Accueil Séances
plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Bibliographie et
liens Note
d’intention
Chambre
des représentants de Belgique
Séance du vendredi 20 janvier 1843
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre, notamment pétitions
demandant des droits d’entrée sur les vêtements prêts à porter (David)
2) Rapport sur une pétition de la commune de Marchienne-au-Pont
relative à la construction d’un nouveau pont (Zoude, Pirmez, Desmaisières, Dumont, Pirmez, Desmaisières, Zoude, Verhaegen, Zoude, Dumont)
3) Motion d’ordre relative au projet de loi sur les
fraudes électorales (Mercier, Nothomb)
4) Projet de loi portant le budget du département des travaux publics pour l’exercice
1843. Discussion des articles. Chemin de fer. Tarifs pour le transport des
houilles et canal de Charleroy (Pirmez, Dumont), chemins de fer de Jurbise à Tournai et de
Tirlemont à Namur (de La Coste), tarifs pour le
transport des houilles, chemin de fr de Jurbise à Tournai, travaux dans la
vallée de
5) Projet de loi portant un crédit supplémentaire au budget du
département des finances pour l’exercice 1843
(Moniteur belge n°21, du 21 janvier 1843)
(Présidence de M. Raikem)
M. Kervyn fait l’appel nominal à une heure un quart.
M.
Scheyven donne lecture du
procès-verbal de la séance d’hier ; la rédaction en est approuvée.
M. Kervyn fait connaître l’analyse des pétitions
suivantes :
PIECES ADRESSEES A
« Les sauniers
de la ville de Perwelz demandent le rejet de la
disposition du projet de loi sur le sel qui consacre le libre usage de l’eau de
mer dans la fabrication du sel. »
- Renvoi à la
section centrale, chargée de l’examen du projet de loi.
_____________________
« Le conseil
communal de Hamont demande que cette commune ne soit pas appelée à concourir
dans les frais d’établissement du canal de
- Renvoi à la
commission des pétitions.
« Plusieurs
marchands de draps de Bruxelles demandent que des mesures soient prises pour
empêcher l’importation en Belgique d’habits confectionnés en Angleterre. »
- Sur la
proposition de M.
David, la chambre décide que
cette pétition sera déposée sur le bureau pendant la discussion du projet de
loi sur les droits d’entrée et qu’elle est renvoyée à la section centrale qui a
été chargée de l’examen de ce projet.
______________________
M.
Mercier, à qui la parole est
accordée pour une motion d’ordre, déclare avoir une interpellation à adresser à
M. le ministre de l’intérieur, et se réserve de la faire lorsque celui-ci sera
présent à la séance.
M.
Zoude, rapporteur. -
Messieurs, les habitants de Marchienne-au-Pont, au
nombre de 172 chefs de famille sur 200 qui forment toute leur population,
viennent réclamer l’appui de la chambre contre la surprise faite à la religion
de M. le ministre des travaux publics par des individus qui, par la nature de
leurs fonctions, devraient être les protecteurs de leur commune, tandis qu’ils
en ont compromis gravement les intérêts et ceux du gouvernement.
Voici le fait tel
que l’exposent les pétitionnaires :
La nécessité d’un
nouveau pont sur
Le conseil communal
dans toutes ses délibérations chargea le bourgmestre et les échevins de faire
les démarches nécessaires près de l’administration des ponts et chaussées pour
solliciter la reconstruction du pont dont la direction parcoure une rue où sont
sises 172 maisons sur 200 dont la commune est composée, où se trouvent les
intérêts, la fortune et la valeur principale des bâtiments de plus de 17/20 des
habitants.
Eh bien, les
pétitionnaires vous le disent à regret, sans qu’une enquête ait été instituée,
sans qu’un arrêté nouveau soit venu modifier celui portant concession de la
route de Beaumont et du subside accordé pour les abords de l’ancien pont, sans
qu’aucune expropriation ait été faite, quoiqu’elles dussent s’élever au moins à
la somme de 130 mille fr., on a jeté les fondements d’un nouveau pont en-dehors
de toute la commune. Et lorsque bientôt une députation est venue réclamer, M.
le ministre des travaux publics lui fit connaître qu’il pensait que cette
construction se faisait avec le consentement unanime de tous les habitants et
que la pensée de cette unanimité l’avait conduit à laisser mettre à exécution
le projet du changement du pont.
Il résulta de cette
réponse que M. le ministre des travaux publics n’avait pas eu connaissance des
délibérations du conseil, ou, s’il les a reçues, que ses observations n’ont pas
été communiquées aux intéressées, et que, dans l’une ou l’autre de ces
suppositions, l’état véritable des choses n’a été connu ni du ministre ni du
conseil.
Mais qui pouvait
avoir intérêt à intercepter ainsi la lumière ? L’inspection du plan qui vous a
été adressé à tous n’autoriserait-elle pas de faire planer le soupçon sur deux
individus, dont les propriétés sont à la tête du pont dont on vient de jeter les
fondements ? Les pétitionnaires font même plus que d’articuler le soupçon.
Quoi qu’il en soit,
le conseil, pour rédimer et sauver la fortune de la commune présente de
rembourser au gouvernement la somme de 10,495 fr., montant des travaux exécutés
jusqu’à l’époque du 31 décembre dernier.
En résumé il s’agit
de préserver une commune de sa ruine, et c’est ici l’expression vraie à
employer.
Il s’agit d’éviter
au gouvernement une dépense de 130 mille francs que coûteront les
expropriations ; et enfin, dans l’intérêt de la morale, il s’agit d’apprendre à
des hommes qui ont pu oublier leur devoir, qu’il est des moyens de le leur
faire respecter désormais,
On peut ajouter que M. l’ingénieur en chef
du Hainaut appuyait le rétablissement de l’ancien pont.
Votre commission,
messieurs, a l’honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition à M. le
ministre des travaux publics, avec demande d’explications.
M.
Pirmez. - Puisque nous nous
occupons du budget des travaux publics, M. le ministre des travaux publics
pourrait donner dès à présent des explications,
M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Comme il avait déjà été question de cette
pétition l’autre jour, je me suis muni du rapport que j’ai reçu de
l’inspecteur-général des ponts et chaussées.
Avant de décider la
construction du pont sur un nouvel emplacement, il y a eu une instruction assez
longue, et déjà l’adjudication a eu lieu. Ainsi que vous le verrez par la
lecture du rapport de l’inspecteur-général, ce n’est qu’après l’adjudication et
le commencement avancé des travaux que les pétitionnaires se sont adressés à
moi pour obtenir le maintien du pont sur son ancien emplacement, offrant de payer
12,000 francs pour les frais faits jusqu’alors. Mais les frais étaient beaucoup
plus considérables que cette somme.
Voici le rapport,
tel qu’il m’a été adressé par l’inspecteur-général des ponts et chaussées. (Ici M. le ministre donne lecture de ce rapport.)
Ce rapport est du 6
décembre dernier.
Je dois ajouter que
j’ai reçu des pétitions assez nombreuses, en sens inverse de celle sur laquelle
l’honorable M. Zoude vient de faire rapport. Elles sont émanées de communes qui
ont intérêt à ce que le nouvel emplacement du pont soit maintenu.
M.
Dumont. - M. le
ministre vient de faire observer que la pétition est arrivée tardivement, que
les réclamations, contre l’emplacement du pont ne sont arrivées qu’après
l’adjudication et le commencement des travaux. Cela n’a rien d’étonnant, si ce
qu’on allègue dans la pétition est vrai ; en effet il n’y aurait pas eu
d’enquête de commodo et incommodo.
Je pense que cela était nécessaire lorsqu’il s’agissait d’exproprier une
commune d’un pont placé à son centre et par lequel communiquaient les deux
parties de la commune. Quand il s’agissait de transporter ce pont à l’extrémité
de la commune, je pense qu’on devait consulter les habitants. Ce pont était,
comme on sait, la propriété de la commune de Marchienne-au-Pont.
M. le ministre a cité des pétitions émanées d’autres communes qui se prononcent
pour le déplacement du pont ; ce sont des communes qui ont intérêt dans la
concession de la route de Beaumont ; c’est, à en croire les pétitionnaires, ce
malheureux intérêt qui serait cause du déplacement du pont. Par l’acte de
concession, les concessionnaires se sont obligés à réparer le pont et élargir
la rue qui aboutit au pont ; ils ont reçu à ces conditions un subside de
soixante mille francs, ils auraient droit à un second subside de quinze mille
francs pour la réparation ou reconstruction du pont, mais ce travail coûterait
une somme beaucoup plus forte.
La construction du
nouveau pont libère les concessionnaires de leurs obligations ; les 60,000 fr.
leur restent et le gouvernement se charge de toute la dépense. Il n’est donc
pas étonnant que des pétitions suggérées par les concessionnaires appuient le
déplacement du pont. Les habitants de Marchienne-au-Pont
qui s’opposent au déplacement sont, dit-on, des boutiquiers qui veulent
conserver le monopole. Mais n’est-il pas bien naturel que des marchands
établis, privés de leur commerce, élèvent des réclamations ?
Le déplacement
n’aurait pas lieu d’ailleurs au profit d’autres maisons de la ville ; car au
point où passe la nouvelle route sur la rive gauche de
Je ne sais s’il y a
eu une délibération du conseil communal. Mais on m’a assuré qu’il avait chargé
à une très grande majorité le collège des bourgmestre et échevins de faire des
démarches pour obtenir la conservation du pont à son ancien emplacement.
D’après
cela je crois que M. le ministre ferait bien de revoir cette affaire, de ne pas
s’en rapporter à l’avis des ingénieurs qui ne voient que les beaux ouvrages,
les beaux tracés, et sont disposés à y sacrifier les intérêts des particuliers
et des communes. J’engage donc M. le ministre à donner une attention
particulière à cette affaire.
M.
Pirmez. - Il faut avouer qu’il
y a beaucoup d’irrégularité dans cette affaire. Il n’y a pas eu d’enquête ; et
cependant il s’agissait de déplacer un pont qui a des siècles d’existence, et
vers lequel, par conséquent, venaient converger un grand nombre d’intérêts. Le
nom de Marchienne-au-Pont indique assez que ce pont
est très ancien.
Après cela, non
seulement on fait un nouveau pont, ce qui était certainement le droit du
gouvernement ; mais on démolit l’ancien pont. Ici je dois faire remarquer qu’il
y a une question qui pourrait être portée devant les tribunaux, et qui le
serait probablement. Je ne crois pas que le gouvernement ait le droit de
démolir ce pont. La ville de Marchienne a cédé, il
est vrai, le pont au gouvernement, mais c’est à certaines conditions. Dans
l’intention de la commune de Marchienne, et les
conditions de cession, ce pont devait servir de passage. Il y a donc évidemment
matière à procès.
Je crois qu’il
serait facile de tout concilier, puisque les habitants offrent de payer les
nouvelles constructions.
On dit que la somme
offerte par les habitants n’est pas suffisante, qu’il faudrait beaucoup plus pour
indemniser le trésor des frais qu’il a faits. Je ne crois pas que la différence
soit si grande.
Au surplus, j’engage M. le ministre à y faire attention, parce que, je
le répète, je pense qu’il en résultera un procès.
M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) -
Messieurs, je n’ai pas cru devoir apporter avec moi d’autres pièces que
la rapport dont je viens de donner lecture, parce qu’il me semblait que ce
rapport établissait suffisamment la nécessité de la construction du nouveau
pont. Je n’ai donc pas les autres pièces de l’affaire par devers moi et il me
serait difficile de m’expliquer sur la question d’enquête de commodo et incommodo dont ont
parlé les honorables membres. Toutefois, comme je l’ai dit tout à l’heure, il y
a eu une controverse très longue ; il y a eu des réclamations et à la suite de
toutes ces controverses nous avons mis en adjudication le nouveau pont. Cette
adjudication a été annoncée longtemps à l’avance par la voie de la presse et
par la voie d’affiches ; et je dois dire que depuis l’annonce de
l’adjudication, depuis même la construction du pont, je n’ai reçu aucune espèce
de réclamation, si ce n’est celle qui est venue tardivement et qui a motivé le
rapport dont je viens de donner lecture.
Maintenant
je ne me refuse pas à fournir à la chambre d’autres explications, lorsque
j’aurai pu compulser toutes les pièces.
M.
Zoude, rapporteur. - Je
voulais faire observer à M. le ministre des travaux publics que ce n’est pas une
fraction de la population qui a intérêt à la conservation de l’ancien pont ; ce
ne sont pas 55, mais 172 chefs de famille sur 200 qui le demandent.
Quant à cette observation de M. le ministre, qu’il n’a pas reçu de
réclamations, si nous devons en croire les pétitionnaires, des réclamations
auraient été faites, mais elles seraient restées dans les cartons de ceux qui
étaient chargés de les transmettre au gouvernement.
M. Verhaegen. - Messieurs, je crois qu’il vaudrait beaucoup mieux renvoyer la
pétition, comme le propose la commission, à M. le ministre des travaux publics,
avec demande d’explication. De cette manière, les choses se passeraient
régulièrement. Car maintenant il y a une espèce d’explication qui n’aboutit à
rien, et ainsi les pétitionnaires n’obtiendraient pas le but qu’ils se
proposent. Je demande donc que la chambre adopte les conclusions de M, le
rapporteur.
M. Zoude, rapporteur. - J’ajouterai encore un mot. Si j’ai bien compris la députation, qui
se trouve encore en ville, les pétitionnaires consentiraient, s’il arrivait que
les frais fussent plus élevés qu’il ne paraissait constaté au 31 décembre, à y
suppléer.
M.
Dumont. - Tout ce que
je désire, c’est que le gouvernement soit éclairé. Mais pour qu’il soit mis à
même de juger en connaissance de cause, je demanderai s’il ne conviendrait pas
qu’il consultât les autorités provinciales. Car, il paraît qu’il y a
dissentiment dans le conseil communal ; que la majorité est contre, et une
minorité puissante pour le déplacement du pont.
- Les conclusions
de la commission des pétitions sont mises aux voix et adoptées.
M.
Mercier. - Messieurs, dans la
séance du 14 décembre, j’ai signalé au gouvernement les moyens frauduleux qui
étaient mis en usage pour donner la qualité d’électeur à des individus qui ne
l’ont pas légalement. M. le ministre de l’intérieur nous a promis de former une
enquête sur cet objet ; sans doute, cette enquête est utile, nécessaire même ;
mais je ne pense pas, alors même que tous les détails de l’enquête ne seraient
pas connus de M. le ministre, qu’on doive attendre davantage pour proposer un
projet de nature à déjouer ces fraudes. Je crois d’ailleurs que si la
discussion même n’a pas assez éclairé M. le ministre de l’intérieur sur
l’existence des abus signalés, il a pu, en très peu de temps, recevoir, soit
des gouverneurs, soit des directeurs des finances dans les provinces, des
renseignements suffisants pour qu’il ait une idée générale des fraudes qui se
sont pratiquées, et pour être à même de nous présenter un projet de loi.
Messieurs, un plus
long retard rendrait incertaine la discussion de cette loi en temps opportun ;
car la session peut ne pas avoir une très longue durée ; il résulterait de ce
délai que la responsabilité du gouvernement serait elle-même gravement
compromise. Le pays qui veut la sincérité des élections, la sincérité du
gouvernement constitutionnel, s’est alarmé des fraudes qui ont été commises.
Je pense donc que
les résultats de l’enquête, s’ils ne sont pas encore tous connus de M. le
ministre, pourraient être communiqués à la chambre, soit pendant que le projet
sera examiné par les sections, soit lorsqu’en sera sur le point de délibérer en
séance publique. Quant à ces détails en eux-mêmes, je pense que le gouvernement
doit nous les faire connaître par commune ; c’est du moins là le seul moyen que
chacun de nous aurait de s’assurer de l’impartialité et de l’exactitude qui ont
présidé, soit à la direction, soit à l’exécution de cette enquête. C’est une
recommandation que je me permets de faire à M. le ministre et sur laquelle
j’appelle son attention particulière.
Je
demande à M. le ministre de l’intérieur s’il est en mesure de saisir
immédiatement la chambre d’un projet de loi sur les fraudes électorales et
j’insiste pour qu’il nous soit présenté dans le plus bref délai.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, on aurait pu d’abord supposer que l’enquête pourrait être
complètement achevée, avant que la chambre fût saisie d’un projet de loi.
C’était la marche qui semblait se présenter naturellement.
L’honorable
préopinant a été au-devant de ma pensée en vous soumettant les observations
qu’il vient de développer. Je crois qu’il sera extrêmement difficile que
l’enquête soit complètement achevée dans un bref délai. J’avais d’abord pensé
qu’elle pourrait l’être vers la fin de janvier, mais je commence à en douter ;
néanmoins les faits connus aujourd’hui sont suffisants pour légitimer un projet
de loi dans le sens que j’ai indiqué en décembre dernier. Je persiste à croire
que le remède que j’ai alors indiqué est le seul praticable à savoir d’exiger le
payement du cens pendant deux ans au moins, peut-être même pendant trois ans
pour les bases que nous avons appelées variables, qui dépendent en quelque
sorte de la déclaration individuelle. J’espère donc pouvoir, vers la fin de ce
mois, saisir la chambre d’un projet de loi en donnant les renseignements que
j’aurais pu recueillir jusque-là. Je compléterai ces renseignements dans le
cours de la discussion.
Discussion des articles
CHAPITRE
III. - Chemin de fer. Postes
Article premier
M. le président. - L’ordre du jour appelle la suite de la
discussion de l’article du budget des travaux publics, relatif au chemin de
fer.
M.
Pirmez. - Messieurs, je me
proposais de répondre quelques mots hier aux plaintes que vous avez encore
entendues et aux prétentions qu’ont fait valoir les députés de Liége. Ils vous
ont dit que tant que ce qu’ils considéraient comme une grande injustice à leur
égard existerait, ils ne cesseraient pas de faire entendre ces plaintes. Nous
savons bien, messieurs, et surtout dans des assemblées où il y a tant de choses
à traiter, que le moyen de faire admettre des prétentions, c’est de les répéter
souvent. C’est pourquoi nous devons nous prémunir contre ces répétitions
incessantes et bien examiner toujours ce qu’elles contiennent pour ou contre
tout ce qui se rattache aux injustices dont on se plaint.
Voici les
prétentions des propriétaires des houillères des environs de Liége, et qu’ont
soutenues leurs honorables représentants : le gouvernement commet envers nous
une injustice, une grande injustice, s’il ne nous met pas à même de vendre nos
produits aussi bon marché et aussi facilement que ceux du Hainaut, dans ces
localités que nous, députés ou industriels de Liége, nous fixons
arbitrairement. Au moins, si vous ne les avez pas fixées arbitrairement, vous
les avez indiquées et vous avez désigné Bruxelles, Louvain, Anvers et Gand. Il
y a injustice, si on ne nous met pas même de lutter avec les produits du
Hainaut dans ces localités, quels que soient d’ailleurs les avantages naturels
que pourrait posséder le Hainaut pour arriver sur ces localités ou quels que
soient les désavantages que pourrait avoir Liége. Si ce n’est pas cela que vous
prétendez, je ne conçois pas quelles sont vos plaintes.
On a dit : le
gouvernement doit absolument nous donner une réparation, parce que par son
chemin de fer il a porté obstacle au débit des houillers de Liége. Avant que le
chemin de fer ne fût fait nos houillers pouvaient vendre leur charbon dans
telle ou telle localité, comme, par exemple, Louvain ; maintenant nous ne le
pouvons plus, parce que les voituriers ne trouvent plus de retour.
Messieurs, il peut
arriver qu’un voiturier, que quelques voituriers se soient trouvés dans
pareille situation ; mais ce ne peut être l’état général de leur situation ; et
il nous est venu fortuitement, et comme par hasard, une pièce qui nous offre
cette démonstration. Avant-hier, M. le ministre des travaux publics vous a fait
connaître une pièce provenant de la chambre de commerce de Verviers dans
laquelle il est dit que la différence des transports par le chemin de fer et
par les voitures ordinaires est comme 1 ½ à 12. Or, messieurs, comment transportera-t-on
et comment transporte-t-on encore les houilles de Liége à Verviers ?
Eh bien, on
transporte par chariots. Comment transportait-on de Liége à Louvain ? On
transportait aussi par chariots. Et voulez-nous faire croire que lorsque de
Liége à Verviers le transport par le chemin de fer est un transport par
chariots comme 2 ½ est à 10, entre Liége et Verviers, le premier de ces modes
de transport serait plus coûteux que l’autre ! Vous voyez donc, messieurs,
quelle défiance vous devez avoir de tous ces renseignements que l’on vous
présente ; car le fait que je viens de citer nous est signalé une autorité
irrécusable, par la chambre de commerce de Verviers qui, certes, n’a pas
l’intention de nuire aux houillères de Liège. Je ne sais pas, si, en présence
de cet avantage fait à Verviers et à Liége, d’une réduction des trois quarts
sur le prix de transport de la houille, en présence du traité que nous venons
de conclure avec
M.
Brabant. - Il est augmenté de
75 p. c.
M.
Pirmez. - Voyez, après cela,
messieurs, si nos plaintes ne sont pas fondées.
Quant à cette idée,
messieurs, que l’on met en avant de vouloir faire établir par le gouvernement,
au moyen du chemin de fer, une balance entre les industriels, c’est là une
chose absolument impossible, c’est là un système entièrement en-dehors de la
nature des choses. L’honorable M. David nous demandait hier : « Mais qui est-ce
qui vous a concédé l’exploitation des marchés que vous approvisionnez ? » Eh
bien, messieurs, c’est la nature qui nous a donné ces marchés, et le
gouvernement ne pourrait vous les donner à vous sans prendre un impôt immense
aux contribuables. Il est inutile de présenter à cet égard des calculs ; voyez
de quelle manière le charbon arrive de Charleroy, voyez de quelle manière il
doit arriver de Liége, et sans entrer dans des chiffres qui sont le plus
souvent mal compris, vous acquerrez la conviction que le marché de Bruxelles
nous a été donne par la nature. Vouloir que le gouvernement change cet ordre
naturel, qu’à l’aide de réductions sur les péages du chemin de fer, il donne le
marché de Bruxelles, le marché de Gand, etc., aux houillères de Liége, ce
serait tout aussi étrange que si l’on prétendait que le gouvernement doit faire
traîner nos bateaux pour nous permettre d’aller faire concurrence aux
exploitants liégeois sur le marché de Venloo.
On a présenté,
relativement au chemin de fer, beaucoup de chiffres inexacts, mais la chambre
ne doit pas saisir, à leur simple énoncé, les chiffres qui lui sont jetés dans
la discussion ; elle doit avoir dans certains députés, surtout dans ceux qui
sont désintéressés dans la question, une certaine confiance. Certainement si je
présentais des chiffres favorables à Charleroy, si d’honorables députés de
Liége présentaient des chiffres favorables à cette localité, il serait naturel
que la chambre accueillît ces chiffres avec une certaine défiance, mais
l’honorable M. Mast de Vries, qui est complètement désintéressé dans la
question, nous a présenté hier des calculs qui sont de nature à faire
impression sur la chambre. Eh bien, cet honorable membre a démontré que souvent les calculs de
l’honorable M. David étaient très erronés, qu’il y avait différence de moitié
entre la réalité et les résultats obtenus par l’honorable député de Liége. Il a
fait remarquer, notamment, que cet honorable député a quelquefois omis de tenir
compte des retours, tandis que les retours coûtent autant que les transports
eux-mêmes.
M.
David. - M. Mast de Vries a
posé, quant à Verviers, des chiffres tout à fait faux, car les retours ne se
feront pas à vide, les minerais, etc. les combleront.
M.
Pirmez. - Quoi qu’il en soit,
j’en reviens toujours à soutenir que cette prétention de faire établir par le
gouvernement une balance entre les industries est une véritable chimère, une
absurdité, Ce serait une chose destructive du travail que de vouloir le tenter,
ce serait une chose immorale. L’honorable M. Delfosse, je pense, a mis en regard
le coût du transport des charbons du Hainaut à Bruxelles, et le coût du
transport des houilles de Liége à la même ville et il a fait des calculs pour
démontrer le désavantage que Liége a sous ce rapport. Eh bien, si le
gouvernement doit rétablir la balance, quelle est la conséquence qu’il y aura à
en tirer ? C’est que les expéditeurs du Hainaut devraient peu s’inquiéter de
hauteur du fret, qu’ils ne devraient faire aucun effort pour le réduire,
puisqu’en définitive le gouvernement serait tenu de rétablir l’équilibre. Je
crois, messieurs, que c’est là une chose tout à fait impossible. Je crois que
le gouvernement doit s’abstenir en général de faire ce qui peut être fait par
les particuliers.
Un membre. - Et les chemins de fer.
M.
Pirmez. - II peut faire des
chemins de fer, mais il ferait peut-être bien de ne pas les exploiter.
Je le répète,
vouloir que par des réductions sur le péage du chemin de fer le gouvernement
établisse l’équilibre entre les différentes industries du pays, c’est vouloir
une chose complètement destructive du travail, c’est vouloir convertir les
travailleurs en intrigants. Supposez qu’il fût possible que le gouvernement
prît à lui une grande quantité d’industries, qu’il s’occupât de beaucoup de
choses qui peuvent être faites par les particuliers, eh bien il arriverait que,
plus le gouvernement entrerait dans cette voie, plus la nation serait composée
d’intrigants ; dès que le gouvernement s’occupe d’industrie, les travailleurs
se changent en intrigants
J’ai entendu
répéter dans la séance d’hier un compliment qui a été adressé à M. le ministre
des travaux publics, il y a quelques années, par l’honorable M. David ; cet
honorable membre félicitait le ministre d’une réduction qui avait été faite sur
le prix du transport de la houille, entre Liége et Anvers, et il lui disait
qu’il avait résolu un grand problème, qu’il avait transporté les houillères de
Liége sur les bords de l’Escaut. Il était facile de résoudre ce problème ; on
pourrait encore fort bien transporter aux frais de l’Etat les houillères de
Liège au-delà de l’Atlantique ; dès que vous pouvez puiser dans le trésor de
l’Etat, la solution des plus grands problèmes devient une chose facile.
M.
David. - C’était avec les
bénéfices ; je l’ai démontré.
M.
Pirmez. - On a beaucoup engagé
le gouvernement à faire des économies ; mais c’est là une chose extrêmement
difficile. L’honorable M. de Man d’Attenrode a prononcé à cet égard, un
discours remarquable ; il semble d’ailleurs que nous sentons toute la nécessité
de faire des économies dans les dépenses de l’Etat.
Mais il faut bien
remarquer, messieurs, qu’il est impossible que le gouvernement fasse des
économies ; avec nos institutions on ne peut être homme public qu’avec la
popularité, et on ne peut être populaire qu’avec la prodigalité. Ainsi nous
aurons beau demander des économies, aussi longtemps que nous n’aurons pas
trouvé une institution quelconque pour arrêter les dépenses, les efforts que
nous ferons dans ce but seront tout aussi inutiles que ceux que nous tenterions
pour arrêter le cours d’un fleuve. L’honorable M. de Theux a proposé la
nomination d’une commission ; ce serait peut-être là un moyen d’obtenir le
résultat désiré, mass j’aurais voulu que l’honorable membre eût développé son
idée d’une manière plus complète.
M. le président. - La parole est à M. Dumont.
M.
Dumont. - Si un
partisan de l’opinion contraire voulait parler avant moi, je lui céderais
volontiers la parole.
M.
Delfosse. - Je ferai observer
que deux députés de Liége ont pris la parole hier, et que les députés du
Hainaut n’ont pas encore pris part à la discussion.
Un membre. - Sur quoi discute-t-on ?
M.
Dumont. - J’entends
qu’on demande sur quoi on discute. Je pense que la question qu’on examine en ce
moment est celle de savoir si les lois du pays sont observées ou ne le sont
pas. Vous connaissez, messieurs, l’art. 7 de la loi de 1834 sur le chemin de
fer ; cependant, je veux vous en donner lecture, pour que vous l’ayez plus
présent à l’esprit :
« Art.
MM. les
représentants de Liége se plaignent que le tarif du chemin de fer n’observe pas
cette disposition de la loi ; ils disent qu’en vertu de cette disposition
législative, les péages devraient être établis avec égalité sur les canaux
comme sur le chemin de fer.
Nous, représentants
de Charleroy, nous disons que le tarif n’observe pas la disposition de la loi
dont il s’agit, en ce qu’il établit sur le chemin de fer un péage inférieur à
celui de canaux.
Je sais qu’il y a
différentes manières d’entendre l’art. 7 de la loi du 1er mai 1834. Si j’ai
bien compris les honorables MM. David et Delfosse dans la séance d’hier, ils
comparent le prix du fret de Liége aux lieux de destination avec le prix du
fret du Hainaut aux mêmes lieux de destination. Je crois que ce n’est pas ainsi
qu’il faut entendre l’article ; l’article parle non du fret, mais du péage ; eh
bien, pour s’assurer si cet article est bien appliqué, il faut voir quel péage
le tarif établit sur le chemin de fer, et comparer ensuite ce péage à celui qui
est établi sur les canaux.
Dire d’une manière
précise quel est le péage sur le chemin de fer, par tonneau et par kilomètre,
est assez difficile. Le gouvernement, exploitant lui-même le chemin de fer, a
confondu deux choses : le prix qui doit lui être payé pour l’indemniser des
frais de traction et le péage proprement dit. Ces deux prix étant confondus au
tarif dans une seule et même somme, je ne puis vous indiquer le montant du
péage dont il est question dans l’art. 7 de la loi. Cependant, si nous
consultons les différents rapports qui ont été faits et par les ministres et
par la commission des tarifs ; si nous consultons ce que les ingénieurs disent
en général dans leurs ouvrages, nous sommes autorisés à croire alors que le
péage pour frais de traction, sur le chemin de fer, doit s’élever de 5 à 5 ½
centimes ; la commission des tarifs a calculé les frais de traction à 5 ½ c.
Eh bien, si l’on
opère d’après cette base, si l’on déduit du prix total du tarif les frais de
traction, ce que l’on obtiendra pour reste sera perçu par le gouvernement à
titre de péage ; or ce péage est inférieur à celui qui est établi sur les
canaux du Hainaut.
Messieurs, je vous
citerai d’abord le canal de Charleroy ; le péage établi sur ce canal revient à
4 cent. et 11/10000 par tonneau et par kil. D’après
les calculs de la commission des tarifs, dont j’ai parlé à l’heure, le péage
n’est que de 3 centimes 8/10, sur le chemin de fer. Ce calcul se trouve indiqué
à la page 63 du rapport de la commission.
Et pensez-vous,
messieurs, que la commission ait compris dans les frais de transport les
intérêts du capital du matériel d’exploitation, chose qui devrait
nécessairement avoir lieu, car pour trouver les dépenses du transport, il faut
bien calculer l’intérêt du matériel de ce transport. Or le matériel devrait,
selon moi, produire un intérêt, non de 5 p. c., mais
de 10 p. c. au moins. Maintenant, si vous ajoutez ces intérêts à la dépense des
transports, le prix de traction s’élèverait à bien au-delà de 5 centimes et
demi par tonneau et par kilom.
Ainsi, messieurs,
je crois en avoir dit assez pour vous faire comprendre que le tarif établi sur
le chemin de fer n’est pas rigoureusement conforme à l’art. 7 de la loi de
1834, qu’il établit un péage inférieur à celui que l’on perçoit sur les canaux
du Hainaut, et que, pour être juste, il faudrait réduire dans une proportion
équivalente les péages sur ces canaux.
Ce n’est pas tout :
l’arrêté du 25 octobre est venu violer la loi d’un autre manière. Grâce à cet
arrêté, Liége peut envoyer ses charbons à Anvers, moyennant 10 francs par
tonneau. Il y a
C’est donc à tort
que Liége vient se présenter comme une victime de la partialité du gouvernement
en faveur des charbonnages de Charleroy ; si quelqu’un a des motifs de se
plaindre, ce sont les exploitants des charbonnages de Charleroy. Nous payons
plus sur le canal de Charleroy à Bruxelles que vous ne payez pour aller à
Anvers. Je viens de l’établir. Cependant le gouvernement perçoit 14 p. c. de ce
que lui coûte le canal de Charleroy ; 5 1/2 p. c. devraient suffire au
gouvernement pour se rembourser les intérêts et pourvoir à l’amortissement.
Le canal de
Charleroy à Bruxelles coûte de 10 à 11 millions, et le produit net s’élève à
près de 1,400,000 fr., d’après les prévisions du
budget de 1843, somme dont il faut déduire 121,000 fr. pour frais d’entretien.
Or faites maintenant le calcul, cela vous rapporte 13 p c, tandis que 5 1/2 p.
c. devraient suffire. Eh bien, cette différence n’est-elle pas un tribut imposé
au profit du trésor sur les transports du canal de Charleroy ? N’est-ce pas un
impôt qu’on paie à la consommation du charbon à Charleroy ? tandis que le
charbon de Liége non seulement est affranchi de cet impôt, mais est transporté
par l’Etat à un prix inférieur à ce qu’il devrait être, si ce péage était
proportionne à ce qu’a coûté le chemin de fer.
Messieurs, les
députés du Hainaut n’invoquent à présent que l’exécution de l’espèce de
transaction qui eu lieu en 1834 ; après une longue discussion, il a été statué
sur la réclamation des députés du Hainaut, par la disposition de l’art. 7 de la
loi.
Le gouvernement
perçoit réellement en sus des intérêts et de l’amortissement un bénéfice net de
7 à 8 p. c. sur le transport par le canal de Charleroy ; c’est une prime à
l’avantage de Liége et au détriment de Charleroy
Messieurs,
l’honorable M. Delfosse a dit hier entr’autres : « Quand il fut question
de continuer le chemin de fer, on croyait généralement que le transport des
marchandises se ferait par cette nouvelle voie de communication à des prix
beaucoup plus bas que sur les canaux. Les représentants du Hainaut justement
alarmés du tort que cela pouvait faire aux charbonnages de leur province,
firent insérer dans la loi une disposition portant que les péages des canaux
seraient réduits au taux des péages à établir pour le chemin de fer par
kilomètre et par tonneau. »
Messieurs, le motif
de cette disposition n’est pas celui qu’indique l’honorable M. Delfosse. Nous,
députés du Hainaut, nous n’avons jamais craint la concurrence d’un chemin de
fer, le gouvernement restant neutre et impartial : Tous les ingénieurs vous
disent que, lorsqu’il y a un chemin de fer et un canal parallèles, les
transports des grosses marchandises se font toujours à meilleur marché et de
préférence par les canaux. Voici ce qu’on lit à cet égard dans le travail de M.
Vifquain :
« Sur toutes
les voies navigables qui se dirigent parallèlement ou a peu près au chemin de
fer, les transports des matières pondéreuses et encombrantes peuvent toujours s’effectuer
à des conditions de prix plus favorables que sur ce dernier, les frais de
traction et d’entretien et des intérêts des fonds dépensés étant pris en égale
considération. »
M. Vifquain cite un
ouvrage de M. Michel Chevalier où se trouve entre autres ce qui suit :
« Les chemins
de fer coûtent le double des canaux.
« La traction sur
beaucoup de chemins de fer, en Amérique et en Europe, y compris le retour des
wagons, est de 4 à 5 centimes par tonneau et par kilomètre ; sur les canaux en
bon état la traction proprement dite coûte de ½ à 2 centimes par tonneau et par
kilomètre.
« Sur le chemin de
fer de St.-Etienne le charbon est taxé fr. 0-098 par tonneau et par kilomètre.
« Il me semble
qu’on se placera dans une hypothèse avantageuse pour le chemin de fer, en
supposant que 10 centimes par tonneau et par kilomètre représentent le prix
auquel peut s’effectuer le transport sur les chemins de fer en général.
« Le prix
coûtant des transports, traction, entretien du chemin et de tout le matériel,
police, administration, est de 10 à 12 centimes par tonneau et par kilomètre,
sur les chemins de fer de l’Ecosse et du Nord de l’Angleterre.
« (Nous
faisons remarquer que le prix coûtant du transport dans les mêmes conditions
sur les canaux de Bruxelles à Charleroy, de Mons à Condé, de Pommeroeul à Antoing, ne s’élève en moyenne qu’à 2, 3 et 5
centimes par tonneau et par kilomètre.) »
Messieurs, je veux
seulement établir par là que si le gouvernement ne se montre ni injuste ni
impartial, et si les péages sont établis sur le chemin de fer comme sur les
canaux, à raison de la dépense, nous ne craignons pas que le chemin de fer
fasse concurrence à nos canaux ; mais ce que nous craignions, et ce que nous
craignions avec raison, c’est ce dont nous sommes témoins aujourd’hui, ce sont
les sollicitations empressées de MM. les Liégeois ; c’est la grande influence
qu’ils menacent de devoir prendre sur l’esprit du gouvernement.
L’honorable M.
Delfosse, dans les comparaisons qu’il a faite entre les prix des transports du
Hainaut et les prix des transports de Liége, n’a pas interprété l’art. 7 comme
je l’ai fait tout à l’heure.
L’honorable M.
Delfosse proteste qu’il ne voulait que conserver les débouchés dont le bassin
de Liége était en possession. Il vous a parlé des villes de Gand et de
Bruxelles. Je vous demande si avant l’établissement du chemin de fer, Liége a
jamais envoyé un tonneau de houille à Gand ou à Bruxelles. Cependant c’est là
que les députés de Liége veulent que le gouvernement, par un abaissement du
tarif, les mette à même de concourir avec le Hainaut. Que la concurrence ait
lieu sans l’intervention partiale du gouvernement, nous ne nous en plaindrons
pas ; que ce soit avec vos propres moyens, en profitant des avantages de votre
position, et par votre industrie, la concurrence sera noble et belle, mais ne
prétendez pas la faire, avec l’aide du gouvernement, aux dépens du trésor
public.
L’honorable député
de Liége a dit qu’il demandait à conserver le débouché que Liége avait toujours
eu, et il a cité le marché de Louvain. Je nie que Liége fût en possession
exclusive de ce débouché.
Un membre. - Avant l’établissement du canal de
Charleroy.
M.
Dumont. - Même avant
l’établissement de ce canal nous y arrivions par Sombreffe et St-Michel, nous
n’avions qu’une distance de 10 ½ lieues, tandis que Liége en avait 14 ½, et les
membre de cette chambre qui ont eu occasion de parcourir cette route à cette
époque, ont pu remarquer un grand nombre de voitures chargées de charbon et
allant à Louvain.
M.
Brabant. - Oui, et encore
maintenant.
M.
Dumont. - Il ne s’agit
pas de ce qui existait avant la construction du canal de Charleroy, mais avant
la construction du chemin de fer. Avant cette construction, Charleroy
fournissait le marché de Louvain avec plus d’avantage que par la route
ordinaire. Et c’est l’ouverture du chemin, et surtout le tarif du 22 mars, qui
nous en a exclus. Liége a donc tort de se plaindre, puisqu’il le possède
aujourd’hui exclusivement, avantage qu’il doit au chemin de fer.
Les transports de
Liége à Louvain par le chemin de fer coûtent 7 fr. 20 c. avec la remise ; eh
bien, jamais le fret de Charleroy à Louvain n’a été au-dessous de 7 fr. 50 c., et souvent il est à 7 fr.75 e. et 8 fr. Ainsi, Liége
nous a exclus des marchés de Louvain et de Tirlemont, dont Charleroy est
cependant plus rapproché.
Le tarif ne vous a
donc privés d’aucun débouché. Quant à celui d’Anvers, je suis étonné de vos
prétentions. Vous ne l’avez jamais eu, et vous avez d’ailleurs
J’entends qu’on se plaint de ce que la querelle entre Liége et Charleroy
se prolonge trop ; je bornerai là mes observations.
M. de La Coste. - Je regrette que l’objet sur lequel je dois appeler votre attention,
soit tout autre que celui qui la fixe actuellement. J’avais demandé la parole
en entendant hier le discours de l’honorable député d’Ath : ce n’est pas que je
veuille combattre les vues qu’il a émises, ni les espérances qu’il a fait
briller à vos yeux sur l’avenir financier du chemin de fer. Ces espérances sont
trop conformes à nos désirs, sont trop conformes à nos intérêts pour ne pas les
accueillir avec beaucoup d’empressement. Certes, nous désirerions tous que le
chemin de fer devînt également, sous le rapport financier, cette route fleurie
que l’honorable député d’Ath nous décrivait si bien hier, et qui, par une pente
si douce, nous conduisait à Jurbise.
Mats ces espérances
sont encore plus ou moins hypothétiques ; jusqu’à l’époque où le chemin de fer
sera entièrement terminé, entièrement livré à la circulation, où l’on aura pu
apprécier ses résultats, elles conserveront ce caractère, et nous ne pouvons
pas, avec des hypothèses, faire face à nos dépenses. Je pense donc que la
chambre, en présence de la pénurie du trésor, en présence de la difficulté que
nous éprouvons à créer de nouvelles ressources, hésitera à se lancer dans de
nouvelles entreprises. Je ne me prononce donc en aucune façon contre
l’embranchement de Jurbise.
Ce que je demande,
c’est qu’avant de créer de nouvelles sources de dépenses, on crée de nouvelles
ressources. Ce que je demande encore c’est que quand nous en serons là, quand
le temps opportun sera venu, nous fassions précéder l’adoption de toute
entreprise nouvelle d’un examen approfondi et comparatif des droits que peuvent
avoir différentes entreprises semblables à la priorité.
Messieurs, vous le
savez, je ne m’en défends pas, j’ai aussi un client parmi les chemins de fer en
projet. Je veux parler de celui de Namur à Tirlemont. Mais quand j’aurais dans
cette enceinte toute l’influence, et quand j’aurais tous les talents des
honorables membres qui défendent l’embranchement de Jurbise, encore ne
voudrais-je pas, en ce moment, imposer ce chemin de fer au gouvernement et à la
chambre. Tout ce que je demande, c’est que quand le temps sera venu, tous les
droits soient mis dans une juste balance, examinés avec soin, et que le
gouvernement, sans s’engager d’avance, prenne une résolution éclairée, conforme
à l’intérêt général du pays.
Cependant, comme
l’honorable membre auquel je fais allusion a développé les avantages du chemin
qu’il recommande, je me permettrai de présenter quelques points de comparaison.
Je doute fort,
quant à moi, sans cependant émettre une opinion définitive, je doute que la
chambre veuille, au moins d’ici à très longtemps, ouvrir un troisième chemin de
fer sur cette partie étroite de notre frontière. Il y a déjà un chemin de fer
vers la France, par Courtray et un autre par Mons, et on en établirait un
troisième, tandis qu’il restera, à l’est, une frontière immense sur laquelle il
y en a un seul.
Je pense que pour
le moment le chemin de fer dont vous a entretenu l’honorable membre, peut être
considéré comme très utile sous le rapport des communications entre Tournay et
Mons, et par suite entre Mons et Courtray, par conséquent très favorable à ces
grands centres de population et aux localités intermédiaires comme Ath, Leuze,
etc., et aux qui rayonnent tout autour. Partant de là je dirai que le chemin dont
j’ai parlé, de Namur à Louvain par Tirlemont, a autant de droit à l’attention
de la chambre, car il relierait trois grands centres de population, entre
lesquels se trouvent des points intermédiaires intéressés, et autour desquels
rayonnent d’autres points qui ne doivent pas être indifférents à cette
assemblée.
Le chemin de fer de
Namur à Tirlemont abrégerait de dix lieues la distance entre la première de ces
villes d’une part, Malines et Anvers de l’autre. Il abrégerait de 20 lieues la
distance entre Namur et Louvain, et de 28 lieues la distance entre Namur,
Tirlemont, St-Trond, Liège et
Ces avantages
seraient réciproques pour tous ces points vers Namur, et même Charleroy y
prendrait part. Cette ville, au profit de laquelle la construction de l’embranchement
de Namur-Tirlemont a été abandonnée, y a maintenant intérêt.
Dans le temps ou la
question de cette construction a été examinée, les chambres de commerce l’ont
presque toutes appuyée ; une infinité de localités l’ont réclamée. On vous a
indiqué les milliers de kilogrammes d’ardoises, de chaux, des industries
diverses, des tanneries, des papeteries qui pourraient emprunter cette voie. Je
n’ai pas pris note de tous ces chiffres et je ne les ai pas présents à ma
mémoire. Mais ces transports seraient très importants ; il n’existe, il ne peut
exister dans cette direction, aucune voie navigable. Cette route créera des
transports et des voyageurs. Ce sera non seulement une route commerciale fort
importante, mais encore une route militaire, surtout si l’embranchement de
Landen se prolonge en bifurquant vers Diest. Je crois, sans affecter des
connaissances stratégiques, que cela est très facile à concevoir, lorsqu’on se
représente ces trois points : Diest, Tirlemont, Namur, coupant
perpendiculairement notre Etat, qui se prolonge d’est en ouest, et regardant,
l’un le nord, l’autre le midi, tandis que Tirlemont occupe le centre. C’est
évidemment l’une des plus importantes de nos communications que celle qui relie
ces trois places, dont deux sont fortifiées. il est évident que nous devons
avoir là une voie de communication facile, prompte, pour transporter rapidement
du nord au midi, ou, réciproquement du matériel ou des troupes, doublant ainsi,
en cas de besoin, nos moyens militaires, en les portant à propos sur un point
donné.
Mais il y a une
considération qui peut-être doit dominer même celle-là, c’est une considération
de bonne foi, c’est qu’il y a un engagement solennel. Relativement au chemin de
fer de Jurbise, la position législative est toute différente et beaucoup moins
favorable. La loi du 1er mai 1834 avait décrété, en termes généraux, la
construction d’un chemin de fer par le Hainaut. Mais la loi du 26 mai
Remarquons donc, en
passant, que législativement la position du Luxembourg, province qui a
cependant obtenu deux millions à titre de compensation, était inférieure à
celle de la ville de Namur. Le ministre des travaux publics d’alors,
l’honorable M. Nothomb, s’est exprimé ainsi au sujet de cette disposition :
« Quant au
Luxembourg, il y aura d’abord une question de possibilité à examiner ; aucune
étude n’ayant été faite, je ne puis voir dans cette disposition autre chose
qu’un engagement conditionnel pris par le gouvernement et la législature, de
donner à cette province un chemin de fer pour autant que la chose soit possible
; si l’impossibilité était reconnue, l’engagement serait par cela même non
avenu. »
Mais l’engagement
pris envers Namur était bien incontestablement relatif au chemin de fer de
Namur à Tirlemont ; voyons, en effet ce qui s’est passé à cet égard. Il a été
présenté, dans la séance du 13 mai 1837, un rapport par l’honorable M.
Dumortier ; voici ce qu’il a dit : « Lors de la remise du premier projet,
des tracés avaient été indiqués vers Namur et le Limbourg ; il y a donc quasi
engagement envers ces provinces…. Avant que d’admettre cette proposition, nous
avons cru devoir consulter le ministère des travaux publics, qui nous a fait
connaître que l’on peut, sans exagération, porter à 5,800,000
francs le capital nécessaire à l’établissement du chemin de fer de Tirlemont à
Namur. » Je ferai observer, à cette occasion, que par le même procédé pour
lequel on a réduit la route du midi, c’est-à-dire en se bornant à une seule
voie, on peut réduire ces 5,800,000 francs dans la
même proportion.
Mais poursuivons :
Mon opinion n’est pas basée seulement sur les paroles de l’honorable M.
Dumortier ; elle s’appuie sur les paroles formelles de M. Nothomb, alors
ministre des travaux publics. « Il y a donc, vous a-t-il dit, plusieurs
demandes en concession, ayant pour objet de rattacher Namur au chemin de fer de
l’Etat ; il y a une demande de Namur à Tirlemont…. Un des honorables
préopinants a dit que le chemin de fer de Tirlemont à Namur était étudié et par
les ingénieurs du gouvernement et par ceux d’une société particulière,
demanderesse en concession. Les évaluations ont été faites. Le chemin de fer de
Tirlemont à Namur doit coûter environ 6 millions ; le chemin de fer qui se rattacherait
à la ville de Saint-Trond a été également l’objet d’une étude, mais d’une étude
préparatoire seulement ; les frais en sont évalués à un million. C’est donc une
dépense d’environ 7 millions qui serait décrétée par l’art. 2 du projet, sauf
la partie de cet article qui concerne le Luxembourg. » Vous avez donc voté
sur cette dépense de 7 millions relative à l’embranchement de Tournay à Namur,
et au chemin de Landen. C’est dans ce sens que le vote a eu lieu. Cela est
positif ; tellement qu’un honorable membre qui a suivi depuis longtemps les
travaux de la chambre, et dont la mémoire est très fidèle, m’a assuré que
c’était pour ainsi dire par une négligence de rédaction que cela n’a pas été
inséré formellement dans la loi.
A cette époque,
cependant, ce projet se présentait sous un jour moins favorable qu’aujourd’hui
sous certains rapports. D’abord, l’employé supérieur qui a dirigé les études
soutenait que le chemin de fer n’étant pas destiné à transporter les
marchandises, celui de Namur à Tirlemont ne serait pas aussi utile qu’on le
soutenait. Vous comprendrez combien cette erreur devait influer sur
l’appréciation des produits. Maintenant elle n’est plus partagée par personne.
Un autre obstacle
qui se présentait alors, c’est qu’on s’effrayait d’une rampe de
Je me bornerai pour
le moment à ces observations quant au chemin de fer de Tirlemont à Namur et
autres embranchements en projet ; car je crois que la question n’est pas mûre.
Tout ce que je désire, c’est que le gouvernement ne prenne aucun engagement,
que la question reste entière, que le ministère examine et compare les
avantages que peuvent présenter ces travaux.
Je terminerai par
quelques observations qui se rattachent plus immédiatement à l’objet en
discussion. Je suis de ceux qui désireraient que le chemin de fer fût soumis à
un contrôle plus complet de la part de la législature et de la cour des comptes
; mais quelque parti que le gouvernement prenne à cet égard, il est des points
sur lesquels, à mon avis, la vigilance de l’administration devrait
particulièrement s’exercer.
Il existe ou du
moins il existait, il y a très peu de temps, des abus réels ; il y a d’autres
abus qui, j’aime à le croire, n’existent pas, mais qui sont supposés par une
partie du public. Or, il importe que non seulement l’administration soit pure,
mais encore que le public en soit persuadé. Il est très fâcheux et très délicat
d’avoir à signaler des abus. Quant à ceux que je crois exister, je ne
demanderais pas mieux que d’apprendre que j’ai été mal informe à cet égard ;
toutefois, voici le fait auquel j’ai voulu faire allusion ; on m’a assuré que,
dans certaines localités, le camionnage était fictif ; que le gouvernement
payait un camionnage qui n’existait pas, et dont le montant était partagé entre
les entrepreneurs et les particuliers. Il est possible que cet abus ait été
réprimé.
Il y a un autre
abus qui, j’espère, n’existe pas, mais qui semble possible et il serait à
désirer qu’il ne fût pas même possible de le supposer. Cet abus aurait lieu au
moyen des modifications favorables apportées au cahier des charges après les
adjudications. On conçoit que si une semblable modification pouvait être prévue
d’avance de l’un des soumissionnaires, il n’y aurait plus de concurrence
réelle.
Quant à la question
du tarif, j’en laisse l’examen aux personnes qui s’en sont particulièrement
occupées, et qui ont sur ce point des connaissances plus étendues que les
miennes. Je désire seulement que cette discussion détermine le gouvernement à
ne pas s’engager légèrement dans la voie des faveurs, et s’attachât plutôt à
des principes. C’en serait sans doute un très large et très libéral que de
livrer le chemin de fer et les autres voies de communication à l’usage gratuit
du public, comme les villes font de leurs rues ; cela n’aurait même rien
d’absolument exorbitant, puisque cela se fait en France pour les routes pavées
; mais il faudrait avoir, pour adopter ce principe dans sa généralité, des
ressources immenses, inépuisables ; nous sommes loin de là, à défaut de
semblables ressources ce serait à l’impôt qu’on devrait demander le montant des
libéralités qu’on ferait quant aux voies de communication.
Or, c’est une
vérité triste, mais bien constatée, que l’impôt qu’on demande à la richesse, au
luxe est peu productif, que les impôts qui rapportent le plus sont ceux qui
pèsent sur le grand nombre. Qu’arrive-t-il quand ces impôts sont trop lourds ?
Que le peuple restreint sa consommation, qu’il est atteint d’abord et ensuite
que l’industrie en souffre, parce que le débit de ses produits diminue, ou bien
que l’on est forcé de hausser les salaires, ce qui est encore un embarras pour
l’industrie.
Je crois donc que
l’usage des voies de communication doit être payé par ceux qui en profitent,
mais qu’il y a un milieu à chercher. Par la nature des choses, il y a un
maximum et un minimum. Le maximum serait le taux où l’élévation des péages
commencerait à diminuer la circulation et les produits ; le minimum celui
d’après lequel on transporterait à perte.
C’est dans ces
limites qu’il faut rester, et comme je désire, du reste, que les prix des
transports soient fixés avec une sage modération, j’avoue que je ne comprends
pas très bien comment on peut encore descendre plus bas ; comment ayant, comme
je le suppose, fixé nos péages sur nos canaux et notre chemin de fer, sans
exagération et peut-être quelquefois au minimum, nous établissons encore
au-dessous de ce minimum un taux que nous accordons dans certains cas, soit
pour le transit, soit pour l’exportation à l’étranger.
Je ne veux pas
poser ici de principe absolu ; car en administration il n’y a pas de principe
absolu ; mais quand il n’y a pas de principe du tout, il n’y a que de
l’arbitraire, Quant à moi, je préférerais des tarifs généralement modérés des
faveurs exceptionnelles, qui ne contentent personne, et qui en appellent
constamment d’autres.
En résumé, que sur ce point comme sur celui de chemins de fer en projet,
le gouvernement se place au centre de tous les intérêts, qu’il tienne la
balance bien impartialement, et qu’il ait la fermeté de maintenir ce qu’il
croit juste, ce qu’il croit raisonnable.
M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Messieurs, on a beaucoup parlé dans cette
discussion des dispositions de l’arrêté du 25 octobre relatif au transport des
houilles sur le chemin le fer. Ces dispositions accordent au transport des
houilles sur les chemins de fer une réduction dans tous les cas, et quelle que
soit la distance parcourue de 30 p. c. pour l’exportation, et une autre
réduction de 20 p. c. pour les transports à l’intérieur, mais seulement lorsqu’ils
ont lieu à une distance de plus de 20 lieues. On s’est dit : Des plaintes se
sont élevées, de côté et d’autre, de la part des intérêts engagés dans cette
question, contre la dernière de ces dispositions de l’arrêté du 25 octobre, et
par conséquent en faveur de qui a-t-elle été prise ?
Messieurs, j’ai
cru, ainsi que le prévoyaient les arrêtés royaux du 22 mars, qu’il fallait
accorder à l’industrie et au commerce toutes les faveurs de transport sur le
chemin de fer qu’il était possible de leur faire sans nuire aux intérêts du
trésor, et au fur et à mesure qu’il venait à être démontré que ces intérêts
n’étaient pas lésés. J’ai cru aussi qu’il fallait une égale sollicitude pour
tous les intérêts engagés dans cette question, aussi bien pour ceux de la province
du Hainaut que pour ceux de la province de Liége. J’ai donc cru qu’il fallait
dans cette circonstance agir avec une grande circonspection, avec beaucoup de
prudence ; qu’il ne fallait pas aller tout de suite trop loin. Et ce qui
prouve, messieurs, que je me suis tenu dans les limites que je m’étais tracées,
c’est que (vous l’avez entendu encore dans cette séance) les députés de Liége
prétendent que je n’ai pas fait assez, et les députés du Hainaut prétendent que
j’ai fait trop. Messieurs, j’en conclus que je suis resté dans les bornes que
me commandait la prudence.
Messieurs, quant à
l’exportation, je crois qu’une réduction de 30 p. c. sur le prix des transports
sur les chemins de fer n’est pas peu de chose. Car vous avez tous vu, par un
document dont je vous ai donné connaissance, et qui m’est parvenu dans le
commencement de ce mois de la part de la chambre de commerce de Verviers, que
le transport des houilles par le chemin de fer, d’après le tarif actuel,
n’équivalait qu’au quart de ce que coûte le transport par le roulage de Liége à
Verviers.
Maintenant,
messieurs, il faut considérer que, dans le prix que l’on paie pour le transport
des houilles sur le chemin de fer, se trouvent compris, comme ont bien fait
remarquer d’honorables orateurs qui ont pris la parole avant moi, non seulement
les péages, mais aussi le fret.
Ainsi, messieurs,
quand on met une réduction de 30 p. c. accordée à l’exportation sur le chemin
de fer, en présence d’une réduction de 75 p. c. accordée à l’exportation sur
les canaux, on doit convenir qu’il n’y a pas grande différence entre ces deux
réductions, ou du moins que, s’il en existe une, elle est peut-être à
l’avantage des 30 p. c. Car, tout le monde conviendra avec moi, que lorsqu’on
réduit les péages sur les canaux, en même temps on produit une plus grande
concurrence de transporter, par suite, une élévation du prix du fret, attendu
que les bateliers ayant beaucoup à transporter en profitent pour se montrer
plus exigeants.
Messieurs, je dois
l’avouer aussi, quand j’ai pris l’arrêté du 25 octobre, mon intention a été
d’éveiller les intérêts engagés dans cette question. Car je n’avais pas pu
jusque-là obtenir tous les renseignements qui m’étaient nécessaires pour
prendre une décision en pleine connaissance de cause, sans risquer d’aller
peut-être trop loin. Et en cela j’ai encore une fois eu raison ; les
circonstances le prouvent,
puisqu’aujourd’hui ces intérêts sont éveillés et qu’il en est résulté une
espèce d’enquête contradictoire, ou, si l’on veut, de polémique contradictoire
dont certainement je ferai mon profit, de manière à favoriser le plus possible
tous les intérêts et à n’en léser aucun. Je crois, messieurs, d’après les
études que j’ai fait faire et à l’égard desquelles j’ai déjà eu quelques
rapports, incomplets il est vrai, que si les intéressés de part et d’autre
veulent me prêter, comme je pense que cela est dans leur intention, un concours
franc et loyal pour m’éclairer, nous parviendrons à nous entendre. Je crois,
messieurs, ne pas en devoir dire davantage sur ce point.
Hier, un honorable
membre vous a entretenus du chemin de fer de Jurbise. Il vous a dit que sans le
vote des ministres, la construction de cette voie eût été décrétée par la
chambre dans la session dernière. Messieurs, je l’ai déjà dit plusieurs fois dans
cette enceinte, si alors j’ai voté pour l’ajournement de l’examen et de la
décision de cette question jusqu’après l’achèvement des chemins de fer
décrétés, c’est parce que le vote que venait d’émettre la chambre m’y obligeait
de la manière la plus absolue. Vous vous rappellerez en effet qu’on venait de
retrancher quatre millions sur la somme que le gouvernement jugeait nécessaire
pour l’achèvement des lignes décrétées ; pouvais-je dès lors ne pas voter
l’ajournement de la construction d’un nouveau chemin de fer ?
Mais l’opinion que
j’ai émise alors à l’égard du chemin de fer de Jurbise, est restée la même ;
elle s’est même renforcée par les études plus complètes qui ont été faites
depuis lors. Le chemin de fer de Jurbise est tellement utile, qu’il est bien
certain que, dans un avenir plus ou moins rapproché, il devra s’exécuter.
En ce qui concerne,
le chemin de fer dont a parlé tout à l’heure l’honorable M. de
Messieurs, on m’a
demandé pourquoi l’on ne construit pas encore de fours à coak
dans le Borinage, c’est là une question qui a donné lieu à de très longs
débats, à une très longue instruction qui est heureusement aujourd’hui arrivée
à son terme. Il y avait une lutte très forte entre les diverses localités du
Borinage ; aucune d’elles voulait avoir les fours à coak
à proximité de ses charbonnages ; il a fallu consulter l’autorité provinciale
du Hainaut, ainsi que la chambre de commerce de Mons ; aujourd’hui le choix de
l’emplacement est fait, mais on procède à une enquête des commodo
et incommodo à cet égard. C’est à Jemmapes que cet
emplacement a été fixé.
Un honorable député
de Verviers, tout en voulant bien me remercier des mesures que j’ai prises pour
faire reprendre et pour activer les travaux de la section de Liége à Verviers,
et de la section de Verviers à la frontière prussienne, m’a témoigné de nouveau
la crainte que ces sections ne puissent pas être achevées à l’époque pour
laquelle leur achèvement a été annoncé. J’ai pris à cet égard toutes les
mesures qu’il était possible de prendre ; j’ai envoyé sur les lieux de hauts
fonctionnaires, j’ai signifié aux entrepreneurs que, s’ils ne complétaient pas
le nombre d’ouvriers nécessaires pour la prompte exécution des travaux, ou au
moins le nombre d’ouvriers qui existait avant la cessation des travaux, j’aurai
recours à toutes les mesures que permettent leurs contrats. J’ai reçu hier,
messieurs, un nouveau rapport à cet égard qui me dit que généralement les
travaux sont repris partout, seulement il me signale encore deux ou trois
points où il faudrait un peu plus d’activité.
Après tout ce que
j’ai fait, il ne me reste plus qu’un moyen, c’est de me rendre moi-même sur les
lieux, de voir les choses par moi-même et si, après avoir entendu et les
autorités locales et les ingénieurs et les entrepreneurs eux-mêmes j’acquérais
la conviction que, comme quelques honorables membres le supposent, il y a, de
la part des entrepreneurs, un désir d’exploiter à leur profit la circonstance
des instances qu’avec raison l’on fait pour que ces sections soient livrées le
plus tôt possible à la circulation, je n’hésiterais pas à faire usage de tous
les droits que les cahiers des charges me donnent contre les entrepreneurs ;
j’irai même, au besoin, jusqu’à faire exécuter les travaux en régie, à leurs
dépens.
Messieurs,
l’honorable. M. David, s’est plaint hier de ce que je n’avais pas été assez
loin dans les observations que j’ai faites relativement aux erreurs qu’il avait
commises dans ses calculs sur le nombre des lieues à parcourir en 1843.
Cependant il me paraissait que j’avais signalé des erreurs assez capitales pour
que l’honorable membre n’y revînt plus. il était arrivé, par des calculs, au
chiffre de 287 mille lieues à parcourir en 1843, sur toutes les sections qui
ont été exploitées, soit partiellement, soit totalement, pendant l’année 1842.
Eh bien, messieurs, le tableau qu’à la demande de l’honorable membre, j’ai
fourni à la chambre, nous fait voir qu’il y a eu, en 1842,
Si maintenant vous
retranchez les 287 mille lieues indiquées par M. David, des 318 mille qui
résultent de mon tableau, vous avez là déjà une erreur de 51,000 lieues en
moins, commise par l’honorable membre.
Mais ce n’est pas
tout : au lieu d’exploiter seulement pendant une part de l’année comme en 1842,
les sections qui ont été ouvertes dans le cours de cette dernière année, on
exploitera en 1843 ces sections pendant l’année entière, car l’honorable M.
David lui-même nous dit que ce n’est jamais dans le commencement de leur
exploitation que les sections du chemin de fer donnent tous les transports
qu’elles doivent produire, ce qui veut dire que, dans le commencement de leur
exploitation, elles n’exigent pas le parcours d’un aussi grand nombre de
lieues. Voici comment il s’exprime : « Mais, messieurs, l’expérience vous
a appris que quand une section s’ouvre, le service ne s’y établit que petit à
petit, et très partiellement. Il est donc évident, messieurs, que les sections,
dont l’exploitation n’a commencé que dans le courant de 1842, donneront
nécessairement en 1843 des transports plus considérables et par conséquent un
plus grand nombre de lieues parcourues qu’en 1842.
M.
David. - Indiquez ces
sections. Vous ne voulez pas les indiquer.
M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Certainement, messieurs, ce n’est pas
trop compter sur cette progression croissante et sur l’effet qu’elle doit
produire en ce qui concerne le nombre des lieues à parcourir en 1843, que de
supposer qu’il en résultera une augmentation de 20,000 lieues parcourues.
L’honorable M.
Dechamps vous a fait remarquer hier avec beaucoup de justesse qu’il y a, en ce
qui concerne le transport des marchandises, un mouvement ascensionnel et
continuel remarquable. On peut bien dire que cette progression élèvera tout au
moins ce chiffre des lieues parcourues de 5 p. c., comparativement à 1842 ; or,
sur le chiffre de 318,000, cela fait encore 15,900 lieues en plus à parcourir
en 1843.
Enfin, messieurs,
ce n’est pas trop compter que d’ajouter à ces divers chiffres encore 10 p. c.
du nombre de lieues parcourues en 1842, soit 31,800, du chef de l’erreur
notable commise par M. David, en ce qui concerne le parcours de Liége à
Verviers et aussi de ce qu’il faut prendre en considération que nous toucherons
en 1843 à Cologne, Lille, Valenciennes, Charleroy et Namur.
Ainsi, messieurs,
des calculs de l’honorable M. David, rectifiés dans les seuls points que je
viens d’indiquer, il résulte une augmentation de 98,700 lieues sur le chiffre
qu’il a indiqué. Ajoutez ces 98,700 lieues aux 330,000 auxquelles est arrivé
l’honorable membre, et vous obtenez un total de 428,700 lieues.
Je sais bien,
messieurs, que l’honorable M. David a changé hier ses batteries ; dans des
calculs qu’il fait pour arriver à connaître les dépenses d’exploitation de
1843, il y a deux éléments ; l’honorable membre a recherché d’abord quel sera
le nombre des lieues à parcourir en 1843, ensuite il recherche quel sera le
coût de la lieue parcourue ; il multiplie l’un chiffre par l’autre et arrive
ainsi à la dépense probable, selon lui, de 1843. Jusqu’à ce que je lui eusse
prouvé qu’il se trompait fortement quant au nombre de lieues à parcourir, il a
toujours soutenu que le coût de la lieue parcourue était de 12 fr. 79 c. ;
mais, messieurs, j’ai déjà fait remarquer plusieurs fois que ce chiffre-là est
encore trop bas, puisqu’il ne représente que la dépense d’exploitation
proprement dite par comparaison de 1841 à 1840, et que mon compte-rendu pour
1841 indique le chiffre de 14 fr. 75 c. ; ce dernier chiffre comprend toutes
les dépenses quelconques. L’honorable. M. David, battu sur un de ses éléments
de calcul, est venu réduire encore le chiffre du coût de la lieue parcourue,
qu’il portait déjà trop bas en calculant sur le pied de 12 fr. 79 c.
Pour y parvenir il
vous parle d’un compte-rendu du chemin de fer de Paris à Versailles. Messieurs,
je dois l’avouer franchement, j’ai pris le soin d’envoyer mon compte-rendu de
M. David a trouvé
dans ce compte-rendu qui est écrit ou imprimé…
M.
David. - Il est imprimé.
M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - ...a trouvé dans ce compte-rendu imprimé,
destiné sans doute exclusivement aux actionnaires, un chiffre de 11 francs pour
la lieue parcourue. Mais, messieurs, il y a d’abord une grande différence entre
le chemin de fer de Paris à Versailles et les chemins de fer de
Ensuite, le même
chemin de fer a coûté beaucoup en frais d’établissement, parce que la compagnie
a voulu tout d’abord la construction et la faire assez solide pour qu’il n’y
eût presque plus de frais d’entretien. Or, dans les dépenses que nous faisons,
il y a une très forte somme pour l’entretien même de la route. Après cela, je
ne sais pas si l’honorable M. David, qui a lu dans le compte-rendu imprimé du
chemin de fer de Paris à Versailles, que la lieue parcourue a coûté seulement
onze fr., a fait attention qu’en France, lorsqu’on parle de lieue, il s’agit d
une lieue de
Messieurs,
l’honorable M. David me crie sans cesse : « Mais, M. le ministre, je vous
en conjure, abaissez vos tarifs, et vous vous répéterez en faisant doubler,
tripler, quadrupler les transports. » Eh bien, messieurs, si je faisais ce
que me conseille l’honorable M. David, si j’abaissais les tarifs, et si, en
effet, je réussissais par là à faire doubler, tripler quadrupler les
transports, je devrais aussi nécessairement augmenter la dépense en proportion.
M.
David. - Votre personnel n’augmentera pas.
M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Eh bien, je vois figurer au budget une
somme de 5,400,000 fr., et l’honorable M. David, qui
m’engage à abaisser les tarifs pour augmenter les transports, et par suite
augmenter les dépenses, vient proposer de réduire ce chiffre de 1,200,000 fr.
M.
David. - C’est votre recette
qui augmentera alors.
M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - On a témoigné des craintes que le
règlement que j ai établi pour la consommation du coak,
règlement duquel du reste en lui-même on a bien voulu accorder des éloges comme
ayant produit une assez notable économie sur les dépenses du chemin de fer, on
a témoigné, dis-je, des craintes que ce règlement ne donnât lieu à des retards
dans la marche des convois. Mais, messieurs, je dois faire connaître à la
chambre que les machinistes qui se rendent coupables de pareils retards, sont
punis de 15 centimes par minute de retard dans l’arrivée des convois aux
stations.
Vous voyez donc,
messieurs que toutes les précautions ont été prises pour qu’il n’y ait aucun
retard dans la marche des convois, et je puis déclarer à la chambre que j’ai eu
peu de punitions de ce genre à infliger, et qu’ainsi les retards dans la marche
des convois doivent être attribués à d’autres causes. J’en citerai, par
exemple, une dont j’ai déjà parle dans une autre séance, qui retarde
quelquefois la marche des convois sur la ligne du Midi où n’y a qu’une voie.
J’ai dit qu’à Hennuyères, il y a une rampe continue de
Messieurs, je ne
sais si je dois encore répondre à l’honorable M. David, quant à l’accusation
qu’il a portée contre moi ; il m’accuse de vouloir faire de l’exploitation du
chemin de fer une espèce de syndicat mystérieux. Pour que l’honorable membre
ait osé porter cette accusation contre moi, il faut qu’il n’ait pas seulement
jeté les yeux sur le compte-rendu que j’ai présenté à la chambre, pour
l’exercice 1841, compte-rendu qui contient plus de détails sur l’exploitation
du chemin de fer que n’en ont jamais renfermé les comptes-rendus antérieurs.
D’honorables
membres de la chambre ont bien voulu reconnaître que la longue durée de la
session dernière, que le vote de la loi d’emprunt, qui a pour date celle du 29
septembre, ont dû empêcher le ministère des travaux publics de donner dès le
principe, dans le projet de budget pour 1843, tous les développements
nécessaires ; que d’ailleurs, depuis plusieurs années, on est dans l’habitude
de fournir à la chambre quelque temps après la présentation des budgets. Il est
à remarquer aussi que le projet de budget des travaux publics a dû être remis
au ministère des finances au mois de septembre dernier, afin qu’il pût être
imprimé avec les autres budgets, pour être distribué aux membres de la chambre
à l’ouverture de la présente session. Il n’y a donc aucun reproche à me faire à
cet égard.
Mais les honorables
membres dont je viens de parler ont aussi émis un vœu que je regarde comme très
légitime : c’est qu’à l’avenir le ministère des travaux publics fasse en sorte
de fournir, en même temps que le budget, tous les développements nécessaires
avant l’examen de ce budget et dans les sections et dans la section centrale.
L’honorable M. de
Theux a émis une idée que pour ma part je crois fort juste : c’est celle de la
formation d’une commission permanente d’enquête sur les opérations de
l’administration des chemins de fer en exploitation et sur les améliorations à
y introduire.
C’est là une idée
qui sans aucun doute mérite un examen sérieux de la part du gouvernement, et
que, pour ma part, je suis loin de repousser. Je l’ai prouvé en instituant en
1841 la commission des tarifs.
C’est là même une
institution qui existe au département des travaux publics à l’égard de tous les
travaux de construction qui se font par les soins du corps des ponts et
chaussées.
Il y a, messieurs,
au département des travaux publics, un conseil des ponts et chaussées dont la
session s’ouvre chaque année dans le courant du mois de janvier et qui alors
délibère sur tous les projets, sur toutes les questions que lui soumet le
ministre.
Quand la session de
ce conseil est close, il est remplacé par une commission permanente composée de
l’inspecteur général et des trois inspecteurs divisionnaires ; et pour rendre
cette commission permanente plus utile, pour pouvoir mieux profiter de ces
travaux, pour qu’elle soit mieux en état de me donner des avis avec
connaissance de cause à l’égard de tous les travaux et de ceux du chemin de fer
surtout, j’ai, dès les premiers mois de mon arrivée aux affaires, chargé
l’inspecteur général et les inspecteurs divisionnaires, de faire de fréquentes
inspections.
Il y a plus,
messieurs, c’est que j’ai cru que je ne devais pas m’en tenir à ces inspections
faites par l’inspecteur général et les inspecteurs divisionnaires. J’ai voulu
m’astreindre moi-même à faire des inspections, et plus d’une fois j’ai eu
occasion, bien que je ne pratique plus depuis longtemps le métier d’ingénieur,
de faire fruit de ma propre expérience.
Lorsqu’il s’agit
des budgets de l’Etat, ce qu’il faut, avant tout, c’est de se rapprocher autant
que possible de la réalité par les prévisions, car avant tout il faut que la
balance des budgets des recettes et des dépenses soit réelle.
A quoi servirait,
en effet, d’apporter aux dépenses dans le budget de fortes réductions que l’on
ne pourrait pas réaliser, ensuite, si ce n’est de tromper la législature sur
les véritables besoins de l’Etat, sous le rapport des voies et moyens,
J’avoue, messieurs,
qu’il peut y avoir plusieurs manières de calculer les besoins sous le rapport
des dépenses d’un exercice à venir. La mesure, en ce qui concerne le chemin de
fer, a été la même cette année que celle que j’ai prise l’année dernière. J’ai
calculé par lieu exploitée, en tenant compte des économies que j’espérais
pouvoir réaliser. Aussi, l’année dernière, ne vous ai-je demandé que la même
somme à peu près que celle qui avait été dépensée pour 1841, quoique, pendant
1842, on ait exploité un plus grand nombre de lieues qu’en 1841 ; j’ai lieu
d’espérer que toutes mes prévisions, je ne puis encore le dire positivement,
parce que tous les faits de comptabilité pour 1842 ne sont pas encore connus,
et que même tous ceux de 1841 ne le sont pas encore, mais j’ai tout lieu
d’espérer que mes prévisions se réaliseront, qu’on n’aura pas dépensé en 1842
plus qu’en 1841, bien qu’on ait exploité un certain nombre de lieues en plus.
Messieurs, je vous
ai déjà fait connaître dans une autre séance comment j’ai calculé mes
prévisions. Je l’ai fait connaître à la section centrale ainsi que dans les
développements ultérieurs que j’ai donnés sur le chapitre du chemin de fer.
J’ai prouvé par des chiffres qu’il résultait de mes prévisions pour 18433 une
bonification pour le trésor en dépenses et recettes de 1,708,398 fr., par comparaison
à l’exercice de 1841, et cela bien que je porte au budget de 1843 700 mille fr.
de plus qu’en 1841 pour frais d’entretien du chemin de fer qui n’augmentent pas
en raison de l’exploitation, mais en raison des vices plus ou moins grands de
construction commis dans le principe.
Maintenant,
messieurs, l’honorable M. David a une autre manière de calculer. Il recherche
le chiffre des lieues à parcourir en 1843, et il le multiplie par le coût de la
lieue parcourue. Il arrive ainsi à former un chiffre de dépenses. J’ai prouve
tout à l’heure qu’en calculant comme il l’a fait et en rectifiant ses calculs,
là où il a commis des erreurs, le chiffre des lieues à parcourir en 1843
s’élevait à 423 mille lieues. Je veux bien ne pas tenir compte de ces
résultats, et quoiqu’il soit certain qu’il y a progression croissante sur les
mouvements de transport, surtout à l’égard des marchandises, bien que les
houilles seules de Verviers doivent donner un transport de 50 mille tonneaux au
moins sur la section de Liége à Verviers, transport qui par le chemin de fer ne
coûtera que le quart de ce qu’il coûte par le roulage ; on sait ensuite que,
quand il y a baisse sur le prix de transport, les transports augmentent, bien
que nous devions dans très peu de temps atteindre la frontière prussienne et
nous trouver en 1843 en communication avec le chemin de fer rhénan, ce qui
permet de prévoir un mouvement de marchandises beaucoup plus considérable qu’en
1842 ; bien que dans les premiers mois de 1843 nous devions espérer, d’après
les renseignements que j’ai reçus, de voir les sections très peu productives
vers la France devenir productives, puisque nous atteindrons Lille et
Valenciennes, bien que les plans inclinés n’aient été exploités en 1842 qu’à
partir du premier mai ; malgré toutes ces causes qui doivent faire prévoir un
plus grand nombre proportionnel de lieues à parcourir en 1843 qu’en 1842, je
veux bien me borner à faire une simple règle de trois pour évaluer le nombre de
lieues à parcourir en 1843, en prenant pour terme de comparaison celui parcouru
en 1842, et je dis : Si en 1842 on a exploité 79 lieues, terme moyen pendant
l’année entière, et qu’en exploitant ces 79 lieues, on en ait parcouru 318
mille, combien, en 1843, en exploitant 102 lieues, aura-t-on de lieues à
parcourir ?
J’ai trouvé pour
résultat 410,582 lieues.
Or, messieurs, on
aura dépensé, en 1842, à peu près, comme en 1841, environ 4,500,000
francs, chiffre rond. Divisons ce chiffre par 318,000 lieues parcourues en
1842, et j’ai pour le coût de l’exploitation total, y compris tous les frais
quelconques d’exploitation et d’entretien, 14 fr. 18 c.,
ce qui représente le coût moyen de la lieue parcourue en 1842. Si je multiplie
ce chiffre de 14 fr. 18 c. par le nombre de lieues à parcourir en 1843,
j’arrive, pour la dépense totale à faire en 1843, à la somme de 5,822,052 fr.76 c.
Vous voyez qu’avec
la manière de calculer de M. David, bien que je ne tienne pas compte des causes
qui doivent amener des augmentations de transport pour 1843, je dépasse de 422
mille francs le chiffre que j’ai demandé au budget.
Et si vous
considérez que, comme on l’a fort bien fait remarquer, il s’agit cette année
d’une dépense en plus de 700,000 fr. pour les frais d’entretien du chemin de
fer, il faut ajouter cette somme aux 5,800,000 fr. Par
conséquent c’est une dépense de 6,500,000 francs à
laquelle on arriverait par les calculs de l’honorable M. David.
Maintenant,
voulez-vous entendre une troisième manière de calculer ? On dépensera, en 1842,
à peu près comme je l’ai dit, la même somme qui a été dépensée en 1841 ; soit,
somme ronde, 4,500,000 fr. Eh bien, le chiffre porté au budget, pour 1843, est
de 5,400,000 fr. Retranchez de ce chiffre celui de 4,500,000 fr. il se trouve
que la différence est de 900,000 fr., c’est-à-dire que je demande au budget de
1843 seulement 900,000 fr. de plus que ce qui a été dépensé soit en 1842, soit
en 1841 ; et, encore une fois, il y a dans le chiffre porté pour 1843 une
dépense extraordinaire de frais d’entretien de la route,
qui monte à environ 700,000 fr. Ainsi, si j’ôte cette somme des 900,000 fr., il
ne reste que 200,000 fr. demandés en plus pour 1843 que pour l’exercice 1842,
ou pour l’exercice 1841. Et cependant j’aurai, en 1843, 33 lieues de plus à
exploiter qu’en 1841, (année pendant laquelle on n’a eu que 69 lieues en
moyenne), c’est-à-dire 50 p. c. de plus, quant au chiffre des lieues à
exploiter. Vous comprenez donc bien qu’il faut qu’indépendamment des économies
que j’ai été assez heureux pour réaliser en 1842, j’ai dû compter opérer
d’autres économies encore en 1843 pour vous avoir proposé un chiffre de
5,400,000 fr. au budget que nous discutons.
M. de Mérode. - Messieurs, j’ai été blâmé par quelques préopinants, pour avoir
demandé que le gouvernement fixe les tarifs comme le ferait une compagnie
d’actionnaires. Ne serait-ce pas cependant le moyen de couper court à toutes
ces discussions entre des représentants de Liége et du Hainaut, qui viennent
d’occuper la chambre assez longtemps. Le ministre des travaux publics établissant
les prix de transports de la manière la plus profitable pour le trésor de
l’Etat, il ne s’agirait plus alors que de l’intérêt général et les antagonismes
privés devraient renoncer à la lutte qui ne cessera d’embarrasser
l’administration tant qu’elle n’adoptera pas un système de conduite motivée sur
un principe dont la justice est incontestable.
Le chemin de fer,
qu’il est impossible de comparer aux routes ordinaires, vu l’énormité de la
dépense qu’il occasionne, nécessite la création de nouvelles charges ; beaucoup
de contribuables ont été ruinés par cette grande entreprise. Avant de leur
demander les surcroîts d’impôts dont elle est cause, il faut du moins obtenir
de l’entreprise même tout ce qu’elle peut produire de revenu net. C’est là la
véritable règle à suivre, sauf exception, qui serait consentie par les chambres
pour des motifs qu’elles ne devraient accueillir qu’après mûr examen. Vous
voyez, messieurs, que je m’oppose ainsi à toute tarification
arbitraire de la part du gouvernement, tandis qu’en cédant à diverses
prétentions locales on livre l’intérêt public aux variations du caprice
administratif, ce qui est en sens complètement inverse de nos institutions. Je
ne crois pas devoir en dire davantage pour justifier mon opinion. J’engage
seulement M. le ministre à ne point fixer aussi bas qu’il vient de l’indiquer
le prix du transport des charbons de Liége à Verviers car aucune compagnie
d’actionnaires exploitant un chemin de fer ne l’établirait à un taux pareil. Ce
serait, à mon avis, le plus funeste précédent, parce que rien n’est plus
difficile pour un gouvernement que d’élever les péages quand ils ne sont point
à une hauteur convenable.
M. de Man d’Attenrode. - Messieurs, il résulte des paroles qu’ont
prononcées quelques honorables députés de Liége, que le gouvernement
commettrait une injustice, s’il ne procurait pas à l’industrie de certaines
localités, les moyens de concourir sur quelques marchés importants avec
l’industrie d’autres provenances.
Je pense, messieurs,
que le gouvernement doit une protection égale à l’industrie de toutes les
provenances, mais cela ne se peut, ce me semble, qu’à la condition que cela
n’entraîne pas l’Etat dans des dépenses extraordinaires, en abaissant
immodérément les péages pour favoriser l’arrivée des produits de certaines
industries éloignées sur le marché d’Anvers et de Bruxelles.
L’Etat ne peut être
tenu à satisfaire des exigences semblables, car il ne le pourrait qu’au
détriment du trésor et de la chose publique.
Si certains
produits arrivent sur les marchés principaux, à des conditions plus favorables,
c’est à la nature qu’ils le doivent, comme vient de le dire l’honorable M.
Pirmez.
Le gouvernement n’a
pas à réparer les désavantages que la position géographique a faite à certaines
industries ; son devoir ne va pas jusque-là ; ce sont là des principes dont il
me semble difficile de contester la justesse.
J’en reviens à
quelques observations qui sont la suite indispensable des paroles que j’ai
prononcées avant-hier.
L’honorable M.
Dechamps nous a dit que, tandis qu’autrefois l’enthousiasme pour les chemins de
fer était général, il faut presque de la fermeté aujourd’hui pour parler en
leur faveur. Je vous avoue, messieurs, que je ne puis partager cette opinion.
Si, il y a quelques
années, je ne dirai pas l’entreprise des chemins de fer, car personne ne
l’attaque, si, il y a quelques années, dis-je, les moyens d’établissement et
d’exploitation n’étaient pas attaqués comme ils le sont aujourd’hui, c’est que
nous n’avions pas encore fait à nos dépens l’expérience des abus qui résultent
de l’établissement et d’une administration défectueuse ; voilà la vraie raison
de cette différence. Nous ne tombons donc pas d’une exagération dans une autre
; l’on ne désespère pas des chemins de fer, pourvu que l’on fasse autre chose
ici que se livrer à des paroles, pourvu que nos paroles aient pour résultat la
réforme des abus.
L’honorable M.
Savart disait, au commencement de la séance d’hier, qu’après avoir tout
entendu, il n’y voyait pas plus clair ; ce sont, je pense, ses paroles. Je suis
tout à fait de son avis, je n’y vois pas plus clair que lui ; aussi, comme
notre devoir exige que nous y voyons au chemin de fer, que nous mettions ses
arcanes au grand jour, il faut que nous fassions ici autre chose que de parler
pour nous plaindre sur la manière dont s’administre le chemin de fer, et sur la
manière dont on poursuit son établissement ; il faut que cette discussion porte
ses fruits, qu’elle ait pour résultat une mesure propre à nous éclairer et à nous
tranquilliser sur l’emploi des fonds des contribuables. Si nous n’exigions
aucun résultat, ce serait en quelque sorte passer à l’ordre du jour sur les
abus qui nous ont été signalés, et dont personne n’a contesté l’existence ; ce
serait une espèce d’approbation tacite ; ce serait nous déconsidérer, car ce
serait faire acte d’impuissance.
La mesure qui se
présente naturellement, c’est qu’une commission d’enquête soit nommée ; deux
modes de nomination s’offrent à nous ; une commission d’enquête nommée par la
chambre et une commission nommée par le gouvernement.
Le premier mode de
nomination, s’il était adopté, constituerait un acte de méfiance parlementaire
contre le cabinet, puisqu’il s’agirait de contrôler les actes de son
administration ; comme le cabinet a encore ma confiance, j’écarte ce premier
mode ; mais pour que j’y renonce, il faut que j’obtienne du gouvernement
l’assurance que cette commission sera nommée par lui sans délai. Mon honorable
ami, M. de Theux, a parlé avant-hier en faveur de cette mesure, de la part du
gouvernement. L’honorable M. Pirmez vient de l’appuyer aussi, et je l’appuie
aussi, pour ma part, avec toute l’énergie que m’inspire une conviction
profonde. Cette commission aurait à examiner non seulement les actes
administratifs de l’exploitation, mais elle aurait aussi à s’enquérir des actes
qui concernent l’établissement. Je voudrais même que cette commission fût
permanente, et devînt un élément d’appui et de conseil pour le ministre des
travaux publics.
J’espère donc que
M. le ministre voudra bien s’expliquer sur ce qu’il compte faire concernant la
nomination d’une commission d’enquête. Son devoir, la responsabilité qu’il
encoure le rendront sans doute favorable à ma demande ; je le dis sans détour,
ma confiance est à ce prix, M. le ministre vient de nous dire qu’il devait
examiner cette question ; cette amélioration me semble tellement fondée que je
ne conçois pas que M. le ministre ait encore à en délibérer ; ce qu’il vient de
nous dire ne m’a donc pas satisfait. Je persiste à lui demander s’il compte
nommer incessamment une commission d’enquête. Car s’il
faut encore délibérer, je crains fort que nous n’attendions longtemps, et le
degré d’avancement de nos chemins de fer ne permet plus de délai, si l’on veut
que cette mesure ait des résultats.
M. de Theux. - Vous avez entendu, messieurs, quelques orateurs parler de nouveaux
embranchements du chemin de fer. J’avais pensé que le moment était mal choisi
pour en parler. C’est pour cela que je m’étais abstenu de parler de la
prolongation du chemin de fer de Saint-Trond jusqu’à Hasselt. Mais je me
réserve à la première occasion, d’en démontrer toute l’utilité.
PROJET DE LOI PORTANT UN CREDIT SUPPLEMENTAIRE AU BUDGET DU DEPARTEMENT
DES FINANCES POUR L’EXERCICE 1843
M.
le ministre des finances (M. Smits) présente un projet de loi de crédit supplémentaire de
- La chambre
ordonne l’impression et la distribution de ce projet de loi, et le renvoie à
l’examen de la commission des finances.
La séance est levée
à 4 heures et demie.