Accueil Séances
plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Bibliographie et
liens Note
d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance du vendredi 2
décembre 1842
Sommaire
1)
Pièces adressées à la chambre, notamment pétition aux droits de sortie sur les
armes (Delfosse), à l’impôt sur la bière (Lange)
2)
Projet de loi portant le budget du département de la justice pour
l’exercice 1843
3) Projet de loi
portant le budget de la dette publique pour l’exercice 1843
4) Projet de loi
portant le budget des voies et moyens pour l’exercice 1843.
a) Discussion
générale. (A : équilibre général des budgets et proposition de centimes
additionnels ; B : question politique, homogénéité du
gouvernement ; C : aliénation des forêts domaniales ; D :
impôt sur le sucre ; E : caisses d’épargne auprès de la société
générale ; F : conditions d’émission, de conversion et/ou
d’amortissement de la dette publique) (C (Savart-Martel,
Rodenbach, d’Hoffschmidt,
de Garcia, Rodenbach), A,
traité avec la Hollande, impôt sur la bière, société générale, dette flottante,
F, E, etc. (Rogier), A (Schmidt, C
(d’Hoffschmidt), A (de Theux),
B, intrigues électorales (Verhaegen), B (Smits), B, A (Nothomb), A (Demonceau), C (de Garcia, d’Hoffschmidt), A, F, D, E (Meeus),
intrigues électorales (Verhaegen), A, D (Mercier, Smits), F, E (Devaux), E (Nothomb Meeus))
b) Discussion des
articles. Contribution foncière (Delehaye, de Theux, Delehaye, Mercier, Nothomb, Delehaye) : rejet des centimes additionnels
(Moniteur belge n°337, du 3
décembre 1842)
(Présidence de M. Raikem)
M.
Kervyn fait l’appel nominal à midi un quart.
M. Scheyven lit le
procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M.
Kervyn présente l’analyse des pièces adressées à la
chambre :
« Les fabricants d’armes de
Liége demandent qu’une disposition tendant à faire cesser le droit de sortie
sur les armes soit introduite dans le projet de loi concernant les droits de
sortie. »
M. Delfosse. - M. le
ministre des finances a présenté un projet de loi pour supprimer les droits de
sortie qui frappent divers produits de notre industrie. Les fabricants d’armes
de Liége se plaignent avec raison de ce qu’on n’a pas compris dans ce projet le
droit d’un demi pour cent dont les armes sont frappées à la sortie. Vous savez
messieurs, que cette branche d’industrie est très importante pour notre pays,
et elle languit par suite de circonstances, qu’il est inutile d’énumérer en ce
moment ; le gouvernement les connaît et il devrait s’efforcer d’y porter
remède.
Je demande le renvoi de cette pétition à la section centrale qui sera
chargée de l’examen du projet sur les droits de sortie ; on pourrait en outre
la renvoyer à M. le ministre des finances, soit directement, soit après qu’elle
aura passé par la filière de la commission des pétitions. Les pétitionnaires se
plaignent aussi des droits exorbitants dont les armes sont frappées à leur
entrée en France, et ils craignent qu’on ne les oublie dans les négociations
comme on les a oubliés dans le projet de loi.
M. le président. - La
chambre renvoie directement les pétitions aux ministres quand elle le juge
convenable. Si M. Delfosse en fait la proposition, je la soumettrai à la
chambre.
M. Delfosse. -
L’essentiel c’est que la pétition soit renvoyée à la section centrale. Plus
tard, je n’en doute pas, on en ordonnera le renvoi à M. le ministre des
finances. Il me suffit, pour le moment d’avoir appelé l’attention de la chambre
et de M. le ministre sur les deux points contenus dans la pétition.
M. le président. - Pour
le moment M. Delfosse propose le renvoi à la section centrale chargée
d’examiner le projet de loi sur les droits d’entrée.
- Cette proposition est adoptée.
_______________________
« Le sieur Verhaegen, notaire, soumet à la chambre des moyens pour
couvrir actuellement l’excédant des dépenses sur les recettes. »
Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des voies et moyens.
______________________
« Les brasseurs du canton de Herve
présentent des observations contre les projets de loi tendant, l’un à majorer
les centimes additionnels sur la bière, l’autre à modifier la loi de 1822.»
« Mêmes observations des brasseurs de Fléreau,
de la commune de Duffel, de Thourout et de Mons. »
M. Lange. - Je
demande conformément aux précédents de la chambre, que les pétitions des
brasseurs soient renvoyées à la section centrale chargée de l’examen du projet
de loi modifiant les bases de l’impôt sur la bière, qu’elles restent
préalablement sur le bureau pendant la discussion du budget des voies et
moyens, et qu’elles soient en outre insérées au Moniteur.
M. le président. - D’après les précédents de la chambre, il y a
lieu de déposer ces pétitions sur le bureau et de les renvoyer à la section
centrale chargée d’examiner le projet de loi sur les bières.
M. Lange demande
en outre l’insertion au Moniteur.
- Cette proposition est adoptée.
______________________
« Plusieurs habitants de Namur prient la chambre de rejeter les centimes
extraordinaires demandés pour 1843, sur le foncier, le personnel et sur les
patentes. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des voies et moyens.
______________________
« Le sieur Herman, receveur des contributions directes, douanes et
accises à Nazarits, prie la chambre de lui accorder
une gratification et d’améliorer le sort des receveurs du plat pays. »
« Le sieur Cassart, pensionnaire, demande
que le montant de la pension diffère suivant les blessures qu’on a reçues. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
______________________
« Le sieur P.-J. Colas, ancien capitaine de marine à Anvers, né à
Dunkerque, demande sa naturalisation. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DU DÉPARTEMENT DE
M. Malou. - J’ai l’honneur
de déposer le rapport de la section centrale sur le projet de budget de la
justice.
Je pense que ce rapport pourra être imprimé et distribué demain, la
discussion pourrait suivre celle du budget de la dette publique.
M. le président. - Le
rapport sera imprimé et distribué.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DE
M. Cogels. - Le
rapport sur le budget de la dette publique été distribué, je pense qu’on
pourrait en fixer la discussion après le budget des voies et moyens, car il est
essentiel qu’il soit voté avant la fin de l’année.
M. le président. - M. le
rapporteur du budget de la dette publique demande que la discussion de son
rapport soit mis à l’ordre du jour après le vote du budget des voies et moyens,
et M. le rapporteur du budget le la justice demande que son rapport soit mis en
discussion après le vote du budget de la dette publique.
- Ces propositions sont adoptées.
Discussion générale
M. Savart-Martel. - Messieurs,
j’étais intentionné de ne rien ajouter à ce que j’ai dit dans la discussion
générale des voies et moyens, dans la crainte d’abuser des instants de la
chambre ; mais ce qui a été dit, à l’occasion de la vente de forêts situées
dans le Limbourg et le Luxembourg, m’oblige à ajouter quelques mots.
En ce qui concerne l’hygiène, je ne crois pas que l’existence de
quelques bonniers de terre puisse avoir une grande influence sur ae température et l’état de l’atmosphère dans un pays
surtout où les vents sont constamment variables.
Quant aux éboulements qui mettraient à nu le roc et amènerait sa
stérilité, on a cité, par exemple, Charleroy ; mais c’est une erreur ; car les
terrains défrichés, dans l’arrondissement de Charleroy ont été très productifs.
Passons au prix des biens. Sans doute les servitudes dont ils sont
grevés auront de l’influence, mais aussi les évaluations ont-elles été faites
eu égard à cette charge.
J’ajouterai que depuis 1822, époque de la vente des domaines, faite par
le syndicat d’amortissement, la valeur même des propriétés boisées est tiercée.
L’honorable M. de Garcia vous a dit qu’en général les bois ne
rapportaient point plus de 2 p. c. ; le gouvernement
n’en reçoit pas même un, car il lui en coûte beaucoup plus qu’à un particulier
pour l’administration. Certainement l’impôt foncier seul rapporterait au
gouvernement beaucoup plus que son administration actuelle.
M. le comte de Mérode voudrait, en père de famille, conserver ces
domaines pour nos arrière-neveux, mais il a trop d’expérience pour ne point
reconnaître que c’est là un héritage qui ne passera guère de génération en
génération, Il faut faire la part du temps et des circonstances, les progrès de
nos jours ne s’accordent point avec l’économie du père de famille.
D’ailleurs ce n’est point pour nous seuls qu’ont été faites les dépenses
qui nous ont endettés, nos arrière-neveux doivent en profiter autant et plus
que nous. Ce qu’ils n’auront point en héritages boisés, ils le trouveront en travaux
d’utilité publique.
L’honorable M. d’Hoffschmidt nous a parlé du système français ; mais
tout le monde sentira que nous sommes dans une position qui n’a rien de commun
avec la position française.
Qu’il me soit permis d’ajouter que les bois dont
il s’agit sont à notre extrême frontière, et que la moindre guerre pourrait
nous enlever presque toute la valeur de ces propriétés boisées. Je partagerai
donc l’opinion qu’a émise, en grande connaissance de cause, l’honorable M.
Pirmez.
M. Rodenbach (pour une motion
d’ordre). - J’ai demandé la parole pour engager mes honorables collègues à ne
plus discuter la question du défrichement des bois. C’est une question très
grave qu’on ne peut pas résoudre au milieu de la discussion du budget des voies
et moyens. Si nous continuons à la discuter, elle pourra nous occuper encore
plusieurs jours, car j’entends plusieurs membres
demander la parole. Je les prie de ne s’occuper que des voies et moyens. Ils
pourront plus tard s’occuper de cette question qui vaut la peine d’être
examinée, mais il faut en faire l’objet d’une discussion particulière et non la
mêler à la discussion des voies et moyens.
M.
d’Hoffschmidt. - Je demande la parole sur la motion d’ordre.
Pendant la discussion, plusieurs orateurs avaient soulevé la question de
la vente des bois domaniaux, et je crois qu’elle n’était pas étrangère à
l’ordre du jour, puisqu’il s’agit de créer de nouvelles ressources au trésor.
De mon côté j’ai émis l’opinion qu’on n’atteindrait pas le but qu’on se
propose, c’est-à-dire qu’on ne vendrait pas à beaucoup près nos propriétés
domaniales à un prix aussi élevé qu’on voulait bien le dire. D’antres orateurs
ont répondu hier aux arguments que j’avais avancés lorsque j’avais déjà quitté
la séance. Je remercie l’honorable M. de Mérode de m’avoir suppléé et d’avoir combattu leurs raisonnements. Cependant je
désirerais ajouter quelques observations. Plusieurs honorables membres ayant
contesté ce que j’avais eu l’honneur de dire, j’espère que la chambre me
permettra de leur répondre.
M. de Garcia. - Si on
continue la discussion sur la vente des bois domaniaux, je demanderai la parole
pour répondre à l’honorable M. d’Hoffschmidt, s’il présente de nouveaux
arguments. Cependant je renoncerai à prendre la parole, si on veut renvoyer ce
point à une discussion spéciale dans un moment plus opportun. Qu’il nous
suffise d’avoir aujourd’hui signalé cette question à l’attention du
gouvernement, Mais si l’honorable M. d’Hoffschmidt revient à la charge pour
contester l’utilité de la vente des bois domaniaux, je devrai y revenir aussi,
pour démontrer que cette vente serait avantageuse au
pays. Cependant je voudrais qu’on se bornât pour le moment à ce qui a été dit
sur cette question. Elle a été soulevée en 1840 par M. d’Hoffschmidt. Ce qu’il
a dit hier, il l’avait dit en 1840 ; ce que lui a répondu M. Pirmez, il l’avait
dit en 1840 ; ce que j’ai dit, je l’avais également dit en 1840 ; de sorte que
tous nous n’avons fait que répéter ce que nous avions dit précédemment.
J’appuierai la proposition de M. Rodenbach, de borner là cette discussion qui,
je crois, est épuisée.
M. Rodenbach. - Je retire ma
proposition. Je l’avais faite parce que je pense que beaucoup de membres ne
sont pas préparés à discuter cette question dont on s’est déjà occupé hier.
D’ailleurs, je crois que dans les voies et moyens il n’est pas question de
l’aliénation de nos bois domaniaux. Quand le gouvernement nous proposera un
projet de loi dans ce but, nous pourrons probablement discuter la question.
Comme ma motion rencontre de l’opposition, je
la retire. Mais j’espère que cette discussion ne se prolongera plus longtemps,
plusieurs membres ayant exprimé leur opinion.
M. Rogier. -
Messieurs, comme d’autres collègues l’ont fait, je pourrais prendre à partie M.
le ministre des finances et lui demander compte, en 1842, de l’opinion émise
par lui en 1841, relativement à deux points très importants de son budget ou
plutôt du budget des voies et moyens pour 1842.
L’honorable ministre des finances niait l’existence d’un déficit signalé
par son prédécesseur, et il niait également la nécessité de ressources nouvelles.
En second lieu, il donnait comme exactes les prévisions de recettes que nous
considérions, nous, comme tout à fait illusoires.
L’événement a donné tort à M. le ministre et raison à ses
contradicteurs. Les ressources annoncées par lui ont été en effet une illusion,
et il n’est que trop vrai que le déficit annoncé par son prédécesseur était une
réalité.
D’où est provenu le mécompte de M. le ministre des finances ? Selon
nous, d’une cause très simple, de l’exagération ou de l’inexactitude de ses
calculs. Je sais bien que M. le ministre a assigné une autre cause à ce
mécompte. Je l’ai vue avec surprise mise en avant par lui dans la discussion du
sénat ; je l’ai retrouvée avec peine dans l’exposé des motifs du budget des
voies et moyens. Je ne la dirai pas à la chambre, je craindrais d’exciter son
hilarité à l’occasion d’un triste événement que tous les hommes de cœur, à
quelque parti qu’ils appartiennent, ont également déploré.
Hier, j’ai entendu l’honorable rapporteur de la section centrale, fait
écho en cette circonstance de l’opinion d’un journal ministériel, faire
remonter à l’administration de 1840, un déficit de 13 millions et quelques cent
mille francs. Je dois répondre d’abord à l’assertion de l’honorable rapporteur,
lui qui a l’habitude..,
M. Demonceau, rapporteur. - Je
n’ai rien dit de semblable. C’est l’honorable M. Delfosse qui a parlé d’un
déficit ; j’ai dit que ce déficit avait été signalé à l’ouverture de l’exercice
1840.
M. Rogier. - L’honorable
M. Demonceau l’a dit ; je ne sais pas ce que publie le Moniteur ; mais voici les paroles de l’honorable membre : « Ce
déficit de 13 millions, c’est à l’administration qui avait vos sympathies qu’il
faut l’attribuer ; c’est en 1840, qu’il faut aller le chercher. » Voilà ce
qu’a dit l’honorable membre avec beaucoup de vivacité à l’honorable M.
Delfosse. Si maintenant il retire cette assertion, je n’ai pas à la réfuter.
M. Demonceau, rapporteur. - Je
n’ai rien retiré, je ne rétracte rien.
M. Rogier. - Le
déficit annoncé par l’honorable M. Mercier peut s’élever à 13 millions. Mais ce
que je nie, c’est qu’il soit le fait de l’administration de l’honorable M.
Mercier. Ce déficit de 13 millions remonte à plusieurs années.
Il comprend, entre autres, une somme de 8,810,000
fr. destinée à régulariser le paiement des intérêts de nos premiers emprunts.
Cette dépense de 8,810,000 fr. ne doit pas plus être
imputée à M. Mercier qu’à M. Smits ; c’est le résultat de régularisations. Vous
savez qu’on avait la mauvaise habitude de payer le deuxième semestre d’intérêts
d’une année dans le premier semestre de l’année suivante. L’honorable M.
Mercier a signalé cette irrégularité en déclarant qu’il fallait payer les intérêts
d’une année avec les ressources de l’année même : ce qui a fait reporter sur
1841 la totalité des intérêts et de l’amortissement dus pour cette année,
tandis que, d’après le système suivi précédemment, c’était sur l’année suivante
qu’ils auraient dû être imputés.
Dans cette circonstance, comme dans toutes les autres, l’honorable M.
Mercier a montré beaucoup de prévoyance, de circonspection, de mesure ; il faut
lui rendre justice ; bien qu’il ait été mon collègue, je n’hésite pas à
déclarer que l’honorable M. Mercier a toujours été guidé par des principes
dignes d’être imités.
Il y a donc eu déficit constaté par l’honorable M. Mercier en 1840. En
présence de ce déficit, quelle a été sa conduite ? Il a cherché à augmenter les
ressources du trésor, tout en restreignant autant que possible les dépenses.
Hier, on est venu vous dire qu’il avait échoué dans toutes ses demandes. Il
n’en est rien. L’honorable ministre des finances avait proposé sept bases
nouvelles d’impôt : sur la contribution foncière, les droits de transcription,
de douane, les eaux-de-vie indigènes, le sucre, la bière et le café. De ces
sept demandes, combien en avez-vous accordé à l’honorable M. Mercier ? Cinq.
L’impôt sur le café a été refusé.
Dès lors, il a dû, par les raisons qu’il a indiquées, retirer on
ajourner l’impôt sur les bières. Il n’en est pas moins vrai que sur 7 bases
d’impôt, 5 ont été accordées par la majorité, quelle qu’elle soit ; une seule a
été refusée. Je désire, pour les nouveaux impôts qui nous sont proposés, un sort
aussi heureux. Quatre bases (la contribution foncière, les droits de
transcription, de douane et les eaux-de-vie indigènes) ont produit au trésor
une somme nouvelle annuelle de 2,900,000 fr. La
cinquième base, relative au sucre, n’a pas procuré des ressources nouvelles au
trésor. Mais elle a arrêté le décroissement de l’impôt ; en ce sens elle a
augmenté les ressources.
Quant aux dépenses nouvelles qu’il faut attribuer à l’ancienne
administration, voici en quoi elles ont consisté. Je parle de dépenses entièrement
nouvelles, sur la nature desquelles je prie la chambre de fixer un moment son
attention :
Amélioration à la voirie vicinale : 100,000 fr. ;
Amélioration aux rivières de 2ème classe, laissées jusque-là dans un
état d’entier abandon : 100,000 fr. ;
Améliorations à
Pour favoriser la navigation transatlantique : 400,000 fr.
Répression de la fraude ; pensions aux décorés de la croix de fer, etc.
: 100,000 fr.
Total, 900,000 fr.
Il y avait encore une autre augmentation de dépense dont il a été
souvent question ; je veux parler des 40,000 fr. destinés à rétribuer les
consuls à l’étranger. Malheureusement, cette dépense fut repoussée par une
partie de la chambre. Une autre dépense de 200,000 fr. avait été proposée dans
l’intérêt des lettres, des sciences et des arts, et pour monuments à élever aux
grands hommes de
D’une part, nous avons créé des ressources nouvelles jusqu’à concurrence
de trois millions. D’autre part, nous avons créé des dépenses nouvelles pour
900,000 fr. Reste une ressource permanente de deux millions. Mais l’honorable
M. Mercier ne s’en est pas tenu là. Il avait annoncé, et avec une exactitude
que les faits sont venus confirmer d’une manière étonnante, que vu
l’insuffisance des ressources, en présence des besoins du passé et de l’avenir,
il faudrait dix millions de ressources nouvelles. Trois millions ayant été
obtenus, il restait sept millions à créer.
Nous verrons tout à l’heure que M. le ministre des finances évalue
précisément l’insuffisance des ressources à pareille somme. Donc l’honorable M.
Mercier, il faut le reconnaître, avait déterminé d’une manière bien près de la
vérité l’insuffisance des revenus du trésor. Telle fut la marche suivie dans le
cours de la session de 1840-1841.
S’ouvrit la session de 1841-1842. Ici c’est une marche toute contraire.
En administration, comme en politique, il fallait rompre d’une manière absolue
avec les antécédents de l’ancien cabinet. Ainsi de déficit, il n’en est plus
question. On présente un équilibre purement fictif, beaucoup de dépenses
nouvelles, et rien ou très peu chose pour les ressources nouvelles.
Dans la session qui vient de finir, vous avez voté, sur la proposition
du gouvernement ou d’après l’initiative des membres de la chambre, en dépenses
permanentes, une somme de 3,544,000 fr. dont voici le
détail :
Indemnités, 256,000 fr.
Convention avec la ville de Bruxelles, 300,000 fr.
Canal de Zelzaete, 33,000 fr.
Emprunt pour les chemins de fer, le canal de
Encouragements à la navigation à vapeur, non pas transatlantique, mais
des ports belges aux ports d’Europe, 100,000 fr.
Encouragements à l’industrie linière, 100,000 fr.
Autre encouragement à cette industrie résultant de la réduction de près
d’un million de nos voies et moyens, d’abord sur les vins de France, puis sur
les vins d’Allemagne, 1,000,000 fr.
Total des dépenses permanentes que nous a léguées la session dernière, 3,544,000 fr.
Je ne parle pas des crédits supplémentaires évalués à 1,500,000 francs. Il est établi que chaque exercice amène
avec lui de ces besoins extraordinaires, de ces crédits supplémentaires. C’est
une circonstance dont il faudra tenir compte en réglant le budget des voies et
moyens pour l’exercice 1843 ; je ne pense pas que les besoins extraordinaires
se soient élevés, en moyenne, à moins d’un million à 1,500,000
fr. par année. Ce n’est pas trop d’ailleurs que supposer 1 p. c. à peu près
d’imprévu sur un budget de 110 millions.
Voilà donc 3,544,000 fr. de dépenses nouvelles,
permanentes, décrétées dans la session dernière. Pour couvrir ces dépenses,
quelles ressources nouvelles avez-vous proposées ? Hier, vous en avez signalé
trois, conformément au programme que vous avez mis en avant, à votre entrée
dans le cabinet. Ces trois ressources sont les eaux-de-vie indigènes, le
colportage et le batelage. Pour les eaux-de-vie indigènes vous avez proposé
d’élever de 60 c. à 1 fr. le droit d’accise. De ce chef, il y a une
augmentation évaluée à un million. J’accorde le million. Mais le colportage, je
voudrais savoir quelles ressources nouvelles il peut apporter au trésor. Quant
au batelage, il y aurait de ce chef à défalquer du revenu, plutôt qu’à y
ajouter.
M. le ministre des finances
(M. Smits) - Je n’ai pas dit que cela dût donner une
augmentation de revenus.
M. Rogier. - Dans
votre programme de cette année, dont vous avez entrepris l’exécution avec
courage (car je vous rendrai ici la justice que vous méritez), vous nous avez
cité comme ressource la loi sur le batelage. Ce n’est pas une loi de ressource
; au contraire.
Ainsi, messieurs, pour résumer le bilan des deux dernières années : En
1841, 3 millions de recettes, un million de dépense. En 1842, 3 millions et
demi de dépenses, un million de recette.
Messieurs, il y a des personnes qui trouvent que ce dernier mode
d’administrer est le bon, est le meilleur ; il y a des gens qui appellent cela
faire admirablement les affaires du pays ; il y a des gens qui traitent
d’impuissants administrateurs ceux qui agissent dans un système différent.
Quant à moi, je préfère beaucoup, quoi qu’on en pense, quoi qu’on en dise, le
système de 1841 au système de 1842 ; le système qui consiste à faire rapporter
beaucoup et à dépenser peu, au système qui consiste à dépenser beaucoup et a
faire rapporter peu.
Nous arrivons, messieurs, à l’exercice 1843. Mais ici, métamorphose
complète. L’année dernière, pas d’augmentation d’impôts, cette année
augmentation d’impôts sur je ne sais combien de bases ; impôts sur le sel, sur
les bières, la contribution personnelle, les patentes, les douanes, les sucres,
le débit de boissons, le café, les successions. Je ne parle pas des ressources
temporaires ; je parle des ressources permanentes.
Si toutes ces demandes d’impôts sont obtenues, messieurs, il en
résultera pour le trésor une augmentation de recette de 6.900,000 francs,
d’après les calculs de M. le ministre des finances. Et encore je ne comprends
pas dans cette somme l’impôt sur le café ; je ne sais pas s’il sera permanent
ou temporaire. Je n’y comprends pas l’effet de l’article nouveau relatif aux
successions ; je crois que la section centrale ne l’a pas adopté ou en a
ajourné l’examen. Mais sur les autres bases, il y aurait 6,900,000
fr. de recettes nouvelles pour l’exercice 1843.
Si l’on ajoute l’augmentation des produits du chemin de fer, montant à 2,300,000 fr., vous arrivez au chiffre de 9,200,000 fr. de
ressources nouvelles en 1843.
Or, l’insuffisance à couvrir, d’après M. le ministre tics finances,
serait de 7,366,000 fr. It y aurait donc un excédant de recettes de 1,834,000
fr. que l’on demanderait à l’impôt au-delà des besoins constatés.
Ainsi, messieurs, nous avons une subversion complète de principes.
L’année dernière, c’était le système des déficits ; cette année, c’est le
système des réserves. Le système des réserves, messieurs, est un système
admirable ; je l’ai, quant à moi, toujours prêché je crois qu’il est très utile
à une administration, à un pays, d’avoir, comme un particulier prudent, une
certaine réserve dans ses coffres-forts pour faire face aux besoins
extraordinaires. Je ne pourrais donc qu’applaudir complètement au revirement
qui s’est opéré dans le système du gouvernement.
Malheureusement, je crains encore ici quelques mécomptes. J’admets pour
un moment que tous les impôts proposés soient votés ; eh bien ! il n’y aura peut-être pas encore lieu à réserve ; car le
budget des dépenses ne les comprend pas toutes ; j’en vois déjà même un assez
grand nombre qui devront figurer probablement à l’exercice 1843, ou au plus
tard en 1844, et qui ne sont pas comprises dans les propositions du budget.
A une première lecture du traité entre
Il y aura, sur l’Escaut, outre le droit d’un florin 50 cents par
tonneau, un nouveau droit, le droit sur les phares et fanaux, à raison de 5
cents par tonneau, droit que l’on pourra racheter et que, je le suppose, on
rachètera pour une rente de 40 mille florins à payer à
Nous avons aussi contracté l’obligation de payer à des étrangers
certaines pensions civiles. Elles figurent pour 40,000 florins dans le traité.
Ce serait encore 84,000 fr. à porter au budget des dépenses de Belgique. Je
sais que cette somme est destinée à diminuer d’année en année ; mais pour
l’exercice prochain ce sera 84,000 fr. à payer.
Messieurs, nous avons repris l’année dernière tous les locaux de
Bruxelles, toutes les collections : l’Observatoire, le Musée des tableaux, le
Musée d’industrie, les cabinets d’histoire naturelle, la bibliothèque, etc.,
etc. J’ai bien vu la rente de 300,000 fr. portée au budget ; mais je n’y ai vu
aucune somme pour les frais d’entretien, les frais d’administration qui doivent
résulter de ces nouvelles acquisitions. Il y aura cependant à porter de ce chef
une somme évaluée par les uns à 50,000 fr., par les autres à 100,000 fr. ; je
suis persuadé que cela n’ira pas au-dessous de 50,000 fr., s’il faut payer le
personnel, l’entretien, l’accroissement des collections, que l’on ne peut
toujours laisser à l’état de statu quo. Voilà donc encore une dépense de 50,000
fr. à ajouter.
Une autre lacune bien plus importante, et à laquelle on se propose
cependant de faire face, puisqu’on présente un impôt spécial pour cela, c’est
l’augmentation des traitements des membres de l’ordre judiciaire et des membres
de la cour des comptes. Il y aura de ce chef une augmentation de dépenses
évaluée à 550,000 fr. Voilà encore une dépense qui devra figurer au budget.
Enfin il est un point qui sans doute donnera encore lieu à discussion :
c’est la navigation transatlantique, qui ne figure plus pour aucune somme dans
le budget. J’ai cherche le subside y destiné au budget de l’intérieur, au
budget des affaires étrangères, je ne l’y ai point trouvé.
Un membre. - Au
budget de la marine.
M. Rogier. - Au
budget de la marine ! Mais l’entreprise est plus commerciale que maritime, et
plût à Dieu qu’on lui eût laissé ce caractère commercial.
On porte au budget 100,000 francs pour encourager quoi ? Le cabotage à
la vapeur, et on ne porte plus rien pour la navigation transatlantique. Dans le
pays, dans cette enceinte, chacun va prêchant qu’il faut encourager les voyages
de long cours, le commerce direct. Eh bien ! on retire
toute allocation destinée à favoriser le commerce direct, les voyages
transatlantiques, et on maintient le subside pour encourager la navigation à
vapeur employée par le cabotage et pour le commerce de
Du reste je n’ai pas à discuter cette question en ce moment ; ce que je
veux constater, c’est qu’en ne porte rien au budget pour la navigation
transatlantique. Voilà cependant une dépense qui devra se reproduire. Soit
qu’on abandonne le système à la vapeur, soit que, l’on y persiste, il est
certain qu’on ne pourrait sans inconséquence maintenir les encouragements au
grand cabotage et supprimer ceux destinés à la navigation transatlantique.
Enfin je vois, dans le traité, que nous transférons une partie de la
dette hollandaise ; je suppose que c’est sans obligation d’amortir ; on n’en
dit rien. Mais une autre partie de cette dette peut être remboursée en capital
à
Ainsi, messieurs, la réserve dont je félicitais tout à l’heure
l’honorable ministre des finances, vous voyez que si toutes les dépenses qui ne
figurent pas au budget viennent, comme elles le doivent, y figurer, cette
réserve subira une terrible échancrure.
Ces dépenses, messieurs, on ne peut pas se le dissimuler, elles sont
presque certaines. Les rentrées au contraire, oh ! elles
sont bien plus douteuses. A voir ce qui se passe, je ne sais pas trop sur quel
impôt nouveau on pourra compter.
On paraît si peu disposé à voter des ressources nouvelles, permanentes,
que l’on refuse même les ressources transitoires. Il n’y a eu qu’un cri
jusqu’ici dans la chambre, sur tous les bancs sans distinction, contre les
centimes additionnels. Personne ne veut des centimes additionnels, ou on ne les
veut que dans une proportion tout à fait insignifiante.
Pour moi, messieurs, je n’ai pas la prétention d’exercer sur la majorité
de cette chambre une influence qui, dans cette circonstance, échappe au
ministère. Mais je dois le dire, il me semble bien difficile de lui refuser, en
présence d’un déficit dénoncé par lui de 7,336,000 fr., en présence des
nouvelles dépenses dénoncées par moi, de lui refuser, dis je, ne fût-ce que des
ressources temporaires. Du reste, je le répète, je crois que ce n’est pas à moi
à convaincre la chambre de cette nécessité. M. le ministre des finances, ses
collègues sont bien plus à même que moi d’imprimer cette conviction sur une
grande partie de cette assemblée.
Quant à l’impôt sur la bière, nous devons croire que la loi sur cet
objet est mort-née. Je ne sais jusqu’à quel point les influences de l’extérieur
ont pu se faire sentir jusque dans l’intérieur du cabinet. J’ai vu apprécier de
différentes manières l’espèce de confédération de brasseurs que nous avons vu
surgir à Malines, sous la présidence, je crois, d’un de nos honorables
collègues. Je crois que dans notre pays de publicité, d’association, cette
levée de boucliers petit jusqu’à certain point se justifier ; mais, quant à
moi, je le déclare, je pense qu’il serait très malheureux pour la marche
générale de nos affaires, pour la politique générale du pays, qu’une pareille
agitation, toute constitutionnelle qu’elle soit, dût avoir pour effet de
paralyser immédiatement, sans discussion, sans délibération de la chambre, les
déterminations du gouvernement. Je ne fais pas un crime à M. le ministre des
finances du recul qu’il nous annonce, relativement à cette loi. Je reconnais
que les brasseurs réunis au nombre de 2 ou 3 cents, sous la présidence d’un
honorable membre de la chambre, forment un ensemble très respectable, et je ne
dis pas que d’autres, dans la position de M. le ministre des finances, ne
feraient pas comme lui ; je constate seulement que l’impôt sur la bière
échappera sans doute au trésor pour l’exercice de 1843.
La loi sur la contribution personnelle, je ne la considère pas comme
sérieuse, et je n’en parle pas. Les sucres ? Ah, voilà la grande découverte,
voilà l’Eldorado auquel depuis 5 ou 6 ans chacun demande de nouvelles
ressources. Je ne sais pas, messieurs, ce qu’on attend de la loi des sucres ;
mais quant à moi, je ne m’en promets pas les grands résultats financiers qu’on
vous en annonce ; je crois qu’il y a de ce chef (et sous ce rapport je partage
l’opinion émise par les honorables MM. Mercier et Smits), je crois qu’il y a de
ce chef des ressources à espérer, mais je suis convaincu aussi que ce n’est pas
le sucre qui tirera le trésor public de la position où il se trouve ; ce n’est
pas le sucre qui, à lui seul pourra tenir lieu de toutes les autres ressources si
ces ressources sont refusées par la chambre. La question des sucres, on aura
beau faire, sera toujours une question extrêmement difficile à résoudre : si
vous devez le droit dans une proportion trop forte, vous provoquez la fraude ;
si vous favorisez le sucre indigène, au détriment du sucre exotique, vous
fermez une des voies principales du commerce.
Vous soutenez que le commerce est dans un état de souffrances ;
plusieurs exagèrent ces souffrances ; on cherche les moyens d’y remédier ; une
enquête parlementaire a été instituée dans ce but. Eh bien, messieurs, je dis
qu’il faut prendre garde de détruire tout à coup une branche aussi importante
du commerce. Vous avez fait pour une importante industrie, celle des toiles, de
grands sacrifices ; ne faudra-t-il pas aussi faire quelque chose pour une
branche de commerce qui se lie à la prospérité de plusieurs de nos industries ?
C’est ce que vous examinerez. Quant à moi, j’ai défendu avec beaucoup de
conviction la cause des sucres exotiques ; je suis encore de la même opinion,
je suis encore dans les mêmes dispositions, cependant je déclare que je ne
refuserai pas d’admettre un système de transaction raisonnable, par lequel,
sans compromettre gravement l’existence du commerce du sucre exotique, on
puisse procurer au trésor les ressources dont il a tant besoin ; mais je le
répète, ce n’est pas dans le sucre que l’on trouvera le salut des finances de
« Mais, dit-on, qu’avons-nous besoin de toutes ces ressources nouvelles
? nous venons de conclure avec la banque un
arrangement qui va faire entrer dans les caisses de l’Etat, des sommes
considérables ; il n’est donc pas nécessaire de créer de nouveaux impôts.
Quelques-uns pensent que le capital qui va nous rentrer pourra, comme d’autres
capitaux, concourir à couvrir les dépenses courantes ; eh bien, messieurs, il
faut aussi examiner cette ressource et savoir au juste ce qu’elle vaut et
quelle destination il convient de lui donner.
D’après le traité, messieurs, nous aurons à recouvrer de la banque,
d’abord l’encaisse, que je porterai à 14 millions ; la banque fera ensuite
trois paiements, le premier en numéraire, de 2,500,000
florins, le deuxième en une promesse à un an de date, de 2,400,000 florins et
le troisième (mais malheureusement celui-ci ne restera pas chez nous ; il s’en
va en Hollande), le troisième de 2,500,000 florins.
Il restera donc à recevoir de la banque, outre l’encaisse, le versement
en numéraire de 2,500,000 florins, et les 2,400,000 florins qui seront payés
dans un an, ensemble 4,900,000 florins, soit 10 millions de francs qui, ajoutés
aux 14 millions de l’encaisse, forment un total de 24 millions de francs.
Il y a une autre valeur qu’acquiert le gouvernement, c’est ce qui reste
de la forêt de Soignes. Je ne veux pas anticiper sur la discussion du traité ;
je ferai seulement une observation. On a dit que le prix des bois a
singulièrement augmenté depuis quelques années ; messieurs, en ce qui concerne
la forêt de Soignes, cette augmentation paraît avoir dépassé toute limite.
D’après le rapport fait par M. Fallon, en 1836, époque où il était question
d’un arrangement entre le ministre des finances, qui était alors M. d’Huart, et
la société Générale, d’après ce rapport l’hectare de la forêt de Soignes était
évalué à 2,238 fr. ; en 1842, l’hectare de cette même forêt est évalué, non
plus à 2,238 fr., mais à 2,000 florins ; les francs sont devenus des florins en
cinq ou six années de temps.
li y avait, messieurs, en 1836,
Il reste donc, messieurs, 24 millions que nous aurons à retirer de
l’arrangement avec la banque, si tant est que la chambre y donne son
assentiment. Eh bien, que ferons-nous de ces 24 millions de francs ? Les
porterons-nous en partie au budget des recettes de 1843, pour couvrir les
dépenses courantes ? Je ne le pense pas, messieurs, car nous ne devons pas
oublier que nous avons encore derrière nous un arriéré de 22 millions de fr. ; cet arriéré, il nous faut, selon moi, le couvrir au
moyen de cette ressource. Voilà ce que nous devons faire, et alors nous serons,
de ce côté, dans une situation financière normale ; alors les bons du trésor
recevront leur destination première, qui est, non pas de faire face à des
besoins permanents, à des déficits, mais de faciliter les opérations du trésor,
de remplacer des ressources qui ne sont qu’ajournées. Les bons du trésor
peuvent être très utiles et ne donner lieu à aucun inconvénient, alors
seulement qu’ils sont couverts par des rentrées certaines. Or jusqu’ici les
bons du trésor n’ont servi qu’à couvrir des déficits. Si les bons du trésor
étaient couverts par des rentrées certaines, ils pourraient s’émettre à des
conditions beaucoup plus favorables ; au lieu de les émettre à 4 ou 5 p. c.
d’intérêt, on pourrait les émettre à 1 p. c. et même sans intérêt, comme les
bons émis par les banques, lesquels sont très recherchés du public, quoiqu’ils
ne portent aucune espèce d’intérêt. Je ne vois pas pourquoi le gouvernement ne
ferait point ce que font les banques.
Si l’on veut cependant laisser aux preneurs un appât de plus, eh bien,
les bons du trésor pourraient porter 1 1/2 p. c. ou 1 p. c. d’intérêt ; mais je
dis que dès le moment où les bons du trésor seraient couverts par de l’argent
et non par du papier, ils auraient une valeur tout aussi grande que le
numéraire, et qu’ils seraient même plus recherchées, car il n’est personne qui
ne préfère souvent des billets de banque à de l’argent. En Prusse, messieurs,
le gouvernement émet de semblables billets ; vous le savez tous comme moi. Eh
bien, messieurs, si nous émettions annuellement pour dix millions de bons du
trésor sans intérêt, il en résulterait une économie de 500.000 fr.
Messieurs, je n’ai pas l’honneur d’administrer les finances du pays, je
n’ai donc pas la mission de chercher des ressources à créer ; cependant comme
chacun de vous, comme mon devoir de représentant m’y oblige, l’état de nos
finances, je dois le dire, appelle souvent mes méditations ; souvent je me suis
demandé s’il n’y aurait point quelque ressource nouvelle à créer en dehors de
celles qui nous sont demandées, surtout si celles-ci n’étaient pas accordées
par la chambre. Eh bien, indépendamment des bons du trésor, dont je viens de
parler, je demanderai pourquoi on ne chercherait pas à faire produire des
ressources nouvelles aux droits de succession directe ; s’il y aurait de grands
inconvénients à rétablir le serment, que, dans un élan de morale, peut-être
exagéré, le gouvernement provisoire a supprimé ? Il en est résulté pour le
trésor une perte assez considérable. Sous l’ancien gouvernement, tous les biens
passant en mainmorte étaient frappés d’un droit de 4 p. c. par an ; on a
fortement attaqué cette redevance, non pas comme injuste, mais comme illégale ;
ce droit était établi par un arrêté ; on a révoqué l’arrêté, mais ne
pourrait-on pas faire, par une loi, ce que faisait l’arrêté. C’est là,
messieurs, un point qui mérite d’être examiné.
Quant au tableau, je crois que tout le monde est d’accord pour penser
qu’il peut rapporter au trésor plus qu’il ne rapporte aujourd’hui.
On a parlé hier de droits sur les parchemins de la noblesse ;
certainement, si vous isolez la question, s’il ne s’agit que de frapper les
titres de noblesse, je reconnais que cette ressource ne serait pas très
importante ; quelle que soit la vanité humaine, je pense qu’il est beaucoup de
vanités en Belgique qui reculeraient devant un sacrifice d’argent un peu
considérable.
Or, quel que soit le nombre des nouveaux nobles qu’on puisse faire, si
le droit n’est pas un peu élevé, il est évident qu’on ne tirera pas de ce chef
une somme considérable. Mais il faudrait ici procéder par voie d’analogie et
d’ensemble ; si aux droits à imposer à l’octroi des titres de noblesse, vous
ajoutez un droit d’enregistrement pour les actes de naturalisation, pour les décorations
étrangères et pour toutes les nominations d’avoué, notaire, greffier, courtier,
agent de change, il me semble que de ces diverses ressources il pourrait sortir
un produit satisfaisant. Je sais que cela ne procurerait pas des trésors au
pays ; mais enfin, pour me servir d’une expression familière, c’est surtout en
matière d’impôts qu’on peut dire que les petits ruisseaux font les grandes
rivières.
La contribution foncière, il ne s’agit pas de l’augmenter ; je crois que
pour le moment elle paie assez et qu’il est prudent de la réserver pour les
temps plus difficiles. Mais l’honorable M. Mercier avait indiqué dans la
propriété foncière une ressource qui ne semble pas à dédaigner. Vu l’état
actuel des choses, toutes les nouvelles propriétés qui sont avec le temps
assujetties à l’impôt, paient cet impôt, non pas au profit du trésor publié
mais à la décharge de propriétés imposées. Ne serait-il pas juste que toutes
ces propriétés nouvelles étendissent la matière imposable, et ne servissent
plus à dégrever les autres. Je crois, comme l’honorable M. Mercier, que ce
moyen est digne de l’attention de la chambre et du gouvernement.
Messieurs nous avons une source de dépenses très considérables. En
lisant le budget de la dette publique, j’ai été frappe du chiffre des sommes
que déjà nous consacrons chaque année à l’amortissement de notre dette. Ainsi,
le 5 p.c. qui doit être amorti par un pour cent du capital, est déjà, à l’heure
qu’il est, frappé d’un amortissement de 2 p. c. Nous aurons déjà amorti 13
millions en 1842. Outre le 1 p. c, nous portons pour
l’amortissement du capital l’intérêt de ces 13 millions, c’est-à- dire 650,000
fr. Le capital se trouvant réduit à 87 millions et l’amortissement figurant dès
maintenant au budget pour une somme de 1,650,000 francs,
c’est bien 2 p. c, que nous amortissons. Je sais qu’ainsi le veut la loi du
contrat ; mais je demande si l’on ne pourrait pas, par une conversion
quelconque ou par toute autre mesure, ralentir autant que possible l’effet de
cet amortissement, effet désastreux à certain point de vue, effet redouté par
les détenteurs de l’emprunt, effet qui empêche à lui seul notre emprunt à 5
p. c. de s’élever à 115, 118, à
l’exemple de l’emprunt français. A mesure que l’amortissement agira avec plus
de force, notre emprunt se dépréciera, et ne tendra plus à s’élever au-dessus
du pair.
Il y aurait là, messieurs, des ressources très considérables qui me
semblent parfaitement praticables. Je ne vois pas la nécessité d’amortir en 37
années les emprunts destinés payer de grands travaux dont nos arrière-neveux
doivent profiter ; il est très juste que ceux-ci supportent une partie des
dépenses de ces travaux, puisqu’ils sont aussi appelés à en recueillir les
fruits.
Je ne parlerai pas (j’en ai parlé longuement dans une autre circonstance),
je ne parlerai pas des ressources que le gouvernement aurait pu trouver dans la
concession des mines. Pour le passé, c’est une chose résolue, mais enfin je ne
sais jusqu’à quel point, pour les concessions nouvelles, le gouvernement ne
pourrait pas tirer de là quelques ressources. Ces concessions, comme toutes
celles que peut accorder le gouvernement, telles que concessions de routes,
diligences, etc., pourraient très bien entraîner avec elles l’obligation de
payer une certaine rétribution à l’Etat.
Enfin, d’honorables collègues ont parlé des assurances et des caisses
d’épargnes.
Quant aux assurances, la question est certainement digne de tout
intérêt. Pour moi, je crois, comme on dit dans le langage parlementaire
d’aujourd’hui, qu’il y a là quelque chose à faire, si pas comme moyen de
ressource, du moins comme service à rendre par le gouvernement. Qu’on ne parle
pas des difficultés d’exécution. Déjà, aujourd’hui, le gouvernement assure
contre certains sinistres, ou du moins il indemnise de certaines pertes. Il
joue le rôle d’assureur pour ces sinistres qui frappent certaines branches de
l’agriculture. Il fait constater ces pertes, il indemnise dans une certaine
proportion ; il fait ce que font les compagnies d’assurances, avec cette
différence que les compagnies d’assurances reçoivent quelque chose pour
assurer, tandis que le gouvernement ne reçoit rien directement de l’assuré.
Ainsi, au point de vue administratif, je ne verrais pas grande
difficulté à l’intervention du gouvernement dans les assurances. Du reste, je
n’émets cette idée que très rapidement, et je n’y insiste pas.
Quant aux caisses d’épargne, la question me paraît beaucoup plus grave
et plus digne de vos méditations.
Messieurs, les caisses d’épargne, telles qu’elles existent aujourd’hui
en Belgique sont dans les mains d’établissements particuliers ; mais aux yeux
du public, aux yeux de la plupart des déposants, les caisses d’épargne ne sont
pas des établissements particuliers, ce sont des établissements de l’Etat. Il y
a quelques jours, parlant à un domestique, je lui disais : « Vous avez des
économies. ». – « Oui, monsieur, et je les ai placées à la caisse de
l’Etat. » Voilà quelle était l’opinion de ce domestique. Cette opinion est
celle de tous les gens de cette classe qui, en s’adressant au caissier de
l’Etat, croient que c’est à l’Etat lui-même qu’ils ont à faire ; ils sont
d’autant plus autorisés à le croire que dans une malheureuse circonstance, qui
a éclaté dans le pays, pendant la politique non moins malheureuse de 1839, le
gouvernement a dû déclarer que directement ou par un intermédiaire, il se
rendait responsable des dépôts faits à la caisse d’épargne. Ainsi, que la
caisse d’épargne soit dans les mains du gouvernement ou dans les mains de
particuliers, je dis que le gouvernement, aux yeux du public, est responsable
et que, le cas échéant, il devra en répondre.
Cela posé, qu’y aurait-il donc de si hardi, de si extraordinaire, de si
difficile dans l’innovation qui consisterait à mettre la caisse d’épargne dans
les mains véritables du gouvernement. Aujourd’hui il en supporte les charges,
mais alors il en aurait au moins les avantages, et ces avantages sont énormes,
l’expression n’est pas exagérée.
Au point de vue moral, au point de vue politique, il importe à l’Etat de
multiplier le nombre des individus intéressés au maintien de l’ordre, au
maintien de la nationalité. Que vous ayez 50,000 petits déposants à la caisse
d’épargne de l’Etat, vous créerez 50,000 petits conservateurs dans la classe où
il est si important d’avoir des conservateurs ; car si nous appartenons à une
opinion qui aime le progrès, nous appartenons aussi à une opinion qui aime
l’ordre comme la première condition des progrès, et nous applaudirons à toutes
les mesures que l’on prendra pour faire pénétrer le sentiment de l’ordre et de
la nationalité dans les dernières classes de la population.
Ainsi, au point de vue politique, je dis que la caisse d’épargne dans
les mains du gouvernement serait déjà une institution d’une utilité sans
pareille.
Au point de vue financier, et le point de vue politique et moral est
tellement élevé qu’il fait en quelque sorte disparaître le point de vue
financier, mais enfin au point de vue financier, la mesure aurait aussi pour le
gouvernement un très grand résultat. Aujourd’hui le gouvernement paie, à ce que
j’appellerai les grands préteurs, 5 p.c. d’intérêt ; les caisses d’épargne
paient aux petits prêteurs 4 p. c.
Une voix. - 3 p.
c.
M. Rogier. - Eh
bien, je suppose que le gouvernement ne paie pas même 3 mais 4 ; que
pourra-t-il faire des fonds qui seraient versés dans ses caisses d’épargne et
pour lesquels il donnerait un intérêt de 4 p.c. ? il
rachètera du 5 p.c., et tout en élevant son crédit, il gagnerait par an 1 p.c.
C’est un bénéfice clair comme le jour.
Au reste, je sais que je touche là une matière assez délicate ; je
voudrais que le gouvernement, dans toutes les hypothèses, ne procédât à
l’établissement d’une pareille institution qu’avec la plus grande
circonspection ; je crois qu’il y a de grands intérêts à ménager, mais je
demande si, dans une circonstance où l’on vient de faire avec la banque des
arrangements, qui reposent sur des bases si larges, je demande si le moment ne
serait pas bien choisi pour opérer également cette grande transaction.
C’est le moment, et peut-être ce moment ne se
représentera-t-il plus. Quant à moi, je rendrais grâces, je rendrais hommage au
ministère qui parviendrait à poser un pareil acte. Je crois qu’il y aurait une
grande utilité pour le pays à retirer de l’exécution d’une pareille idée. Je
crois qu’il y aurait pour un ministère plus de reconnaissance et plus de gloire
à espérer d’une pareille entreprise que du bouleversement de nos institutions
communales.
M. le ministre des finances
(M. Smits) - Je ne puis qu’applaudir à quelques-unes des vues
financières dont vient de parler l’honorable préopinant. Mais pour réaliser ces
vues, il faudrait que les ministères en eussent le temps, et malheureusement,
dans le pays, ce temps leur a généralement manqué.
Quant aux projets que nous avons soumis à la chambre, je dois détromper
l’honorable préopinant, qui a cru que tous ces projets avaient pour but
d’améliorer les ressources du trésor ; il en est au contraire plusieurs qui
n’ont d’autre but que de corriger la législation ancienne, de faire disparaître
des abus, bien qu’elles doivent avoir pour résultat d’améliorer quelque peu les
finances du pays.
Aussi, en parlant des trois lois votées dans la session dernière, ne les
ai-je pas présentées comme moyens de vous procurer des ressources. J’ai dit, en
citant la nomenclature des lois présentées, que trois d’entre elles avaient été
discutées et votées. Mais, je le répète, je ne les ai pas présentées comme des
ressources financières.
Quant aux déclarations que j’ai faites l’année dernière, et que
l’honorable membre a cru devoir critiquer, je croirais pouvoir les renouveler
aujourd’hui, si la situation des choses n’était pas changée. L’année dernière,
en effet, le budget s’élevait à 105 millions. Nous avons supposé que les
recettes produiraient cette somme ; nous sommes-nous trompés de beaucoup ?
La situation que je vous ai présentée offre, il est vrai, un découvert
provisoire de 2,700,000 fr. Mais j’ai fait remarquer
que plusieurs créances liquides, sur lesquelles nous avions dû compter, ne sont
pas rentrées, par suite de délais qu’on a dû accorder, que d’autres ressources
ont manqué par suite de mévente de quelques propriétés domaniales. Ces
ressources se trouveront dans l’exercice de 1843. D’ailleurs, l’exercice de
1842 n’est pas clos, et j’ajourne les honorables membres qui ont contesté mes
évaluations à l’année prochaine, ou à l’époque à laquelle l’exercice de 1842
sera clos. Nous verrons alors qui de mes honorables contradicteurs ou de moi
avons eu raison. J’ai encore lieu de croire que la raison sera de mon côté.
Je viens de dire que la situation était changée. En effet, aujourd’hui
le budget s’élève à la somme de 110 millions, conséquemment à 5 millions de
plus que celle de 1842. D’où provient cette augmentation de dépenses ? Elle
provient uniquement des votes que vous avez donnés dans la session dernière,
c’est-à-dire des 5 millions que vous avez votés en dehors des prévisions du
budget ; et si nous ne demandons que 2 millions 500 mille francs à l’impôt,
c’est parce que nous calculons sur un plus grand revenu du chemin de fer. Sans
cette circonstance, notre demande de centimes additionnels eût dû être plus
considérable.
L’honorable préopinant a soutenu que les prévisions de l’honorable M.
Mercier, émises en 1841, correspondaient avec celles calculées aujourd’hui par
moi. Je crois qu’il y a ici erreur. Ainsi, dans le programme du ministère
précédent, bien que les indemnités y fussent comprises, ne figurait pas, je le
pense du moins, l’indemnité accordée à la ville de Bruxelles, ne figuraient pas
les dépenses votées pour le canal de Zelzaete. Dans l’évaluation du déficit de
7 millions ne se trouvaient pas la somme nécessaire pour la construction du
canal de Zelzaete, l’indemnité à la ville de Bruxelles. Il y avait donc, une
grande différence entre la prévision du découvert donnée par M. Mercier et
celle que j’ai indiquée dans le courant de cet exercice.
Messieurs, je pourrais rencontrer ici plusieurs observations qui
viennent d’être émises touchant les lois financières, mais je pense qu’il
convient mieux de s’abstenir pour le moment et d’attendre la discussion de ces
lois ; alors nous les défendrons et nous chercherons à les justifier.
Maintenant, nous sommes en présence d’une difficulté, celle du budget des
voies et moyens. C’est à celle-là seule qu’il importe de s’attacher. Je veux
dire que le budget des dépenses s’élève à 110 millions, budget que votre
section centrale reconnaît ne pas être susceptible de réductions. Or, les
ressources actuelles ne s’élèvent qu’à 105 millions : conséquemment, il y a un
déficit de 5 millions. Qu’on examine, sous quelque face que ce soit, la
situation du budget, et on reconnaîtra la position telle que je viens de
l’indiquer. La section centrale ne résout pas le problème de savoir comment ces
cinq millions seront couverts ; elle tourne la difficulté ; elle refuse les
centimes additionnels en affectant aux dépenses courantes la somme à provenir
des quatre centimes additionnels destinées au traitement de l’ordre judiciaire.
C’est en comptant sur cette ressource, c’est en employant le produit de
ventes domaniales aux dépenses ordinaires du service général, au lieu de le
faire servir à l’extinction de la dette flottante, qu’elle solde finalement son
projet de budget par un déficit de un million soixante-dix mille francs.
Le ministère a cru qu’il ne pouvait pas
accepter une position pareille. Des ressources peuvent se présenter dans
l’avenir, mais il est toujours imprudent pour un gouvernement d’escompter
l’avenir, car dans l’avenir, nous aurons à pourvoir à d’autres dépenses que
celles qui figurent dans le budget actuel. Ainsi, bien que nous n’ayons pas le
moindre espoir de voir accepter nos propositions, notre devoir, comme ministres
du Roi, nous commande de persister dans nos propositions, et de ne pas assumer
sur nous une responsabilité que nous ne voulons pas porter.
M.
d’Hoffschmidt. - La chambre me paraissant déjà fatigué d’une
discussion générale qui dure depuis plusieurs jours, je ne m’étendrai pas
beaucoup sur la question de la vente des bois domaniaux. Mais il est deux
points sur lesquels je crois devoir insister. D’abord ce qui doit fixer
l’attention du gouvernement et de la chambre dans la question dont il s’agit,
c’est que c’est à tort qu’on suppose que les forêts domaniales qui existent
encore, valent 30 millions, Sans doute, une somme pareille est fort tentante à
réaliser, mais il y a une exagération très grande, du moins dans l’évaluation
des 17 mille hectares du Luxembourg. En la portant à 21 millions, on l’a
exagérée au moins du double, et on n’a pas tenu compte dans cette évaluation
des droits d’usage qui pèsent sur la propriété. Un deuxième point sur lequel
j’insisterai encore, c’est que l’aliénation entraîne la diminution des forêts
et, dans un temps plus ou moins éloigné, leur disparition.
L’honorable M. de Garcia disait hier que l’aliénation n’entraînait pas
le défrichement ; mais elle entraîne le déboisement, et les conséquences du
déboisement sont plus fâcheuses que celles du défrichement.
L’expérience a démontré que les ventes des forêts entraînaient leur
destruction. Si les forêts sont rasées, que deviennent ces ventes successives,
ces mutations avantageuses an trésor dont on vous a parlé hier ?
L’erreur principale dans laquelle on tombe en émettant des théories
favorables à celte aliénation, c’est de ne pas distinguer entre les bois de
plaine et les bois de montagne, entre les forêts qui reposent sur un sol riche
et fertile et celles qui reposent sur un aride.
En France, ce n’est plus là une question ; tout le monde est d’accord
qu’on doit s’opposer au déboisement des montagnes. Les hommes les plus éminents
dans la science, les Arago, les Moreau Jonnès, les de
Prony sont de cet avis.
Eh bien, messieurs, le Luxembourg est dans le cas que je viens de citer,
c’est un pays de montagnes. Si donc vous arrivez au déboisement, par la mesure
qu’on a prônée, il en résulterait toutes les conséquences fâcheuses pour la
température et le climat que redoutent ces savants si capables de les
apprécier.
Messieurs, comme je vois qu’une partie de
cette assemblée n’est pas très disposée à prolonger la discussion, je consens
volontiers à finir. Mais cependant je trouve assez singulier qu’il ne me soit
pas permis de répondre aux arguments qui ont été présentés. Quoi qu’il en soit,
si l’on veut clore cet incident, je consens à ajourner mes observations à une
autre occasion.
(Moniteur belge n°338, du 4
décembre 1842) M. de Theux. -
Messieurs M. le ministre des finances persiste dans la demande des centimes
additionnels portés au budget. Pour soutenir cette demande il affirme de
nouveau que le déficit sur l’exercice 1843 sera de 5 millions. Mais vous
remarquerez que, pour établir cette différence, M. le ministre suppose qu’il
devrait être voté, dans le courant de l’année des crédits extraordinaires pour
3 millions. Cette assertion, je la trouve dans le discours prononce par M. le
ministre, à une séance précédente ; mais il n’a donne aucune explication à
l’appui de ce chiffre.
Sur quoi fonde-t-il cette demande éventuelle de crédits supplémentaires,
s’élevant à 3 millions ? Sur ce que pendant les 12 premières années du royaume
de Belgique, il a été demandé en moyenne, pour 6 millions de crédits
extraordinaires, dont cependant il faut déduire les économies sur les budgets.
Cette prémisse ne justifie en aucune manière la conséquence. On conçoit
facilement que dans les premières années, lorsqu’il n’existait pas de traité
avec
En écartant donc ces trois millions de dépenses éventuelles, ou en le
réduisant à quelques centaines de mille francs et en appliquant au service
courant 1,700,000 fr. du produit des rentes domaniales, ou de parcelles de
domaines (ce qui peut d’autant mieux se faire qu’on consacre 3 millions à
l’amortissement de l’emprunt), le déficit ne sera que d’un à 2 millions. Mais
ce chiffre ne peut-il pas être compensé par le produit des lois des finances
qui seront prochainement discutées. La loi sur le sucre est à l’ordre du jour.
On examine en section centrale le projet de loi relatif au sel et aux droits
d’entrée. Ces projets de loi seront bientôt en délibération. Dès lors, il n’y a
rien d exagéré dans la supposition que ce déficit d’un à 2 millions pourra être
couvert par les lois qui seront décrétées dans le courant de 1843. D’ailleurs,
comme on l’a dit, les sommes à rentrer par suite du traité avec
M. le ministre des finances fait entrer en ligne de compte
l’augmentation demandée pour la magistrature et pour la cour des comptes. Mais
la loi n’est pas votée ; rien ne fait préjuger qu’elle sera en vigueur au 1er
janvier prochain. Je ne pense donc pas que ces dépenses puissent entrer en
ligne de compte pour le budget de 1843.
A entendre M. le ministre des finances, le déficit serait pour l’avenir
de 7 millions. Si cette assertion était exacte, si cette somme devait être
annuellement demandée à l’impôt, notre situation serait difficile. Je n’hésite
pas à dire que le chiffre est exagéré, et qu’il y a d’autres ressources que
l’impôt. Je dis que le chiffre de 7 millions est exagéré.
M. le ministre des finances a supposé qu’il y aurait annuellement trois
millions de crédit supplémentaire à demander au budget. Eh bien, cette
supposition, que j’ai déjà combattue pour 1843, est encore moins admissible
pour les années suivantes. Il n’est pas possible que dans la situation
régulière où nous sommes actuellement placés, avec des budgets où il y a
différents crédits pour les dépenses imprévues et extraordinaires, il faille
encore 5 millions de crédit supplémentaire. Je pense que nous sommes arrivés à
un état de choses tel que les besoins extraordinaires d’un exercice pourraient
être couverts, pour la plus grande partie, par des économies sur le budget,
parce qu’on est forcé de majorer quelques dépenses, dans la crainte que les crédits
ne soient insuffisants. Je réduis donc le déficit à 4 millions environ.
On a dit avec beaucoup de vérité qu’à partir de 1844 le chemin de fer,
étant achevé, devra rapporter au moins deux millions de plus ; il rapportera
même davantage d’année en année ; car un chemin de fer est, sous ce rapport,
comparable à un canal ; plus il a de durée, plus ses revenus augmentent. Ici
cette assertion et d’autant plus vraie que notre chemin de fer, se rattachant à
ceux d’Allemagne et de France, il sera d’autant plus productif que les chemins
de fer seront étendus en Allemagne et en France. D’autre part, il n’est pas
douteux que les dépenses du chemin de fer ne soient portées aujourd’hui au
maximum. Des économies peuvent être introduites dans les dépenses d’exploitation.
Ainsi, quand on suppose pour 1844 une augmentation de deux millions dans le
revenu du chemin de fer, augmentation qui peut devenir plus considérable encore
dans les années subséquentes, on ne peut être accusé d’exagération. Ainsi, pour
1844, le revenu du chemin de fer compensera largement la ressource qu’on
trouve, pour 1843, dans le prix des ventes et des propriétés domaniales. Les
deux autres millions nécessaires pour l’équilibre seront assurés pour 1844,
comme ils l’auront été déjà pour 1843, par suite du vote des lois relatives au
sucre, au sel, aux droits d’entrée. Ainsi l’équilibre entre les recettes et les
dépenses se trouve assuré. Mais il est une autre ressource qui viendra aussi
plus tard en aide au trésor, c’est la conversion d’une partie de nos emprunts.
L’Etat belge était nouveau, il inspirait par là moins de confiance que
d’autres Etats. On a dû nécessairement emprunter à un taux plus onéreux, ayant
dû surtout accepter des époques d’amortissement trop rapprochées. Ce sont là
des conséquences du défaut de confiance qu’inspire un Etat naissant. Mais plus
l’Etat aura existé, étant prospère, ayant un grand nombre de ressources, des
voies nombreuses de communication, plus il aura de crédit, de facilité pour
diminuer l’intérêt et pour reculer l’amortissement. De ce chef, il y aura un
avantage considérable pour le trésor car il serait absurde que nous dussions,
d’ici à 30 ans environ, avoir amorti nos emprunts. Sans doute, notre intérêt
n’est pas de faire une si belle position aux générations qui nous suivront et
de gêner ainsi le commerce, l’industrie, le contribuable en général ; en un mot
la génération présente.
Je n’en dirai pas davantage, parce que tout a
été dit dans la discussion générale. Mais je tenais, comme membre de la section
centrale, à justifier ses conclusions ; et d’autre part, à rassurer le pays
contre les inquiétudes qu’ont dû faire naître les propositions temporaires ou
permanentes du gouvernement, et tous les projets nouveaux qui ont surgi dans la
discussion.
M. Verhaegen. –
Messieurs, c’est encore l’honorable comte de Mérode qui nous oblige à rompre le
silence ; alors qu’on nous jette le gant, force nous est bien de le ramasser.
J’étais décidé, messieurs, à ne pas prendre part à la discussion générale
des budgets, par laquelle se présente en première ligne la question politique,
d’abord parce que dans une autre circonstance non moins importante, qui s’est
offerte à l’ouverture de la session, je croyais avoir rempli ma tâche, et que
je n’aime pas à me répéter, ensuite parce que la discussion à laquelle on se
livre depuis plusieurs jours ne m’a pas paru sérieuse, et en effet les propositions d’augmentation de charges,
telles qu’elles sont formulées par le gouvernement, n’ont pas la moindre chance
de succès, et la conduite du chef du cabinet qui, contrairement à son habitude,
ne prend aucune part au débat, en est pour moi la preuve convaincante.
Serait-il donc vrai, comme quelques indiscrétions nous l’ont fait
supposer, que la division entre les ministres du Roi est telle, que l’on
cherche à préparer la défaite de l’autre ?
On ne verra plus, comme pendant la session précédente, l’honorable M.
Nothomb venir alternativement au secours de ses collègues ; on le verra les
abandonner à leurs propres forces pour ne s’occuper, lui, que du budget de
l’intérieur ; l’honorable comte de Briey ne viendra plus en aide à l’honorable
M. Desmaisières, et c’est ainsi qu’on pense arriver plus facilement à un
remaniement ministériel. Mais que M. le ministre de l’intérieur ne s’y trompe
point, le rejet des propositions du gouvernement, quant aux augmentations de
charges, ne sera considéré ni par le pays, ni par ses représentants, comme un
échec pour M. le ministre des finances seul, mais bien comme un échec pour tout
le cabinet, car c’est de l’avis conforme de tous les ministres que les
propositions ont été faites et qu’elles sont soutenues par leur collègue M.
Smits.
D’un autre côté, un de mes amis a cru voir, dans la conduite de certain
ministre, une nouvelle complaisance pour un parti qui le soutient au pouvoir en
lui fournissant l’occasion de faire de l’opposition au sujet d’un projet de loi
qui touche de si près à l’intérêt des contribuables, et de ressaisir ainsi, à
la veille des élections, une popularité perdue depuis longtemps.
Je partage à tous égards l’opinion de M. Delfosse, et c’est encore pour
ce motif que j’étais décidé à rester étranger à la discussion, ne voulant pas
prendre un rôle dans une comédie que certains ministres veulent faire jouer à
la législature.
Si j’ai pris la parole, comme je l’ai dit en commençant, c’est
uniquement pour ne pas laisser sans réponse l’attaque du comte de Mérode contre
le système électif en général, et contre certaine classe d’électeurs dont il
croit avoir à se plaindre. Il faut bien, quand le cœur est plein, qu’il
déborde, et cette idée fixe de l’honorable membre qu’on rencontre dans tous ses
discours, nous aurons bien de la peine à la déraciner.
Après quelques observations relatives aux dernières élections
communales, et dont je fais grâce à la chambre, le comte de Mérode nous disait
dans la séance d’hier que « grâce à l’apathie d’une foule d’hommes paisibles, à
peu près exclusivement occupés de leurs affaires, l’élection est souvent le
moyen le plus facile de parvenir pour l’intrigant et le perturbateur de la paix
publique ; « et puis, comme pour se disculper de cette nouvelle attaque,
il ajoutait par forme oratoire « qu’il se garderait de recommencer, sous
l’influence des brouillards de l’hiver, une discussion épuisée dans cette
enceinte lorsque le soleil dardait ses brûlants rayons d’été. »
Pour nous, messieurs, nous croyons de notre devoir de protester contre
semblable assertion, de combattre hautement une opinion qui porte atteinte aux
plus précieux des droits écrits dans la constitution belge, en même temps
qu’elle constitue une injure flagrante contre la grande partie des électeurs
qui ne votent pas dans le sens de M. le comte de Mérode.
Mais l’honorable membre y a-t-il bien songé, en nous parlant des
intrigants et des perturbateurs de la paix publique ? Croit-il, entre autres,
que dans l’arrondissement qui l’a envoyé dans cette enceinte, le nombre des
honnêtes gens ne l’ait emporté sur le nombre des intrigants que d’une
demi-personne, puisqu’il a été impossible de compter par personnes entières. Je
pourrais multiplier les exemples, mais je craindrais de comprendre dans le
débat des honorables collègues qui doivent y rester étrangers.
Pour ne parler que des élections communales, l’honorable comte
voudra-t-il compter aussi de la même manière, le nombre des honnêtes gens et
des intrigants qui ont pris part aux élections de Bruxelles, de Liége, de Gand,
de Bruges, de Tournay, de Courtrai, de Louvain même et de presque toutes les
villes du royaume. A Bruxelles, en ne nous occupant que du principal bureau,
comprenant, le palais, les ministères, les fournisseurs, la banque, les
principaux hôtels, nous dira-t-il qu’on n’y a rencontré que 12 honnêtes gens et
288 intrigants et perturbateurs de la paix publique ?
A Laeken encore, où une nouvelle lutte vient d’avoir lieu, M. de Mérode
voudra-t-il bien nous dire si l’élection de M. Deby et l’échec de M. le baron
Van Weerde sont dus aux honnêtes gens ou bien aux
intrigants ; nous lui laissons le soin de computer le nombre des électeurs, et
nous nous abstenons de toute réflexion.
Dans l’attaque de M. de Mérode, on voit à l’évidence que c’est à notre
opinion qu’il attribue l’intrigue, que c’est dans nos rangs qu’il veut trouver
les perturbateurs de la paix publique ! Quel est donc le fait qui puisse justifier
cette attaque ? Si notre opinion est en minorité dans cette enceinte, elle a la
majorité dans le pays. Les dernières élections en sont la preuve
Nous avons combattu nos adversaires dans les élections et nous les
combattrons encore chaque fois que l’occasion pourra se présenter, parce que, à
notre avis, le bien public l’exige ; mais nous ne ferons emploi que de moyens
loyaux, jamais nous ne sortirons de la légalité. Ce ne sera pas à nous qu’on
pourra jamais reprocher l’intrigue, ce ne sera pas nous qui créerons de faux
électeurs, en supposant des charges pour élever le cens et agrandir ainsi le
cercle des votants dans les campagnes ; notre rôle, au contraire, sera de
combattre ces menées que, dés à présent, je dénonce au pays et que j’ai le
droit d’appeler odieuses, révolutionnaires même, puisqu’elles substituent le
fait au droit.
Les organes de la presse, quelle que soit
leur couleur, tous les amis de la constitution et du pays, catholiques ou
libéraux, feront acte de patriotisme en dévoilant la fraude partout où ils
pourront la découvrir ; les autorités compétentes, j’en ai la conviction, la
flétriront comme elle doit l’être, et déjà la cour suprême, par un arrêt
solennel, vient de leur tracer la voie
(Moniteur belge n°337, du 3
décembre 1842) M. le ministre des finances
(M. Smits) - Je dois faire une réflexion sur le discours de
l’honorable préopinant. La chambre n’a jamais pu se méprendre sur l’opinion que
j’ai émise devant elle. La chambre sait que les budgets du royaume sont l’œuvre
ministérielle ; c’est le cabinet entier qui y coopère.
Si mon collègue de l’intérieur n’a pas pris part à cette discussion,
c’est que toujours les projets de loi qui émanent du département des finances,
depuis que j’ai l’honneur de le diriger, ont été soutenus par moi seul. Je n’en
connais aucun où mon collègue de l’intérieur me soit venu en aide.
Si donc il ne l’a jamais fait, si jamais il
n’a pris la parole, lorsqu’il s’est agi de questions qui me concernent, je ne
vois pas quelle induction on pourrait en tirer aujourd’hui.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - J’ignore pourquoi j’aurais un titre
spécial pour prendre la parole dans toutes les discussions. Mais cependant
qu’il me soit permis de faire une réflexion qui s’est souvent présentée à mon
esprit. Lorsque je m’associe, comme je le faisais lorsque j’étais membre d’un
autre cabinet, à l’un de mes collègues dans une discussion, on ne manque pas
d’accuser alors ce collègue d’insuffisance, je ne sais pourquoi ; et lorsque je
garde le silence, cette réserve devient de nouveau un grief contre le
ministère. C’est nous placer dans une très singulière position. Nous taire ou
parler, c’est toujours nous exposer à une accusation.
Rien n’est plus vrai que la réflexion qui vient de vous être faite par
mon honorable collègue, le ministre des finances. Les budgets, comme toutes les
lois, sont des actes du cabinet, et il est inutile que chaque ministre vienne
prendre la parole pour soutenir la discussion. Le ministère en est juge ; il se
répartit les rôles comme il le juge convenable.
Je croyais, messieurs, que cette discussion était sérieuse, et un
honorable orateur qui a pris la parole aujourd’hui, l’honorable M. Rogier, l’a
cru comme nous, puisqu’il a donné à cette discussion un caractère nouveau, très
grave, un caractère d’une très haute portée. Je dois supposer que l’honorable
M. Verhaegen était absent lorsque l’honorable M. Rogier a parlé.
M. Verhaegen. - J’ai
parlé des centimes additionnels.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Vous avez parlé des centimes additionnels
et vous avez dit qu’on avait joué ici une comédie, qu’on jouait la comédie
depuis trois jours. Je dis qu’une semblable accusation est un manque d’égards
envers la chambre. L’honorable membre a fait un appel à des influences du
dehors ; c’est encore un manque d’égards envers la chambre. Il nous a dénoncé
des menées ; nous ne l’imiterons pas ; nous pourrions cependant aussi dénoncer
des menées et dire quels sont ceux qui se rendent coupables de menées dans le
pays, qui par de mauvais moyens agitent le pays.
C’est très sérieusement que nous avons demandé des centimes additionnels
; nous les croyons nécessaires, malgré toutes les assertions contraires.
D’abord, d’après le rapport même de la section centrale, il y aura un déficit
d’un million avoué. Il faut encore y ajouter les crédits supplémentaires qui
deviendront nécessaires pour 1843, comme ils l’ont été pour chacune des années
précédentes. Il faut ensuite y ajouter quelques oublis que vous a signalés avec
raison l’honorable M. Rogier ; oublis involontaires, parce qu’ils dépendent
d’actes qui n’existent pas encore.
Les lois de finances qui vous sont présentées ne sont pas examinées ;
si, pendant cette session, il est possible d’en obtenir le vote, l’application
n’en sera peut-être pas immédiate. Et en supposant même que quelques-unes de
ces lois reçoivent leur application en 1843, elles ne porteront pas tous leurs
fruits pendant cet exercice.
Je sais, messieurs, que les arrangements avec la société Générale nous
donneront des ressources nouvelles. Mais ces ressources ne sont pas
inattendues. Elles ont toujours été destinées à un autre emploi. Ou a toujours
dit, en parlant de notre dette flottante : Ne vous effrayez pas de la dette
flottante, vous avez en quelque sorte une hypothèque derrière vous ; cette
hypothèque se réalisera, et dès lors votre dette flottante viendra à
disparaître, ou du moins sera singulièrement diminuée.
Je sais encore qu’avec la première traite de 2,500,000 florins échéant
au 1er janvier 1843, vous pourrez franchir l’année 1843 ; je sais qu’avec la
seconde traite de 2,400, florins qui échoit au 1er janvier 1844, vous pourrez
franchir l’année 1844. Je le sais, mais nous disons que c’est là de
l’imprévoyance financière.
Nous savions parfaitement que la demande de
centimes additionnels ne serait pas populaire. Nous ne sommes pas ici pour
rechercher la popularité. Nous sommes ici pour remplir ce que nous croyons un
devoir. Un échec nous attend, d’après l’honorable M. Verhaegen ; cet échec,
nous le subirons. Mais il y a des échecs qui n’en sont pas dans l’avenir, et
nous attendons tranquillement l’avenir.
M. Demonceau. -
Messieurs, la section centrale propose un tableau à l’appui du projet de loi,
qui constate en effet un déficit d’un million. Mais à côté de ce déficit,
qu’atteste la section centrale, elle vous dit également que si le gouvernement
le veut, que si la chambre le veut, que si enfin le pouvoir législatif le veut,
avant l’ouverture de l’exercice, vous pouvez voter deux lois et rien que deux
lois qui suffiraient pour former les recettes nécessaires à l’effet de combler
le déficit avoué par elle.
Mais, messieurs, faites-y bien attention la section centrale n’ayant
qu’un mandat, celui de proposer des ressources, ne s’est pas du tout occupée de
l’examen du budget des dépenses. Elle n’a pas supposé, comme devant être
nécessairement admis dans leur ensemble, et tels qu’ils sont proposés, tous les
budgets des dépenses présentés par le gouvernement. La chambre entend-elle se
lier aujourd’hui par un vote qui approuverait, à dater de ce jour, tous les
budgets des dépenses. Mais je pense bien que le gouvernement ne veut pas
imposer ce rôle à la chambre. La chambre a le droit d’examen ; et déjà, par un
rapport qui vous a été fait, la section centrale qui a examiné un des budgets,
a proposé différentes réductions qui sont acceptables pour 1843.
Du reste, messieurs ; je le répète, la majorité de la section centrale
n’a entendu en aucune manière entraver le service public ; elle a supposé
l’existence d’un déficit en acceptant pour votées par la chambre toutes les
dépenses acceptées par le gouvernement ; et si celui-ci ne vous a pas soumis
toutes les dépenses qui devront se faire pendant l’exercice, eh bien ! c’est sa faute, il devait nous les présenter. Car, enfin,
messieurs, vous l’avez dit dans votre adresse en réponse au discours du Trône,
l’ordre et l’économie sont nécessaires pour pouvoir gouverner honorablement un
Etat.
Jusqu’à présent, messieurs, reconnaissons-le, nous avons voté trop
légèrement ces crédits supplémentaires qu’on vient nous demander, à chaque
instant. Je vous ai prouvé dans plusieurs circonstances que souvent les
suppléments de crédits que l’on nous demandait, étaient des crédits nouveaux
que l’on nous faisait ouvrir. Eh bien ! la chambre
doit mettre un terme à cet état de choses. Il y a à chaque budget des dépenses
un chapitre de dépenses imprévues ; le chiffre qui y est porté doit suffire
pour couvrir les dépenses extraordinaires auxquelles a fait allusion le
gouvernement.
Un honorable collègue, messieurs, est revenu sur ce que j’aurais dit
hier, quant au déficit de 1841. J’avais cru comprendre que l’honorable M.
Delfosse attribuait ce déficit à l’administration actuelle, et je lui avais
répondu que ce déficit était attesté sur un exercice ouvert par l’honorable M.
Mercier. Mais j’avais eu la précaution de déclarer que je n’entendais adresser
à personne aucune espèce de récrimination.
L’honorable M. Mercier, qui a contracté l’emprunt de 86 millions, vous
avait dit que les intérêts de cet emprunt n’affecteraient l’exercice que pour 3,300,000 fr. Mais voici ce que je trouve par la seule
inspection des pièces que j’ai sous la main en ce moment : c’est que les
intérêts du capital entier, de même que la partie remboursable du capital, ont
été à charge de l’exercice 1841. De ce chef, le budget des dépenses doit être
majoré de 2,024,000 fr.
Le budget des travaux publics a exigé une augmentation d’environ un
million, et le budget de l’intérieur une augmentation d’environ 1,500,000 fr. Or, joignez ces sommes aux dépenses votées
auxquelles a fait allusion l’honorable M. Rogier, balancez-les avec les
recettes effectives, faites distraction de ce qui peut être relatif à une
prétendue rectification, rectification proposée non pas par l’honorable M.
Mercier, mais par la section centrale du budget de la dette publique de 1839,
mais qui n’a reçu son exécution que sous le ministère suivant ; eh bien, vous
arriverez toujours à un déficit considérable.
Mais je le déclare encore une fois : je
reconnais que l’honorable M. Mercier a fait tout ce qui dépendait de lui pour
ne pas avoir ce déficit ; mais on ne lui a pas donné les moyens de couvrir
toutes les dépenses qu’on lui avait votées.
M. de Garcia. -
Messieurs, je ne dirai que très peu de mots. L’honorable M. d’Hoffschmidt a été
fort court dans sa réponse ; je serai bien plus court que lui. Je me bornerai à
constater un fait. Je demanderai à l’honorable M. d’Hoffschmidt si la chambre
n’a pas été saisie d’une proposition de députés du Luxembourg et même d’un
projet de loi qui avait pour objet la vente des forêts nationales dans le Luxembourg, au profit du Luxembourg. Je lui
demanderai s’il y a plus d’inconvénients à vendre ces forêts au profit de
l’Etat qu’au profit du Luxembourg. Messieurs, je vous laisse le soin de
répondre à ces diverses questions.
M.
d’Hoffschmidt. - L’honorable M. de Garcia vient de faire
allusion à une proposition qui a été faite autrefois par deux députés du
Luxembourg. Si cette proposition a été faite, messieurs, c’est parce que ces
députés prévoyaient que, par suite des besoins nécessités par la construction
des chemins de fer, on viendrait un jour provoquer l’aliénation de nos forêts,
pour y faire face, tout en privant cette province des bienfaits du chemin de
fer. C’était donc en quelque sorte un jalon d’attente que ces députés avaient
voulu poser, rien de plus ; mais ils n’ont pas voulu dire par là que ces forêts
n’étaient d’aucune utilité à la province ni au pays, et, en même temps qu’ils
en proposaient la vente, ils demandaient que l’on compensât la perte que l’on
éprouverait dans les contrées où elles sont situées par un avantage immense
pour ces mêmes contrées.
Ainsi, la proposition à laquelle vient de
faire allusion l’honorable membre, ne peut exercer aucune influence sur le fond
de la question.
Voilà, messieurs, ma réponse.
(Moniteur belge n°338, du 4
décembre 1842) M. Meeus. -
Messieurs, en demandant la parole, mon intention n’est pas d’entrer dans toutes
les considérations que suggère le budget dont vous vous occupez. Beaucoup
d’orateurs ont présenté des aperçus très judicieux sur les moyens que le
gouvernement pourrait employer pour augmenter les ressources de l’Etat ; je
partage l’opinion de plusieurs honorables membres sur ce point, car je suis du
nombre de ceux qui sont convaincus que le département des finances exige de la
part du gouvernement la plus sérieuse attention ; je crois, messieurs, que non
seulement il est essentiel de mettre nos recettes au niveau de nos dépenses,
mais je dis plus, je dis qu’il est essentiel d’avoir des revenus qui excèdent
nos dépenses. Voilà, messieurs, le but vers lequel doit tendre le gouvernement
C’est être imprévoyant que de venir tous les ans annoncer un déficit et
proposer des mesures temporaires pour rétablir l’équilibre ; je suis donc de
ceux qui voteront avec empressement toutes les mesures financières équitables
que le gouvernement proposera dans le but que je viens d’indiquer. Cependant,
messieurs, je ne voterai pas les centimes additionnels, et je dois vous en
faire connaître le motif. Je ne voterai pas les centimes additionnels, parce
que, dans ma pensée, il ne suffit pas que le gouvernement augmente les recettes
par des moyens aussi faciles que des centimes additionnels ; je veux de la part
du gouvernement un travail un peu plus ingénieux que celui que tout le monde
peut faire, c’est-à-dire augmenter de 10 p. c., de 5 p. c. les revenus de
l’Etat ; comme il faut bien en définitive payer ce que la loi ordonne de payer
et que les impôts directs ne présentent aucune incertitude, rien n’est plus
facile que de combler le déficit en augmentant ces impôts.
Il y a, messieurs, deux moyens qui me semblent suffire à eux seuls pour
mettre nos recettes au niveau de nos dépenses : le premier de ces moyens a été
indiqué depuis longtemps, lorsque l’honorable M. d’Huart était au département
des finances, c’est la réduction de l’intérêt de la dette. Messieurs, la
conversion de notre 5 p. c. en 3 p. c. est, il faut le déclarer hautement, la
mesure la plus financière, la plus industrielle, la plus commerciale, que l’on
puisse prendre. Dans un pays comme
M. Angillis. - Mais
vous augmenterez le capital.
M. Meeus. -
L’honorable M. Angillis dit qu’il y aura augmentation du capital ; c’est par
des chiffres que je répondrai à l’honorable membre. Lorsque dans le temps on a
créé du 3 p. c., il a été constaté par les discussions qui ont eu lieu à cette
occasion, que le 3 p.c. laisse à l’Etat un bénéfice considérable, comparativement
au 5 p.c. ; nous ne pouvons pas dans le moment actuel rentrer dans les chiffres
qui ont été posés alors, ce serait nous écarter de la discussion qui est à
l’ordre du jour mais, encore une fois, outre l’intérêt immense qu’il y a pour
l’industrie et le commerce du pays à ce que cette mesure soit prise, elle
procurerait sans doute au trésor des ressources considérables.
Aussi, messieurs, je suis du nombre de ceux qui se sont étonnés de la
manière dont a été conclu le dernier emprunt. Je vous avoue franchement que je
n’ai pas compris comment, à la veille de présenter aux chambres un traité qui,
dans une de ses dispositions, exige une opération financière dont le pays
pourra retirer un avantage de plusieurs millions ; je n’ai pas compris, dis-je,
que dans un pareil moment on n’ait pas pris d’avance toutes les mesures
nécessaires pour relever le seul fonds à l’aide duquel on puisse obtenir cet
avantage. Dans le traité que vous discutez plus tard, messieurs, il est stipulé
que quatre-vingt millions doivent être remboursés au pair, c’est-à-dire le 2
1/2 p.c. à 50, ce qui équivaut à du 5 p.c. à 100 ; or, il n’est pas douteux
qu’en créant du 3 p.c. à 72 p.c. vous ne réalisez sur cette opération un
bénéfice de 8 à 10 millions. Si au contraire vous émettez du 5 p. c. vous
n’avez aucun bénéfice. On a dit que le dernier emprunt a été contracté à un
taux avantageux ; il n’a été contracté en réalité qu’à 100 3/4 p.c., et si vous
tenez compte de la commission à payer sur les places étrangères, etc., vous
verrez que vous n’avez obtenu en définitive que le pair. Je dois reconnaître
que le pair est un très beau cours pour du 5 p. c ; mais fallait-il du 5 p. c. ? Non, messieurs, il fallait, dans la prévision de la
mesure financière que le gouvernement devra prendre par suite du traité avec
les Pays-Bas, il fallait prendre toutes les mesures nécessaires pour réaliser le cour de notre 3 p. c.
Je dois appeler l’attention de la chambre sur la dépréciation du crédit
de
Il serait vraiment étonnant, messieurs, que dans un pays comme
Il y aurait là une contradiction ; il faut nécessairement que, par des
mesures financières, on fasse sortir le crédit belge de cette position
exceptionnelle.
Le 3 p. c., dont je vous parle, messieurs, était coté à 77 en 1839,
avant que le traité avec
Mais, messieurs, cette position suffit à elle seule pour prouver que
l’on n’a pas fait pour les finances de l’Etat tout ce que l’on aurait dû faire.
Ici, messieurs je dois le déclarer, je n’entends pas attaquer plutôt M. le
ministre des finances actuel que ses honorables prédécesseurs, que l’honorable
M. Mercier, que l’honorable M. Desmaisières. Une des causes de ce que l’on ne
s’occupe pas suffisamment des finances de l’Etat, de ce qu’on ne propose pas
ces lois utiles que je demande, c’est en général le peu de durée des
ministères. Cependant M. le ministre des finances, qui a fait valoir cet
argument voudra bien convenir que dès qu’une chose est reconnue utile en
principe, il n’est pas nécessaire précisément que le même ministère qui a fait
admettre ce principe en fasse l’application ; la conversion du 5 p. c. belge ne
peut se faire que dans des occasions très délicates à saisir, que dans les
moments où le crédit publie européen, est porté à une très grande hauteur. Pour
pouvoir réussir dans cette opération, il faut être armé d’une loi ; or, je
demanderai à tous les ministères qui se sont succédé pourquoi ils n’ont pas
demandé une loi qui leur permît de saisir l’occasion favorable pour exécuter ce
projet qui se rattache, je dois le dire, an ministère de l’honorable M.
d’Huart. Une semblable loi aurait pu être demandée sous les différents
ministères qui se sont succédé. Qu’aujourd’hui donc le ministère actuel
s’empresse d’examiner la question, et s’il partage mon opinion, qu’il présente
un projet de loi qui lui permette de rembourser le 5 p. c. et d’émettre du 3, à
mesure que les circonstances permettront de le faire avantageusement, ou pour mieux,
dire d’inviter les porteurs de 3 p. c. à échanger ce fonds contre du 3 p. c.
Car je ne crois pas que, pour une semblable opération, il faille toujours
nécessairement recourir à de grands capitalistes, je crois qu’une opération de
ce genre peut jusqu’à un certain point se faire à titre d’échange.
Messieurs, il me suffit pour le moment d’indiquer ce moyen ; je l’ai
fait avec d’autant plus de plaisir que j’ai trouvé ce moyen proposé par
plusieurs autres honorables membres qui n’ont pas cru devoir s’étendre aussi
longtemps que moi sur cette question.
Messieurs, après ce moyen, il en est encore pour moi une autre que je
regarde comme excellent et qui vous a été suffisamment indiqué. Nous aurons
dans peu à nous en occuper, lors de la discussion de la loi sur les sucres ;
mais à l’avance je dois déclarer que je suis du nombre de ceux qui ne veulent
plus de terme moyen, je suis du nombre de ceux qui demandent qu’on examine et
qu’on résolve cette question : faut-il un privilège pour une industrie
quelconque ? Pour moi, la question est la et pas ailleurs. (C’est vrai !) La question des sucres sur
laquelle on a joué jusqu’à présent amène cette question, et quand celle-ci sera
résolue, les sucres étrangers et indigènes rapporteront de 4 à 5 millions de
francs. Si de ces 4 ou 5 millions vous voulez prendre deux millions pour primes
à accorder à toutes les industries dans une proportion convenable, je le veux
bien ; mais qu’on prélève comme on fait aujourd’hui 4 millions et demi au
profit d’une seule industrie, afin que les Allemands mangent le sucre à
meilleur compte que nous ne l’achetons dans les colonies, c’est par trop
dérisoire ; je déclare dès à présent que je suis du nombre de ceux qui veulent
en finir de cette question et en finir dans l’intérêt du trésor. Si l’intérêt
maritime belge réclame des faveurs, encore une fois, qu’on les accorde, soit,
mais qu’on ne les accorde plus d’une manière aussi contraire à l’équité.
Messieurs, je rencontrerai maintenant quelques points du discours de
l’honorable M. Rogier. Je dois d’abord rectifier un fait, et puis je dirai
quelques mots sur les caisses d’épargne. J’espère que la chambre voudra bien
encore m’écouter pendant quelques instants.
L’honorable M. Rogier, en parlant de la forêt de Soignes, a avancé un
fait qui n’est pas exact ; c’est que dans le rapport de l’honorable M. Fallon
il avait été dit que la société Générale avait évalué la forêt à 10 millions de
francs....
M. Rogier. - Je
n’ai pas dit cela.
M. Meeus. - Bien,
alors mon observation tombe ; au reste, messieurs, voici le fait qui s’est
passé à cette époque.
Il avait été convenu que la société Générale céderait la forêt de
Soignes ; on devait la faire estimer de part et d’autre ; mais la direction de
la société Générale craignant que cette estimation ne donnât pas à la société
la somme qui, a son avis, représentait la valeur de la forêt, eut soin
d’insérer dans la convention cette clause, que la direction serait libre
d’accepter ou de ne pas accepter l’expertise.
Messieurs, je passe à la caisse d’épargne.
Tout ce qu’a dit l’honorable M. Rogier à cet égard, m’a fait le plus
grand plaisir. Je dois le déclarer, je partage jusqu’à un certain point
l’opinion de l’honorable M. Rogier. Je pense avec lui que le ministère qui
réaliserait l’établissement d’une caisse d’épargne en Belgique, s’attirerait
beaucoup de gloire et la reconnaissance de ses habitants. Je crois dès lors que
l’établissement qui, le premier en Belgique, a réalisé, autant qu’il était en
son pouvoir, cette idée morale et philanthropique, a droit aussi à un peu de
reconnaissance, et j’ai été charmé de voir l’honorable M. Rogier se rendre
l’organe de ce sentiment de gratitude.
Messieurs, l’origine des caisses d’épargne instituées sur une base un
peu large remonte à 1831 et
La société Générale examina alors la question des caisses d’épargne, et
elle résolut d’en établir une sur une plus grande échelle qu’on ne l’avait fait
jusqu’à cette époque. Il convient de dire ici que les caisses d’épargne qui
existent aujourd’hui dans beaucoup de pays voisins ont été calqués sur celle
qui a été établie en Belgique ; avant cette époque, les caisses d’épargne
n’existaient pas partout, elles n’existaient pas en France ni en Allemagne
comme elles y existent aujourd’hui ; ces établissements ont été étendus là où
ils existaient, et institués là où ils n’existaient pas.
Messieurs, j’ai voulu vous retracer brièvement l’historique de
l’établissement de la caisse d’épargne. Mais, je dois en convenir, cette caisse
d’épargne abandonnée aux soins d’un ou de plusieurs établissements
particuliers, ne peut pas suffire à la satisfaction de l’intérêt moral et
philanthropique dont vous a parlé l’honorable M. Rogier. Voyez en effet ce qui
se passe : La société Générale a trente caisses d’épargnes établies en
Belgique, c’est beaucoup pour une institution particulière ; mais il faut
reconnaître qu’il y a une quantité de localités où la caisse d’épargne est
inconnue, et où cependant elle produirait cet effet moral qu’on doit et qu’on
peut en attendre.
Ainsi donc, messieurs, je suis du nombre de ceux qui partagent
entièrement l’opinion de l’honorable M. Rogier ; je pense que le gouvernement
doit chercher les moyens de donner satisfaction à un intérêt aussi élevé, à un
intérêt aussi moral ; mais je dois reconnaître qu’ici la difficulté est plus
grande que celle que doit rencontrer la conversion de notre dette nationale. Du
reste, veuillez croire, messieurs, qu’il n’est pas dans mon intention, en vous
soumettant quelques réflexions, de détourner le gouvernement de l’établissement
des caisses d’épargne ; je veux seulement saisir quelques points délicats de la
question, afin qu’on puisse l’examiner d’autant plus d’attention.
Les caisses d’épargne ont de leur nature une condition extrêmement
exorbitante : c’est le remboursement immédiat. Le remboursement n’est jamais
demande dans des proportions étendues, que lorsque des crises surviennent ; or,
lorsque ces crises surviennent les gouvernements, comme les établissements
publics, éprouvent en définitive la plus grande peine à réaliser les fonds
publics que représente en partie la caisse d’épargne. Dès lors il y a danger à
voir arriver ce qui est arrivé en 1830.
On dira que ce danger existe également pour les établissements ; oui,
mais il n’existe pas au même degré pour eux. A cette occasion, je suis charmé,
messieurs, de pouvoir vous donner un aperçu sur la manière dont sont
échelonnées les ressources que possède la société Générale pour traverser les crises,
et au moyen desquelles elle est parvenue, en 1839, à rembourser 25 millions sur
40 déposés à la caisse d’épargne.
Messieurs, comme établissement financier, une banque doit toujours avoir
un encaisse assez considérable ; de plus, comme établissement financier, elle
peut se mettre en rapport avec des maisons de banque à l’étranger ; elle peut
ainsi avoir constamment disponibles et portant cependant intérêt des capitaux
dont elle peut disposer au premier moment de la crise. En 1839, la société
Générale, à l’instant où la crise s’est déclarée, a fait venir de Paris, chacun
le sait, 20 millions en pièces de 5 francs ; eh bien, messieurs, de ces 20
millions, il y en avait 11 qui étaient disponibles ; il y avait 11 millions qui
étaient placés à un intérêt modique, il est vrai, mais placés à Paris soit en
bons du trésor de France, soit chez M. de Rothschild, soit chez d’autres
banquiers, peu importe.
Maintenant, un Etat peut-il faire, sous ce point de vue, ce que fait un
établissement particulier ? C’est fort douteux : et cependant pour les
établissements particuliers, une caisse d’épargne, lorsqu’elle est instituée
sur une aussi vaste échelle, devient une charge tellement lourde que vous avez
vu dans ces derniers temps la société Générale prendre des dispositions pour
restreindre la caisse d’épargne ; c’est ainsi que la somme de 4,000 fr. qu’on
pouvait dans le principe déposer à raison d’un intérêt de 4 p. c. a été
successivement réduite à 2,000 et à 1,000. Il a fallu recourir à ce dernier
moyen ; et malgré toutes ces restrictions, le montant des sommes déposées à la
caisse d’épargne a été augmenté de six millions en 1841.
Or, avec une proportion croissante aussi forte, elle devenait
embarrassante pour l’établissement, car il faut, à moins d’être imprudent, avoir
toujours la moitié du capital à reproduire à l’instant, en cas d’événement.
Aujourd’hui, à l’aide de cette dernière disposition de réduire à mille
francs le dépôt à 4 p. c., la caisse d’épargne n’a
diminué, mensuellement, que de la faible somme de 3 à 400 mille francs ; en
résumé, depuis cette dernière mesure, il n’y a pas eu une réduction de 4
millions sur le chiffre qui existait au 1er janvier de cette année.
Je voulais vous donner cet aperçu, parce que c’est une matière que je
dois plus particulièrement connaître, comme chef de l’établissement auquel je
fais allusion.
Je le répète donc, je suis parfaitement d’accord en principe avec
l’honorable M. Rogier. Je voudrais que le gouvernement prît en considération
les idées qu’il a émises, et vînt vous soumettre un plan qui permît à tontes
les localités de jouir des avantages de la caisse d’épargne, qui serait dans
les mains du gouvernement. Pour ma part, j’en serais charmé, j’y donnerais mon
adhésion, mais à une condition, c’est qu’on trouvât les moyens, en cas de
remboursement, de faire face aux exigences de la caisse d’épargne. Je ne dis
pas que cela ne puisse pas se trouver. Je ne suis pas de ces personnes qui,
quand elles rencontrent une difficulté, craignent de l’aborder. Je ne tranche
pas la question, je ne dis pas que la difficulté ne peut pas être résolue, mais
il faut que chacun s’en occupe sérieusement.
Puisqu’elle a été soulevée, je croirais manquer à mon devoir comme Belge
et comme représentant, si je n’abordais pas une idée philanthropique et morale,
dont l’application ne peut porter que des fruits utiles pour tous.
Je ne suis pas d’accord avec l’honorable M. Rogier sur un fait :
beaucoup de monde, a-t-il dit, croit que la caisse d’épargne de la société
Générale est établie par l’Etat.
M. Rogier. - J’ai
dit beaucoup de déposants. C’est d’ailleurs très heureux pour la caisse.
M. Meeus. - Je
crois qu’il y a erreur ; car enfin, en Belgique l’instruction est assez étendue
et notre carte n’est pas aussi noire que celle de bien d’autres pays, pour
faire croire que les déposants ne sachent pas lire. Or, il est mis en tête des
livrets : la société Générale est responsable. Ces livrets sont signés par un
des directeurs de la société, contresignés par un employé, etc. Il serait
impossible de croire que sur 35 à 40 mille livrets qui existent, si ma mémoire
est bonne, il y ait en définitive plus de 500 personnes ne sachant pas lire ce
qu’elles ont dans les mains.
Remarquez que les annonces insérées chaque année, et même plusieurs fois
pendant l’année, dans les journaux, témoignent toujours que c’est un
établissement particulier. Je vais plus loin ; je dis qu’il est presque
impossible qu’il y ait des déposants qui ignorent que c’est la société
Générale, et non le gouvernement, qui est responsable, puisque dans les
différentes localités où la caisse existe, c’est l’agent de la société Générale
qui remet les livrets. On ne peut pas se tromper sur la qualité de l’agent,
puisqu’il remet un titre émanant de la société Générale ; de plus, comme il y a
des délais fixes pour retirés les sommes déposées, et
que, pour obtenir le remboursement immédiat, il faut écrire dans ce cas au
gouverneur de l’établissement, il y a bien peu de déposants qui n’aient écrit à
la société Générale afin d’être exempté de devoir attendre le délai prescrit.
Ainsi, vous voyez que les déposants, en s’adressant chacun à leur tour au
gouverneur, ne peuvent pas se tromper sur l’établissement avec lequel ils
traitent. L’assertion de M, Rogier est donc erronée. J’ai dit.
(Moniteur belge n°337, du 3
décembre 1842) M. Verhaegen. - Je
dois répondre quelques mots à M. le ministre de l’intérieur, et je commence par
lui dire que je n’ai rien à retrancher de ce que j’ai eu l’honneur de dire à la
chambre.
Si, messieurs, j’ai énoncé une opinion, c’est que je l’ai basée sur la
conduite tenue à pareille époque, l’année dernière, par M. le ministre de
l’intérieur, et qui est différente de celle qu’il a tenue dans la discussion actuelle.
Je l’ai basée sur des faits que je pourrais rappeler à M. le ministre de
l’intérieur et qu’il ne dénierait certes pas. Quoi qu’il en soit, je suis dans
l’habitude de dire tout haut ma pensée. Quand j’ai des accusations à faire, je
les fais directement, et jamais par insinuation. Dans la séance de ce jour,
j’ai encore donné des preuves de franchise, j’ai dénoncé une fraude électorale
qui se prépare ; j’ai fait un appel aux organes de la presse, aux amis de la
constitution et de leur pays, quelle que soit leur opinion.
Je ne sais pas si M. le ministre de l’intérieur, dans les quelques
paroles qu’il a prononcées en réponse à ce que j’avais dit, n’a pas pris la
défense de ceux qui faussent les élections, car il ne m’a répondu que par des
récriminations, par des insinuations. Je le supplie de ne pas procéder par
insinuation, mais de formuler son accusation s’il en a une à faire.
Ce que je puis dire, c’est que nous ne
changerons rien à la conduite que nous avons tenue, et je répéterai que les
dernières opérations électorales prouvent que, quoi qu’il fasse, nous avons
pour nous le pays.
M. Mercier. -
L’appréciation que j’ai faite des ressources et des besoins du pays, quand le
budget de
L’insuffisance de ressources de 1841 était de 4 millions 400 mille
francs. C’est en comprenant les dépenses que M. le ministre des finances a
supposé que nous n’avions pas prévues à cette époque, que nous avons évalué à
10 millions les nouvelles ressources qu’il fallait créer.
Non seulement j’avais eu égard à ces dépenses, mais aussi aux
suppléments de traitement qu’on se proposait d’accorder à la magistrature, et
même l’amortissement éventuel de la dette à transférer de
J’ai donc porté en ligne de compte des dépenses qui n’ont pas encore été
votées cette année et qui sont encore à l’état de projet. En outre, j’avais
supposé que nous ne pourrions plus faire usage des capitaux dans le budget de
1841 ; celui de cette année en comprend encore pour une somme de 2,800,000 francs. Si j’avais admis que 2,800,000
francs pussent encore figurer annuellement au budget, et je n’aurais accusé
qu’une insuffisance de 7,800,000 francs. Aujourd’hui, c’est 10 millions de plus
que l’année dernière que réclame M. le ministre des finances.
M. le ministre, répondant à l’honorable M. Rogier, a ajouté que nous
verrions dans quelques mois quelles prévisions se vérifieraient, les siennes ou
celles de ses contradicteurs.
Je dirai que nous n’avons argumenté que d’après les tableaux annexés par
M. le ministre lui-même à la situation du trésor, pour présenter l’évaluation
des recettes à la fin de l’exercice. Il est possible que les augmentations
d’impôt projetées aient pour effet de déterminer des déclarations de
marchandises en consommation, et de fournir par conséquent quelques produits
inattendus pour cette année ; mais c’est là une circonstance fortuite dont on
ne peut se prévaloir et qui atténuera dans la même proportion les recettes de
l’exercice prochain.
M. Demonceau a paru me reprocher de n’avoir porté au budget de 1841 que
3,300,000 fr. pour les intérêts de l’amortissement de
l’emprunt, tandis qu’une somme beaucoup plus forte a été imputée pour le même
objet sur cet exercice. J’ai sur ce point deux observations à faire. La
première, c’est que le budget des dépenses de
Ainsi, quand je n’ai fait figurer au budget de 1841, pour les intérêts
de l’emprunt, que 3,300,000 fr., je ne prévoyais pas
qu’il en serait autrement par suite de stipulations d’un contrat qui n’existait
pas encore. Je tiens à prouver que, dans mes rapports avec la chambre, j’ai
toujours agi avec la plus grande exactitude et toute la loyauté possible.
Je prie d’ailleurs l’honorable M. Demonceau de remarquer que la somme
affectée à l’intérêt de la dette flottante était de 800 mille francs, et qu’on
n’en a dépensé que 137 mille en 1841. S’il y a eu excédant de dépenses pour le
service de l’emprunt imputé sur cet exercice, d’un autre côté il y a eu une
économie notable sur les bons du trésor.
M. le ministre de l’intérieur disait tout l’heure qu’il y a des échecs
qui n’en sont pas dans l’avenir ; c’est-à-dire, sans doute, que la
responsabilité du refus des centimes additionnels retomberait sur la chambre.
Cette responsabilité, je la repousse pour ma part et la renvoie à ceux qui
n’ont pas voulu discuter en temps opportun les lois qui devaient augmenter les
ressources de l’Etat. Si, il y a 15 jours, on avait entamé comme je le
proposais la discussion de la loi sur les sucres, elle serait votée par la
chambre, et le sénat pourrait commencer à s’en occuper dès à présent. Je
partage, du reste, l’avis de la section centrale, que si le ministère veut bien
y prêter les mains, nous pourrons voter plusieurs lois productives pour le
trésor, pendant l’exercice prochain. Je regrette qu’on n’ait pas admis ma
proposition, il y a 15 jours, parce que la discussion de la loi sur les sucres arrivera
trop tard.
Les ressources qu’on pouvait attendre de
cette loi pour 1843 seront presque toutes perdues par suite d’un délai de six
semaines. Je dis un délai de six semaines, parce que M. le ministre des
finances a demandé un nouveau délai de 15 jours après le budget des voies et
moyens. Ce retard ne serait rien dans toute autre circonstance. Mais la
fabrication du sucre indigène sera très avancée. On objectera qu’on ne peut
frapper le sucre exotique, alors que tous les approvisionnements sont faits en
sucre indigène.
M. le ministre des
finances (M. Smits) - Je ne chercherai pas à prolonger ce débat. Mais
cependant je ne puis accepter le reproche d’exagération qui m’est adressé de
nouveau par l’honorable préopinant. Dans son discours d’avant-hier, il s’est
surtout attaché à prouver que le gouvernement s’est mépris entièrement dans ses
évaluations du budget, quant aux droits d’enregistrement. Il a prétendu que
l’exagération a été de 700,000 francs sur cet article, et là-dessus il a fait
un long discours. Mais l’honorable préopinant aurait dû s’apercevoir
immédiatement que cette somme se trouve compensée ou à peu près aux articles hypothèques et successions. Si un ministre se trompe sur un article spécial, peu
importe pourvu que le chapitre réponde à son attente. Ainsi, si dans le budget
de 1842 il y a eu exagération en plus à l’article enregistrement d’un autre côté il y a eu exagération aux articles hypothèques et successions sur lesquels il est rentré 500,000 fr. au-delà des évaluations.
J’avais calculé les droits d’enregistrement, de greffe, d’hypothèque et de
succession à 18,870.000 fr. Les rentrées se sont élevées à 18,589,000
fr. Ainsi la différence a été en tout et pour tout de 280,000 fr. Je le
demande, messieurs, sur 18 millions peut-on approcher plus près de la vérité ?
Si je voulais récriminer, si je voulais à mon tour taxer l’honorable M.
Mercier d’exagération, j’en trouverais facilement l’occasion, et je prouverais
que mon prédécesseur a exagéré en moins les recettes de 1840. Je ne veux
fournir que quelques preuves : ainsi je trouve dans la situation du trésor une
exagération en moins de 243 sur les vins, de 2,014,000
fr. sur le produit des droits de succession, de 120,000 fr. sur les produits de
Maintenant, en ce qui concerne la question des sucres, dont l’honorable
membre voudrait nous faire supporter la responsabilité, je n’hésite pas à
déclarer que si la chambre eu avait commencé la discussion il y a quinze jours,
elle n’en aurait pas terminé aujourd’hui ; et quand même elle eût été terminée
ici, l’eût-elle pu être au sénat ? Evidemment non. Le sénat ne pouvait s’en
occuper qu’en janvier ; or en janvier la campagne, pour la fabrication du sucre
de betterave, est complètement terminée. Tous les sucres de cette espèce auront
été à cette époque livrés à la consommation. Donc le droit
proposé, eût-il été voté en février, ou même en janvier, l’on n’aurait pas eu
de résultat, parce que, comme je viens de le dire, la majeure partie des sucres
fabriqués aura été livrée alors à la consommation. La loi eût donc été
impuissante, et aucun reproche fondé ne peut donc nous être adressé.
Plusieurs
membres. - La clôture !
M. Devaux. - Je
demande à la chambre de pouvoir faire de très courtes observations au sujet de
quelques paroles prononcées par l’honorable M. Meeus ; l’occasion ne s’en
présentera plus peut-être dans la suite de la discussion du budget. (Parlez ! parlez !)
L’honorable M. Meeus a débuté par engager le gouvernement à faire la
conversion de la rente 5 p. c. en rente 3 p.c. Je n’ai jamais partagé l’opinion
de l’honorable M. Meeus sur les grands avantages du 5 p. c. ;
je ne rentrerai pas dans cette discussion. Je m’en suis expliqué dans le temps
dans un rapport que j’ai présenté au nom de la section centrale.
Je crois avoir démontré à cette époque que ce qu’on gagne en intérêt
avec le 5 p. c., on le perd, parce qu’on doit payer de plus en amortissement,
attendu qu’on doit racheter le 3 p.c. proportionnellement plus cher que le 5
qu’on rembourse au pair. Je ne rentrerai pas dans cette discussion ; cependant
je n’ai pas voulu laisser passer sans contradiction l’opinion de l’honorable
membre.
Au reste, comme lui, je désire qu’on puisse convertir notre 5 p. c., quand le moment favorable sera venu ; reste à savoir
quel sera alors le nouveau fonds, qu’il faudra préférer : le 4 1/2 p c., le 4
ou le 3 p.c. Mais j’ajouterai qu’il est probablement échappé à l’honorable M.
Meeus qu’il y a impossibilité aujourd’hui de convertir une grande partie de
notre 5 p.c., attendu que pour les deux derniers emprunts, il a été stipulé que
le capital ne serait pas remboursé avant 6 ans. Or, je ne pense pas que
l’honorable M. Meeus veuille convertir une partie du 5 p. c. et laisser
subsister l’autre. Ne serait-ce pas faire la conversion sous des conditions peu
favorables pour le trésor, quoique très avantageuses pour les porteurs de cette
partie des emprunts 5 p. c., qu’on ne rembourserait
pas et qui serait alors fort recherchée.
L’honorable membre a dit qu’en Belgique le crédit de l’Etat devrait être
plus élevé qu’il ne l’est, qu’il fallait le rehausser. Je le crois comme lui.
Je crois même que le gouvernement et la législature ont peut-être trop négligé
cette tâche importante. Parmi les moyens qui peuvent mener à ce but, il en est
un qui a été indiqué par M. Rogier. Cet honorable membre n’a peut-être pas
assez insisté sur les avantages qu’il y aurait pour le crédit à la création de
caisses d’épargne, dont le gouvernement disposerait. Si une grande partie des
fonds déposés dans les caisses d’épargne était convertie en fonds publics de
l’Etat, ce serait certainement un moyen assuré de relever notre crédit.
Un autre moyen serait de prescrire, soit par actes du gouvernement soit
par la loi, que les capitaux des établissements publics fussent convertis en
fonds belges. Aujourd’hui leur fonds sont déposés la caisse d’épargne, et cela
d’après les inspirations du gouvernement, ou au moins d’après celles des
députations permanentes. Je ne sais pas même s’ils n’y sont pas obligés ; si
les établissements publics seraient autorisés à convertir en fonds de l’Etat, à
5 p. c. les fonds qu’ils ont à la caisse d’épargne et qui ne leur rapportent
que 4 p. c. C’est là incontestablement encore un moyen de lever le crédit de
l’Etat.
L’honorable membre a approuvé l’idée de l’honorable M. Rogier de mettre
la caisse d’épargne entre les mains du gouvernement. Mais il me semble que tout
en l’approuvant, ses observations ont eu pour résultat de la présenter comme
étant peu praticable. Je ne puis, sous ce rapport, partager son avis.
Pour les caisses d’épargne, a dit l’honorable M. Meeus, c’est
Au reste si, comme l’a dit le préopinant, on a copié nos caisses
d’épargnes à l’étranger, je crois qu’on n’y a pas copié tous leurs défauts, car
elles en ont de graves. Je ne veux pas m’étendre sur ce point. Je dirai
seulement que la loi et le gouvernement ont eu tort de ne pas prescrire des
conditions plus rigoureuses aux caisses d’épargne. Au nombre des conditions
qu’il fallait leur imposer, je mentionnerai surtout la publicité, la publicité de
l’emploi des fonds que la confiance des déposants y apporte. Cette publicité
existerait si l’emploi des fonds était dans les mains du gouvernement. Il y
aurait le contrôle des chambres et celui du pays.
On a dit que le gouvernement ne pourrait rembourser 50 millions à la
fois, s’ils lui étaient demandés dans un moment de crise. Mais comment les
sociétés particulières, les sociétés industrielles qui sont des sociétés
financières, pourraient-elles rembourser 50 millions dans un moment de crise.
La crise les atteint bien plus que le gouvernement ; nous en avons eu la
preuve, il y a peu d’années. On vous a dit que la société Générale, à cette
époque, a fait face aux remboursements demandés en faisant venir de l’argent de
l’étranger ; mais qu’y a-t-il là que le gouvernement ne puisse faire ? Si je
suis bien informé, elle a vendu des fonds belges, à Paris, pour rembourser les
déposants de la caisse d’épargne qui retiraient leurs dépôts.
Le gouvernement ferait la même chose. Sans doute, si le gouvernement
avait une caisse d’épargne, il devrait être prudent ; il ne devrait pas
immobiliser ses capitaux ; je ne dis pas même que tout devrait être converti en
rentes sur l’Etat. Mais pour forcer le gouvernement à la prudence, il y aurait
la garantie de la publicité et le contrôle des chambres. Cas garanties
n’existent pas aujourd’hui pour les sociétés particulières.
En définitive, le gouvernement a la responsabilité de la caisse
d’épargne ; en fait, il la subit. Nous l’avons vu en 1838. J’espère que nous ne
le verrons plus. Mais puisque le gouvernement subit les chances désavantageuses
des caisses d’épargne, il est juste qu’il ait aussi les avantages, c’est-à-dire
le moyen d’avoir des capitaux à un moindre intérêt que celui qu’il faut payer
aux grands prêteurs.
Je finirai en déclarant que si j’approuve
l’idée d’établir des caisses d’épargne sous la direction du gouvernement, je
suis loin de vouloir par là engager le gouvernement à prendre à sa charge
l’actif et le passif d’une société quelconque aujourd’hui existante.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, il y a un point sur lequel je
suis entièrement d’accord avec l’honorable préopinant, et sur lequel je désire
aussi me prononcer.
Il conseille aux établissements, aux administrations publiques de placer
les épargnes qu’ils peuvent avoir en fonds de l’Etat. C’est un conseil que,
pour ma part, j’ai toujours donné. Mais ce n’est là qu’un conseil ; en tant
qu’il a dépendu de moi, j’ai très souvent réalisé la chose. C’est ainsi que
comme ministre des travaux publics, ayant l’administration de la marine dans
mes attributions, j’ai pu agir sur une caisse d’épargne, la caisse d’épargne du
pilotage qui a son siège à Anvers. Cette caisse d’épargne a opéré ses
placements en fonds publics, et elle a eu des fonds très considérables à
placer. Elle les a même placés d’une manière très avantageuse. Car, si ma
mémoire est bonne, elle a acheté des fonds publics 3 p.c. 66 et 68.
Voici encore ce que j’ai pu faire comme ministre des travaux publics. Je
crois que le premier j’ai fait insérer dans les cahiers des charges que les
cautionnements des entrepreneurs pourraient être donnés, non pas seulement en
numéraire, comme on le faisait jusque-là, mais en fonds publics. C’était une
facilité donnée aux entrepreneurs et un véritable encouragement.
Je suis donc entièrement d’accord avec
l’honorable préopinant, quant à ce point, qu’il faut conseiller aux
administrations publiques les placements en fonds de l’Etat.
(Moniteur belge n°338, du 4
décembre 1842) M. Meeus. -
Messieurs, je répondrai quelques mots à ce que vient de dire l’honorable M.
Devaux.
II vous a dit : Si la caisse d’épargne était dans les mains de l’Etat,
les fonds en seraient places dans la dette nationale, et cela relèverait le
crédit. Eh bien, messieurs, c’est ce qui a lieu aujourd’hui ; car en définitive
l’honorable M. Devaux s’est donné a peine de faire lui-même la réponse. Il vous
a dit : « Qu’a fait en 1839, la société Générale ? Elle a vendu des fonds
belges ; eh bien, le gouvernement aurait pu faire ce qu’elle a fait. » Vous
voyez donc, messieurs, qu’une partie des sommes versées à la caisse d’épargne
est placée en fonds publics. Et la société Générale en place le plus possible,
par une raison fort simple : c’est ce placement seul, remarquez-le bien, qui
donne à l’établissement une légère compensation des sacrifices qu’il fait. Mais
il lui faut d’autres fonds remboursables d’une manière plus instantanée que
ceux-là ne peuvent être places en fonds publics.
Je vous ai dit qu’en 1839, à Paris, l’établissement auquel j’ai fait
allusion avait disponible à toute heure près de 11 millions de francs. De plus,, cet établissement comme banque, a toujours un
portefeuille considérable, renfermant des valeurs placées a très courtes dates.
C’est ce qui fait que, comme je le disais, les caisses d’épargne aujourd’hui,
au point où elles sont portées, sont une charge considérable pour des
établissements qui veulent rester prudents, et c’est pour cela que la société
Générale a pris des dispositions pour diminuer les fonds de la caisse
d’épargne. Car, messieurs, donner 4 p. c. à des personnes qui, dans des crises,
peuvent venir instantanément vous redemander leurs capitaux, et replacer ces
fonds à 2 1/2 p. c. en compte courant et à 3 p.c. en effets de change, vous
reconnaîtrez qu’il y a perte et perte considérable, et qu’on ne trouve une
légère compensation que dans les placements en fonds publics. Mais cette
compensation n’est pas toujours suffisante ; et dans mon opinion la caisse
d’épargne de la société Générale lui produit une perte que je n’évalue pas à
moins de 300,000 fr. par an. S’il n’en était pas ainsi, elle n’aurait pas
cherché à restreindre la caisse d’épargne. Ce n’est que par un sentiment de
philanthropie, par un sentiment d’amour-propre, si vous voulez, pour soutenir
son œuvre, qu’elle ne prend pas des dispositions pour réduire davantage la
caisse d’épargne.
A Gand, une nouvelle banque vient d’être établie. Eh bien ! si je suis bien informé, la ville de Gand a proposé à cette
banque de créer une caisse d’épargne, et celle-ci a refusé.
Ainsi donc, messieurs, je dois le déclarer de nouveau, je ne dis pas
qu’il y a impossibilité pour le gouvernement de faire ce que fait la société
Générale, mais je dis qu’il y a des difficultés à vaincre, devant lesquelles
toutefois je ne prétends pas qu’on doit reculer, et peut-être ne reculerais-je
pas moi même.
Mais il ne faut pas se faire illusion, ces difficultés sont réelles ;
c’est pour cela que je les livre aux méditations de la chambre et du
gouvernement en particulier.
Quant au conseil que l’honorable M. Devaux a donné aux établissements
publics de placer leurs réserves en fonds de l’Etat, c’est un conseil qui est
tout dans leur intérêt. Ces réserves sont encore pour la société Générale une
charge considérable, parce qu’on a voulu faire une exception pour les
établissements publics, on n’a pas limité les sommes qu’ils pouvaient placer.
J’ai encore reçu, il y a deux jours, la demande d’une corporation réclamant une
somme énorme à l’instant même. On a écrit qu’on l’a rembourserait sur l’heure.
Eh bien ! pour rembourser sur l’heure des fonds portant intérêt à 4 p. c., il faut garder des fonds disponibles qui ne rapportent
pas d’intérêt.
Ainsi, il faut voir les choses dans leur véritable jour ; une caisse
d’épargne est une charge pour un établissement. Maintenant, le gouvernement
peut-il en établir une d’une manière avantageuse pour lui ? J’en doute. Je
doute surtout qu’on puisse éviter la difficulté que j’ai soumise, qui est d’avoir
des fonds constamment disponibles. Un établissement peut avoir ces fonds, à
raison de ses relations avec l’étranger car il ne faut pas perdre de vue que
si, dans les moments de crise, vous cherchez des fonds en Belgique pour opérer
les remboursements, vous augmentez la crise. C’est de l’étranger que vous devez
faire venir les fonds ; et je suis charmé de le dire à cette occasion, en
38-39, bien loin que la société Générale ait prélevé le moindre centime sur
(Moniteur belge n°337, du 3
décembre 1842) - La clôture de la discussion générale est prononcée.
La chambre passe à la discussion du tableau.
Discussion
des articles
Impôt foncier
« Principal : fr. 14,985,080
« 5 centimes additionnels ordinaires, dont deux pour non-valeurs : fr.
749,254
« 10 centimes additionnels extraordinaires : fr. 1,498,508
« 3 centimes additionnels supplémentaires sur le tout : fr. 516,985
« 7 centimes extraordinaires sur le principal pour cet exercice : fr. 1,048,956. »
M. le président. - La
section centrale propose le rejet des 7 centimes extraordinaires.
M. Delehaye. -
Messieurs, le principe de l’égalité devant la loi devrait toujours être
respecté, il devrait surtout l’être lorsqu’il s’agit d’impôts à l’égard de la
contribution foncière. Ce principe est entièrement méconnu. J’ai eu l’occasion
de comparer les sommes payées dans
Je sais parfaitement bien à quoi cela se rattache ; mais si je signale
l’inégalité, c’est afin que l’on porte un terme à cet abus.
Si des propriétés particulières servant à des habitations seulement, je
porte mon examen sur les usines, cette disproportion est bien plus grande
encore. Vous savez que les fabriques établies dans une capitale, par cela même
que la population est plus forte, que les étrangers y viennent en plus grand
nombre, présentent des éléments de succès plus étendus que celles qui se
trouvent dans des villes de province. Eh bien, une usine se trouvant à Gand et
qui n’aura que moitié de l’étendue d’une autre usine qui se trouve à Bruxelles,
et qui occupera le même nombre d’ouvriers, sera soumise à une contribution
foncière double. Vous voyez qu’il y a là une injustice bien réelle.
Je me permettrai de citer encore un autre exemple, dont vous avez déjà
pu apprécier l’importance.
Par suite de l’établissement des chemins de fer, des expropriations ont
été faites partout. Eh bien, j’ai remarqué que des propriétés aux environs de
Bruxelles avaient été évaluées, par expropriation, à deux, trois et quatre fois
la valeur qui avait été donnée à des propriétés situées aux environs de Liége,
de Gand, d’Anvers, de Bruges, de Mons, de Tournay.
Et si vous examinez quelle est la contribution que l’on paie du chef de
ces propriétés, vous verrez qu’à Bruxelles on ne paie généralement que la
moitié, alors même que, dans les expropriations forcées, les propriétés sont
portées à cinq fois la valeur qui leur a été donnée, il est évident qu’il y a
là une injustice criante ; cette injustice est le résultat de la péréquation
cadastrale. il y a une autre cause, la voici :
Nous avons admis, messieurs, pour la contribution foncière, le mode de
répartition ; ce mode avait également été admis pour la contribution
personnelle ; mais, depuis 1821, il
n’existe plus pour cette branche d’impôts. Ce mode produit un grand
inconvénient, qui a déjà été signalé, c’est que, si une province est dans un
état de prospérité, elle ne paiera pas plus que si elle était dans une
situation fâcheuse ; si, au contraire, la prospérité diminue dans une province,
elle paiera tout autant que si elle prospérait. Vous voyez bien, messieurs,
qu’il y a là une erreur à réparer.
Je repousserai, messieurs, les centimes additionnels, mais non pas par
les motifs qui ont été indiqués par d’autres honorables membres, non pas parce
qu’il y a d’autres moyens de faire face aux besoins du trésor, car alors même
qu’il me serait prouvé à toute évidence qu’il n’y a aucune ressource nouvelle à
créer pour remplacer les centimes additionnels, je les repousserais encore,
parce que les dépenses de l’Etat sont trop élevées. Je ne puis perdre de vue
qu’avant la révolution
M. de Theux. –
L’honorable préopinant vient de dire qu’avant la révolution
M. Delehaye. - Si
j’ai dit 73 millions, je me serai trompé ; c’est 83 millions que je voulais
dire ; avant la révolution
M. Mercier. - Alors
même que les chiffres cités par l’honorable membre seraient exacts, il n’en
résulterait pas que
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - L’honorable M. Delehaye m’a prêté des
paroles que je n’ai pas prononcées ; je n’ai pas dit qu’il fallait ou voter les
centimes additionnels ou réduire les dépenses ; j’ai dit au contraire qu’il
était impossible de réduire les dépenses.
Il m’importe aussi, pour l’honneur de la révolution, de relever une
erreur commise par l’honorable préopinant et qui a déjà été relevée. Il serait
facile de prouver que l’on paie moins aujourd’hui
qu’avant 1830, mais il faudrait pour cela arriver ici avec des tableaux et des
chiffres. Toutefois, si l’on veut que cette question soit discutée, nous
accepterons volontiers la discussion. Ou peut dire en général qu’aucun impôt
n’a été augmenté et que beaucoup d’impôts ont été réduits ; il en est même qui
ont été supprimés entièrement.
M. Delehaye. - M. le
ministre m’a très mal compris ; je n’ai pas prétendu qu’il eût dit qu’il
fallait rejeter les centimes additionnels ou diminuer les dépenses ; j’ai
rappelé que M. le ministre de l’intérieur, en répondant à l’honorable M.
Verhaegen, avait dit que le résultat allait prouver qu’il a eu raison de
demander des centimes additionnels. Je répète de nouveau que, si vous ne voulez
pas réduire les dépenses, vous aurez tort de rejeter les centimes additionnels.
Quant à ce que j’ai dit de ce que l’on payait avant 1830, je ne suis pas
plus intéressé que qui que ce soit à réduire les charges que supportaient les
contribuables avant la révolution ; j’ai cité un fait ; si ce fait n’est pas
exact, tant mieux ; si, au contraire, il est exact, toutes les réclamations du
monde ne pourraient le détruire. Dans tous les cas, efforçons-nous de mettre
des bornes à des dépenses qui sont déjà bien assez élevées.
- Les quatre premiers numéros de l’art. 1er sont mis aux voix, et
adoptés.
Le 5ème numéro : « 7 centimes additionnels extraordinaires pour 1843 »
est mis aux voix par appel nominal :
72 membres prennent part au vote ;
2 s’abstiennent,
68 rejettent.
4 adoptent.
En conséquence la disposition n’est pas adoptée.
Ont voté l’adoption : MM. Desmaisières, Nothomb, Smits et Van Volxem.
Ont voté le rejet : MM. Angillis, Brabant, de
MM. de Mérode et Rogier se sont abstenus.
M. de Mérode. - Je me
suis abstenu, parce que je ne sais comment on pourra faire face aux dépenses.
M. Rogier. - Je me
suis abstenu pour les mêmes motifs que M. de Mérode.
- La séance est levée à 4 heures et 1/2.