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d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance du jeudi 22 février
1844
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Projet de loi portant le
budget du département des travaux publics pour l’exercice 1844. Discussion des
articles.
a) Ponts et chaussées. Classification
des routes et répartition du produit des barrières (au profit supposé du
Hainaut) (Peeters), routes dans la province de Liége (Lys, (+chemin de fer de la Vesdre) David),
classification des routes et répartition du produit des barrières (au profit
supposé du Hainaut) (Savart-Martel), situation
économique d’Alost, routes dans la Flandre orientale (de Naeyer), routes dans les provinces d’Anvers et du
Brabant (Vanden Eynde), recours à l’initiative
privée pour la construction de routes (Pirmez), classification
des routes et répartition du produit des barrières (au profit supposé du
Hainaut) (Dumortier), route dans les provinces du
Limbourg et de Namur (de Garcia), classification des
routes et répartition du produit des barrières (au profit supposé du Hainaut) (Peeters), réplique générale (y compris canal de Meuse et
Moselle, routes dans le Luxembourg, école du génie à Gand et personnel des
ponts et chaussées) (Dechamps), répartition des
travaux d’infrastructure entre provinces (de Theux),
recours à l’initiative privée pour la construction de routes (de
Man d’Attenrode)
b) Voies navigables. Tarif de la
Sambre et industrie charbonnière (Brabant, Delfosse, Dumont, Pirmez, de Theux, Eloy
de Burdinne, Dechamps, Delfosse,
Brabant, Dumont, Delfosse, Dechamps, David, Dumortier, Pirmez)
(Moniteur belge n°54, du 23 février 1844)
(Présidence de M. Liedts.)
M.
de Renesse
fait l’appel nominal à une heure et quart.
M. Scheyven lit le procès-verbal de la séance
précédente ; la rédaction en est adoptée.
M.
de Renesse présente l’analyse des
pièces adressées à la chambre :
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Le sieur
Gaspard-Frédéric Muller, à Anvers, né à Paris, demande la naturalisation. »
- Renvoi au
ministre de la justice.
_________________________
« Le sieur
Lefebvre, maître de poste à Bruxelles, prie la chambre de s’occuper du projet
de loi sur la poste aux chevaux. »
« Même
demande du sieur Dangonau, maître de poste à Wavre et
à Notre Dame-aux-Bois. »
- Dépôt sur le
bureau pendant la discussion du projet.
_________________________
« Les sieurs Poncelet et de Coppin demandent une prompte révision des lois sur la
chasse et sur la pêche, et dès maintenant des mesures répressives de certains
délits de chasse. »
- Renvoi à la
commission des pétitions.
_________________________
« Les fabricants et débitants de tabac de
Courtray et d’Harlebeke, présentent des observations
contre le projet de loi sur les tabacs. »
- Renvoi à la
section centrale chargée d’examiner le projet.
_________________________
« Plusieurs propriétaires et cultivateurs
notables du ci-devant Condroz présentent des observations sur le projet de loi
relatif aux céréales. »
- Renvoi à la
section centrale chargée de l’examen du projet.
_________________________
Par dépêche en
date du 21 février, M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) transmet à la chambre dix demandes
de naturalisation, accompagnées de renseignements y relatifs.
- Renvoi à la
commission des naturalisations.
COMPOSITION DES BUREAUX DE
SECTION
M.
de Renesse
fait ensuite connaître la composition des bureaux des sections de février ; ils
sont formés comme suit :
Première section
:
Président : M. de
Garcia
Vice-président :
M. Vanden Eynde
Secrétaire : M.
de Man d’Attenrode
Rapporteur des
pétitions : M. de Tornaco.
Deuxième section
:
Président : M.
Desmet
Vice-président :
M. de Roo
Secrétaire : M. Verwilghen
Rapporteur des
pétitions : M. Huveners.
Troisième section
:
Président : M.
Lange
Vice-président :
M. Osy
Secrétaire : M.
Van Cutsem
Rapporteur des
pétitions : M. de Chimay.
Quatrième section
:
Président : M.
Savart-Martel
Vice-président :
M. de Saegher
Secrétaire : M.
Lesoinne
Rapporteur des
pétitions : M. de Corswarem.
Cinquième section
:
Président : M.
Brabant
Vice-président :
M. de Mérode
Secrétaire : M. Thyrion
Rapporteur des
pétitions : M. de Florisone
Sixième section :
Président : M. de
Theux
Vice-président :
M. Malou
Secrétaire : M.
de Meester
Rapporteur des
pétitions : M. Zoude.
DEMANDES EN NATURALISATION
M. Henot présente plusieurs rapports sur des
demandes en naturalisation.
- La chambre
ordonne l’impression de ces rapports ; ils seront ultérieurement mis à l’ordre
du jour.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET
DU DEPARTEMENT DES TRAVAUX PUBLICS POUR L’EXERCICE 1844
Discussion des articles
CHAPITRE II. Ponts et chaussées. - Canaux,
rivières, poldres. - ports et côtes. - bâtiments civils. - personnel des ponts
et chaussées
SECTION PREMIÈRE. -
Ponts et chaussées
« Art. 1er.
Litt. A. Entretien des routes d’après les baux existants et ceux à intervenir
pour 1844 : fr. 1,705,506.
« Litt. B.
Salaires préposés des ponts à bascule : fr. 29,820.
« Litt. C.
Etude de projets, frais de levée de plans, achat et réparations d’instruments,
matériel et impression du service actif : fr. 20,000.
« Litt. D.
Travaux d’amélioration, réparations ordinaires et construction de routes
nouvelles : fr. 944,074 »
M. le président. - L’ordre du jour appelle la suite de la
discussion du budget des travaux publics ; la discussion continue sur l’article
1er du chapitre II.
M. Peeters. - J’avais demandé la parole hier, pour
demander à l’honorable M. Lange pourquoi il revenait annuellement et à chaque
occasion avec tant d’instance sur la classification des routes.
Aujourd’hui je
puis me dispenser de faire cette remarque à l’honorable membre.
Un rapport d’une
commission du conseil provincial du Hainaut m’a mis sur les traces ; la
province du Hainaut attend de cette classification un nouveau privilège, un
nouvel avantage.
Messieurs, ce
rapport est précieux, il m’a déjà servi quelquefois et me servira encore plus
tard.
Ce qui m’étonne
le plus dans ce rapport, c’est que des hommes sérieux, des conseillers
provinciaux, osent venir présenter la province du Hainaut comme une province
pour laquelle l’on n’a rien fait, dont les habitants sont traités comme des
parias, lorsqu’il est de notoriété publique que cette province est la plus
favorisée du pays sous tous les rapports. Quoi, messieurs, l’on n’a rien fait
pour le Hainaut ?
L’on a racheté le
canal de Pommeroeul à Antoing, pour fr. 7,519,000 ; la Sambre canalisée pour fr. 12,958,700 ; le
canal de Charleroy à Bruxelles, pour fr. 8,862,425.
Comme vous savez,
messieurs, après avoir racheté ces canaux, l’on a considérablement diminué les
droits de péages.
Pour les chemins
de fer l’on a dépensé, dans le Hainaut, à peu près vingt-neuf millions, fr. 29,000,000.
Pour les routes
pavées, d’après le tableau qui se trouve aux développements nouveaux, au budget
des travaux publics que nous discutons, on y a déjà dépensé fr. 2,831.
Au tableau des
engagements pris par le ministre joint au rapport du budget de cette année,
cette province figure encore pour 125,500.
Ensemble, fr. 69,278,456.
Quoi, messieurs,
la province ose se plaindre amèrement et publiquement, lorsqu’on y a dépensé
depuis peu 60 millions pour les travaux publics, montrez-moi une province où on
a dépensé la moitié. Outre cette énorme dépense, vous avez reçu plus de deux
millions, revenu net d’un canal de Mons à Condé qui appartenait à l’Etat ; avec
cette somme vous avez pu construire bien des routes.
Vous jouirez
encore pendant dix ans de ce privilège, malgré moi je l’avoue.
Le Hainaut a joui
pendant plusieurs années des excédants du produit des barrières, et ce qui est
bien remarquable depuis 14 années, le gouvernement a employé l’énorme somme de
quatre millions pour l’entretien des routes, tandis que dans la province
d’Anvers, par exemple, l’on n’a dépensé, pour le même objet et pendant la même
époque, que la modique somme de six cents mille francs. (Voir les
développements nouveaux sur le budget des travaux publics, page 71.)
Aujourd’hui vous
venez demander la classification des routes pour y trouver des nouvelles
faveurs.
Je vous ai
prouvé, dans une autre occasion, combien vous étiez favorisés par le cadastre.
La lecture du rapport sur les produits des barrières, que j’ai cité plus haut,
m’a convaincu que je n’avais dit que la moitié de la vérité ; je recommande la
lecture de cette brochure à mes honorables collègues, ils y trouveront des
renseignements curieux, et dont nous pourrons souvent nous servir contre le
Hainaut.
L’honorable
membre voudrait-il en venir à la recherche de l’origine de chaque route, par
qui elle a été faite, alors on entrerait dans un labyrinthe dont on ne
sortirait jamais.
La ville d’Anvers a fait, le 11 février 1639 la chaussée d’Anvers à Merxem ; le 18 septembre 1649, la chaussée d’Anvers à
Contich ; en 1764 la chaussée d’Anvers à Boom. Que diriez-vous si je venais
demander ces routes pour la ville d’Anvers aujourd’hui, toutes ces affaires ont
été nivelées par le temps, et l’on ne peut plus y revenir. D’ailleurs je l’ai
dit dans une autre occasion, les droits de barrières qui sont payés par la
généralité du pays, par les consommateurs, doivent profiter à la généralité.
Si l’on devait
suivre ce que nous demande le conseil provincial du Hainaut, bientôt il n’y
aurait plus de place pour faire des routes dans cette province ; les provinces,
une fois favorisées, le seront éternellement. D’ailleurs, messieurs, je ne puis
assez le répéter, toutes les routes que l’on fera, n’importe dans quelle
localité, profiteront tout spécialement à la province de Hainaut, comme je l’ai
dit dans une autre discussion. Ce sont les provinces à double étage qui
profitent le plus des améliorations des communications.
Avant que des
routes fussent faites dans la Campine, un feu de houille était quelque chose de
rare, aujourd’hui le feu de houille est la règle générale et le feu de bois
l’exception, de manière que la houille y fait une concurrence défavorable au
bois, et cependant je ne m’en plains pas, l’intérêt général doit être notre
règle mais je prie aussi mes honorables collègues du Hainaut d’être plus justes
à l’avenir dans leurs demandes.
J’engage M. le
ministre à agir avec prudence, lorsqu’il s’agira de la classification des
routes, et surtout de ne pas perdre de vue les avantages que quelques provinces
ont déjà obtenus.
M. Lys. - Je crois, messieurs, devoir une
réponse à ce qui a été dit hier par M. le ministre des travaux publics
relativement à la route dont je l’engageais à faire commencer les travaux et
qu’il semble vouloir ajourner à une époque tout à fait indéfinie. M. le
ministre nous a dit que la province de Liège jouit déjà d’un excédant sur les
fonds à repartit entre les diverses provinces pour construction de routes. Je
veux bien croire que la province de Liége jouit de quelque excédant, mais il ne
faut pas perdre de vue que la plupart des routes faites dans cette province
l’ont été plutôt dans l’intérêt des provinces voisines que dans l’intérêt de la
province de Liége. J’ajouterai aussi que la ville de Verviers n’a presque rien
reçu sous ce rapport. Par la route que nous demandons, il s’agit de rendre
productive des terrains qui sont aujourd’hui de véritables bruyères. On désire
rendre à la culture certains terrains incultes que l’on rencontre encore en
grand nombre dans notre pays ; eh bien, nous proposons de réaliser cet espoir.
Répondant à d’autres membres de la chambre, qui demandaient des routes pour
leurs localités, M. le ministre des travaux publics a dit qu’il se prêterait
volontiers à la construction des routes demandées, lorsque les provinces et les
communes fourniraient des sommes pour commencer les travaux. Eh bien, dans le
cas dont il s’agit, la province a fait tout ce qu’elle avait à faire, la
commune a fait également tout ce qu’elle avait à faire ; la province a fourni
175,000 francs pour la route de Verviers à Francorchamps, la ville de Verviers
a fourni 20,000 francs pour cette route.
Il faut, messieurs, prêter quelque attention à cette localité, car
remarquez bien que la ville et le district de Verviers ont considérablement
souffert depuis 15 ans du mouvement du commerce et de l’industrie ; la ville de
Verviers a eu aussi ses fileurs : eh bien, elle a appris à une partie de ses
fileurs à tisser, une autre partie s’est occupée de la culture ; elle leur a
appris à tisser à la navette volante, elle leur a même appris à tisser sur de
nouveaux métiers, sans jamais rien demander au gouvernement. Le gouvernement
doit avoir égard aux besoins d’une localité qui ne lui a jamais rien coûté sons
ce rapport.
Du reste,
messieurs,, comme je l’ai dit, il s’agit de rendre à
la culture des terrains qui rapporteront beaucoup au gouvernement. Voyez le
mouvement qui a déjà lieu dans la Campine ; eh bien, la même chose aura lieu
dans le district de Verviers si la route dont il s’agit est construite ; des
droits de mutation seront perçus, et dans quelques années la somme que le
gouvernement aura consacrée à cette route lui rapportera au-delà de dix pour
cent.
Je prie donc le
gouvernement de vouloir prendre la chose en sérieuse considération, et de faire
commencer les travaux avec les fonds fournis par la province et la commune.
M. David. - Ce que vient de dire l’honorable M.
Lys est frappant de vérité ; mais qu’a donc obtenu Verviers depuis, pour ainsi
dire, des siècles en fait de routes ? Elle avait l’ancienne route montueuse par
Herve sur Liége, un tronçon de route montueuse vers la ville de Theux ; et sans
les sacrifices faits par quelques actionnaires, qui ont doté le pays, sans
aide, sans subside, de la magnifique route par la vallée de la Vesdre, que
serait aujourd’hui Verviers ? Sans la route préexistante de la Vesdre, le
chemin de fer lui-même lui eût probablement encore échappé. On pouvait la dire
alors la ville la plus déshéritée de toute la Belgique.
Eh bien,
messieurs, à côté du bienfait du chemin de fer par la vallée de la Vesdre, tout
le monde ne peut se réjouir. Par la rapidité et l’économie de ses transports,
le chemin de fer de Liége à Verviers paralyse aujourd’hui, et aura bientôt
annihilé en plein, les revenus des barrières appartenant aux fondateurs de la
route.
Il est cependant
de notoriété publique que la société de la Vesdre, en se chargeant de la
construction de la route dont il est question, n’a jamais eu en vue une
spéculation financière. Elle a voulu doter le pays, la province, d’une route
indispensable, reliant ainsi, sur un niveau presque continu, Liège et Verviers,
et permettant d’utiliser pour l’industrie, les cours d’eau si importants de la
Vesdre. Aujourd’hui que l’on semble disposé à venir en aide aux sociétés qui
profiteraient de nouvelles routes, de nouvelles communications, comment
pourrait-on allier et mettre dans la même balance cette idée généreuse, avec
celle de spolier les concessionnaires de la route de la Vesdre, même d’après le
droit rigoureux, si tant est que tous les degrés de juridiction judiciaire
viennent à confirmer le jugement du tribunal de Verviers, ce que je ne saurais
croire ? Quelle serait donc la raison qui ferait accorder des garanties
d’intérêt à charge de l’Etat à certains concessionnaires, pour des
communications projetées, tandis qu’on enlèverait par le fait, aux
concessionnaires d’une route déjà existante et éminemment utile, leurs revenus
de barrière, seule garantie qu’ils avaient demandée et obtenue de l’Etat ?
Sans nul doute, lorsque le contrat est intervenu pour l’établissement de
cette route entre le gouvernement précédent et la société, cette dernière n’a
pu penser ni prendre aucune réserve contre la possibilité d’une seconde route
dans la même vallée si étroite de la Vesdre, marchant côte à côte avec la
première, et la croisant à chaque instant. Si cette idée avait pu se présenter
alors, il n’eût pas été question de garantie, la route ne se serait pas faite.
La seule éventualité qui pût être à craindre pour les revenus de cette route,
c’était celle de la rectification de l’ancienne chaussée par Herve, à l’endroit
dit la Clef ; aussi ce cas avait-il été prévu, et l’ancien gouvernement y
avait-il eu égard ?
Cette belle route
a changé complètement la face, la valeur du pays traversé. Mais, dira-t-on,
peut-être alors, « les actionnaires sont déjà suffisamment indemnisés par
la plus-value de leurs propriétés résultant du fait même de l’établissement de
cette route. » Mais que l’on veuille bien considérer que le plus grand nombre
des propriétaires riverains ne sont pas actionnaires ou n’ont qu’un très petit
nombre d’actions ; que cette route a profité principalement aux fabricants de
Verviers, aux usiniers établis tout le long de la Vesdre, aux commerçants des
villes de Liége, de Verviers, de Spa, etc., sans qu’aucun d’eux ait concouru
aux charges de la construction de cette route.
Ainsi la
spoliation, dont on nous menace, retomberait précisément sur ceux dont le
désintéressement a fait aventurer les capitaux en se chargeant d’un grand
nombre d’actions dans un but tout d’utilité publique.
Je demanderai
donc à M. le ministre des travaux publics s’il n’appliquera pas à la société de
la Vesdre les motifs d’équité qui ont porté le gouvernement à proposer à la
législature, le rachat de la Sambre canalisée et du canal de Charleroy, que
l’on savait devoir bientôt être annihilés par le chemin de fer.
M. Savart-Martel. - Lorsqu’un honorable député du Hainaut
a demandé la classification des routes, il a fait une demande juste,
raisonnable et conforme à la législation.
Cette
circonstance vient de donner l’occasion à l’honorable M. Peeters d’exalter de
prétendus avantages accordés au Hainaut depuis 1830.
On conçoit que,
dans une assemblée qui s’occupe, à la vérité, d’intérêts généraux, mais dont chaque
membre est frappé principalement des intérêts de sa localité, on se fait
facilement écouter en frappant sur une province comme privilégiée au préjudice
de toutes les autres.
Je n’entreprendrai point de dire ici pour le Hainaut tout ce que cette province
pourrait invoquer contre les assertions de l’honorable préopinant, surtout que
je prends la parole inopinément et sans avoir pu prévoir que la demande de
l’honorable M. Lange pût donner matière à pareil incident. Mais, en protestant
contre cette assertion que le Hainaut aurait été favorisé, je rencontrerai
trois points qu’a signalés M. Peeters :
1° C’est à tort
qu’on prétend que le cadastre favorise le Hainaut, le cadastre, au contraire,
dont je me suis plaint si souvent, a porté la plupart des propriétés à des prix
excessifs ; chaque jour les habitants du Hainaut sont victimes de cette erreur.
Si une commission
était nommée pour cette vérification, je ne reculerai point devant la
démonstration.
Jusque lors, si
l’on ne croit pas à mon assertion, la chambre ne doit pas croire non plus à
celle de l’opinion adverse. C’est à la preuve que j’attends les adversaires.
2° Quant au grand
nombre de routes que renferme le Hainaut, routes pavées, en grande partie, avec
les deniers provinciaux, aucune n’a été faite au préjudice des autres
provinces, c’est l’intérêt général qui en profite ; et si l’on a fait des
routes ferrées aux deux extrémités, on se garde bien d’en achever l’ouvrage :
3° Aujourd’hui
comme précédemment, on est venu dire et presque se plaindre que le Hainaut ne
supportent pas des additionnels aussi élevés que les autres parties du pays ;
mais les impôts qui pèsent sur le peuple ne se composent pas seulement du
principal et des additionnels provinciaux, mais aussi des additionnels
communaux qui sont devenus exorbitants. En fait, il existe des localités où
près d’un tiers des revenus sont absorbés par les impôts.
M. de Naeyer. - Messieurs, je dots quelques mots de réponse à M. le ministre des
travaux publics. Je me suis plaint hier, avec raison je pense, de l’espèce
d’abandon dans lequel on a laissé l’arrondissement administratif d’Alost, en ce
qui concerne la construction de routes. Je dirai même que M. le ministre a
reconnu jusqu’à un certain point la justice et le fondement de mes plaintes,
parce qu’il a été forcé d’admettre que toute notre province n’avait obtenu
qu’une part bien faible des fonds qui ont été employés jusqu’ici à des
constructions de routes.
En effet, il
résulte des tableaux annexés aux nouveaux développements à l’appui du budget du
département des travaux publics, que les dépenses de ce genre se sont élevées
depuis 1830 à 17 millions environ.
Or, sur ces 17
millions, la Flandre orientale a obtenu en tout à peu près un million,
c’est-à-dire environ, la dix-huitième partie du fonds total. Si l’on avait eu
égard au nombre des provinces, la Flandre orientale aurait dû participer à ce
fonds au moins pour un neuvième ; mais cette part aurait dû être beaucoup plus
grande, si l’on avait pris pour base l’importance de la population,
l’importance des industries celle des sommes versées annuellement dans le
trésor public.
Malheureusement,
il faut le dire, dans la répartition des avantages sociaux, le gouvernement
prend souvent pour principe d’accorder beaucoup aux provinces qui versent fort
peu dans la caisse sociale, tandis qu’il refuse tout aux provinces qui
apportent le contingent le plus considérable aux charges sociales.
M. le ministre
des travaux publics s’est attaché à justifier cette conduite du gouvernement à
notre égard, et je suis étonné des motifs que M. le ministre a fait valoir. Il
a dit d’abord : vous n’avez pas obtenu de forts subsides, parce que vous
n’aviez que peu de besoins, parce que l’état de vos communications laisse peu
de chose à désirer. Première erreur.
Ensuite, M. le
ministre des travaux publics a prétendu que notre conseil provincial avait pris
la résolution de ne s’occuper exclusivement que de six routes. Or, en présence
de cette résolution, et comme le gouvernement avait pris pour principe de ne
rien faire sans le concours de la province, l’administration supérieure s’est,
en quelque sorte, trouvée dans l’impossibilité de vous accorder de forts
subsides. Seconde erreur qui prouve que M. le ministre des travaux publics est
très mal renseigné à notre égard.
En 1836, notre
conseil provincial s’est occupé des moyens de compléter notre système de
communications. Nous avons fait dresser alors par les agents du gouvernement un
tableau général des routes les plus nécessaires au développement de notre industrie,
de notre commerce et de notre agriculture. Or, ce tableau porte 20 routes,
comprenant un développement total d’environ 150 lieues. Si M. le ministre
voulait se rendre sur les lieux, il pourrait se convaincre que toutes ces
routes sont d’une grande importance, et que presque toutes doivent être
considérées comme routes de province à province ; il pourrait se convaincre en
même temps que la construction de routes dans notre province a dû être
extrêmement coûteuse, à cause de la valeur considérable que les terrains y ont
acquise depuis longtemps, grâce aux efforts industrieux des populations, et
grâces aux avances des capitaux très considérables que nous avons faites et que
nous faisons encore, pour implanter en quelque sorte des germes de fertilité dans
des terrains aride et sablonneux.
Je demanderai
s’il est bien possible de soutenir sérieusement qu’il y avait peu de besoin à
satisfaire dans la Flandre orientale, tandis qu’il était indispensable d’y
construire 150 lieues de route, dont la dépense devait s’élever de 6 à 7
millions. Dans tous les cas, cette absence de besoin, derrière laquelle le
gouvernement veut se retrancher, n’est certainement pas admissible à l’égard de
l’arrondissement administratif d’Alost sur lequel j’ai appelé l’attention du gouvernement.
M. le ministre des travaux publics ne soutiendra pas sans doute que dans cet
arrondissement il n’y a pas des besoins à satisfaire ; ces besoins existent, le
gouvernement doit les connaître ; ces besoins ont été créés par le gouvernement
lui-même, par la construction du chemin de fer.
Quand il s’agit
de dépouiller un propriétaire de la plus petite parcelle de terrain pour motif
d’utilité publique, la constitution exige impérieusement qu’une juste et
préalable indemnité soit payée à ce propriétaire. Le même principe de justice
ne serait donc plus applicable, quand tout un arrondissement est dépouillé par
le fait du gouvernement, par des motifs d’utilité publique, de ses moyens de
communications, de ses relations de commerce, de tous ses éléments de
prospérité.
Le second motif
qu’a fait valoir M. le ministre des travaux publics n’est pas plus fondé.
Jamais notre conseil provincial n’a pris la résolution de s’occuper
exclusivement de six routes. Pour le soutenir, il faudrait dénaturer les actes
de cette assemblée ! Voici ce qui a été fait : le conseil provincial a voté, en
1836, un emprunt de deux millions, destiné à la construction de nouvelles
routes, et nous avons commencé par décréter en même temps la construction de
six routes ; mais jamais il n’est entré dans notre pensée de ne plus nous
occuper d’autres routes, et la preuve, c’est qu’en même temps que les six
routes étaient en voie d’exécution, nous accordions des subsides très
considérables pour d’autres voies de communication. Ainsi, la province est
intervenue largement pour la construction des routes de Calloo
à Doel, de Beveren à Stekem,
de Lodechristi à Wachtebeke, de Gand à Watervliet, de Gand à Bouchaute,
de Sottegem à Nederbrakel, enfin pour une foule
d’autres routes. Voilà donc une preuve évidente que nous n’avons pas voulu nous
borner à la construction de six routes.
Mais en admettant
que le conseil provincial eût voulu se borner à six routes, il fallait alors
nous aider à construire ces six routes ; or, nous n’avons rien obtenu du gouvernement,
nous avons dépensé pour nos six routes pour plus de deux millions, et le
gouvernement ne nous a accordé aucun subside, malgré nos réclamations réitérées
que nous avons adressées annuellement à l’autorité supérieure, pour nous
plaindre de la manière injuste dont elle répartissait les fonds de l’Etat.
Et ici, je ne
puis pas m’empêcher de citer un exemple frappant de cette partialité.
Depuis 1836, on a
construit une route de Thielt à Eecloo ; cette route
se trouve en partie sur le territoire de la Flandre orientale, et en partie sur
le territoire de la Flandre occidentale ; eh bien, le gouvernement est
intervenu pour un tiers de la dépense pour la construction de la partie de la
route qui parcourt le territoire de la Flandre occidentale, tandis que ce même
gouvernement n’a voulu accorder aucun subside pour la construction de cette
même route sur le territoire le la Flandre orientale.
Quand nous avons
demandé des subsides, qu’a-t-on fait ? On a eu l’air de nous dire que nous
n’avions pas besoin de subsides, attendu que nous avons fait un emprunt de 2
millions. Il me semble que le simple bon sens aurait dû avertir le gouvernement
qu’on n’est pas riche, parce qu’on emprunte de l’argent.
Messieurs, en ce
qui concerne spécialement l’achèvement de la route dont j’ai parle hier, celle
de Ninove à Enghien, M. le ministre des travaux publics a fait entendre que
tout dépendait des arrangements à prendre avec les deux provinces du Brabant et
du Hainaut. Il a ajouté que le gouvernement rencontrerait des obstacles, parce
que le Brabant ne voudrait pas coopérer à la construction de cette route.
C’est d’abord une
erreur de fait dans laquelle M. le ministre est tombé. Le conseil provincial du
Brabant a voté un subside pour cette route dans sa dernière session.
Maintenant, quant
aux arrangements dont parle M. le ministre, je trouve qu’ils auraient dû être
pris depuis longtemps, et qu’il est très facile de conclure ces arrangements,
quand on veut envisager la question sous son véritable point de vue. Je crois
avoir démontré hier qu’il ne s’agit pas ici d’une route d’utilité purement
provinciale.
Il s’agit d’une
route qui offre les plus grands avantages au point de vue de l’intérêt général.
En effet, M. le ministre a dit que dans la nouvelle classification à faire des
routes, on devrait placer dans la première classe, les routes affluant au
chemin de fer. Eh bien, tel est le caractère de la route dont je parle, cette
route formant le prolongement de celle d’Enghien à Soignies et perpendiculaire
au chemin de fer du Midi, qu’elle met en communication avec les localités les
plus importantes de la Flandre orientale et du Brabant.
Voilà pourquoi je la considère comme une grande communication, suivant le
système émis hier par M. le ministre. De plus cette route est destinée à
compléter un système de routes de l’Etat d’une étendue de 25 à 30 lieues.
C’est ainsi que
les routes qui s’étendent de la frontière hollandaise vers Hulst
jusqu’à Ninove par St.-Nicolas, Termonde, Alost, sont toutes des routes de
l’Etat, les routes d’Enghien à la frontière française vers Quiévrain et passant
par Soignies, Mons, Boussu, sont encore des routes de l’Etat ; de sorte, qu’il
ne reste, pour compléter ce système, qu’une lacune à construire entre Ninove et
Enghien. Cette lacune est comblée en partie par notre province, la partie la
plus coûteuse de cette lacune a été faite à nos frais sans aucun subside. La
première section qui a coûté 250,000 fr. à la Flandre orientale, à plus d’une
lieue d’étendue. Il n’y a plus qu’une lieue et demie à faire ; en les faisant,
le gouvernement complétera un système de routes entièrement gouvernementales.
Ce n’est pas tout : pour déterminer le gouvernement à combler cette lacune,
nous offrons de faire un sacrifice considérable, nous offrons de céder
gratuitement la première section pour laquelle nous avons dépensé 250,000 fr.
La province de
Brabant veut accorder un subside, la province du Hainaut est disposée à en
accorder un aussi. Plusieurs communes intéressées du Brabant sont également
disposées à contribuer pour de fortes sommes. Si toutes ces propositions ne
suffisent pas pour déterminer le gouvernement à adopter une résolution
favorable, il faudra croire à la fin que c’est à cause de certains avantages
qui peuvent en résulter pour notre arrondissement.
M. le ministre a
dit que les routes de l’Etat ne rapportent pas les frais d’entretien. Je puis
garantir que le capital que le gouvernement devrait employer à la construction
de la route dont il s’agit rapportera 3 ou 4 p. c. d’intérêt, outre les frais
d’entretien. On pourra établir deux barrières et demie ou trois barrières sur
la nouvelle route, et il est positif, pour qui connaît les localités, pour qui
sait combien la circulation sera active, que ces barrières rapporteront au
moins 10 à 12 mille francs. Vous aurez de plus les plantations qui seront
productives, car le terrain est bon. Vous aurez ainsi un intérêt considérable.
Voilà des avantages de toute nature. Je dois répéter que si tout cela ne suffit
pas pour déterminer M. le ministre à satisfaire à notre demande, nous devrons
croire qu’on nous considère comme étrangers à la Belgique.
M.
Vanden Eynde. -
Messieurs, à la séance d’hier, je m’étais plaint de la direction donnée à
certaines routes construites dans la province d’Anvers ; j’avais prié M. le
ministre des travaux publies de vouloir bien s’expliquer sur un embranchement
sollicité par plusieurs communes de la province d’Anvers et de la province du
Brabant pour relier ces chaussées construites de l’ouest vers l’est à la
province de Brabant, je veux parler de la demande des communes de Hersselt et Aerschot pour la
construction de deux lieues de route entre la chaussée de Diest vers Louvain
par Aerschot et la chaussée de Heyst-op-den-Berg
vers Westerloo.
J’espère que M.
le ministre voudra bien nous dire ce que le gouvernement est disposé à faire
pour rétablir ces anciennes relations qui ont existe avant la construction des
chaussées nouvelles dans la province d’Anvers, parce que ces chaussées font
maintenant affluer tout le commerce vers les villes de Malines et d’Anvers.
J’avais également
appelé l’attention de M. le ministre sur une route construite par l’Etat en
partie, qui n’est pas entièrement achevée, qui est destinée à relier la
chaussée de Bois-le-Duc à la commune de Beeringem,
qui donne un accès facile au camp.
J’ai entendu un
honorable membre du district de Maeseyck demander l’achèvement d’une route en
construction que j’avais signalée comme devant préjudicier aux relations qui
existent entre le Brabant et le district de Maeseyck, je veux parler de la
route de Maeseyck vers Hechtel.
Si le
gouvernement construisait immédiatement la chaussée de Maeseyck à Hechtel sans
continuer la chaussée de Beeringen vers Bechtel, il
bouleverserait les relations qui existent depuis un temps immémorial entre le
Brabant et le district de Maeseyck.
J’ai prié M. le
ministre de s’expliquer sur la chaussée de Beeringen
vers la chaussée de Bois-le-Duc chaussée qui doit être très favorable au
gouvernement, puisqu’elle doit épargner les grands frais de transport pour
l’alimentation du camp. J’espère que M. le ministre voudra bien me répondre
relativement à ces deux routes.
M. Pirmez. - Dans le cours de cette discussion, M.
le ministre des travaux publics a exprimé l’intention de changer le mode de
réparation des routes, il a annoncé qu’au lieu de mettre les réparations des
routes en adjudication, le gouvernement se proposait de faire faire lui-même
ces réparations, de les mettre en régie. Cette idée n’a pas trouvé de
contradicteurs dans cette enceinte et elle y a trouvé un approbateur. Je ne
sais si M. le ministre croit avoir le droit de prendre une semblable mesure
sans avoir recours à la législature. S’il reconnaît qu’il lui faut une loi pour
entrer dans ce système, je n’ai rien à dire aujourd’hui, quand on la
présentera, on discutera les inconvénients de ce système. Mais s’il prétendait
de sa propre autorité, sans mesure législative, pouvoir entrer dans ce système
qui est tout à fait nouveau, je crois que la chambre devrait y faire attention,
car ce serait faire faire par le gouvernement des choses qui se font
aujourd’hui par l’industrie particulière, ce serait livrer au monopole
gouvernemental ce que les industries particulières ont fait jusqu’à ce jour.
La Belgique est le pays où le gouvernement fait le plus par lui-même, où il
y a la plus grande tendance à faire tout faire par le gouvernement. Tout le
monde veut se soustraire au travail de la concurrence, pour avoir une part
assurée dans la vie. Songez, messieurs, que si ce système était admis, il en
résulterait la nécessité de créer une multitude de places nouvelles. Vous voyez
déjà quelle masse de solliciteurs assiège le gouvernement. Il n’y a pas de pays
au monde où il y en a autant ; la raison en est simple ; le gouvernement belge
faisant beaucoup plus de choses par lui-même que les gouvernements des autres
pays, il en résulte, qu’il y a plus de places à donner. Ce qu’on vous propose,
c’est d’augmenter encore cette grande quantité de personnes qui vivent en
dehors de la libre concurrence et qui sont nourries aux dépens de ceux qui
travaillent dans la libre concurrence. J’ai essayé de démontrer cette vérité il
y a une année ou deux.
M. le ministre a
dit que cette question était soumise aux ingénieurs. Il ne faut pas être bien
fin pour prévoir quelle sera leur opinion. En effet, proposez à un corps
d’augmenter ses attributions et sa puissance, croyez-vous que ce corps refusera
? Si donc, les ingénieurs doivent décider une pareille question, elle sera
résolue affirmativement.
M. le ministre a
parlé aussi de rétablir le système de la loi de 1807 ; ce sera, j’espère, au
moyen d’une disposition législative, car je ne pense pas qu’il prenne cette
mesure de sa propre autorité. Quand on examinera cette question, on verra
quelles difficultés soulève le rétablissement de ce système.
J’ai cru devoir
faire cette observation pour prémunir la chambre contre les changements qu’on
veut introduire, la grande masse d’emplois qu’on veut créer et le grand nombre
de personnes qu’on veut faire vivre aux dépens des personnes qui travaillent
dans la libre concurrence.
M.
Dumortier. - Dans toutes les discussions où il s’agit de travaux
publics, la province du Hainaut rencontre toujours un représentant qui vient la
représenter comme une province à charge au pays, comme une province qui absorbe
tous les capitaux. Je ne puis laisser passer sous silence de telles paroles,
car elles auraient pour effet de fausser les faits, de les présenter d’une
manière complètement inexacte. Je regarde comme un devoir de réfuter ce que
vient de dire le député de Turhnout.
Il prétend que la
province du Hainaut est celle qui a touché le plus de subsides de l’Etat, celle
pour laquelle l’Etat a fait le plus de sacrifices. Examinons ces sacrifices,
comme les appelle M. Peeters, voyons s’ils sont tels qu’il le prétend ;
commençons par reconnaître un fait, c’est que la province du Hainaut est celle
qui fournit le plus d’argent au trésor.
M. Peeters. - Je demande la parole.
M.
Dumortier. - Vous avez beau demander la parole, je vous défie de
répondre à mes chiffres. La province du Hainaut fournit, à elle seule, le
sixième de tous les impôts du royaume.
C’est un fait
constant, et qui a été démontré il y a trois ans par la députation permanente
du Hainaut. Je regrette que mon honorable ami, M. Castiau, ne soit pas présent,
il est un de ceux qui ont rédigé ce travail si complet ; la démonstration est
patente.
M. Peeters. - J’ai ce travail en mains ; c’est sur
ce travail que je raisonne.
M.
Dumortier. - On peut dire sur un travail des choses justes et
des choses déraisonnables. Je crois que les observations de l’honorable membre
qui m’interrompt peuvent être rangées dans cette dernière catégorie.
Suivant
l’honorable M. Peeters, on a dépensé 60 millions dans le Hainaut. Pour trouver
ces 60 millions, que fait-il ? Il rappelle que l’Etat a dépensé 28 millions
pour le rachat du canal de Pommerœul, du canal de
Charleroy, et de la Sambre canalisée. Cela est vrai. Mais est-ce un sacrifice
que l’Etat a fait pour le Hainaut ? A entendre l’honorable membre, il
semblerait que l’Etat a dépensé, en pure perte, 28 millions pour le Hainaut,
Mais cet honorable membre a négligé le revenu qu’en tire le trésor. Ce revenu
s’élève à 2 millions et demi. C’est un revenu de 8 à 10 p. c. Il serait à
désirer que l’Etat fît beaucoup d’opérations de ce genre, il ne se ruinerait
pas. S’il ne plaçait des fonds qu’à 8 ou 10 p. c., il
ne ferait pas une mauvaise affaire. Si tous les capitaux de l’Etat rapportaient
de 8 à 10 p. c., il n’y aurait pas de déficit. Il est
donc déraisonnable de présenter comme une opération faite dans l’intérêt du
Hainaut un rachat fait dans le but d’accroître le revenu du trésor public, et
qui a amené ce résultat puisque les fonds employés à ce rachat rapportent de 8
à 10 p. c.
Vous voyez donc
combien sont déraisonnables et injustes ces attaques incessantes de l’honorable
M. Peeters contre la province à laquelle mes honorables amis et moi avons
l’honneur d’appartenir.
L’honorable
préopinant a parlé de la route en fer ; on a dépensé 28 millions pour cette
route, dans le Hainaut. Est-ce là une chose aussi onéreuse, aussi désastreuse
qu’il l’annonce ! Le Hainaut ne fournit-il pas à l’Etat le sixième de son
revenu ! Le chemin de fer coûte 160 millions. 28 millions sont justement la
part proportionnelle égale à la somme que le Hainaut a fournie dans les
dépenses. Le Hainaut paye le sixième des impôts ; le sixième des dépenses doit
donc être fait à son profit. A en croire l’honorable préopinant, il faudrait
donner à ceux qui n’ont rien, et prendre pour cela dans la poche de ceux qui
ont quelque chose. Un pareil système n’est que la loi agraire politique. Voila
ce que vous préconisez, et que nous devons combattre. Plus une population a
d’activité et d’industrie, plus elle éprouve de besoins ; plus elle verse de
fonds au trésor public. Votre système qui tend à ne rien donner aux provinces
qui paient beaucoup, et tout aux provinces qui paient peu, n’est, je le répète,
que la loi agraire politique, système que la chambre ne peut admettre,
Loin de nous la
pensée de refuser à la Campine la somme qui lui est légitimement nécessaire ;
je me suis empressé de la voter. (Dénégations
de la part de M. Peeters.) Toutes les fois que vous avez proposé
des choses raisonnables, j’ai été le premier à les appuyer. J’ai fait plus :
j’ai pris l’initiative, quand il s’est agi de vos intérêts. Mais quand vous
demandiez pour la Campine treize canaux, alors nous avions à examiner à deux
fois, surtout quand on poussait l’injustice au point de refuser de tenir une
promesse faite dans cette enceinte, à la face de la Belgique.
L’honorable
préopinant prétend qu’on a fait très peu pour la province d’Anvers. Je suis
aussi dévoué que qui que ce puisse être au port d Anvers. J’ai dit et je
maintiens que c’est le premier joyau de la couronne, Mais depuis quelques
années on a fait beaucoup de dépenses pour ce port. Le grand chemin de fer
d’Anvers à la frontière prussienne n’a-t-il pas été fait principalement pour le
port d’Anvers ! Si l’on a dépensé 30 millions dans la route de la Vesdre,
n’est-ce pas pour le port d’Anvers ? Sans doute, on n’eût pas fait cette
dépense, s’il ne s’était agi de joindre Anvers au Rhin. Votre province a été
mieux partagée que toutes les autres.
Dans la question
des routes qui nous occupe maintenant, non seulement le Hainaut n’a pas
d’avantage ; mais c’est la province qui a le plus de désavantage, puisque dans
tous les emprunts pour construction de routes, qui se sont élevés, si ma
mémoire est fidèle, à 20 millions, elle n’a eu que 1,800,000
fr.
M. Vanden
Eynde. - Le Brabant a
eu moins encore.
M.
Dumortier. - Si l’on a été injuste envers d’autres provinces, on
a eu tort. Mais cette injustice n’excuse pas l’injustice dont le Hainaut a à se
plaindre.
Vous savez que presque
toutes les routes, sur lesquelles l’Etat perçoit un droit de barrière dans le
Hainaut, ont été construites avec les propres deniers du Hainaut. C’est
l’excédant de ces recettes sur les frais d’entretien qu’on veut appliquer à la
construction de routes dans d’autres provinces. Je sais qu’il y a dans le.
Hainaut quelques routes aux frais de construction desquelles ont contribué les
provinces de Namur et de Liége. Déduisez ces routes, et vous verrez qu’il en
reste un très grand nombre, qui ont été construites aux frais de la province,
il est donc déraisonnable de jeter l’anathème sur cette province et de la
présenter comme ayant été favorisée aux dépens des autres provinces.
Ce qui n’est pas
moins déraisonnable, c’est de lui attribuer la dépréciation des propriétés
boisées, parce qu’elle a des houillères. Ainsi vous jetez l’anathème à cette
province parce qu’elle produit une partie de la richesse du pays.
Je n’irai pas
plus loin. L’injustice est flagrante ; l’iniquité est consommée. Je ne veux pas
ajouter davantage sur ce point.
M.
de Garcia. - Je ne
voulais pas prendre la parole dans cette discussion, et en la prenant je
déclare vouloir rester étranger aux récriminations auxquelles on s’est livré. Mais
au milieu des réclamations nombreuses fournies par un grand nombre de membres
de cette assemblée, ayant pour objet d’obtenir des communications et l’érection
ou l’accomplissement de routes nouvelles, je crois devoir rompre le silence.
La province de Namur
a aussi des communications nouvelles à réclamer, elle a besoin d’affluents à la
station du chemin de fer qui s’y trouve établie. Les routes de cette province
sont à peu près dans la direction de celle de la province d’Anvers ; elles se
dirigent du nord au midi, et il n’existe que peu ou point de routes
transversales, indispensables pour compléter le système de communication.
Il est évident
que, dans cet état de choses, le système des communications de cette province
laisse beaucoup à désirer.
Je ne sommerai
pas le gouvernement de s’expliquer sur telle ou telle route, indispensable à
cette contrée. Loin de là, je le féliciterai s’il ne répond à aucune
interpellation semblable. J’ai une confiance entière en sa justice et en son
équité. J’ai la confiance qu’il pèsera les besoins de toutes les localités,
qu’il satisfera aux besoins les plus urgents.
Je ne puis me
dispenser, cependant, d’appeler l’attention du ministre sur quelques
communications nouvelles à ouvrir dans la province de Namur. Toutefois, je n’ai
nullement l’intention de le sommer de manifester quelles sont ses intentions à
cet égard.
M. Vanden
Eynde. - Je ne me
suis pas servi de cette expression. L’honorable membre ne devrait pas
l’employer.
M.
de Garcia. - Soit. Je
dirai alors, en retirant le mot sommer, qu’on a exigé que le gouvernement
s’expliquât. Cela ne modifie en rien mes observations, et je suppose que
l’honorable membre qui m’interrompt sera satisfait.
J’appellerai donc
l’attention du gouvernement sur une route nécessaire au commerce et à
l’agriculture de cette contrée, ainsi qu’au Limbourg. La route commencée de
Namur à Hannut forme une espèce d’impasse.
Il est nécessaire
et indispensable qu’elle soit continuée vers Saint-Trond et Hasselt. Cette
pensée présidé le décrètement de cette route, qui doit servir à l’exportation
vers le Limbourg, des céréales, des chaux et des pierres qui se trouvent dans
les environs de Namur. Les céréales surtout doivent y trouver un débouché vers
les distilleries importantes de Hasselt. Aujourd’hui ces produits ne peuvent
que difficilement arriver sur ce point. J’engage M. le ministre à examiner s’il
ne serait pas urgent d’achever cette communication, Il y a, au surplus, à
l’égard de cette route, une sorte d’engagement pris par le gouvernement, les
propriétaires riverains n’ont cédé gratuitement tous les terrains et toutes les
pierres nécessaires pour la construction de la route, qu’en vue de son
achèvement complet. Dans cet état le gouvernement est évidemment engagé à faire
exécuter complètement cette ligne. Nonobstant cela, si d’antres routes sont
plus utiles, je ne demande pas que le gouvernement fasse commencer les travaux
sur ce point au détriment des travaux plus urgents.
Une autre communication très utile, c’est la route commencée d’Andennes à Havelange, en vue
d’arriver à la rivière de l’Ourthe. Cette route a pour objet le mettre en
communication la Meuse et l’Ourthe de couper un vaste plateau sans
communication commerciales, et d’y porter la richesse agricole. Un autre grand
avantage doit résulter du parachèvement de cette route, si le gouvernement
reprend la construction du canal de Meuse et Moselle. Par cette route
arriveraient les charbons de la Sambre, indispensables à toutes les
constructions, pour la confection de la chaux et des briques.
J’espère que,
quand les finances de l’Etat le permettront, le gouvernement reprendra la
construction de ce canal, et qu’avant cela il fera mettre la main à l’œuvre
pour la construction des routes que je viens de lui signaler, surtout lorsqu’il
aura pu constater l’urgence de ces travaux. Au surplus j’engage le gouvernement
à ne se laisser aller aux instances ni aux exigences d’aucune localité, mais à
maintenir une égalité parfaite et une juste répartition des fonds destinés à la
construction des routes nouvelles en consultant les différents besoins de
toutes les localités du pays.
M. Peeters. - Messieurs, l’honorable M. Dumortier a
relevé avec beaucoup d’amertume les expressions d’un discours qu’il n’a pas
entendu. Car l’honorable membre n’était pas présent lorsque je l’ai prononcé.
M.
Dumortier. - Je n’ai pas rappelé des expressions, mais des
faits.
M. Peeters. - Messieurs, quand j’ai raisonné, c’est
toujours par des chiffres ; et ce sont les exagérations des honorables députés
du Hainaut qui m’ont forcé de recourir à ces chiffres. Car, depuis cinq ou six
ans que j’ai l’honneur de siéger dans cette chambre, chaque année vous êtes
venu demander avec instance des routes et d’autres travaux d’utilité publique,
en prétendant toujours que les habitants du Hainaut étaient traités comme des
parias.
M.
Dumortier. - Et cela est vrai.
M. Peeters. - J’ai voulu vous montrer alors, par des
chiffres, qu’au lieu d’être traités comme des parias, vous avez toujours été
favorisés.
Oui, messieurs,
j’ai aussi demandé que l’on construisît des routes dans nos localités, mais j’ai
toujours parlé dans l’intérêt de la généralité du pays. J’ai, il est vrai,
demandé que l’on fît quelque chose pour les contrées qui n’avaient rien, tandis
que d’autres avaient obtenu des avantages incalculables.
M.
Dumortier. - Faites comme nous, payez.
M. Peeters. - Vous dites que nous devons faire comme
vous et payer, est-ce que nous ne payons pas énormément pour le canal qu’enfin
on a bien voulu nous accorder ? Lorsque j’ai fait un appel à votre générosité,
à votre patriotisme, y avez-vous répondu ? J’ai dû vous rappeler même que vous
étiez le représentant du pays, et non de certaine localité ; vous avez toujours
voté contre tout ce que j’ai demandé pour le pays que j’ai l’honneur de
représenter.
L’honorable
membre nous dit que c’est pour la ville d’Anvers qu’on a fait le chemin de fer.
Il est vrai que lorsqu’il s’est agi, pour la première fois, de décréter la
construction d’un chemin de fer, c’était en faveur d’Anvers. Mais il ne
s’agissait que d’une voie tout à fait commerciale, qui devait traverser la
Campine et n’aurait coûté que seize millions, si je ne me trompe. On a voulu
ensuite que le chemin de fer passât par telle et telle direction, et dès lors
on ne peut plus dire que le railway de la Vesdre a été construit en faveur du
port d’Anvers.
L’honorable
membre prétend encore que je me suis plaint de ce que la houille arrivait dans
la Campine. Il n’en est rien, j’ai dit que la houille arrivait dans cette
contrée et que je ne m’en plaignais pas. Mais, puisqu’on vient dire que nous
envions au Hainaut sa richesse, je vous demanderai combien vos houilles paient
à l’Etat, tandis que nos bois paient leurs contributions. Quel droit a
l’honorable membre de demander des privilèges pour ses houilles ?
M. le président. - Je prie l’orateur de parler à la
chambre.
M. Peeters. - L’honorable membre vous parlant du
cadastre, a prétendu que le Hainaut était lésé. Il nous a beaucoup parlé de
l’opinion de la députation provinciale du Hainaut. Mais quelle est la manière
de procéder de la députation permanente du Hainaut ? Lorsqu’il s’agit de
réclamer une forte part dans l’excédant du produit des barrières, elle cherche
à faire passer la province comme très riche, elle dit qu’il n’y a plus un
sixième de son territoire en bois et en bruyères, tandis que dans d’autres
provinces, la moitié du territoire est encore couverte de bois et de bruyères.
Mais lorsqu’il s’agit du cadastre, c’est un tout autre langage, alors la
province est pauvre, elle est lésée. Or, je vous ai montré que dans les
Flandres et dans la province d’Anvers, où la moitié du territoire est occupée,
au dire même de la députation permanente du Hainaut, par des bruyères, on paie
plus par hectare que dans la province du Hainaut. Je vous laisse donc à juger
si cette province n’est pas favorisée. L’honorable M. Dumortier m’a fait
observer que l’achat des canaux, que j’avais cité, était une bonne affaire
financière pour l’Etat ; en admettant ce fait comme vrai, ce qui me paraît
encore douteux, je demanderai à l’honorable membre, si l’Etat est redevable
pour cette acquisition envers la province du Hainaut. Certainement non, et
j’ajouterai que si les droits de péages n’avaient pas été diminués, si l’on
n’avait pas cédé aux sollicitations des honorables députés du Hainaut, l’achat
des canaux dans le Hainaut aurait été une opération beaucoup plus avantageuse
pour l’Etat.
M. le ministre des travaux
publics (M. Dechamps) - Messieurs, je ne prolongerai pas beaucoup cette discussion qui déjà hier
était presque épuisée. Cependant, je répondrai brièvement à quelques-unes des
observations qui ont été faites dans cette séance.
L’honorable M.
Pirmez m’a demandé si le gouvernement se croyait en droit d’appliquer le
principe dont j’ai parlé hier, relativement à un système de régie organisé pour
l’entretien des routes ordinaires. Evidemment, messieurs, le gouvernement n’a
pas besoin de loi pour décider d’une question purement administrative de ce
genre. Et en effet, ce mode d’entretien est déjà appliqué. Presque toutes les
routes de la province de Luxembourg, et quelques-unes de la province du Hainaut
sont entretenues par un mode de régie. Le gouvernement, jusqu’ici, n’a pas cru
devoir saisir la législature d’un projet de loi pour acquérir des pouvoirs
qu’il a cru posséder ; je ne vois aucun motif pour ne pas suivre les précédents
admis.
Quant à l’autre
question dont j’ai entretenu hier brièvement la chambre, celle de savoir s’il
ne faudrait pas, pour la construction des routes, essayer de l’application,
dans certaines limites, de la plus-value de 1807, évidemment si le gouvernement
croit que ce système peut être utilement appliqué, il ne le fera qu’en vertu
des pouvoirs que les chambres lui auront donnés.
L’honorable M. Thyrion et l’honorable M. d’Hoffschmidt m’ont demandé des
explications sur le canal de Meuse et Moselle et ont désiré connaître les
intentions du gouvernement.
Messieurs, vous
savez qu’une contestation judiciaire existait à cet égard depuis plusieurs
années. Un arrêt est intervenu récemment, qui a donné au gouvernement gain de
cause sur le fond. La Société de Meuse et Moselle est tenue d’après cet arrêté
d’exécuter les travaux ; et à son défaut le gouvernement est autorisé à les
exécuter d’office. Mais, messieurs, la cour a décidé que quatre années seraient
laissées aux concessionnaires pour terminer les travaux. Du reste, la
signification de l’arrêt ne m’a pas encore été faite.
L’honorable M.
d’Hoffschmidt a engagé le gouvernement à prêter son concours, afin d’arriver a
une exécution amiable de ce travail d’une si haute importance. Messieurs, le
gouvernement est tout disposé à faire ce qui dépendra de lui pour rendre
possible l’exécution de ce canal, si la société de son côté, lui prête son bon
vouloir, et j’ajoute : le gouvernement restant toujours dans les limites de ses
droits. Mais, messieurs, si la société concessionnaire croyait pouvoir user du
bénéfice du terme de quatre années que l’arrêt lui accorde pour achever les
travaux, de manière à rentrer dans une nouvelle inaction, le gouvernement pense
qu’il serait de son devoir et de son droit d’attraire de nouveau la société
devant la cour, afin de la faire déclarer déchue du bénéfice que la société a
acquise, parce que, selon le gouvernement, ce bénéfice lui a été accordé pour
exécuter les travaux et non pour rester dans l’inaction. Voilà le point auquel
cette affaire est parvenue.
L’honorable M. d’Hoffschmidt
nous a entretenus de quelques routes utiles à construire dans le Luxembourg.
L’honorable membre sait que le gouvernement et la députation provinciale se
sont entendus pour indiquer les routes les plus importantes qui, dans le
Luxembourg, devaient être construites à l’aide des deux millions accordés par
les chambres. Je regrette, pour ma part, qu’il ait été impossible de comprendre
dans cette répartition du fond des deux millions, deux routes d’une utilité
spéciale, celle le Bertrix à Ste-Cécile, route destinée à augmenter l’activité
des ardoisières d’Herbeumont, et celle de Barvaux se dirigeant vers la province de Liège. Mais
l’honorable M. d’Hoffschmidt le sait, le conseil provincial, dans sa dernière
session a décidé que, sans renoncer d’une manière absolue à la construction de
routes provinciales, il croyait plus utile de concentrer toutes les ressources
de la province pour exécuter les chemins de grande communication. Cette
décision, qui forme tout un système nouveau, change les conditions d’intervention
du gouvernement, se trouve plus ou moins paralysée, et j’attendrai à cet égard
les propositions que la députation provinciale croira devoir me faire.
M. Vanden Eynde a
parlé de nouveau, dans la séance actuelle, de la route de Beeringen
à Hechtel. La section de Diest à Beeringen est
construite ; il s’agirait donc de relier Beeringen à
Hechtel, de manière à former une grande communication de Maeseyck à Diest.
Je reconnais que
cette route serait d’une grande utilité pour toute cette contrée et pour les
communications à établir avec le camp de Beverloo.
Mais la dépense de cette route s’élèverait à 580,121 fr., et l’honorable membre
sait que la plus grande partie de cette dépense tomberait à charge de l’Etat.
D’un autre côté
ce serait encore une communication à ouvrir dans la province de Limbourg, et,
comme je l’ai fait remarquer hier, trois routes importantes sont maintenant en
voie d’exécution dans le Limbourg ; je les ai fait connaître hier. Mais
indépendamment de ces trois routes, plusieurs autres ont déjà été indiquées par
des honorables députés du Limbourg comme devant fixer la sollicitude du
gouvernement, ce sont : celle de Tongres à Visé, d’une part, et celle de
Hasselt à Beeringen, de l’autre. Le conseil
provincial a aussi indiqué ces routes comme devant figurer en première ligne,
et le gouvernement devra examiner, lorsqu’il sera en possession de ressources
suffisantes pour amener la construction d’une de ces routes, quelle est celle à
laquelle il doit donner la préférence.
L’honorable M. de
Naeyer a encore plaidé avec chaleur l’intérêt de la
Flandre orientale, et nommément celui de l’arrondissement d’Alost. Messieurs je
dois le reconnaître, la construction du chemin de fer a isolé l’arrondissement
d’Alost, et le gouvernement doit tenir compte de ce fait. Mais le gouvernement
n’a-t-il donc rien fait pour cet arrondissement depuis quelques années ? Deux
des plus belles routes de la Flandre orientale sont situées dans
l’arrondissement d’Alost : ce sont les routes d’Alost à Audenaerde et de Ninove
à Audenaerde. Je n’ai pas dit hier, messieurs, que cet arrondissement devait
renoncer à l’espoir de voir achever la route dont l’honorable membre a beaucoup
parlé, celle d’Enghien à Ninove. Mais j’ai seulement fait connaître les faits
devant lesquels le gouvernement se trouvait arrêté.
L’honorable
membre sait que les deux provinces du Brabant et du Hainaut doivent intervenir
pour l’achèvement de cette route. La province de Brabant offre un subside de
98,500 francs, ce qui fait en tout 146,700 francs. Or, comme l’évaluation des
frais de construction de la route s’élèvent à une
somme de 413,700 francs, il resterait à la charge de l’Etat 297,000 francs. Eh
bien, messieurs, j’ai fait connaître aux gouverneurs du Brabant et du Hainaut,
que je les engageais à faire adopter par les conseils provinciaux de ces deux
provinces une majoration du subside qu’elles étaient dans l’intention
d’accorder, car si nous restions dans les termes actuels des négociations, il
est évident que la proportion généralement adoptée relativement à la part
d’intervention de l’Etat et des provinces dans la construction des routes, que
cette proportion n’existerait pas.
Messieurs,
l’honorable M. Lys est revenu sur la question de la route de Verviers à
Francorchamps. J’avais indiqué la somme, plus élevée que la moyenne destinée à
chaque province, qui aurait été affectée pour 1844, à la province de Liége. Je
n’en ai pas conclu que l’Etat renonçait, pour 1844, à s’occuper de la route de
Verviers vers Francorchamps ; j’ai dit que je venais seulement d’être saisi du
rapport du conseil des ponts et chaussées et que je n’avais pas encore pu
terminer l’examen de ce rapport. Le gouvernement examinera si l’on ne pourrait
pas appliquer à la construction de la section comprise entre Verviers et le
village de Sart tous les fonds réunis par les communes et la province, ainsi
que ceux que le gouvernement pourrait peut-être accorder. C’est là une question
que je tiens complètement réservée.
L’honorable M.
David a parlé de la contestation judiciaire qui existait entre le gouvernement
et les concessionnaires de la route de la Vesdre. L’honorable membre a eu soin
de faire connaître à la chambre qu’un arrêt était intervenu, arrêt, selon moi,
complètement favorable aux prétentions du gouvernement. L’honorable membre m’a
demandé si le gouvernement ne serait pas disposé à porter la question sur le
terrain de l’équité au lieu de le maintenir sur le terrain du droit.
Je ferai observer
à l’honorable membre que ce n’est pas le gouvernement qui a porté la question
sur le terrain du droit, mais que ce sont les concessionnaires eux-mêmes. Vous
comprenez, messieurs, de quelles difficultés le gouvernement est entouré,
lorsqu’un arrêt favorable à ses prétentions est intervenu, de quelles
difficultés il est entouré pour entrer dans des arrangements du genre de ceux
que semble indiquer l’honorable membre. Toutefois, je ne voudrais pas que mes
paroles fussent comprises dans ce sens, que je me refuserais à toute espèce de
négociations sur cette question.
Messieurs,
puisque j’ai la parole, je motiverai en quelques mots un amendement que je dois
proposer au chiffre demandé pour le personnel des ponts et chaussées. Depuis la
confection du budget, un rapport m’est parvenu de la part de la commission
mixte, chargée par le ministre de l’intérieur et par mon département, de la
révision de l’arrêté organique de l’école du génie civil de Gand. A la lecture
de ce rapport, j’ai acquis la conviction qu’il était essentiel de proposer à la
chambre une majoration, ou plutôt un littera nouveau pour subvenir aux frais
des jurys d’examen de l’école du génie civil et aux dépenses pour les voyages
des élèves. Vous savez, messieurs, que l’art. 9 de l’arrêté royal du 1er
octobre 1838, organique de l’école du génie civil à Gand, stipule que, pendant
le dernier semestre, (je cite textuellement les expressions de l’article), les
élèves sont distribués, eu égard au plus ou moins d’avancement de leur
instruction, sur les ateliers d’exécution des travaux publics, en qualité
d’observateurs ou aides.
Dès l’année 1840,
les élèves de l’école de Gand ont été envoyés sur les travaux de l’Etat, en
cette qualité, conformément à l’arrêté organique. Les frais de ces voyages des
élèves avaient été payés, jusqu’en 1842, sur l’allocation du personnel des
ponts et chaussées. Mais, messieurs, en 1843 cette allocation est devenue
insuffisante, surtout depuis que l’on a mis à la charge de ce chiffre les
traitements de quelques membres du corps des ponts et chaussées qui étaient
rétribués précédemment sur les fonds du chemin de fer. Ainsi, messieurs, en
1843 il y a eu insuffisance de fonds, et ces voyages n’ont pu être autorisés
par le département des travaux publics. La commission mixte, dont j’ai parlé
tout à l’heure, m’a fait observer que ces voyages des élèves constituaient,
pour ainsi dire, tout l’enseignement pratique de l’école ; l’enseignement de
l’école est divisé en enseignement théorique et en enseignement pratique. Or,
l’enseignement pratique consiste surtout dans les voyages, sur les ateliers
d’exécutions de travaux publics.
La commission m’a
fait la remarque que l’enseignement pratique est aussi obligatoire pour les
élèves que l’enseignement théorique, que les élèves n’avaient pas l’option
d’aller ou de ne pas aller sur les travaux ; que ces voyages constituaient une
obligation à laquelle ils ne peuvent se soustraire. D’un autre côté, il est
difficile de soutenir que les frais de ces voyages puissent tomber à la charge
des élèves ; ce serait là une impossibilité que la chambre ne voudrait pas
consacrer. Ainsi, d’un côté, l’insuffisance des fonds a été constatée dès 1842
; de l’autre côté, cet enseignement étant obligatoire, il faut donc bien y
pourvoir.
On pourrait
soutenir que les frais de voyage des élèves de l’école de Gand et des jurys
d’examen doivent être à la charge du budget de l’intérieur, puisque ces frais
sont plutôt relatifs à l’enseignement qu’à l’utilité qu’en retire le
département des travaux publics. C’est là une observation sur laquelle je
n’insiste pas, puisque le budget de intérieur est voté
; mais toujours faut-il que le département des travaux public doit être à même
de subvenir à cette dépense pendant l’exercice actuel.
J’ai donc
l’honneur de proposer à la chambre un amendement à l’article personnel des ponts et chaussées,
amendement qui serait ainsi conçu :
« Frais des
jurys d’examen de l’école du génie civil à Gand et voyages des élèves, 6,000
fr. »
Je ne sais si la chambre voudra discuter immédiatement cet amendement, ou
si elle préférera en renvoyer le vote à demain. Elle en agira à cet égard comme
elle le jugera convenable.
Messieurs, j’ai
une autre observation à faire, afin d’éviter des contestations avec la cour des
comptes. Les frais de déplacement de l’ingénieur en chef des ponts et chaussées
pour la visite et l’inspection des prisons de l’Etat, ces frais ont été payés
jusqu’ici sur le budget de la justice ; la cour des comptes ayant fait quelques
observations sur ce mode de liquidation, une correspondance s’en est suivie à
cet égard entre cette cour et nos deux départements ; il a été convenu que l’indemnité
de voyage dont il s’agit, continuerait à être imputée sur le budget du
ministère de la justice pour l’année 1843, sauf à reporter cette dépense, à
partir de l’exercice de 1844 sur le chap. II, article personnel des ponts et chaussées, du budget des travaux publics.
Le département
des travaux publics se trouve dans l’impossibilité, pour cette année, de
déférer au désir exprimé par la cour des comptes, à moins que l’on ne majore le
chiffre du personnel des ponts et chaussées, mais le budget de la justice est
voté sans déduction de la somme de 3,000 fr. qui a été jusqu’ici consacré aux
frais de voyage et de déplacement dont je viens de parler ; je crois dès lors
qu’il convient de maintenir pour 1844 l’état de choses qui existe actuellement.
Je dois faire une
observation analogue relativement à une observation de la cour des comptes sur
le mode adopté d’imputer sur des fonds spéciaux de construction les traitements
fixes ou variables de quelques agents des ponts et chaussées. Le défaut de
majoration m’empêchera pour cet exercice d’adopter une autre manière d’agir.
M. de
Theux. - Je ne viens
pas, messieurs, insister sur la nécessité d’abandonner au gouvernement la
décision des questions de priorité en fait de routes ; c’est un parti pris de
la part de la chambre, de laisser le gouvernement libre dans son action
administrative. C’est lui, en effet, qui peut le mieux apprécier les besoins
des localités, ainsi que les différentes circonstances qui doivent militer pour
la priorité.
Messieurs, l’on a
fait valoir l’importance des travaux qui ont été faits dans certaines
localités. Il me semble qu’il y a une omission importante dans l’énumération
des avantages qui ont été accordés à plusieurs localités ; on n’a pas tenu
compte de cette circonstance, que certaines localités profitent éminemment des
routes qui sont construites ailleurs.
Ainsi, telles
localités ont fourni exclusivement tous les matériaux. S’agit-il de routes
pavées, elles ont fourni tous les pavés. S’agit-il de chemins de fer, elles ont
fourni tous les fers, elles fournissent encore le charbon pour l’exploitation.
Voilà des avantages immenses dont on doit tenir compte dans l’appréciation des
travaux publics qui ont été répartis entre les diverses provinces du royaume.
Du reste, je n’entends faire aucune espèce de récrimination ; je me borne à
appeler l’attention de la chambre sur des faits qui me semblent la mériter tout
entier.
L’on a parlé de
l’importance des péages sur certains canaux ; nous ne nions cette importance en
aucune manière ; cependant il serait facile de citer tel canal qui a coûté des
sommes considérables, et qui ne rapporte pas à l’Etat un intérêt équivalent. En
tout cas, il ne faut pas perdre de vue que les péages des canaux sont en
général fournis par les consommateurs des autres provinces, car les péages
renchérissent le prix du charbon et conséquemment tombent à charge du
consommateur, au moins pour la plus grande partie. Je ne nie pas que le vendeur
ne doive aussi supporter quelque chose dans le péage en vendant moins cher.
D’autre part, on
ne doit pas perdre de vue que si l’on se bornait à construire des routes dans
les centres de productions, le débit des charbons, des pavés, des fers et
d’autres matières pondéreuses serait exclusivement restreint. C’est par
l’extension des voies de communications dans d’autres provinces que ces centres
de productions qui constituaient une source de richesse pour l’ensemble du
pays, ont reçu un accroissement de prospérité.
C’est un fait tellement vrai que le charbon de houille se consomme dans
presque toutes les communes rurales qui sont accessibles par des voies pavées,
et le débit de ce charbon ira en croissant, à mesure que des chaussées
s’étendront dans d’autres localités.
L’on a parlé de
l’importance des impositions de certaines provinces.
Mais, messieurs,
on n’a pas fait une distinction à l’égard des impôts de douanes ; et cependant,
quoique perçus dans les bureaux limitrophes des pays voisins, les impôts de
douane sont payés par les consommateurs de tous les pays ; c’est là une
défalcation à faire, et qui est de la plus haute importance.
Du reste, je ne
demande de privilège pour aucune localité, je demande seulement que le
gouvernement pèse toutes les circonstances d’équité, et qu’il se détermine
exclusivement d’après l’intérêt bien entendu du pays.
Je vois avec
plaisir que M. le ministre des travaux publics s’occupe de l’examen de la
question du concours des propriétaires pour la construction des routes ; c’est
le moyen le plus assuré d’augmenter le fonds des routes. Ce serait aussi un
moyen de prévenir quelques demandes parfois indiscrètes pour construire de
certaines routes. Lorsqu’on saura que ces routes ne pourront être obtenues que
moyennant les sacrifices considérables, on ne demandera que les routes qui présentent
un intérêt réel pour les localités.
Je me bornerai à
ces observations ; je n’ai en aucune manière l’intention d’exiger de la part de
M. le ministre des travaux publics une réponse favorable à telle ou telle
localité.
M. de Man d’Attenrode. - Messieurs, c’est avec étonnement que j’ai
entendu M. le ministre des travaux publics venir nous faire l’éloge du système
de la régie appliquée d’une manière un peu large aux travaux publics.
Jusqu’à présent,
les économistes n’avaient fait mention de cette forme pour les dépenses d’un
gouvernement, que pour établir qu’elle ne pouvait être employée que dans des
cas rares, que cette forme ne devait être que l’exception ; tout le monde
connaît d’ailleurs quels sont les abus inévitables de ce système ; nous en
avons une preuve par ce qui se passe à l’administration des chemins de fer.
L’honorable ministre a répondu à l’honorable M. Pirmez, qui a contesté, avec
raison, les avantages de ce système, que c’est le droit du gouvernement d’en
agir ainsi. S’il le juge convenable, eh bien, je répondrai que le droit de la
chambre, et j’espère qu’elle en usera, sera d’introduire dans la loi de
comptabilité, que nous allons discuter, une disposition pour restreindre un
système que je considère comme un grave abus, quand on l’applique sur une
grande échelle.
- Personne ne
demandant plus la parole, les différents litteras de l’art. 1er du chap. II,
sont mis aux voix et adoptés.
La section
centrale, d’accord avec M. le ministre des travaux publics, a proposé le
transfert d’une somme de 2,600 francs à l’art. 2 chap. 1er ; en conséquence, le
litt. D se trouverait réduit à 942,074 francs.
Le litt. D, ainsi
modifié, est adopté.
L’ensemble de
l’art. 1er, montant à 2,737,400 francs est mis aux
voix et adopté.
Article 2
« Art. 2.
Frais d’entretien des plantations et plantations nouvelles sur les routes de
l’Etat, fr. 50,000 »
- Adopté.
M. le président. - La chambre veut-elle se borner à faire
imprimer l’amendement qui a été présenté tout à l’heure par M. le ministre des
travaux publics, ou désire-t-elle renvoyer la disposition à la section centrale
?
De toutes parts. - Non ! non !
L’impression suffit.
- L’amendement
sera imprimé et distribué.
SECTION II. - Canaux, rivières, poldres
Article 3
(Service des canaux de Gand au Sas-de-Gand, de Maestricht à Bois-le-Duc, de Pommeroeul à Antoing)
M. le président. - La chambre passe à la discussion de
l’art. 3 du chap. II.
« Art. 3. Litt. A (Canal de Gand au
Sas-de-Gand).
« Travaux
d’entretien ordinaire, fr. 7,593
« Travaux de
dévasement pour entretenir le canal à sa profondeur normale, fr. 13,000
« Travaux de
renforcement et de restauration des bords : fr. 11,000
« Restauration
de l’estacade du quai en amont de l’écluse de navigation au Muyde
à Gand, fr. 2,500
« Personnel,
fr. 7,500 »
« Litt. B. (Canal
de Maestricht à Bois-le-Duc).
« Entretien
ordinaire : fr. 27,000
« Reconstruction
des portes d’aval de l’écluse de Hocht, fr. 11,000
« Personnel, fr.
13,877 50 »
« Litt. C. (Canal
de Pommeroeul à Antoing).
« Entretien
ordinaire, fr. 24,000
« Travaux
d’entretien extraordinaire et d’amélioration, alimentation, fr. 72,489
« Travaux
d’achèvement nécessaires pour mettre le canal dans son état normal, fr. 50,000
« Personnel,
fr. 13,660 »
- Ces divers paragraphes sont adoptés sans discussion.
« Litt. D.
(Sambre canalisée).
« Travaux
d’entretien ordinaire et de dragage, fr. 118,892
« Reconstruction
du pont établi sur la dérivation de Morimont, fr.
20,000
« Personnel,
fr. 35,850 »
M. le président. - La discussion s’ouvre sur ce littera.
La parole est à
M. Brabant.
M. Brabant. - Messieurs, si j’ai demandé la parole
sur cet article, ce n’est pas pour m’opposer à l’allocation de crédit demandée
par le gouvernement ce n’est pas non plus pour y proposer une majoration ;
c’est uniquement pour prier le gouvernement, de nous faire enfin application de
la loi du 1er septembre 1840. Cette loi porte :
« Le gouvernement
est autorisé à réduire le tarif de la Sambre canalisée, à mesure que des
réductions analogues seront simultanément opérées en France dans le tarif du
cours de la même voie navigable entre les frontières belges et Paris ; il stipulera
du reste les conditions qu’il jugera les plus utiles au trésor de l’Etat et à
l’industrie du pays en général. »
Messieurs,
l’établissement de canaux est en général un bienfait pour les riverains ;
malheureusement, la canalisation de la Sambre n’a pas porté ses fruits pour les
riverains de la Sambre inférieure. Quelques chiffres empruntés à un travail
très remarquable de l’un des concessionnaires du canal de la Sambre vous feront
voir quels ont été les résultats pour la Sambre inférieure.
A la page 23 du
mémoire de l’honorable M. de Puydt, je vois que la dépense du batelier, pour
aller de Charleroy à Namur, y compris la remonte à vide, est de 1 fr. 74 c. par
tonneau ; que pour aller de Charleroy à Lobbes, y compris la descente en
retour, cette dépense est de 3 fr. 78 c. ; et pour aller de Lobbes à Maubeuge,
de 2 fr. 77 c. ; total, 6 fr. 55 c.
Aujourd’hui, si
j’en crois un rapport adressé par l’honorable M. Guillery
à M. le ministre des travaux publics, le fret de Charleroy à la frontière de
France ne serait plus que de 4 fr., et le fret de la frontière de France à
Charleroy ne serait que de 2 fr. 75 c.
Vous voyez donc
qu’il y a eu pour la Sambre supérieure un bénéfice très considérable par suite
de la canalisation. En remonte le fret se trouve réduit de plus de 30 p. c., et
à la descente, il est réduit de plus de 50 p. c. Pareille chose n’a pas eu lieu
pour la Sambre inférieure, le fret, qui était de 2 fr. avant la canalisation,
se trouve aujourd’hui à 3 fr. 50 et 4 fr. Comparant cet état de choses avec la
navigation sur certaines rivières, sur la rivière la plus proche, la Meuse, je
trouve qu’il en coûte autant pour descendre de Charleroy à Namur, pour un
parcours de 53 kilomètres avec une descente de 18 mètres et demi, qu’il en
coûte pour remonter la Meuse de Namur à Vireux, 72 kilomètres avec une remonte
de 21 mètres 70 centimètres. Ainsi la Sambre canalisée coûte plus aujourd’hui à
la descente que la Meuse, dans son état d’imperfection, ne coûte à la remonte
pour un parcours de 72 kilomètres avec 21,70 m. de différence de niveau.
La loi autorise
la réduction du péage dans tout le parcours de la Sambre ; on ne l’a appliquée
qu’à la Sambre supérieure et seulement pour les produits de notre sol à
destination de la France. C’est, messieurs, aller contre toutes les règles. Le
gouvernement a doublé les principes qu’il avait lui même posés lors de la
présentation de ce projet de loi. Les ministres de l’intérieur et des travaux
publics d’alors demandaient l’autorisation de réduire le tarif des péages sur
la Sambre à concurrence d’une quantité qui ne pourrait excéder la moitié des
droits existants. Cette réduction était demandée dans l’intérêt de
l’exportation vers Paris, dans l’intérêt de la consommation intérieure et de la
navigation vers Namur.
Sous ce dernier
point de vue, la question présentait peu de gravité aux yeux du gouvernement,
elle n’intéressait, disait l’exposé des motifs, que le trésor. Cet exposé
ajoutait qu’il était constant que le roulage ordinaire continuait à faire
concurrence à la voie fluviale, ce qui semblait dénoter une trop grande
élévation de péages. Il disait aussi qu’il serait difficile de réduire le tarif
en faveur de l’exportation, c’est-à-dire en faveur de la consommation étrangère
et de la maintenir au détriment de la consommation intérieure. Le projet du
gouvernement a été modifié dans cette chambre, mais la modification qu’il a
subie n’était pas un obstacle à ce que le gouvernement ramenât le tarif à un
taux qui permît l’approvisionnement des parties en aval de Charleroy. Plusieurs
réclamations ont déjà été adressées au gouvernement ; plusieurs fois dans cette
enceinte, nous avons demandé l’exécution de cette loi en notre faveur ;
jusqu’ici nous n’avons rien obtenu.
Eh bien, il y a
aujourd’hui nécessité absolue de faire droit à nos réclamations. Ce n’est pas
le commerce, ce ne sont pas les bateliers qui demandent aujourd’hui le plus
positivement le changement des tarifs, c’est un ingénieur du gouvernement qui
vous dit dans quel état se trouve la navigation de la Sambre ; il vous le dit dans
une pièce qui vous a été communiquée par le ministre des travaux publics. Voici
ce que dit M. Guillery dans son rapport :
« Un établissement industriel situé sur la Meuse, en amont de Liège,
faisait venir d’un autre établissement sur la Sambre, à l’aval de Farciennes,
des produits chimiques nécessaires à sa fabrication, à raison de fr. 4-50 par
tonneau pour une distance de 96 kilomètres, ou de fr. 0,046 par kil. et par
tonneau ; mais les difficultés que des constructions nouvelles dans la vallée
de la Sambre ont apportées à la navigation de cette rivière, s’ajoutant aux
difficultés de la Meuse, on demande aujourd’hui 8 fr., ou presque le double,
pour le même parcours, et encore tous les bateliers ne se montrent-ils pas
disposés à conclure des marchés à ce prix, vu la nature des marchandises et la
responsabilité que cela leur impose. Il est résulté des contrariétés et des
lacunes que l’établissement dont il s’agit éprouvait dans ses transports, qu’il
s’est vu contraint de faire venir, par Bruxelles, les matières qui lui venaient
précédemment par Namur ; il lui faut ainsi leur faire remonter la Sambre,
suivre le canal de Charleroy, et faire prendre à Bruxelles par des chariots ou
par l’administration du chemin de fer, en s’astreignant à un énorme détour et des
plus coûteux, ce que, dans de meilleures circonstances, avec des conditions
plus favorables pour la navigation, il pourrait se procurera un prix beaucoup
moindre, et beaucoup plus promptement. »
Vous voyez dans
quel état se trouve aujourd’hui la Sambre. Il suffit d’avoir passé une couple
de fois sur le chemin de fer de Namur à Charleroy, pour se faire une idée des
difficultés que les ponts nombreux établis sur la Sambre doivent causer à la
navigation.
Cet hiver
plusieurs bateaux ont été coulés par suite des difficultés que présentent
aujourd’hui ces passages de pont. Quoique le chemin de fer ait coûté
considérablement plus que la canalisation de la Sambre, canalisation que
cependant nous avons été obligés de payer au poids de l’or, par suite de la
négligence apportée dans la défense des intérêts du gouvernement vis-à-vis des
tribunaux, quoique le chemin de fer ait coûté au-delà de 50 p. c. plus que la
Sambre canalisée, il transporte la houille à 50 centimes meilleur marché que la
Sambre canalisée. J’appelle l’attention de M. le ministre sur ce point. Je
crois que légalement il peut réduire le tarif de la Sambre inférieure. Je crois
qu’il y a équité pour le gouvernement, pour la nation, de rétablir un équilibre
qui n’a été troublé que par son fait.
M. Delfosse. - Messieurs, il y a quelques jours la
commission des pétitions a fait un rapport sur une pétition d’habitants de
Charleroy et des environs, qui demandaient, comme l’honorable M. Brabant, la
réduction des péages de la Sambre. Je n’ai pas voulu entrer alors dans l’examen
de la question soulevée par les pétitionnaires. Je me suis borné à faire
remarquer à M. le ministre qu’il y avait deux intérêts très importants en
présence ; l’intérêt du bassin houiller de Charleroy et l’intérêt du bassin
houiller de Liége. J’ai dit à le ministre des travaux
publics de se tenir sur ses gardes contre les prétentions des pétitionnaires et
de ne pas adopter à la légère une mesure qui pourrait être préjudiciable à de
grands intérêts. Je dirai aujourd’hui à M ; le ministre de se tenir en garde
contre les observations d l’honorable M. Brabant, comme je lui ai dit l’autre
jour de se tenir en garde contre les prétentions des pétitionnaires.
Savez-vous,
messieurs, ce que la Sambre canalisée a coûté à l’Etat ? L’Etat a repris la
Sambre canalisée en 1835. Il a payé pour cette reprise une somme de 6,723,000 florins, ce qui fait environ 13 millions de francs.
Quel est l’avantage que le gouvernement a retiré de cette reprise ? Quel est le
revenu de ce canal ? On a porte au budget des voies et
moyens de cette année, pour le revenu de la Sambre canalisée, une somme de 400
mille fr. On porte au budget des travaux publics pour dépenses d’entretien
174,000 fr., de manière qu’il ne reste pas même à l’Etat un revenu net de
300,000 fr. Il ne faut pas perdre de vue que les prévisions des voies et moyens
sont souvent exagérées, qu’il n’est pas sûr que la recette réelle atteindra les
prévisions du gouvernement ; mais en admettant comme certaines ces prévisions,
nous n’aurons pas de la Sambre canalisée, un revenu net de 300,000 fr. Le
gouvernement ayant dépensé une somme de 13 million environ, il en résulte que
l’intérêt ne s’élève qu’à 2 p.c. environ.
Le gouvernement qui
a dû emprunter cette somme de 13 millions paye un intérêt de 4 à 6 p. c. Il
n’en tire que 2, il fait donc annuellement une perte de 3 à 4 p. c. On nous
propose d’augmenter encore cette perte, de réduire les péages de la Sambre
inférieure, de manière qu’au lieu de percevoir 2 p. c. alors que nous payons 5
ou 6, nous ne recevrions plus que 1 ou 1 1/2. Je ne pense pas que dans l’état
actuel du trésor, quand nous sommes sous le poids d’un déficit considérable, le
gouvernement soit disposé à accueillir de semblables dispositions.
L’honorable M.
Dumortier disait tantôt que les capitaux dépensés par le gouvernement pour les
canaux du Hainaut produisaient un intérêt d’environ 10 p. c. Vous voyez qu’il y
a beaucoup à rabattre des évaluations de l’honorable M. Dumortier.
Pour le canal de
la Sambre, ce n’est pas un intérêt de 10 p. c. que tire le gouvernement, c’est
tout au plus un intérêt de 2 p. c.
Si le
gouvernement faisait droit aux observations de l’honorable M. Brabant, il
ferait donc un acte de mauvaise administration, au point de vue du trésor ; il
commettrait de plus une criante injustice.
Dans l’état actuel des péages, il en coûte plus pour transporter les
charbons de Liége à Namur, que pour transporter les charbons de Charleroy à
Namur.
Si les
renseignements qui m’ont été donnés sont exacts, le prix du transport des
charbons de Charleroy à Namur est de 4 fr., par tonneau. Le prix du transport
de Liége à Namur est de 6 fr. Nous payons donc, dans l’état actuel des péages,
2 fr. de plus par tonneau que les exploitants des houillères de Charleroy.
Aussi nos exploitants ont-ils toutes les peines du monde à lutter contre ceux
de Charleroy. Ceux-ci viennent nous enlever notre marché, pour ainsi dire à nos
portes. Le charbon de Charleroy se vend même à Huy.
Il y a plus : nos
houillères ont un débouché assez restreint, mais enfin un débouché dans
certaines parties de la France, vers lesquelles nous pouvons nous diriger, en
remontant la Mense. Si l’on réduit encore les péages de la Sambre inférieure
(déjà on les a réduits), puisque, d’après le cahier des charges, les
concessionnaires avaient droit à un péage de 12 cents par tonneau et par lieue,
et que l’on ne paye en ce moment que 9 cents, c’est-à-dire un quart de moins,
nous perdrons entièrement ce débouché.
Le bassin de
Charleroy a un immense débouché en France par la Sambre supérieure. Une grande
partie de la France est ouverte par ce point au bassin de Charleroy. Nous, nous
n’avons en France qu’un très faible débouché ; et on voudrait nous l’enlever
pour le donner à Charleroy ! Ce serait, je le répète, une criante injustice.
Je ne demande pas
que le gouvernement se prononce dès à présent. Tout ce que je demande, c’est
qu’il étudie sérieusement la question, c’est qu’il recueille consciencieusement
les faits. Je suis convaincu qu’après cela il ne fera pas droit aux
observations de l’honorable M. Brabant.
M. Dumont. - Je dois quelques mots de réponse aux
observations qui viennent d’être présentées.
L’honorable M.
Delfosse prétend qu’il est contraire aux intérêts du trésor d’abaisser les
péages sur la Sambre inférieure. C’est une erreur. L’expérience l’a prouvé. On
a abaissé les péages sur la Sambre supérieure. Depuis, les revenus sont
augmentés. Je suis persuadé que si l’on prenait la même mesure pour la Sambre
inférieure, on obtiendrait le même résultat.
Ce qui a diminué
considérablement le produit de cette branche de revenu, c’est précisément
l’élévation des péages. Il est souvent arrivé que, par suite de l’élévation des
péages, le transport du charbon de Charleroy à Namur se fait par la voie de
terre.
Le motif de
l’opposition de l’honorable M. Delfosse à la réduction des péages, c’est que,
si elle avait lieu, il y aurait concurrence entre les charbons de Charleroy et
de Liège, sur le marché de la France, dans le département des Ardennes. Je
pense que si l’on abaissait les péages sur la Sambre, cela aurait pour effet de
rendre au bassin de Charleroy le marché qu’il avait autrefois en France et
qu’il a perdu par l’élévation des péages. Le péage de Charleroy à Namur était
de 3 fr. par tonneau, avant la canalisation. Depuis, il a été porté à 4 fr.
Cette différence, jointe à l’amélioration de la navigation de la Meuse, a eu
pour effet d’ôter au bassin de Charleroy, au profit de celui de Liége, le marché
de la France. C’est donc par le fait du gouvernement que le bassin de Charleroy
a perdu ce marché. Est-il juste qu’aux dépens du trésor on prenne à un pour
donner à l’autre, que l’on dépouille l’arrondissement de Charleroy pour
enrichir l’arrondissement de Liége ? Je pense que ni le gouvernement, ni les
chambres ne trouveront cela juste. Je pense que, dans tous les cas, le
gouvernement devrait laisser la concurrence dans le même état où elle était.
Il serait donc de
toute justice d’abaisser les droits de péage sur la Sambre inférieure, parce
que ce serait rendre à l’arrondissement de Charleroy ce dont on l’a dépouillé.
M. Pirmez. - Quand ce sont seulement les
producteurs qui viennent réclamer des diminutions de droits, je conçois des
défiances sur l’exactitude des faits allégués, telles que celles que veut faire
naître l’honorable M. Delfosse. Mais ici ce ne sont pas seulement des
producteurs qui constatent les faits et qui par suite demandent des diminutions
de droits, ce sont aussi des consommateurs, qui d’ordinaire ne prennent aucune
part à de telles discussions. Pour qu’il en soit ainsi, il faut que les
réclamations soient d’une justice évidente ; car dans ces questions d’intérêt
individuel des consommateurs qui sont infiniment nombreux est faible en
comparaison de celui des producteurs.
Vous avez entendu
l’honorable M. Brabant, au nom de la ville de Namur. C’est le consommateur qui
réclame. Si vous pouviez prendre un juge pour apprécier les faits dans une
telle question, jamais vous n’en auriez trouvé un meilleur que Namur qui, par
sa position, est si à même de les connaître et de réduire à sa valeur ce que
les parties pourraient avancer d’exagéré. Si, pour apprécier les faits, vous
êtes en défiance contre les allégations des habitants de Charleroy, vous ne
pouvez être dans cette défiance contre celles des habitants de Namur.
Sans doute, comme
l’a dit l’honorable M. Delfosse, le ministre ne doit pas prendre légèrement une
mesure ; mais il doit en prendre une ; nous espérons qu’il n’hésitera plus à
diminuer les péages sur la Sambre.
L’honorable M. Delfosse a parlé du coût de la Sambre ; il a dit combien on
a donné d’argent pour le rachat de cette canalisation.
D’abord je dirai
que le gouvernement a fait une mauvaise opération dans le rachat de la Sambre,
et que les concessionnaires auraient été forcés, dans leur intérêt, de mettre
les péages à un taux bien plus bas que le gouvernement.
Le gouvernement a
payé trop cher la canalisation de la Sambre, on connaît son procès avec les concessionnaires
et comment il a laissé périmer le délai d’appel. Vous ne devez pas faire
retomber les conséquences de pareilles fautes sur les producteurs de Charleroy.
Mais, outre cela,
le gouvernement a encore gêné la navigation de la Sambre. De Charleroy à Namur
il y a 13 ponts, qui barrent en quelque sorte la Sambre sur sa longueur. La
navigation est devenue par suite infiniment plus difficile et en même temps il
dépense des sommes considérables pour améliorer la navigation de la Meuse qui
ne produit presque rien.
L’honorable M.
Delfosse parle des difficultés de la navigation sur la Meuse. Nous y dépensons
400,000 fr. Et que rapportez-vous à l’Etat ? à peu
près rien.
Liége se plaint
de ce qu’il n’a pas de débouché. Mais on vient encore de lui faire dans la
Campine un canal par lequel ses produits arriveront dans cette partie du pays,
en concurrence avec ceux du Hainaut. Le traité d’il y a trois ans lui a ouvert
la Hollande, par la Meuse ; elle n’a qu’à y laisser couler ses bateaux.
Je crois donc que
le gouvernement doit être éclairé maintenant sur cette question et qu’il ne
doit pas hésiter à réduire les péages sur la Sambre.
M. de
Theux. - J’ai entendu
quelques honorables orateurs engager M. le ministre des travaux publics à
abaisser les péages sur la Sambre, en vertu d’une loi qui a été votée. Pour
autant que mes souvenirs sont fidèles, je pense que M.
le ministre des travaux publics n’a pas ce pouvoir. Je crois que cela résulte
de la discussion et du texte de la loi. Toutefois c’est un point à examiner.
En faisant cette
observation, je n’entends, en aucune manière, préjuger la question. Elle doit
être instruite, Il faut savoir s’il y a utilité, s’il y a équité à abaisser les
péages sur la Sambre.
Un honorable
député de Liége, M. Delfosse, a fait une observation qui est très vraie, c’est
que nonobstant les péages de la Sambre, le charbon du Hainaut, au moins
certaines qualités, se débitent jusqu’aux portes de la ville de Huy. Du reste,
il ne s’en suivrait pas qu’il n’y aurait rien à faire pour la Sambre ; car ceci
peut n’être applicable qu’à certaines qualités de charbons ; mais du moins
c’est un fait qui mérite d’être examiné par le gouvernement.
L’honorable M.
Pirmez demande qu’on prenne Namur pour juge entre Charleroy et Liége. Pour moi
je ne pourrais admettre ce juge, parce que évidemment
il demanderait l’abaissement des péages tout à la fois sur la Meuse et sur la
Sambre. Il faut que le gouvernement décide ici, et qu’il décide après mûr
examen de tous les faits, s’il y a lieu de présenter un projet de loi.
Pour moi je me bornerai à plaider un peu la cause du trésor. Nous demandons
tous des nouvelles constructions de canaux, des améliorations de rivières ;
mais nous les demandons beaucoup dans l’intérêt de nos localités sans trop nous
inquiéter des intérêts du trésor. Cependant ceux-ci doivent être pris
grandement en considération aujourd’hui.
Quant à moi, à
moins qu’il ne soit démontré que la navigation d’un canal ou d’une rivière augmenterait
considérablement par l’abaissement des péages, je m’opposerai à toute
réduction, et je n’admettrai pas, sans réserve, quant à l’abaissement des
péages dans l’intérêt du trésor ce qu’on vous a dit quant à la Sambre
supérieure. Cela peut tenir à des circonstances locales, à des circonstances
tout autres que l’abaissement des péages. Il y a ici beaucoup de faits à
examiner, et sur lesquels nous ne pouvons nous prononcer parce que nous ne les
connaissons pas.
Puisqu’on en est
à la question des péages sur les rivières et les canaux, je demanderai de
nouveau que le gouvernement ne fasse aucune amélioration importante à la
navigation les rivières sans en même temps établir un péage qui lui procure au
moins une indemnité quelconque. Le principe de justice qui permet que l’on
établisse un péage pour la canalisation des rivières ou pour l’ouverture d’un
nouveau canal, est aussi applicable pour les améliorations importantes faites à
des rivières. Chaque fois que, par des travaux considérables, le gouvernement
procure des facilites au commerce, il y a lieu, soit d’établir un péage
nouveau, soit d’augmenter les péages existants, pour y trouver une indemnité
quelconque aux dépenses qui sont faites. C’est le seul moyen d’être juste,
d’arriver à l’achèvement de nos travaux de canalisation et d’amélioration des
rivières.
Je bornerai là
mes observations.
M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, je débuterai aussi par
défendre l’intérêt du trésor.
L’honorable M. Brabant
vous a fait remarquer que les frais de transport de la houille, par le chemin
de fer, s’élevaient à 50 sous de moins, par tonneau, que les frais de transport
sur la Sambre. Pour amener un équilibre, l’honorable membre vous propose de
réduire les péages sur la Sambre, de manière que la houille puisse arriver à
Namur au même prix par eau que par le chemin de fer.
Messieurs, on pourrait arriver à un équilibre d’une autre manière : ce
serait de faire en sorte que le prix de transport de la houille par le chemin
de fer fût égal à celui de transport sur la Sambre. De cette manière l’Etat
n’éprouverait pas une réduction de revenu.
Messieurs, comme
vous l’a fort bien dit l’honorable M. Delfosse, il ne faut pas perdre de vue
que ce canal de la Sambre nous a coûté fort cher et
qu’il ne produit qu’un très faible intérêt. Cet honorable membre vous a aussi
signalé que les houillères du bassin de Charleroy s’étaient emparées de la
consommation d’une grande partie de la province de Liége. Je pourrais, a
l’appui de cette assertion, vous citer plus de quarante communes dans la
Hesbaye, qui autrefois consommaient de la houille de Liége et qui aujourd’hui
s’approvisionnent des houilles qui viennent de Charleroy. C’est ainsi que,
comme l’honorable M. Delfosse vous l’a encore fait observer, il s’est établi
aux portes de Huy des magasins de houille qui viennent des environs de
Charleroy, et que presque toute la Hesbaye, jusqu’à environ quatre lieues de
Liége, s’approvisionne de ces houilles.
L’honorable M.
Pirmez vous a dit que le consommateur était un bon juge dans les réclamations
sur les péages. Messieurs, je suis consommateur de houilles de Charleroy ; mais
je sacrifie mes propres intérêts à l’intérêt général, à l’intérêt du trésor. Je
ne demande pas l’abaissement des péages sur la Sambre qui amène la houille que
je consomme, ainsi que 40 à 50 communes de la Hesbaye.
Avant tout il
faut être juste : autrefois ces 40 à 50 communes consommaient de la houille de
Liège, et si les houilles du bassin liégeois sont transportées aujourd’hui vers
la France par la Meuse, Charleroy s’est bien vengé en s’emparant d’une grande
partie du marché de la Hesbaye. J’engage donc M. le ministre des travaux
publics à augmenter le plus tôt le prix de transport de la houille sur le
chemin de fer que de diminuer les péages sur la Sambre. Nous ne sommes pas dans
une position à réduire nos ressources. Nous devons, au contraire, chercher à
les augmenter. Malheureusement chacun de nous voudrait tout avoir à bon marché,
voir réduire les impôts et en même temps augmenter les dépenses ; c’est là une
pierre philosophale que je crois que nous chercherons longtemps avant de
trouver. Nous ne devons pas perdre l’intérêt des contribuables qui seront
appelés à combler le déficit, résultat de la réduction des péages.
M. le ministre des travaux
publics (M. Dechamps) - Messieurs, la discussion actuelle soulève deux questions importantes.
La première est
celle de savoir si le gouvernement est en droit d’opérer une réduction sur la
Sambre inférieure en vertu de la loi du 1er septembre 1840. Vous savez,
messieurs, que cette loi a autorisé le gouvernement à réduire les tarifs de la
Sambre (je cite le texte de la loi) à mesure que des réductions analogues
seraient simultanément opérées en France dans les tarifs sur la même voie
navigable entre la frontière belge et Paris.
Le gouvernement,
usant des pouvoirs que cette loi lui avait conférés, a, par un arrêté de la
même date, et qui forme interprétation de loi, réduit les péages de la Sambre
belge à 10 centimes par tonneau et par lieue de parcours, en ce qui concerne la
houille, les fontes et les ardoises à destination de la France par la Sambre
supérieure, cette loi autorise-t-elle le gouvernement à opérer une réduction
sur la Sambre inférieure vers les Ardennes françaises ? Le gouvernement,
messieurs, ne le pense pas. Le texte de la loi du 1er septembre me paraît
interdire une telle interprétation.
Le texte, qui
indique que les réductions dont il s’agit sont celles qui concernent les
transports dirigés vers le marché de
Paris, dit assez clairement qu’il ne s’appliquait qu’à la Sambre
supérieure.
Ce qui tend à
prouver que cette interprétation est la seule vraie, c’est que l’arrêté pris
par le gouvernement, comme je viens de vous le dire, à la même date que la loi
et qui doit être regardé par la chambre comme l’interprétation que le
gouvernement avait donnée à la loi même, dit formellement que cette réduction
n’a lieu que pour les houilles, fontes et ardoises, en destination de la
France, par la Sambre supérieure.
Mais si la loi du
1er septembre 1840 ne donne pas au gouvernement le droit de réduire les péages
sur la Sambre inférieure, ne peut-il pas puiser ce droit dans la loi du 30 juin
1842, prorogée le 29 décembre 1843, loi qui, comme vous le savez, a pour but
principal de favoriser nos exportations de houilles ? Messieurs, le
gouvernement examine encore cette question.
Lorsqu’il s’est
trouvé saisi des pétitions nombreuses qui lui étaient arrivées du bassin de Chaleroy et des intéressés de la province de Namur, le
gouvernement s’est empressé de faire une enquête sur les faits. Cette enquête,
messieurs, n’est pas encore complète. Cependant le gouvernement a obtenu déjà
des renseignements assez nombreux, et de l’ingénieur en chef en service dans la
province de Namur, et de l’ingénieur en chef M. Guillery,
chargé du service spécial de la Meuse.
Messieurs,
d’après les chiffres qui ont été communiqués par ces ingénieurs, le pays de
Liège exporte dans les Ardennes françaises annuellement plus 50,000 tonnes ; Charleroy
n’exporte vers ce même marché extérieur que 5,000 tonnes, c’est-à-dire, le
dixième de l’exportation qui a lieu de la province de Liége.
Je dois cependant
faire une remarque sur ces chiffres : c’est que la chambre ne peut pas les
considérer comme officiels et comme parfaitement exacts, et cela par une raison
bien simple. Ces chiffres résultent des renseignements qui ont été puisés aux
déclarations faites au bureau de sortie de Heer. Mais, comme il n’y a pas de
droits de sortie, il en résulte que ces déclarations n’ont presqu’aucune
importance, et pour les agents du gouvernement et pour le batelage même, et
qu’on ne peut se reposer entièrement sur ces données.
Ce qui me porte à
le croire, c’est que j’ai trouvé dans un travail qu’a publié M. Sauvage, ingénieur
des mines à Mézières, qu’au bureau d’entrée en France, les chiffres constatés
pour les houilles belges montaient en 1840, à 64,400 tonnes ; en 1841, à 7,800
tonnes et en 1842, à 60,000 tonnes. Le chiffre de 1843 paraît devoir être
beaucoup plus élevé.
Quoi qu’il en
soit, messieurs, vous voyez donc que Charleroi est compris pour un dixième à
peu près dans le total de l’exportation vers les Ardennes françaises et le
bassin de Liége pour les neuf autres dixièmes ; mais d’un autre côté, comme on
la déjà fait observer, le bassin de la Sambre fournit la plus grande partie du
charbon consommé à Namur, sur la Meuse belge entre Namur et Givet et même en
aval de Namur entre cette ville et Huy.
M. l’ingénieur Guillery a évalué à 200 tonnes le contingent du bassin de
Liége dans cette consommation de la Meuse belge, et il a évalué la consommation
totale à 50,000 tonnes. Cependant je dois avouer que ces évaluations ne sont
qu’approximatives et qu’il était assez difficile de les faire exactes.
Messieurs, voilà
donc les faits. Le bassin de Charleroy prétend qu’avant 1830, il fournissait
exclusivement ou à peu près la consommation des Ardennes françaises, la
consommation du marché de Sedan et des fabriques de Rethel, Charleroy constate
que la navigation de la Sambre est devenue beaucoup plus difficile parle le
fait même du gouvernement, c’est-à-dire par la construction du chemin de fer
qui a nécessité la construction sur la Sambre d’un grand nombre de ponts entre
Charleroy et Namur ; il en résulte, au dire de Charleroy, que pendant les
hautes eaux alors que la Meuse offre une bonne navigation, la Sambre au passage
de ces ponts devient inabordable, et que lorsque la saison des basses eaux rend
la Sambre plus facile, la Meuse ne présente plus qu’une navigation impossible.
Ainsi, messieurs,
d’après les prétentions de Charleroy, la navigation de la Sambre est devenue
beaucoup plus difficile qu’elle ne l’était il y a quelques années ; l’équilibre
aurait été rompu, d’abord par l’abaissement des frets sur la Meuse, qui sont effectivement
descendus à un taux minime, et en second lieu, par l’augmentation des frais de
navigation sur la Sambre, augmentation qui serait le fait du gouvernement.
Messieurs, le
gouvernement pèsera avec attention ces motifs qui ont certainement un caractère
sérieux ; il examinera cette question au point de vue de l’équité, au point de
vue de l’utilité commerciale et de l’intérêt du trésor public.
Messieurs, il faut faire une observation importante : depuis quelques
années, le gouvernement et les chambres ont opéré des réductions de péages,
mais toujours pour favoriser les exportations soit vers la Hollande, soit vers
le marche français. Vous comprenez en effet, qu’une réduction de péages qui
favorise l’exportation, peut être faite sans nuire, en aucune manière, au
trésor public, qu’elle peut même favoriser.
Le gouvernement a
donc à examiner dans l’espèce si une réduction opérée sur les péages de la
Sambre inférieure augmentera les exportations vers les Ardennes françaises, car
si la réduction n’avait lieu qu’au profit de la consommation intérieure, si
elle n’avait lieu que pour favoriser le marche de Namur, dont l’honorable M.
Brabant a défendu tout à l’heure les intérêts spéciaux, alors la question
deviendrait nouvelle et grave, car il s’agirait de poser le principe de la
réduction des péages sur les voies navigables, non pas dans l’intérêt de
l’exportation, mais dans l’intérêt de la consommation intérieure.
Messieurs, vous
me permettrez de faire une observation sut la thèse presque contradictoire, du
moins me semble-t-il, qui est soutenue tour à tour par les défenseurs des
intérêts de Liège et les défenseurs des intérêts de Charleroy.
Aujourd’hui
Charleroy demande une réduction des péages sur la Sambre, pour pouvoir
concourir avec Liége, sur le marché français, que Charleroy possédait avant
1830. Liège, de son côté, invoque le statu quo et nous parle de l’équilibre à
maintenir entre ces deux centres de production. Lorsque nous arriverons à la
discussion des articles relatifs aux chemins de fer, Liége nous demandera une
réduction des péages sur le chemin de fer pour pouvoir concourir avec Charleroy
sur le marché de Louvain, que Liège possédait autrefois, et cette fois ce sera
Charleroy qui invoquera le statu quo, les droits acquis, le maintien de
l’équilibre actuel. Messieurs, je fais cette observation, qui me paraît
saillante, pour démontrer dans quel embarras le gouvernement se trouve souvent
entre les exigences des différentes provinces, des divers centres de
production.
En résume,
messieurs, le gouvernement continue à instruire cette affaire importante ; il
est bien décidé à ne pas la trancher à la légère et, à moins qu’il n’acquiert
la conviction que la loi du 30 juin 1842, prorogée le 29 décembre 1843, est
applicable à la réduction des péages en faveur de l’exportation de Charleroy
vers les Ardennes françaises, il saisira la législature de cette affaire dans
le cas où il reconnaîtrait que la réduction demandée est utile au commerce
d’exportation vers la France, sans nuire au trésor public, et saris froisser les
principes de prudence et d’équité.
M. Delfosse. - Messieurs, l’opinion qui vient d’être
émise par M. le ministre des travaux publics, que le gouvernement n’aurait pas de
pouvoirs suffisants pour réduire les péages de la Sambre inférieure, est de
nature à nous rassurer. Nous pouvions craindre que les sollicitations des
exploitants de Charleroy ne fussent de nature à obtenir de M. le ministre les
travaux publics une décision favorable à leurs vues. Cette crainte doit cesser
aussitôt qu’il est reconnu que M. le ministre des travaux publics ne pourra pas
prendre de décision sans consulter les chambres.
Il ne sera pas
inutile, toutefois, de répondre à quelques-unes des observations présentées par
les honorables députés de Charleroy.
L’honorable M.
Pirmez a dit qu’il consentait volontiers à prendre Namur pour juge. Je le crois
bien ; Namur s’étant déjà prononcé, M. Pirmez serait certain d’avance qu’il
aurait un juge favorable. Nous, messieurs, nous ne voulons pas un juge
intéressé, nous voulons un juge désintéressé, un juge impartial. Nous récusons
donc Namur. Si Namur pouvait obtenir non seulement une réduction des péages,
mais la suppression totale des péages, il est certain que Namur ne la
refuserait pas ; moi aussi je me prononcerais pour la suppression totale des
péages, si cette mesure pouvait se concilier avec les divers intérêts et
surtout avec les intérêts du trésor ; mais ce n’est pas lorsque l’Etat a
dépensé treize millions pour un canal, qu’il peut renoncer au revenu déjà trop
modique, que ce canal lui procure.
L’honorable M.
Pirmez assure que le gouvernement a fait une mauvaise affaire en achetant la
Sambre canalisée pour 13 millions. Est-ce parce que le gouvernement a fait une
mauvaise affaire qu’il doit la rendre plus mauvaise encore ? Je ferai
remarquer, en passant, la contradiction qui existe entre les observations
présentées par des représentants du Hainaut : tout à l’heure l’honorable M.
Dumortier nous disait que le gouvernement avait fait une excellente affaire en
rachetant les canaux du Hainaut ; et voilà que l’honorable M. Pirmez, qui
représente aussi le Hainaut, nous dit que l’affaire est détestable. Je prie ces
messieurs de bien vouloir se mettre d’accord entre eux.
L’honorable M.
Dumont a objecté que l’abaissement des péages ne serait pas préjudiciable au
trésor, qu’il en résulterait, au contraire, une augmentation de revenus.
Messieurs, l’opinion de l’honorable membre peut être vraie jusqu’à un certain
point ; elle est vraie en général ; une réduction de péages, lorsqu’elle n’est
pas poussée trop loin, peut amener un accroissement de revenus pour le trésor.
C’est là une opinion que j’ai soutenue dans d’autres circonstances, mais il est
un point qu’il ne faut pas perdre de vue.
L honorable M.
Brabant vous a fait remarquer qu’il y a un chemin de fer parallèle au canal et
qu’on transporte par ce chemin de fer le charbon à 50 centimes meilleur marché
que par la voie navigable ; je n’ai pas sous les yeux les documents nécessaires
pour vérifier l’exactitude de cette observation.
Mas je l’admets
comme exacte, et je m’en sers d’argument contre l’honorable M. Dumont.
N’est-il pas
évident, messieurs, que si la réduction des péages de la Sambre inférieure
donnait lien à un mouvement de marchandises beaucoup plus considérable et par
suite à une augmentation de produit, cette augmentation ne serait obtenue
qu’aux dépens du chemin de fer de Charleroy à Namur, qui finiront par ne plus
rien produire du tout, en ce qui concerne le transport des marchandises ?
L’honorable M.
Dumont nous a dit encore que le gouvernement ne devrait pas intervenir entre
les industries des diverses localités ; que le gouvernement ne devrait pas
faire d’efforts pour donner à l’industrie d’une localité le moyen de soutenir
la concurrence entre l’industrie d’une autre localité.
C’est justement
ce que nous demandons. Nous demandons que le gouvernement n’intervienne pas. Le
gouvernement est déjà intervenu en faveur des exploitants du bassin de houille
de Charleroy : il a dépensé une somme de près de 13 millions de francs pour le
rachat de la Sambre canalisée ; puis il a réduit les péages ; les péages ont
été d’abord réduits de 12 cents à 9 cents pour la Sambre entière, puis à 10
centimes pour la Sambre supérieure. Cet avantage, qui est immense procure au
bassin houiller de Charleroy des débouchés considérables.
Comme l’a fort bien dit M. le ministre des travaux publics, Charleroy
approvisionne une bonne partie de la France par la Sambre supérieure ;
Charleroy vient, en outre, nous faire concurrence par la Sambre inférieure ; il
résulte des calculs auxquels M. le ministre des travaux publies s’est livré,
que Charleroy fournit par la Sambre inférieure 55,000 tonnes de charbon, tandis
que Liége, sur les mêmes points, n’en fournit que 50,200. Ainsi de toutes
parts, avantage pour Charleroy.
Je vous le
demande, messieurs, serait-il juste, alors que Charleroy, possède déjà de si
grands avantages, de les augmenter encore par une nouvelle réduction des péages
?
M. le ministre
des travaux publics a paru croire que les représentants de Charleroy et les
représentants de Liège se trouvent jusqu’à un certain point en contradiction
avec eux-mêmes. Lorsqu’il s’agit des péages de la Sambre inférieure, Liège
s’oppose à ce qu’on les réduise. S’agit-il du chemin de fer, Liége demande
qu’on réduise les péages et Liége est, sur ces deux points, en opposition avec
Charleroy. Telle est l’observation présentée par M. le ministre des travaux
publics.
Je ferai remarquer à M. le ministre des travaux publics que, lorsque Liége
demande qu’on réduise les péages du chemin de fer, Liége ne fait pas cette
demande dans son intérêt seul. Liége demande une réduction générale des péages,
une réduction qui profite à toutes les parties du chemin de fer. La différence
est bien grande. Charleroy demande une réduction préjudiciable au trésor,
préjudiciable aux intérêts du bassin houiller de Liége, taudis que Liége
réclame une réduction pour tout le pays, dans un cas, nous nous opposons à une
réduction qui constituerait un privilège ; dans l’autre cas, nous demandons un
abaissement de tarifs dont le pays entier serait appelé à jouir.
M. Brabant. - Messieurs, j’ai relu attentivement toutes les pièces relatives à la loi
du 1er septembre 1840, et il me paraît impossible de contester le pouvoir qu’a
le gouvernement de réduire les péages sur la Sambre, de Charleroy à Namur,
comme il les a réduits pour la Sambre supérieure, en cas d’exportation vers la
France.
Messieurs, le projet de loi fut présenté, le 24 février 1840, par MM.
Nothomb et Desmaisières. Le gouvernement demandait l’autorisation de réduire le
tarif de la Sambre jusqu’à concurrence d’une quotité qui ne pourrait excéder la
moitié des droits existants.
Comme je l’ai fait observer tout à l’heure, cette demande était faite dans
l’intérêt des exportations vers Paris, dans l’intérêt de la consommation
intérieure et de la navigation vers Namur.
A la section centrale, on proposa d’accorder un pouvoir illimité au
gouvernement. Le gouvernement ne réclamait que la faculté de réduire le péage
de moitié ; la section centrale alla jusqu’à proposer d’autoriser le
gouvernement à supprimer le péage. C’est dans cet état que le projet de loi fut
présenté à la chambre.
Les intérêts de la Sambre inférieure paraissaient à l’abri de toute
contestation ; aussi, personne n’en dit mot. Toute la discussion eut pour objet
de régler les intérêts de Mons et de Charleroy ; l’idée de la condition mise au
pouvoir qu’on allait attribuer au gouvernement, de ne réduire le péage sur la
Sambre belge qu’autant qu’une réduction équivalente eût lieu sur la Sambre
française ; l’idée de cette condition, dis-je, avait été inspirée par la
crainte que la société de la Sambre française, société puissante, dont un des
grands actionnaires se trouvait alors en relation avec le gouvernement, ne lui
forçât la main et ne fît réduire le péage en Belgique, en maintenant le péage
français dans son intégralité.
Portée au sénat, la question ne fut pas non plus envisagée sous le rapport
de la Sambre inférieure. La commission chargée de ce projet alla même plus loin
; voici comment elle terminait son rapport :
« Si contre toute attente, les concessionnaires de la Sambre française
et du canal de Seine-et-Oise tardaient à se mettre d’accord avec la Belgique,
il resterait encore à rechercher si l’on ne pourrait faire jouir provisoirement
de la réduction du tarif, la consommation intérieure et la navigation vers
Namur.
« La nécessité de cette réduction semble être reconnue par les précédents
ministres des finances et des travaux publics. »
Ainsi, messieurs, le gouvernement demandait à être autorisé, sans aucune
condition, à réduire, jusqu’à concurrence de moitié, les péages sur tout le
parcours de la Sambre. Afin de faire profiter le bassin houiller de Charleroy
des avantages de cette réduction, avantages qui auraient été paralysés, si les
péages sur la Sambre française et sur le canal de Seine-et-Oise n’avaient subi
une réduction correspondante, on soumit cette autorisation à la restriction qui
a été introduite par un amendement de la chambre dans le projet de loi. Mais la
condition accomplie, le gouvernement restait libre pour toute la longueur de la
Sambre.
Messieurs, vers cette époque, on avait conçu quelques craintes pour les
intérêts du trésor, on avait appréhendé qu’une réduction aussi importante que
celle qui était déjà en projet, ne diminuât considérablement la recette.
Or, ces craintes heureusement ne se sont pas réalisées, et je suis persuadé
qu’une réduction des péages sur la Sambre inférieure amènerait pour cette
partie de la rivière le même résultat que la mesure a produit pour la Sambre
supérieure.
Avant 1840, époque à laquelle le péage a été réduit à peu près de moitié,
la Sambre ne produisait guère que 366,000 francs ; en 1841, la Sambre a produit
422,000 francs ; en 1842, 436,000 francs, et la recette des dix premiers mois
de 1843 s’est élevée à 362,000 francs, ce qui fait supposer que le chiffre de
l’année entière a au moins atteint 450,000 francs. Les estimations portées dans
le budget des voies et moyens de cette année, ainsi que les développements qui
nous ont été distribués à l’appui du budget, des travaux publics portent les
produits présumés à 460,000 francs.
Messieurs, je crois que cette augmentation de produits a sa cause principale
dans l’accroissement de navigation qui a eu lieu sur la Sambre supérieure, et
je ne doute pas que le même résultat ne soit obtenu sur la Sambre inférieure,
si le péage était réduit à un taux convenable.
On dit, messieurs, qu’une dépense très considérable a été faite pour la
Sambre, et que c’est le consommateur qu’on veut rendre victime des fautes qui
ont été commises alors.
Messieurs, il y avait un cahier de charges pour la canalisation de la Sambre.
Le canal devait avoir partout deux mètres de flottaison ; eh bien, ces deux
mètres n’existent que dans la Sambre supérieure, j’aime au moins à supposer
qu’ils y existent. Mais pour la Sambre inférieure, je puis assurer à la chambre
qu’elle est loin d’atteindre même la moitié de cette profondeur. J’ai vu dans
le cours de l’été dernier un bateau qui ne tirait pas 75 centimètres d’eau,
rester embourbé à l’entrée du bief n°22 ; on peut toujours dans la bonne
saison, et en aval de l’Ecluse de Namur, se convaincre qu’il n’y a pas 75
centimètres d’eau ; souvent même il n’y en a pas 50 ; je puis parler de ce fait
en parfaite connaissance de cause ; à cet endroit, je vois la rivière tous les
jours, elle baigne les murs de ma maison.
Ainsi, au point de vue du droit, je crois que le gouvernement ne doit avoir
aucun scrupule. L’expérience acquise pendant trois années nous fait supposer
que la réduction ne portera pas non plus préjudice au trésor, qu’elle lui sera
au contraire avantageuse.
Maintenant, messieurs, je n’ai pas à me prononcer sur le conflit d’intérêt
qui s’élève entre le bassin houiller de Charleroy et celui de Liège ; je plaide
ici la cause des consommateurs, et je dis que les consommateurs ont éprouvé un
dommage énorme par le fait de la canalisation de la Sambre. Savez-vous,
messieurs, à combien, année moyenne, s’élève pour la seule ville de Namur
l’augmentation de fret qu’a amenée la canalisation, même avec le tarir réduit
d’un quart ? Eh bien, nous payons au-delà de 30,000 fr. d’augmentation sur le fret
de la houille qui est consommé dans cette ville,
On a fait valoir comme argument contre la réduction, la facilité plus
grande qu’aurait le bassin houiller de Charleroy, d’aller approvisionner une
partie de la province de Liége ; je ne sais à quelle cause tient cet
approvisionnement du charbon de Charleroy jusqu’aux portes de Huy ; mais je
sais aussi qu’il arrive une quantité de charbon assez considérable de Liège à
Namur ; et que cette quantité va même croissant. Je me suis rendu, il y a deux
jours, chez le directeur de l’octroi de Namur, voici la note qu’il m’a remise.
Cette note a été communiquée à l’honorable M. Guillery,
et c’est probablement ce renseignement dont on avait besoin pour établir la
statistique du mouvement de navigation auquel les deux bassins ont donné lieu ;
en 1839 il est arrivé à Namur 22,271 tonneaux de houille venant du bassin de la
Sambre et 193 tonneaux venant du bassin de la Meuse.
Voyons maintenant, messieurs, le relevé des arrivages de charbon de la
Meuse en 1843. Il est d’environ 1503 tonneaux. Pour le mois de janvier 1834, il
est de 527 tonneaux, tandis que les arrivages de charbon ne s’élèvent plus qu’à
720 tonneaux. Voilà les résultats, je ne dis pas seulement du tarif de la
Sambre, mais des travaux du chemin de fer : une diminution dans les expéditions
de Charleroy, et une augmentation dans les expéditions de Liége.
Les consommateurs de Namur doivent-ils subir les conséquences de
l’inégalité que la nature a placée entre les conditions de production à Namur,
des bassins de Liége et de Charleroy ? Prétendra-t-on que celui qui est à dix
lieues doive subir un impôt pour établir l’égalité de production avec celui qui
est à treize lieues ? Eh bien, c’est cependant ce que Liège demande vis-à-vis
de Namur.
Il y a non seulement les longueurs du parcours
dont il faut tenir compte, mais il y a encore les pentes de rivière. La Sambre
de Charleroy à Namur descend de 19 mètres 58 cent. La Meuse remonte de Liége à
Namur de 13 mètres 13 cent. Faudra-t-il grever la Sambre, afin que la chute de
19 mètres soit compensée par la montée de 13 mètres ? Enoncer de pareils faits
c’est en faire sentir toute l’absurdité. Du reste, que le gouvernement prenne
les mesures qu’il trouvera bon pour établir l’équilibre entre le bassin de
Liége et celui de Charleroy, ce n’est pas mon affaire.
Mais qu’on ne continue pas à faire peser sur le consommateur namurois une
charge qui n’existerait pas sans la malencontreuse idée de canaliser la Sambre,
et de la canaliser si mal. Si on nous avait laissé la rivière dans son étal
naturel, nous aurions continué à payer le droit établi par le décret du 10
brumaire an XIV, qui est encore aujourd’hui en vigueur sur la Meuse. La Sambre,
suivant l’activité de la navigation, aurait rendu 50 à 60 mille francs ; cela
ne vous aurait pas empêchés de voter les sommes nécessaires à son entretien,
comme vous le faites pour toutes les rivières navigables. J’ai pris note de ce
qu’ont produit et coûté quatre de nos principaux fleuves ou rivières.
L’Escaut a produit en 1842, je prends cette année parce que c’est l’année
la plus rapprochée dont nous connaissions le produit, l’Escaut a produit en
1842, 66,486 fr., et on espère qu’il rendra en 1844 70 mille fr., et on a
dépensé 149,958 fr. La Lys a produit 58,880 fr., on espère qu’elle produira en
1844, 60 mille fr., et on a dépensé 57,941 fr. La Meuse a produit 85,900 fr.,
on suppose qu’elle ne rendra en 1844 que 80 mille fr., et on dépense 240 mille
francs dans les provinces de Liége et de Namur, car je ne parle pas des 150
mille fr. demandés pour la Meuse dans le Limbourg, que je crois destinés à la
défense de ses rives. La Dendre a produit 22,425 fr., on pense qu’elle ne
produira en 1844 que 19 mille fr., et on dépense 37,880 fr. Si on n’avait pas
canalisé la Sambre, elle se serait trouvée dans la même position que les quatre
rivières dont je viens de parler, on aurait fait des travaux d’améliorations,
et nous n’eussions pas payé d’impôt plus fort que ces quatre rivières.
Vous avez si bien senti les malheureuses conséquences des canalisations de
rivières, faites sans cette publicité si nécessaire, quand il s’agit de
disposer du domaine public, que dans vos différentes lois de concessions de
péages, vous avez défendu de concéder des canalisations de rivières sans votre
concours. Si un pareil concours avait eu lieu, alors on eût examiné le taux des
péages, et ayant la conviction que le fret devait augmenter, on se serait
abstenu, et on aurait bien fait, car on ne canalise une rivière navigable que
pour avoir le fret à meilleur marché. Chez nous il en a été tout le contraire.
M.
Dumont. - M. le
ministre a paru croire qu’une loi était nécessaire pour abaisser le tarif sur
la Sambre inférieure A mon avis, en examinant la loi de 1840, il y trouvera le
droit d’opérer cette réduction, et dans la supposition où ce droit n’y serait
pas, il le trouverait dans la loi du mois de juin 1842 qui autorise le
gouvernement à abaisser les péages sur toutes les marchandises destinées a
l’exportation, de sorte que s’il n’avait pas le pouvoir d’abaisser les péages
dans l’intérêt de la consommation intérieure, il n’y a pas de doute qu’il l’ait
pour les marchandises destinées à l’exportation, c’est ce que réclame
Charleroy.
L’honorable M. Delfosse vous a rappelé que j’avais l’opinion que le gouvernement
ne devait pas intervenir dans la concurrence des industriels. Nous sommes
d’accord en principe, mais nous ne le sommes pas sur le fait. L’honorable
membre a dit qu’on s’était écarté de ce principe en faisant des sacrifices en
faveur de Charleroy. Je ferai observer que le gouvernement n’a fait aucune
dépense en faveur de Charleroy. Le canal de Bruxelles à Charleroy, la
canalisation de la Sambre, tout cela a été fait par voie de concession. Le
gouvernement n’a pas accordé le plus petit subside. Ces voies de communications
n’ont pas été faites aux dépens du trésor. En est-il de même des travaux
d’amélioration faits à la Meuse ? Je ne le pense pas. C’est le trésor qui fait
ces dépenses, et je ne pense pas qu’elles soient très lucratives pour lui. Si
les canaux ont occasionné une dépense au trésor, c’est que l’Etat a cru faire
une bonne affaire en les reprenant.
Je crois du reste que l’affaire est bonne
si vous considérez en masse la reprise du canal d’Aubourg,
du canal de Charleroy à Bruxelles et même la Sambre canalisée, car on trouvera
au moins un produit de 8 p. c. Si on retranchait la Sambre, on aurait 13 p. c.
sur le canal de Charleroy.
Quant à la question de savoir s’il est juste d’abaisser les péages sur la
Sambre inférieure, je trouve une nouvelle considération à faire valoir. On n’a
pas contesté que le chemin de fer transporte les houilles à 50 centimes de
moins que la Sambre. Pour ce transport le gouvernement ne perçoit pas seulement
le péage, mais les frais de traction. Il y aurait lieu de distraire les frais
de traction pour connaître le droit de péage payé sur le chemin de fer. Je
pense qu’il est nécessaire de faire cette opération car la loi de 1834 a voulu
que le tarif du chemin de fer ne fût pas abaissé au-dessous du péage des canaux
du Hainaut.
Pour voir si cette disposition a été observée, il faut comparer le tarif du
chemin de fer en retranchant les frais de traction. Or, en les y comprenant,
vous voyez que déjà le fret par le chemin de fer est inférieur au fret par les
canaux. En exécution de la loi de 1834, vous devez réduire le péage sur la
Sambre inférieure. Mais, dit-on, si on diminue le péage sur les canaux, le
gouvernement ne fera plus de transport par le chemin de fer. Quel avantage ne
trouvera-t-il pas à cela ? Les recettes sur un canal sont un produit net,
tandis que sur le chemin de fer vous avez un produit brut, dont vous devez
distraire les frais de traction. Les péages sur les canaux sont donc plus
avantageux que ceux perçus sur le chemin de fer.
En terminant, je ferai observer à M. le ministre qu’il était dans l’erreur
quand il a dit que le commerce de Charleroy demandait le maintien du tarif du
chemin de fer. Il s’est plaint du dernier tarif parce qu’il le trouvait plus
bas que ne le permettait la loi de 1834.
Je bornerai là mes observations.
M. Delfosse. - Nous sommes d’accord, l’honorable M. Dumont et
moi, que le gouvernement ne doit pas intervenir dans la lutte qui s’établit
entre les industriels des diverses provinces du royaume. Le gouvernement est-il
intervenu en faveur de Charleroy ? L’honorable M. Dumont dit que non, parce que
le gouvernement n’a fait que se mettre à la place des concessionnaires du canal
; mais les concessionnaires avaient le droit de percevoir, après l’entier
achèvement des travaux, un péage de 12 cents ; le gouvernement a réduit ce
péage à 9 cents ; il est donc intervenu en faveur de Charleroy.
L’honorable M. Dumont soutient que si le rachat de la Sambre est une
mauvaise affaire, cela est compensé par le rachat d’autres canaux, par exempte
de celui de Charleroy à Bruxelles qui, dit-il, produit un intérêt très élevé,
C’est une erreur. Le canal de Charleroy à Bruxelles ne produit guère plus de 3
p. c. Le gouvernement a payé le prix de ce canal longtemps avant d’en avoir la
jouissance. L’honorable M. Dumont ne tient aucun compte des intérêts composés,
c’est ce qui explique l’erreur de l’honorable membre.
M.
le ministre des travaux publics (M. Dechamps) - J’aurai peu de mots à ajouter. Je ne
veux pas examiner de nouveau la question de fond, la question d’utilité de la
réduction des péages sur la Sambre inférieure. J’ai fait toutes mes réserves, à
ce point de vue. Je ne veux qu’ajouter quelques mots sur la question de savoir
si le gouvernement a le pouvoir nécessaire pour opérer cette réduction sans
l’intervention de la législature.
L’honorable M. Dumont vient de le faire remarquer avec raison, je n’ai pas
dit, comme l’honorable M. Delfosse a paru le croire, que le gouvernement
n’avait pas le pouvoir d’opérer cette réduction, sans l’intervention de la
législature. J’ai dit que le gouvernement pensait qu’il ne pouvait puiser ce
pouvoir dans la loi de 1840, comme le prétend l’honorable M. Brabant. J’ai
ajouté que c’était une question douteuse encore pour moi, que celle de savoir
si le gouvernement ne pouvait procéder à cette réduction pour les produits
destinés à l’exportation, en vertu de la loi prorogée le 29 décembre dernier.
Pour répondre aux observations de l’honorable M. Brabant, je lui dirai que,
selon moi, les pouvoirs conférés au gouvernement par la loi du 1er septembre
1840, me paraissent épuisés. En effet, quelle serait la première condition pour
effectuer une réduction de péages sur la Sambre belge ?
La première condition imposée par la loi même serait
qu’une réduction analogue, aurait lieu sur la Sambre française. Lorsque la loi
de 1840 a été votée, une négociation a eu lieu entre les concessionnaires et le
gouvernement, pour opérer cette réduction simultanée. Cette réduction a été
faite. La question à ce point de vue est donc épuisée.
Pour que le gouvernement pût opérer une réduction nouvelle, il faudrait
qu’une réduction analogue fût apportée de nouveau par les concessionnaires de
la Sambre française.
Ce qui m’a paru prouver que le gouvernement en 1840 avait compris la loi
comme je l’interprète, c’est l’arrêté même d’exécution de la loi. Dans cet
arrêté, il est dit que la réduction ne sera faite que pour les houilles, bois
et ardoises, en destination pour la France, par la Sambre supérieure.
L’honorable M. Brabant vient de reconnaître que, dans la discussion qui eut
lieu dans les deux chambres, il ne s’est agi que des exportations vers le
marché de Paris. La question a porté principalement sur la concurrence à
maintenir entre le bassin de Mons et celui de Charleroy.
L’honorable membre a ajouté qu’on n’a dit mot, dans la discussion de cette
question, de la réduction des péages sur la Sambre inférieure. Du silence de la
chambre, il conclut qu’il fut donné à la loi une interprétation extensive. Mais
il me semble que le raisonnement contraire serait le seul vrai. De ce silence
de la chambre, sous le rapport de la Sambre inférieure, de ce fait que la
discussion a porté uniquement sur les péages sur les produits exportés vers le
marché de Paris, je crois qu’il faut déduire que la chambre a entendu, comme le
gouvernement l’a interprété dans l’arrêté d’exécution, qu’il s’agit de
réductions pour favoriser l’exportation par la Sambre et l’Oise.
Ainsi, à moins de raisonnements qui me prouvent que je suis dans l’erreur,
je pense que cette loi de 1840, dont je regarde les effets comme épuisés, ne
donne pas au gouvernement le pouvoir de réduire les péages dont il s’agit.
Mais la question est de savoir s’il n’a pas ce pouvoir, en vertu de la loi
prorogée en décembre dernier. Je ferai de ce point l’objet d’un nouvel examen.
M. David. - S’il était question de l’abaissement des tarifs du chemin de fer, de
manière à faire reconquérir à ma province les débouchés de charbons vers
Louvain, Anvers, etc., etc., je crois qu’alors le langage de l’honorable M.
Pirmez pourrait changer considérablement.
Je ne sais s’il prêcherait encore si chaleureusement l’intérêt des
consommateurs, en faveur desquels il vient d’élever la voix.
Nous, messieurs, nous n’avons pas de canaux, et la surface de notre sol
s’oppose à ce que nous en construisions. Nous n’avons que la Meuse, et l’on
connaît l’état de sa navigation.
A quoi a servi à Liège la réduction des péages sur canaux et rivières ? à rien, la réduction ne pouvait lui être utile, certes nos
concurrents du Midi, dont le périmètre de débouché est si étendu, ne peuvent
pas en dire autant : eux ont joui de la réduction sur les canaux.
Si donc l’on maintient la proposition d’abaisser le péage sur la Sambre,
moi, en compensation, et comme fiche de consolation, en attentant je proposerai
une autre mesure, ce sera celle de voir faire par le gouvernement le sacrifice
du droit sur le tonnage fictif des bateaux, qui dans les eaux basses
transportent nos charbons vers la France et la Hollande, ce serait au moins
équitable, car pendant huit à neuf mois de l’année, nous n’avons ni canaux, ni
rivières, et l’on nous ferme les abords du chemin de fer, et par les tarifs et
par le plan incliné ; ce ne serait pas une perte pour le trésor, au contraire,
ce serait pour lui une ressource, car il percevrait quelque chose, au lieu que
par les eaux basses, on ne transporte rien ou presque rien, alors au moins par
les eaux basses on pourrait employer plusieurs bateaux en divisant les charges.
Messieurs, si on veut être juste, ou on ne bouleversera pas plus qu’elles
ne le sont déjà les exploitations de Liège, ou on leur accordera la faveur que
je viens de signaler, c’est-à-dire, le péage sur l’effectif des transports et
non pas sur le tonnage des bateaux ; on aurait pour cela une échelle de cubage.
Messieurs, l’époque n’est pas venue de porter un nouveau coup aux
exploitations de la province de Liège. Ayez au moins l’humanité, d’attendre que
la Meuse soit rendue navigable et alors tous les intérêts pourront être
satisfaits et tous pourrons accepter la lutte.
M.
Dumortier. - Je ne puis laisser sans observation ce qu’a dit
l’honorable M. Delfosse, relativement aux canaux du Hainaut. On veut toujours
les représenter comme onéreux au trésor public Il me sera facile de démontrer
qu’ils ne sont très profitables. Ils ont coûté 28 millions. L’intérêt de cette
somme est 1 million et demi ; or, ces canaux rapportent deux millions et demi ;
ils donnent donc un bénéfice de 2 millions. Cela répond à tout. Il est
impossible de prétendre qu’il y a là une charge pour le trésor.
M. Delfosse. - Ce que vient de dire l’honorable M. Dumortier
est complètement inexact.
M.
Dumortier. - Ah !
M. Brabant. - Je n’insiste pas.
M.
Pirmez. - Le gouvernement
n’a pas gâté vos rivières ; car il les améliore tous les jours. Il y fait les
dépenses trois fois plus considérables que le montant de vos péages.
On nous reproche d’invoquer le témoignage de Namur ; il n’y a pas cependant
de juge plus compétent pour apprécier les fats que nous contestons l’un et
l’autre. Qui contestera, en effet, l’exactitude des faits avancés par
l’honorable M. Brabant ? Personne assurément.
L’honorable M. Brabant a prouvé que les travaux qui ont été faits ont rendu
plus chers les transports sur la Sambre. Personne ne peut le nier.
Nous demandons qu’on nous mette dans la position où nous étions avant la
canalisation.
- La discussion est close.
Le vote est renvoyé à demain.
La séance est levée à 5 heures.