en France, en Allemagne et en Belgique.
L’honorable M. Castiau a prétendu que les prévisions
de 1839, lorsque l’on a introduit en Angleterre le principe de la taxe uniforme
avaient été non seulement atteintes mais dépassées. Je ne considère pas cette
assertion comme complètement exacte.
En 1839, le promoteur de la taxe uniforme avait prétendu
prouver que le nombre de lettres serait immédiatement quintuplé. Lorsque le
comité d’enquête du parlement fit ses investigations, l’engouement était tel
que, dans l’évaluation du nombre des lettres, on allait jusqu’au décuple.
Les prévisions n’ont pas été atteintes puisque le
nombre de lettres n’a fait que doubler la première année. Mais remarquez que
l’on avait reconnu dans l’enquête que la moitié des lettres étaient fraudées.
On avait induit de là que de ce chef seul le nombre des lettres aurait doublé.
Le nombre des lettres n’ayant fait que doubler, les adversaires du principe de
la taxe uniforme (ce sont tous hauts fonctionnaires de l’administration des
postes) ont conclu de là que l’augmentation provenait de la renonciation à la
fraude et que la taxe uniforme avait eu peu d’influence sur cette augmentation
du nombre des lettres.
Mais les prévisions n’ont pas été atteintes, surtout
au point de vue financier.
M. Cogels. - C’est cela.
M. le ministre des travaux
publics (M. Dechamps) - Rowland-Hill avait avancé et
avait voulu démontrer qu’il y aurait immédiatement augmentation de la recette,
et le parlement avait posé le maintien du revenu comme condition au comité
d’enquête ; le comité d’enquête et le parlement, en fixant la taxe uniforme à
un penny, croyaient que le revenu du trésor n’en aurait reçu aucune atteinte.
Vous savez que la taxe des lettres produisait précédemment en Angleterre, non
pas, comme on l’a dit, 38 millions, mais, si je ne me trompe, 41 millions, et
que ce produit est tombé subitement à 3 millions de francs, c’est-à-dire qu’un
déficit de 346 p.c. a été constaté. Je sais que ce chiffre tend constamment à
remonter. Les partisans de la taxe uniforme n’ont pas encore perdu l’espoir que
le chiffre ancien pourra être atteint au bout d’un certain intervalle de temps.
L’erreur des partisans trop absolus de la taxe
uniforme, c’est de croire que la poste est une cause de l’augmentation des
affaires, tandis qu’elle n’en est que le résultat. On a établi que dans le
nombre des lettres, les lettres qu’on appelle lettres d’affection entrent pour
un sixième, les lettres d’affaires pour les cinq autres sixièmes. Un banquier
qui a un mouvement d’affaires nécessitant une correspondance de un million de
lettres, verra-t-il doubler ce mouvement d’affaires par le seul effet d’une
réduction sur la taxe des lettres ?
Le mouvement de ses affaires tient à de toutes
autres causes qu’à la taxe des lettres.
Je ne veux pas traiter cette question à fond ; je
n’y étais pas préparé, mais je ferai une réflexion. C’est que si l’on adopte la
taxe uniforme, il y aura immédiatement une réduction considérable dans le
revenu du trésor. On peut espérer la voir disparaître successivement et à la
longue ; c’est un problème ; mais une réduction immédiate est inévitable.
En fixant la taxe uniforme à 20 ou 10 centimes, par
exemple, on ferait diminuer le revenu du trésor d’un ou de deux millions. Il
est clair que dans la situation de nos finances, il est interdit au gouvernement
d’essayer d’un tel système.
Une différence existe entre la Belgique et
l’Angleterre. En Angleterre, le taux moyen était de dix décimes, tandis qu’en
Belgique le taux moyen est de 34 centimes. Ainsi la réduction n’aurait pas la
même influence qu’en Angleterre, elle n’aurait pas la même influence par un
autre motif, c’est qu’en Angleterre, d’après le système ancien, les imprimés
étaient exclus ; ils étaient tous transportés en fraude, tandis que, comme l’a
reconnu l’honorable M. Castiau, le prix du transport des imprimés en Belgique
est déjà très modéré ; doit-il l’être plus encore ? c’est
une question.
Je pense, du reste, qu’il y a quelque chose à faire.
On pourrait adopter un système consistant à supprimer immédiatement un ou deux
échelons de l’échelle de la taxe, les échelons maximum, en autorisant le
gouvernement à opérer des réductions successives et proportionnelles à
l’augmentation des recettes.
Dans ce système, le principe serait le maintien du
revenu ; mais lorsque le nombre des lettres et le revenu augmenteraient on
pourrait faire servir cette augmentation de recette à diminuer la taxe.
On a parlé du décime rural. Je pense que cette taxe
présente plus d’un inconvénient et que sa suppression totale n’en aurait
peut-être aucun. Il faudrait aussi réduire le port des lettres originaires ou
en destination de localités desservies par un même bureau de poste.
Toutes ces questions sont examinées par la
commission des postes qui a été instituée à cette fin. Cette instruction se
poursuit.
M. Rodenbach. - Et
la poste aux chevaux ?
M. le ministre des travaux
publics (M. Dechamps) - J’ai déjà déclaré que mon
intention était de présenter des amendements au projet de mon honorable prédécesseur.
Je n’ai pas promis de les présenter avant mon budget ; j’aurais craint de ne
pas tenir cette promesse. J’espère être en mesure de saisir prochainement la
chambre de cette question.
M. de Mérode. - Ce n’est qu’un espoir.
M. le ministre des travaux
publics (M. Dechamps) - Mon intention est de présenter
ce projet à la chambre, s’il est adopté par le conseil des ministres à qui il
est soumis.
Quant à la convention postale, le gouvernement n’a
pas discontinue de s’en occuper.
Un projet a été rédigé par l’office belge et
communiqué à l’office britannique. D’après les renseignements qui m’ont été
fournis, ce projet est soumis à l’examen des lords de la trésorerie.
Le gouvernement fera tous ses efforts pour que cet
examen se poursuive activement et pour que nos relations postales avec
l’Angleterre s’améliorent. A cette question se rattache une autre : celle de
l’amélioration du service des paquebots-postes entre l’Angleterre et Ostende.
Ce service se fait maintenant trois ou quatre fois par semaine ; c’est peu ;
les relations postales ne seront rapides et régulières que par l’organisation
d’un service quotidien.
Plusieurs membres. - La clôture.
M. Cogels. - Je demande la parole contre la clôture, car l’honorable M. Castiau m’a
bien mal compris, quand il croit que je m’oppose à toute réduction de la taxe
des lettres ; j’ai au contraire réclamé une réduction dans l’intérêt du
commerce.
- La clôture est prononcée.
L’art. 12 est mis aux voix et adopté.
Article 13
« Art 13. Matériel : fr. 395,546 fr. »
- Adopté.
M. le ministre des travaux
publics (M. Dechamps) - Comme la chambre paraît avoir
l’intention de renvoyer à demain la discussion du chapitre « Mines, » elle me
permettra de déposer sur le bureau un amendement relatif à un crédit nouveau
pour le jury des mines et l’indemnité de voyage des élèves des mines,
conformément aux dispositions de la loi organique. C’est une allocation
analogue à celle que la chambre a adoptée pour les élèves de l’école du génie
civil. Je propose aussi une augmentation à l’article « Personnel. » Je
dépose l’amendement et je le développerai demain.
- La discussion est continuée à demain.
La séance est levée à 5 heures.