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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 23 avril 1842

(Moniteur belge n°114, du 24 avril 1842)

(Présidence de M. Fallon)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Kervyn procède à l'appel nominal à midi et demi.

M. Scheyven donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Kervyn fait connaître l'objet des pièces adressées à la chambre.

« Le sieur Feburier, maréchal-ferrant, à Ypres, né en France, demande la naturalisation. » .

« Le sieur Louis-Achille Thorel, conservateur du canal de Charleroy à Bruxelles, né en France, demande la naturalisation. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


« Le bourgmestre, les membres de l'administration communale et des habitants de Marbaix adressent des observations relativement au projet de loi sur les sucres. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée de l'examen du projet.


« Des cultivateurs demandent à être dispensés de payer un droit sur leurs chevaux mixtes. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


Par divers messages, en date du 22 avril, le sénat informe la chambre qu'il a adopté :

1° Le projet de loi réduisant le personnel de divers tribunaux ;

2° Le projet de loi accordant une pension à la veuve du général Buzen ;

3° Les projets de loi relatifs aux emprunts de 12, de 10 et de 5 millions.

- Pris pour notification.


« M. de Rumigny, ambassadeur de France en Belgique, fait parvenir à la chambre une caisse contenant des documents parlementaires que la chambre des député de France adresse à la chambre des représentants, en échange de ceux que cette assemblée législative lui envoie chaque année.

- Dépôt à la bibliothèque.

Proposition de loi qui décrète la construction d'un canal de Zelzaete à la mer du Nord, pour l'écoulement des eaux des Flandres

Discussion des articles

Article premier

M. le président. - L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif au canal de Zelzaete.

La discussion est continuée sur l’article 1er et les amendements qui s’y rapportent.

M. Verhaegen. - Messieurs, dans une question qui, sous plus d’un rapport, est de la plus haute importance, je sens le besoin de vous faire connaître les motifs de mon vote qui sera favorable au projet du gouvernement. J’ai écouté, et de plus j’ai lu avec attention tous les discours qui ont été prononcés dans cette discussion, et l’opinion que je me suis formée est le résultat d’une profonde conviction.

D’abord je mets de côté tout esprit, tout intérêt de localité ; il est vraiment fâcheux que dans cette enceinte il faille toujours s’occuper d’intérêts de clocher, il est fâcheux qu’il y ait pour ainsi dire autant d’intérêts distincts en Belgique qu’il y a de provinces ; que dis-je ? qu’il y a d’arrondissements, et je n’ai pas été peu surpris d’entendre hier l’honorable M. Dumortier nous dire que l’arrondissement de Tournay a lui seul valait une province. Je me suis demandé alors ce que valait le reste de la province du Hainaut.

M. Dubus (aîné). C’est du Tournaisis que M. Dumortier a parlé. (erratum**, Moniteur belge n°116, du 26 avril 1842 : Cette phrase doit être effacée, M. Dubus, n’ayant point dit cela.)

M. Verhaegen**.** - Ce qui revient à dire qu'il faudrait en revenir à d'anciennes délimitations.

Quoi qu'il en soit, je mets de côté toutes ces considérations que j'appellerai mesquines, et je ne consulte que l'intérêt général. Il est vrai que cet intérêt prend souvent naissance dans une localité ou à l'occasion d'une localité, mais il ne constitue pas moins l'intérêt général puisque tout le pays en profite ; ainsi, si l'on venait un jour nous présenter un projet ayant pour but de canaliser la Campine, dût-il en coûter des sommes considérables, je donnerais mon assentiment à cette canalisation, non pas que je croirais favoriser par là certains propriétaires, propriétaires qui, d'ailleurs, méritent bien aussi nos sympathies, mais parce que je servirais les intérêts généraux, en ce sens que je contribuerais à ajouter à la Belgique, déjà si petite, une province ou tout au moins une demi-province, et que je trouverais à cela un grand avantage ; ainsi encore, messieurs, si un jour on venait nous présenter une loi destinée à améliorer la position du port d'Ostende, je m'empresserais d'y donner mon approbation, et je ne verrais pas dans cette question un intérêt de localité en opposition avec des intérêts d'autres localités ; je ne consulterais que l'intérêt général.

Dans l'occurrence, messieurs, je n'ai aussi consulté que l'intérêt du pays. Etranger aux provinces dont il a été question dans cette discussion, je dois être à même de donner mon vote avec une entière impartialité.

Ainsi que j'ai eu l'honneur de vous le dire, messieurs, j'ai écouté et lu avec attention tous les discours qui ont été prononcés dans cette discussion, et j'ai acquis la conviction d'abord que la construction du canal de Zelzaete est un acte de justice, que les événements de la révolution et même le droit ordinaire rendent nécessaire, et ensuite que c'est un acte de haute politique.

La Hollande, messieurs, ferait tous les plus grands sacrifices pour acquérir certaines parties de territoire ou seulement pour s'assurer la possession des parties de territoire qu'elle occupe, et nous, quand il s'agit de faire quelques dépenses pour améliorer notre position, pour nous soustraire à une dépendance que je considère comme humiliante, nous reculerions !

Il faut, messieurs, voir les choses d'un peu plus haut ; il faut apprécier les questions au point de vue de l'intérêt général, et en agissant ainsi, l'adoption du projet de loi ne peut être douteuse.

Nous considérons l'établissement du canal de Zelzaete comme un acte de justice, et en effet, il nous a été démontré dans la séance d'hier, par l'honorable M. Devaux, et il nous avait été démontre précédemment par un de nos ex-collègues, qui sous le rapport de sa spécialité mérite toute notre confiance, par l'honorable M. de Puydt, que, par suite des événements politiques de 1830, les divers moyens d'écoulements que possédaient les Flandres ont été supprimés ; que sept écluses importantes ont été complètement détruites et par suite que le Zwyn, outre qu'il se trouve sur le territoire hollandais, ne présente plus aucune utilité. Cet état de choses est dû à l'esprit d'agression qui naguère animait la Hollande et même au système de défense qui avait été adopté par la Belgique.

S'il en est ainsi, s'il faut admettre ces principes (et quant à moi, je les admets, d'après les raisons que d'honorables préopinants ont fait valoir), il faut nécessairement arriver à la conséquence qu'il s'agit dans l'espèce d'un acte de haute justice, ayant pour but de réparer certains désastres causés par les événements de 1830.

Je me demande maintenant, messieurs, quelle est la différence entre les poldres pour lesquels il a fallu faire déjà des dépenses considérables d'endiguement (on a dépensé plus de 7 millions), et les terres des Flandres qu'il s'agit de protéger contre les inondations causées par la destruction des moyens d'écoulement qu'elles avaient avant 1830. Pour moi, messieurs, il n'y a aucune différence.

Mais fallût-il mettre de côté les désastres causés par les événements de 1830, qui cependant sont le fait de la nation, encore la mesure proposée par le gouvernement serait-elle un acte de justice commandé par les principes ordinaires du droit, et ici je me permettrai de faire quelques réflexions qui, je pense, n'on pas été faites jusqu'à présent.

Je pars, messieurs, d'un fait que je considère comme constant, d'après les preuves invoquées par d'honorables préopinants, c'est que les eaux de la Lys et de l'Escaut occasionnent des inondations dans les Flandres et surtout dans la Flandre occidentale.

Maintenant la Lys et l'Escaut sont des rivières navigables qui appartiennent à l'Etat. L'Escaut a toujours été considéré comme tel. Quant à la Lys, messieurs, vous savez qu'en 1816 un arrêté du roi Guillaume attribua à la province l'administration et la perception des revenus de cette rivière ; mais en 1839 cela a été change et l'administration et la perception des revenus de la Lys ont été rendues à l'Etat. Si les renseignements que j'ai à cet égard sont exacts, lorsque la Flandre occidentale était en possession de la perception des revenus de la Lys, les droits de navigation et autres avantages de cette rivière excédaient les dépenses de 14 à 15 mille fr. par an.

Ainsi, messieurs, l'Escaut et la Lys sont et ont toujours été des rivières navigables, et par suite ils sont la propriété de l'Etat. La conséquence ultérieure en est qu'à l'Etat incombe l'entretien et tout ce qui tient à l'entretien de ces fleuves. Ils sont la propriété de l'Etat ; l'Etat jouit des avantages de la navigation et de tout ce qui en dépend ; l'Etat doit enfin en supporter les charges. Or, messieurs, ne pensez-vous pas que ce soit une de ces charges qui est nécessaire pour éviter les inondations ; ne pensez-vous pas que lorsque l'Etat jouit des avantages que présentent ces fleuves, il doit aussi supporter toutes les charges qui en résultent directement ou indirectement ? n'entre-t-il pas dans l'ordre, n'est-il pas juste, que l'Etat qui jouit des avantages de cette propriété, en supporte aussi les inconvénients ? Et qui donc devrait faire les dépenses nécessaires pour parer aux inondations que ces fleuves occasionnent, si ce n'est celui qui jouit des avantages qu'ils procurent ? C'est un principe de droit, et un principe élémentaire du droit, de savoir que celui qui jouit des avantages d'une chose doit aussi en supporter les charges.

Il est donc certain pour moi que l'établissement du canal de Zelzaete est d'abord un acte de toute justice, et ensuite un acte qui incombe au gouvernement, d'après les principes ordinaires du droit.

Mais il y a plus. Il a été prouvé hier que l'établissement du canal de Zelzaete devait, au point de vue politique même, procurer à la Belgique des avantages considérables. L'honorable M. Devaux, et, sous ce rapport, il est encore d'accord avec M. le colonel de Puydt, nous a démontré que sur nos frontières nous sommes constamment à la merci de la Hollande, que nous sommes en quelque sorte dans sa dépendance pour la navigation et l'écoulement de nos eaux ; il nous a établi que la construction du canal de Zelzaete pouvait jusqu'à un certain point porter remède à cette fâcheuse position ; et en effet, nous ne devrons plus nous adresser à la Hollande pour l'écoulement de nos eaux ; nous serons soustraits à une dépendance qu'on peut considérer comme humiliante.

Il y a plus, ce n'est pas le seul avantage qui doit résulter de cette construction ; on est allé même jusqu'à vous établir (et c'est encore l'opinion de M. de Puydt) que nous pourrions en certaines circonstances, au moyen du canal de Zelzaete, user de représailles envers la Hollande, si tant était que la Hollande, ce qu'à Dieu ne plaise, osait un jour renouveler les voies de fait qui ont laissé tant de victimes.

Ces points de fait étant une fois établis, il en résulte pour moi et à la dernière évidence, que la construction du canal de Zelzaete, indépendamment des raisons de justice et de droit qui en réclament l'exécution, est un acte qui doit donner au pays des avantages considérables au point de vue politique.

C'est d'après ces considérations que je donnerai mon assentiment au projet du gouvernement.

Messieurs, je ne pourrai pas adopter l'amendement de l'honorable M. Cogels, non plus que l'amendement de l'honorable M. Fleussu. Et, en effet, ces amendements, comme on vous l'a déjà dit, sont le rejet de la loi. Je ne m'occuperai que de l'amendement de l'honorable M. Cogels, puisqu'il résume en même temps l'amendement de l'honorable M. Fleussu, qui d'ailleurs s'y est rallié.

L'honorable monsieur Cogels propose d'accorder à la province de la Flandre occidentale un subside de 860,000 francs pour la fraction du canal de Damme à la mer.

C'est précisément là, messieurs, ce qui avait été adopté par le sénat, car les travaux de la section du canal de Damme à la mer, doivent coûter 1,720 mille francs ; or, le sénat avait décidé de mettre 860 mille francs, c'est-à-dire, la moitié de la dépense, à charge de la province de la Flandre occidentale. C'est aussi ce que propose l'honorable M. Cogels. Ainsi, la chambre des représentants viendrait en dernière analyse adopter sur ce point la décision du sénat, décision que le gouvernement n’a pas pu accepter, et qu’il a été obligé de retirer la loi.

Mais il y aurait cette différence, et à la défaveur de la Flandre occidentale, c'est que la province de la Flandre occidentale serait obligée d'entretenir à ses frais exclusifs la section du canal de Damme à la mer.

M. Cogels. - C'est une question que j'ai laissée intacte.

M. Verhaegen. - Votre amendement laissant les choses dans l'Etat où elles sont, d'après le projet du gouvernement, il en serait ainsi.

L'on arriverait donc à cette conséquence, de faire quelque chose qui serait beaucoup plus défavorable à la province de la Flandre occidentale que ce qui avait été fait par le sénat. Or, ce qui avait été adopté par le sénat, n'était pas acceptable pour la province de la Flandre occidentale. Il est donc évident, que l'adoption de l'amendement serait le rejet de la loi.

Ces frais d'entretien, on les a évalués (et cette évaluation n'a pas été contestée) à 14 à 15,000 fr. par an. Ainsi, la Flandre occidentale qui, avant la reprise de l'administration de la Lys par l'Etat, faisait des bénéfices assez considérables sur la navigation de cette rivière, pour entretenir convenablement ses canaux, serait privée de cet avantage, et serait en outre chargée des frais d'entretien du canal de Damme à la mer, estimés à 15 mille fr. environ par an. Ce serait là une souveraine injustice.

Mais où nous conduit l'amendement de l'honorable M. Cogels ? La proposition du gouvernement tend à décréter en principe qu'il sera établi un canal de Zelzaete à la mer, mais qu'on commencera par la section la plus importante, celle de Damme à la mer. C'est un ouvrage que je considère comme un et indivisible, et je pense que l'honorable M. Cogels n'a fait son amendement que pour échapper à l'objection qui résultait de cette indivisibilité, c'est-à-dire que si l'on fait le canal entier, il faut d'autres dimensions pour la partie du canal de Damme à la mer, que si l'on fait la section seule de Damme à la mer ; et si je ne me trompe, les proportions pour le canal entier sont de 7 mètres, à commencer de Bouchaute jusqu'à 25 mètres à la mer.

Maintenant, l'honorable M. Cogels, pour échapper à l'objection, prend pour la partie du canal de Damme à la mer les mêmes dimensions qu'il faudrait donner à cette même partie, alors qu'on ferait le canal entier. C'est décréter implicitement la construction du canal entier. Pourquoi n'avoir pas le courage de le déclarer en termes formels ?

On a dit qu'il est possible qu'un jour on fasse le canal entier. Mais pourquoi ne pas examiner de suite cette question ? Pourquoi la laisser indécise et dépenser peut-être un million de plus en pure perte ?

Messieurs, il me semble qu'il est beaucoup plus convenable, beaucoup plus sage d'examiner dès à présent les questions à fond. Il y a toujours un grave inconvénient à vouloir reculer les décisions ; il faut avoir le courage d'aborder les difficultés. Je comprends bien que ceux qui ont soutenu l'ajournement voudraient y revenir indirectement ; mais, comme la chambre s'est prononcée à cet égard, il faut subir les conséquences du vote.

L’ajournement a été rejeté : ce qui veut dire que la chambre est suffisamment instruite, car si la chambre n'eût pas été suffisamment instruite, elle aurait prononcé l'ajournement et aurait pris d'autres renseignements. Puisqu'elle a décidé le contraire, puisqu'elle est suffisamment instruite, elle doit examiner dès à présent s'il faut faire le canal entier ou si l'on doit se borner à la section de Damme à la mer.

Pour moi, la nécessité de l'exécution du canal entier est évidente ; je ne suis pas sans doute expert dans ces matières, mais ma conviction, je l'ai puisée dans la lecture et l'examen attentif de tous les documents que nous avons sous les yeux, et j'ai cru de mon devoir de faire connaître à la chambre les motifs de mon vote qui sera contraire à l'amendement et favorable au projet du gouvernement.

M . Van Hoobrouck. - Messieurs, lorsque j'ai demandé la parole, c'était pour répondre à une partie du discours de l'honorable M. Dumortier. Selon moi, l'honorable M. Dumortier a basé sur des erreurs matérielles toute l'argumentation de cette partie de son discours. Si l'honorable M. Dumortier avait connu les modifications que l'écluse d'Audenaerde avait reçues depuis quelques années, il aurait probablement supprimé cette partie de ses observations, et la discussion en aurait été singulièrement abrégée.

L’honorable M. Dumortier a dit que l'ouverture de l'écluse d'Antoing, au-dessus de Tournay, avait amené dans le bassin de l'Escaut une quantité d'eau beaucoup plus grande, qui y était enfermée comme dans un entonnoir, parce qu'on n'avait pas fait élargir l'écluse d'Audenarde.

Si cela était exact, certainement la partie supérieure de l'Escaut, c'est-à-dire celle qui est comprise entre Tournay et Audenarde, aurait été inondée ; mais, par une conséquence nécessaire, toutes les terres et les prairies en-dessous de l'écluse d'Audenarde auraient été affranchies de ces inondations, ce qui eût été un bienfait pour ces localités. Mais il n'en est pas ainsi, messieurs, et j'ai pu m'assurer par moi-même, il y a quelques jours, de l'état réel des choses ; non seulement les terres et les prairies de la partie supérieure, entre Tournay et Audenarde, sont, dans ce moment, couvertes d'eau comme dans les crues ordinaires de l'hiver, mais il en est de même encore des terres et des prairies qui longent l'Escaut depuis Audenarde jusqu'à Gand ; de sorte que si cet état de choses se prolonge, nous aurons à ajouter une nouvelle année néfaste à tant d'autres que nous avons eu à déplorer sous ce rapport. Heureux encore si les premières chaleurs qui nous arriveront ne développent dans les eaux stagnantes des germes pestilentiels, et ne causent des maladies épidémiques ou des épizooties comme les années précédentes.

Messieurs, il n'est pas exact de dire qu'on n'a pas fait de travaux à l'écluse d'Audenarde. L'année dernière, on a construit une nouvelle écluse à 4 arches ; cette écluse a une capacité au moins aussi grande que l'écluse déjà existante ; de sorte que les moyens d'écoulement à Audenarde sont doublés, et les inondations n'en ont pas moins continué. Vous voyez donc que l'écluse d'Audenarde est complètement innocente des méfaits dont l'honorable M. Dumortier l'accuse.

Puisque j'ai la parole, je vous demanderai la permission de faire brièvement l'historique des causes d'inondations et des divers moyens employés pour y remédier.

Personne de vous n'ignore que la vallée de la Scarpe est sujette à des inondations périodiques, qu'il y existait des marais couverts d'eau pendant une grande partie de l'année. Des travaux considérables ont été faits pour dessécher ces marais. D'un autre côté, de nouveaux moyens d'écoulements ont été établis dans la vallée de la Scarpe. Mais il y a eu une pensée d'ensemble qui a présidé à tous ces travaux.

Il en est résulté que toutes les eaux ont été amenées simultanément sur le même point, de sorte que l'écoulement, qui avait lieu jadis successivement a lieu aujourd'hui simultanément. Vous comprenez facilement que l’écluse d’Antoing, comme déchargement naturel, avait une capacité suffisante, pour écouler en quinze jours une certaine quantité d’eau ; mais cette capacité était insuffisante pour donner passage à cette même quantité d’eau en deux fois vingt-quatre heures.

Quoi qu’il en soit, l’écluse d’Antoing, sur la demande du gouvernement français, a été élargie ; une capacité beaucoup plus grande a été donnée à cette écluse. Dès lors, les eaux devaient nécessairement arriver dans le bassin de l'Escaut.

Je ne me suis jamais dissimulé les embarras qui résulteraient pour le gouvernement de ce travail, s'il n'était pas continué sur toute la ligne.

Voici comme je m'exprimai en 1839 quand je présentai le rapport sur le budget des travaux publics :

« La demande d'allocation faite l'année dernière pour le barrage d'Autrive s'élevait à 95,000 francs, mais depuis lors des modifications apportées au plan primitif ont porté cette somme à 202,000 francs. Ce barrage avait été jugé utile dans l'intérêt de la navigation. Il avait également été réclamé par les commissions nommées pour aviser aux moyens de prévenir les inondations qui s'étaient si souvent reproduites. Le cours de l'Escaut, de Tournay à Audenarde, étant de neuf lieues et sa pente très considérable, l'alimentation du bief de la rivière, les jours de navigation, exigeait une masse d'eau très grande. Or, cette masse d'eau, par la retenue à Audenarde, s'amoncelait dans le bassin en amont de cette ville et y occasionnait souvent des inondations ruineuses pour les propriétés riveraines. En partageant ce bief en deux parties égales, le niveau de l'eau dans la rivière pourra être tenu à une hauteur moins grande, et les terres basses seront affranchies de ces inondations.

« Nous voyons ensuite que les fonds réclamés pour le service de l'Escaut doivent encore servir à élargir l'écluse d'Antoing, d'après l'engagement qui a été pris envers la France. La nécessité de retenir les eaux dans le canal d’Antoing à une certaine hauteur pour alimenter les biefs de l'Escaut, arrête l'écoulement des eaux venant du Nord de la France et occasionne par suite des inondations dans la vallée de la Scarpe. L'élargissement de l'écluse d'Antoing remédiera à cet inconvénient ; mais en même temps il aura pour conséquence nécessaire d'amener à la fois une plus grande somme d'eau dans la vallée de l'Escaut, et surtout dans le bassin d'Audenarde. En arrêtant les eaux supérieures dans ce bassin en amont, M. le ministre a-t-il avisé aux moyens de leur donner un écoulement proportionné en aval, et n'y a-t-il pas lieu de craindre que cette mesure aura pour effet de multiplier ces inondations qui, récemment encore, ont excité de si vives et si justes plaintes ? Il est sans doute bien d'affranchir, quand on le peut, ses voisins d'une servitude que la nature leur a imposée ; mais le désir d'être utile ne saurait aller jusqu'à leur sacrifier son propre territoire. Ces considérations sont si graves qu'elles méritent toute l'attention du gouvernement, et nous sommes persuades qu’aucune mesure ne sera définitivement prise qu'avec la certitude qu'elle ne compromettra aucun intérêt. »

Vous voyez que déjà en 1839 j'avais prévu la conséquence de l'ouverture de l'écluse d'Antoing dont s'est plaint M. Dumortier, si simultanément on n'élargissait pas, sur toute la ligne de l'Escaut jusqu'à la mer, les moyens d'écoulement.

L'effet de l'ouverture de cette écluse d'Antoing a donc été d'amener simultanément une masse d'eau dans le bassin supérieur de l'Escaut. Il fallut quand on a eu l'expérience des inondations qui avaient été prévues, songer à donner une nouvelle capacité à l'écluse d'Audenarde. C'est un travail qu'on a exécuté l'année dernière. Mais ce travail n'a pas pu avoir le résultat qu'on en attendait, parce que les moyens d'écoulement inférieurs n'avaient pas été coordonnés avec l'élargissement de l'écluse d'Audenarde. Si cette écluse remplissait son but il en résulterait un déplacement d'inondation, mais non un remède efficace.

Maintenant, dans la partie inférieure de l'Escaut, les moyens d'écoulement sont également arrêtés par une circonstance sur laquelle j'appelle toute votre attention. Le parcours de l'Escaut inférieur, d'Audenarde à Gand, est de 12 lieues. Il faut donc que l'Escaut charrie à son tour en 24 heures la même quantité d'eau qu'il charriait auparavant en 15 jours. Vous voyez qu'il est impossible que l'écoulement ait lieu, que l'inondation est inévitable. Ces inondations sont sans conséquence pendant l'hiver, car les eaux sont saturées d'une partie de limon qui se dépose sur les prairies et les féconde. Mais elles ne peuvent pas sans de graves dangers se prolonger au-delà du 1er au 15 du mois de mars. C'est précisément l'époque où la navigation, interrompue pendant une grande partie de l'année, recommence avec activité. Il n'est pas de semaine alors ou 2 à 300 bateaux ne circulent sur le lit de l'Escaut. Ces bateaux sont d'une capacité extrêmement grande, car ils portent environ trois mille hectolitres de charbon, et doivent mettre obstacle à l'écoulement des eaux. Cependant il est impossible d'arrêter cette navigation, car elle sert à alimenter la ville de Gand en combustibles au moment où la plupart des approvisionnements sont épuisés. Vous concevez combien il serait dangereux de ne pas donner une grande facilité à la navigation en présence de l'immense consommation de la ville de Gand.

Quand les eaux arrivent à Gand, elles sont rejointes par les eaux de la Lys, de sorte que Gand est le réceptacle de toutes les eaux de cette partie du pays.

Dans la discussion on a cité trois moyens de déchargement pour les eaux du bassin de Gand. Le premier est le canal de Gand à Ostende. L'honorable M. de Muelenaere, avec sa logique ordinaire, a démontré les inconvénients qu'il y avait à se servir de ce canal, et je craindrais de diminuer l'impression que son discours a laissée dans vos esprits, en ajoutant un seul mot sur cette question.

Le second moyen qu'on a cité, c'est l'Escaut inférieur. M. Dumortier a dit que l'Escaut inférieur était la voie naturelle d'écoulement de l'Escaut supérieur. Il a raison. Mais cela n'est vrai que pour autant que l'Escaut charrie ses propres eaux, et ne doit pas décharger à la fois et les eaux de la vallée de la Scarpe et les eaux qui viennent de la Lys. Si c'était là un moyen naturel d'écoulement, comment auraient lieu ces inondations que nous voyons aux environs de Termonde et dont ce pays se plaint si vivement ? L'honorable membre n'a d'ailleurs pas fait attention à une circonstance très importante, c'est qu'aux environs de Termonde l'Escaut est encaissé et sujet au flux et reflux. Si pendant six heures les eaux descendent à la marée basse, elles sont refoulées pendant six autres heures vers leur source par la marée montante. L'Escaut n'est donc pas pour les eaux qui arrivent de la Lys un moyen naturel d'écoulement.

Reste le canal de Terneuzen. Depuis l'ouverture de ce canal, le port de Gand a pris un grand développement, et j'appelle de tous mes vœux le moment où il sera plus considérable. Le canal de Terneuzen est un canal de navigation, il est impossible d'en faire un moyen d'écoulement, car il est construit par endiguement ; le niveau d'eau est supérieur au niveau de la terre. Comme il faut le tenir à une certaine hauteur, au lieu d'être un moyen d'écoulement, il est une cause d'inondation par la filtration de l'eau. Chaque fois qu'un navire de haut tonnage arrive dans le port de Gand, l'influence de l’eau se fait sentir jusqu’à ne distance de trois lieues de ce canal.

Vous voyez que ni le canal de Terneuzen, ni l'Escaut, ni le canal de Bruges, ne peuvent servir concurremment à la navigation et à l'écoulement de nos eaux.

On vous a dit : La position des Flandres est exactement la même qu'elle était en 1830. Les écluses que vous aviez à cette époque, le traité avec la Hollande vous les assure ; je n'examinerai pas ce qu'il peut y avoir d'impolitique à nous occuper du traité. Je ferai observer que les négociations pour la navigation, l'écoulement des eaux et la liquidation sont encore pendantes, et qu'il serait impolitique d'ôter au gouvernement un moyen d'action.

Quoi qu'il en soit, le traité n'a pas pu agir sur la nature. Ce n'est pas l'inexécution des traités, la mauvaise volonté des Hollandais à nous donner des moyens d'écoulement qui nécessite la construction du canal dont il s'agit, c'est le travail incessant de la nature que les forces humaines ne peuvent pas arrêter.

Le Brackman, dans lequel arrivaient nos eaux par l'écluse d'Isabelle, s'est complètement ensablé ; les mesures prises par les Hollandais dans un but politique ont pu accélérer le travail de la nature, mais cette partie du Brackman, où des navires d'un certain tonnage cinglaient à pleines voiles, se trouve maintenant couverte de quelques pouces d'eau à marée haute et presque tout le terrain vis-à-vis de l'écluse est affranchi de toute eau, de sorte que là où jadis on voyait des navires, on verra bientôt, peut-être, des terres fertiles couvertes à leur tour de magnifiques moissons. Mais l'honorable M. Dumortier ne s'effraie pas de cette difficulté. C'est un phénomène, a-t-il dit, qui se présente sur toutes les côtes du Nord.

Les ports s'ensablent ; il en est ainsi à Nieuport. Là, dit-il, l'ensablement a lieu également, cependant on y a conservé un canal qui mène les eaux vers la profondeur de la mer. C'est parce que la mer conserve là sa profondeur, et qu'on peut avec un travail d'hommes arriver à cette profondeur et avoir un moyen d'écoulement naturel. Mais cela n'est pas vrai pour le Brackman. Voyez la carte : vis-à-vis de l'écluse d'Isabelle, il y a un léger filet d'eau qui, à la marée haute, couvre de quelques pouces les sables du Brackman.

A mesure qu'on approche de la mer, les terres, au lieu d'aller en baissant, vont en sens inverse, de sorte que le poldre inondé le dernier est toujours plus élevé en niveau que le poldre qui le précède immédiatement, cela forme pente vers l'intérieur. J'en tire cette conséquence que lorsque les inondations sont arrivées à la partie la plus basse, elles ne peuvent pas descendre par une pente naturelle, qu'elles doivent être conduites à la mer par un moyen artificiel. Il faut donc creuser un canal.

Notre position de 1830 n'est plus la même, parce que les ouvrages qu'on a construits à Antoing et dans la vallée de la Scarpe ont affiné plus d'eau que dans un temps donné, et que nos moyens d'écoulement sont devenus moindres.

Pour parer à ces inconvénients, il n'existe d'autres moyens que la construction du canal de Zelzaete ; quoi que vous fassiez, vous devrez tôt ou tard arriver à faire ce canal ; je crois qu'il vaut mieux le faire aujourd'hui avant que les dégâts des inondations aient considérablement augmenté.

J'ai eu l'honneur de faire partie de toutes les commissions nommées depuis plusieurs années pour aviser aux moyens de donner un écoulement définitif aux eaux des Flandres. Nous avons mis le plus grand zèle, la meilleure volonté à l'accomplissement de notre mission, et tous nous nous sommes convaincus d'une vérité, que, à part le canal de Zelzaete, tout ce que l'on ferait ne serait que des palliatifs, et que, sans ce canal, il est impossible d'arriver ci un résultat certain et définitif.

A cette occasion, j'ai pu apprécier combien les pertes occasionnées par les inondations ont été considérables. Je puis, sans exagération, évaluer ces pertes à plus d'un million. C'est là sans doute une diminution considérable du capital national. Le capital national est l'élément générateur du travail, et par conséquent de la richesse des nations. C'est à vous à voir s'il est sage, s'il est d'une bonne politique de maintenir ce dépérissement du capital national : je vous le laisse à décider.

(Moniteur belge n°115, du 25 avril 1842) M. de Muelenaere. - Messieurs, je vous prierai de ne pas croire de vue que toute la loi se trouve dans l'art. 1er, et que l'adoption de l'amendement proposé par l'honorable M. Cogels équivaudrait à un rejet formel. Mais avant d'aborder la discussion de cet amendement, je vous prierai de vouloir bien me permettre de vous présenter quelques courtes observations générales.

Je ne me proposai plus de rentrer dans le fond de la question ; je le croyais en quelque sorte épuisé. Mais comme à la fin de la séance d'hier on a répété toutes les objections qu'on avait fait valoir dès le début même de ces débats, je résumerai brièvement et ces objections et les réponses qui déjà y ont été faites.

Je ne parlerai plus de la nécessité de l'exécution immédiate de la section du canal de Damme à la mer. Il paraît que sur ce point il y a maintenant à peu près unanimité d'opinion. Tout le monde paraît convaincu qu'il y a nécessité de procéder sans retard à la construction de cette partie du canal.

Mais un honorable orateur nous a dit hier que les événements de 1830 ne nous avaient causé aucun préjudice, que notre position était exactement la même qu'avant cette époque, et que nous avions conservé tous nos moyens d'écoulement vers la mer. Je répondrai à cette assertion par un exposé exact des faits.

Avant la révolution de 1830, vous le savez tous, l'écoulement de nos eaux se faisait dans le canal de Terneuzen, dans le Brackman et dans le Zwyn. Ces divers écoulements avaient ensemble 8 écluses, dont 7 débouchaient directement dans la mer du Nord. Une de ces écluses était une écluse secondaire d'une grande utilité, à la vérité, mais ne débouchant pas directement dans la mer. De ces 8 écluses, au moyen desquelles nous opérons l'écoulement de nos eaux, 7 se trouvent aujourd'hui au pouvoir des Hollandais ; 7 sont situées sur le territoire néerlandais ; une seule est demeurée à la Belgique. En 1831, les Hollandais out voulu, par la force des armes, s'emparer de cette dernière écluse. Il s'est livré un combat très vif et très meurtrier au Hazegras ; la conservation de cette écluse a coûté la vie à quelques-uns de nos concitoyens, Plusieurs Belges ont été tués en combattant les Hollandais ; un plus grand nombre encore de Hollandais y ont succombé. Une canonnière hollandaise, qui était arrivée dans le Zwyn pour détruire cette écluse, dans le cas où les troupes ne parviendraient pas à s'en emparer, a été prise et est restée en notre pouvoir. Tous ceux qui ont eu connaissance de ces faits, savent que le combat de Hazegras, en 1831, au commencement des hostilités, est un des plus beaux faits d'armes de la révolution belge. La garde civique de Bruges s'est admirablement conduite. Toute la population a si bien senti l'importance de cette écluse, qu'elle s'y est portée eu masse pour la défendre.

Il résulte de ce combat deux conséquences : la première qu'il y a le plus grand danger pour un pays à avoir ses écluses à l'extrémité de sa frontière ; la seconde, qu'aux yeux de la Hollande ; il était de la plus haute importance pour elle de s'emparer de l'écluse du Hazegras.

Les 7 autres écluses sont maintenant au pouvoir des Hollandais. Certainement ce n'est pas la même chose pour un pays d'avoir les moyens d'écoulement de ses eaux sur son propre territoire, ou sur le territoire d'un pays étranger, avec lequel il peut un jour peut-être se trouver en état de guerre.

Examinons à présent l'état actuel des écluses qui sont tombées au pouvoir de nos voisins. Celle de Philippine se trouve bouchée depuis 1832 ; par conséquent, elle n'est plus d'aucune utilité. Le rétablissement de cette écluse est généralement considéré par tous les hommes de l'art comme impossible. Une autre écluse, celle du Watergank d'Eecloo, située à l'est de la ville de l'Ecluse, est aujourd'hui pour ainsi dire, complètement envasée, à tel point, comme on vous l'a dit, que la marée montante ne peut plus même faire fermer les portes de flot. Une autre, l'écluse du Pass-Water**, est également à peu près hors d'usage.

L'honorable M. Lejeune vous a déclaré qu'il avait pu constater par lui-même ; que, loin de s'écouler par cette écluse, les eaux rentraient vers l'intérieur du pays.

Tous les faits que je viens de vous citer sont évidemment le résultat des événements de 1830 ; et, sous le rapport de l'écoulement des eaux, nous pouvons dire que la révolution de 1830 a été défavorable à la Flandre. Résumons-nous. Des huit écluses d'écoulement, sept sont situées sur le territoire néerlandais. De ces sept écluses maintenant au pouvoir de nos voisins, l'une a été bouchée en 1832 ; deux sont complètement, pour ainsi dire, hors d'usage. Toutes ont perdu plus ou moins de leur valeur, par suite des inondations tendues par les Hollandais pour la défense de leur propre territoire.

Dès lors, messieurs, je vous le demande, peut-on dire en bonne justice, avec vérité, que la révolution de 1830, sous le rapport de l'écoulement des eaux, ne nous a causé aucun préjudice, que nous sommes restés dans la position où nous étions auparavant, lorsqu'il est évident qu'au lieu d'avoir huit écluses sur notre territoire, nous n'en avons plus qu'une seule et que des sept écluses placées sous la dépendance de la Hollande, il y en a deux qui ne sont plus d'aucun usage et que toutes les autres ont considérablement souffert.

M. Dumortier**. -** Je prierai l'honorable M. de Muelenaere de me permettre une observation.

Certainement l'honorable membre peut me répondre comme il le fait, s'il prétend que j'aurais dit que la révolution a fait que les écluses qui se trouvaient sur le territoire des Pays-Bas sont aujourd'hui séparées de la Belgique ; mais ce n'est pas du tout ce que j'ai dit.

Quand j'ai allégué que les Flandres n'avaient rien perdu par le fait de la révolution, j'ai comparé leur état actuel à ce qu'il était sous l'ancien gouvernement autrichien. Or, sous le gouvernement autrichien, elles n'avaient pas plus de moyens d'écoulement qu'aujourd'hui, elle n'en avait pas même autant, c'est en ce sens que j'ai dit que la révolution n'a rien empiré.

M. de Muelenaere**.** - Je ferai remarquer à l'honorable M. Dumortier que je ne réponds pas au discours qu'il a prononcé hier. J'expose les faits, et j'expose les faits tels qu'ils existent véritablement, parce que je veux par ces faits répondre aux objections qui ont été produites, notamment sous ce rapport que la révolution de 1830 n'aurait changé en rien notre position quant à l'écoulement des eaux. Or, je crois avoir démontré à toute évidence que notre position a été considérablement changée, qu'elle a été sensiblement empirée et que nous sommes loin d'avoir les moyens d'écoulements que nous avions avant 1830.

Messieurs, une autre objection, et la plus grave de toutes, qui ait été faite contre la loi, c'est qu'on prétend que la construction du canal de Zelzaete n'est pas d'un intérêt général ; que cette construction ne présente qu'un caractère d'utilité locale ou d'utilité provinciale.

Sans aucun doute, messieurs, le canal dont nous réclamons la construction, sera d'une grande utilité aux Flandres. Nous croyons même qu'il est démontré à toute évidence, par les documents qui nous ont été distribués, que ce canal est nécessaire aux Flandres. Mais parce que ce canal et nécessaire et sera utile aux Flandres, parce qu'il sera construit dans cette province, suit-il de là qu'il perd son caractère d'utilité générale ?

Messieurs, tous les grands travaux publics, quels qu'ils soient, n'ont-ils pas, indépendamment du caractère d'intérêt général, un caractère d'utilité provinciale, et surtout un caractère d'utilité locale ? L'Escaut, par exemple, messieurs, qui sans aucun doute est un fleuve qu'il faut conserver dans l'intérêt général ; l'Escaut n'a-t-il pas un caractère bien prononcé d'utilité locale, n’est-il pas excessivement utile, excessivement avantageux à la ville d'Anvers ? Ou perd-il pour cela son caractère d'utilité générale ?

N'en est-il pas de même ici, si nous vous prouvons que dans l'intérêt général, le canal de Zelzaete, doit être construit, c'est-à-dire que ce canal procurera au pays des avantages généraux ? Or, il me semble que ceci vous a été prouvé à toute évidence. Je me bornerai simplement à résumer quelques-uns des arguments principaux.

D'abord si, comme je le pense, il est évident que c'est, en partie du moins, à la révolution de 1830 que nous devons l'état calamiteux des Flandres dans ce moment, il me paraît que le gouvernement, par esprit de justice, doit venir au secours des Flandres.

On vous a parlé, messieurs, des polders, et on vous a dit :

« Qu'avez-vous fait pour les poldres ? » Eh bien, messieurs vous avez rendigué les poldres ; vous avez rétabli les poldres dans leur condition première. Nous vous demandons à notre tour que vous replaciez les Flandres dans leur condition première. Vous avez replacé les poldres dans leur condition première sans aucune participation des propriétaires. Ici, au contraire, les propriétés intéressées interviendront dans la dépense jusqu'à concurrence d'un quart, et en outre pour un travail qui sera d'intérêt général, tandis que le rendiguement des poldres ne pouvait être considéré que comme étant d'intérêt privé, les propriétés resteront à perpétuité chargées des frais d'entretien et de conservation.

En outre messieurs, la révolution de 1830, fait peser de nouveau sur les Flandres la plus dure et la plus vexatoire des servitudes. Elle nous place, pour l'écoulement de nos eaux, dans la dépendance absolue de la Hollande ; à la première mésintelligence qui surviendra entre les deux pays, cet état de choses peut causer aux Flandres les plus grandes pertes et en même temps au pays les plus grands embarras.

Je vous prie, messieurs, de ne pas perdre de vue (et l'histoire est là pour attester ce fait) que de tout temps les Hollandais ont attaché la plus haute importance à se trouver en possession des écluses, que de tout temps, dans leurs querelles avec les souverains de ce pays, ils se sont fait de ces écluses une arme puissante en faveur de leurs intérêts. Ce qui est arrivé autrefois arrivera encore dans la suite.

Je dis, donc qu'il me paraît d'un intérêt général pour le pays, qu'il est de la plus haute importance pour la Belgique, de soustraire enfin les Flandres à cette servitude qui pèse sur elles, servitude qui est contraire à l'indépendance, à la dignité et aux intérêts généraux du pays.

Permettez-moi, messieurs, de vous citer à ce propos un passage du rapport qui vous a été présenté en 1837 par l'honorable M. Nothomb, alors ministre des travaux publics, et dans lequel cette question se trouve traitée.

Voici ce que dit M. Nothomb dans son rapport :

« L'expérience n'atteste que trop combien une servitude de ce genre est dure, non seulement pour les localités qu'elle atteint immédiatement, mais pour le pays en général. Car, qu'on y fasse bien attention, le pays ne peut consentir à ce que certaines portions du territoire soient victimes de désastres tels que les inondations, surtout lorsqu'ils tiennent à une cause politique. Sous ce rapport, il y a solidarité entre toutes les provinces. Les désastres advenant, les chambres seront amenées par une force irrésistible à y mettre un terme, fût-ce au prix des plus grands sacrifices. Ce n'est là ni une théorie, ni une supposition. Un fait récent, et dont le souvenir restera longtemps dans nos esprits, prouve que telle est la marche inévitable des choses. Les Hollandais, au moyen des forts qu'ils occupent sur les rives de l'Escaut, avaient le pouvoir de s'opposer au réendiguement du poldre de Lillo, d'y maintenir indéfiniment les eaux, de perpétuer la possibilité ou le danger d'inondation pour les poldres environnants. Pour sortir de cette situation, nous avons négocié avec la Hollande, nous lui avons fait des concessions qui auraient arrêté quelques-uns d'entre nous, et qui nous ont tous douloureusement affectés : nous avons consenti à la démolition d'un fort ; nous avons permis, à la garnison de Lillo de communiquer par notre territoire avec le Brabant septentrional ; nous avons affecté aux travaux de réendiguement une somme de deux millions (la moitié de ce que doit coûter le canal de Zelzaete). Ce qui est arrivé dans les environs de Lillo peut se reproduire dans les Flandres. Si les Hollandais usaient du pouvoir qu'ils ont d'y pratiquer des inondations, nous pourrions nous voir contraints de leur faire des concessions bien regrettables et à dépenser beaucoup d'argent pour n'obtenir qu'un soulagement précaire et momentané. Il ne peut donc être indifférent aux localités, même les plus éloignées des Flandres, que les terres basses de ces deux provinces sortent de la sujétion de la Hollande par un écoulement direct à la mer.

« La frontière des Flandres, l'un des points sur lesquels le pays est le plus vulnérable, doit, dans l'intérêt de la généralité autant que, dans le sien propre, être à l'abri de sinistres éventualités, Il est de notre devoir, en un mot, puisque nous en avons les moyens d'améliorer la position que la politique nous a faite. De ce point de vue, la question s'agrandit. »

Vous voyez que même considérée uniquement sous ce point de vue, sous le point de vue de l'indépendance et de la dignité nationale, M. le ministre des travaux publics en 1837 était d'avis qu'une dépense de 4 millions n'était pas une dépense trop forte pour soustraire le pays à la sujétion dans laquelle il se trouve vis-à-vis de la Hollande. Et politiquement parlant, messieurs, je crois que M. le ministre des travaux publics avait parfaitement raison, et que dans d'autres circonstances vous seriez obligés, indépendamment peut-être de sacrifices politiques, de faire souvent des dépenses de 3 et 4 millions pour n'obtenir qu'un avantage précaire, qu'un avantage simplement momentané.

Messieurs, je ne sais pas s'il faut dire encore quelque chose du canal de Zelzaete, relativement à l'intérêt qu'il présente pour la navigation.

Tout le monde sait que nous avons une magnifique ligne de navigation qui s'étend depuis l'Escaut à Gand jusqu'à la frontière française (Dunkerque). Nous avons des canaux de navigation, de Gand à Bruges, de Bruges à Ostende, à Nieuport, à Furnes et enfin à Dunkerque. Cette ligne de navigation, messieurs, intéresse incontestablement tout le pays ; c'est en quelque sorte la continuation de l'Escaut dans l'intérieur du pays. Le commerce du Brabant, le commerce du Hainaut, le commerce des Flandres sont éminemment intéressés à la conservation de cette ligne en bon état de navigabilité.

Je vous le demande, messieurs, croyez-vous que ce soit dans l'intérêt privé de quelques propriétaires du nord de Bruges ou bien dans l'intérêt de la navigation, dans l’intérêt du commerce et de l'industrie, que la chambre de commerce de Mons vous a présenté une pétition dans laquelle elle insiste vivement pour la construction du canal de Zelzaete ? N'est-ce pas évidemment parce que la chambre de commerce de Mons a compris que l'écoulement des eaux qui doit se faire aujourd'hui par le canal de Bruges porte le plus grand préjudice à la navigation charbonnière qui se fait par le canal d'Ostende vers Dunkerque et plusieurs parties de la Flandre ?

Un honorable député de Bruges vous a dit hier, messieurs, qu'à une certaine époque il y avait eu jusqu'à 80 bateaux qui attendaient dans le canal de Gand et dans le canal de Bruges que l'on pût mettre les eaux à la hauteur nécessaire pour rendre ces canaux navigables. Eh bien, messieurs, c'est là un fait qui se présente malheureusement assez souvent ; à chaque instant, 50, 80, 100 navires sont obligés d'attendre dans les canaux dont il s'agit jusqu'à ce que les eaux puissent être mises à la cote navigable. C'est pour cela que la chambre de commerce de Mons a compris que l'intérêt bien entendu, bien apprécié du commerce et de l'industrie du Hainaut, exige la construction du canal de Zelzaete, puisque par cette construction l'on pourra rendre à cette ligne de canaux sa valeur première, sa valeur normale, et affranchir ainsi la navigation de toutes les entraves auxquelles elle est aujourd'hui assujettie.

Messieurs, la conservation du port d'Ostende n'est-elle pas encore d'un intérêt général ? Or, n'est-il pas prouvé pour tout le monde que le chenal de ce port ne peut se conserver qu'au moyen des chasses ? l'absence prolongée de chasses lui ferait infailliblement perdre sa profondeur.

Vous savez que les chasses ne se font régulièrement que pendant les vives eaux, et pour effectuer les chasses, il faut préalablement faire une retenue des eaux ; et ce n'est encore que pendant les vives eaux qu'on peut écouler efficacement les eaux du nord de Bruges. Il en résulte que pour l'écoulement des eaux le canal doit être baissé précisément à l'époque où il faudrait faire les chasses ; et que dès lors les chasses ne peuvent pas avoir lieu. A défaut de chasses le chenal du port s'envase, et bientôt vous seriez obligés de faire des dépenses extraordinaires pour remettre le chenal du port d'Ostende dans l'état où vous pourriez le conserver sans frais au moyen de chasses régulières et souvent répétées.

Vous voyez qu'une foule de motifs se réunissent pour faire décider que le canal de Zelzaete est non pas d'intérêt local, non pas d'intérêt provincial, mais d'un intérêt véritablement général. Il est dans l'intérêt de la dignité et de l'indépendance du pays, il est dans l'intérêt de la conservation du port d'Ostende, il tend à rendre à la ligne de navigation de l'Escaut à Gand jusqu'à Dunkerque sa valeur normale, sa valeur première. Voilà sans doute tous des motifs d'intérêt général de premier ordre. Dès lors je ne comprends pas qu'on puisse soutenir que la construction d'un canal, qui doit produire tous ces résultats, n'a pas un caractère d'intérêt public et général.

Maintenant examinons brièvement l'amendement qui vous a été soumis par l'honorable M. Cogels :

« J'ai l'honneur de proposer à la chambre de porter à 860,000 fr. la somme de 550,000 fr. fixée comme subside à accorder à la province de la Flandre occidentale par l'amendement de MM. Fleussu et Osy. »

Vous voyez, messieurs, que M. Cogels propose d'accorder à la Flandre occidentale un subside de 860,000 fr. Si vous voulez accorder un subside à la Flandre occidentale, c'est évidemment parce que vous considérez ce canal comme devant être construit essentiellement dans l'intérêt de cette province. Eh bien, messieurs, s'il ne s'agissait que de faire un canal dans l'intérêt de la province, j'accepterais avec plaisir le subside qui m'est offert par l'honorable M. Cogels, car ce subside indemniserait la Flandre occidentale de tous les frais quelconques de la construction d'un pareil canal. Si le canal ne devait être fait que dans l'intérêt privé de la Flandre occidentale, dans le seul intérêt de l'écoulement de ses eaux, le canal ne devrait pas être construit sur d'aussi grandes dimensions. Le gouvernement a fait faire un devis, une estimation exacte des sommes que devrait coûter la construction d'un canal qui ne serait fait que dans le but de procurer aux terres qui forment le bassin du Zwyn et qui sont situées dans la Flandre occidentale l'écoulement de leurs eaux. J'ai cette estimation sous les yeux ; M. le ministre des travaux publics a eu la complaisance de me communiquer cette pièce ; il en résulte que ces travaux ne coûteraient que la somme de 550,000 francs. Ainsi avec une somme d'environ un demi-million la Flandre occidentale pourrait se débarrasser de ses eaux. Mais ce canal ne nous procurerait pas tous les avantages généraux que produira le grand canal fait sur d'autres dimensions.

Dans la supposition que l'on construise un canal qui ne serve pas seulement à l'écoulement des eaux des terres qui forment le bassin du Zwyn et qui sont situées dans la Flandre occidentale, mais qui serve également à l'écoulement des eaux des terres de la Flandre orientale qui font aussi partie de ce bassin, dans ce cas la dépense du canal, d'après les pièces que j'ai sous les yeux, s'élèverait à 825,000 fr.

Ainsi, messieurs, dans la première hypothèse, le canal coûterait 550,000 fr. ; dans la seconde, 825,000 fr.

Maintenant, messieurs, l'honorable M. Cogels propose d'accorder à la Flandre occidentale un subside de 860,000 fr. ; mais si la Flandre occidentale était chargée de l'exécution du canal, évidemment elle ne ferait qu'un canal servant à l'écoulement de ses propres eaux ; évidemment elle ne ferait pas à ses frais un canal d'intérêt général. Eh bien, dans la première des hypothèses que j'ai posées, le canal ne devrait coûter que 550,000 fr., dans la seconde de ces hypothèses il ne devrait coûter que 825,000 fr. Ainsi tout l'intérêt provincial de la Flandre occidentale, autant qu’il est appréciable en argent, se trouve représenté par une somme de 550,000 francs. Or, l'état de choses auquel il s'agit de porter remède est en grande partie le résultat des événements de 1830 et dès lors il faudrait au moins que le gouvernement intervînt au moyen d'un subside considérable dans cette dépense de 550,000 fr., puisque vous voulez réparer les désastres de la révolution et qu'il s'agit incontestablement ici d'un de ces grands désastres. Eh bien d'après le projet du gouvernement, la Flandre occidentale interviendra dans la dépense de la première partie du canal pour une somme de 300,000 fr. ; et après l'achèvement entier, elle sera en outre chargée à perpétuité, avec la Flandre orientale, de tous les frais d'administration et d'entretien ordinaire. D'après la proposition de l'honorable M. Cogels, et je vous prie de bien faire attention à ceci, il serait accordé un subside de 860,000 fr. à la Flandre occidentale, à la condition par elle de suppléer une autre somme de 860,000 francs, puisque le canal doit coûter, d'après le devis, 1,720,000 francs. Et cependant tout l'intérêt appréciable à prix d'argent que la Flandre occidentale a dans la construction du canal se réduit à une somme de 550,000 fr.

Je vais plus loin ; d'après les pièces que vous avez sous les yeux, le canal, tel qu'il suffirait de le construire dans l'intérêt de la province, ne devrait coûter que 4,500 fr. d'entretien annuel. Or, quand le canal sera construit d'après le projet du gouvernement, la part de la Flandre occidentale dans l'entretien ordinaire est évaluée à une somme beaucoup plus forte.

Voilà donc le cadeau que l'honorable M. Cogels ferait à la Flandre occidentale ; d'abord, elle peut suffire à tous ses besoins au moyen d'une somme de 550,000 francs, et M. Cogels lui imposerait pour sa part dans la construction du canal une somme de plus de 860,000 francs ; la Flandre occidentale n'a besoin que d'un canal dont l'entretien annuel ne dépasserait pas 4,500 francs, et l'amendement lui imposera des frais d'entretien beaucoup plus considérables. Je ne crois pas avoir besoin de dire, messieurs, que la Flandre occidentale n'accepterait pas un semblable bienfait ; elle remercierait l'honorable député d'Anvers de ses intentions généreuses.

Evidemment, messieurs, si le gouvernement ne voulait intervenir pour rien ou seulement pour une part minime dans la construction du canal, la meilleure chose que peut faire la Flandre occidentale, ce serait de construire un canal sur une petite dimension. Mais dès lors, messieurs, ce sera un principe que vous aurez posé.

Si ce principe est admis pour la Flandre occidentale, il devra l'être à l'avenir pour toutes les autres parties du royaume ; car la chambre ne peut avoir qu'un poids et qu'une mesure.

Je prie encore la chambre de remarquer qu'il y aurait une injustice flagrante à mettre cette somme de 550,000 francs à la charge de la province de la Flandre occidentale. Puisque vous avez largement indemnisé la province d'Anvers des désastres de la révolution de 1830, il faut aussi que l'on répare, au moins en partie, ces désastres à l'égard de la Flandre occidentale.

Messieurs, je crois avoir suffisamment prouvé que la nécessité de la construction du canal de Zelzaete est due en grande partie aux événements de la révolution de 1830 ; que cette construction est d'intérêt général, et que dès lors le gouvernement traite déjà assez durement les propriétaires du bassin du Zwyn, en les obligeant d'intervenir dans les frais de première construction jusqu'à concurrence du quart de la dépense totale, et en leur imposant, en outre, à perpétuité, à dater de l'achèvement du canal, l'entretien ordinaire et les frais d'administration de ce canal. .

Je crois avoir prouvé également que l'amendement de l'honorable M. Cogels n'est pas admissible ; que cet amendement, dans l'état des choses, n'est pas même discutable.

(Moniteur belge n°114, du 24 avril 1842) M. Angillis.- Messieurs, en entrant pour un moment dans la discussion, je trouve cet avantage que mon esprit est pleinement dégagé de toute préoccupation. Je n'ai aucun intérêt personnel dans la construction de ce canal. Et si en ce moment je viens soutenir, appuyer un projet de loi qui a pour but la conservation d'une masse de propriétés dans les deux Flandres, c'est que ce projet me paraît juste et équitable, et j'en ferai de même à chaque occasion pour toutes les provinces et toutes les localités du pays, lorsque les demandes me paraîtront également justes et équitables. Je dis que je n'ai aucun intérêt personnel ; mais j'y vois quelque chose de plus élevé que l'intérêt personnel, savoir ; l'intérêt d'une contrée assez considérable et en second lieu public. Je dis l'intérêt public, parce que l'intérêt public se compose essentiellement de tous les grands intérêts particuliers ; il est difficile, pour ne pas dire impossible, de poser une ligne de démarcation entre l'intérêt de deux provinces qui, sous tous les rapports, ne sont pas les moins importantes du royaume et l'intérêt que l'on appelle l'intérêt public. En effet, lorsqu'il s'agit de l'intérêt de deux provinces qui forment le tiers du royaume, un intérêt aussi éminent me paraît inséparable de l'intérêt général, qui n'est autre chose que la représentation de tous les intérêts particuliers.

On nie cet intérêt, on le conteste vivement, et même il a été facile d'apercevoir que l'intérêt de localité n'était pas tout à fait étranger dans cette opposition.

Eh bien, messieurs, l'extrait du rapport qui nous a été communiqué de M. Vifquain et qui serait la meilleure justification du projet prouve cet intérêt général en ces termes : (L'orateur donne lecture de cette partie du rapport.)

Voilà donc, selon moi, l'intérêt général bien établi.

Cet intérêt public n'existât-il point, on ne serait pas moins en droit de réclamer le concours de l'Etat pour préserver nos propriétés de toutes grandes catastrophes. Ce concours est un devoir de l'association politique, c'est en partie pour cette,fin que les impôts publics sont établis.

Les devoirs du gouvernement, qui représente l'association politique, ne sont pas seulement de maintenir le bon ordre et la tranquillité à l'intérieur et l'indépendance nationale à l'extérieur, mais encore par des mesures de prévoyance administrative pour préserver toutes les propriétés situées dans le territoire d'un Etat, de l'envahissement des eaux. De là les dunes artificielles, les digues et les nombreux ouvrages hydrauliques que chaque Etat élève, pour la conservation des propriétés, et puisque tous les biens d'un Etat sont soumis à des impôts qui, lorsqu'ils sont bien établis, sont proportionnés aux besoins publics, toutes les propriétés ont un droit égal à la protection de la puissance suprême, qui est la réunion de tous les pouvoirs de l'Etat.

La question réduite à sa véritable valeur, me paraît si simple, que je ne conçois pas bien comment elle a pu donner lieu à une si longue discussion ; mais en la plaçant dans toutes les positions, en l’examinant sous toutes ses formes, l’abus des mots a amené la confusion dans les idées et la question a été singulièrement embrouillée.

Je dois donc répéter ce qui a été dit tant de fois, savoir : que l'on ne demande aucune faveur, qu'il ne s'agit pas d'améliorer nos propriétés, mais seulement de les préserver de l'envahissement des eaux, ou plutôt de nous restituer les moyens que nous possédions avant la révolution d'évacuer, de faire écouler nos eaux. C'est-à-dire, et rien de plus, de nous replacer dans notre ancienne position. A cette demande on répond et on soutient que non seulement notre position n'est pas aggravée, mais que depuis la révolution elle est beaucoup améliorée.

Messieurs, lorsqu'on parle d'une grande localité que l'on ne connaît que par l'examen de quelques cartes, on doit se défier de ce qu'on croit entendre trop aisément, aussi bien que de choses que l'on ne connaît pas.

Pour ne pas prolonger la discussion, je citerai, pour toute réponse, encore une partie du rapport de M. Vifquain. (L'orateur donne lecture de cette partie du rapport et continue.) Voilà donc, messieurs, le véritable état des choses, et pour soutenir le contraire, il faudrait d'autres preuves que de simples suppositions, car, et vous le savez, on ne détruit pas les preuves qui résultent d'un rapport d'un homme spécial, d'un homme de l’art, qui a étudié la question sur les lieux mêmes, il faut d'autres preuves que des raisonnements qui ne reposent que sur des suppositions.

Au commencement de la discussion on a parlé de notre position financière, position qui ne nous permet pas de faire de nouvelles dépenses. Sans doute, messieurs, notre position financière n'est pas brillante, mais je dois vous faire remarquer que nous ne sommes pas encore arrivés à la fin de nos dépenses extraordinaires. Nous avons cela de commun avec tous les Etats constitutionnels de l'Europe. Voici comment un célèbre statisticien allemand, M. le baron Malchus, s'exprime : « Et dans tous ces Etats, les frais sont plus considérables que dans les pays des monarchies absolues, et cependant les peuples des monarchies constitutionnelles européens sont généralement dans une situation bien plus prospère que ceux des monarchies absolues, et la cause en est que de meilleures lois, et par suite une activité industrieuse assurent une évidente supériorité, sous tous les rapports, aux monarchies constitutionnelles. Les chiffres prouvent ce que la raison avait déjà fait pressentir. Les monarchies constitutionnelles subviennent à de grandes dépenses ; elles ont à pourvoir au service d'une dette énorme, mais ces dépenses et cette dette elle-même, devenant un moyen d'accélération pour la circulation et l'accroissement des capitaux qu'elles fécondent toutes les fois qu'ils sont remués, ces Etats n'ont fait que s'élever en grandeur, en richesse et en puissance. »

Je dis aussi, messieurs, que notre état financier n'est pas brillant, mais il est moins mauvais que celui de la France. Ce pays, avec ses immenses ressources, aurait besoin d'employer plus de cinq années de ses revenus pour éteindre sa dette. La Hollande, le pays le plus riche de l'Europe, ne pourrait pas solder sa dette au moyen de 25 années de ses ressources. L'Angleterre est chargée d'une dette plus considérable encore. Les Etats-Unis d'Amérique, l'Union, il est vrai, n'a plus de dette publique, mais les administrations des comtés, des provinces, sont tellement chargées de dettes, que quelques-unes d'entre elles ne sont pas très éloignées d'une banqueroute. Vous voyez, messieurs, que notre situation, comparée à celles des autres pays constitutionnels, n'a rien d'alarmant. D'ailleurs, les capitaux employés pour des travaux publics, ne sont pas des capitaux perdus.

Quant aux amendements qui ont été proposés, je ne puis les admettre, et je considérerai l'adoption de ces amendements comme le rejet de la loi, et si ces amendements sont adoptés, je voterai contre le projet.

Messieurs, avant de finir, je dois vous faire observer qu'il s'agit ici d'un acte de justice, or vous savez que la justice est la première dette de la société, j'espère donc que la chambre ne reculera pas devant un acte de justice.

(Moniteur belge n°115, du 25 avril 1842) M. Cogels - Messieurs, l'honorable M. Verhaegen et M. de Muelenaere m'ont reproché d'avoir voulu, par une voie déguisée, amener le rejet de la loi. Telle n'a pas été mon intention. Je ne suis pas habitué à procéder par voie détournée, par voie indirecte. Si j'avais été complètement contraire à la construction du canal de Zelzaete ou de Damme, je m'en serais expliqué formellement.

L'honorable M. Verhaegen m'a dit que, par mon amendement, je voulais faire aux provinces des Flandres une condition plus défavorable que le projet qui avait été amendé par le sénat, en ce que par le projet actuel les Flandres resteraient chargées de la totalité de l'entretien, tandis que, dans le projet amendé par le sénat, les frais de cet entretien étaient partagés entre la province et l'Etat. Cette question avait été laissée intacte. L'adoption de mon amendement devait nécessairement amener dans la loi d'autres amendements, puisqu'il changeait complètement les dispositions de la loi. Le but principal que je me suis proposé est de ne pas décréter dès à présent la construction totale du canal de Zelzaete.

M. Verhaegen a dit qu'il y avait indivisibilité, que cette construction totale était décrétée explicitement par le projet du gouvernement, et implicitement par mon amendement, puisque je voulais mettre le gouvernement à même de construire la section de Damme à la mer dans des dimensions nécessaires pour qu'il pût servir de tête au grand canal. Cette indivisibilité, je ne la reconnais pas, M. de Muelenaere ne la reconnaît pas, M. l'ingénieur ne la reconnaît pas non plus. Pour la construction du canal de Damme à la mer, il peut y avoir une espèce d'urgence ; mais pour la section de Zelzaete à Damme, il n'y a pas la même urgence.

Ceci est reconnu et par les ingénieurs et par la plupart des orateurs qui ont pris part à la discussion. Pourquoi, dès lors, nous occuper de discuter la section de Zelzaete à Damme ? Attendons que nous ayons pu l'approfondir. La section de Damme à la mer est approfondie ; celle de Zelzaete ne l'est pas ; nous ne savons à quels sacrifices cela nous conduirait. En décrétant maintenant la section de Zelzaete, nous ne pourrons plus refuser les fonds quand on viendra nous les demander.

Une antre considération résultant des documents mis sous nos yeux, c'est que la position des propriétaires de la Flandre Orientale n'est pas la même que celle des propriétaires de la Flandre occidentale : les propriétaires de la Flandre orientale sont en position de recueillir du canal dont il s'agit de plus grands avantages que les propriétaires de la Flandre occidentale.

L'honorable M. Verhaegen nous a dit qu'en faisant notre proposition, nous voulions revenir à une question d'ajournement, que cette question avait été décidée par la chambre et que nous devions la respecter. Personne plus que nous ne respecte la décision de la chambre. Obligé que j'ai été de m'absenter un moment de la chambre, je n'ai pas voté sur la proposition d'ajournement. Mais, messieurs Osy et Fleussu, auteurs de l'amendement que j'ai sous-amendé ont voté contre cette proposition. Ainsi ils n'ont pas voulu reproduire un ajournement contre lequel ils ont voté.

M. de Muelenaere dit qu'il s'agit seulement de replacer les propriétaires des Flandres dans leur condition première. Ceci n'est pas exact. Quelle était leur position sous le gouvernement autrichien. Précisément celle qui leur est rendue par le traité des 24 articles. On veut les placer dans une position meilleure. Dès lors il est juste qu'ils contribuent pour une forte part aux frais de cette amélioration. Mais c'est uniquement aux frais des poldres ; le gouvernement n'y intervient pour rien. Cette construction n'a pas été faite dans l'intérêt des poldres, mais dans l'intérêt général.

Ce qui m'a frappé le plus dans les observations de M. de Muelenaere, et je vous avoue que ceci me ferait peut-être consentir à modifier mon amendement, c'est que la Flandre occidentale aurait plus d’avantages à faire un canal pour ses eaux qu'à en construire un qui puisse servir un jour de tête au grand canal, dans le cas où on en reconnaîtrait la nécessité. Ce que j'ai voulu, c'est qu'on ne vînt pas un jour nous opposer la force de chose jugée pour nous entraîner au-delà que nous ne voudrions aller. Il n'y a pas d'urgence pour la section de Zelzaete à Damme. C'est une chose reconnue par le ministre.

Avec le projet qui nous est proposé, il n'y a rien d'évalué. On nous demande dé décréter tout le canal et de donner 550,000 fr. ; mais on ne sait pas ou cela nous conduira.

Je n'ai jamais dit que le canal dot être une dépense purement provinciale. J'ai reconnu que c'était un intérêt mixte ; M. de Muelenaere a dit que si l’amendement était adopté, la province pourrait construire un canal de petite dimension ; Je ferai observer que j'entendais qu'en accordant le subside, le gouvernement ferait un cahier des charges auquel on serait oblige de se conformer, faute de quoi le subside serait retiré.

Je crois avoir répondu aux observations faites ; je laisse à la chambre à juger s’il lui convient ou non d adopter mon amendement.

(Moniteur belge n°114, du 24 avril 1842) M. le président. - M. d’Hoffschmidt propose de substituer le mot Damme au mot Zelzaete dans l'art 1er du projet du gouvernement.

M. d’Hoffschmidt. - Le canal projeté pour l'écoulement des eaux des Flandres se divise en deux grandes sections principales, savoir : la section de Damme à la mer, et la section de Damme à Zelzaete. Ainsi qu'un honorable préopinant vient de le dire, il n'y a urgence que pour la section de Damme à la mer, et l'on ne conteste pas qu'il n'existe pas la moindre urgence, quant à la section de Zelzaete à Damme. Or, je conçois parfaitement que nous nous occupions de la section pour laquelle il y a urgence.

Mais je ne conçois pas pourquoi dès maintenant nous irions décider en principe la construction d'une partie de ce canal pour laquelle il n'y a pas la moindre urgence. Mon but en présentant mon amendement est de concilier les termes du projet de loi voté en 1836 par la chambre avec le système proposé par le gouvernement dans le dernier projet qu'il vous a soumis. Ainsi dans le projet présenté par le gouvernement en 1836, il n'a été question que de la section nécessaire pour l'écoulement des eaux des Flandres entre Damme et la mer. Mais dans ce projet, toute la dépense à faire était à la charge du gouvernement. Le sénat modifia le projet et par suite de cette modification il fut retiré par le gouvernement.

Maintenant un terme moyen a été présenté par M. Lejeune, terme moyen auquel s'est rallié le ministre des travaux publics, et qui consiste à faire payer les trois quarts de la dépense par le gouvernement et un quart par les propriétaires intéressés et à mettre l'entretien à la charge de la province.

Je voudrais donc par mon amendement adopter ce principe pour la dépense, sans nous occuper maintenant de la question en ce qui concerne la partie de Zelzaete à Damme.

La principale objection qu'on fait à cette proposition, c'est qu'il faut nécessairement décider maintenant que toute la ligne du canal sera construite, parce qu'on doit donner une plus grande dimension à la partie entre Damme et la mer, si on décide la construction de toute la ligne, que si on ne décide que la construction du canal entre Damme et la mer.

Mais, messieurs, je ne vois pas que cela entraîne cette nécessité. Je pense que maintenant en ne nous occupant que de la section de Damme à la mer, nous pouvons facilement décider que dans l'éventualité, très probable, du reste, que ce canal sera prolongé jusqu'à Zelzaete, les dimensions,de la partie dont nous nous occupons seront construites en conséquence, c'est-à-dire que ce canal sera construit sur une dimension telle qu'il coûtera, d'après l'évaluation faite, 1,720,000 fr. D'après cela, la quote-part qui incomberait à l'Etat et qui serait des trois-quarts, s'élèverait à peu près à 1,300,000 francs ; le reste serait à la charge des propriétés intéressées.

L’honorable M. Verhaegen nous a demandé tout à l'heure pourquoi l'on ne voulait pas décider la question de suite, quant à toute la longueur du canal. Je réponds qu'il y a plusieurs motifs sérieux pour ne pas le faire : d'abord il n'est pas nécessaire d'engager l'Etat d'avance, sans nécessité absolue, parce qu'il est possible que dans l'avenir le gouvernement change d'avis, et que les circonstances peuvent être telles que nous soyons amenés à modifier notre opinion. Or, il est toujours fâcheux de placer le pouvoir législatif dans la position de devoir revenir sur une première décision. Jusqu'à présent on ne dit pas à quelle époque le canal de Zelzaete à Damme sera construit.

Le système du projet de loi est que l'Etat payera les trois quarts, que les propriétés intéressées paieront un quart, et que l'entretien sera à la charge de la province. Il est possible que quand nous aurons examiné soigneusement le travail de M. l'inspecteur Vifquain, ainsi que les questions qui se rattachent aux travaux publics en Belgique et la manière de faire face aux dépenses qu'ils nécessitent, on trouve un système beaucoup meilleur que celui du projet de loi. Et cependant si le projet du gouvernement est adopté, nous serons liés relativement au canal de Zelzaete.

Le travail de M. Vifquain, si je ne me trompe d'après le coup d'œil que j'y ai jeté, tend à mettre la construction de nos voies navigables à la charge de l'excédant du produit des revenus des canaux. Il est possible que, dans quelques années, ce système soit adopté, et alors on pourrait mettre l'exécution du canal de Zelzaete à la charge de l'excédant du produit des canaux. Il est possible aussi qu'on trouve que l'intervention d'une compagnie serait utile pour la construction de ce canal. Voilà toutes questions qu'il est difficile de traiter maintenant et que nous préjugeons, en adoptant le projet du gouvernement. Nous ne devons pas ainsi, messieurs, bénévolement renoncer aux renseignements qui nous seront donnés, à l'examen des rapports qui nous seront soumis. Bornons-nous dans le projet actuel à la section de Damme à la mer, et déjà le sacrifice à faire par l'État sera assez considérable. Je crois même qu'en réduisant le projet à ces termes, cela devrait satisfaire entièrement messieurs les députés des Flandres. Je serais, en effet, fort surpris qu'ils n'en fussent pas satisfaits, puisqu'en 1836 le projet présenté par le gouvernement ne s'occupait que de cette section. Cependant dans le ministère de cette époque se trouvait l'honorable M. de Muelenaere, député des Flandres.

La commission qui a examiné le projet a dit aussi qu'on devait se borner à cette section, et à la tête de la commission se trouvait M. Devaux, député des Flandres. Enfin le projet de loi de 1836 a été voté par tous les députés des Flandres, et se bornait à décréter la section de Damme à la mer.

Ainsi, messieurs, je demande qu'on se borne à cette dernière section, et qu'on laisse l'autre en suspens. Qu'on veuille bien remarquer que nous ne demandons pas que la section de Zelzaete à Damme ne soit jamais construite. Il s'en faut de beaucoup. Nous ne décidons rien à cet égard. L'examen de cette question trouvera naturellement sa place quand on s'occupera du projet concernant toutes les voies navigables du pays.

Je bornerai là, messieurs, mes développements ; si l'on admet l'amendement que j'ai l'honneur de proposer, j'indiquerai ensuite les changements qui devront être faits aux articles suivants, comme conséquence de son adoption.

M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Quoi qu'en dise l'honorable M. Cogels, son amendement et le chiffre lui-même de son amendement impliquent la décision dès à présent de la construction du canal entier de Zelzaete à la mer. Car qu'a fait l'honorable M. Cogels pour établir son chiffre ? Il vous a dit : La section de Damme à la mer doit coûter d'après le devis estimatif 1,720,000 fr. Je prends la moitié de ce chiffre et j'en fais l'objet du subside que je propose d'accorder, c'est-à-dire, 860,000 fr. Or, messieurs, la somme de 1,720,000 fr. est celle nécessaire pour construire la section du canal de Damme à la mer dans les dimensions nécessaires pour qu'elle puisse faire suite à l'autre section de Zelzaete à Damme. Ainsi vous voyez qu'implicitement l'amendement de l'honorable M. Cogels décide la construction du canal entier de Zelzaete à la mer. Qu'ont demandé M. Lejeune, la section centrale et le ministère ? Le principe que M. Cogels pose implicitement, ils ont demandé qu'on le pose explicitement. Et si vous ne le dites pas explicitement, comment pourrez-vous régler le concours des divers terrains des bassins intéressés ? Cependant il est avantageux pour le trésor que cela soit établi dès à présent ; car plus tard, quand vous aurez construit la section de Damme à la mer, dans les dimensions voulues pour un canal de Zelzaete à la mer, on vous forcera la main parce que vous ne pourrez plus faire autrement que de l'exécuter, quand le moment sera venu, si vous voulez ne pas avoir fait des dépenses considérables en pure perte, et alors vous n'obtiendrez certainement pas les conditions que vous obtiendriez maintenant.

De même l'honorable M. d'Hoffschmidt (et il a en quelque sorte soin de s'expliquer lui-même), pose implicitement le principe de la construction entière du canal de Zelzaete à la mer. Il vous a dit que c'était une éventualité très probable, que, par conséquent, il faudrait accorder la somme nécessaire pour construire le canal de Damme à la mer, de la dimension nécessaire pour qu'il fasse partie du canal de Zelzaete à la mer. Eh bien, messieurs, je crois que vous penserez avec M. Lejeune, la section centrale et moi que lorsque la législature doit poser un principe, elle doit plutôt le poser explicitement qu'implicitement ; car il importe avant tout d'attacher aux lois un véritable caractère de franchise.

M. Delehaye**.** - L'honorable auteur du dernier amendement propose d'accorder une somme pour l'écoulement des eaux des Flandres. Mais l'inspection seule de la carte prouve qu'un canal de Damme à la mer ne peut servir qu'à l'écoulement des eaux de la Flandre occidentale. Ceux qui connaissent les localités ne concevront pas que le canal de Damme à la mer puisse servir à l'écoulement des eaux de la Flandre orientale. Si l'honorable membre avait dit que ce canal devait recevoir les eaux de la Flandre occidentale, j'aurais compris son amendement ; si en même temps il avait proposé d'autres moyens d'écoulement, peut-être y aurais-je donné mon assentiment. Mais que le canal de Damme à la mer serve à l'écoulement des eaux des deux Flandres, c'est ce que je ne conçois sous aucun rapport. Pour peu qu'on connaisse les localités, il est impossible d'admettre cet amendement. Remarquez, messieurs, que le canal proposé par M. d'Hoffschmidt ne se lie avec aucun des canaux de la Flandre orientale.

En 1836, on ne s'est effectivement occupé que du canal de Damme. Mais quelle était à cette époque la position de la Belgique ? Nous avions à Gand le canal de Terneuzen qui (plusieurs personnes le croyaient) pouvait répondre à la double destination des besoins de la navigation et de ceux de l'écoulement des caux. L'expérience a prouvé que c'était impossible.

Avant la révolution, Gand avait un débouché considérable par le canal du Sas. A cette époque on voulait que Gand qui était déjà le Manchester des Pays-Bas et où la fabrication avait pris un grand développement, fût en contact direct avec la mer.

On a voulu qu'à Gand on pût se procurer, sans frais et promptement, la matière première, les objets de première nécessité pour nos fabriques. On s'est donc imaginé qu'il fallait construire un canal qui fît de Gand un véritable port de mer, et, pour me servir des expressions de cette époque, on voulait que Gand, le Manchester des Pays-Bas, devînt aussi son Liverpool. On voulait enfin établir une rivalité entre Gand et Anvers.

Le canal de Terneuzen fut construit par des concessionnaires. Mais à peine fut-il achevé, à peine un navire de haut bord entra-t-il à Gand par ce canal, que bientôt on s'aperçut que la première destination du canal d'écoulement était entièrement perdue. Si mes souvenirs ne me trompent, lorsque le roi Guillaume vint faire son entrée à Gand par le canal de Terneuzen, il a fallu inonder une partie des propriétés riveraines pour que le navire qui portait le monarque pût rentrer. Alors on a senti la faute qui avait été commise. Le syndicat s'est empressé de reprendre le canal et à cette époque (j'invoque à ce sujet le souvenir de mes collègues des deux Flandres) il était déjà question de construire aux frais du trésor un canal latéral au canal de Terneuzen, pour l'écoulement des eaux des Flandres, canal qui devait nous rendre les services que nous rendaient anciennement le canal du Sas-de-Gand, qui, par le chenal du Sas, se dirigeait dans le Brackman. Ce fait est constant, et je suis étonné que jusqu’ici on n’ait pas fait valoir, cet argument.

Messieurs, si vous adoptiez, la proposition de l'honorable M. d'Hoffschmidt, voyez la singulière position que vous feriez à la Flandre orientale. Nous continuerions à payer des frais pour l'écoulement des eaux de la Flandre occidentale, et certes, pour ma part, j'y consentirais volontiers, si, d'un autre côté, on voulait faire les constructions que j’ai indiquées dans une séance précédente, c'est-à-dire le canal de Deynze à Meeren, d'une part, et quelques coupures à l'Escaut, d'autre part, tandis que cependant ce sont les eaux de la Flandre occidentale qui, en partie, sont pour nous des causes d'inondations ; car la Lys, par exemple, est pour nous une grande cause, la cause principale de nos inondations. Nous recevrions donc une grande partie des eaux de la Flandre occidentale, et vous ne permettriez pas que nous évacuassions nous-mêmes nos eaux par le canal de Damme.

Ainsi vous voyez, que si le canal se terminait à Damme, vous donneriez à la Flandre occidentale un écoulement certain pour ses eaux (et je ne fais pas cette observation par opposition contre la province de la Flandre occidentale), alors qu’obligés de recevoir les eaux de cette province, nous nous exposerions a des inondations certaines.

Messieurs, si on a déclaré que la partie du canal de Damme à la mer était la plus urgente, quel en a été le motif ? C'est qu'on a cru qu'en commençant par le canal par Zelzaete, on ferait des travaux absolument inutiles ; qu'il fallait d'abord construire la section de Damme, pour que les eaux pussent arriver à la mer. C'est ce qu'ont cherché les ingénieurs. Ils ont dit : Nous allons commencer par la section la plus rapprochée de la mer, pour que les eaux puissent trouver un débouché ; en attendant que toute la section de la mer à Zelzaete soit achevée.

Il est vrai que depuis quelque temps on a fait l'inverse à l'égard de l'Escaut et de la Lys. On a fait, comme vous l'a dit l'honorable M. Van Hoobrouck, des changements considérables, des coupures en amont de Gand. Les eaux qui nous viennent par la Lys, arrivent à Gand en plus grande abondance et beaucoup plus rapidement. Pourquoi ? parce qu'en changeant le cours de la Lys en amont on a négligé cette rivière en aval de Gand. On en a fait autant pour l'Escaut, ainsi en aval de Gand on n'a rien fait. Si on voulait que les eaux trouvassent un écoulement plus prompt, il fallait commencer par la partie du fleuve rapprochée de la mer ; il fallait commencer par où l'on a fini. Mais on a fait tout le contraire ; de Gand à la mer on n'a apporté aucun changement au cours du fleuve, et de Gand à Tournay et de Gand à Courtrai on a fait des changements notables.

Messieurs, si vous vous contentez de faire le canal de Damme à la mer d'après les dimensions indiquées par MM. Cogels et d'Hoffschmidt, dans la prévision que la section de Zelzaete à Damme ne doive pas se faire, vous feriez des dépenses inutiles.

Car nécessairement, si vous construisez un canal qui ne doit servir qu'à l'écoulement des eaux de la Flandre occidentale, il est inutile que les dépenses soient si considérables.

D'un autre côté, si vous faites maintenant un canal à petites dimensions, et si plus tard vous reconnaissez la nécessité de faire la section de Damme à Zelzaete, la dépense que vous aurez faite sera perdue. Je prie l'honorable M. d'Hoffschmidt de ne pas perdre de vue cette considération. Si vous faites votre canal de Damme à la mer dans la prévision de le faire servir uniquement à l'écoulement des eaux de la Flandre occidentale, il faut le faire à petites dimensions.

M. d’Hoffschmidt. - Il faudrait pour cela rejeter la section de Damme à la mer, et ce n'est pas là ce que je veux.

M. Delehaye. - Eh bien ! si vous faites un canal à grandes dimension et si vos prévisions, qu'il ne faut pas construire la section de Damme à Zelzaete, viennent a se réaliser, il en résultera que vous aurez fait une dépense inutile de plusieurs centaines de mille francs. J'entends l'honorable M. Delfosse me dire : une dépense d'un million.

Mais indépendamment de cette dépense d'un million faite en pure perte, vous imposeriez encore à la Flandre occidentale des dépenses d'entretien très considérables.

Vous voyez donc que la proposition de l'honorable M. d'Hoffschmidt est d'abord injuste, en ce qu'elle laisse le territoire de la Flandre orientale soumis aux inondations que nous avons maintenant. Et indépendamment de cela, elle entraînerait pour le trésor des dépenses dont personne ne profiterait. Car la Flandre occidentale n'a pas besoin d'un canal à grandes dimensions, et elle ne tiendra nullement à se charger d'une dépense d'entretien que vous aurez inutilement rendue beaucoup trop considérable.

M. d’Hoffschmidt. - Messieurs, l'honorable préopinant a constamment raisonné comme si ma proposition avait pour but de rejeter définitivement la construction du canal de Zelzaete à Damme. Mais, messieurs, je n'ai pas dit qu'on dût se borner de toute éternité à la construction de la section entre Damme et la mer. Ce que j'ai voulu, c'est que nous nous occupions seulement de ce qu'il y a urgence d'exécuter, et que nous laissions pour l'avenir à décider la question pour ce qui ne présente aucune urgence.

La différence entre l'honorable préopinant et moi, c'est qu'il veut que nous décidions immédiatement la construction d'une partie qui n'est pas pressée, et que moi je veux ajourner cette décision. En un mot ce que je propose, c'est l'ajournement en ce qui concerne la partie du canal de Zelzaete à Damme, ajournement qui ne porte pas préjudice aux Flandres, puisqu'on a reconnu qu'il n'y avait pas nécessité maintenant, d'exécuter cette section. En effet les rapports qui nous ont été soumis sont conçus dans ce sens ; et la discussion qui dure depuis trois jours est venue le confirmer.

Si cependant nous nous étions trompés, si on nous démontrait qu'il y a également urgence de construire la partie de Zelzaete à Damme, je consentirais volontiers à retirer mon amendement. Car je ne suis pas hostile, je le répète, à la construction dont il s'agit, et je serai toujours prêt à voter les fonds nécessaires pour procurer cet avantage aux Flandres. Mais je ne veux pas le faire, quand il n'y a pas nécessité démontrée.

M. le ministre des travaux publics nous dit : « Vous décidez implicitement la construction de la partie du canal de Damme à Zelzaete. » Mais alors, si nous la décidons, pourquoi devrions-nous la formuler dans la loi ? Je ne vois pas l'obligation de le faire, puisque le sens est le même, d'après M. le ministre.

D'ailleurs le projet du gouvernement, tel qu'il est conçu, est loin d'être lui-même complet. On décide bien la construction de tout le canal, mais on ne dit pas quand il s'exécutera ; on ne dit pas comment seront prélevées les sommes avec lesquelles on l'effectuera. Ainsi le projet lui-même est incomplet, et ne doit pas satisfaire l'honorable M. Delehaye, qui est si pressé (et je conçois cet empressement) d'obtenir la section de Zelzaete à Damme. Je le répète, d'après ce que vous venez de dire, le projet doit vous paraître insuffisant ; en effet l'art. 5 déclare seulement que la première section, entre Damme et la mer, sera exécuté immédiatement, et il ne se prononce nullement quant à l'exécution de l'autre partie, de sorte que cela ne doit pas non plus vous suffire ; car on peut encore en ajourner indéfiniment la construction. Quand on nous demandera des fonds pour faire cette section, nous pourrons dire : le moment n'est pas encore venu. Nous aurons donc décrété un principe et rien de plus. On pourra vous dire chaque année, que l'état financier du pays ne permet pas cette dépense, qu'il n'y a pas nécessité, et vous n'en serez pas plus avancé.

Ainsi je crois qu'il est plus sage d'adopter la rédaction qui avait déjà reçu l'approbation de la chambre en 1836. Alors on n'y avait pas trouvé les inconvénients qu'on paraît vouloir y reconnaître maintenant. Bornons-nous donc à cette partie du projet, et plus tard nous jugerons s'il est utile de voter l'autre partie. Et quant à moi, si l'état de nos finances le permet, je ne me montrerai pas alors plus difficile pour voter les fonds nécessaires à la construction de cette partie, que pour voter ceux que demande l'exécution de la section de Damme à la mer. (La clôture ! la clôture !)

(Moniteur belge n°115, du 25 avril 1842) M. Dubus (aîné). - Messieurs, je n'ai que deux mots à dire. Mon intention n'est pas de répéter les observations que j'ai faites dans la séance précédente. Mon dessein est seulement d'appeler l'attention de la chambre sur une explication qui me paraît désirable relativement à la portée de l'article premier sur lequel nous discutons, en tant qu'on y rattache les autres articles du projet. Cette explication ne sera pas longue à demander, et je crois qu'il faudra aussi peu de temps pour la donner.

Il est question, d'après l'article premier, de décréter la construction du canal de Zelzaete aux frais du trésor public et avec le concours des propriétés intéressées. Dans les articles suivants, on détermine dans quelle proportion les propriétés intéressées devront concourir à la dépense, et sur ce point, il semble, d'après l'art. 2, qu'elles doivent concourir pour un quart. Mais quand on lit plus bas l'art. 6, on voit que les propriétés qui composent le bassin du Zwyn, au lieu de concourir pour un quart, ne concourront que pour un huitième environ, et on ne dit pas qui payera la différence entre le quart et le huitième.

Comparaison faite de ces articles, le projet ne me paraît pas complet et une explication me paraît nécessaire sur la question de savoir s'il est vrai que les propriétés intéressées concourront en effet pour un quart de la dépense réelle.

A cette occasion, je dirai un mot de ce concours des propriétés intéressées ; ce concours, on en a singulièrement exagéré l'importance, afin d'en venir à dire que l'on aurait tort d'exiger en outre le concours de la province. D'après les développements qui ont été données sur ce point, vous croirez sans doute, messieurs, que les propriétaires intéressés vont faire de grands sacrifices ; eh bien, savez-vous quels seraient ces sacrifices, savez-vous quelle serait la somme énorme à laquelle s'élèverait la part contributive des propriétaires intéressés, qui, aux termes de l'art. 6, payeraient une somme de 206,000 fr., au moyen d'annuités réparties sur 25 années ?

Eh bien, cela reviendrait annuellement pour chaque hectare, à 60 centimes ! (Marques d'étonnement.) Je vois, messieurs, qu'on s'étonne de ce que je viens de dire ; eh bien, c'est là un chiffre que j'ai puisé dans le rapport de M. Vifquain ; le calcul de ce que paiera chaque hectare de terre, est établi dans ce rapport en trois lignes, que l'on a jugé à propos de supprimer dans l'extrait du rapport qui a été imprimé pour nous être distribué. Voici, messieurs, ce que je lis dans cet extrait imprimé, à la page 12 :

« Le coût particulier d'un canal d'écoulement, exclusivement consacré à l'évacuation du bassin du Zwyn, aurait coûté 820,000 fr., celui de son entretien serait resté au-dessous d'une dépense annuelle de 4,500 fr. »

Immédiatement après cette phrase, et en trois lignes, M. Vifquain établit le calcul dont je viens de parler, et c'est apparemment pour économiser sur les frais d'impression de l'extrait que l’on a cru ne pas devoir y comprendre ces trois lignes. (Hilarité.) Quoi qu'il en soit, voici ces trois lignes :

« La participation des propriétaires dudit bassin, dont la superficie est d'environ 21,000 hectares, s'élèverait donc à la somme de 206,250 fr., laquelle, remboursée en 25 années par annuités égales, chargerait chaque hectare d'une rente annuelle de 60 centimes durant 25 ans. »

Ce n'est pas tout : MM. les propriétaires ont la faculté de racheter cette rente, et savez-vous quel capital ils devront consacrer à ce rachat ? Huit à neuf francs ! Au moyen d'un capital de 8 fr. par hectare, ils peuvent racheter cette charge énorme que l'on a fait sonner si haut.

Je ferai, à cet égard, une courte observation. De quelles propriétés s'agit-il, messieurs ? Il s'agit, d'après ce que l'on nous a dit, de poldres, de propriétés qui n'ont été données à la culture que par des moyens artificiels, qui ne peuvent obtenir et conserver leur assèchement que par des moyens artificiels. Or, il a toujours été reçu que la dépense nécessaire à la création, à l'entretien et au remplacement de ces moyens artificiels, devait peser sur les propriétaires. Seulement, quand la situation se trouve désastreuse, quand les sacrifices à faire sont trop énormes, qu'ils sont de nature à entraîner la ruine même des propriétaires, alors l'Etat peut accorder un subside.

Si les propriétaires faisaient toute la dépense nécessaire pour rétablir leurs moyens d'écoulement, ils dépenseraient, nous dit-on, 825,000 ; eh bien, si cette somme était convertie en annuités et répartie sur 25 années, les annuités seraient d'environ 2 fr.40 c. par hectare, et si l'on voulait les racheter, il suffirait pour cela de 34 francs environ par hectare.

C'est pour éviter un semblable sacrifice aux propriétaires auxquels il s'agit de conserver la jouissance de leurs terres, que l'on dit menacées dans un avenir plus ou moins prochain, c'est pour cela que l'on veut mettre à la charge de l'Etat les trois quarts d'une dépense qui s'élèvera peut-être à cinq millions de francs, si pas au-delà.

Je ne sais pas, messieurs, si cette observation fera impression sur vous, mais quant à moi, elle me confirme de plus en plus dans la résolution que j'avais prise de voter pour l'amendement, et dans le cas où l'amendement serait écarté, de voter contre le projet.

(Moniteur belge n°114, du 24 avril 1842) M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - L'honorable membre nous a entretenus, messieurs, du mode de paiement établi dans le projet de loi à l'égard des propriétés intéressées, il lui a paru que ce mode de paiement était trop peu onéreux pour celles-ci. Mais que les propriétés intéressées paient 60 centimes annuellement par hectare, qu'elles paient un franc, qu'elles paient deux francs pour rembourser le capital qui leur est assigné pour leur part dans les frais de construction du canal, cela doit être parfaitement indifférent, il suffit que ces propriétés paient un quart du capital nécessaire à la construction du canal.

Seulement on peut dire que l'honorable préopinant, en faisant son observation, a fait l'éloge du mode de paiement. En effet, messieurs, il a dit que l'art. 1er posait le principe de la construction du canal de Zelzaete à la mer au nord, aux frais du trésor public avec le concours des propriétés intéressées, que l'art. 2 établissait l'annuité à payer pendant 25 ans par les propriétés intéressées à la construction du canal depuis Zelzaete jusqu'à la mer, et que l’art. 6 venait ensuite parler d'une autre contribution annuelle représentant le concours à la construction de la section de Damme à la mer, des propriétés du bassin du Zwyn, en attendant que le canal de Zelzaete à la mer du nord soit entièrement construit. Mais, messieurs, il n’en pouvait être autrement, et le projet de loi n'eût pas été complet s'il n'avait pas d'abord réglé tout ce qui est relatif au concours général de toutes les propriétés intéressée à la construction du canal, c’értait là ce qu’il fallait faire et c’est ce qui a été fait par l’art. 2, qui a établi que toutes les propriétés intéressées à la construction du canal entier depuis Zelzaete jusqu’à la mer du Nord, paieront en remboursement du quart du coût de la construction, c’est-à-dire en remboursement du million qui leur est assigné, une indemnité de 71,000 fr., annuellement pendant 25 années. Et pourquoi, parce que ces 71,000 fr. représentent, avec les intérêts composés à 5 p. c. un capital de un million qui serait payé aujourd'hui.

Ainsi, messieurs, si l'annuité à payer par hectare paraît plus ou moins minime, cela ne prouve autre chose, si ce n'est que le mode de remboursement a été bien combiné et cela ne diminue en rien le chiffre en capital du concours des propriétés intéressées.

Maintenant la première section du canal, comprise entre Damme et la mer, sera seule construite immédiatement. Eh bien, on a voulu pour que le trésor public ne restât pas trop longtemps en avance, en attendant que l'autre section puisse être aussi construite, déterminer quelle serait jusqu'à cette époque le concours des propriétés intéressées à la première section. C'est là un concours provisoire qui sera réglé définitivement avec le concours des propriétés intéressées à la deuxième section, lorsque tout le canal sera exécuté.

Plusieurs voix. - La clôture.

- La clôture est mise aux voix ; il y a doute, la discussion continue.

M. Peeters. - Lorsque j'ai combattu la loi qui est en discussion, j'ai ajouté que je n'étais pas contraire à la construction du canal de Zelzaete, que je ne m'y opposais que parce qu'on ne voulait pas attendre la publication du grand travail qui venait d'être déposé sur le bureau et auquel on nous avait toujours renvoyé lorsque nous demandions la discussion de la question du canal de la Campine. Il y a 7 ans, messieurs, que le projet de canaliser la Campine a été présenté chaque année. Quand nous avons fait des réclamations à cet égard, on nous a renvoyé au grand travail dont je viens de parler ; on nous disait : Attendez ; après la publication de ce travail, nous discuterons la canalisation de la Campine.

Quoi qu'il en soit, messieurs, lorsque nous avons demandé l'ajournement, les députés des Flandres nous ont dit que la construction d'une partie du canal de Damme à la mer était urgente, que cette partie devait être exécutée immédiatement, si l'on voulait éviter de grands désordres. Il me paraît que la proposition de M. d'Hoffschmidt doit les contenter entièrement, et pour prouver que je ne suis pas hostile à la construction du canal, je voterai en faveur de cette proposition. Je voterai probablement plus tard pour tout le canal, mais je désire que pour la section de Damme à Zelzaete, qui n'est pas urgente, on attende qu'il soit fait une proposition générale pour tous les canaux à construire dans le pays. On a beaucoup parlé des avantages qui résulteront de la construction de ce canal pour la défense du pays, pour l'empêchement de la fraude. Ces motifs peuvent être invoqués à plus forte raison pour la Campine, pays entièrement ouvert à la fraude, où vous ne trouvez aucun canal ni rivière, où vous ne trouvez pas même des routes pavées.

On a fait valoir également les motifs politiques du canal de Zelzaete, en soutenant que la séparation avec la Hollande avait beaucoup contribué à ces inondations, mais pour la canalisation de. la Campine, nous pouvons faire valoir, nous, des motifs politiques bien plus forts ; n'a-t-on pas sacrifié, dans l'intérêt de la généralité du pays, la moitié de la province du Limbourg à laquelle le canal en question doit rendre la vie ?

J'ajouterai que ce canal, d'après les calculs que j'ai présentés dans la discussion du budget des travaux publics, rapportera annuellement 15 p. c. à l'Etat de toutes les sommes qui y auront été employées. La construction de quelques petites routes provinciales a plus que doublé dans nos cantons les droits d'enregistrement et de succession, ils décupleront lorsqu'on fera des canaux dans ce pays, où il n'y a rien, où tout est à créer. Je voterai pour l'amendement de M. d'Hoffschmidt, amendement, je le répète, qui doit entièrement satisfaire les députés des Flandres.

M. Vandenbossche. - Je suis disposé, messieurs, à voter en faveur du canal de Zelzaete, mais je dois avouer que ce que vient de dire l'honorable M. Dubus, relativement à la contribution des propriétaires, a fait impression sur moi. Je voudrais que l'on pût trouver un moyen de faire contribuer les propriétaires en proportion de la plus-value que le canal procurera à leurs terres.

De toutes parts. - La clôture ! la clôture !

- La clôture de la discussion est mise aux voix et prononcée.

M. le président. - Je mets d'abord aux voix l'amendement de M. Cogels. Cet amendement est ainsi conçu :

« Il sera accordé à la province de la Flandre occidentale un subside de 860,000 fr, pour l'exécution du canal de Damme à la mer du Nord, pour l'écoulement des eaux des Flandres. »

M. Cogels. - Pour abréger la discussion, je déclare me rallier à l'amendement de l'honorable M. d'Hoffschmidt.

M. Dubus (aîné). - Je reprends l'amendement de M. Cogels.

- Cet amendement est mis aux voix.

Des membres. - L'appel nominal !

Il est procédé à l'appel nominal. En voici le résultat :

68 membres prennent part au vote ;

15 répondent oui ;

53 répondent non.

En conséquence, l'amendement n'est pas adopté.

Ont répondu oui : MM. Cogels, de Renesse, Dubus (aîné), Dumont, Dumortier, Eloy de Burdinne, Fleussu, Huveners, Jadot, Pirmez, Raikem, Scheyven, Simons, Troye et Vandensteen.

Ont répondu non : MM. Angillis, de La Coste, Coghen, Cools, Coppieters, David, de Behr, Dedecker, de Florisone, Delehaye, Delfosse, de Meer de Moorsel, de Muelenaere, de Potter, Deprey, de Roo, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, Devaux, de Villegas, d'Hoffschmidt, Danny, Duvivier, Fallon, Hye-Hoys, Jonet, Kervyn, Lebeau, Lejeune, Lys, Maertens, Malou, Manilius, Meeus, Mercier, Morel-Danheel, Nothomb, Orts, Peeters, Rodenbach, Rogier, Sigart, Smits, van Cutsem, Vandenbossche, Vanderbelen, Van Hoobrouck, Van Volxem, Verhaegen, Wallaert et Zoude.

- La chambre, passe au vote de l'amendement de M. d'Hoffschmidt, lequel consiste à substituer dans le projet du gouvernement le mot de Damme au mot de Zelzaete.

On réclame également l'appel nominal.

Il y est procédé.

69 membres prennent part au vote.

24 répondent oui.

45 répondent non.

En conséquence, l'amendement n'est pas adopté.

Ont répondu oui : MM. Cogels, Cools, David, Delfosse, de Renesse, de Theux, d'Hoffschmidt, Dubus (aîné), Dumont, Dumortier, Eloy de Burdinne, Fallon, Fleussu, Huveners, Jadot, Lys, Mercier, Peeters, Pirmez, Raikem, Scheyven, Simons, Troye, Vandensteen.

Ont répondu non : MM. Angillis, De la Coste, Coghen, Coppieters, de Baillet, de Behr, Dedecker, de Florisone, Delehaye, de Meer de Moorsel, de Muelenaere, de Potter, Deprey, de Roo, Desmaisières, Desmet,de Terbecq, Devaux, de Villegas, Donny, Duvivier, Hye-Hoys, Jonet, Kervyn Lebeau, Lejeune, Maertens, Malou, Manilius, Meeus, Morel-Danheel, Nothomb, Orts, Rodenbach, Rogier, Sigart, Smits, Van Cutsem, Vandenbossche, Vanderbelen, Van Hoobrouck,Van Volxem, Verhaegen, Wallaert et Zoude.

L'art. 1er du projet du gouvernement est ensuite mis aux voix et adopté en ces termes :

« Art. 1er. Il sera exécuté aux frais du trésor public, et avec le concours des propriétés intéressées un canal de Zelzaete à la mer du Nord, pour l'écoulement des eaux des Flandres. »

Article 2

« Art. 2. Les propriétés intéressées contribueront aux frais de construction, à concurrence d'un million de francs, c'est-à-dire du quart de la dépense présumée, en payant à l'Etat, pendant 25 ans, une annuité de fr. 71,000.

« Cette annuité, qui sera recouvrable par les moyens autorisés pour les impositions directes, prendra cours à partir du jour où les propriétés seront mises en jouissance du canal.

« Les intéressés qui le désireront pourront, en tout temps, pendant les 25 ans, se libérer des annuités dont il s'agit en payant le capital représenté par les annuités dont ils se trouveront encore débiteurs. »

M. Dumortier. - Messieurs, je propose de supprimer cet article, et de le remplacer par celui-ci :

« Les propriétés intéressés contribueront pour le quart de la dépense. »

Outre que par amendement, la part à payer par les propriétaires sera déterminée d'une manière positive, il en résultera cet autre avantage, c'est que l'Etat sera dégrevé du quart de l'emprunt que l'Etat aura à faire. C'est quelque chose. Au reste, j'aurais désiré qu'on ne fît plus d'emprunt et qu'on pourvût aux dépenses de construction du canal de Zelzaete, au moyen des ressources ordinaires des budgets.

- L'amendement est appuyé.

M. de La Coste. - La proposition de M. Dumortier a un côté sous le rapport duquel je l'appuierai entièrement. Il ne m'a pas paru qu’il ait été répondu à la question faite par M. Dubus, celle de savoir qui payerait la différence entre la somme assignée aux propriétaires de la Flandre occidentale qui revient au 8e de la dépense à faire dans cette province, et le quart de cette dépense dont le trésor public doit être indemnisé.

Cette différence sera-t-elle couverte par la province ou sera-t-elle reportée sur les propriétaires de la Flandre orientale ?

Cette question serait tranchée par la proposition de M. Dumortier. Mais il y a un rapport sous lequel je ne puis adopter cet amendement. C'est un point assez important que j'aurais traité avec les développements dont il est susceptible, avant qu'on passât au vote sur l'article 1err, si je n’avais craint d'abuser de l'attention déjà fatiguée de la chambre, et sur lequel maintenant elle ne jugera peut-être pas à propos de revenir. J'exposerai cependant en peu de mots mon opinion : A mon avis il ne faudrait pas taxer directement les propriétaires.

Il me semble qu'il faudrait charger les provinces du quart de la dépense à faire, sauf à elles à en proposer la répartition.

A la vérité, M. Dubus a fait connaître que la charge des propriétaires serait assez faible. Cette observation, cependant, n'est pas aussi fondée qu'elle le paraît au premier coup d'œil. La contribution annuelle de 60 centimes dont a parlé l'honorable membre n'est que le taux moyen, et quelques terres seraient taxées dans une proportion beaucoup plus forte ; maintenant, d'après la proposition de M. Dumortier, on payerait immédiatement le capital même, ce qui pourrait devenir une charge considérable. Remarquez d'ailleurs, messieurs, qu'en taxant directement les propriétés nous entrerions dans une voie toute nouvelle ; nous ferions ce que la chambre n'a jamais, fait, c'est-à-dire, imposer directement les individus. La chambre représente la nation, mais ses membres ne peuvent pas être considérés comme les mandataires des individus. Si on imposait la province et que la province fît la répartition entre les propriétaires, les propriétaires du moins auraient été entendus.

Les honorables membres qui appartiennent aux provinces des Flandres diront que la charge n'est pas trop forte, et quant à moi personnellement, leur témoignage me suffit complètement. Mais je ne vois pas qu'ils soient les intermédiaires naturels entre la chambre et des individus. Si l'on faisait l'application de la loi de 1807 la difficulté serait moindre, car là il y a aurait une base certaine : la contribution ne devant pas excéder la moitié de la plus-value des propriétés. Cependant celle-là est tombée en désuétude. Elle a été appliquée à la ville de Tournay à propos des améliorations faites au quai des Tanneurs. La plupart des propriétaires intéressés avaient souscrit ; mais il y avait quelques récalcitrants ; on s'est adressé au gouvernement qui a homologué les rôles. Mais alors le chef du gouvernement exerçait un pouvoir qu'il ne partageait avec aucun corps délibérant. Depuis lors et jusqu'en 1830 on a, je pense, admis en principe que quand l'Etat faisait une dépense, il était naturel que l'Etat payât, que quand c’était une commune, la commune, et qu’enfin les propriétaires devaient être libres dans leur concours.

En 1834, vous avez accordé des sommes à la province de Liége, pour des travaux auxquels vous avez appelez le concours de la province, mais non des propriétaires. Seulement vous avez autorisé la province à exercer son recours contre qui de droit. Ce mode me paraît plus rationnel et présente encore cet avantage que la province pourrait faire un emprunt pour couvrir le quart de la dépense et que l'Etat serait déchargé d'en faire l'avance.

Je pense même que les provinces ne pourraient supporter une partie de la dépense, sans la mettre à la charge des propriétaires. Il serait en effet extraordinaire que l'Etat et les propriétaires fussent intéressés dans une dépense et que la province ne le fût pas, je ne puis comprendre cette solution de continuité dans la chaîne administrative dont l'Etat et les particuliers sont les deux extrémités. Il serait juste que la province, les communes prissent intérêt dans une dépense semblable, et prendre intérêt c'est payer en style administratif. Les communes pourront intervenir dans la dépense, car elles ont intérêt à être assainies.

Voici encore un autre rapport sous lequel la province pourrait être appelée à contribuer, cette loi est considérée comme une loi de réparation, c'est un des motifs qui m'engagent à en admettre le principe ; or, la province pourrait bien avoir quelque chose à réparer. En effet, je trouve dans le travail de M. l'abbé Andries, que le mal a commencé par la suppression inutile de l'écluse de Blankenberg. Cette suppression a dû être ordonnée par les Etats des Flandres ; car la Flandre formait une principauté aussi indépendante, plus indépendante même depuis la Bulle d'or que la Bavière et la Saxe. Elle avait son comte, ses états, composés des trois ordres, mais dont les pouvoirs étaient exercés par les quatre membres. Ils ont supprimé l'écluse de Blankenberg. Depuis ce temps une foule de communes que nomme M. Andries ont été exposées à des inondations continuelles et à une grande insalubrité.

En résumé, je pense qu'il y aurait avantage pour l'Etat et plus de régularité si les provinces étaient chargées de fournir le quart de la dépense, sauf à elles à en proposer une équitable répartition, entre elles-mêmes, les communes et les propriétaires.

M. Dumortier. - J'aurai l'honneur de faire observer que les arguments de M. de La Coste s'appliquent au projet du gouvernement ainsi qu'à mon amendement, puisque l'un et l'autre mettent une partie de la dépense à la charge des propriétaires. Maintenant, si l'on préfère mettre la dépense à la charge de la province, sauf à elle à répartir entre les propriétaires, cela m'est indifférent. Ce que je veux, c'est que l'on exécute la promesse que l'Etat ne supportera que les trois quarts de la dépense et que l'autre quart incombera à qui de droit. Ce que je veux aussi, c'est que nous soyons sublevés de la charge de contracter l'emprunt pour faire l'avance de ce quart.

Je ferai d'ailleurs une remarque à l'assemblée, c'est que la rédaction, telle qu'elle est présentée, mettrait à la charge des propriétaires une somme équivalant au quart de la dépense pour la partie entre Damme et la mer ; mais je ne vois nulle part une pareille somme mise à la charge des propriétaires intéressés pour la partie entre Damme et Zelzaete. Car l'évaluation dont il est question ne s'applique qu’à la partie entre Damme et la mer.

M. Lejeune. - C'est pour toute l'étendue.

M. Dumortier. - Alors, je retire mon observation ; mais il reste celle-ci : Rien ne démontre que le canal ne coûtera que quatre millions. Toutes les fois qu'on est venu parler de dépenses semblables, les prévisions ont été dépassées. C'est ainsi qu'en France, les quatre grands canaux qui ne devaient coûter que cent quatre-vingt millions, en ont coûté deux à trois cents.

Pour notre chemin de fer, qui ne devait coûter que 50 millions, nous en avons déjà dépensé cent et nous avons encore un déficit. Chaque fois qu'il s'est agi de travaux semblables, il y a eu augmentation sur les devis présentés. Rien ne nous garantit qu'il n'en sera pas de même ici. Il faut qu'un quart de la dépense totale soit laissée à la charge des propriétaires ou des provinces.

Je pense donc qu'on doit admettre ma rédaction, sauf à substituer la province aux propriétaires.

M. Delehaye. - Je ne comprends pas bien l'amendement de M. Dumortier.

M. Dumortier. - Mon amendement a pour but 1° la garantie que l'Etat ne paiera pas au-delà des trois quarts de la dépense, en deuxième lieu de supprimer le paiement en 25 annuités, parce que je veux que les propriétaires ou la province paient au fur et à mesure des travaux, et que l'Etat ne soit pas obligé de supporter les charges d'un emprunt pour faire l'avance du quart qui incombe aux propriétaires.

Il va sans dire que la somme doit être payée par les propriétaires intéressés au fur et à mesure de la dépense.

M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Si je comprends bien la pensée qu'a eue l'honorable M. Dumortier en proposant son amendement, il veut assurer le trésor contre les excédants de dépenses qui peuvent résulter de la construction du canal. Nous avions cru, dans l'amendement que j'ai proposé, devoir poser un chiffre ; en effet, il n'en est pas d'un canal comme des chemins de fer. Les chemins de fer étaient chose inconnue ; là les ingénieurs ont pu se tromper, mais les travaux des canaux sont trop connus pour qu'ils se trompent dans l'évaluation de ces travaux. Quoiqu'il en soit, pour faire droit à l'observation de l'honorable M. Dumortier, et pour conserver le concours des propriétés intéressées, je proposerai l'amendement suivant :

« Art. 2. Les propriétés intéressées contribueront aux frais de construction à concurrence de un million de francs, en payant à l'Etat, pendant 20 ans, une annuité de 71,000 fr.

« Si la dépense excède 4 millions, les propriétés intéressées contribueront à l'excédant à concurrence d'un quart, et l'annuité qu'elles seront tenues de payer sera augmentée dans la même proportion. »

M. Dumortier. - L'amendement de M. le ministre des travaux publics fait droit à la première partie de mes observations, mais non à la seconde sur l'inutilité d'un emprunt pour faire face à une dépense que les propriétaires intéressés doivent supporter.

Des propriétés doivent être améliorées ; des hectares doivent augmenter en valeur de 1,000 à 1,500 fr., et l'on ne voudrait pas payer 10 ou 20 fr. ! Je pense que rien ne s'oppose à mon amendement.

M. de Muelenaere. - L'honorable M. Dumortier veut obtenir l'assurance que les propriétés intéressées concourront à la dépense jusqu'à concurrence du quart. Ensuite, il veut que ce quart soit payé au fur et à mesure de l'exécution des travaux, et non par annuités. Quant au premier point, il y est satisfait par l'amendement de M. le ministre des travaux publics. Quant au deuxième, je ferai remarquer que le bassin du Zwyn ne se compose pas seulement de poldres ; il y a beaucoup de petits cultivateurs qui seraient très gênés, si on les obligeait à payer le quart de la dépense ; quelques-uns seraient obligés de vendre leurs propriétés. Sans doute, les grands propriétaires payeraient le quart de la dépense ; pour eux, il y aurait avantage ; car dans les annuités se trouvent les sommes nécessaires pour l'intérêt à 5 p. c. et pour l'amortissement.

M. Eloy de Burdinne. - Qui fera la répartition ?

M. de Muelenaere. - Le gouvernement, par un règlement d'administration générale. Le gouvernement aura intérêt à faire rentrer ces sommes, qui seront portées au budget.

M. Dumortier.- Vous aurez remarqué comme la question se modifie d'heure eu heure. Tout à l'heure tout le bassin de Zwyn était sous les eaux ; maintenant il n'y a pas de poldres dans ce bassin.

Plusieurs membres. - Cela n'empêche pas qu'il ne soit sous les eaux.

M. Dumortier. - Maintenant je ferai remarquer que la somme ne s'élèvera qu'à 8 francs par hectare. Ce n'est pas pour une telle dépense que l'on sera obligé de vendre sa propriété. D'ailleurs la constitution a établi un régime spécial pour les poldres et les wateringues, on n'a qu'à s'y conformer pour ce quart de la dépense qui est à la charge des propriétés intéressées.

D'un autre côté, je voudrais bien qu'on m'expliquât comment il sera possible d'opérer ce rachat. Vous aurez pour cela 25 ans. Il faudra un compte ouvert pour chaque parcelle de propriété. Mais il y aura confusion. Ce n'est pas un système d'exécution ; il n'y a rien de pratique dans un pareil système. Il serait bien plus simple de substituer la province aux propriétaires.

Je ne conçois pas que l'on fasse un emprunt pour des sommes qui seront remboursées peut-être dans un bref délai. Si dans un espace de deux ans, la dépense est remboursée, cet argent sera absorbé par les dépenses de l'Etat et vous n'en aurez pas moins ensuite votre emprunt à rembourser. Si l'on admet le remboursement par les propriétaires, que ce remboursement ait lieu dans un petit nombre d'années, et nous ne serons pas obligés de faire un emprunt.

M. le président. - L'amendement qu'a présenté M. le ministre des travaux publics, remplace le premier paragraphe de l'article 2.

M. Desmet. - Messieurs, nous sommes tout à fait d'accord avec l'honorable M. Dumortier. Il ne s'agit pas de l'intérêt de quelques propriétaires, mais bien de l'intérêt d'un grand territoire.

On ne vous a pas donné le calcul de toutes les propriétés intéressées, parce qu'on fera ce calcul quand la loi sera votée. Mais, messieurs, le gouvernement a cru devoir fixer le chiffre pour lequel elles devraient intervenir, parce qu'il sait qu'il ne faut pas trop inquiéter les propriétaires. Lorsque les propriétaires ne savent pas ce qu'ils doivent payer, ils sont dans l'inquiétude ; il n'en est plus de même lorsqu'ils savent quelle est la somme des sacrifices auxquels ils doivent consentir.

En second lieu, il faut évidemment accorder quelque facilité aux propriétaires pour le payement de leur part dans la dépense, on a donc eu raison d'échelonner ce payement par annuités.

Par ces considérations, je crois, messieurs, que nous devons adopter l'amendement de M. le ministre des travaux publics.

- L'amendement proposé par M. Dumortier est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

La rédaction du 1er paragraphe de l'art. 2, proposée par M. le ministre des travaux publics, est ensuite mise aux voix ; elle est adoptée.

Le § 2 est adopté, ainsi que l'ensemble de l'article.

Articles 3 et 4

« Art. 3. Les mêmes propriétés supporteront en totalité les frais d'établissement des ouvrages nécessaires pour conduire leurs eaux au canal.

« Ceux de ces ouvrages à placer aux points où les rigoles ou conduits d'eau déboucheront dans le canal, seront construits conformément aux projets arrêtés par le département des travaux publics. »


« Art. 4. L'administration et l'entretien du canal seront une charge provinciale.

« Les provinces pourront exiger des propriétés intéressées une rétribution annuelle destinée à couvrir, en tout on en partie, les dépenses faites de ce chef. »

- Ces deux articles sont adoptés.

Article 5

« Art. 5. La première section du canal, comprise entre Damme et la mer, sera exécutée immédiatement. »

M. Dubus (aîné). - Cet article est inutile ; le gouvernement exécutera comme il le voudra.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - C'est une réserve dans votre sens.

- L'article est adopté.

Article 6

« Art. 6. Les propriétés qui feront usage de cette partie du canal pour l'écoulement de leurs eaux, contribueront aux frais de construction, à concurrence de 206,250 fr., c'est-à-dire du quart de la dépense qu'il faudrait affecter à l'établissement d'un canal limité aux besoins de la localité, et ce en payant a l'Etat, pendant 25 ans, une annuité de 14,643 fr. 75 c., laquelle viendra en déduction de l'annuité mentionnée à l'art. 2, sera recouvrable par les mêmes moyens, prendra également cours à partir du jour où les propriétés dont il s'agit seront mises en jouissance du canal, et sera rachetable aux mêmes conditions. »

M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Il y aurait peut-être lieu à ajouter à cet article les mots : sous la réserve spécifiée à l’art. 2.

M. Dubus (aîné). Messieurs, j'insiste sur l'observation que j'ai faite, lorsque nous étions à la discussion de l'art. 1er. Il ne suffit pas de maintenir à l'art. 6 une réserve faite à l'art. 2 ; mais il faut fixer son attention sur ce point, que l'art. 6 est en opposition avec l'art. 2.

L’art. 2 décide que les propriétés intéressées supporteront un quart de la dépense ; et l'art. 6 décide que les propriétés qui feront usage de la partie du canal entre Damme et la mer supporteront un huitième de la dépense. La dépense totale de cette section est de 1,720,000 fr., et on limite les charges des intéressés à une somme de 206,000 fr., ce qui fait un peu plus d'un huitième.

Ainsi si cet article s'exécute, il ne sera pas vrai, aux termes de l'art. 2, que les propriétés intéressées supporteront un quart de la dépense ou bien il faudra que les propriétaires de l'autre section paient davantage ; mais c'est ce qu'on ne dit pas. Est-ce ainsi qu'on l'entend ?

M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - J'ai déjà dit tout à l'heure que l'art.2 était général, qu'il établissait le concours de la province et des intéressés pour tout le canal. Mais comme l'art. 5 n'ordonne la construction immédiate que de la première section du canal, comprise entre Damme et la mer, il a fallu que l'art. 6 vînt régler quelle serait la situation des propriétés intéressées, relativement au concours obligé qui leur est assigné, en attendant l’exécution entière du canal.

M. Lejeune. - Messieurs, je n'ai jamais compris l'art. 6 de cette manière. L'art. 2 pose en principe qu'il sera payé une annuité de 71,000 fr. à répartir entre toutes les propriétés intéressées, lorsque le canal sera entièrement achevé, et cette répartition se fera d'après les règles à établir dans un arrêté royal. L'honorable M. de Muelenaere fait un signe d'assentiment ; c'est ainsi qu'il a aussi compris le projet. Ainsi l’art. 2 suppose la construction du canal en son entier.

Mais on a dû régler l'état exceptionnel des propriétés intéressées de la première section. On a dit que tant que le canal ne serait pas tout à fait achevé, les terrains qui profitent de la première section se trouveraient dans une position exceptionnelle aussi longtemps que le travail ne serait pas complet. Il s'agit donc d'un règlement provisoire, duquel on devra tenir compte lors de l'achèvement du canal. Dans tous les cas, il me semble que l'Etat ne peut rien perdre.

Je ne sais si l'honorable M. Dubus comprend comme moi la question. .

M. Dubus (aîné). - Si l'article était entendu dans le sens que vient de lui donner l'honorable M. Lejeune, il faudrait changer la rédaction. Car telle n'est pas la portée de l'art. 6 ; Cet article n'est pas subordonné à la condition qu'on n'exécutera que la première partie du canal, de manière que si on construisait l'autre partie, il viendrait à cesser. Il n'y a rien dans l'art. 6 qui décide cela. La rédaction actuelle me paraît avoir cette portée que les propriétés dont il est question dans l’article, ne devront dans aucun cas supporter une plus forte charge que celle qu'indique cet article, tandis que les autres propriétés, qui seraient asséchées par la continuation du canal, devraient concourir à la dépense pour une plus forte part.

Voilà, selon moi, quelle sera la conséquence de l'art. 6, s'il est voté tel qu'on vous le propose. Si ce n'est pas cela qu'on a voulu, il faut en changer la rédaction.

M. Devaux. - Messieurs, vous comprenez bien qu'il faut fixer un chiffre pour le concours des propriétés intéressées dans la section de Damme à la mer, parce que vous ne pouvez faire concourir à la dépense les propriétés intéressées à la construction de cette section dans la même proportion que devront concourir les propriétés de la Flandre orientale intéressées à la construction de la section de Damme à Zelzaete. Je m'explique.

Le canal de Zelzaete aura, je crois, au point de départ sept mètres de largeur. Mais près de la mer, il sera élargi au point d'en avoir 20 à 25. Vous comprenez donc que la section de Damme à la mer est la plus coûteuse. Aussi, bien qu'elle ne soit en longueur que la cinquième ou sixième partie de tout le canal, elle demandera des frais à peu près aussi considérables que l'autre section. Il faut la grande écluse à la mer, des écluses à Damme, à l'endroit où le canal à construire traversera celui de Damme à Bruges. Ces dépenses doivent se faire sur la section de Damme à la mer et cependant elles ne sont pas seulement utiles aux parties que le canal traverse, elles sont utiles au canal tout entier. Vous concevez donc que les propriétaires du bassin du Zwyn doivent payer dans une proportion moindre que les propriétaires entre Damme et Zelzaete, par la raison que la dépense que l'on fait sur la section la plus rapprochée de la mer n'est pas seulement utile au bassin du Zwyn, mais qu'elle l'est également au bassin du Brackman.

C'est pour cela qu'on a dû fixer la proportion dans laquelle interviendrait dans la dépense le bassin du Zwyn, en attendant que les travaux soient totalement exécutés. Quand tout le canal sera construit, vous pourrez faire une nouvelle répartition du quart de la dépense, si la première n'a pas été faite exactement ; mais tant que la seconde partie du canal n'est pas exécutée, il faut bien fixer un chiffre.

M. Lejeune. - Je ne conteste nullement ce que vient de dire l'honorable député de Bruges. Il s'agit en ce moment d'une question de règlement. Faudra-t-il que ce que vous appelez le bassin du Zwyn contribue dans une proportion moindre que les autres terrains ? C'est très possible ; c'est une question qui doit être décidée par le règlement d'administration générale. Je suis aussi tout à fait d'accord sur ce point qu'il faut fixer et maintenir dès à présent le chiffre de l'article en discussion pour la jouissance du canal de Damme à la mer, jusqu'à ce que le canal soit achevé en son entier.

M. Dubus (aîné). - Je crois qu'il faudra ajouter une phrase à l'article pour en déterminer le sens. Je comprends qu'on ne veut voter l'article que comme établissant provisoirement la rétribution à payer par les propriétés dont il s'agit, en attendant que le canal soit entièrement construit et qu'on puisse faire une répartition définitive. Or, cela ne résulte pas du texte de l'article.

M. Lejeune. - Il n'y aurait peut-être qu'un léger changement à faire : L'art. 7 forme encore une disposition exceptionnelle ; il me paraît que ces deux articles peuvent très bien être fondus en un seul ; et alors on commencerait l'article par les mots qui se trouvent au commencement de l'art. 7 : « Aussi longtemps, etc. »

M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Je crois, messieurs, que pour lever toute difficulté on pourrait rédiger l'art. 6 ainsi :

« Provisoirement et en attendant l'exécution de l'autre section du canal, celle de Zelzaete à Damme, les propriétés qui font usage de cette partie du canal, etc. »

M. Delehaye. - Il faudrait remettre la discussion à lundi pour que l'article puisse être rédigé convenablement.

M. d’Hoffschmidt. - D'après toutes les explications qui viennent d'être données, il me semble que la rédaction de l'article n'est pas claire ; l'heure est très avancée, et je crois qu'il serait préférable de remettre la continuation de la discussion à lundi. (Assentiment.)

- La séance est levée à 4 heures 3/4.