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Chambres des représentants de Belgique
Séance du lundi 29 janvier 1844

(Moniteur belge n°30, du 30 janvier 1844)

(Présidence de M. Liedts)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse procède à l’appel nominal à 1 heure et 1/4.

M. Dedecker lit le procès-verbal de la séance précédente, dont la rédaction est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.

« Le sieur Seraphin-Louis Lemahieu, négociant à Bruxelles, né à Houpeline (France), demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


« Le sieur Lefebvre, maître de poste à Bruxelles, prie la chambre de s’occuper du projet de loi sur la poste aux chevaux. »

« Même demande des sieurs Janssens, Simons, maître de poste à Tirlemont, et Roels, maître de poste à Termonde. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.


« Les cultivateurs de la commune de Bleret présentent des observations contre le projet de loi sur les céréales. »

« Mêmes observations des cultivateurs et propriétaires de Vlytingen, Hees, Kall et Mheer, Herk-la-Ville, Ophoven, du canton de Nandrin, des habitants d’Incourt, Opprebais, de Pietrebais, Chapelle-St.-Laurent, d’Attenhoven, Ovenvinden, Neerwinden, Neerlanden, Laer, Opitter, Maeseyk. »

- Renvoi à la section centrale chargée d’examiner le projet de loi sur les céréales.


« La chambre de commerce et des fabriques d’Anvers présente des observations contre le projet de loi sur les tabacs. »

« Mêmes observations du conseil communal de Leeuwergen. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d’examiner le projet de loi.

Projet de loi établissant un droit sur la fabrication et sur le débit de tabac

Motion d'ordre

M. Rogier. - Messieurs, je demande l’impression au Moniteur des observations présentées par la chambre de commerce d’Anvers contre le projet sur les tabacs.

M. Eloy de Burdinne. - Si la chambre adopte en principe l’insertion au Moniteur des pétitions pour ou contre le projet de loi sur les tabacs, je demanderai à mon tour que toutes les pétitions qui ont été transmises contre le projet de loi sur les céréales soient aussi insérées au Moniteur.

M. Rogier. - Il s’agit en ce moment de la loi des tabacs. Si l’honorable M. Eloy de Burdinne a une observation à faire sur les céréales, il la fera après que la chambre aura statué sur la mienne. J’insiste sur l’insertion au Moniteur.

D’abord, cette marche est conforme à tous nos antécédents ; il s’agit d’une question commerciale, industrielle et agricole très importante. Le projet de loi sur les tabacs a été présenté à la chambre sans enquête aucune. M. le ministre des finances a eu sein de déclarer qu’il n’avait pas consulté les chambres de commerce et les commissions d’agriculture, parce qu’il était certain que ce projet n’aurait pas reçu leur approbation.

M. le ministre de l’intérieur contre l’avis de son collègue…

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je demande la parole.

M. Rogier. - Je le répète, M. le ministre de l’intérieur, contre l’avis de son collègue du département des finances, s’est engagé à demander les observations des chambres de commerce et des commissions d’agriculture. Celles de la chambre de commerce d’Anvers viennent d’arriver. Je demande qu’elles soient insérées au Moniteur. C’est une marche que nous avons constamment suivie pour des intérêts beaucoup moins importants.

M. Rodenbach. - Oui ! oui ! on ne s’y oppose pas.

M. Rogier. - Si la chambre s’y refusait, je dis que dans aucune autre question, vous ne seriez en droit à l’avenir de demander une pareille publicité. Vous ne pourrez pas faire que ce projet de loi n’agite profondément le pays. Empêcher maintenant l’insertion de ces observations dans le journal officiel, ce serait poser un acte sans antécédents, et qui semblerait avoir pour but d’empêcher cette opinion de se faire jour, si même il n’annonçait, de la part de certains membres, la crainte d’être éclairés.

La question est-elle, oui ou non, une question de la plus haute importance ? Avait-on consulté les chambres de commerce et les commissions d’agriculture ? Non. On a dit que les avis de ces corps viendraient à la chambre, sans même qu’on les provoquât ; les observations arrivent, et vous ne voulez pas qu’elles soient publiées.

Soyez donc conséquents avec vous-mêmes. N’ayez pas peur des lumières. Laissez les opinions pour ou contre s’exprimer franchement. Je n’aurais jamais vu pour ma part un pareil déni de justice. J’espère que l’opinion de l’honorable M. Eloy de Burdinne ne sera pas celle de la chambre. Quand la chambre aura statué sur ma proposition, qu’il fasse telle proposition qu’il voudra pour les pétitions concernant le projet de loi sur les céréales, je l’appuierai peut-être, mais terminons d’abord l’affaire des tabacs.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, j’ai interrompu l’honorable préopinant pour lui déclarer que ce n’était pas contre l’avis de M. le ministre des finances que j’ai annoncé que les chambres de commerce et les commissions d’agriculture seront consultées, en ce sens qu’on donnerait surabondamment avis à ces corps de la présentation, déjà connue de tout le monde, du projet de loi sur les tabacs.

M. le ministre des finances s’est borné à déclarer qu’il n’avait pas cru devoir consulter à l’avance les chambres de commerce et les commissions d’agriculture sur le projet de loi qu’il élaborait, Mais autre chose est de consulter à l’avance les chambres de commerce sur un projet qu’on élabore, et recevoir de ces corps des renseignements, lorsque le projet est déjà élaboré et présenté. Cette conduite n’est nullement contradictoire.

M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, je suis d’avis, avec l’honorable M. Rogier, que la question sur les tabacs est d’une haute importance ; mais si la chambre ordonne l’impression dans le Moniteur des avis des chambres de commerce, des commissions d’agriculture et des députations permanentes des conseils provinciaux sur la question des tabacs, vous devez admettre cette mesure pour toutes les propositions de loi qui seront faites par le gouvernement et sur lesquelles on désirera que ces diverses autorités soient consultées.

Mais, je vous le demande, messieurs, si vous adoptiez en principe l’insertion de toutes ces observations, le Moniteur deviendrait tellement volumineux qu’on ne s’y reconnaîtrait plus.

L’honorable M. Rogier vous a dit que sa proposition était conforme à tous les précédents de la chambre.

Pour ma part, je ne pense pas que cela soit conforme aux précédents posés par la chambre, car je ferai remarquer à l’honorable préopinant que lorsqu’il s’est agi de la question des céréales, en 1834, on n’a inséré dans le Moniteur aucun rapport, soit des commissions d’agriculture, soit des chambres de commerce, soit des députations permanentes des conseils provinciaux. Il y a plus : nous avons eu la plus grande peine à obtenir la communication des avis de ces différents rapports, et cette communication même ne nous a été faite que lorsque la chambre avait abordé la discussion du projet de loi, et ce ne fut pas sans peine que nous nous les sommes procurés.

Il y a autre chose. Je ne suis pas moins grand partisan des lumières que l’honorable M. Rogier ; j’aime comme lui que des questions de cette importance obtiennent tous les éclaircissements désirables. Or, les observations de la chambre de commerce d’Anvers ne pourraient-elles pas être renvoyées à la section centrale chargée d’examiner le projet de loi présente par le gouvernement sur les tabacs, comme on renverra à cette section centrale les avis des autres chambres de commerce et des commissions d’agriculture ?

En conséquence, je ne puis donner mon assentiment à ce que l’avis de la chambre de commerce d’Anvers soit inséré dans le Moniteur, à moins qu’on n’adopte en principe que toutes les pétitions qui sont adressées à la chambre soient insérées au Moniteur. La chambre ne peut pas avoir deux poids et deux mesures.

M. de Mérode. - Je n’ai pas peur des lumières tant pour la question des tabacs que pour toute autre question. Si l’insertion au Moniteur des observations de la chambre de commerce d’Anvers pouvait nous fournir des lumières, je ne demanderais pas mieux que cette insertion eût lieu ; mais je crains qu’en continuant à procéder de cette manière nous n’ayons ainsi un il immense, qui, au lieu de nous fournir des lumières, deviendra pour nous d’une obscurité inextricable.

Chaque fois qu’un projet de loi important est soumis à la chambre, nous sommes inondés d’observations, de mémoires, de brochures de toute espèce. Il en a été ainsi, lorsque nous nous sommes occupés de la loi sur les sucres. Là toutes ces pièces devaient être insérées dans le Moniteur ; la feuille officielle deviendrait un dédale dont il nous serait impossible de sortir. Si nous voulons nous éclairer, nous ne manquerons pas de moyens pour cela. D’ailleurs, les membres de la chambre qui partagent l’avis de la chambre de commerce d’Anvers ne se feront pas faute de développer les arguments que cette chambre nous a présentés. Moi, de mon côte, si on me fournit de bonnes raisons en faveur du projet de loi déposé par le ministère, comme je désire des voies et moyens pour les services publics, je donnerai mon assentiment à la loi. Mais, je le répète, je ne vois aucune nécessité d’insérer au Moniteur toutes les pièces que nous recevrons sur cette question. Elles seront renvoyées à la section centrale qui fera un rapport, et d’ailleurs il ne manquera pas de membres dans l’assemblée qui s’empareront pour les faire valoir, des arguments exposés dans ces pièces. Je ne doute pas que tous nous ne soyons parfaitement instruits de tout ce qui se rattache à cette question.

M. le président. - Je dois rappeler à la chambre que, dans la séance du 25 de ce mois, l’honorable M. Cogels avait proposé de faire insérer au Moniteur une pétition relative aux tabacs. La chambre n’a pas accueilli cette proposition.

M. Rogier. - M. le président vient de rappeler un antécédent qui concerne une pétition sur la même question. Mais je ferai observer qu’il ne s’agissait pas là d’observations transmises par le premier corps commercial du pays. (Interruption.) Oui, le premier corps commercial du pays, je crois pouvoir appeler ainsi la chambre qui représente le commerce d’Anvers.

Je ne demande pas que tout ce qui nous sera adressé sur cette question soit inséré au Moniteur ; mais je pense que la chambre peut faire choix entre les documents qui lui seront envoyés pour en ordonner l’impression. On craint de charger outre mesure les colonnes du il, mais s’il nous donne en ce moment, et je ne le trouve pas mauvais, toutes les séances de la chambre française, c’est bien le moins qu’il instruise le pays de ses propres intérêts et de ses propres affaires.

L’honorable M. de Mérode dit qu’il n’a pas besoin de lire les observations des chambres de commerce et des commissions d’agriculture pour s’éclairer.

M. de Mérode. - Je n’ai pas dit cela !

M. Rogier. - Où voulez-vous vous éclairer alors ? Une seule pièce manuscrite ne peut pas servir à 96 membres. Le moyen d’exciter davantage, d’irriter l’opinion qui veut se produire, ce serait de l’arrêter en quelque sorte dans sa voie naturelle.

Je ne demande pas au reste l’insertion au Moniteur de toutes les pétitions, mais seulement des observations des chambres de commerce et des commissions d’agriculture. Chaque fois qu’on en annoncera j’en demanderai l’insertion, et j’espère que la chambre n’entrera pas dans cette voie nouvelle, d’étouffer les éclaircissements qui lui seraient adressés.

Maintenant je répondrai en peu de mots à M. le ministre de l’intérieur et à M. Eloy. M. le ministre de l’intérieur prétend qu’il est d’accord avec M. le ministre des finances. Soit ; mais il n’en est pas moins vrai que M. le ministre des finances s’était opposé à ce qu’on consultât les chambres de commerce et les commissions d’agriculture. M. le ministre de l’intérieur, par un de ces expédients qui lui sont familiers, a dit qu’il ne les consulterait pas, mais qu’il prendrait leur avis.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Ce sont là des insinuations dont vous êtes très prodigue !

M. Rogier. - Je ne fais pas d’insinuation ; mes attaques sont toujours très directes ; je vous attaque très directement comme étant en contradiction avec M. le ministre des finances et avec vous-même ; mais peu importe, le ministre des finances s’est-il, oui ou non, opposé à ce qu’on consultât les chambres de commerce et les commissions d’agriculture ?...

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - A ce qu’on suspendît l’examen en sections !

M. Rogier. - Il s’y est opposé par le motif que ces corps consultatifs enverraient un avis contraire au projet.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - C’est ce que j’expliquerai ; je demande la parole.

M. Rogier. - Vous ne l’expliquerez pas d’une manière satisfaisante.

Quant à ce qu’a dit l’honorable M. Eloy de Burdinne, je suis fâché de devoir remonter avec lui à 1834. Il prétend que je n’ai pas fourni alors les documents produits par les chambres de commerce et les commissions d’agriculture sur la loi des céréales. C’est une erreur. En 1834, j’ai proposé d’ajourner la discussion de la loi précisément, parce que les chambres de commerce et les commissions d’agriculture n’avaient pas été consultées. Loin de m’être opposé à ce qu’on insérât leur avis au Moniteur, je me suis fortement opposé à ce que l’on discutât, avant de les avoir entendues.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, M. le ministre des finances, interpellé par plusieurs membres, a déclaré qu’il n’avait pas consulté à l’avance les chambres de commerce et les commissions d’agriculture, parce qu’il voulait librement élaborer son projet. Voilà ce qui s’est d’abord passé. Le projet étant présenté, une motion d’ordre a été faite tendant à ce que tout examen préparatoire en sections fût suspendu et que les chambres de commerce et les commissions d’agriculture fussent consultées, de manière que tout examen eût été impossible jusqu’à ce que le dernier avis se fût trouvé déposé sur le bureau.

C’est à cette proposition de suspension de l’examen préparatoire en sections, que mon collègue des finances et moi nous nous sommes tous les deux opposés.

Alors est arrivé ce que l’honorable préopinant veut bien appeler un expédient. J’ai dit : Craignez-vous de ne pas recevoir les avis des chambres de commerce et des commissions d’agriculture ? Soyez sans inquiétudes, ces avis vous arriveront spontanément. Cependant je consens à faire davantage, à annoncer à ces corps ce qu’ils savent déjà, qu’un projet est présente à la chambre sur tel objet et qu’ils peuvent transmettre leurs observations à la chambre, soit par l’intermédiaire du président, soit par l’intermédiaire du ministre de l’intérieur ; c’est le ministre qui est le plus en rapport avec les chambres de commerce et les commissions d’agriculture. Voilà la proposition que j’ai faite ; elle n’était nullement en contradiction avec ce qu’avait dit mon collègue le ministre des finances. Nous nous étions opposés à la motion d’après laquelle il y aurait eu suspension de tout examen préparatoire. C’est la marche que j’ai indiquée qu’on suit maintenant.

Je demande si on ne peut pas s’en rapporter au bureau qui pourrait insérer les pétitions les plus importantes sur les tabacs et les céréales, afin que la même chose ne se trouve pas plusieurs fois reproduite. Nous avons vu insérer des pétitions conçues dans des termes presque identiques. On pourrait donc s’en rapporter au bureau pour faire un choix. Il n’est pas nécessaire que ce choix soit fait dès aujourd’hui.

Vous appellerez peut-être cela encore un expédient.

M. Desmet. - J’appuie la proposition de M. le ministre de l’intérieur et je renonce à la parole.

M. Eloy de Burdinne. - J’avais demandé la parole pour rétablir un fait sur lequel la mémoire de l’honorable M. Rogier est en défaut ; l’honorable membre a dit qu’il avait demandé l’ajournement de la discussion, pour avoir les renseignements des chambres de commerce et des commissions d’agriculture. Je ferai remarquer qu’au moment où j’ai fait ma proposition, la chambre a ordonné le renvoi aux commissions d’agriculture et aux chambres de commerce, et que je fis alors cette observation : pourvu qu’on ne la renvoie pas aux kalendes grecques.

M. de Theux. - Si on veut laisser au bureau le choix des pétitions qui devront être publiées, j’appuierai cette proposition, parce que la question des tabacs est une question très grave sur laquelle il importe que chacun puisse lire les observations présentées à la chambre, les méditer et se former une opinion avant la discussion du projet de loi. Ce que je demanderai, c’est que le bureau puisse faire insérer dans un même il, toutes les pétitions sur cet objet, afin de n’être pas obligé de recourir à une série de numéros pour lire ces documents, ce qui est très fatigant pour ceux qui veulent les consulter. Je demande qu’il en soit de même pour les pétitions relatives aux céréales.

Après avoir inséré les pétitions principales, on pourrait mentionnés succinctement celles qui seraient dans le même sens.

M. de Foere. - Messieurs, je ne m’oppose pas à l’insertion au Moniteur de la pétition de la chambre de commerce d’Anvers ; mais je prie la chambre de remarquer qu’il s’agit de poser un précédent. Il va pleuvoir des pétitions sur le projet de loi relatif au tabac. De tous les points du pays vous recevrez des pétitions et des mémoires sur cet objet. Si vous autorisez l’insertion au Moniteur de la pétition pour laquelle l’insertion est demandée, il faudra voter aussi pour cette insertion de toutes les autres pétitions qui vous seront adressées sur le même objet. Il convient que vous soyez conséquents avec vous-mêmes.

Je n’admets pas l’espèce d’exception favorable à la chambre de commerce d’Anvers que l’honorable M. Rogier a fait valoir. Il a dit que cette chambre de commerce est le premier corps commercial du pays. J’ai examiné les documents émanés de cette chambre du commerce depuis 12 ou 14 ans et envoyés à la chambre des représentants, et j’ai remarqué qu’à des dates successives, ce corps a émis quelquefois des opinions différentes et même quelquefois des opinions opposées sur les mêmes questions.

Je pense, d’ailleurs, que les autres chambres de commerce du pays méritent la même confiance à l’égard de la question des droits à imposer sur le tabac et qu’au surplus il ne convient pas de blesser ici leurs justes susceptibilités.

M. d’Hoffschmidt. - Il me semble que dans cette matière il serait peut-être dangereux d’adopter la marche qu’on propose, qui tendrait à faire insérer des pétitions et mémoires très nombreux au Moniteur. Cependant je désire vivement, en ce qui me concerne, avoir connaissance de ces mémoires des chambres de commerce et des commissions d’agriculture. Il me semble que la meilleure marche à suivre serait de les faire imprimer et annexer au projet de loi. Quant aux pétitions, qui seront très nombreuses, je ne pense pas qu’on doive en ordonner l’impression. Je ne pense pas non plus qu’il convienne de charger le bureau de faire un choix, ce serait constituer le bureau en commission d’examen de documents et le charger en même temps d’une chose très difficile.

Quant à moi, je désire que tous les documents envoyés par les chambres de commerce et les commissions d’agriculture soient imprimés et annexés au projet de loi sur les tabacs. Quant aux pétitions, à moins qu’il y en ait d’extrêmement importantes, de nature à jeter une grande lumière sur la question, je pense qu’il ne faut pas les imprimer, en égard au grand nombre qui devra nous être adressé sur cette matière.

- La proposition de M. le ministre de l’intérieur est adoptée.

M. Rogier. - Je demande que ma proposition soit mise aux voix.

M. le président. - Il est évident que le bureau ordonnera l’insertion au Moniteur des observations de la chambre de commerce d’Anvers.

M. Rogier. - M. le président peut-il m’en donner l’assurance ?

M. le président. - Non ; car je ne puis personnifier en moi le bureau. Mais il ne me paraît pas douteux que le bureau, considérant cette pétition comme l’une des principales, en ordonne l’insertion au Moniteur.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - C’est évident.

M. Rogier. - Je n’insiste plus.


« Le sieur Ange Delaveleye, ingénieur à Bruxelles, fait hommage à la chambre de deux exemplaires de son mémoire sur l’exploitation des chemins de fer belges. »

- Dépôt à la bibliothèque.

Motion d'ordre

M. Dumont. - J’espère que la chambre voudra bien me permettre de m’expliquer sur ce que j’étais absent lors du vote du budget de l’intérieur. J’avais quitté la chambre, vendredi, avant la clôture de la séance. J’ignorais que la séance de samedi eût été fixée à 10 heures. J’ai eu beaucoup de regret lorsque je suis arrivé à midi et demi de voir que tout était terminé. Si j’avais assisté à la séance, je me serais abstenu par les motifs qu’a exprimés l’honorable M. d’Hoffschmidt.

M. de Mérode. - Cela ne se peut pas ; on ne doit pas exprimer de vote quand le vote de la chambre est consommé. Dernièrement encore, la chambre s’est prononcée en ce sens dans une circonstance à peu près analogue, qui concernait l’honorable M. d’Hoffschmidt. Quand la chambre a émis un vote et qu’on n’assistait pas à la séance, on n’a pas le droit de dire : « Si j’y avais assisté, j’aurais voté dans tel ou tel sens. »

Je ne fais pas cette observation parce que l’honorable M. Dumont a exprimé une opinion contraire à la mienne, mais parce que cela est contraire aux principes. L’honorable M. Dumont peut expliquer que c’est malgré lui qu’il n’a pas assisté à la séance, qu’il ne s’est pas absenté avec intention au moment du vote du budget de l’intérieur, mais il ne peut dire dans quel sens il aurait voté.

M. Delfosse. - L’honorable M. de Mérode vient de proclamer un principe que je ne puis admettre. Il ne veut pas qu’un membre puisse dire : J’aurais voté dans tel ou tel sens, si j’avais assisté à la séance.

Mais c’est une atteinte portée à la liberté individuelle. Evidemment j’ai le droit (et personne ne peut m’empêcher de l’exercer) de dire comment j’aurais voté, si j’avais assisté à la séance.

M. le président. - Il est évident que législativement, ce vote est comme non avenu.

M. d’Hoffschmidt. - Je ferai remarquer que la discussion est oiseuse, en ce qui concerne l’honorable M. Dumont, puisqu’il a exprime son opinion. Mais je ne puis partager l’opinion exprimée en principe par l’honorable M. de Mérode. C’est à la chambre à décider si elle veut ou si elle de veut pas qu’un membre déclare comment il aurait voté.

L’honorable membre a dit que la chambre s’est prononcée dans un cas analogue qui me concernait. Je dois faire remarquer que le cas n’était pas analogue. Après avoir voté dans un sens, j’avais demandé que mon vote fût rectifié. Mais l’honorable M. Dumont n’a pas demandé que son vote fût ajouté à ceux qui ont été émis ; il est venu seulement exprimer sa pensée. Il me semble qu’il est toujours libre à un membre de la chambre de venir exprimer sa pensée avec franchise sur un acte d’une aussi haute importance.

- Cet incident n’a pas de suite.

Projet de loi concernant la prescription des créances mentionnées à l'article 64 du traité du 5 novembre 1842

Discussion générale

M. le président. - La discussion est ouverte sur l’ensemble du projet de loi. La parole est à M. le ministre des finances.

M. le ministre des finances (M. Mercier) - Je crois devoir faire remarquer d’abord à la chambre qu’en principe le gouvernement est d’accord avec la proposition qui vous est soumise par la section centrale, c’est-à-dire, qu’il ne s’agit pas de relever de la déchéance aucune créance qui en serait atteinte. L’exposé des motifs du projet de loi ne laisse aucun doute à cet égard ; je me permettrai d’en citer un passage :

« Dans cet état de choses, dit l’exposé des motifs, il n’existe pas aujourd’hui de prescription légale applicable aux créances qui, n’était ni prescrites ni frappées de déchéance à l’époque du 1er octobre 1830, sont admissibles dans la liquidation actuellement ouverte. »

Il est donc évident que le gouvernement n’a eu en vue que les créances qui ne sont pas frappées de déchéance. D’ailleurs, il n’est question que de celles-là dans l’art. 64 du traité du 5 novembre.

Toutefois, j’admets qu’il y a une distinction à établir entre les engagères et les autres créances ; relativement aux engagères, aucun terme fatal n’a été fixé jusqu’à ce jour ; il importe donc d’en établir un ; j’adopte par conséquent l’article premier du projet de la section centrale.

Mais nous avons pensé qu’il était nécessaire que les intéressés adressassent au gouvernement de nouvelles réclamations pour les autres créances. C’est dans ce but que différents avis ont été précédemment mis dans le Moniteur et d’autres journaux. La plupart des intéressés, par suite de ces appels, se sont adressés de nouveau au gouvernement pour rappeler leurs anciennes réclamations. Cette mesure a été jugée utile, d’abord parce qu’il est possible que toutes les pièces ne nous soient pas communiquées par le gouvernement des Pays-Bas, que certains dossiers soient égarés ; il importe d’ailleurs que la liquidation ne se prolonge pas indéfiniment. Il en sera ainsi, cependant, si vous ne fixez pas un délai pour la présentation de celles qui se rapportent à des créances qui, par une circonstance quelconque, ne nous sont pas connues.

C’est dans ce but que je proposerai un nouvel article ainsi conçu :

« Art. 2. Les réclamations relatives aux créances des autres catégories dont il est fait mention à l’art. 64 du traité conclu avec les Pays-Bas le 5 novembre 1842, pour les liquidations desquelles les parties se sont pourvues en temps utiles, devront être produites avant le terme fixé à l’article précédent. »

J’ajouterai qu’en proposant cette disposition, nous nous conformons aux précédents. Toujours, quand un gouvernement est substitué à une autre pour la liquidation d’anciennes créances, ce gouvernement exige de nouvelles réclamations.

J’insiste sur cette considération, que, pour ne pas prolonger indéfiniment les opérations de liquidation, il importe de fixer un délai.

La section centrale a fait une observation sur l’art. 2 du projet du gouvernement ; elle a cru que cet article était inutile, parce que les dispositions de la loi du 17 février 1818 ne sont pas abrogées. Cela serait vrai si cette loi concernait toutes les créances qu’il s’agit aujourd’hui de liquider ; il n’en est pas ainsi, car elle ne s’applique point aux créances dites françaises. Il paraît convenable de déterminer pour ces liquidations le même temps que pour les autres.

Quant à l’art. 3 du projet de la section centrale, je puis m’y rallier.

Je ferai sur l’art. 1er du projet de la section centrale une seule observation, c’est qu’il faudrait substituer aux mots « être formées » ceux « avoir été formées, » afin que ceux qui ont déjà adressé des réclamations au ministère des finances ne soient pas obligés d’en former de nouvelles.

M. Verhaegen. - Le projet qui nous est soumis est plus important qu’on pourrait le croire au premier abord. Je me propose donc de vous soumettre quelques observations que je crois indispensables ; je prierai l’honorable rapporteur de vouloir bien les méditer et de voir ensuite s’il n’y a pas lieu à apporter quelques modifications à son travail.

Si je comprends bien, la section centrale admet une prescription de cinq mois pour les bordereaux qui seront délivrés par la commission de liquidation ; elle admet une prescription très courte (elle ne sera que de cinq mois, si toutefois encore la loi est votée immédiatement) pour les réclamations du chef des engagères dont la convention du 5 mars 1828 entre les Pays-Bas et l’Autriche a stipulé la liquidation ; enfin elle admet une semblable prescription pour les certificats de liquidation ou certificats de rentes arriérées délivrés aux intéressés avant le 1er octobre 1830, et non prescrits à cette époque.

C’est, messieurs, sur ces prescriptions très courtes que je fixe surtout votre attention. Après cinq mois, toutes les créances dont il est mention dans le projet, quelque légitimes qu’elles soient, seront perdues, et peut-être même voudrait-on comprendre dans la disposition les créances appartenant à des mineurs, à des interdits !!

Prenons-y garde : la chose est grave ! Quand la loi sera publiée, il est vrai que tout le inonde sera censé la connaître, mais ce n’est qu’une présomption légale et de là à la connaissance réelle, il y a une grande différence.

Dira-t-on qu’il reste fort peu de ces créances non encore liquidées ? Ce n’est pas une raison pour faire une mauvaise loi. Quant à moi, je ne peux pas admettre des prescriptions aussi courtes, je voudrais laisser au moins le délai d’un an, tout en informant les intéressés par des affiches.

M. le ministre des finances (M. Mercier) - On peut laisser ce soin au gouvernement.

M. Verhaegen. - On ne peut rien laisser à l’arbitraire, tout doit être déterminé par la loi.

Maintenant les prescriptions que le projet admet courront-elles contre les mineurs et les interdits ? Si telle est l’intention de la section centrale, il faut le dire d’une manière explicite.

M. Malou, rapporteur. - Pas du tout.

M. Verhaegen. - L’honorable M. Malou dit non. Mais d’après le principe général écrit dans l’art. 2252 du code civil, les prescriptions ne courent pas contre les mineurs et les interdits ; ce n’est que pour quelques prescriptions particulières mentionnées dans un chapitre spécial, que l’art. 2278 fait exception, et appliquera-t-on cette exception à des prescriptions pour lesquelles elle n’a pas été faite ?

Si l’on jugeait à propos d’admettre à cet égard une disposition additionnelle, je ne m’y opposerais pas ; mais je voudrais alors que le terme fût plus long ; je proposerai celui d’un an.

Maintenant, dans l’intention du gouvernement et de la section centrale, on maintient la loi de 1818, quant aux bordereaux à délivrer par la commission de liquidation, et d’après cette loi la prescription est de cinq ans. C’est encore une exception que l’on fait au droit commun, car, en règle générale, la prescription serait de 30 ans.

Je me demande s’il est bien de l’intérêt du gouvernement de réduire la prescription de 30 à 5 ans. Je comprends qu’il avait utilité d’exiger des réclamations immédiates pour les anciens bordereaux ; il fallait savoir à quoi s’en tenir ; mais pour les bordereaux à délivrer par la commission actuelle, quel intérêt à l’Etat à forcer les créanciers de retirer leurs fonds dans un délai de 5 ans, des fonds dont le trésor pourrait jouir pendant plusieurs années encore ?

M. Malou, rapporteur. - Ce ne serait pas sans intérêt.

M. Verhaegen. - Où cela est-il écrit ?

M. Malou, rapporteur. - Dans la loi de 1818.

M. Verhaegen. - La loi de 1818 est-elle applicable à ce point de vue ? j’en doute.

En terminant, je demanderai à M. le ministre des finances où en sont les opérations de la commission, si ses travaux avancent. Car si, d’une part, il s’agit des intérêts du gouvernement, il faut bien aussi soigner les intérêts des créanciers. Si les travaux de la commission étaient tellement nombreux qu’elle ne pût en finir dans le délai qui a été fixé, il faudrait prendre d’autres mesures ; il n’en coûterait pas d’avantage de nommer une seconde commission, que de proroger les pouvoirs de celle qui existe.

Je bornerai là pour le moment mes observations. Je verrai plus tard s’il y a lieu de présenter d’autres considérations.

M. Malou, rapporteur. - Messieurs, la section centrale a cru devoir changer le projet du gouvernement, non pas qu’elle pensât que l’intention du gouvernement ait été de relever de la déchéance ceux qui l’avaient encourue avant 1830, mais parce qu’il lui a paru qu’il y avait entre l’exposé des motifs et le texte du projet une espèce de contradiction, en ce sens que le texte du projet, considéré isolément, tendait à faire croire ou pouvait laisser croire que les créanciers déchus du droit de réclamer auraient été relevés de cette déchéance par suite de la loi nouvelle.

Quel est, messieurs, le but de la présentation de ce projet de loi ? Quel est le point de vue auquel le gouvernement et la chambre doivent se placer pour la discussion ?

Reportons-nous, messieurs, à l’origine de l’obligation de la Belgique.

Diverses liquidations n’étaient pas achevées lorsque la révolution est survenue. Dans les négociations d’Utrecht, le gouvernement belge a soutenu que l’obligation du pays consistait exclusivement à payer cinq millions de rentes, et que par conséquent, cette liquidation devait être achevée au compte de la Hollande, que le grand-livre de l’ancien royaume des Pays-Bas devait être complété.

Ce système, messieurs, a été admis. Mais on a bientôt reconnu l’impossibilité de faire achever cette liquidation par une commission mixte, et on a reconnu aussi qu’il eût été extrêmement fâcheux pour nos nationaux d’avoir à débattre leurs droits devant une autorité hollandaise, ou même, pour une catégorie de créances, pour les liquidations dites françaises, devant une commission mixte. De là l’origine de l’arrangement à forfait conclu par l’art. 64 du traité du novembre 1842.

Ainsi l’art. 64 du traité a donné aux créanciers belges, pour débiteur, le trésor belge, et ce débiteur est obligé d’achever la liquidation d’après les règles posées avant le 1er octobre 1830. Il me semble que ce principe résout plusieurs objections présentées par l’honorable M. Verhaegen. Si, en effet, il ne s’agit que d’achever une liquidation commencée avant 1830, il est évident que nous ne pouvons point toucher à la loi de 1818 ; il est évident que nous ne devons pas innover, que nous devons laisser subsister la législation spéciale. En modifiant cette législation, nous ferions, pour certains créanciers, ce que nous ne ferions point pour d’autres ; or nous devons maintenir, entre tous les créanciers dont le droit est le même, une parfaite égalité de position. Le gouvernement a expressément déclaré à la section centrale chargée de l’examen du traité qu’il ne s’agissait en aucune manière d’innover.

Ainsi, messieurs, la loi nouvelle n’a d’autre but que de combler une lacune ; cette lacune résulte des faits nouveaux qui se sont passés depuis que la liquidation a été interrompue. En quoi consiste cette lacune ? Elle consiste d’abord en ce que, pour une des cinq catégories qui font l’objet de l’art. 64, il n’a pas été établi par une loi un délai fatal pour réclamer. L’art. 1er du projet de la section centrale a pour objet d’accorder jusqu’à la fin du semestre courant le droit de former des réclamations, du chef des engagères qui font l’objet de la convention de 1818. On a cru, messieurs, qu’il était inutile de disposer à l’égard des réclamations du chef des autres catégories, précisément parce que le délai dans lequel ces réclamations pouvaient être faites était expiré depuis plusieurs années.

Le gouvernement ne paraît pas être de cet avis, car tout à l’heure M. le ministre des finances a proposé un deuxième paragraphe à l’article 1er, lequel suppose que tous les créanciers indistinctement, dont les créances n’étaient pas liquidées au 1er octobre 1830, doivent, sous peine de déchéance, dans un délai déterminé, former une réclamation. C’est là, messieurs, une innovation très grave et qui me paraît inutile. Je dis que cette innovation est très grave : qu’arriverait-il, en effet ? Que les créanciers qui ont réclamé dans le délai utile, dont les titres sont entre les mains du gouvernement belge, et qui sont encore aujourd’hui en instance devant la commission belge ; il arriverait, dis-je, que ces créanciers perdraient leurs droits s’ils n’accomplissaient pas dans un délai très court des formalités que, d’après la législation antérieure, ils ont dû croire inutiles.

Je dis, en second lien, que cette innovation n’est pas nécessaire. En effet, le gouvernement belge, en se substituant au gouvernement hollandais, a stipulé que toutes les pièces relatives à la liquidation, lui seraient remises. La commission instituée par suite du traite de 1842 succède aux droits des anciennes commissions néerlandaises de liquidation et de conversion ; elle prend les affaires dans l’état où ces anciennes commissions les ont laissées.Il est donc tout à fait inutile de demander à ceux qui, en temps utile, ont saisi les autorités compétentes, qu’ils fassent de nouvelles réclamations pour conserver leurs droits.

Ainsi, messieurs, se trouve résolue l’objection que M. le ministre tirait de ce que le gouvernement hollandais pourrait ne pas remettre les pièces, de ce que les pièces seraient égarées.

Jusqu’à présent, messieurs, j’ai parlé exclusivement des réclamations ; je viens maintenant aux objections faites par l’honorable M. Verhaegen en ce qui touche les certificats ou les bordereaux émis avant 1830. Et d’abord j’expliquerai les motifs qui ont porté la section centrale à supprimer le mot bordereau. Ce mot ne se trouve dans aucune loi, dans aucun traité. Pour la plupart des catégories les bordereaux ne sont pas des titres, ce n’est que pour les rentes dites françaises que l’on pourrait avoir désigné sous le nom de bordereaux, les titres qui s’émettaient et que les créanciers devaient produire pour l’inscription ; mais il me paraît évident que si la loi établit un délai pour présenter les certificats de liquidation, les bordereaux émis par les liquidations françaises se trouveront compris sous cette expression. Quant aux autres catégories de certificats, émis ou à émettre à l’avenir, les règles établies suffisent, sauf un seul point. Ces règles, d abord, en voici l’expose succinct :

La commission de liquidation émettait des certificats indiquant la rente tiercée ; c’était là le titre qui devait être retiré par les intéressés à la direction du grand-livre de la dette publique. Ce titre n’avait force et valeur que pendant cinq ans. Sur ce point encore, messieurs, aucune innovation n’est nécessaire, aucune ne pourrait se justifier, car, je le dis encore, si vous substituiez aujourd’hui, par exemple, la prescription de 30 ans à celle de 5 ans, vous donneriez une position beaucoup plus favorable aux créanciers qui seront liquidés à l’avenir qu’à ceux qui ont été liquidés par les anciennes commissions néerlandaises.

Ces distinctions me paraissent avoir été imparfaitement saisies par l’honorable préopinant. Déjà, d’après la loi de 1818, il n’y avait pour les réclamations qu’un délai de 3 mois ; aujourd’hui il s’agit d’accorder un délai de 4 ou 5 mois pour des réclamations de même nature, et à l’égard de créanciers dont la position est singulièrement changée ; alors, en effet, le délai n’était que de 3 mois ; depuis la loi, au contraire, on a fait un appel à tous les moyens de publicité dont on a pu disposer, et, à trois reprises différentes, on a provoqué les réclamations. Ainsi, pour les engagères, le gouvernement des Pays Bas a fait une instruction ; il a invité les gouverneurs et tous les intéressés à produire leurs réclamations ; ainsi, à la suite du traité de 1839, on a fait un appel de la même nature ; cet appel a été fait une troisième fois, en 1843, après l’adoption du traite de 1842. Si donc on se reporte aux précédents, si on se rappelle ces faits que je viens d’indiquer, il me paraît évident que, pour les réclamations à faire, un délai de 4 ou 5 mois est plus que suffisant.

Quant aux titres émis, messieurs, nous laissons intacte la législation antérieure au 1er octobre 1830 ; seulement la section centrale a pensé qu’il était équitable, et en quelque sorte nécessaire d’admettre une exception pour les certificats émis pendant le mois d’octobre 1825. Au 1er octobre 1830 les certificats émis pendant le mois d’octobre 1825 avaient tout au plus un mois à courir ; il en est qui n’avaient plus qu’un ou deux jours. Il faut donc accorder au créanciers de cette catégorie un délai moral pour présenter leurs titres à l’inscription, et certainement un délai d’un mois n’est pas trop long.

L’honorable M. Verhaegen a demandé si ces prescriptions courent contre les mineurs et les interdits, si l’on peut ici appliquer l’article 2278 du code civil. Ce sont là des questions dont la section centrale ne s’est point occupée, et dont elle ne devait pas s’occuper. Les anciennes commissions dans le cours de leurs travaux, ont sans doute rencontré ces questions, je pourrai même dire que la commission belge et les obligations du trésor belge en a rencontré quelques-unes. La jurisprudence doit être formée à cet égard, mais d’après les principes mêmes qui établissent aujourd’hui la compétence de la commission belge, il me semble que nous ne pouvons point ici résoudre ces questions à l’égard des créanciers qui seront liquidés à l’avenir. S’il fallait discuter ce point, il ne serait pas difficile d’établir que dans ces matières toute spéciales, la minorité ne suspend point la prescription. J’ai peut-être tort, messieurs, de me servir ici du mot prescription, car en liquidation il n’y a point, à proprement parler de prescription, il y a des déchéances, c’est-à-dire que l’on ne considère le droit comme acquis que lorsque les formalités exigées par la loi ont été remplies dans un délai déterminé, sans examiner quelles sont les causes du non-accomplissement de ces formalités. Quoi qu’il en soit, je le répète encore, il me paraît que la section centrale n’avait pas à s’occuper, que la chambre n’a pas à s’occuper de ces questions, qui doivent ère résolues d’après les antécédents, d’après les principes généraux relatifs à la liquidation.

« Quel intérêt, demande encore l’honorable préopinant, quel intérêt peut-il y avoir à borner à 5 années la force la valeur des certificats qui seront émis à l’avenir ? » Mais d’abord il y a ce motif que j’ai déjà plus d’une fois indiqué, qu’il faut maintenir l’égalité entre tous les créanciers. En second lieu, j’indiquerai, pour faire ressortir cet intérêt, quelles sont les dispositions de la loi de 1818.

Le gouvernement des Pays-Bas avait ressuscité en quelque sorte les anciennes dettes belges, parce qu’en Hollande, après la restauration, on avait fait revivre l’ancienne dette qui avait été méconnue. Une mesure d’équité fut donc prise à l’égard des provinces méridionales, parce que l’on avait pris pour les provinces septentrionales une mesure peut-être un peu plus qu’équitable.

En prenant ce point de départ, l’on a donné cours aux intérêts, à partir de l’époque où le gouvernement précédent avait pris possession des provinces méridionales du royaume des Pays-Bas, c’est-à -dire, à partir du 1er janvier 1815. Ces intérêts courent jusqu’au premier jour du semestre pendant lequel le certificat a été émis. Ils cessent et reprennent cours, non plus sur la rente originaire tiercée, mais sur la rente qui doit être inscrite à partir du premier jour du semestre pendant lequel le certificat a été présenté à l’inscription.

Ainsi, lors de l’émission, le titre est mis à la disposition du créancier, qui a 5 ans, pour le présenter à l’inscription. S’il le présente dans le même semestre, il donne immédiatement cours aux intérêts ; s’il laisse écouler 5 années sans le présenter, il perd non seulement les intérêts, mais il perd le droit de réclamer le capital lui-même.

Qu’arriverait-il donc si l’on accordait un délai de 30 années ? C’est qu’on pourrait retenir indéfiniment les titres, et que les obligations du trésor ne seraient point connues. Après un espace de plus de 5 années, des créanciers plus favorisés que d’autres présenteraient des certificats qui, d’après la loi de 1818, devraient être considérés comme prescrits.

Il me reste une dernière observation à faire.

Dans le discours que M. le ministre des finances a prononcé tout à l’heure, il a omis, sans doute involontairement, de parler de l’art. 2 du projet de la section centrale. En terminant, je crois donc devoir demander à M. le ministre s’il adhère également à cet article.

M. le ministre des finances (M. Mercier) - Messieurs, d’après les explications qu’a données l’honorable rapporteur sur la portée de l’article 2 qui, dans son esprit, comporte également les bordereaux des créances dites françaises, je puis me rallier à cet article.

L’honorable préopinant a fait à cette occasion des observations sur la disposition additionnelle que j’ai proposée tout à l’heure, à l’égard des créances autres que les engagères, qui ne sont pas frappées de prescription ; l’honorable rapporteur pense que ce serait une question bien grave, que celle de savoir s’il y a lieu de poser un délai fatal pour la présentation de nouvelles réclamations relatives aux créances que la déchéance n’a pas atteinte.

Il serait peut-être possible de restreindre la mesure proposée ; on ne peut contester qu’il est possible que des dossiers relatifs à certaines créances non frappées de prescription soient égarés et n’aient pas été remis au gouvernement belge. Si les intéressés ne sont pas rendus attentifs à une pareille éventualité, il peut résulter pour eux un préjudice, puisqu’après la dissolution de la commission, il n’existera plus d’autorité pour connaître de leurs réclamations ; ainsi, je pense que, sans astreindre tous les intéressés à produire de nouvelles réclamations, la chambre pourrait adopter l’article dont je vais lui donner lecture. Cet article aurait simplement pour objet de rendre chacun attentif à ses intérêts, et en même temps de ne pas prolonger indéfiniment la liquidation.

L’honorable M. Verhaegen demandait tout à l’heure, à quelle époque on peut espérer que cette liquidation soit terminée. Je lui répondrai que la commission imprime une grande activité à ses travaux, qui, je pense, pourront être achevés avant la fin de l’année.

Voici le nouvel article 2 que j’ai l’honneur de proposer à la chambre :

« Art. 2. Aucune réclamation relative aux créances des autres catégories dont il est fait mention à l’art. 64 du traité conclu avec les Pays-Bas, le 5 novembre 1842, pour la liquidation desquelles les partis se sont pourvus en temps utile, ne sera admise après le terme fixé à l’article précédent. »

M. Desmet. - Messieurs, je crois qu’il aurait été plus facile de voter le projet de loi en discussion si nous avions eu connaissance des travaux de la commission de liquidation. Nous ignorons les bases du système qu’on a adopté pour la liquidation. D’après ce que vient de dire l’honorable rapporteur, il semble que l’on se propose de se conformer aux errements des précédentes liquidations ; je veux parler de la liquidation de 1818. Il peut arriver cependant que des oublis aient eu lieu. Si je saisis bien la pensée de l’article 64 du traité du 5 novembre 1842, non seulement on veut atteindre les créances déjà liquidées, mais même celles qu’on aurait omises. Il s’agit ici des créances à charge de l’Etat belge.

Mais il y a une autre catégorie de créances, c’est celle des engagères auxquelles cette loi n’est pas applicable. On ne sait pas encore comment on va liquider ces engagères. Cependant ces créances forment une catégorie tout à fait spéciale. Vous savez, messieurs, que les engagères étaient une dette purement hollandaise, au profit des créanciers belges. On sait aussi qu’en 1828 le roi de Hollande a touché un capital pour éteindre cette dette.

Eh bien, à l’heure qu’il est, on ignore encore comment on liquidera cette dette ; on ne sait pas si l’on paiera les intérêts.

Il y a plus encore : d’après le rapport de la section centrale, on admettrait uniquement à la liquidation les personnes qui ont réclamé du chef des engagères.

Je répète que si nous avions eu connaissance des travaux de la commission, nous aurions pu voter la loi avec une parfaite entente. Mais en l’absence de ces renseignements, je demanderai M. le rapporteur comment on liquidera les engagères, et si on paiera les intérêts, Je demanderai aussi si les personnes qui n’auront pas réclamé, ne seront point comprises dans la liquidation.

M. Malou, rapporteur. - Messieurs, la modification que M. le ministre des finances a introduite dans le paragraphe additionnel à l’art. premier écarte l’objection que j’avais faite. Il est bien entendu maintenant que celui qui a fait une réclamation avant 1830 n’a pas besoin d’en former une nouvelle avant le premier juillet 1844. M. le ministre désire voir cette disposition introduite dans la loi, comme avertissement pour ceux dont les pièces auraient été égarées ou n’auraient pas été remises au gouvernement belge. La disposition conçue dans ce sens ne me paraît présenter aucun inconvénient, j’allais presque ajouter qu’elle ne me paraît offrir aucun avantage.

Il me reste répondre aux observations que vient de présenter l’honorable M. Desmet,

En ce qui concerne les engagères, la section centrale a posé deux questions :

Y a-t-il eu avant 1830 un délai fatal pour réclamer de ce chef ?

Y a-t-il une base déterminée pour liquider les engagères ?

A la première question, le gouvernement a répondu qu’il n’y avait aucun délai fatal ; la section centrale a reconnu qu’il en était ainsi, et que par conséquent il y avait lieu à établir un tel délai.

Pour les engagères, qui font l’objet de la convention de 1828, l’on peut donc encore réclamer utilement jusqu’au 30 juin 1844 ; ceux qui oublieront de réclamer devront s’imputer à eux-mêmes les suites de leur négligence ; ils seront déchus, après de ce délai, du droit de réclamer.

Quant à la question de savoir d’après quelles bases on liquidera les engagères, le gouvernement a fait connaître à la section centrale que, d’après les protocoles qui avaient précédé la convention de 1828, l’intention du gouvernement des Pays-Bas était d’appliquer aux engagères la loi du 9 février 1818, et c’est en effet cette loi dont il est fait mention dans l’art. 64 du traité du 5 novembre 1842. En présence de la réponse du gouvernement, ainsi que du texte de l’art. 64 du traité, la section centrale a cru inutile d’insérer dans la loi des dispositions nouvelles.

Quel sera le résultat, pour les titulaires des anciennes engagères, de la liquidation faite d’après la loi du 9 février 1818 ? On devra tiercer les engagères, on devra donner aux titulaires un tiers en dette active, et deux tiers en dette différée, ou, pour mieux dire, en une valeur égale à celle de la dette différée.

Depuis quelle époque bonifiera-t-or, les intérêts ? Depuis le 1er janvier 1815 jusqu’au premier jour du semestre pendant lequel les certificats seront émis. En d’autres termes, les porteurs des créances dites engagères seront assimilés complètement aux porteurs des titres de l’ancienne dette constituée dans les ci-devant provinces méridionales. Ces créances remontent à la même époque ; elles ont traversé les mêmes vicissitudes, elles ont été méconnues et ressuscitées ensuite ; on leur appliquera les dispositions relatives à toutes les créances qui sont de la même nature que les engagères.

Telle est la conséquence nécessaire, ce me semble, de la disposition qui a été insérée dans le traite du 5 novembre 1842.

M. Desmet. - Messieurs, ce que je viens de dire l’a été très à propos, car vous venez d’entendre, par la bouche de M. le rapporteur, qui est en même temps un des membres de la commission de liquidation, de quelle manière la liquidation des engagères se fera ; il vient de vous dire que les créances dites engagères seront liquidées de la même manière que l’ont été celles qui font l’objet de la loi de 1818, il vient de vous déclarer que ces créances le seront sur le pied de cette loi. Cependant, messieurs, il y a une grande différence entre les diverses catégories de dettes à payer ; celles comprises dans la loi de 1818 sont les dettes qui étaient à charge de nos anciennes provinces belges ; elles étaient, on pourrait dire, des dettes à charge de l’Etat belge ; elles étaient celles que le gouvernement français n’avait pas voulu reconnaître entièrement et prendre à sa charge ; elles n’avaient seulement été reconnues, par le roi des Pays-Bas, que par le motif que les dettes des mêmes catégories l’avaient déjà été et soumises à une liquidation en Hollande, et cela comme nous le savons tous, au profit de la caisse même du roi.

Tandis que les engagères étaient une dette, non pas à la charge de l’Etat belge, mais uniquement à la charge de la personne de l’empereur d’Autriche, au commencement du siècle dernier, sous le règne impérial de Charles VI, le souverain qui avait besoin d’argent pour entretenir ses troupes, s’adressa aux magistrats municipaux de plusieurs villes du pays et leur emprunta divers capitaux, qui furent garantis par lui seul, aussi bien pour les capitaux que pour les intérêts ; ce sont ces emprunts faits par l’empereur d’Autriche qui forment les créances dites engagères.

Par le traité de Campo-Formio, ces créances restèrent à la charge de l’empereur d’Autriche, et ceci fut positivement stipulé ; d’ailleurs l’empereur d’Autriche ne contesta jamais cette dette, il l’a reconnut tellement, que par la négociation de 1828, qui eut lieu entre lui et le roi des Pays-Bas, il remit au roi des Pays-Bas un capital qui devait servir pour payer la dette totale des engagères ; de cette manière, la maison d’Autriche se déchargea complètement de cette dette et la mit à charge de notre souverain d’alors.

Ainsi, cette dette était une dette personnelle à charge du roi des Pays-Bas, et de la manière que la négociation avait lieu, elle ne comprenait pas seulement les capitaux prêtés, mais aussi les intérêts qui restaient à payer.

Vous sentez donc, messieurs, que cette créance des engagères fait une catégorie toute particulière et que certainement elle ne peut pas être comparée dans la liquidation qu’a fait subir aux autres dettes la loi de 1818. J’ose même dire que ce serait une injustice, si on appliquait aux créanciers des engagères le système de liquidation de la loi de 1818. L’empereur d Autriche avait remis au roi des Pays-Bas les capitaux nécessaires pour acquitter aussi bien les arrérages des intérêts que les capitaux des engagères, il est donc juste et équitable qu’on remette aux créanciers ce que l’on avait reçu pour eux. Je pense donc que la commission de liquidation aura égard au droit des engagistes, qu’ils seront totalement payés et qu’aucun des engagistes ne sera omis ; c’est pour ce dernier motif que j’insiste pour que l’on prenne des moyens pour que le terme fatal aux réclamations soit suffisamment connu dans tout le pays.

M. Verhaegen. - Messieurs, je n’entrerai pas dans des considérations sur le fond des prétentions ; elles ont été appréciées par la section centrale, et l’on vient de donner à cet égard des éclaircissements qui me paraissent suffisants ; mais je dois insister sur la déchéance telle qu’elle a été proposée ; j’insiste, parce que nous sortons des principes sur la matière, et que nous allons faire quelque chose d’exorbitant.

Le terme, quoi qu’en dise l’honorable M. Malou, est beaucoup trop court. D’ailleurs, ce terme de la manière dont il a été fixé, donne lieu à un vague qu’il est impossible de dissiper. On fixe dans votre loi l’époque du 1er juillet 1844.

Sait-on quand la loi sera parfaite, quand elle sera promulguée ? Le sénat peut y introduire des amendements ; et alors qu’arrivera-t-il ?

Il faut fixer un terme en prenant un point de départ. Quant à moi, je prends pour point de départ la promulgation de la loi. En vain l’honorable M. Malou dit qu’il ne s’agit que de déchéance, qu’une déchéance n’est pas une prescription. Les mots n’ont aucune importance, car la déchéance et la prescription nous amènent au même résultat. Dire qu’il y aura déchéance contre le créancier, si pour le terme fixé il ne s’est pas présenté, c’est dire qu’il y a prescription ; déchéance et prescription sont bien synonymes.

Encore une fois les prescriptions établies par le projet de loi seront-elles applicables aux mineurs et aux interdits ?

Nous n’avons pas à nous occuper de cela, dit M. le rapporteur, la commission fixera sa jurisprudence. Mais en vertu de quoi ? Si la loi est contraire ou si elle n’en dit rien, j’ai assez de confiance dans les lumières de la commission pour être convaincu qu’elle n’appliquera pas de prescription. Certes on ne va pas lui donner une latitude telle qu’elle pourra se mettre en opposition directe avec les principes généraux. Sa jurisprudence ne peut qu’être conforme à la loi.

La législature ne doit pas tourner les difficultés mais les rencontrer. La difficulté qui se présente, elle doit la résoudre d’une manière explicite.

Veut-elle que la déchéance soit encourue par les mineurs et les interdits, qu’elle le dise. Mon amendement aura pour but de lever tout doute.

M. Malou, rapporteur. - Messieurs, d’après les amendements proposés par l’honorable M. Verhaegen, deux questions se présentent. D’abord, faut-il établir un autre terme pour former les réclamations ? En second lieu faut-il s’occuper des questions relatives aux mineurs et aux interdits. Je ferai remarquer qu’en fixant dans la loi même un terme, on définit mieux ce terme, on appelle mieux l’attention sur l’époque où les intéressés ne pourront plus agir utilement. S’il était à prévoir que la loi ne peut être adoptée que dans quelques mois, il vaudrait mieux sans doute faire courir le délai à partir de la promulgation de la loi ; mais cela n’est pas à présumer. D’un autre côté, si le sénat introduit un amendement, la loi nous reviendra, et nous verrons alors s’il y a lieu d’établir un autre terme que le 1er juillet. Dans tous les cas, nous devons voter la loi en prenant pour point de départ la supposition qu’elle sera admise par le sénat.

Quant à la question de savoir si la prescription ou déchéance peut atteindre les mineurs et les interdits, je ferai observer de nouveau qu’il s’agit d’achever les liquidations d’après les règles tracées avant 1830 ; que c’est là une des mille questions qui naîtront dans le cours des travaux de la commission belge, et que la chambre ne doit pas poser de règles nouvelles.

Il est un dernier point sur lequel je dois m’expliquer. On s’est demandé s’il fallait ordonner dans la loi même une publication extraordinaire. Je pense que cela ne doit pas être prescrit par la loi. Quelle est, en effet, la présomption qu’il faudrait admettre pour adopter l’amendement proposé ? Il faudrait supposer que toutes les lois ne sont pas connues. Or, la seule présomption admissible, c’est que les lois sont connues toutes par la publicité ordinaire qu’elles reçoivent.

Il y a, à ce sujet, un antécédent. Quand on a discuté la loi sur le renouvellement des inscriptions hypothécaires, qui touchait à des intérêts si graves, qui embrassait un si grand nombre de faits, on a demandé s’il fallait insérer dans la loi l’obligation pour le gouvernement de publier cette loi de telle ou telle manière. Apres une discussion, assez longue, si mes souvenirs sont exacts, il a été reconnu qu’il fallait se borner, comme la section centrale le propose aujourd’hui, à recommander ce point à l’attention du gouvernement.

M. le ministre des finances (M. Mercier) - Je partage entièrement l’opinion émise par l’honorable rapporteur dans sa réponse à l’honorable M. Verhaegen. J’ajouterai un renseignement de fait ; c’est que les réclamations ont été provoquées depuis longtemps, à différentes reprises. La loi que nous discutons, en faisant un nouvel appel aux intéressés, ne fera que reproduire les publications faites, plusieurs fois à la même fin, par le gouvernement dans le Moniteur ; il est d’ailleurs à peu près certain que toutes les réclamations sont connues. Avant 1830, elles ont été produites au gouvernement des Pays-Bas. Il n’est pas à croire qu’il en reste encore dont nous n’ayons pas eu connaissance. Voilà les renseignements de fait que j’ai pensé devoir donner et qui sont de nature a tranquilliser sur les effets qu’on craint du terme fixé dans l’art. 1er du projet.

- La discussion générale est close.

Discussion des articles

Article premier

« Art. 1er. Toutes réclamations du chef des engagères dont la convention du 5 mars 1828 entre les Pays-Bas et l’Autriche a stipulé la liquidation devront, sous peine de déchéance, être formées avant le 1er juillet 1844, soit auprès du ministre des finances, soit auprès de la commission instituée par l’arrêté royal du 12 avril 1843 (Bulletin officiel, n°280). »

- Ce paragraphe est adopté avec le changement de rédaction proposé par M. le ministre des finances et consistant à dire : « avoir été formées, » au lieu de « être formées. »

L’amendement de M. Verhaegen, consistant à dire au lieu de « être formées avant le 1er juillet 1844, etc., » « dans l’année à dater de la promulgation de la présente loi, laquelle se fera dans la forme ordinaire et par affiches » est mis aux voix. L’épreuve est douteuse ; elle est renouvelée. L’amendement n’est pas adopté.

M. le président. - Je mettrai maintenant aux voix la nouvelle disposition proposée par M. le ministre des finances et qui formerait le deuxième paragraphe de l’art. 1er.

M. de Theux. - Il est bien entendu que c’est un amendement, et qu’il y aura un deuxième vote.

M. Vanden Eynde. - Je demanderai à M. le ministre des finances s’il entend, par cette disposition, prononcer une nouvelle déchéance.

M. le ministre des finances (M. Mercier) - Nullement.

M. Vanden Eynde. - Alors l’article est inutile.

M. le ministre des finances (M. Mercier) - J’ai indiqué tout à l’heure le but de cette proposition. J’ai dit que le gouvernement pouvait ne pas être saisi de toutes les réclamations, que dans ce cas, il ne dépendrait pas de lui de liquider. Maintenant nous rendons attentifs ceux qui peuvent supposer que leurs pièces ne sont pas parvenues au gouvernement qui serait par cela même dans l’impossibilité de liquider leurs créances avant la dissolution de la commission.

M. Vanden Eynde. - L’article signifie sans doute quelque chose. Pour signifier quelque chose, il doit dire si ceux qui se sont conformés à la loi existante, seront ou non admis à faire valoir leurs droits auprès de la commission, sans avoir à former une réclamation nouvelle.

S’il n’y sont pas admis, il y a une dérogation à un droit acquis. Par conséquent la disposition est funeste aux parties. J’ajouterai qu’elle est inutile pour le trésor.

M. de Theux. - S’il ne s’agit que de donner un avis aux intéressés, M. le ministre pourrait le faire insérer dans le Moniteur, sans qu’il fût nécessaire d’adopter une disposition qui pourrait être une source d’embarras.

M. le ministre des finances (M. Mercier) - L’intention du gouvernement est de liquider promptement toutes les créances et de mettre fin aux travaux de la commission. Le gouvernement est saisi de presque toutes les réclamations ; il se pourrait que quelques-unes ne nous eussent pas été communiquées par le gouvernement des Pays-Bas. Il s’agit d’établir une prescription pour ces créances ; à défaut de semblable disposition, il faudrait perpétuer la commission qui, d’après le traité, doit connaître de toutes les recherches relatives aux anciennes créances.

M. de Theux. - Maintenant que M. le ministre des finances s’est expliqué, et que nous voyons qu’il ne s’agit pas d’un simple avertissement, mais d’un terme de prescription, je demanderai qu’il y ait un second vote, si la proposition est adoptée, parce que plusieurs membres n’en comprennent pas toute la portée.

M. le ministre des finances (M. Mercier) - Je ne trouve aucun inconvénient à ce que la loi soit soumise à un second vote.

M. Vanden Eynde. - Je crois qu’il faut examiner la disposition sous ce point de vue que, par une convention postérieure, deux gouvernements ne peuvent enlever un droit acquis. C’est toute la question ; mais elle et très grave. C’est cette proposition que M. le ministre des finances veut faire admettre.

- La disposition proposée par M. le ministre des finances est adoptée ; elle forme le 2ème § de l’art. 1er.

L’ensemble de l’art. 1er est mis aux voix et adopté.

Articles 2 et 3

« Art. 2. Tous certificats de liquidation ou certificats de rentes arriérées délivrés aux intéressés avant le 1er octobre 1830, et non prescrits à cette époque, devront être remis dans le même délai, sous peine de déchéance, soit au ministre des finances, soit à la même commission. »

- Adopté.


« Art. 3. Auront force et valeur pendant un mois, à dater du jour où ils seront déclarés admis en liquidation à la charge de la Belgique, tous certificats émis avant le 1er octobre 1830 non prescrits à cette époque et à l’égard desquels la prescription s’accomplirait par un délai moindre. »

- Adopté.

Article 4

M. le président. - La chambre a maintenant à statuer sur l’art. 4, présenté par M. Verhaegen.

M. Verhaegen. - Cet article n’a plus de but, je ne l’avais présenté que dans l’intérêt des mineurs et des interdits. Je crois que le délai de prescription est trop court, et dès lors je renonce à l’ensemble.

- La chambre fixe le second vote à mercredi.

Projet de loi portant exemption de l'impôt sur les vinaigres préparés avec des matières soumises à l'accise

Discussion des articles

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La chambre passe au vote des articles.

Articles 1 à 3

«Art. 1er. Par modification à la loi du 2 août 1822, Journal officiel n° 32, sont exempts de l’impôt les vinaigriers de la troisième classe qui n’emploient, comme éléments principaux de fabrication, que des matières soumises à l’accise. Ils demeurent, toutefois, assujettis aux obligations, et aux formalités prescrites par ladite loi relativement aux déclarations et à la surveillance des travaux. «

- Adopté.


« Art. 2. Les comptes des vinaigriers, auxquels l’article précédent est applicable, seront déchargés du montant des termes de crédit non échus à l’époque où la présente loi sera obligatoire. »

- Adopté.


« Art. 3. La présente loi sera exécutoire le lendemain de sa promulgation.»

- Adopté.

La chambre n’étant plus en nombre, le vote sur l’ensemble de ce projet de loi est remis à demain.

La séance est levée à 4 heures.