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d’intention
Chambre
des représentants de Belgique
Séance du mercredi 20 avril 1842
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre, notamment pétitions
relatives aux inondations de l’Escaut (Doignon, Desmet), à la répression de la fraude en matière de douanes
(Manilius, Dubus (aîné), Delehaye)
2) Motion d’ordre relative aux émoluments des employés
de postes (Rodenbach)
3) Projet de loi relatif au canal de Zelzaete à la mer
du Nord (canal de Damme, inondations de
4) Fixation de l’ordre du jour (projet de loi sur les
distilleries)
(Moniteur
belge n°111, du 21 avril 1842)
(Présidence
de M. Fallon)
M. Kervyn procède à l'appel nominal à midi un quart.
M. Scheyven lit le procès-verbal de la séance précédente ; la
rédaction en est adoptée.
M. Kervyn fait connaître l'analyse des pièces suivantes :
PIECES ADRESSEES A
« Le bourgmestre de Jehonville
demande que la commune de Bertrux devienne le
chef-lieu du canton de Paliseul. »
« Le collège échevinal de la commune de Cugnon (Luxembourg), demande que cette commune soit réunie
au canton de Paliseul, et que Bertrux
devienne le chef-lieu de ce canton. »
« Le conseil communal de Ochamps
demande que cette commune soit réunie au canton de Paliseul
et que Bertrux en devienne le chef-lieu. »
« Le conseil communal de Moorslede renouvelle la
demande pour le maintien du canton de Passchendale
dans la circonspection actuelle. »
- Renvoi à la commission de circonscription cantonale.
_______________________
« Les
membres du conseil communal de Laplaigne se plaignent
des dommages causés par les inondations et le débordement du haut Escaut, qui
proviennent, disent-ils, des grandes quantités d'eau qui arrivent isolément de
France. »
M. Doignon. - Je demanderai qu'il soit fait un prompt rapport sur cette
pétition. J'ai déjà eu l'occasion de signaler à la chambre les inondations de
l'Escaut, dont la commune de Laplaigne est victime
chaque année. Le conseil communal fait, dans cette pétition, une description
du désastre dont cette commune est en ce moment le théâtre. Je demande un
prompt rapport, parce qu'il s'agit d'un objet urgent par sa nature. J'engage M.
le ministre à prendre connaissance de la pétition dans le plus bref délai ; car
on y indique les moyens de prévenir le retour de ces désastres.
M. Desmet. - Je demande, en outre, l'insertion au Moniteur. Il
faut qu'on vienne au secours de ces malheureux. Il y a plus de cent maisons,
plus de deux cents hectares sous les eaux. Cette commune est convertie en un
marais.
- Les propositions de MM. Doignon et Desmet sont
adoptées ; en conséquence, la pétition sera insérée au Moniteur et fera
l'objet d'un prompt rapport de la commission des pétitions.
______________________
« Des fabricants de Gand
demandent la prompte discussion du projet de loi relatif à la répression de la
fraude en matière de douane.
M. Manilius. - Je ne demande pas simplement le renvoi de cette pétition à
la commission chargée de l'examen du projet de loi. Je demande en outre que
cette commission fasse son rapport dans le plus bref délai possible. Car voilà
deux ans que nous sommes saisis d'un projet de loi extrêmement important, non
seulement pour les nationaux, mais encore pour le fisc. C'est une loi très
utile. Je m'étonne que le gouvernement, qui insiste si souvent pour la
discussion de projets de loi insignifiants, n'insiste pas pour la discussion de
celui-ci.
Je ne suis pas sûr que la commission soit au complet.
Plusieurs de ses membres font maintenant partie du cabinet ; s'ils n'ont pas
été remplacés, je demande qu'ils soient remplacés par le bureau de la chambre.
M. le président. – La commission s'est réunie ce matin ; elle est parfaitement
au complet ; les membres du cabinet qui en faisaient partie ont été remplacés.
M. Manilius. - Plusieurs fois déjà cette loi a été rappelée ;
chaque fois on a donné des espèces de consolations, puis la session s'est terminée,
sans que nous ayons eu le rapport. L'année dernière, le rapport allait être
présenté, lorsque tout d'un coup la session a été close. Il se pourrait fort
bien que, par suite d'un remaniement du cabinet, la session actuelle fût encore close précipitamment. Je demande que la commission
soit invitée à présenter son rapport dans le plus bref délai possible.
M. Dubus (aîné). - Je crois qu'il n'y a aucune invitation à faire à
la commission, alors qu'on a fait connaître, à la chambre que la commission
travaille. Aujourd'hui il a été fait un rapport sur une masse énorme de pièces
dont il y a lieu de prendre inspection. L'honorable membre ne paraît pas avoir
une idée du travail qu'a à faire la commission.
M. Manilius. - Je ne doute nullement que ce projet de loi n'exige
beaucoup de travail. Mais il y a deux ans que la commission en est saisie. Ce
temps devait suffire pour élaborer ce projet de loi. Toutes les pièces ont été
distribuées de premier abord. Cette question a été traitée plusieurs fois. Une
enquête a été faite en 1834 ; une résolution a été prise en 1835. Il ne manque
pas de pièces. S’il y avait dans la commission autant de bonne volonté que de
pièces, il y a longtemps que nous serions saisis du rapport.
M. le président. - Comme président de la commission, je sais quels
ont été ses travaux. Il n'y a que des éloges à adresser à la
sous-commission pour le travail dont elle a bien voulu se charger et qu'elle a
présenté aujourd'hui à la commission. Si M. Manilius insiste, je consulterai
la chambre.
M. Manilius. - Cela se fait tous les
jours. Tous les jours le gouvernement demande la prompte discussion d'un projet
de loi, c'est un vœu qu'il m'est permis, je pense, de former pour le projet de
loi dont il s'agit.
M. Delehaye. - La commission a répondu d'avance au vœu de
l'honorable membre. Ce matin même elle a pris toutes les mesures nécessaires
pour que son rapport pût être bientôt présenté.
Je suis convaincu qu'il suffira que M. le ministre des
finances ait eu connaissance de cet incident pour qu'il fasse tout ce qui
dépendra de lui pour que la chambre soit saisie de suite du rapport.
M. Manilius. - Soit ; je n'insiste pas.
La pétition est renvoyée à la commission chargée de
l'examen du projet de loi.
M. Rodenbach. - Lorsqu'on a discuté le budget des travaux publics,
j'ai signalé des facteurs de lettres mal rétribués. C'est pour cela qu'il y a
eu plusieurs condamnations pour vol. Je connais dans la commune de Roulers un
facteur qui fait chaque jour un circuit de 4 ou 5 lieues pour remettre des
lettres dans la campagne et qui reçoit 75 centimes par jour. Je sais que la
chambre est saisie d'un projet de loi relatif aux émoluments des employés des
postes. Je ne parle pas en faveur des hauts fonctionnaires bien rétribués ; je
parle en faveur de malheureux mal rétribués, dont la position donne lieu à des
vols. Je demande que le rapport sur le projet de loi dont j'ai parlé soit
présenté le plus tôt possible, afin qu'on vienne an secours de ces infortunés.
- M. Dubus (aîné) remplace M. Fallon au
fauteuil.
Discussion générale
M.
le président. - La discussion est ouverte sur l'ensemble du projet de loi.
La parole est à M. Lejeune.
M. Lejeune. - La question d'utilité et de nécessité du canal de
Zelzaete a été jugée par les trois branches du pouvoir législatif. C'est
d'abord le gouvernement qui a demandé un crédit de 500,000 fr. pour commencer les
travaux. Cette question a été détachée du budget de 1834, je crois, pour être
discutée séparément. Le projet de loi présenté a été adopté dans cette chambre
par 48 voix contre 17. Ce premier projet mettait toutes les dépenses à la
charge de l'Etat. Le sénat a également adopté le principe du projet, sauf quelques
modifications dans l'exécution et surtout une modification essentielle dans la
dépense ; amendement par suite duquel le gouvernement a retiré le projet.
C'est dans cette position que j’ai représenté la
question devant la chambre. C'est en 1837 que j'ai de nouveau présenté un
projet de loi, que nous discutons en ce moment. Cette question n'est pas neuve,
comme vous le voyez. C'est sous l'administration de l'honorable M. Rogier
qu'ont été posés les premiers jalons. Les premiers rapports des ingénieurs
datent, je crois, de 1833. Il est remarquable que cette question de nécessité,
née de la position politique du pays, ait été aussi vite saisie par le
gouvernement, par les hauts fonctionnaires qui faisaient alors partie de
l'administration. A cette époque même elle n'était pas sans antécédents. Dans
une position identique à celle que la révolution de
Un ingénieur autrichien, le colonel de Broe, a été chargé de rechercher les moyens de faire
écouler les eaux des Flandres, sans emprunter le territoire hollandais. Le
projet qu'il a fait alors était en discussion devant la junte de terres
contestées lors de l'invasion française. Aucune décision n'avait été prise
définitivement. La question devint sans objet par la réunion de notre pays et
de
Après les discussions qui ont eu lieu dans cette
chambre et au sénat, on pourrait se dispenser d'entrer dans beaucoup de
détails. Cependant je crois qu'il est nécessaire de donner de nouveaux développements,
parce qu'un grand nombre de nos honorables collègues ne siégeaient pas alors
dans cette enceinte.
Pour examiner le projet de loi, pour bien saisir le
but et les conséquences, il est nécessaire de se placer sur le terrain même de
la question.
Quel est l'état actuel de l'écoulement des eaux des
Flandres ?
Ici je dois placer une observation, qui vient à
l'encontre d'une erreur assez répandue. On a toujours parlé de l'écoulement des
eaux des Flandres. Nous discutons un projet de loi relatif à la construction
d'un canal qui doit, dit-on, servir à l'écoulement des eaux des Flandres, de là
l'idée qu'il s'agit, tout à fait exclusivement, des eaux des Flandres ; mais il
n'en est pas ainsi. Cette espèce de dénomination est assez exacte sous ce
rapport que c'est dans les Flandres que les eaux se réunissent, mais il ne
s'agit pas ici uniquement des eaux des Flandres. .
Nous recevons dans notre pays, par
Il n'est donc pas question ici, comme quelques
personnes ont semblé le croire, de l'écoulement des eaux des Flandres, proprement
dites, mais il s'agit de remplir une obligation que la nature de notre position
nous impose envers
Le cours de
Quels sont les moyens d'écouler la masse d'eau qu'ils
y apportent ? Pour l'évacuation des eaux supérieures, nous avons d'abord le
bas Escaut. Le bas Escaut est certainement suffisant, mais nous ne pouvons pas
perdre de vue qu'à Gand se réunissent les eaux de l'Escaut et de
Nous avions naguère pour évacuer les eaux de
De là est née l'idée, la nécessité de construire le
canal de Terneuse. Ce canal a remplacé le canal du
Sas de la mer. Il avait pour destination d'évacuer les eaux supérieures de
Gand, accumulées à Gand, et en même temps les eaux des terrains bas de
Nous avons en troisième lien pour l'évacuation des
eaux supérieures, les canaux de Bruges et d'Ostende. Cette voie d'écoulement
est par elle-même d'un très grand secours, elle est très utile dans les grandes
crues ; mais, messieurs, les circonstances sont telles (je les expliquerai plus
tard, lorsque je parlerai de l'évacuation des eaux des terrains), les
circonstances sont telles que les canaux de Bruges et d'Ostende, pour
l'évacuation des eaux supérieures sont complètement anéantis, bien qu'ils
fussent un moyen d'évacuation indispensable pour ces eaux. Ces canaux sont complètement
anéantis pour cette destination, et ils sont anéantis aussi en grande partie,
pour la navigation elle-même.
Je dirai dès à présent comment il se fait, que ces
canaux ne servent plus à l'évacuation des eaux supérieures.
Le bassin du Zwyn, les
terrains qui évacuaient leurs eaux dans le Zwyn,
n'ont plus leur débouché naturel. Ce débouché est complètement perdu, et les
terrains seraient complètement et continuellement submergés, si on n'employait
pas le canal d'Ostende pour l'évacuation de leurs eaux. Or, pour opérer cette
évacuation on a besoin de maintenir le barrage à Bruges ; de sorte que le canal
de Bruges ne sert plus a l'écoulement dans les grandes crues ; il n'y a plus
qu'une mince lame d'eau qui coule au-dessus du barrage.
Voilà, messieurs, l'état actuel de l'écoulement des
eaux supérieures. Voilà les débouchés que nous avons pour l'écoulement des
eaux de
De là, messieurs, il faut déduire que nous avons
besoin de créer de nouvelles ouvertures à la mer. C'est un devoir pour les
Flandres de recevoir les eaux ; notre position géographique nous l'oblige ;
mais c'est un devoir envers nous-mêmes de mener ces eaux à la mer, sans
détruire notre propre territoire.
Messieurs, on parle de canaliser le pays, ou une
certaine partie du pays pour la faire produire. Par exemple, on parle de
canaliser dans ce but
Mais ici, messieurs, n'avons-nous pas à faire valoir,
non seulement les mêmes motifs, mais encore des motifs beaucoup plus pressants
? Il ne s'agit pas de canaliser pour faire produire ; il s'agit de canaliser
pour conserver, pour empêcher, pour arrêter la ruine d'une partie du pays. Il
s'agit de sauver de bons terrains, de ne pas les laisser se changer en marais ;
il s'agit, pour ainsi dire, de conserver l'intégrité du territoire.
Examinons maintenant, messieurs, quels seraient les
effets de la construction du canal de Zelzaete sur l'écoulement des eaux supérieures,
sur l'écoulement des eaux qui nous arrivent de
Messieurs, nous signalerons tout d'abord le grand
effet que doit produire l'exécution de cet ouvrage, C'est de rendre à leur
destination les canaux de Bruges et d'Ostende.
Le premier effet donc de la construction qu'on vous
propose, sera de rendre à leur double destination les canaux de Bruges el d'Ostende
tant sous le rapport de la navigation que sous le rapport de l'écoulement de
l'eau, dans les grandes crues. Ce résultat, messieurs, est sollicité vivement
par les habitants du Hainaut par la chambre de commerce de Mons, par les
bateliers et par une foule de personnes qui ne connaissent peut-être pas les
moyens de faire cesser le grief dont ils réclament le redressement.
Messieurs, dans l'état actuel des choses, le port
d'Ostende, qui est le seul port entièrement libre de notre pays, le port
d'Ostende qui, sous un gouvernement belge, devrait s'améliorer de jour en jour,
ce port court grand risque de s'envaser si par la construction du canal de
Zelzaete on ne rend le canal d'Ostende à sa véritable destination.
En faisant écouler les eaux inférieures par le canal
de Bruges et d'Ostende, on soulagera la ville de Gand menacée d'inondation
plusieurs fois par an, on soulagera les vallées de l'Escaut et de
Il en résultera encore, messieurs qu'il y aura moyen
de faire droit aux plaintes incessantes que font entendre les habitants de ces
deux vallées, car alors seulement il sera possible de faire utilement à ces
deux grandes rivières les travaux de dérivation qui ne sont pour ainsi dire que
des ouvrages secondaires, les travaux d’entretien et d'amélioration qui
rentrent dans le cadre ordinaire des budgets. On fait maintenant ces travaux,
on y est poussé par la nécessité de porter remède au mal, mais en faisant ces
travaux maintenant on ne fait jamais que déplacer le mal, qu'amener les eaux
des parties inférieures de la rivière à la partie basse, et arrivées là, elles
ne trouvent pas de débouché pour s'écouler.
Une autre conséquence, messieurs, de la construction
du canal de Zelzaete, ce sera de mettre un terme aux entraves que les
fréquentes inondations opposent à la navigation sur
En présence de ces résultats qui seraient obtenus par
la construction du canal de Zelzaete, peut-on voir, messieurs, dans cette construction
autre chose qu'un objet du plus haut intérêt général ?
Je dois maintenant examiner un autre côté de la
question. J'ai retracé l'état actuel de l'écoulement des eaux supérieures,
voyons maintenant quel est l'état actuel de l'écoulement des eaux des terrains
que le canal de Zelzaete est appelé à desservir ; voyons quel est l'état de
l'écoulement des eaux de cette partie des deux Flandres qui touche à
Il y a une première remarque à faire, messieurs ; les
débouchés qui existent sur cette ligne sont tous, à l'exception d'un seul,
situés sur le territoire hollandais. Ces débouchés sont, ou entièrement
perdus, ou dans un état fort précaire.
En partant de Zelzaete, nous rencontrons, en premier
lieu, l'écluse d'Amélie, qui débouche dans les fossés de la ville du Sas de
Gand et de là dans le canal de Terneusen. C'est là un
écoulement très secondaire, qui ne sert qu'à une petite partie de territoire et
qui est, comme on le voit, situé en Hollande.
On trouve ensuite l'écluse de Philippine, qui est
bouchée depuis 1832 et qui était cependant indispensable à l'écoulement des
eaux. Je regarde le rétablissement de cette écluse comme entièrement
impossible, l'ensablement du Broeckman, où elle
déchargeait les eaux, se fait en cet endroit surtout, avec une rapidité
extrêmement remarquable : on a observé que depuis la fermeture du chenal du
Sas, les atterrissements se sont élevés d'un mètre, en une seule année à peu
près, tout entier.
On rencontre, en troisième lieu, les écluses
d'Isabelle, également sur le Braeckman ; c'est
encore là un débouché situé en Hollande, et un débouché précaire par suite de
l'ensablement.
En quatrième lieu, nous avons l'écluse du Capitalen-Dam. Cette écluse est le meilleur débouché qui
existe encore sir le Breckman ; mais il est aussi
situé sur le territoire hollandais ; et, par suite de l'ensablement complet du Zwyn, ce débouché deviendra bientôt insuffisant même pour
les terrains de
Nous trouvons en cinquième lieu le Zwyn,
où débouche une écluse située à l'est de ville de l'Ecluse et qui y amène
les eaux d'une très grande wateringue, dite d'Eccloo
et Lembeke. Cette écluse est presque complètement envasée
; elle l'est du moins à tel point qu'à la marée montante les portes de flots se
ferment à peine et que l'on se plaint de ce que les eaux salées remontent
jusqu'à une très grande distance.
Nous avons sur le Zwyn une
autre écluse située à l'ouest de la ville de l'Ecluse, et appelée l'écluse du
Pas ; celle-là est aussi complètement hors d'usage. J'ai eu l'occasion de
constater moi-même sur les lieux qu'au lieu de s'écouler par cette écluse les
eaux se dirigeaient vers l'intérieur de notre pays.
Nous avons enfin sur le Zwyn
la seule écluse qui, sur toute cette ligne appartienne à
Telle est, messieurs, la situation actuelle de
l'écoulement des eaux des terrains des Flandres qui avoisinent
Quels seraient maintenant les effets du canal en
discussion ?
En construisant le canal de Zelzaete vous aurez
établi, messieurs, un débouché dans la mer, sur le territoire belge ; comme
bassins, comme réceptacle (si je puis m'exprimer ainsi) vous aurez remplacé Brackman et le Zwyn.
Mais, dit-on, que les propriétaires des terrains dont
il s'agit de faire écouler les eaux, fassent ce débouché à leurs frais. Cet
argument, messieurs, repose sur une erreur, sur une fausse idée de la question.
S'exprimer de la sorte, c'est réduire une grande question d'intérêt national
aux mesquines propositions d'un intérêt local et particulier ; c'est rechercher
laborieusement l'intérêt particulier au milieu des intérêts généraux les plus
palpitants.
D'abord, messieurs, il ne s'agit pas ici de procurer
aux terrains en question les moyens d'écouler leurs eaux, sans frais pour les
propriétaires ; il s'agit de remplacer nos grands réservoirs, nos grands
réceptacles oblitérés et situés en dehors de notre domaine par un nouveau
réservoir situé sur le territoire belge ; ce n'est pas seulement le changement
qu'éprouvent les intérêts des propriétaires, c'est le changement de la
situation politique du pays, qui exige un changement de système pour
l'écoulement des eaux.
Ce n'est pas une pensée d'intérêt local qui a dicté le
projet dont nous nous occupons, c'est une haute pensée de nationalité et d'indépendance.
Cette opinion, messieurs, toutes les autorités, tous
les hommes spéciaux qui ont été appelés à étudier cette question, l'ont
exprimée avec une grande conviction.
Du reste, messieurs, c'est une erreur des plus graves,
que de croire que, le canal construit, les terrains n'auront plus rien à faire,
n'auront plus de charges à supporter, plus de grands sacrifices à s'imposer.
Par cette construction, on n'aura fait, comme je viens de le dire, que le
réservoir et rien de plus. Les terrains auront à faire alors des canaux qui
doivent mener au réservoir. Il faudra construire un grand nombre d'écluses qui
déboucheront dans le canal. Ces travaux assez considérables et qui exigent de
grandes dépenses, sont entièrement à charge de ces terrains.
Pour moi je pense qu'indépendamment de la dépense de
la construction du canal de Zelzaete, indépendamment des frais d'entretien qui
devront être supportés par les propriétaires, les terrains auront à faire
pendant huit ans des sacrifices extraordinaires de premier établissement pour
se rattacher au canal de Zelzaete.
Messieurs, outre l'intérêt matériel que présente la
construction du canal de Zelzaete, il s'y rattache un intérêt politique que
nous ne pouvons pas négliger.
Vous accomplirez, messieurs par la construction du
canal de Zelzaete un grand acte politique, un grand acte de nationalité. Si je
pouvais vous dérouler ici le tableau de ce qui s'est passé pendant deux siècles
de lutte, lorsque
Messieurs, la construction du canal de Zelzaete
présente encore un intérêt de douane. Par l'insurrection de 1830, nous nous sommes
constitués en nation indépendante. Mais nous avons à regarder autour de nous,
et nous trouvons que le pays n'est pas tout à fait dans la position où il
devrait se trouver. Il y a dans cette partie du territoire un grand espace où
la frontière est complètement ouverte, où il y a une surveillance douanière à
exercer par un nombre considérable d'employés, surveillance qui serait sans
doute singulièrement facilitée par la construction du canal. Je ne m'étendrai
pas davantage sur cet objet, parce qu'il est en dehors de mes études spéciales.
Il y a un autre intérêt qui se rattache à la
construction du canal de Zelzaete : C'est l'intérêt militaire ; je suis bien
moins compétent encore, pour donner des développements à ce sujet. Je regrette
de ne plus voir siéger dans cette enceinte un honorable collègue, colonel du
génie qui avait fait une étude toute spéciale de ce pays sous le rapport
militaire. Je ne pourrai donner aucun développement à cet égard, mais je vous
demanderai la permission, messieurs, de vous donner une idée de l'opinion de M.
le colonel de Puydt sur cette matière. Je ne pourrai ni les soutenir, ni les
développer, je le répète ; je ne puis pas même rendre le colonel de Puydt
responsable de mes citations, parce que ce sont des phrases isolées que j'ai
recueillies dans les relations que j'ai eues avec lui.
Voici entre autres, ce qu'il disait :
« Le canal de Zelzaete donnerait à
« Le canal de Zelzaete donnerait au pays la
meilleure garantie de paix qu'on puisse désirer, car elle ôterait à nos
adversaires et le désir et la possibilité de nuire.…
« Il ne serait pas hostile à
Voici ce qu'il dit encore ailleurs :
« La question de l'écoulement des eaux des
Flandres se résout par la question du canal de Zelzaete. Ce canal considéré
comme frontière artificielle, est dominé par un intérêt militaire, qui en
assure et en complète la destination.
« Cet intérêt militaire écarte toute question qui
se rattache aux avantages de localité, et place le canal à la tête des ouvrages
que le gouvernement doit exécuter aux frais du trésor seul, et sans la participation
des provinces, des communes ou des particuliers. Par là sont écartées aussi les
objections avec lesquelles la proposition faite en
« Cet intérêt militaire ne doit pas être négligé,
etc. »
« Dans l'état ordinaire des choses, laisser la
frontière ouverte, c'est faire preuve d'imprévoyance, c'est montrer une
sécurité dangereuse... »
Messieurs, j'ai tâché de vous donner une idée de
l'état actuel de l’écoulement des eaux supérieures ; j'ai cherché à vous
montrer quel serait l'effet de la construction du canal sur l'écoulement de ces
eaux. J'ai indiqué aussi les moyens d’évacuation pour les terrains que le canal
de Zelzaete devrait desservir. Je ne vous ai pas caché quelle serait l'utilité
que ces terrains en retireraient.
Comparez maintenant, messieurs, la construction du
canal de Zelzaete avec une foule d'autres travaux publics, et voyez si ailleurs
on a recherché avec tant de soin cet intérêt particulier, cet intérêt local,
cet intérêt tout à fait détaché, si je puis m'exprimer ainsi, de l'intérêt
général.
Vous avez voté des sommes vraiment considérables pour
l'endiguement des poldres autour d'Anvers ; je ne désapprouve pas cette mesure
; mais trouverez-vous là les intérêts généraux aussi palpitants que dans la
question qui nous occupe ?
Les canaux qui se construisent, les chemins de fer
même ne présentent-ils nulle part des avantages pour les particuliers ? A-t-on
recherché, quant au chemin de fer, s'il y avait par ci par là des plus-values ?
mais s'il avait fallu rechercher avec cette ténacité
tous les avantages qui résultent du chemin de fer pour les particuliers et pour
les localités on serait tombé dans un véritable dédale ; en invoquant les
principes du décret de 1807, on aurait pu trouver le moyeu de prétendre que les
particuliers et les localités devaient contribuer ; mais une question d'intérêt
général dominait tous ces détails.
Messieurs, si vous abandonniez pour un moment les
hautes considérations d'intérêt national, si vous descendiez dans les détails,
qu'y trouverez vous ?
Le pays n'est-il donc pas intéressé à assécher le
territoire, à maintenir en quelque sorte l'intégrité du territoire, à arrêter
des ruines, à assainir le pays, à faire jouir même les citoyens d'une manière
plus paisible de leurs propriétés ?
Messieurs, en améliorant la position des
contribuables, vous les mettez à même de payer leurs contributions. Que
résulte-t-il de la situation actuelle ? Le gouvernement doit accorder beaucoup de
remises ou de modérations de contribution. Eh bien, messieurs, c'est là une
perte pour le trésor. Mais c'est encore le moindre mal : lorsque le pays
doit accorder des remises ou des modérations de contributions, vous apportez à
peine quelque soulagement à des ruines, à des malheurs, Ce malheureux état de
choses, cette incertitude sur l'avenir font naître, dans une population
paisible et dévouée, le murmure, le découragement, la désaffection.
Pour moi, messieurs, lorsqu'il s'agit d'une question
d'intérêt général, je n'entrerai jamais dans tous ces petits détails. Si dans
chaque question, on veut rechercher les moindres intérêts particuliers qui s'y
rattachent ; si, pour m'exprimer de la sorte, l'on veut mettre à nu l'organisme
capillaire des intérêts particuliers, pour les retrancher de la grande artère
de l'intérêt général, on s'expose beaucoup à couper dans le vif, on s'expose à
rompre le lien social, à détruire la base de la société ; car la société est
basée sur la réunion des intérêts particuliers et sur l’appui qu'ils se doivent
mutuellement. C'est là ce qui constitue l'intérêt général.
Je vous ai tracé le tableau fidèle de tous les
intérêts qui se trouvent engagés dans cette question ; si vous pouvez les
atteindre, si vous pouvez faire la part de chacun de ces intérêts, je ne m'y oppose
pas ; mais si vous entrez dans cette voie, vous vous trouverez arrêtés devant
une impossibilité, qui sera la preuve qu'il s'agit d'une question d'intérêt
général, d'une question qui intéresse au plus haut degré la nation elle-même.
Messieurs, j'ai dû faire connaître mon opinion toute
entière avant de parler du système nouveau présenté par le ministre des travaux
publics. Un premier projet de loi qui mettait la construction du canal de
Zelzaete entièrement à la charge de l'Etat avait été adopté dans cette chambre.
Le sénat n'a pas admis la construction du canal aux frais du trésor seul. C'est
alors, messieurs, que j'ai présenté, non par conviction, mais par conciliation,
un projet de loi d'après lequel les propriétaires seraient appelés à contribuer
dans la construction du canal en exécution d'un principe déposé dans nos lois.
Je n'ai pas reculé devant le principe consacré par
l'art. 30 du décret de 1807.
Ce principe, je l'avoue, serait d'une application
difficile et le gouvernement s'est arrêté à un autre système, à celui de fixer
d'avance la part contributive des propriétaires. Lorsque j'ai moi-même
introduit en principe dans la loi une disposition pour faire contribuer des
propriétaires, cette disposition a été fort mal accueillie dans le pays, et si
je ne voyais pas la question de plus haut, si je voulais consulter une certaine
popularité, je ne pourrais pas admettre le système du ministre. Il y a
peut-être sur le bureau 50 à 60 pétitions, qui toutes sont dirigées contre
cette partie de mon projet de loi.
Malgré ces réclamations, je crois devoir adhérer à la
disposition présentée par M. le ministre, et qui tend à fixer d'avance la part
contributive des propriétaires. Voici surtout les motifs pour lesquels
j'admets cette proposition. Un travail tel que la construction du canal de
Zelzaete ne peut bien s'exécuter que quand il est demandé ou appuyé, comme
sien, par le gouvernement lui-même. C'est un de ces ouvrages dont la nécessité,
l'urgence doit être évidente pour le gouvernement. Sans cette condition, ce
serait en vain qu'on espérerait de voir décréter des travaux aussi importants.
Le gouvernement exprime formellement son opinion sur
la part contributive des propriétaires. Je ne partage pas cette opinion ; mais
je conçois qu'il serait inutile de la combattre, je l'admets comme un sacrifice
imposé à une partie du pays ; et je désire que ce sacrifice puisse porter
d'heureux fruits pour le pays tout entier.
M. Peeters. - Je demande la parole pour une motion d'ordre. Je
demande l'ajournement de la discussion qui nous occupe actuellement. Un rapport
vient d'être fait à la chambre sur toutes les voies navigables et canaux du
pays. Ce rapport ne nous est pas encore distribué, un extrait seulement a été
annexé aux amendements présentés par le ministre. Je demande l'ajournement de
la discussion jusqu'à ce que ce rapport entier nous soit connu. Si je fais
cette demande, ce n'est pas que je veuille m'opposer à la construction du canal
de Zelzaete ; je suis, au contraire grand partisan des constructions des
canaux, car je pense que l'argent employé à des travaux d'utilité publique de
cette espèce est de l'argent très bien employé, c'est un moyen d'enrichir le
pays. Je pense qu'un pays comme un propriétaire qui n'ayant pas assez de
revenus pour améliorer sa propriété, emprunte pour faire des travaux utiles,
s'enrichit. De sorte que je n'ai pas demandé la parole, je le répète, pour
m'opposer à la construction, mais à la discussion en ce moment du canal de
Zelzaete.
Si je suis partisan des canaux, je suis aussi partisan
de la justice distributive. Depuis notre régénération politique, 142 millions
ont été employés en travaux publics. J'ai fait un relevé de ce qui sur cette somme
a été dépensé par province ; je sais qu'on ne peut pas strictement exiger que
la même somme soit appliquée à chaque province ; mais je sais aussi que la
province à laquelle j'appartiens a été très mal partagée ; tout le monde sait
comment elle a été traitée par Guillaume, et pourquoi ; depuis lors elle n'a
été guère plus heureuse. Pour ce qui regarde les canaux, elle n'a rien obtenu
de plus. Si des améliorations ont été faites à une rivière, ç'a été aux frais
de la province qui a dépensé un million à cet objet. D'après le relevé
exact, extrait de tous les rapports sur les travaux publics publiés depuis dix
ans, on a dépensé pour la province à'Anvers 9 millions seulement, tandis qu'on
a dépensé pour le Brabant, 25 millions ; pour
M. Rodenbach. - Je m'opposerai à la motion que vient de faire
l'honorable M. Peeters. Cet honorable membre nous a parlé des travaux à faire
dans
On va probablement construire le canal projeté. Depuis
dix ans on n'a rien fait pour les localités qui le réclament, on ne peut donc
pas leur reprocher d'avoir obtenu des faveurs. C'est une question qui est
d'ailleurs décidée. C'est en 1835 qu'un projet a été présenté à la chambre, qui
l'a adopté. Le sénat n'a pas voulu admettre la construction aux frais de
l'Etat seul. Depuis lors tous les ministres qui se sont succédé ont fait
des rapports favorables à la construction de ce canal. Depuis lors on l'a
constamment ajourné, mais enfin on en a fixé la discussion à mercredi ; et
maintenant on vient proposer un nouvel ajournement ; sans doute après celui-là,
s'il était adopté, on en proposerait un autre. Il est urgent d'en finir, tous les
ans
M. Desmet. - C'est un moyen qu'on emploie pour s'opposer à la
construction du canal, quand on vient dire que le moment n'est pas venu de la
discuter. Je ferai observer à l'honorable membre qu'il ne s'agit pas ici du
système des canaux de navigation, mais d'une voie d'écoulement et de
dessèchement dont la nécessité est incontestable, et qui n'entre nullement dans
le plan de l'honorable M, Vifquain.
L’honorable auteur de la motion d'ordre a fait
l'énumération de tout ce qu'on a dépensé pour telle ou telle province. Je suis
député du district d'Alost, et je puis dire qu'on n'a rien fait pour ce
district. Nous avons payé beaucoup pour le chemin de fer, et on n'a même rien
fait pour cette contrée, qui a même beaucoup perdu par le chemin de fer.
Quel est l'objet en discussion ? c'est
un besoin, une nécessité, afin d'éviter les inondations. Il ne s'agit pas d'une
partie des Flandres, il s'agit du pays tout entier.
C'est par ce motif que je demande que l'on continue l'ordre du jour qui a été
fixé, la discussion qui est commencée.
M. de Renesse. - Messieurs, lorsque, en
1836, la chambre a donné son assentiment au projet de loi présenté par M. le
ministre de l'intérieur pour l'exécution du canal de Damme à la mer comme
première section du canal de Zelzaete,
Depuis l'exécution du traité, l'art. 8 de cet acte
stipule formellement que l’écoulement des eaux des Flandres sera réglé entre
Jusqu'à présent le rapport de cette commission, qui me
paraît cependant être un document nécessaire et indispensable pour juger en
connaissance de cause, n'a pas été communiqué à la chambre ; il se pourrait
que, par des travaux bien établis, il serait possible de rendre aux Flandres
leurs anciens moyens d'écoulement des eaux tels qu'ils existaient avant 1830,
sans devoir dépenser une somme aussi importante que celle demandée pour
l'exécution de la première section de Damme à la mer, dont la dépense est
évaluée à près de 2 millions de francs.
Si l'on veut améliorer l'écoulement des eaux des
Flandres, rendre cet écoulement entièrement indépendant de
Le canal de Zelzaete, d'après les développements
donnés par l'honorable auteur du projet de loi, et d'après le travail général
de M. l'inspecteur Vifquain, doit avoir pour but essentiel, de remplacer les
débouchés d'écoulement au pouvoir des Hollandais, de mettre le pays à l'abri
des avanies que peut lui faire subir à volonté une puissance qui gardera encore
longtemps rancune à
Si maintenant la chambre veut passer outre à la discussion
du projet de loi sur le canal de Damme à la mer, qui ne doit être que la
première section du canal de Zelzaete, sans avoir pris connaissance du rapport
de la commission instituée d'après l'art. 8 du traité de paix, elle jugerait
cette affaire sans avoir eu communication d'un document qui, dans cette
question, me paraît être très important ; elle s'engagerait, en outre, à voter
des dépenses très considérables, lorsqu'il y aurait peut-être moyen de parvenir
à rétablir l'écoulement des eaux des Flandres, en ne faisant que des dépenses
d'une moindre importance.
Il est notoire que déjà avant 1830, les voies
d'écoulement dont les Flandres étaient en possession, à l'exception du canal de
Terneuzen, de construction alors toute récente, laissaient beaucoup à désirer
; ce n'est donc pas, par le fait seul de la révolution, que la situation des
propriétés dans les Flandres, situées contre
Avant l'exécution du traité, lorsque les Hollandais,
étaient maîtres du canal de Terneuzen, depuis Zelzaete jusqu'à son embouchure,
les provinces des Flandres avaient fait une perte réelle, puisque ce canal
était le débouché permanent pour toutes les terres à même par leur position d'y
verser les eaux ; il offrait, en outre, un grand soulagement en débarrassant
ces provinces du trop-plein de l'Escaut et de
L’on ne pourra m'objecter avec quelque fondement, que
déjà la chambre a donné, en 1836, son assentiment au projet de loi actuel,
qu'il y a, par conséquent, une espèce de droit acquis à pouvoir réclamer la
priorité, pour la construction de ce canal ; mais je l'ai déjà dit, à cette
époque, nous nous trouvions dans une tout autre position que
Pour la province que j'ai l'honneur de représenter, des
constructions de routes et surtout la canalisation de
Si le gouvernement avait réellement à cœur l'intérêt
d'une province froissée sous tant de rapports ; s'il tenait à améliorer la position
matérielle de
Le gouvernement ne devrait pas, chaque année, se faire
rappeler les promesses faites aux provinces morcelées ; leur non-accomplissement, est un véritable grief, que ces
provinces ont à articuler contre le gouvernement ; aussi, si, je ne reçois pas
actuellement de la part de M. le ministre des travaux publics l'assurance
positive, et non de vaines promesses, qu'il sera fait droit aux justes réclamations
des provinces, dont je défends ici les intérêts et notamment pour le Limbourg,
que la canalisation de
S'il est vrai qu'il faille nécessairement un nouvel
emprunt pour terminer le chemin de fer décrété, il est à craindre que les
autres travaux d'utilité publique, vivement réclamés, éprouveront encore un
ajournement indéfini ; je voudrais que M. le ministre des travaux publics
s'exprimât franchement à l'égard des réclamations des provinces ou parties de
provinces qui ont peu ou aucun avantage de la voie ferrée ; si elles
obtiendront à la fin une juste compensation, formellement promise surtout pour
les provinces dont les territoires ont été cédés. La réponse de M. le ministre
me guidera dans le vote que j'aurai à émettre ; car, ayant constamment voté
pour toutes les dépenses du chemin de fer et des autres constructions d'utilité
publique, je prendrai la résolution de ne plus voter pour aucun subside extraordinaire
destiné aux travaux publics dans les autres localités du royaume, aussi
longtemps que le gouvernement ne fera pas droit aux griefs des provinces sacrifiées
à l'intérêt général. J'attendrai la suite de la discussion du canai de
Zelzaete et l'explication que j'ai eu l'honneur de demander à M. le ministre
des travaux publics pour me prononcer pour ou contre sa construction immédiate
ou pour son ajournement, jusqu'à ce que le
gouvernement ait présenté à la chambre un système complet de canalisation et
proposé les moyens d'exécution.
M. le ministre des travaux publics (M.
Desmaisières)
- Je regrette que l'honorable auteur de la proposition n'ait pas assisté à la
séance de la chambre qui a eu lieu, il y a quelques jours. Je crois qu'il se
serait dispensé de faire sa proposition ; car vous vous rappellerez que,
votant sur une motion faite par l'honorable M. Dubus, la chambre, après une
discussion assez longue, a rejeté l'ajournement de la question du canal de
Zelzaete ; cette motion était fondée sur les mêmes motifs que la proposition de
l'honorable M. Peeters. C'est donc une question décidée et sur laquelle la chambre ne peut convenablement
revenir.
Ensuite le projet de loi dont la discussion est
commencée reproduit un ancien projet présenté par le gouvernement, et qui a
été voté par la chambre, il y a six ans, à une très forte majorité. Le projet
que nous discutons n'est pas celui du gouvernement ; mais cependant, il est à
remarquer que le gouvernement a adhéré au principe de ce projet, en vous
présentant des amendements. Je ne sais donc pas s'il serait convenable, s'il
serait dans les attributions de la chambre, d'ajourner la discussion, alors
qu'elle est commencée, alors que le gouvernement a adhéré au principe du projet.
Les honorables membres qui ont parlé pour
l'ajournement se sont appuyés sur la crainte qu'ils ont qu'on n'accorde pas à
leurs provinces les travaux publics que, selon eux, leurs provinces doivent
obtenir. J'ai déjà eu l'occasion de m'expliquer à l'égard de l'utilité de ces
projets dans la discussion du budget de mon département. J'ai dit alors que je
regarde la canalisation de
Ne voyez-vous pas au budget, depuis plusieurs années,
des sommes considérables pour
M. Cools. - Je dois me prononcer contre la motion d'ajournement,
d'après les termes généraux, dans lesquels elle est faite. Mais je crois qu'il
y a une distinction à faire. J'ai examiné avec attention les pièces qui nous
ont été distribuées. Il est fâcheux que ces pièces ne soient pas plus
nombreuses ; il est fâcheux que le gouvernement n'ait pas pu communiquer des
documents plus complets. Cependant d'après la manière dont la question se présente
je crois qu'il convient d'aborder la discussion. Il y a un projet de canal de
Damme à la mer et un projet de canal de Damme jusqu'à Zelzaete. Ces projets ne
se lient pas ensemble ; l'un peut s'exécuter entièrement sans l'autre. Quant au
projet de Damme à la mer, je crois qu'il est réellement nécessaire de le
discuter dès aujourd'hui. L'honorable M. de Puydt dans son rapport de
Quant au projet de canal de Damme à Zelzaete, il n'en
est pas de même. Quand a-t-il été question de ce projet ? En 1834, alors que
nous étions dans un état de quasi-guerre avec
On fait valoir que les terres sont souvent inondées au
nord des deux Flandres ; c'est un fait que nous ne contestons nullement. Il est
certain que toute la partie de
Faudra-t-il commencer ce canal par l'orient, ou
l'occident ? Je n'en sais rien. La question doit être examinée sous ce double
point de vue. J'avais espéré que le travail de M. l'inspecteur Vifquain aurait
contenu quelques éclaircissements à cet égard. J'étais d'abord étonné de ne pas
en trouver, mais M. l’inspecteur Vifquain m'a fait observer qu'il a considéré
la mission dont il était chargé, en ce sens qu'il devait présenter un travail
général sur les voies navigables de
Si M. Vifquain s’en est occupé, c'est parce que la
chambre est saisie de ce projet. Mais il ne s'ensuit pas qu'il n'y pas d'autres
travaux d'écoulement aussi utiles, aussi urgents.
Il est certain qu'à l'orient du canal de Terneusen on a également besoin de moyens
d'écoulement. A la hauteur de Hulst il y a eu des
inondations considérables. J'ai vu un compte d'où il résultait que, dans un
seul polder, celui de Vracene il y avait eu
des pertes évaluées à 400,000 fr. depuis la révolution. Je ne suis pas
fâché d'avoir cette occasion d'appeler l'attention du gouvernement sur cet état
de choses, qui est digne de toute sa sollicitude.
On fait valoir encore en faveur du canal de Zelzaete
qu'il absorbera cette masse d'eau qui nous arrive tous les ans de France par le
Hainaut.
Messieurs, on a institué une commission pour chercher
les remèdes à apporter à ces inondations. Cette commission n'a pas terminé
son travail, n'a pas fait son rapport, et il est encore fâcheux que nous ne
puissions avoir ce document sous les yeux. Mais enfin, il y a dans l'assemblée
si ces membres qui font partie de cette commission ; des membres m'assurent que
la commission regarde comme le moyen le plus efficace d'apporter remède aux
inondations, la construction du canal de Zelzaete, cette déclaration sera d'un
grand poids à mes yeux. Mais je doute que cette déclaration soit faite, parce
que, si je puis m’en rapporter à ce qui transpire dans le pays, la commission
verrait le remède ailleurs que du côté de Zelzaete. La commission croit
qu'il y a des travaux à faire non du côté de l'occident, mais au dessous de
Gand, vers le cours naturel de l'Escaut, c'est-à-dire vers Termonde ; on assure
qu'elle propose comme moyen la construction de barrages mobiles dans l'Escaut
et
Eh bien ! il est fâcheux que
nous ayons abordé la discussion de ce projet avant que la commission n'ait
terminé son travail. S'il était constaté que la construction du canal de
Zelzaete est un remède efficace pour l'écoulement des eaux des Flandres, nous
devrions l'adopter ; car c'est en réalité une question vitale pour les
Flandres. Mais je crois que nous ne pouvons nous décider maintenant à cet
égard. Il y a là un nouveau motif pour désirer un ajournement.
En résumé la proposition telle qu'elle est faite, je
dois la repousser, parce que je crois qu'il est réellement urgent de construire
le canal de Damme à Blankenberghe. Mais s’il
surgissait une proposition incidente pour ajourner la décision de la
construction du canal de Damme à Zelzaete, je devrais m'y rallier.
Je sais qu'on demande de décréter simplement le
principe de la construction du canal entre Damme et Zelzaete ; mais je
crois que ce serait commettre une faute que d’en dire quelque chose. Lorsqu'on
décrète un principe, on est forcé de le mettre plus tard à exécution, on
établit même une présomption de priorité qui pourrait porter préjudice à des
constructions plus urgentes.
Messieurs, il est encore une considération en dehors
du projet, qui me fait pencher pour un ajournement partiel, et cette considération,
je ne veux pas la taire à l'assemblée : c'est l'état de nos finances.
Nous avons déjà décrété des dépenses énormes dans le
cours de cette session, et nous sommes dans la nécessité de créer de nouveaux
impôts. La partie du canal de Damme à Zelzaete entraînera une dépense de 2
millions. Deux millions de plus ou de moins à trouver par les impôts ne sont
pas une chose indifférente au pays. Sous ce rapport je crois que nous devons
être sobres des deniers de l'Etat. C'est encore là un motif pour lequel, si une
proposition incidente d'ajournement partiel était faite,
je m'y rallierais.
M. Huveners. - Messieurs, j'appuie la demande d'ajournement par
des motifs puisés en partie dans les documents distribués dont il ne pouvait
être question lors de la proposition de l'honorable M. Dubus qui n'avait pour
but que la fixation de l'ordre du jour. Nous ne nous trouvons plus, comme l'a
observé l'honorable comte de Renesse, dans la même situation qu'en 1836
relativement à l'écoulement des eaux des Flandres : alors nous étions dans un
état précaire et à la merci de
Nous pouvons donc sans danger attendre l'impression du
travail général de M. Vifquain, ainsi que les propositions du gouvernement
dans lesquelles sera compris le canal de Zelzaete, dont je suis loin de
contester l'utilité ; nous ne pouvons légèrement, sans examen, sans nécessité,
accorder la priorité au canal de Zelzaete.
Les Flandres
possèdent déjà, et chemins de fer, et canaux et routes ; il est juste qu'enfin
on songe aussi aux provinces qui n'ont presque rien, aux provinces sacrifiées
dans l’intérêt général el auxquelles on a promis formellement des
compensations.
Le canal de Zelzaete une fois admis, absorberait pour
longtemps encore les ressources ordinaires du pays. Les autres projets de
canalisation, aussi utiles que celui dont nous nous occupons et auxquels le
caractère d'utilité générale ne peut être contesté, seraient définitivement
ajournés.
Nous ne pouvons nous engager dans des dépenses aussi
considérables sans être d'accord sur les voies et moyens ; pour ma part, je ne
puis contribuer à établir une espèce de fin de non recevoir contre les justes réclamations
des provinces morcelées ; je désire donc que le gouvernement examine le travail
de M. Vifquain, qu'il nous fasse des propositions, qu'il nous présente les
moyens, soit par emprunt, soit autrement, pour faire face aux dépenses
qu'occasionneraient les travaux qu'on veut exécuter. Je m'oppose de toutes mes
forces à la marche suivie jusqu’ici d'accorder tout à certaines provinces sans
se souvenir des promesses solennelles qu'on a faites aux provinces sacrifiées
dans l'intérêt général. Je crains trop que si, comme on le dit, le gouvernement
vient de demander jusqu'à vingt-cinq millions pour parfaire les lignes décrétées
du chemin de fer, la législature ne soit plus disposée à voter des fonds pour
d'autres travaux d'utilité publique, et qu'ainsi les justes réclamations des
provinces morcelées ne restent sans résultat.
Par les observations de
plusieurs de mes honorables collègues, je me suis aperçu qu'on n'a pas compris
la portée de mon amendement.
M. Peeters. - Messieurs, lorsque j'ai demandé l'ajournement,
j'ai de suite ajouté et je l'ai répété plusieurs fois, que je ne m'opposais pas
au canal de Zelzaete, mais qu'avant de décider la construction de ce canal, il
fallait aviser aux moyens de faire face à la dépense et connaître le rapport
de M. l'ingénieur Vifquain sur les canaux eu général. Je demande que l'on fasse
pour les canaux ce que l'on a fait pour les chemins de fer. Lorsqu'on a
commence à décréter la construction des chemins de fer, toutes les provinces
ont demandé des lignes d'embranchement, et par une loi générale on a décrété
l'ensemble de la construction et les moyens de faire face à la dépense. Je
désire qu'on en agisse de même pour les canaux, soit au moyen de la vente de
nos forêts, soit en faisant un emprunt. Si on ne veut pas employer l'un ou
l'autre de ces moyens, qu'ou ne fasse rien ni pour une localité ni pour une
autre.
On dit que depuis 1830, on a fait plus pour
Et cependant, dans une autre discussion, je vous ai
prouvé que l'arrondissement de Turnhout seul rapporte au-delà d’un million de
revenu net à l'Etat. Or, si cet arrondissement rapporte au-delà d'un million de
revenu net, il est bien temps que l'on fasse quelque chose pour lui, et qu'on
ne se borne pas à la somme de 600,000 fr., qu'on a demandée jusqu'ici pour la
route de Turnhout à Diest ; il est plus que temps qu'on s'occupe de la
canalisation de la route de Turnhout vers Tilborg.
Je persiste donc dans ma demande d'ajournement. Qu'on
nous distribue avant tout le rapport de M. l’ingénieur Vifquain, et alors nous
pourrons commencer une discussion générale. Quant à moi, je le répète, je ne
reculerai pas devant un emprunt ou devant la vente de nos forêts pour la
construction de grands travaux d'utilité publique. Nos forêts seraient vendues
fort cher et ne rapportent presque rien à l'Etat. Mais si nous procédons
partiellement, nous n'aurons jamais aucun bon résultat. Si nous donnons encore
à ceux qui ont déjà, plus tard on dira à ceux qui n'ont encore rien reçu qu'on
n'a plus rien, et ils attendront toujours. Ce que je veux prévenir, si les
députés des Flandres pensent réellement ce qu'ils disent, ils ne risquent rien
à cet ajournement, leur canal sera voté plus tard
avec d'autres canaux non moins utiles.
M. d’Hoffschmidt. - Messieurs, je ne sais
pas quel sort est réservé à la proposition de l'honorable M. Peeters ; mais il
me semble, quant à moi, qu'elle présente un côté extrêmement sage.
Je ne suis pas non plus contre le canal de Zelzaete ;
au contraire, je serais charmé de lui donner mon approbation, de pouvoir voter
les sommes nécessaires à sa construction. Un intérêt particulier, l'intérêt
local domine dans cette question, il est vrai ; mais quand il s'agit de
provinces aussi importantes que les deux Flandres, cet intérêt particulier est
très grave et mérite toute notre considération. Cependant il ne suffit pas de
prouver la nécessité de la construction soit d'une route, soit d'un canal,
pour qu'on doive l'adopter sans autre examen. Il y a un autre côté également
important de la question.
En effet, rien n'est si facile que de prouver dans
cette enceinte que telle route, que tel canal est d'une haute utilité soit pour
le pays tout entier, soit pour les localités qu'il intéresse particulièrement.
Pourquoi cependant lorsqu'on vient prouver l'utilité d'une pareille
construction, ne l'adopte-t-on pas immédiatement ? Pourquoi, messieurs ? Mais
évidemment parce qu'on doit songer d'abord à la dépense que cette construction
nécessitera au pays ; et que ce n'est qu'après un pareil examen qu'on peut se
décider.
Eh bien ! messieurs, vous
connaissez tous l'état financier du pays et l'honorable M. Cools vient encore
d'appeler votre attention sur ce point. Cet état n'est pas extrêmement
favorable dans ce moment-ci, et la preuve, c'est qu'on nous demande de
nouveaux moyens pour couvrir les dépenses que nous avons déjà votées cette
année.
Cependant je me hâte de dire que je ne suis pas du
nombre de ceux qui croient que, parce que le pays a construit un vaste système de
chemins de fer, a fait de nombreuses constructions, et de nombreuses dépenses
pour ses communications, il doit s'arrêter et ne plus rien faire. Je suis loin
d'être de cet avis ; je crois qu'une pareille détermination serait très
fâcheuse pour le pays.
Mais ce que je pense, c'est que nous devons agir avec
prudence, avec réserve à cet égard ; c'est que nous ne devons pas aller à
l'aventure ; c'est que nous ne devons pas agir partiellement eu votant un jour
des dépenses pour telle communication, et le lendemain pour telle autre. Je
crois qu'il faut qu'il y ait de l'ensemble dans ce que ce nous voulons décider,
surtout pour la canalisation du pays dont on ne s'est pas occupé jusqu’à
présent.
Jusqu'à présent, messieurs, c'est le hasard qui décide
quel est le projet qui aura la priorité ; je voudrais que ce ne fût plus le hasard
qui décidât ; je voudrais que nous adoptassions un plan d'ensemble (comme j'ai
déjà en l'honneur de le dire), avec pleine connaissance de cause, et que toutes
les questions fussent décidées en même temps.
Or, messieurs, le plus difficile est fait à cet égard,
en ce qui concerne la navigation intérieure du pays ; car on nous a soumis, il
y a quelques jours, un plan général de canalisation, dont nous n'avons pas
encore pu prendre connaissance. Eh bien ! je dis que dès lors le plus difficile
est fait ; car, bien que je ne connaisse pas ce document, l'ingénieur distingué
qui en est l'auteur ne peut l'avoir fait qu'avec infiniment de soin.
Sans doute qu'il se sera occupé de la question de priorité
sur le plus ou moins d'utilité de tel canal ou tel autre ; sans doute qu'il
donne aussi un devis estimatif des frais qu'entraîner ces différentes
constructions.
Eh bien ! qu'est-ce qui reste
à faire au gouvernement pour que nous ayons un projet complet à cet égard ? Il
lui reste à examiner par quels moyens on fera face à la dépense, à nous dire si
c'est le gouvernement qui devra faire telle communication, ou si c'est le
gouvernement avec l'aide des provinces et des particuliers, ou si elle doit être
laissée à l'industrie privée. Voilà comment la question devrait nous être
soumise, avant que nous ne fussions appelés à prendre une détermination
définitive. Alors il resterait à examiner soigneusement quelle dépense
Voilà cependant ce que nous ignorons ; nous allons
voter la construction d'un canal, éminemment utile, j'en conviens ; mais nous
faisons face à la dépense par un moyen très facile, par une émission de bons du
trésor ou par un emprunt ; car je crois que cela se résumera en définitive à un
emprunt. Eh bien ! nous commençons à entrer dans une
voie extrêmement coûteuse pour le pays ; car si nous voulons construire tous
les canaux utiles, cela pourra mener à une dépense de 60 à 70 millions. Ne
serait-il pas plus sage de voter un emprunt qui se montât à une somme aussi
considérable si on le jugeait utile, en plusieurs années, et de décider quels
sont les canaux qui doivent mériter la préférence sous le point de vue de
l'intérêt général ?
C'est là, messieurs, ce qu'on a fait aux Etats-Unis :
c'est là ce qu'on a fait en France en 1822. Mais en France malheureusement les
ingénieurs avaient évalué la dépense beaucoup trop bas ; de sorte que le projet
n’a pas reçu son exécution complète.
Or, d'ici à la session prochaine, le gouvernement
pourrait examiner ces questions et nous présenter, avec le .travail de M.
Vifquain, les conclusions et un projet, s'il le jugeait convenable, qui
comprendrait toutes les questions à décider sous ce rapport.
Je me rallierai donc à la proposition de l'honorable
M. Peeters, envisagée sous ce point de vue, point de vue éminemment utile,
éminemment sage, selon moi.
Il me reste, messieurs, à faire une observation sur ce
qu'a dit l'honorable M. Peeters, concernant les dépenses faites dans les
diverses provinces pour constructions publiques. Il a évalué le montant de
dépenses faites dans le Luxembourg à 3 millions. Mais je crois qu'il a compris
dans cette somme les sommes dépensées dans la partie cédée. Or, messieurs, il
ne serait pas juste de nous opposer cette dépense, car après avoir cédé une
partie du pays, on ne peut nous donner comme une faveur la dépense qui y a été
faite pour constructions de routes.
Je pense que dans la partie
qui nous reste du Luxembourg, on n'a dépensé en tout qu'environ deux millions
de francs.
M. de Muelenaere. - Il me semble, messieurs,
que ce n'est pas une question d’ajournement qu'on a soulevée, mais qu'il s'agit
de savoir si l'on adoptera, ou si l'on rejettera sans discussion le projet de
loi qui nous est soumis relativement au canal de Zelzaete. Au fond c'est le
rejet et non pas l'ajournement que l'on veut.
S'il s'agissait réellement d'une question
d'ajournement, il suffirait, je pense, de vous inviter, messieurs, à vouloir
bien un instant recueillir vos souvenirs. L'instruction relative au canal de
Zelzaete a commencé en 1833, pour ne parler que de ce qui s'est fait sous le
gouvernement actuel. C'est le 20 avril 1836, que la chambre des représentants,
à une très grande majorité, a adopté un projet de loi décrétant la construction
de ce canal, à des conditions infiniment plus avantageuses pour les Flandres
que celles qui vous sont proposées aujourd'hui. C'est le 15 mars 1837, que
l'honorable M. Lejeune a présenté le projet de loi actuellement en discussion.
Il y a donc plus de 5 ans que la chambre se trouve saisie de ce projet. Il y a
14 ou 15 mois que le rapport nous a été fait par l'honorable M. de Puydt. Vous
avez en outre sur cette matière tous les documents que l'on peut désirer à cet
égard. Je demande dès lors s'il existe un motif quelconque pour faire ajourner
le débat.
Deux motifs principaux sont allégués. D'abord on dit
que le traité du 15 novembre a garanti l'écoulement des eaux des Flandres
conformément au traité de Fontainebleau. Mais, tous ceux qui se sont occupés de
la question du canal de Zelzaete , tous les hommes de l'art sans exception, ont
unanimement reconnu qu'avec les meilleures intentions du monde, qu'avec la meilleure
volonté possible,
Ce barrage établi à travers le chenal de Passegueule arrêta la marche du flux. Jusque là le Zwyn, lié aux grandes criques de Brakman
par le chenal, séparait l'île de Cadzand du continent
et conservait encore une grande profondeur par l'action dominante du flux.
L'établissement du Bakkersdam fut un grand mal.
Mais
« Ce rapport, dit-on, est un rapport général sur
la canalisation du pays, il n'est pas imprimé, on en a seulement extrait une
partie, celle qui est relative au canal de Zelzaete, or il faudrait attendre
que nous eussions connaissance du rapport tout entier. » Mais je vous prie
de remarquer, messieurs, que l’impression du rapport ne suffira pas ; le
rapport lors même qu'il sera imprimé et qu'il aura été distribué, ne sera pas
susceptible d'une discussion immédiate.
Probablement, de nouvelles instructions devront avoir
lieu, de nouveaux retards seront apportés à la discussion, et ainsi le canal de
Zelzaete se trouverait encore une fois ajourné indéfiniment.
Veuillez en outre, messieurs, ne pas perdre de vue,
que le canal de Zelzaete n'a aucune connexité avec les autres objets dans le
rapport de M. Vifquain. Le travail de cet ingénieur est relatif aux canaux de navigation,
qu'il conviendrait d'établir dans le pays ; or le canal de Zelzaete n'est et ne
doit être qu'un canal d'évacuation et nullement un canal navigable.
Vous voyez, messieurs, que quand vous aurez le rapport
de M. Vifquain, vous ne serez pas plus en état de discuter la question du canal
de Zelzaete, que vous l'êtes maintenant ; dès lors, je le répète, je ne vois
réellement aucun motif quelconque d'ajourner cette discussion. Vous avez sous
les yeux tous les documents qui vous sont nécessaires pour procéder
immédiatement à la discussion du fond, et si l'on prononçait l'ajournement, je
ne pourrais y voir qu'un rejet.
Un honorable député du Limbourg a dit tout à l'heure
qu'il était disposé à ne plus voter aucune dépense quelconque pour des travaux
publics,à moins que l'on ne fît, préalablement droit
aux réclamations de sa province. Mais je demanderai, messieurs, si les députés
des Flandres, à leur tour, si les députés d'autres provinces venaient dire
aussi à la chambre qu'ils sont disposés à ne plus voter aucune dépense pour des
travaux publics, à moins que l'on ne fasse préalablement droit à toutes les
réclamations qu'ils ont à faire valoir, je demanderai ce qui résulterait de
là' ? C'est qu'on ne ferait plus aucun travail d'utilité publique en Belgique ;
la chambre ne voterait plus aucune dépense et par conséquent tous les travaux
se trouveraient naturellement arrêtés, ce n'est pas ainsi qu'il faut procéder ;
je crois qu'on ne peut pas nous accuser d'impatience ; nous souffrons depuis
1830 ; les pertes que nous avons essuyées par suite des inondations sont
incalculables.
M. Dumortier. - Votre position n'est pas empirée depuis 1830.
M. de Muelenaere. - C'est là une question
qui appartient au fond de la discussion ; permettez-nous d'entrer dans le fond
et nous prouverons à l'évidence que notre position est considérablement empirée
depuis 1830, que depuis 1830 nous avons perdu toute espèce de moyen
d'écoulement.
Je le répète, messieurs, nous n'avons montré à cet
égard aucune impatience, car nous souffrons depuis 1830 ; en
Je pense qu'après cela on ne peut pas nous accuser
d'impatience, lorsque nous nous opposons à un nouvel ajournement qui ne serait
justifié par rien. On ne peut pas nous accuser de demander la discussion d'un
projet qui ne soit pas mûri, car vous avez une foule de rapports de tout le
monde ; vous avez le rapport des ingénieurs, les rapports de deux ministres
des travaux publics ; celui de M. l'ingénieur Vifquain, ceux des commissions
de la chambre, Les auteurs de ces rapports sont tous du même avis, c'est
qu'une partie de ce canal, notamment celle de Dam à la mer, est non seulement
utile, mais d'une impérieuse, d'une urgente nécessité.
Demander, après cela,
l'ajournement ; voilà ce que je ne comprendrais pas. Si l'on ne veut pas du
projet, qu'on propose le rejet ; ce sera au moins agir avec franchise.
M. de Renesse. - L'honorable M. de Muelenaere a attaqué la partie
de mon discours où j'ai dit que je ne voterais plus aucune demande
extraordinaire de fonds destinés à d'autres provinces aussi longtemps qu'on ne
ferait pas droit aux réclamations des provinces morcelées. Comme député d'une
de ces provinces, aux réclamations de laquelle on refuse constamment de faire
droit, à laquelle on persiste à refuser les canaux et les routes qui doivent
la dédommager des pertes qu'elle a essuyées par suite du traité, comme député
de cette province j'ai bien le droit de me plaindre que depuis 1839 rien n'ait
encore été fait pour cicatriser les plaies que lui a faites un traité qui lui a
enlevé toutes ses ressources. Nous nous trouvons dans une tout autre position
que les provinces pour lesquelles on a déjà tant fait, quoiqu'elles n'aient
pas été comme nous victimes du morcellement, pour lesquelles on a dépensé vingt
ou trente millions en constructions de chemin de fer : notre province a reçu un
bout de chemin de fer de Landen à St-Trond, qui a coûté une somme de un million
deux cent trente-deux mille francs. Voilà tout ce que nous avons obtenu, et
cela nous avait été accordé avant l'exécution du traité.
Bien certainement, la canalisation de
M. Devaux. - Ce qui m'inspire une grande confiance dans le
mérite du projet de canal qui nous est soumis, c'est la peine que l'on a à en
obtenir la discussion ; il semble que les adversaires du projet craignent qu'on
ne les éclaire ; l'on paraît tellement redouter que le mérite du canal soit
démontré, que l'on ne veut pas même permettre que le projet soit mis en
délibération.
Je comprends toutes les opinions en cette matière
comme en d'autres ; je comprends qu'on ne veuille pas du canal, je comprends
qu'on veuille des amendements au projet : jamais un grand travail d'utilité
publique n'a été adopté dans cette enceinte, sans rencontrer de l'opposition ;
mais ce que je ne comprends pas, c'est qu'on ne veuille pas faire au projet
l'honneur d'une discussion.
Le projet de canal nous a été présenté depuis 9 ans ;
il a reçu successivement l'approbation de tous les ministères qui se sont
succédé, M. Rogier a pris l'initiative, son successeur, M, de Theux a soutenu
le projet dans cette chambre et au sénat ; M. Nothomb, dans son rapport de
1837, y a été également favorable ; le ministre actuel des travaux publics s'y
rallie également ; la chambre des représentants l'a déjà une fois converti en
loi ; le sénat en a adopté le principe. Aujourd’hui, comme s'il s'agissait
d'une idée née d'hier, d'un projet sans antécédents, sans préparation, on ne
veut pas même discuter la question. Qu'est-il résulté de tous ces retards ? Des
pertes considérables pour les localités où le canal devrait être creusé depuis
1836.
Les inondations se reproduisent périodiquement, elles
n'ont jamais été aussi étendues que cet hiver. Depuis 1830, les pertes
s’élèvent, entre Damme et la mer, de 7 à 800,000 francs. Indépendamment des
inconvénients de la navigation, le canal de Bruges à Ostende absorbe chaque
année en travaux extraordinaires une somme d'environ 40,000 fr.
Vous voyez donc, messieurs, qu'ici le retard n'est pas
une chose indifférente.
On vous parle d'autres travaux utiles ; nous ne
nions pas cette utilité, nous ne voulons pas empêcher qu'elle soit discutée ;
mais qu'on me permette de faire une observation : il s'agit ici d'un travail
plus qu'utile, il s'agit d'un travail nécessaire, d'une réparation juste ; il
s'agit d'empêcher le retour de ces inondations qui sont votre fait, qui sont le
fait de l'Etat, des événements politiques.
Voilà la grande différence qui existe entre ce projet
et les autres projets des travaux publics dont on vous a parlé. Nous ne demandons
pas, nous, qu'on améliore le sort de quelques localités, qu'on leur ouvre de
nouvelles voies de prospérité ; nous demandons que l'Etat nous laisse dans la
situation où nous étions avant les événements politiques, et que nous n'ayons
pas à subir, chaque année les inondations qui en sont le résultat.
Au reste, l'ajournement se rattache au fond ; il est
impossible de discuter l'ajournement sans aborder toutes les raisons qui
militent en faveur de la construction du canal. L'ajournement c'est le rejet.
Voyons, en effet, sur quels motifs on s'appuie pour le demander. D'un côté, on
invoque les travaux publics qu'il est utile de faire dans d'autres localités ;
d'un autre côté, l'honorable M. Cools voulait bien d'une partie du canal, mais
il rejette l'autre partie ; c'est-à-dire qu'il voudrait un amendement au
projet. .
D'un autre côté encore on trouve que les voies et
moyens qu'on propose pour faire face à la dépense ne sont pas ceux qui fallait
choisir ; c'est encore un amendement au projet ; tout cela se rattache à la
discussion du fond. Je conçois qu'après qu'on aura laissé discuter la question,
on fasse alors telle proposition qu'on jugera convenir ; je conçois qu'on vienne
alors proposer l'ajournement ; si l'on trouve que l’exécution immédiate du
projet n'est pas justifiée ; mais au moins qu'on laisse discuter la question de
la nécessité du canal. Vouloir avant toute discussion écarter par l'ajournement
un projet qui a subi tant d'épreuves et tant de retards, ce serait réellement
un mode de procéder d'une extrême irrégularité Je demande donc ou que la motion
d'ordre soit exécutée, ou bien que son honorable auteur
veuille bien la joindre au fond pour y être statué, lorsque la discussion sera
terminée.
M. de Foere.- Je répondrai à quelques observations qui ont été
présentées à l'appui de l'ajournement. Les honorables membres qui proposent
cette mesure ont argumenté, en premier lieu, de l'état actuel de nos finances.
Ils prétendent que notre situation financière ne permet pas l'exécution du
canal de Zelzaete ; et remarquez, messieurs, que tous les discours de nos
adversaires tendent à un accroissement considérable de dépenses pour exécuter
un ensemble de travaux publics réclamés par leurs provinces. Ce premier motif
d'ajournement renferme donc une véritable contradiction.
En second lieu, nos honorables adversaires trouvent
que les subsides pour travaux publics ont été inégalement répartis entre les provinces.
Ce sont particulièrement les provinces du Limbourg, du Luxembourg et une partie
de la province d'Anvers, ou
En troisième lieu, les mêmes honorables membres
invoquent l'autorité des ingénieurs ; ils demandent que le rapport de M. Vifquain
soit discuté, dans son ensemble et qu'il soit statué sur l'exécution de tous
les travaux publics compris dans ce rapport. Ils ont donc une grande confiance
dans l'autorité de nos ingénieurs. Eh bien, messieurs, ils ont obtenu leur but.
Cette autorité, qui est bien compétente dans l'espèce, établit que l'exécution
du canal de Zelzaete est urgente et, certes, cette urgence ne sera pas reconnue
par cette même autorité pour les autres travaux qu'on réclame. Les ingénieurs
en chef des deux Flandres et le rapport de M. Vifquain prouvent l’urgence pour
le canal de Zelzaete. La navigation intérieure de Gand à Ostende, à Ypres et à Dunkerke est constamment interrompue par l'écoulement des
eaux ; les digues de nos canaux de navigation se détériorent et la profondeur
de l'entrée du chenal à Ostende diminue, ce qui porte un préjudice notable à
notre navigation maritime. La question de l'ajournement n'est donc pas applicable
a un travail reconnu urgent par cette même autorité
que l'on invoque, tandis que les autres travaux publics que l'on voudrait
faire exécuter, ne portent pas ce caractère d'urgence.
J'ai lieu de croire que ces
simples observations suffiront pour faire rejeter la proposition d'ajournement.
M. Dumortier. - Messieurs, je crois, pour mon compte, que la
chambre ne peut pas s'empêcher d'accorder la motion d'ajournement faite par
l'honorable M. Peeters.
Et, en effet, il ne s'agit nullement de chercher à
écarter la discussion ; il ne s'agit nullement de chercher à faire rejeter le
canal de Zelzaete : l'honorable auteur de la proposition s'est exprimé en
termes trop clairs pour qu'on puisse lui supposer cette intention ; il a dit,
au contraire, qu'il était fort disposé à voter le canal, si la nécessité lui
en était démontrée. Ainsi ce serait dénaturer sa pensée et celle des membres
qui appuient l'ajournement, que de vouloir faire considérer la proposition
comme une motion de rejet du canal.
Que disent les membres de la chambre qui demandent
l'ajournement ? Ils ne disent autre chose, sinon que le canal de Zelzaete n'est
pas la seule création que nécessite l'état actuel des choses, qu'il y a
plusieurs autres canaux sur lesquels il y a lieu aussi de délibérer, et que,
puisqu'il y aura des capitaux considérables à dépenser pur ces diverses
constructions, il est prudent, il est sage, de discuter simultanément toutes
ces créations, afin de mettre toutes les localités à même de satisfaire à leurs
besoins en même temps.
Examinez, en effet, messieurs, les demandes qui sont
faites de toutes parts ; examinez ensuite la position du trésor public, car
l'honorable député qui vient de parler a voulu mettre mes honorables amis en
opposition avec eux-mêmes à cause qu'ils avaient parlé de l'état de nos
finances ; eh bien, examinez la situation du trésor public et vous verrez où
l'on veut marcher avec le système actuel ; on veut arriver à ceci, que lorsque
nous aurons voté le canal de Zelzaete, plus tard on viendra nous dire qu'il n'y
a plus de fonds pour l'exécution des autres travaux publics. Cependant il y a
beaucoup d'autres travaux à effectuer et dont la dépense doit s'élever à des
sommes considérables.
Si l'on examine l'état du trésor mis en regard des
besoins actuels et éventuels, l'on verra qu'il existe, du chef du chemin de
fer, un déficit de 25 millions. En second lieu, on vous demande pour le canal
de Zelzaete 5 millions ; je suis profondément convaincu que ce canal coûtera
plus, mais je veux bien admettre le chiffre indiqué. Je passe à d'autres
besoins. Une des navigations en Belgique qui nécessitent les plus grandes
améliorations, c'est incontestablement
Je rappellerai maintenant d'autres demandes qui ne
sont pas moins légitimes. Le Hainaut réclame depuis longtemps la création d'un
canal de jonction entre
Si vous voulez dès maintenant faire voter pour les
Flandres ce que les Flandres réclament ; si vous voulez des à présent prendre votre
part dans les bienfaits du trésor public, eh ! messieurs,
souffrez que nous défendions aussi dans ce moment les intérêts de nos
localités, et que nous réclamions aussi pour elle une petite part dans la
distribution des deniers de l'Etat.
Vous dites que vous souffrez depuis dix années.
D'abord, cela est excessivement contestable ; vos moyens d'écoulement sont
restés les mêmes. Mais, supposé que vos doléances soient fondées, êtes-vous
donc les seuls qui souffrez ? ne souffrons-nous pas
non plus par suite des traités que l'on a conclus avec nos voisins ? n'avons-nous pas, chaque année, grâce à ces traités, des
inondations effrayantes à déplorer ? pourquoi donc ne
pas vouloir poser un remède à ces souffrances, alors que vous demandez avec
instance qu'on mette un terme aux vôtres' ? Pourquoi vouloir qu'une partie de
Quant à moi, député d’une province dont les eaux
s'écoulent vers les Flandres et qui a à souffrir des inondations annuelles, je
déclare de la manière la plus formelle et je crois pouvoir déclarer au nom de
mes honorables amis députés de la même province, que nous ne considérons
nullement le canal de Zelzaete comme nécessaire, ni même comme utile,
directement ou indirectement, pour l'écoulement de nos eaux.
Voilà donc la position des députés qui demandent
l'ajournement. Que veulent-ils ? Qu'on examine simultanément tous les besoins
des différentes parties du pays et qu'on n'accorde pas de préférence à une
seule ; qu'on examine si toutes ces constructions doivent être faites avec les
ressources ordinaires, ou si l'on doit, pour y faire face, créer des ressources
extraordinaires, qu'on examine si on doit encore grever l'avenir par de
nouveaux emprunts. Ce n'est donc pas un rejet mais un examen approfondi qu'on
veut et c'est ce que la prudence, la prudence dégagée de tout intérêt de
clocher, prescrit à tout député qui veut remplir convenablement son mandat.
Messieurs, on vous a parlé d'inondations considérables
qui ont eu lieu dans les Flandres en 1840. Mais n'y en a-t-il pas eu sur tous
les points de
Vous voulez, dites-vous, rendre à la navigation le grand
canal de Bruges à Ostende et rétablir la navigation vers Dunkerque, Mais vous
devez reconnaître que l'immense importance de ce canal, sous le rapport de la
navigation vers Dunkerque, est singulièrement atténuée par la construction du
canal de l'Espierre, car cette navigation vers Dunkerque va prendre la voie du
canal de l'Espierre. Ce n'est pas moi qui parle, messieurs, c'est l'honorable
M. de Muelenaere lui-même, dont je ne fais que répéter les paroles prononcées
dans la discussion relative au canal de l'Espierre. Il a proclamé une vérité.
Il est de fait que le canal de Bruges à Ostende, qui a été jusqu'ici un canal
de navigation, va devenir un simple canal d'écoulement. La dépense est faite ;
il n'est pas nécessaire de construire un nouveau canal pour cet objet.
Un
membre.
- Vous supprimez donc le port d'Ostende !
M. Dumortier. - Mais le port d'Ostende ne pourrait pas se passer
de l'écoulement des eaux par le canal de Bruges, parce que sans cela il serait
bientôt ensablé. Faites ce que vous voulez, jamais vous n'empêcherez
l'écoulement des eaux par le canal de Bruges ; c'est là ce qui a sauvé le port
d'Ostende d'un ensablement complet, quand le gouvernement hollandais a supprimé
la manœuvre des écluses de chasse. Lorsqu'une anse, quelle qu'elle soit, dans
la mer du Nord, n'a pas d'encombrement périodique des eaux intérieures vers la
mer, les sables y affluent et bientôt il n'y a plus d'anse, mais un
ensablement.
Les arguments qu'on a fait valoir sont des intérêts de
localité chacun de nous pourrait en faire valoir pour demander l'exécution de
quelques travaux publics.
Encore une fois, nous ne voulons pas nous opposer à la
construction du canal de Zelzaete, nous voulons seulement qu'il soit discuté
avec les autres travaux publics, de manière que chacun de nous puisse faire
valoir les besoins et les intérêts de la localité qui lui a donné son mandat ;
alors le pays, par l'organe de ses représentants, décidera s'il veut grever
l'Etat de nouveaux emprunts ou exécuter ces travaux chaque année sur les
ressources ordinaires du budget. Le pays décidera quels sont les plus urgents
et les plus utiles, en un mot règlera l'ordre d'exécution des divers travaux.
Mais vouloir obtenir aujourd'hui la priorité pour le canal de Zelzaete, c'est
vouloir absorber au profil de quelques localités les ressources de l'Etat ; et
quand les autres viendront réclamer quelques travaux
urgents, on leur répondra : il n'y a plus d'argent dans le trésor public,
allez, et que le bon Dieu vous bénisse.
M. Peeters. - Ainsi que l'a fort bien expliqué l'honorable M.
Dumortier, je ne veux pas m'opposer à la construction du canal de Zelzaete. Je
serais disposé à voter un emprunt même assez considérable, ou la vente de nos
domaines pour construire des canaux, pourvu que toutes les localités qui eu
ont besoin en eussent leur part.
M. Devaux a dit que nous avions peur de la lumière.
Mais c'est bien tout le contraire, car nous voulons avant d'aborder la discussion
du canal de Zelzaete, pouvoir examiner le rapport de M. Vifquain sur tous les
canaux du pays, afin d'être à même d'apprécier les besoins de toutes les
localités.
Mais, dit-on, les autres canaux u'ont pas la même
importance que celui de Zelzaete. C'est un canal pour l'écoulement des eaux. Il
y a longtemps qu'il a été proposé. Je ferai observer à ces honorables membres
que le canal de
Je le répète, je désire autant que qui que ce soit
qu'on dépense de grandes sommes pour la navigation du pays, mais je veux savoir
ce qu’on a l'intention ce qu'on a l'intention de faire pour
On a dit que ce canal de Zelzaete est un projet urgent
et que le gouvernement précédent s'en occupait. Je vous ai déjà dit plusieurs
fois et je dois vous le répéter aujourd'hui, que depuis plusieurs siècles on
s'occupe de la canalisation de
M. Simons. - J'appuierai l’ajournement proposé par quelques
membres. Je ne reviendrai pas sur les considérations qu'on a fait valoir à
l'appui de cette motion, car aucune réponse n'y a été faite ; elles sont
d'ailleurs telles, qu'on ne peut rien y opposer de raisonnable. Je n'ai demandé
la parole que pour faire une seule observation. On s'est longuement étendu sur
ce que les deux chambres et les divers ministres qui se sont succédé au timon
des affaires ont reconnu l'utilité, la nécessité du canal de Zelzaete.
Quant à l'utilité, je ne la conteste pas. Mais si
c'est là le seul motif qu'on allègue, je crois que la canalisation de
Mais sommes-nous encore dans cette position ? Voilà ce
que nous avons à examiner. Chacun de vous doit convenir que non.
En effet voyons le traité qui doit avoir force de loi,
nous y trouvons qu'il a été stipulé de la manière la plus expresse que
L'année dernière, quand on est venu nous demander de
décréter un emprunt de 80 millions, on nous donnait l'assurance que ce serait
la dernière demande de fonds qu'on nous ferait, et aujourd'hui on nous annonce
encore une demande de 25 millions.
Je dis que l'utilité du canal du Zelzaete n'est pas
contestée et n'est pas contestable, mais que, quant à l'urgence, elle n'existe
pas. Elle a existé lors de la première discussion. Quand l'honorable M. Lejeune
a fait sa proposition, quand les ministres qui se sont succédé ont fait des
rapports favorables sur l'objet dont il s'agit, nous nous trouvions dans une
position qui justifiait la demande faite. Mais chacun de vous devra convenir
que nous ne nous trouvons plus dans cette position. Tant que nous n'aurons pas
terminé les négociations avec
Je ne rentrerai pas dans les considérations qu'on a
fait valoir et qui sont telles que lors même qu'il y aurait nécessité et
urgence, nous devrions encore nous opposer à la discussion.
On reconnaît toujours l'utilité de la canalisation de
On dit que le Limbourg n'a pas à se plaindre, qu'il a
été dépensé pour cette province de 5 à 8 millions. Mais on n'arrive à cette
somme qu'en comptant une somme de 2 ou 3 millions dépensés pour le chemin de
fer sur les confins du Limbourg, sans qu'il y ait sur cette province une seule
station, et en comptant des sommes dépensées sur le territoire cédé. Le
Limbourg est la véritable victime de la révolution, veut-on achever la ruine de
cette province ?
Pour moi je m'oppose à la discussion, parce que je suis
convaincu que si le projet de loi était adopté, la province du Limbourg pour
laquelle je réclame vainement depuis dix ans, n'obtiendrait rien. J'appuie donc
la demande l'ajournement sans contester l'utilité du canal de Zelzaete pour
lequel je voterai quand il y aura justice pour tous.
M. Delehaye. – Il est difficile de répondre aux honorables membres
qui ont appuyé la proposition de M. Peeters sans entrer dans le fond de la
question, sans même s'écarter de la question principale et de la question
accessoire. On vous a dit en effet qu'il ne faut pas s'occuper du canal de
Zelzaete, parce que tout le pays n'a pas de chemin de fer, parce que certaines
parties du pays n'ont pas de canaux. Cela tend à faire acquérir à ces provinces
un bénéfice qu'elles n'ont pas. Mais nous, que réclamons-nous ? nous ne réclamons pas une faveur, nous demandons à échapper
à un mal. C'est le cas d'invoquer la maxime du législateur romain. Nous
combattons pour éviter un mal pro damno vitando et vous, vous combattez pour faire un bénéfice pro
lucro captando. Dans
une position pareille, je dis que c'est à nous que vous devez donner la
préférence. Le rapport de M. l'inspecteur Vifquain contient un système général
de navigation, système avantageux à toutes les provinces, qui seront dotées de
nouvelles voies navigables. Quant à nous nous ne demandons qu'un canal
d'écoulement.
Nous avons fait dans les Flandres beaucoup de canaux
de navigation, presque tous ont été faits aux frais de la province.
Je me vois obligé de répondre à l'observation de M.
Dumortier. Partant du Hainaut, cet honorable membre a dit que là il y avait des
inondations considérables et qu'on ne parvenait pas à faire écouler les eaux,
cependant l'écoulement de ces eaux se fait par l’Escaut, par
M. Dumortier. - Vous avez le canal de Terneuze.
M. Delehaye. - La grande abondance des eaux que nous devons
inonder par l'Escaut nous empêche d'en faire usage. Que l'honorable M.
Dumortier se rende à Gand, il verrait qu'il y a une chute très forte au canal
de Terneuze.
M. Dumortier. - L'écoulement doit se faire d'autant plus
facilement.
M. Delehaye. - Non, car il est impossible de faire jouir les
écluses sans inonder toutes les terres en aval de Gand.
Une autre observation qui se rattache à ce qu'ont dit
les honorables préopinants, c'est que nos inondations proviennent de
l'industrie du Hainaut. D'après un décret rendu par Marie-Thérèse, il y avait
un poids que les navires ne devaient pas excéder dans leur chargement ;
aujourd’hui ce décret n'est pas des plus observés. Presque tous les navires ont
des chargements beaucoup plus forts que celui qu'il a fixés, c'est ce qui
empêche l'écoulement de nos eaux. Les bateaux chargés de houille (car depuis
que la vapeur a remplacé les autres forces motrices, cette navigation a pris
une grande extension), arrivent en grand nombre et obstruent le passage des
caux. J'ai la conviction que l'honorable M. Dumortier, qui a étudié la
question, connaît ce décret et sait qu'il n'est plus exécuté.
Je ferai en terminant une observation, Il a été
reconnu que les Flandres ont payé plus de contributions qu'elles ne devaient en
payer. Aujourd’hui encore faites des opérations cadastrales et vous verrez que
nous payons plus que nous devons payer. Supposons que le canal dont il s'agit
ne soit pas nécessaire au pays tout entier, mais aux Flandres seules, l'Etat,
en le faisant exécuter ne fera là que leur rendre ce qu'elles ont payé de trop.
Aujourd’hui encore nous gémissons sous le poids d'une surtaxe énorme.
Ces considérations doivent
déterminer le rejet de la proposition d'ajournement faite par l'honorable M.
Peeters.
M. le ministre des travaux publics (M.
Desmaisières)
- Si M. l’inspecteur Vifquain a cru devoir parler du canal de Zelzaete, dans
son travail, ce n'est pas comme d'un canal de navigation, puisqu'il ne s'agit
ici que d'un canal d'écoulement et d'irrigation. Le rapport de M. Vifquain
n'est qu'un travail général sur les voies navigables du pays. Mais si cet
ingénieur distingué a parlé du canal de Zelzaete, s'il l'a placé en tête des
canaux dont il a reconnu la nécessité, c'est parce qu'il est convaincu qu'il
n'y a pas de travail plus urgent, plus nécessaire, que celui de l'exécution
immédiate de la section du canal de Zelzaete, de Damme à la mer. Il a voulu
saisir cette occasion pour faire passer cette conviction dans l'esprit de tous
les membres de la chambre, auxquels son travail est destiné.
Un autre motif encore pour lequel il en a parlé dans
son travail, c'est que dans sa conviction le canal de Zelzaete, indépendamment
de la nécessité et de l'urgence de sa construction pour l'écoulement des eaux
rendra un service éminent à la navigation, en rendant disponibles pour le
commerce des canaux navigables qui aujourd'hui sont souvent soustraits à la
navigation. C'est sous ce rapport qu'il a compris ce canal dans un travail
relatif aux voies navigables du pays, il a même proposé de charger le fonds
spécial de navigation d'un subside en faveur de la construction du canal.
Un honorable député de Tournay vous a dit que le canal
de Zelzaete ne serait d'aucune utilité pour l'écoulement des eaux du
Tournaisis. Eh bien ! messieurs, permettez-moi
d'opposer à l'opinion de cet honorable député celle de M. Vifquain, son compatriote,
qui certes est bien compétent pour décider en pareille matière.
Probablement que l'honorable député qui a émis
l'opinion que je combats n'aura pas lu entièrement l'extrait du travail de M.
Vifquain, qui est joint aux pièces qui ont été distribuées à la chambre ; s'il
l'avait lu entièrement, il aurait vu à la page 14 que M. Vifquain s'exprime
ainsi :
« Les réclamations et les plaintes incessantes
des propriétaires et des communes riveraines de l'Escaut et de
Voilà, messieurs, l'opinion de M. Vifquain,
compatriote de l'honorable M. Dumortier. Mes honorables collègues de Gand
pourront vous dire comme moi que bien souvent à Gand, lorsque des inondations
sont arrivées, on croyait que l’ingénieur en chef de Bruges avait fermé les
écluses du canal de Bruges, afin de pouvoir mieux écouler les eaux du bassin de
Zwin, mais il n'en était rien. Mais c'est que, comme
le dit ici M. Vifquain, les eaux des terrains bas de Moerkerke,
de Lapschuere et de Blankenberg
venaient rehausser les eaux du canal d'Ostende et barraient ainsi le passage
aux eaux envoyées de Gand. De là des inondations à Gand et dans le Tournaisis.
M. le président. - La parole est M. de
Muelenaere. (La clôture ! la clôture !)
M. de
Muelenaere. -
Si la chambre veut aller aux voix, je ne m'y oppose pas. Mais si on ne clôt pas
la discussion, je demanderai à conserver mon tour de parole.
M. Fleussu. - Je ne m'oppose pas du tout à la clôture. Mais je
dois faire remarquer que deux membres ont présenté une observation qui pour moi
est péremptoire et à laquelle personne n'a répondu ; c'est qu'il y a une
commission nommée pour examiner la question de l'écoulement des eaux des
Flandres. Cette commission ne nous a pas encore fait son rapport, et je demande
si ce n'est pas anticiper sur le rapport de cette commission que de décréter la construction du canal de Zelzaete, que le
gouvernement réponde à cette question et je saurai à quoi m'en tenir.
M. Lejeune. - On discute sur la clôture ; je ne sais si je puis
répondre à cette question. (Parlez !
parlez !)
Il y a deux orateurs qui se sont surtout appuyés sur
ce point que le traité donne le moyen d'écouler les eaux des Flandres, et c'est
M. Simons surtout qui a insisté sur ce point. Les honorables MM. Dumortier et
Cools en ont aussi parlé.
Messieurs, je suis étonné de cette observation des
honorables membres. Je vous ai expliqué la situation matérielle de l'écoulement
des eaux des Flandres sur toute la ligne et quel serait le résultat de la
construction du canal sur cet écoulement.
Maintenant, que pouvons-nous obtenir par le traité
avec
Messieurs, si je n'ai pas demandé la parole sur cette
question d'ajournement, c'est qu'il me paraît que j'avais déjà rencontré la
plupart des arguments qu'on a produits, mais puisque j'ai la parole, je dirai
que j’ai été extrêmement étonné d'entendre contester la nécessité du canal de
Zelzaete. Cette nécessité du canal résulte à l'évidence des renseignements que
je vous ai donnés au commencement de la séance, et elle ne
peut pas être plus contestée que l'utilité même.
M. Devaux. - Je voulais répondre à l'honorable M. Fleussu, que
si on veut aborder la question du fond, je crois qu'il sera complètement
satisfait. On lui démontrera comment, notamment pour la partie qui concerne ma
province et que je connais le mieux, il est impossible que les traités
satisfassent aux réclamations des riverains. Les voies d'écoulement sont
supprimées depuis onze ans. Les écluses sont perdues ; il est impossible de les
rouvrir, parce que les voies sont ensablées par suite du défaut d'écoulement,
qui a été un des résultats des événements politiques. Il est impossible par les
traités de rétablir un terrain dans les conditions où il se trouvait,
autrefois.
Je crois que si on voulait aborder la question du
fond, on aurait un apaisement complet sur ce point. Mais à propos d'un
incident, il est impossible de traiter toute la question du fond. Ainsi on
pourrait aisément démontrer qu'on vient de se tromper en disant que la position
est la même qu'en 1830. La position est tout autre et c'est
là le motif qui fait réclamer l'adoption du projet.
M. Fleussu. - Messieurs, je ne sais si j'ai bien été compris.
Il y a deux commissions nommées : une commission pour agir en exécution du
traité, et une commission administrative nommée il n'y a pas un an par le
gouvernement pour étudier les moyens d'écoulement des eaux des Flandres. Or,
je demande à quoi serviront les travaux de ces deux commissions, si dès
maintenant nous allons décréter le canal de Zelzaete. et
avec plus d'étendue que semblait vouloir lui en
donner le projet de M. Lejeune. C'est sur ce point que je demande des
explications de M. le ministre des travaux publics.
M. le ministre des travaux publics (M.
Desmaisières)
- Messieurs, il y a une commission instituée en vertu du traité pour régler
avec les commissaires hollandais ce qui est relatif à l’écoulement des eaux des
Flandres. Quant à ce qui concerne l'écoulement des eaux du bassin du Zwyn, cette commission ne peut rien faire. Car quand bien
même il serait décidé dès à présent que
Quant à l'autre commission dont vient de parler
l'honorable M. Fleussu, elle n'a à s'occuper en quoi que ce soit du canal de
Zelzaete et par conséquent je crois que ce serait chose inutile que d'attendre
son rapport.
Mais il est ici, messieurs, des considérations qui
dominent tout. C'est que, par un fait politique commis en 1788 par
M. Desmet. - L'erreur dans laquelle est l'honorable M. Fleussu,
provient de ce que plusieurs personnes ont cru qu'il dépendait de
Nous devons cela au traité de Fontainebleau, c'est en
vertu de ces traités que les Hollandais voudrait construire des travaux, qui
ont fait ensabler tous nos débouchés, à un tel point qu'on doit se servir du
canal d'Ostende.
On a parlé d'une autre commission, qui n'est pas une
commission gouvernementale, mais une commission provinciale. Cette commission
n'a été chargée que d'étudier ce qui est relatif à l'Escaut supérieur. A cet
égard, comme membre de cette commission, je pourrais vous dire avec quelle
insistance les intéressés demandent une voie d'écoulement vers la mer. Je vous
dirai ce qu'on demande à Tournay, à Laplaigne, cette
malheureuse commune dont vous avez reçu aujourd’hui une pétition, où l’on vous
dit que cent maisons, l'église, le presbytère et deux cent mille hectares de
terre ensemencés sont sous l'eau. Il en est de même de la commune de … qui
vient d'avoir été sous l'eau une seconde fois depuis un an, Eh bien ! toutes ces localités réclament la construction du canal de
Zelzaete en aval de Gand. Je voudrais bien qu'on me dise comment à Gand on va
faire écouler les eaux qui y viennent en grande abondance, quand on ne veut pas
laisser creuser une voie vers la mer.
L'honorable M. Cools a dit qu'on pouvait chasser
toutes les eaux par le Bas-Escaut, et que par la construction de portes à flots,
à Termonde, on pourra parfaitement réussir. Que l'honorable membre veuille
consulter l'administration et les habitants de Termonde, ils lui feront voir ce
qu'on pourrait attendre de ces portes à flots ; qu'il en parle à l'honorable M.
de Terbecq, il lui dira ce qu'on pense de ces portes à flots.
On va tout à fait inonder le Bas-Escaut et y porter de
grands dommages. D'ailleurs, ce n'est pas le moment de traiter cette question.
Pour qui parlons-nous ? Ce n'est pas pour moi que je
réclame, je réclame pour tous les riverains de l'Escaut et de
On parle du traité, mais le traité n'est pas la cause
de ce que nous recevons les eaux de France. La cause que vous recevez tant
d'eau de France, c'est qu'en France on a amélioré la navigation, on l'a rendue
quotidienne et qu’ainsi on y a amélioré et augmenté les canaux d’écoulement ou
de dessèchement. Parce que
Et quand ou parle des traités qui nous donneraient des
moyens d'écoulement par
Messieurs, cette question
est tellement claire que je m'étonne qu'elle soit si peu comprise. Je le
répète, je ne parle pas par intérêt, car les habitants des rives de
M. Dumortier. - Il me semble, messieurs, que l'honorable M. Desmet
vient de donner à M. Fleussu la réponse la plus claire et en même temps la plus
satisfaisante possible pour ceux qui demandent l'ajournement. Il est tellement
constant, dit l'honorable M, Desmet, que le Zwyn
s'ensable que les Hollandais sont aujourd'hui occupés à construire un canal
depuis l'écluse jusqu'à la mer pour l'écoulement des eaux de Dam. Eh bien,
messieurs, profitons de ce canal que construisent les Hollandais, alors nous
n'aurons pas besoin de dépenser 5 millions pour construire le canal de
Zelzaete. Tout cela, messieurs, prouve à l'évidence que l'affaire n'est pas
suffisamment instruite, que la question n'est pas éclaircie.
Je ne répondrai pas à ce qu'a dit l'honorable M.
Desmet sur le désir qu'auraient les habitants du Tournaisis de voir construire
le canal de Zelzaete ; je crois connaître aussi bien au moins que l'honorable
membre les besoins de la localité qui m'a envoyé dans cette enceinte et je
n'hésite pas à dire que nous n'avons aucune espèce d'intérêt ni direct ni
indirect à la construction de ce canal. Il est par trop
commode de venir nous mettre en cause pour servir ses intérêts.
M. Cools. - Je désire, messieurs, faire ressortir
l'insuffisance des explications qui ont été données, en réponse à la question
faite par l'honorable M. Fleussu.
L'honorable M. Desmet a critiqué les moyens que j'aurais
proposés pour faire écouler les eaux ; je n'ai indiqué aucun moyen ; j'ai dit
que je désirais savoir quels moyens seraient proposés par la commission qui a
été instituée pour rechercher ce qu'il y aurait à faire, pour obtenir
l’écoulement des eaux des Flandres.
On n'a pas osé assurer que la commission proposerait
le canal de Zelzaete, comme moyen le plus efficace. On m'avait dit que la
commission proposerait des barrages et je me suis borné à en faire la remarque,
mais il s'en présentera peut-être d'autres. Si par exemple la commission
proposait de créer une seconde embouchure artificielle à l'Escaut, de déverser
les eaux surabondantes dans le Moervaert et de
continuer ensuite ce canal de Stekens à Calloo, si ce moyen était proposé après mûr examen (c'est
une question d'art que je ne puis soulever qu'hypothétiquement), je dis qu'un
tel canal aurait une utilité bien plus grande pour les deux
Flandres et le Hainaut, qu'il serait d'un intérêt bien plus général, que le
canal de Zelzaete.
M. Desmet. - L'honorable M. Dumortier a parlé de ce que j'ai
dit que les Hollandais vont construire un canal de l'Ecluse à la mer. Eh bien,
messieurs, cela est exact, le projet existe, mais quand on y regarde de près,
c'est parce que tous les anciens débouchés, que le Zwyn
et le Brackman sont ensablés et ne peuvent presque plus servir à
l'écoulement. C'est en aval de l'Ecluse que ce canal doit se construire et
quand tout est rempli en amont de l'Ecluse à une forte distance, comment
pourrions-nous nous servir de ce canal ? Aujourd’hui les eaux des Flandres
s'écoulent-elles par le canal de l'Ecluse ? Mais non, elles s'écoulent par le
canal d’Ostende parce qu'il n'y a plus moyen de les envoyer vers le Zwyn ; c'est assez étrange qu'on veuille combattre et qu'on
ne sait même ce qui se passe, ce qui a lieu. C'est même un objet que la
postérité critiquera avec de justes motifs, que nous avons laissé dégrader le
beau canal d'Ostende. Ce canal qui avait jusqu'a
Je soutiens que c'est surtout le Tournaisis qui
retirerait de grands avantages du canal de Zelzaete.
Mais, messieurs, qu'on veuille consulter les
malheureux propriétaires et habitants du Tournaisis, qui souffrent tant des
nombreuses inondations dont ils sont continuellement victimes et qui les ruine
totalement, qui rendent leurs propriétés et leurs habitations de véritables
marais, ils vous diront qu'il faut faire des ouvertures à l'aval, et surtout
faire que les eaux ne s'arrêtent pas à Gand ; ils vous diront aussi que le
Bas-Escaut ne suffit pas, qu'il faut ouvrir plus directement vers la mer. Ce n'est donc pas les Flandres qui seules profiteront
de cette voie d'écoulement, mais encore une très grande partie du Hainaut.
M. Vandenbossche. - Je ne conçois vraiment
pas qu'on ait eu le courage de provoquer cette discussion ni que la chambre s'y
soit laissé entraîner. De quoi s'agit-il, messieurs ? Depuis 9 ans on réclame
un canal ; un projet de loi a été mis à l'ordre du jour après avoir été examiné
de toutes les manières, après que la question a donné lieu à une foule de
rapports, et l'on demande après cela l'ajournement de ce projet ! Les
honorables MM. de Muelenaere, Devaux et d'autres ont dit que si on leur
permettait d'entrer dans le fond de la question, ils prouveraient la nécessité
du canal dont il s'agit ; eh bien, que l’on mette un terme à cette discussion
sur l'ajournement, et que l'on examine le fond de la question.
- La discussion de la question d'ajournement est
close.
Plusieurs
membres.
- L'appel nominal.
Il est procédé au vote par appel nominal sur la
proposition d'ajournement ; en voici le résultat :
68 membres prennent part au vote.
50 rejettent.
18 adoptent.
En conséquence l'ajournement n'est pas adopté.
Ont vote pour l'ajournement : MM. de Renesse,
d'Hoffschmidt, Dumont, Dumortier, Eloy de Burdinne, Fleussu, Henot, Huveners,
Jadot, Lys, Mast de Vries, Peeters, Puissant, Raikem, Scheyven, Simons, Troye
et Dubus (aîné).
Ont voté contre : MM. Angillis, de
FIXATION DE L’ORDRE DU JOUR
M. le président. - Messieurs, le projet de
loi concernant les distilleries, ayant été distribué, il pourrait y avoir lieu
à mettre ce projet de loi à l'ordre du jour après le projet de loi actuellement
en discussion. (Assentiment.)
M. le ministre des finances (M. Smits) - Je demanderai seulement que
dans aucun cas la discussion ne puisse commencer plus tôt qu'après demain, car
je n'ai reçu que ce matin communication de ce rapport.
- La séance est levée à 4 heures.