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d’intention
Chambre des
représentants de Belgique
Séance du mercredi 13 avril 1842
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre, notamment pétitions
relatives au projet de loi sur les distilleries (Scheyven),
au bureau des hypothèques de Verviers (Demonceau),
aux inondations de l’Escaut (Delehaye), candidatures pour la place de greffier de la chambre des
représentants, décès du greffier de la chambre
des représentants
2) Projet de loi sur le bétail
3) Projet de loi ouvrant un crédit pour satisfaire aux
condamnations en cause des communes de Dison et de Petit-Rechain,
en matières de routes
4) Travail général de l’inspecteur des ponts et
chaussées Vifquain, sur les canaux
5) Projet de loi sur les distilleries. Rapport (+projet
de loi sur les sucres (Smits)
6) Motion d’ordre relative aux tarifs des marchandises
sur le chemin de fer (Delehaye, Desmaisières, Delfosse, Dumortier, Delfosse, Desmaisières, Fleussu, Rogier, Dumortier, Dumortier, Rogier, Devaux, Donny, Cogels,
Demonceau, Lys, Delehaye, Dubus (aîné), Delehaye, Desmaisières, Delfosse, Verhaegen, Devaux, Demonceau, Dubus (aîné), Orts, Fleussu,
Desmaisières, Dubus (aîné), Devaux, Desmaisières, Delfosse, Desmaisières, Sigart, Demonceau, Rogier, Dumortier, Dumortier)
(Moniteur
belge n°104, du 14 avril 1842)
(Présidence
de M.
Fallon)
M. de Renesse procède à l'appel nominal à midi et quart.
Entre
l'appel et le réappel il est procédé au tirage des
sections par la voie du sort.
M.
Scheyven lit
le procès-verbal de la séance précédente, dont la rédaction est adoptée.
M. de Renesse présente l'analyse des pièces adressées à la chambre :
PIECES ADRESSEES A
« Le
sieur Rothmeier, tailleur, né à Ourghauven
(Bavière), demande la naturalisation. »
« Même
demande du sieur Hansen, capitaine de navire à Anvers, né en Danemarck. »
« Même
demande du sieur Ekkart, propriétaire, demeurant à Borgerhout, né à Haarlem. »
« Même
demande du sieur Louis Lassen, fabricant de boutons
et d'équipements militaires à Bruxelles, né à Copenhague. »
-
Renvoi à M. le ministre de la justice.
_________________________
« Des distillateurs de Malines adressent des
observations sur le projet de loi relatif aux distilleries. »
-
Renvoi, sur la proposition de M. Scheyven, à la section centrale chargée de l'examen du projet.
_________________________
« Des
distillateurs de Hougaerde adressent des observations
sur le projet de loi relatif aux distilleries. »
«
Le sieur Serlwuyns, distillateur, adresse des
observations sur le projet de loi relatif aux distilleries. »
« Plusieurs
distillateurs de la ville de Hasselt déclarent adhérer à la pétition contre le
nouveau projet de loi sur les distilleries, adressée à la chambre par les
distillateurs de la ville de Gand, et présentent quelques nouvelles
considérations à l'appui de cette pétition. »
-
Renvoi à la section centrale du projet de loi sur les distilleries.
_________________________
« Le
conseil communal de Wavre-Notre-Dame demande que cette commune soit réunie, au
canton de Malines. »
« Les
membres du conseil communal de Forville,
arrondissement de Namur, demandent que cette commune devienne le chef-lieu de
la justice de paix du canton d'Huy. »
« Des
habitants de la commune de Villance, réclament contre
le projet de détacher cette commune du canton de St-Hubert pour la réunir à
celui de Paliseur. »
« Le
collège des bourgmestre et échevins de la commune de Semmersaeke
demande que la commune de Bottelaere soit désignée
comme chef-lieu du canton d'Oosterzeele. »
« Un
grand nombre d'habitants du canton de Capryck,
Flandre orientale, adressent des observations pour le maintien de ce canton. »
« Les
conseils communaux de Rummen, Craesen,
Halle-Boyenhoven, Budingen,
Orsmael-Gassenhoven, Melekweser,
Dormael, demandent que le canton de Léau soit
maintenu tel qu'il existe maintenant. »
-
Renvoi à la commission chargée de l'examen du projet de loi sur la
circonscription cantonale.
_______________________
« Le
conseil communal de Tournay demande le rejet du projet de loi tendant à
autoriser le gouvernement à choisir le bourgmestre hors du conseil. »
« L'administration
communale de St-Servais demande que la chambre n'adopte pas le projet de loi
tendant à autoriser le gouvernement à choisir en certains cas le bourgmestre
en dehors du conseil. »
«
Le conseil communal de Namur demande que la chambre n'adopte pas les projets
de lui qui ont pour but de modifier la loi communale. »
-
Dépôt sur le bureau pendant la discussion des projets dont il s'agit.
________________________
« Le
sieur d'Hertefele, sergent au 2e régiment
de chasseurs à pied, demande qu'il lui soit accordé une dispense d'âge pour
entrer à l'école militaire. »
« Des
habitants des communes de Seloignes et Villers-la-Tour (Hainaut) demandent que la chambre adopte
une loi qui déclare les possesseurs de terrains communaux défrichés et clôturés
par eux, propriétaires de ces terrains moyennant une rente à payer à la
commune. »
« Le
sieur Moecloose, directeur du service des barques de
Gand à Bruges, demande une indemnité pour les pertes qu'il a essuyées par suite
de l'établissement du chemin de fer. »
«
Le sieur Wiemé, capitaine pensionné, demande que sa
pension soit augmentée. »
« Les
conseils communaux de Lambusart et Wamfereée-Baulet, demandent l'achèvement de la route du Wainage au Masy. »
« Les
conseils communaux de plusieurs communes du canton de Perwez, adressent des
observations à l'appui de la pétition du conseil communal de Wavre, réclamant
la construction d'une route pavée de la capitale à la ville de Huy. »
« Plusieurs
médecins de campagne de la province de Liége, demandent de laisser subsister la
loi du 12 mars 1818, en ce qui regarde la facilité accordée aux médecins de
campagne de fournir des médicaments à leurs malades, faculté dont plusieurs
pharmaciens ont demandé l'abolition. »
-
Renvoi à la commission des pétitions.
_________________________
« Le conseil communal de Verviers demande que la chambre
ordonne par une loi le transfert au bureau des hypothèques de Verviers, dans le
plus court délai possible, de toutes les inscriptions non encore périmées ou
radiées, existant à celui de Liége, sur des biens situés dans les cantons
d'Aubel, Herve, Limbourg, Spa. Stavelot et Verviers. »
M. Demonceau. - Je crois que cette pétition a quelque rapport avec un
projet déjà mis à l'ordre du jour. Il me semble donc qu'il serait convenable
qu'elle fût insérée au Moniteur et déposée sur le bureau pendant la discussion
du projet de loi qui a pour but de changer le système pour le renouvellement
des inscriptions hypothécaires. Ou bien je demanderai que la commission des
pétitions soit invitée à faire un rapport avant la discussion du projet de loi
relatif aux inscriptions hypothécaires.
-
Le renvoi à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport avant
la discussion de la loi relative au renouvellement des inscriptions
hypothécaires est ordonné.
__________________________
« Les sieurs Parret, Durot, Herman, Hamelinck, Casier
et autres adressent des observations à la chambre sur les inondations. "
M.
Delehaye. -
Messieurs, l'urgence de la réclamation que renferme la pétition dont il vient
de vous être fait l'analyse est assez évidente pour que je sois dispensé
d'entrer dans aucun développement, Mais les circonstances sont telles qu'un
prompt rapport sur cette pétition me paraît indispensable. Je demanderai, en
conséquence, que la commission des pétitions soit invitée à nous faire
promptement son rapport, et surtout avant la discussion du projet de loi sur le
canal de Zelzaete.
-
Cette proposition est adoptée.
_________________________
« Le sieur Mormont, commis-greffier à la chambre des représentants, demande la
place de greffier. »
« Le
sieur Tardieu, avocat, sténographe de la chambre, demande la place de
greffier. »
« Le
sieur A. Bataille, avocat, demande la place de greffier. »
« Le
sieur Huytten, secrétaire particulier du ministre de
l'intérieur, demande la place de greffier. »
« Le
sieur V. Misson, chef de bureau au ministère de
l'intérieur, demande la place de greffier. »
« Le
sieur Janssens, sous-chef de bureau au ministère des affaires étrangères,
demande la place de greffier. »
« Le
sieur de Viron, greffier surnuméraire de la cour d'appel, demande la place de
greffier. »
« Le
sieur Piercot, substitut-greffier
de la haute cour militaire, demande la place de greffier de la chambre. »
« Le
sieur Victor Hanssens, premier commis au département
de l'intérieur, demande la place de greffier. »
« Le
sieur de Selliers, directeur du Journal de
« Le
sieur Desmet , chef de pension à Malines, demande la place de greffier. »
« Le
sieur Félix Gendebien demande la place de greffier de la chambre. »
« Le
sieur Thiebaut demande la place de greffier de la
chambre. »
« Le
sieur Resteau, candidat notaire, demande la place de
greffier de la chambre. "
M.
le président. -
Je propose à la chambre d'ordonner le dépôt de ces pétitions au bureau des
renseignements et en même temps le renvoi au bureau de la chambre pour former
la liste des candidats ; cette liste sera imprimée et distribuée.
-
Le dépôt au bureau des renseignements et le renvoi au bureau de la chambre sont
ordonnés.
M.
le président.
- Je demanderai à la chambre de fixer le jour où elle s'occupera de la
nomination de son greffier.
-
La chambre décide qu'elle procédera à cette nomination le mardi, 26 courant.
_______________________
Le
sénat informe la chambre qu'il a adopté, dans la séance du 7 avril, le projet
de loi constituant plusieurs conseils de prud'hommes et le projet de loi
autorisant l'achat d'un bateau à vapeur destiné à compléter le service du
passage d'eau d’Anvers à
-
Pris pour information.
DEMANDES EN NATURALISATION
M. le ministre de la justice (M. Van Volxem) transmet à la chambre 62
demandes en naturalisation, accompagnées de renseignements relatifs à chacune
d'elles.
-
Renvoi à la commission des naturalisations.
M. le ministre de la justice (M. Van Volxem) communique à la chambre une
lettre de M. le ministre de la guerre, par laquelle il fait connaître que le
sergent-major Perroux se désiste de sa demande en naturalisation.
Pris
pour information et renvoi à la commission des naturalisations.
_______________________
M. Raymaeckers et M. Lange préviennent la chambre qu'une indisposition les empêche
d'assister à la séance.
_______________________
M. Lucien Leclercq annonce à la chambre la mort de son
frère, greffier de la chambre.
-
Pris pour information.
PROJET DE LOI SUR LE BETAIL
M.
le ministre des finances (M. Smits) - Messieurs, le roi m'a chargé de vous présenter un
projet tendant à ce que la loi du 31 décembre 1835, sur le bétail, soit rendu
applicable à la partie de la frontière de la province de Liége, vers le duché
du Limbourg.
PROJET DE LOI OUVRANT UN CREDIT POUR SATISFAIRE AUX CONDAMNATIONS EN CAUSE DES COMMUNES
DE DISON ET DE PETIT-RECHAIN, EN MATIERES DE ROUTES
M.
le ministre des finances (M. Smits) - J'ai aussi un autre projet à présenter à la
chambre, pour qu'un crédit soit ouvert au département des finances, afin de
satisfaire aux condamnations en cause des communes de Dison et de Petit-Rechain, en matière de routes. Un pareil projet vous
a déjà été présenté ; ce n'est que la demande d'un supplément de crédit.
-
Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ces projets de loi ;
ils seront imprimés et distribués.
Le
premier de ces projets est renvoyé à l'examen des sections ; le second à
l'examen de la commission permanente des finances.
TRAVAIL GENERAL DE L’INSPECTEUR DES PONTS ET CHAUSSEES
VIFQUAIN, SUR LES CANAUX
M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - J'ai l'honneur de déposer
sur le bureau le travail de M. l'inspecteur des ponts et chaussées, Vifquain,
sur les canaux. J'ai l'honneur de faire ce dépôt à titre de communication, sans
entendre me prononcer sur les questions soulevées par cet inspecteur.
-
Ce document, avec les cartes qui l'accompagnent, sera imprimé et distribué.
M.
Zoude. - J'ai
l'honneur de présenter le rapport de la section centrale chargée de l'examen du
projet de loi sur les distilleries.
-
Ce rapport sera imprimé et distribué.
M.
le ministre des finances (M. Smits) - Messieurs, je demanderai que ce projet soit mis à
l'ordre du jour après ceux qui y sont déjà. Il est important que la chambre
s'occupe de la discussion de lois financières, surtout en présence des crédits
extraordinaires déjà votés et d'autres qui le seront peut-être encore.
A
cette occasion, je demanderai également que les sections s'occupent sans délai
de l’examen du projet de loi sur les sucres. Quelques avis de chambres de
commerce et commissions d'agriculture me sont déjà parvenus ; je les ferai
imprimer el je les communiquerai immédiatement à la chambre. Je ferai observer
que si ce projet ne pouvait être discuté dans cette session, nous perdrions
toute la campagne prochaine, et conséquemment les recettes ne pourraient
s'élever qu'en 1844. La chambre comprendra donc toute l'urgence de ce projet,
et je renouvelle ma demande, qu'on s'en occupe sans délai dans les sections.
M.
le président.
- Il n'y a que ce seul projet actuellement à l'ordre du jour dans les sections.
-
Le projet de loi sur les distilleries est mis à l'ordre du jour.
M.
Delehaye. -
Messieurs, lors de la discussion du budget des travaux publics, plusieurs
membres, d'accord avec M. le ministre, avaient proclamé la nécessité
d'augmenter les recettes du chemin de fer. Pour atteindre ce but, les uns
avaient proposé une réduction de dépenses. C'était, paraissait-il, le moyen le
plus facile et le plus naturel. D'autres, au contraire, avaient prétendu que
les tarifs, surtout pour le transport des marchandises, n'étant pas assez
élevés, produiraient davantage en les majorant. C'est à cette dernière opinion
que s'est attaché M. le ministre. Il a maintenu en grande partie le personnel
existant déjà, il a préféré augmenter les tarifs, et quant aux voyageurs et
quant au transport des marchandises.
Je
ne me plaindrai pas pour le moment de l'augmentation quant aux voyageurs et aux
bagages qu'ils prennent avec eux, je m'attacherai spécialement à protester ici
contre l'augmentation quant au transport des marchandises.
Vous
savez que le commerce, l'industrie et l'agriculture elle-même ont depuis
longtemps élevé la voix contre les entraves qui existaient à leur égard. Il
aurait fallu pour l'industrie que ces objets de première nécessité, les objets
qui entrent principalement dans les fabricats, fussent soumis à de très bas
prix. Eh bien, le gouvernement n'a tenu aucun compte de leurs réclamations. Il
a assimilé les objets de première nécessité aux fabricats qui doivent entrer
directement dans la consommation.
D'un
autre côté on a toujours reconnu la nécessité d'importer le transit en
Belgique. Qu'a-t-on fait ? Sans égard pour cette nécessité, on a établi un
tarif qui doit éloigner de notre chemin de fer les marchandises de l'Allemagne.
Si vous examinez le tarif du transport des marchandises de Cologne à Rotterdam,
vous verrez que ces prix sont tels qu'il est impossible que nous soutenions la
concurrence, et que
Je
ferai encore remarquer que le commerce a à se plaindre de la grande
précipitation avec laquelle le nouveau tarif a été mis à exécution. On ne lui
a laissé aucun temps pour prendre ses mesures. Doit-il remplir des engagements
contractés, il est soumis à des frais qu'il n'avait pu prévoir.
Eh
bien ! sans égard pour le commerce, on a promulgué le
tarif le 24 ou le 25 mars, et on l'a mis à exécution le 1er avril. C'est là un
procédé excessivement léger et dont avec raison le commerce s'est plaint.
D'un
autre côté, il est encore une chose sur laquelle je dois appeler votre
attention, c'est la nécessité de savoir si le tarif, dont nous déplorons et
dont nous devons déplorer les conséquences, sera maintenu. Si M. le ministre
veut le maintenir, qu'il le dise, alors le commerce ne sera plus gêné ; le
roulage pourra se rétablir. Je sais qu'à Gand on n'attend que la réponse de M.
le ministre pour établir un nouveau système de circulation. Je sais que l'on y
a demandé le rétablissement du roulage, et que des personnes, pour le
rétablir, n'exigent qu'une seule chose, la certitude que le gouvernement ne
prendra pas d’ici à un an de nouvelles mesures.
Je
demande donc à M. le ministre qu'il veuille nous dire si le nouveau tarif ne
doit point subir de promptes modifications, ou si l'on veut réparer l'erreur
qu'on a commise, et qui dans mon opinion doit porter un coup mortel au trésor. Je demande que M. le ministre veuille nous exprimer
clairement son intention.
M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Messieurs, l'honorable
membre, en commençant son interpellation, vous a dit qu'entre les deux moyens
qui avaient été imposés pour satisfaire au vœu de la loi de 1834, renouvelé
dans l'adresse de la chambre en réponse au discours du trône, à l'ouverture de
cette session, j'avais choisi seulement l'un d'eux, l'augmentation des tarifs.
Messieurs,
il n'en est pas ainsi ; j'ai aussi employé le second moyen, celui de la
diminution des dépenses. Vous avez pu remarquer que, contrairement à ce qui
s'était fait jusqu'ici, lorsque j'ai annoncé les heures de départ des convois
pour la période de transition, je n’ai pas annoncé d'heures de départ pour des
convois spéciaux de marchandises.
Et
pourquoi, messieurs ? Parce que du moment où ces heures seraient fixées, il
faudrait nécessairement que les départs eussent lieu à ces heures, qu'il y eût
des marchandises ou qu'il n'y en eût pas à transporter. De là une dépense
inutile. Vous voyez donc bien que j'ai porté mes vues aussi sur les moyens de
réduire les dépenses.
Quant
au personnel, un travail s'élabore en ce moment, mais on conviendra qu'il est
impossible de tout faire en même temps.
Messieurs,
la question que m'adresse l'honorable membre se réduit, en définitive, à
celle-ci : comptez-vous maintenir absolument votre tarif tel qu'il est, oui ou
non ? Si, dit-il, vous maintenez votre tarif, alors le commerce avisera à
rétablir les moyens de transport qui existaient antérieurement à
l'établissement du chemin de fer, alors il avisera à rétablir le roulage sur
les lignes desservies actuellement par le chemin de fer. Eh bien, messieurs, je
répondrai à la question de l'honorable préopinant que l'une des considérations
que je mets dans mon rapport au Roi, indique suffisamment qu'il ne s'agit pas
ici d'un tarif complètement définitif.
Cela
est d'autant plus vrai que, par un deuxième arrêté royal pris le même jour, la
commission des tarifs est maintenue pour suivre l'expérience du nouveau tarif.
D'ailleurs, en pareille matière, il ne peut jamais y avoir rien d'absolument
définitif.
Quant
au l'établissement du roulage, on vient à l'instant même de me faire appeler
pour recevoir une députation composée de membres de la chambre de commerce
d'Anvers et du conseil communal de la même ville ; cette députation était
chargée, non pas de me faire la question faite par l'honorable préopinant, mais
de me prier d'activer les travaux qui s'exécutent en ce moment à la station
commerciale d'Anvers, afin que le commerce puisse se servir de plus en plus du
chemin de fer. Vous voyez donc bien, messieurs, que le
commerce d'Anvers ne songe pas au l'établissement du roulage.
M.
Delfosse. -
Comme membre de l'opposition, je devrais me réjouir de la faute que l'on a
commise en élevant outre mesure les tarifs du chemin de fer ; le ministère a
excité par là un mécontentement général ; il s’est fait beaucoup plus de mal
que toutes nos attaques ne pourraient lui en faire. Mais le sentiment que
j'éprouve est tout autre ; je suis affligé de la perturbation grave que cette
mesure a jetée brusquement dans les opérations commerciales et industrielles.
Beaucoup
de nos fabricants, et notamment les fabricants de clous et d'autres objets
pondéreux et de peu de valeur, se trouvent fortement compromis par l'élévation
subite et exagérée des prix du transport des marchandises par le chemin de fer
; ils avaient conclu, sous la loi des tarifs qui ont cessé d'être en vigueur à
partir du 1er avril, des marchés qu'ils ne pourront exécuter sans de grandes
pertes ; et il leur sera désormais très difficile, sinon impossible, de lutter
à l'étranger contre les produits des autres pays. Cependant lorsqu'il a été
question de construire le chemin de fer, on a fait sonner bien haut les
avantages qui en résulteraient pour le commerce et pour l'industrie ; on a
surtout présenté cette voie de communication comme un moyen prompt et
économique de transporter les marchandises.
M.
le ministre des travaux publics a fait insérer au Moniteur, que nous
avons reçu ce matin, des chiffres qui sembleraient prouver que les nouveaux
tarifs du chemin de fer sont plus avantageux que ceux de quelques chemins de
fer construits en Allemagne et en France, plus avantageux aussi que les prix du
roulage. Mais il n'est personne qui ne sente qu'il n'y a aucune comparaison à
établir entre notre chemin de fer, qui s’étend à presque tout le pays, et
quelques petites sections construites en Allemagne et en France ; celles-ci
n'ont ni assez d'étendue, ni assez de développement pour pouvoir lutter contre
le roulage ; on préfère naturellement ce dernier mode de transport pour les
marchandises qui doivent être remises au-delà du point où le chemin de fer
s'arrête ; il résulte de là que sur ces petites sections, les bas prix ne
seraient nullement compensés par la masse des marchandises transportées.
Il
n'est pas non plus exact de dire que les prix du roulage sont plus élevés que
les prix du chemin de fer d'après les tarifs actuels ; j'ignore à quelle source
le ministre des travaux publics a puisé le chiffre de 10 centimes qu'il
présente comme le prix moyen du roulage, mais je puis dire que ce chiffre est beaucoup
au-dessus de la réalité. Ce qui le prouve, c'est que le roulage se rétablit
déjà sur plusieurs points desservis par le chemin de fer.
L'idée
qui a dominé les membres de la commission et M. le ministre des travaux
publics, c'est que le chemin de fer doit couvrir ses frais. Mais j'ai déjà eu
l'occasion de dire, et je ne cesserai de répéter, que c'est là une idée peu
conforme aux sentiments de justice et d'équité qui doivent animer le
gouvernement, et que la mesure adoptée conduira à un but contraire à celui que
l'on se propose.
L'idée
est peu conforme aux sentiments de justice et d'équité qui doivent animer le
gouvernement ; en effet, messieurs, il y a des lignes du chemin de fer qui
produisent peu parce qu'elles sont construites soit dans des localités qui
manquent de population et d'industrie, soit à côté de canaux qui sont préférés
au chemin de fer pour le transport des marchandises ; n'y a-t-il pas une
injustice criante à faire peser sur les autres lignes, sur les lignes
productives le déficit provenant des deux causes que je viens d'indiquer ? Quoi
! les industriels de la province de Liége devraient payer pour le transport de
leurs produits, non seulement l'équivalent des dépenses que le gouvernement a
dû faire pour opérer ce transport, mais encore en raison des pertes
occasionnées par la construction du chemin de fer dans des localités peu
importantes ou qui pouvaient s'en passer parce qu'elles ont d'excellents canaux
; si l'Etat, guidé par des motifs qu'il est inutile de rechercher en ce moment,
a cru devoir doter ces localités des bienfaits du chemin de fer, c'est sur le
pays tout entier et non sur quelques industriels qu'il convient de faire peser
la dépense.
La
mesure adoptée conduira à un but contraire à celui que l'on se propose, parce que
les affaires diminueront, parce que l'industrie souffrira, parce que le
roulage fera au chemin de fer une concurrence redoutable, et lui enlèvera une
grande partie de ses recettes.
Je
sais bien que le gouvernement pourra de nouveau faire disparaître le roulage en
abaissant les tarifs, mais ce serait là un procédé peu digne du gouvernement ;
le gouvernement doit une protection bienveillante à tous les Belges, il doit
surtout bien se garder de leur tendre un piége.
Il
y a, messieurs, une singulière contradiction dans les actes du ministère ; il
se pose en toute circonstance comme le plus chaud défenseur des intérêts
matériels ; il ouvre des expositions pour les produits de l'industrie
nationale, il décerne des médailles et des récompenses aux industriels qui se
sont distingués ; il établit à grands frais une navigation à vapeur pour
faciliter le transport de leurs produits, et voilà que tout à coup il apporte
lui-même des entraves à ce transport par une mesure désastreuse. En vérité,
c'est à n'y rien comprendre ! Un industriel recommandable disait dernièrement
: « Pour peu que le gouvernement continue à nous protéger ainsi, il faudra
que nous avisions aux moyens de nous protéger contre les protections du
gouvernement. »
M.
le ministre des travaux publics est venu à Liège il y a quelques jours ; il a
pu se convaincre par lui-même du fâcheux effet produit par les nouveaux tarifs
; il y a reçu, de la part d'un grand nombre d'industriels et de la chambre de
commerce elle-même, les réclamations les plus vives et les plus fondées. Je suis donc surpris qu'il ne sente pas encore la nécessité
de révoquer au plus tôt le malencontreux arrêté du 22 mars.
M. Dumortier. - Vous pensez bien, messieurs, que je ne me lève pas pour
répondre aux exagérations de l'honorable préopinant. Il a dit que le nouveau
tarif est jugé, qu'il a jeté la perturbation dans le commerce, qu'il a excité
une réprobation générale ; ce sont là des phrases, messieurs, dont chacun de
nous aura fait prompte justice. Ce n'est pas lorsqu’un tarif est mis en vigueur
depuis huit jours que l'on peut condamner ce tarif, par la seule raison que
quelques localités qui se trouvaient auparavant favorisées, au détriment du
trésor public, ne jouissent plus des mêmes avantages.
Il
me sera très facile, messieurs, de démontrer que l'arrêté dont on se plaint est
très sage, du moins quant à ce qui se rapporte aux bases posées par la
commission.
Tout
à l'heure, on a dit que le nouveau tarif est désastreux, qu'il est fatal à
l'industrie, etc. S'il y a, messieurs, une mesure désastreuse qui a été prise
en Belgique, c'est à coup sûr l'arrêté qui a opéré une réduction effrayante sur
les prix du transport par le chemin de fer ; à la vérité, cette réduction n'a
été opérée qu'à titre d'essai, pour un délai de trois mois. Or, c'est là une
grande faute qui a été commise par le ministère actuel, d'avoir laissé cet
essai se prolonger pendant si longtemps. Je l'ai dit plus d'une fois, un
grand abus a été commis, celui de réduire les péages du chemin de fer d'une
manière effrayante, les résultats en sont connus, patents, démontrés ; ces
résultats sont un déficit énorme dans les ressources du trésor public. Si l'on
ne met pas dès le principe un terme à cet abus, il s’enracinera à tel point que
plus tard on ne pourra plus y porter remède, et que le trésor public éprouvera
des pertes de plus en plus considérables. J’ai démontré cela plusieurs fois.
M.
Rogier. - Vous
ne l’avez jamais démontré et je vous défie de le démontrer.
M. Dumortier. - Si l'honorable M. Rogier pense que le trésor public n’ait
pas éprouvé un préjudice énorme par suite de la réduction apportée dans le
tarif, il n’a qu’à lire les tableaux qui ont été présentés, et il aura la démonstration
de ce que j’avance ; il verra, entre autres, qu’on a transporté des houilles de
Liége à Waremme à meilleur marché qu’on pouvait les vendre sur la place de
Liége. Et l’on appelle mesure heureuse l’arrêté qui a amené de semblables
résultats.
Naturellement,
quand on veut extirper des abus, on doit s’attendre à des réclamations fort
vives de la part de toutes les personnes qui profitent de ces abus. Ceux qui
vivent d'abus en désirent la continuation ; mais nous, membres de la
représentation nationale, nous ne devons pas nous laisser toucher par ces
réclamations de l'intérêt privé.
Il
ne me serait pas difficile de démontrer, en entrant dans des détails, que les
plaintes que l'on a articulées contre les bases nouvelles sont exagérées. On
vous dit que si cet arrêté continue d'être en vigueur, vous allez provoquer le
rétablissement du roulage, que vous amènerez la ruine, la perte de l'industrie
; je répondrai d'abord à l'honorable membre qui a fait entendre ces plaintes,
que nous ne sommes pas ici pour faire la guerre au roulage, et qui si le
roulage veut se rétablir, nous ne devons pas trouver mauvais qu'il se
rétablisse, et je suis fort surpris de voir un député qui se taxe de
libéralisme, venir faire la guerre au roulage et prêcher le monopole ; tout en
faisant les affaires du gouvernement, nous ne devons pas chercher à écraser une
industrie, quelle qu'elle soit ; ce ne serait guère là du libéralisme.
D'ailleurs,
veut-on supprimer l'arrêté provisoire ? J'y consens, mais alors qu'on remette
les choses dans l'état où elles étaient avant la mise en vigueur de l'arrêté
provisoire ; qu'on en revienne à l'arrêté du 19 juillet, pris par l’honorable
M. Rogier, et qui est autrement onéreux pour le transport des marchandises que
l'arrêté du mois de mars.
Voilà
le véritable terrain sur lequel on doit poser la question. Il existait un
tarif, celui du 22 juillet, ce tarif créé par le précédent ministère, et qui a
été en vigueur pendant tout son ministère, n'avait donné lieu à aucune
réclamation ; on le regardait comme une véritable bénédiction. Le tarif
provisoire n'a pas répondu à son but. Eh bien, qu'on rétablisse le tarif de
juillet, qui a été en vigueur pendant toute la durée de l'ancien ministère, et
l'on verra que les prix seront beaucoup plus élevés que par le nouveau tarif.
Voilà
ce que je demande. Si vous voulez revenir aux dispositions antérieures,
reprenez le tarif qui existait antérieurement et dont personne ne se plaignait.
Maintenant
on vient vous dire qu'on a élevé les tarifs outre mesure. Je vais répondre à
cette observation, et je rencontrerai ici une objection qui a été faite dans
une autre enceinte. On a dit dans une autre enceinte que dans la direction de
Courtray le nouveau tarif avait amené une telle perturbation, que l'on ne
transportait plus de marchandises par le chemin de fer, et que le roulage
allait se rétablir, car c'est là l'éternel argument sur lequel on s'appuie pour
attaquer le nouveau tarif.
Messieurs,
j'ai voulu vérifier les faits par moi-même ; je me suis arrêté hier au
bureau de Courtray pour m'assurer si réellement depuis l'établissement du
nouveau tarif il ne s'y faisait plus de perception au profit de l'Etat, du chef
du transport des marchandises ; eh bien, il m'a été démontré que, sous ce
rapport, le chemin de fer, dans la direction de Courtray, n'avait jamais
produit de plus beaux résultats que pendant les premiers jours de ce mois,
résultats tellement favorables qu'en un seul jour on a perçu, au chemin de fer
à Courtray, 500 fr. pour les marchandises, tandis que le produit journalier
de ce chef n'était antérieurement que de 200 à 250 francs.
On
peut donc dire que le chemin de fer n'a rien perdu par le fait des nouveaux
tarifs, malgré l'assertion positive du contraire ; et les résultats seront
encore plus favorables, lorsque le commerce aura repris son assiette troublée
par les clameurs des journaux.
Jugez,
messieurs, par ce fait, de l'exactitude des autres faits qu'on a mis en avant,
pour attaquer le nouveau tarif !
Examinons
maintenant la question du tarif en elle-même.
A
quoi se réduit la question ? à celle de comparer le prix auquel on transportait
précédemment, et celui auquel on transporte aujourd'hui. Quel était autrefois
le prix du transport ? Quel est le prix de transport aujourd'hui ? Voilà la question.
Examinons-la.
Autrefois,
et aujourd’hui encore, d'Anvers à Tournay, et je pense aussi d'Anvers à
Courtray (car la distance est la même) le transport se fait pour le commerce au
taux de fr. 3 fr. 50 c. pour cent kilogrammes, c'est le taux le plus bas
possible. Savez-vous maintenant ce que le gouvernement demande par le nouveau
tarif ? Il demande 1 fr. 75 c. par 100 kilogr. ;
c'est à dire 50 p. c. à meilleur marché que le transport par voie de roulage.
Ce ne sont pas là de vaines paroles, des déclamations, ce sont des chiffres que
je présente, et je dis qu'aussi longtemps que les prix fixés par le
gouvernement sont tels, qu'en définitive on transporte par le chemin de fer à
50 p, c. à meilleur marché que par la voie de roulage, il n'y a pas lieu de
blâmer le gouvernement.
Tout
industriel loyal qui ne veut pas frustrer l'Etat de ce qui lui est légitiment
dû doit donc avouer que le chemin de fer est venu lui procurer, pour le
transport de ses marchandises, un immense avantage, et il ne pourrait
raisonnablement se plaindre, à moins de prétendre qu'on ne doive transporter
ses marchandises pour rien. Si même le chemin de fer ne transportait les
marchandises qu'au prix du roulage, il offrirait encore un grand avantage aux
industriels, par la prompte expédition de leurs marchandises.
Des
industriels de Liège se plaignent, dit-on ; eh bien ! qu'ils rétablissent le
roulage, et ils s'en garderont bien puisque les transports se faisaient par le
chemin de fer sons l'empire du tarif en vigueur sous le ministère précédent, et
qui était, je le répète, bien plus élevé que le tarif nouveau. Mais nous, nous
ne devons pas ruiner le trésor public, pour faire plaisir à quelques localités.
Au
reste, messieurs, ne croyez pas que ce soit l'augmentation modérée du tarif qui
soit la cause des plaintes qu'on a fait entendre. La source de ces plaintes
doit être cherchée dans la question du camionnage, du factage. A Liége ou
trouvait fort commode de recevoir à domicile, d'Ans à Liège, ses marchandises
pour dix centimes. Voilà l'abus que ceux qui en profitaient désiraient voir
perpétuer ; mais quant a l'augmentation de tarif, elle est presque
insignifiante pour les marchandises elles-mêmes, et le tarif nouveau est
inférieur de beaucoup au tarif existant avant le tarif provisoire. D'après
cela, je dois déclarer que les plaintes élevées contre le
nouveau tarif sont empreintes d'une manifeste exagération.
M.
Delfosse (pour
un fait personnel). - Messieurs, l'honorable M. Fleussu ayant demandé la
parole, je lui laisserai le soin de répondre à ce que vient de dire l'honorable
M. Dumortier. Il est cependant un passage du discours de M. Dumortier que je ne
puis laisser sans réponse, c'est celui où il m’a accuse d'exagération.
Messieurs,
loin d'avoir mis de l'exagération dans mes paroles, je crois avoir exprimé
beaucoup trop faiblement le mécontentement qui règne, non seulement dans la
ville de Liége, mais dans tout le pays, par suite de la mise en vigueur des
nouveaux tarifs. La chambre et le public apprécieront de quel côté se trouve
l'exagération : si c'est du côté de M. Dumortier ou du mien. L'on sait du reste, qu’en fait d’exagération,
l'honorable membre le cède rarement à ses collègues.
M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) – Messieurs, je ne crois
pas qu'il soit dans l'intention de la chambre de prolonger cette discussion ;
je me bornerai à répondre à l'honorable M. Delfosse qu'il est dans l'erreur, à
l'égard de la démarche de la députation de la chambre de commerce de Liège.
Cette députation m'a en effet présenté des réclamations ; mais, messieurs, ces
réclamations ont porté non pas sur le système des tarifs, ni même fortement sur
les chiffres en eux-mêmes, mais plutôt sur le système lui-même d’exploitation ;
elles ont porté sur ce que l’exploitation reposait sur un système de détails
qui a été établi par M. Rogier et qu’il ne m’a pas encore été donné de
modifier, parce qu’il faut une plus longue expérience pour apprécier les
modifications à y apporter. Il est certain que ce système de détails que l’on
suit actuellement, occasionne une foule de dépenses et qu’il est d’une
exécution fort difficile. Ce système de détails est très bon entre les mains
des particuliers, mais entre les mains du gouvernement, il est toujours
onéreux. Eh bien, quand j’ai appelé l’attention de MM. les membres de la
chambre de commerce de Liège sur les considérations que j'ai émises sur le
système d’exploitation à l’appui des tarifs du 22 mars. Ces messieurs ont dit
qu’ils étaient d’accord avec moi et en me quittant ils
m'ont sincèrement remercié des explications que je leur avais données, et des
vues que j’avais émises à cet égard dans mon rapport au Roi.
M.
Fleussu. -
Messieurs, j'ai demandé la parole lorsque j'ai entendu l'honorable M. Dumortier
reprocher à l'honorable collègue qui siége près de moi, l'exagération qu'il
aurait mise dans ses paroles, en traitant la question du tarif. Je dirai à la
chambre que les paroles de l'honorable M. Delfosse, loin d'être exagérées, me
paraissent extrêmement modérées, si on les rapproche de tout ce qui se dit
dans la ville de Liège que j'ai quittée il y a deux jours.
L'honorable
M. Dumortier répondant à l'honorable M. Delfosse l'a présenté comme se faisant
l'avocat d'une localité, comme le défenseur des intérêts des seuls industriels
de Liége, car, a dit M. Dumortier une seule localité se plaint, et cette
localité, c'est la ville de Liége. Je lui demanderai, moi, au contraire, quelle
est la localité qui ne se plaint pas des nouveaux tarifs.
M. Dumortier. - Aucune ne se plaint.
M.
Fleussu. - Ah
! Aucune localité ne se plaint ! Et c'est un député de la ville de Gand qui a
ouvert la séance par une motion d'ordre sur la mise en vigueur des nouveaux tarifs.
Celte motion d'ordre a été appuyée par l'honorable M. Delfosse.
Je le soutiens aussi, et je demanderai aux
représentants des villes industrielles, s'ils veulent s'expliquer, s'il y a
dans la localité qu'ils représentent une seule voix qui approuve le nouveau
tarif ? L'honorable M. Verhaegen me dit que pas une seule voix ne l’approuve à
Bruxelles. Un député de Courtrai a dit qu'il avait soulevé de vives
réclamations dans cette localité. Hier j'ai demandé à l'honorable M. Coghen
quel effet il avait produit à Bruxelles, je commets peut-être une indiscrétion,
en répétant ce qu'il m'a répondu, car il ne m'a pas autorisé à faire connaître
publiquement sa réponse, mais je suis amené malgré moi à le faire ; il m'a dit
qu'on s'accordait généralement à le blâmer. L'honorable M. Lys va peut-être
demander la parole pour le blâmer aussi.
A
mon tour, je demanderai à M. Dumortier de nous indiquer la localité qui ne se
plaint pas du nouveau tarif, au lieu de nous dire que la ville de Liége seule
s'en plaint.
Quoique
étranger à l'industrie, je vois cependant des personnes qui s'en occupent ;
lors de la publication du nouveau tarif, plusieurs m'ont demandé si on voulait
renoncer aux antécédents du chemin de fer, si le gouvernement n'avait voulu
détruire le roulage que pour établir à son profit un monopole, et vous savez
comment on qualifie les monopoles.
M. Dumortier. - Répondez aux chiffres que j'ai présentés.
M.
Rogier. - J'y
répondrai.
M.
Fleussu. -
Puisque M. Rogier s'en charge, je lui laisserai ce soin.
On
a demandé ce qu'était devenue la pensée qui avait présidé à la création du
chemin de fer. On se demandait avec inquiétude ce que deviendrait le transit et
quels résultats produiraient les quatre millions engagés dans le chemin de fer
rhénan, alors qu'on rendait le transit impossible par le tarif auquel on
soumettait les marchandises sur notre chemin de fer. On parle d'exagération,
mais les faits cités par les industriels eux-mêmes prouvent que c'est dans les
tarifs nouveaux que se trouve l'exagération ; car on m'a indiqué des objets qui
payaient autrefois, d'Anvers à Liége, 1 fr. 75 c., et qui, par le nouveau
tarif, paient 5 fr. et plus.
Je
demanderai si c'est ainsi qu'on essaie de trouver le taux qui correspond aux
intérêts du gouvernement et à ceux du commerce. Il est telle industrie qui tire
sa matière première, les laines des Flandres, les travaille à Liége et les
renvoie dans les Flandres, (Ce sont, comme vous voyez, des matières premières,
qui se meuvent sur le chemin de fer.) Cette industrie se contentait du plus
léger bénéfice ; depuis l'augmentation des tarifs, elle est restreinte, sinon
anéantie. Voilà où est l'exagération.
Je
n'examinerai pas le tarif mis en vigueur par l'honorable M. Rogier. Il est là
pour défendre son œuvre. Je veux bien admettre que ce tarif fût susceptible
d'augmentation ; je parle ici hypothétiquement ; mais devait-on parcourir toute
l'échelle d'un seul bond, ne devait-on pas au contraire monter d'échelon par
échelon. Porter de 1 75 à 5 francs le prix du transport d'un objet, n'est-ce
pas parcourir toute l'échelle d'un seul bond ?
On
a parlé des articles de messageries, je vais vous citer un fait que j'ai
recueilli d'une personne en qui j'ai toute confiance. Des objets pour le
transport desquels on paie 75 centimes par les messageries van Gend, paient 1
fr. 50 c. par le nouveau tarif du chemin de fer.
Qu'on
y prenne bien garde, nous ne nous plaignons pas du tarif des voyageurs non plus
que du tarif des bagages, mais du tarif du transport des marchandises, parce
qu'il est contraire à l’intérêt de l'industrie et du commerce.
Dans
le numéro du Moniteur qui vous a été remis ce matin, vous trouvez le
résultat du nouveau tarif ; il est tout au désavantage de l'augmentation du
tarif. Depuis le premier avril, le produit du transport des marchandises a été
de 57,325 fr.
Le
produit du tarif précédent pendant le même nombre de jours du mois de mars
avait été de 61,876 fr.
Voilà
donc une diminution de recette d'environ quatre mille francs sur les
marchandises depuis la mise en vigueur du nouveau tarif. Si la réduction n'a
pas été plus forte, c'est qu'on a dû expédier des marchandises malgré
l'augmentation des tarifs. C'est que des marchandises destinées à des navires
en partance ont dû être expédiées d'Ans sans retard.
Mais
attendez une autre période, alors que le commerce n'aura pas été obligé
d'expédier et vous verrez une réduction bien autrement forte.
On
nous a fait l'objection de vouloir supprimer le roulage, de ne pas admettre la
concurrence. C'est une erreur ; nous soutenons seulement que le commerce
tirerait plus d'avantage du roulage tel qu'il existait avant la création du
chemin de fer, qu'il ne pourrait en retirer du railway avec le nouveau tarif ;
mais le roulage ne peut pas se rétablir d'un jour au lendemain, surtout en
présence de la réponse évasive du ministre, car il faut beaucoup de fonds pour
établir un service de roulage et personne ne se décidera à eu faire les
premiers frais, alors que M. le ministre a annoncé que d'un moment à l'autre il
pourra réduire son tarif. Qu'on donne l'assurance que pendant deux ans le tarif
actuel sera maintenu et le roulage se rétablira. Le commerce pécuniairement
parlant aura plus d'avantage, la célérité exceptée, à faire transporter ses produits
par le roulage que par le chemin de fer.
On
nous a dit que l'abus dont on se plaint vient de ce que le tarif mis à
exécution par l'honorable M. Rogier était beaucoup trop bas, et que
l'augmentation qu'on avait dû lui faire subir avait excité toutes les plaintes
qu'on a entendues. J'ai déjà répondu, qu'en supposant que le tarif dût être
augmenté, l'abus auquel on prétendait remédier ne justifiait pas un nouvel
abus, et un abus beaucoup plus grave, puisqu'il jette la perturbation dans le
commerce et l'industrie. S'il y avait lieu d'augmenter les tarifs, il fallait
le faire insensiblement et prévenir le commerce, car le commerce a été pris au
dépourvu, car rien ne lui avait annoncé qu'au 1er avril une augmentation aussi
considérable aurait lieu sur les transports par le chemin de fer.
Je
m'en tiendrai à ces observations ; j'en avais d'autres à faire, mais M. Rogier
ayant demandé la parole, je lui laisserai le soin de les présenter. Je dirai
seulement, en terminant, que si on considère les plaintes qu'a soulevées le
nouveau tarif, on verra que M. Delfosse a été loin de
mettre de l'exagération dans ses paroles.
M.
Rogier. -
J'avais espéré pouvoir échapper une fois au moins dans cette session à la
nécessité de me défendre.
Il
paraît que les défenseurs officieux du gouvernement ont pris moins à tâche de
défendre le ministère actuel que d'attaquer le ministère ancien.
M. Dumortier. - Ce n'est pas exact !
M.
Rogier. -
C'est parfaitement exact !
M.
Dumortier est un agresseur très actif du précédent ministère et un défenseur
très chaud du cabinet actuel. Je l'en félicite ; c'est un changement de
conduite que le pays et ses commettants apprécieront.
M. Dumortier. - Je demande la parole pour un fait personnel.
M.
Rogier. - Oh !
ce n'est pas tout.
L'honorable
préopinant, fidèle à la tactique des défenseurs du cabinet actuel, s'est livré
à des récriminations contre l'ancien ministre des travaux publics, à propos
d'abus immenses qu'auraient renfermés les tarifs du chemin de fer arrêtés par
lui. Messieurs, s'agit-il du tarif des voyageurs, ou s'agit-il du tarif des
marchandises ? J'ai déjà fait remarquer à la chambre que tout en attaquant le
système que j'avais mis en vigueur, tout en le disant hérissé d'abus immenses,
le ministre actuel s'y était rallié.
En
effet, le tarif actuel des voyageurs a pour base les réductions du tarif qui
avait été mis en vigueur en remplacement de celui de l'honorable M. Nothomb. De
quel principe suis-je parti ? Qu'on pouvait accroître les produits du chemin
de fer en diminuant les tarifs. Voilà le système que j'ai mis en avant, et que
j'ai formulé dans le tarif que j'ai arrêté, qui était un tarif d'essai. Ce
tarif a été essayé pendant trois mois ; et pendant ces trois mois, il a plu la
plupart des jours.
M.
le ministre a trouvé que le mauvais temps était favorable aux voyages.
M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - A votre tarif.
M.
Rogier. - Soit
! Je ne comprends pas la différence.
Cette
assertion m'avait paru si exorbitante que je croyais que le ministre s'était
trompé et que mes collègues ont cru avoir mal entendu. Mais M. le ministre a
répété dans son rapport au Roi que la pluie était favorable à l'augmentation
des voyageurs.
Je
crois, moi, que la pluie n'est pas favorable aux voyages, et qu'on voyage moins
quand il fait mauvais temps, que quand le temps est beau.
Mais
en dépit du mauvais temps, mon tarif, pendant les trois mois qu'il a été en
vigueur, a amené 146 mille voyageurs en plus dans les waggons, tandis que la
recette n'a été diminuée que de 20 mille fr. Je défie de contester ces
chiffres. Je somme M. Dumortier de répondre à ces deux chiffres.
Quand
le ministre, éclairé par le travail de la commission, a modifié le tarif des
voyageurs au mois de mai, est-il revenu au système de M. Nothomb ? Non ; il est
resté au-dessous ; il a adopté le système qu'une réduction de tarif pouvait
amener une augmentation de produits. Puisque ce système a été adopté par la
commission et par le ministre des travaux publics, en même temps qu'il blâmait
hautement ce système, je pourrais me dispenser de le défendre.
Vient
maintenant le tarif des marchandises. Ici je dois rendre justice à la
commission et au ministre, ils s'écartent très franchement de mon système.
D'après les tableaux qui ont été publiés, sur beaucoup de sections et pour
beaucoup de produits les prix sont doublés et quelquefois triplés. Quel est le
but de cette augmentation ? d'augmenter les recettes du chemin de fer par le
transport des marchandises. Pourquoi voulez-vous augmenter les recettes du
chemin de fer par le transport des marchandises ? Est-ce parce que le
chemin de fer ne produisait rien ? Mais j'ai démontré, et il n'a pas été
répondu un mot à mes chiffres, que, dans le courant de l'année dernière, les
recettes pour marchandises s'étaient élevées à plus de 800,000 fr. au-delà des
recettes de l'année précédente. Qu'a-t-on fait pour répondre à ces
chiffres ? Ou a exagéré d'une manière que je ne veux pas qualifier les
dépenses du chemin de fer ; on a dit qu'à la vérité le chemin de fer avait
produit 800,000 francs pour transport de marchandises, mais qu'il avait
occasionné des dépenses énormes. Et de quel chef ? Quelles sont ces dépenses en
plus qu'a occasionnées le transport des marchandises qui a produit 800,000
francs en plus ? On n'avait indiqué de telles dépenses qu'en se livrant à de
faux calculs.
M. Dumortier. - Il faudrait le prouver.
M.
Rogier. - Vous
avez été obligé de le reconnaître vous-même. L'honorable M. Demonceau a reconnu
qu'il avait travaillé sur des données inexactes.
M. Demonceau. – Je m'en expliquerai.
M.
Rogier. - Vous
vous en êtes déjà expliqué. Je dis qu'on a exagéré de toutes les manières les
dépenses prétendument occasionnées par l'ancien système. Et ! quoi l'ancien
système donnait-il lieu à des dépenses extraordinaires ? Dans l'ancien système,
on prenait les marchandises à domicile et on les remettait à domicile. Quelle
est la dépense en plus qui en résultait ? Les frais de transport du domicile de
l'expéditeur à la station et de la station au domicile du destinataire. Eh
bien, si le ministère s'était borné à faire rembourser au commerce ce que le
gouvernement payait à l'entrepreneur du camionnage, toutes les dépenses
occasionnées par mon système se trouvaient couvertes, car voilà les seules
dépenses nouvelles auxquelles mon système ait donné lieu. On a dû prendre, il
est vrai, quelques employés de plus pour l’inscription des marchandises, parce
qu'il y avait accroissement de marchandises, c'est-à-dire accroissement
d'affaires. Mais quel est le commerçant, quel est l'entrepreneur qui se
plaindrait d'avoir à payer quelques employés de plus alors que ses affaires se
seraient accrues dans une très forte proportion ? Je dis qu'à part les deux
natures de dépenses que je viens d'indiquer, on ne peut citer aucune dépense
nouvelle résultant de mon tarif pour le transport des marchandises.
Il
est vrai que j'ai lu dans un journal que, sous mon système, les waggons ne
transportaient que 2,000 k. de marchandises ; mais pourquoi n'en auraient-ils
pas transporté comme aujourd'hui 4,000 k. ? On a dit aussi que sous mon système
les convois étaient trop nombreux ; mais pourquoi ? Qu'avait de commun le tarif
des marchandises, avec le nombre des convois, avec le chargement incomplet des
waggons.
Je
n'aime pas à me livrer à des insinuations, à des récriminations, mais je serais
en droit de demander comment il se fait que, pendant que mon système était en
vigueur, les waggons n'étaient chargés qu'à moitié et les convois multipliés
outre mesure ? Comment M. le ministre des travaux publics, depuis un an qu'il
est au ministère, n'a-t-il pas porté remède à de pareils abus ?
En
admettant que le système introduit par l'ancienne administration a donné lieu à
des dépenses nouvelles, il est certain qu'il a amené une amélioration immense
dans les recettes et dans toutes les relations commerciales. Aujourd'hui il y a
dans ces relations une perturbation complète et générale.
L'honorable M. Dumortier vient de dire que le tarif actuel
n'a rien changé au tarif du 19 juillet 1840.
M. Dumortier. - Je n'ai pas dit cela.
M.
Rogier. - J'en
ai pris note.
M. Dumortier. - Vous avez pris une note inexacte. J'ai dit que les deux
tarifs ne différaient que de 25 centimes par
M.
Rogier. - Ce
sont des assertions en l'air.
M. Dumortier. - Ce sont des faits ; qu'on y réponde.
M.
Rogier. -
L'honorable M. Dumortier a dit qu'il approuvait entièrement le tarif du 19
juillet 1840.
M. Dumortier. - Je n'ai pas dit cela.
M.
Rogier. – Il
est impossible de réfuter un orateur qui se dément lui-même.
M. Dumortier. - Je ne me démens pas ; j'en appelle aux souvenirs de
l'assemblée : j'ai dit que si l'on revenait à l'ancien tarif, on verrait qu'il
est plus défavorable au commerce que le tarif actuel.
M.
Rogier. - Je
persiste à soutenir que M. Dumortier a dit qu'il approuvait le tarif de juillet
1840. Voici quelques comparaisons de ce tarif avec celui du 22 mars 1842.
((a)
: tarif du 19 juillet 1840 ; (b) tarif du 22 mars 1842).
De
Waremme à Liége. Céréales : (a) 4 50, (b) 7
D'Ostende
à Bruxelles. Poisson : (a) 13 50, (b) 19
D'Ostende
à Liége. Id. : (a) 19 80, (b) 32 50
De
Liége à Anvers. Clous : (a) 12 50, (b) 19
Id.
Draps et armes : (a) 15, (b) 25
De
Liége à Ostende. Id. : (a) 25, (b) 43
De
Liége à Anvers. Verreries, faïences : (a) 15, (b) 25
Je
ne sais si le trésor se trouve bien de ces augmentations ; il est possible que
le chemin de fer, après avoir détruit les autres moyens de transport, exerçant
un monopole forcé sur l'industrie et le commerce, maintienne ou augmente
momentanément les revenus du trésor en chargeant considérablement le commerce
et l'industrie ; cependant je ne réponds pas que ce résultat soit obtenu.
D'après le tableau qui a été publié ce matin au Moniteur, nous voyons
que le trésor a reçu moins dans la première dizaine d'avril que dans la dizaine
de mars ; cependant le commerce, le consommateur a payé deux fois plus.
Je
ne parle que des marchandises dites de roulage. Si je fais la comparaison pour
le transport des marchandises dites de diligences, vous aurez de la peine à
comprendre dans quel but et au profit de qui on a fait de pareilles
augmentations. Autrefois, tout colis de 5 kilog. et au-dessous payait 40
centimes, quelle que fût sa destination ; aujourd'hui un colis de 5 kilog.
paie, de Liége à Ostende , 2 fr. 15 c. De Bruxelles à Anvers , un colis de 20
kilog, payait 60 centimes, il paie 1 fr. 35 cent. Un colis de 50 kilog. payait
85 centimes ; il paie 1 fr. 80 cent.
De
Liége à Ostende, un colis de 20 kilog. payait 1 65, il
paye 6 45. Un colis de 50 kilog. payait 2 70, il paie 8 60. Un colis de 100
kil. payait 3 60, il paie 10 75. Le prix est plus que triplé.
Il
y a plus, c'est que le commerce et l'industrie ne sont pas seuls atteints ;
chacun des habitants du pays est atteint. Le moindre habitant du pays est atteint
dans ses relations, il est obligé de passer par les mains d'entrepreneurs qui
lui imposeront toutes les conditions onéreuses qu'ils voudront.
Sous
l'ancien tarif, messieurs, toute personne qui roulait expédier comme
marchandise de roulage un poids de 100 kilog., pouvait le faire transporter
directement par le chemin de fer, quelle que fût sa destination. Aujourd'hui le
chemin de fer repousse cet individu ; il ne peut recevoir de lui que des
paquets de 500 kil., ainsi donc on peut dire que le chemin de fer est fermé
pour la plupart de ceux qui en ont besoin ; ceux-là doivent passer par les
mains d'intermédiaire ; cet intermédiaire réunit en un paquet de 500 kil.
différents colis et dès lors il peut se servir du chemin de fer.
Messieurs,
le système est tellement vicieux, que je défie et la commission et M. le
ministre des travaux publics de déclarer dans cette chambre qu'il tiendra
encore quinze jours. J'irai plus loin ; le système est tellement vicieux ; il
choque tellement les données du bon sens et de la justice, qu'il n'existe déjà
plus, qu'il est déjà en partie supprimé à l'heure qu'il est.
Comment
! messieurs, une commission composée de membres très honorables, très
respectables, très capables, comme les a qualifiés M. le ministre des travaux
publics et comme je les qualifierai après lui, s'occupe pendant une année
entière de la révision des tarifs ; elle s'entoure de toute espèce de documents
: elle a recours à toute espèce de renseignements ; cependant elle ne s'adresse
pas également à tous ceux qui lui doivent fournir ces renseignements ; mais les
tableaux affluent de tous les côtés ; les discussions dans cette chambre, hors
de cette chambre ne finissent pas, se prolongent à l'infini ; trois rapports
sont successivement adressés au ministre et livrés à l'impression. M. le
ministre fait de ces rapports l'objet de ses méditations pendant plusieurs mois
; il fait un rapport au Roi très développé ; à ce rapport se trouvent joints
les tarifs. Tout a été l'objet des plus mûres délibérations ; on s'est livré au
plus profond examen de la question. Eh bien ! on met
les tarifs en vigueur le 1er avril et dès le 3 ou le 4 avril les tarifs
nouvellement mis en vigueur subissent les modifications les plus essentielles.
L'arrêté royal n’existe plus, les tarifs joints à l'arrêté royal et publiés
dans le Moniteur, sont remplacés par d'autres tarifs sans date ni
signature et modifiant essentiellement les tarifs royaux.
Voilà,
messieurs, ce qui existe, et on ne pourra pas le nier. Les tarifs du 1er avril
n'existent déjà plus. Ainsi, on a fait passer de nouveau d'une classe dans une
autre certaines marchandises ; on transporterait aussi certaines marchandises
au poids de 100 kil. et non plus au poids de 500 kil.
Je
ne parle pas de ces innovations devant lesquelles on a reculé et qui
consistaient à recevoir à la sortie les billets des voyageurs et de faire payer
aussi à la station 20 centimes pour des billets d'entrée ; on a vu que ces
innovations étaient trop difficiles dans l'exécution ; on n'a pas exécuté
cette partie de l'arrêté royal et je n'en fais pas un reproche au ministère. Je
ne lui fais pas non plus un reproche d'être venu à des tarifs plus modérés.
Mais ce que je lui reproche, c'est de n'avoir pas agi plus ouvertement dans
cette circonstance, c'est de ne pas avoir publié à la suite des tarifs royaux,
ceux qui modifiaient ces tarifs ; c'est d'avoir du jour au lendemain porté
atteinte aux arrêtés signés par le Roi, par des arrêtés pris par je ne sais qui
; car ils ne portent ni signature ni date. Cependant ils modifient
essentiellement les arrêtés royaux, et ils les modifient non pour aggraver les
tarifs, mais pour les diminuer. Et ces diminutions seront suivies de
diminutions nouvelles ; soyez en certains, je vous annonce dès maintenant que
le système de M. le ministre des travaux publics ne tient plus, qu'il sera
bientôt abandonné.
Ainsi,
messieurs, l'honorable M. Dumortier ferait bien de modérer un peu son
enthousiasme en faveur de ces tarifs, car ils sont déjà essentiellement
modifiés, et ils le seront encore ; qu'il prenne bien note de mes prédictions.
Mais,
messieurs, un point sur lequel nous avons le droit d'insister, c'est que ces
modifications reçoivent la même publicité que les tarifs primitifs. Car enfin,
messieurs, tout le monde n'est pas dans la confidence. Les entrepreneurs de
messageries, qu'on a qualifiés si ingénument d'associés du chemin de fer,
reçoivent communication de ces modifications. Mais le public n'en est pas
informé ; il ne connaît que les prix fixés par arrêtés royaux et non ceux fixés
par modifications administratives. Il est donc important que M. le ministre des
travaux publics fasse connaître au public les modifications introduites depuis
le 1er avril.
On
ne conçoit vraiment rien à cette manière d'agir. On ne conçoit pas que ce qui a
été décrété le 1er avril par arrêté royal soit bouleversé deux jours après par
des décisions d'employés inférieurs. Car je ne sais pas si ces décisions
viennent du ministre ; je suppose cependant qu'il les connaît.
Nous
n'avons pas, messieurs, l'habitude de recourir ici aux journaux. Cependant si
je m'en rapportais au correspondant d'un journal ministériel qui paraît
recevoir des informations assez directes, voici ce qu'il nous annonce :
« C'est sur le rapport du directeur que l'arrêté a été pris, et ce rapport
a été basé sur des chiffres inexacts... On m'a donné en outre l'assurance,
ajoute le correspondant, que M. Masui a visité
dernièrement toutes les stations pour préparer la voie à ces nouveaux
changements, et qu'il est convenu lui-même que le nouveau tarif, tel qu'il a
été arrêté, est inexécutable dans son ensemble et dans ses détails. »
A
cela près, messieurs, le tarif parait excellent ; il n'a d'autre défaut que
d'être inexécutable dans son ensemble et dans ses détails.
Messieurs,
c'est parce que je crois que ce tarif est inexécutable et sera inexécuté dans
son ensemble et dans ses détails, que je ne pousserai pas plus loin l'examen
des défectuosités qu'il présente. Je regrette d'avoir encore été appelé à
défendre l'ancienne administration dans cette circonstance. Le but de
l'ancienne administration a été bien des fois expliqué à cette chambre.
Toujours elle a voulu chercher à concilier les intérêts du trésor avec ceux du
commerce et de l'industrie. Lorsque nous avons baissé les tarifs du chemin de
fer pour les voyageurs et pour les marchandises, nous n'avons pas été mus par
un vain désir de popularité. Nous renvoyons de tels reproches à ceux que nous
avons vus si souvent à genoux devant cette idole de la popularité. Nous avons
toujours cherché à accroître les ressources du trésor, en augmentant l'utilité
du chemin de fer pour le transport des hommes, comme pour le transport des
choses.
Ce
but, nous croyons l'avoir atteint, par le tarif des voyageurs. Ce tarif a été
essayé pendant une période mauvaise ; et cependant il a produit des résultats
tels que le ministère actuel, tout en le modifiant, n'a pas osé s'en écarter
d'une manière absolue, et qu'il en est plus rapproché que du système ancien.
Pour
les marchandises, ici nous pouvons le dire, notre essai avait merveilleusement
réussi. On a transporté des marchandises en masse ; ce transport a rapporté au
trésor au-delà de 800,000 fr. de plus en 1841 qu'en 1840. Ce tarif avait donné
satisfaction à tout le monde, au grand commerce comme au petit commerce, au
public en général comme à tous les particuliers ; à tous les particuliers qui
avaient accès direct au chemin de fer et qui aujourd'hui s'en trouvent
repoussés pour retomber dans les mains, j'allais presque dire dans les griffes
des entrepreneurs intermédiaires.
C'est
ce système qu'on a voulu renverser ; mais c'est vers ce système qu'on
reviendra. C'est vers ce système qu'on est déjà revenu dès le lendemain même de
la mise à exécution du système contraire.
Il
faut, du reste, que M. le ministre des travaux publics déclare s'il entend, oui
ou non, persister dans le tarif actuellement en vigueur. Il est, en effet, très
important pour le commerce de savoir à quoi s'en tenir. Bien qu'on l'ait
nié (on nie beaucoup de choses qui se trouvent vraies) ; bien qu'on l'ait nié,
il est certain que le roulage tend à se rétablir. Mais dans l'incertitude où
sont les entrepreneurs de roulage, des changements qui peuvent être introduits,
ils n'osent former d'établissements considérables.
Et
voyez déjà ce qui serait arrivé si, à l'abri du système protecteur qu'on leur
avait octroyé, les entrepreneurs avaient commencé à acheter des chevaux, à
confectionner des voitures. Eh bien ! trois jours après l'établissement du
tarif, ils auraient vu que des modifications importantes étaient apportées au
tarif, et que déjà leurs combinaisons pouvaient se trouver entravées.
Il
faut qu'il y ait ici de la fixité. Il ne faut pas changer d'avis, de système du
jour au lendemain. Quand on a autour de soi des hommes compétents, quand soi-même
on s'est livré à un examen attentif et bien mûri de toutes les questions, il
faut en définitive avoir une opinion, il faut s'y tenir et ne pas en changer
dans les 48 heures. Dans tous les cas, si on doit en
venir à ces changements, il faut qu'ils soient connus de tous et qu'ils ne
soient pas un privilège au profit de quelques-uns.
M. Dumortier. - Je dois répondre à l'honorable M. Rogier. Il m'a accuse
de tactique contre l'ancien ministère ; il a dit que c'était un changement dans
ma conduite que mes commettants et le public sauraient apprécier. Je répondrai
à l'honorable membre qu'il est fort peu reconnaissant de la conduite que j'ai
tenue envers l'ancien ministère. Vous le savez, messieurs, je n'ai pas attaqué
l'ancien ministère, ou pour mieux dire, je ne l'ai attaqué que sur une seule
question, sur celle du chemin de fer qui nous occupe ; alors j'ai attaqué le
système de l'honorable M. Rogier. Mais hors de cette circonstance, je ne l'ai
pas attaqué. Je ne cherche pas à justifier ma conduite ; le pays l'a jugée, et
il l'a jugée telle que certainement beaucoup de membres devraient désirer qu'il
juge la leur comme il a jugé la mienne.
Mais,
messieurs, je ne suis point ici le défenseur ni l'accusateur du ministère
actuel ni du ministère précédent ; je suis ici le défenseur du trésor public,
et je le défendrai toujours lorsqu'on voudra l'épuiser pour faire de la
popularité à ses dépens.
Je
regrette vivement que l'ancien cabinet, ou pour parler plus exactement, qu'un
membre de l'ancien ministère regarde toutes les attaques dont son tarif a été
l'objet comme des attaques dirigées contre le cabinet dont il faisait partie
mais puisqu'il s'obstine à les envisager ainsi, soit ! je n'en défendrai pas
moins les intérêts du contribuable, qui sont ici en cause.
Messieurs,
il est un point sur lequel le pays s'est prononcé par l'organe de ses
représentants, un point sur lequel la chambre s'est prononcée lorsqu'elle a
fait la loi relative au chemin de fer, sur lequel elle s'est encore prononcée
dans la dernière adresse en réponse au discours du trône ; ce point, c'est que
le chemin de fer doit couvrir ses dépenses. Eh bien, pour arriver à ce
résultat, que fallait-il faire ? Fallait-il rester dans le système établi par
l'honorable M. Rogier ? Mais le principe de M. Rogier était jugé par les
résultats de son application. M. Rogier disait que l'on pouvait augmenter les
recettes du chemin de fer en abaissant le prix du transport. C'est là le
principe du tarif du 10 avril, qui a été établi à titre d'essai. Eh bien, je
demande si l'essai a justifié le principe.
On
nous a dit que sous l'empire du tarif du 10 avril on avait transporté 146,000
voyageurs de plus que sous l'empire du tarif précédent, et que l'on avait reçu
20,000 fr. de moins. Eh bien, messieurs, après cela le principe n'est-il pas
jugé ? Non seulement il y a eu une diminution de 20,000 fr. dans les recettes,
mais pour transporter 146,000 voyageurs de plus, il a fallu augmenter les dépenses
d'une manière considérable, et cette augmentation des dépenses, il faut
nécessairement l'ajouter au déficit.
M.
Rogier. - Il
ne faut pas plus de dépenses ; l'augmentation du nombre des voyageurs ne fait
que compléter les convois.
M. Dumortier. - C’est cela : quand les voyageurs se seraient présentés,
vous les auriez placés dans un magasin, et vous leur auriez dit : Ou vous
transportera quand il y aura de la place. Si c'est ainsi qu'on entend compléter
les convois, je conviens qu'il n'y aurait pas d'augmentation de dépenses. Mais
malheureusement je crois que les voyageurs ne se contenteraient pas d'un
semblable système lorsque que l'on se présente au chemin de fer, c'est pour
être transporté immédiatement, et lorsqu'il y a augmentation de voyageurs, il
faut augmenter le nombre des voitures, il faut au besoin mettre des voitures,
une locomotive de plus ; or, cela augmente les dépenses, et l'augmentation des
dépenses doit être ajoutée au déficit que la présente recette.
Voilà
pour ce qui concerne le transport des voyageurs. Je passe au transport des
marchandises.
Quant
au transport des marchandises, il y a deux choses qu'il faut distinguer dans le
tarif : les bases et l'application de ces bases. Les bases, c'est la commission
qui les a posées, mais quant à l'application, elle est le fait du gouvernement.
Si dans cette application quelques erreurs ont été commises, il ne serait pas
loyal d’en accuser la commission.
M.
Rogier a encore dit ici que son tarif sur les marchandises avait
merveilleusement réussi, qu'il avait produit une augmentation de recettes de
800,000 francs ; mais ici encore il ne tient pas compte de l'augmentation de
dépenses qui est résultée de l'application de son tarif ; il perd de vue, par
exemple, qu’il a fallu créer une nuée d'employés, qu'en trois ou quatre jours
il a créé plus de 200 employés d'un seul trait de plume.
M.
Rogier. -
C'est inexact. Vous le savez bien, puisque vous étiez présent à la section
centrale lorsque la chose a été expliquée.
M. Dumortier. - Nous avons établi qu'avant de quitter le ministère vous
avez nommé une nuée d'employés, que vous avez fait un testament politique dont
le trésor a été la victime. D'ailleurs, si je voulais vous
attaquer, je pourrais dire bien d'autres choses ; je pourrais soulever
entièrement le voile dont un coin seulement a été soulevé, et si une discussion
semblable devait avoir lieu, vous n'en sortiriez pas blanc comme neige.
M.
Rogier. -
N'insinuez pas. Dites ouvertement tout ce que vous avez à dire.
M.
Devaux. -
Levez entièrement le voile.
M. Dumortier. - Si je devais le lever, vous auriez votre part aussi.
Je
pourrais prouver que l'on a placé au chemin de fer des parents, des amis, des
personnes qui n'avaient pas même la qualité de Belge et qui n'avaient aucun
titre pour obtenir les emplois très lucratifs qui leur ont été donnés. Ces
messieurs doivent comprendre maintenant ce que je veux dire.
M.
Devaux. - Je
ne comprends rien du tout.
M. Dumortier. - Ah ! vous ne comprenez pas ! Vous avez un beau-frère qui
a été placé.
M.
Devaux. - Je n'ai
pas de parent au 6e degré qui soit employé au chemin de fer.
M. Dumortier. - On m'a assuré la chose. Du reste, ce qui est certain,
c'est qu'il y a un beau-frère de M. Rogier, Français non naturalisé, qui a été
notaire en France et à qui l'on a donné une très belle place au chemin de fer.
Est-ce vrai, ou n'est-ce pas vrai ?
Je
reviens à la question et je dis que s'il y a eu une augmentation de 800,000
fr., il faut en déduire l'augmentation des dépenses et notamment l'énorme
fournée de plus de 200 employés.
M.
Rogier. -
C'est un mensonge.
M. Dumortier. - Je ne sais pas si nous sommes ici dans une halle ou dans
une assemblée représentative. Est-il permis de se servir ici de pareilles
expressions ?
M.
Devaux. – Il
ne vous est pas permis de venir dire ici des faussetés.
M. Dumortier. - Je n'en dis pas.
M.
Devaux. - Vous
en avez dit une relativement à mon prétendu beau-frère.
M. Dumortier. - Le fait m'a été cité par beaucoup de mes collègues comme
exact, mais enfin, s'il ne l'est pas, je rétracte ce que j'ai dit à cet égard.
Nous
sommes, messieurs, complètement désintéressé dans la question, nous n'avons ni
parents, ni amis dans le chemin de fer, et nous somme en droit d’attaquer les
abus qui ont été commis aux dépens du trésor public.
Je disais donc qu'il faut défalquer de
l'augmentation de recettes, invoquée par M. Rogier, toutes les dépenses
résultant de l'augmentation du nombre des employés, et ensuite celles qui sont
résultées de l'augmentation de la quantité des marchandises transportées. Il a
été transporté 4 ou 5 millions de marchandises de plus ; pour faire le
transport de ce surplus de marchandises il a fallu des forces de plus ; or,
pensez-vous que cette augmentation de force n'ait pas coûté beaucoup à l'Etat ?
Eh bien, messieurs, si vous tenez compte de ces diverses augmentations de
dépenses. si vous y ajoutez les dispositions si ruineuses relatives au
camionnage, vous verrez que le tarif de M. Rogier, relatif aux marchandises,
était tout aussi ruineux pour le trésor que celui qui concernait les voyageurs.
Je
dois ici répondre à une observation souvent reproduite par M. Rogier.
L'honorable ministre actuel des travaux publics n'a jamais dit, comme M. Rogier
lui en a fait le reproche, que la pluie qui a régné pendant une partie de la
période pendant laquelle le tarif du 10 avril a été appliqué, que la pluie avait
augmenté le nombre des voyageurs ; M. le ministre a dit seulement que le temps
pluvieux devait avoir pour résultat d'engager les voyageurs à passer des
waggons dans les chars-à-bancs et des chars-à-bancs dans les diligences, et
l'on sait que le contraire précisément est arrivé.
Ce
qui prouve d'ailleurs le défaut de fondement des arguments présentés à cet
égard par M. Rogier, c'est que pendant les 20 derniers jours de l'exécution de
son tarif, il a fait un temps magnifique et que c'est précisément pendant ces
20 derniers jours que l'on a perdu 47,000 fr. Plus le temps était beau, plus la
perte était grande, parce que quand le temps était beau, on passait des
diligences dans les chars-à-bancs et des chars-à-bancs dans les waggons.
Il
était de notre devoir à nous, qui avions reçu à cet égard un mandat du
gouvernement, il était de notre devoir de proposer les moyens de porter remède
à un état de choses qui épuisait le trésor public.
Maintenant
M. Rogier est venu vous dire encore : « Mais vous avez reconnu vous-mêmes que
vous aviez opéré sur des renseignements inexacts. » Eh ! messieurs, si
nous avons opéré sur des renseignements inexacts, ce n'est point notre fait,
mais c'est le fait de M. Rogier lui-même, puisque nous avons travaillé sur un
rapport signé de sa main ; si ce rapport n'était pas exact, cc n'est pas de
notre faute.
Pourquoi
est-on venu nous demander des crédits supplémentaires, c'est que si l'on aurait
dû rectifier les erreurs commises dans le rapport dont il s'agit, tout
l'échafaudage que l'on avait bâti sur ces erreurs aurait croulé ; aussi l'on a préféré reporter des dépenses
sur un exercice auquel ces dépenses n'appartenaient pas.
Si
maintenant nous nous sommes trompés, la faute n’en est pas à nous, la faute en
est à celui qui nous a donné un rapport erroné ; si ce rapport avait été exact,
nous ne nous serions pas trompés ; ce que nous avons dit était la conséquence
rigoureuse des faits cités dans le rapport dont il s'agit. Vous voyez donc,
messieurs, que les attaques qui ont été dirigées contre nous étaient
souverainement injustes.
Quant
au tarif actuel, je crois m'en être suffisamment expliqué ; Si on l'applique
tel que la commission l'a proposé, les prix seront de 50 p. c. au-dessous des
prix du roulage. Si des erreurs ont été commises dans les détails de
l'application, ce n'est point là le fait de la commission, c'est le fait de
l'administration. Du reste, j'ai appris que M. le ministre a
déjà rectifié quelques-unes de ces erreurs, et je le félicite de l'avoir fait.
M.
Donny. - S'il faut en croire,
messieurs, un de nos honorables collègues, à part quelques localités peu
nombreuses,
Ce
que je sais avec certitude, c'est que dans la localité que j'ai l'honneur de
représenter, et dans la localité que j'habite, il n'y a qu'une voix pour blâmer
la nouvelle mesure.
Avant
l'établissement du chemin de fer, il y avait pour
Le
nouveau tarif, messieurs, est venu
rompre toutes les relations ; et aujourd'hui le transit vers l’Allemagne est de
nouveau impossible, tout autant qu'il l’était avant l'établissement du chemin
de fer.
Et
pourquoi est-on venu jeter ainsi de la perturbation dans le commerce ? C est pour
obtenir un produit plus important du chef du transport des marchandises ; et
pour arriver à ce résultat, très désirable sans doute, on n'a pas trouvé
d'autre moyen que d'augmenter excessivement le tarif. Mais une augmentation de
tarif n'a pas nécessairement pour conséquence une augmentation dans les
recettes ; une majoration de tarif ne peut être une cause de majoration de
recettes qu'autant qu'il n'y ait pas moyen pour le commerce de déserter le
chemin de fer ; mais si le commerce peut se servir d'un autre mode de transport
et d'un mode plus économique, la mesure que vous avez prise aura pour résultat
de diminuer la recette, loin de l'augmenter.
Mais
dit-on, ne redoutez pas cette conséquence : M. le ministre des travaux publics
a reçu une députation d'une des principales villes du royaume, et cette
députation s'est exprimée de telle manière qu'il n'y a nullement à craindre le
rétablissement du roulage. D'un autre côté, un honorable préopinant vient
d'affirmer que les prix du tarif actuel sont de 50 p. c. moins élevés que les
prix du roulage. D'après cela on ne devrait avoir aucune inquiétude sur ce
point ; mais moi, je soutiens qu'il y a illusion et illusion complète chez M.
le ministre et chez ceux qui partagent sa manière de voir : le roulage se rétablira.
L'honorable M. Delfosse a dit qu'on s'en occupait déjà à Liége, d'autres
députés ont avancé le même fait pour d'autres localités ; pour mon compte, je
citerai Ostende, où l'on offre aux négociants de transporter les marchandises
d'Ostende à Liége, à raison d'un franc 70 centimes de moins par 100 kilog. que
le prix fixé par le tarif.
Je
vous demande, messieurs, s'il est impossible que le roulage se rétablisse, s'il
n'est pas plutôt certain qu'il se rétablira.
Messieurs,
l'on vous a dit que depuis l'établissement du nouveau tarif, les produits
étaient déjà augmentés, et l'on a tiré de ce fait un nouvel argument contre la
probabilité du l'établissement du roulage ; mais non, vous avez entendu
l'honorable M. Fleussu vous citer le fait contraire et vous dire que, quant aux
marchandises, loin qu'il y aurait augmentation de recette depuis
l'établissement du tarif, il y avait, au contraire, une diminution déjà
considérable. Cependant je suppose, un moment, qu'il y effet augmentation, il
n'y aurait à cela rien d'étonnant. Les mauvaises conséquences du tarif actuel,
en cc qui concerne le trésor public, ne se feront sentir que lorsque le roulage
se sera rétabli, et que le commerce aura déserté le chemin de fer. Or,
jusqu'ici il n'a pas trouvé cette facilité, il continue par conséquent encore à
se servir provisoirement de la voie ferrée. Si donc le nouveau tarif produisait
momentanément une augmentation de recette, on ne pourrait tirer de ce fait
aucun argument pour vous faire espérer que, sous l'empire du nouveau tarif, les
recettes iront en augmentant.
Je bornerai là mes observations, espérant que M. le ministre
fixera de nouveau son attention sur les effets nuisibles de la tarification
actuelle.
M.
Cogels. - Messieurs ; je ne
m'attendais pas à ce qu'on se fût occupe aujourd'hui de la question du tarif,
de sorte que je ne pourrai pas entrer dans les détails du tarif même. Je crois
d'ailleurs que cette discussion ne portera pas autant de fruits que les
observations qui seront nécessairement faites par les chambres de commerce et
par les autres intéressés, et que M. le ministre des travaux publics pourra
méditer dans son cabinet, car je suis convaincu de ses bonnes intentions, je
suis convaincu qu'il veut autant que qui que ce soit concilier les intérêts du
trésor avec ceux du commerce qui s'y rattachent si essentiellement, surtout en
ne les considérant pas sous le point de vue étroit sous lequel quelques membres
de cette chambre les ont envisagés.
Si
je prends la parole, messieurs, c'est pour rectifier un fait qui a été avancé
par M. le ministre au début de la discussion. D'après ce qu'a dit M. le
ministre, on pourrait croire que le commerce d'Anvers a donné son approbation
au nouveau tarif. M. le ministre vous a parlé d'une députation qu'il a reçue
dans la salle des conférences. Mais, messieurs, cette députation n'était pas
une députation du commerce d'Anvers ; c'était simplement une députation de
l'administration de l'entrepôt et du conseil communal, qui n'avait d'autre
mandat que de réclamer de M. le ministre l’achèvement de la station intérieure
pour les marchandises ; de la station qui doit faciliter l'arrivée des
marchandises à l'entrepôt et leur chargement. Vous concevez que cette
députation n'a pu sortir des limites du mandat qui lui avait été confié ; mais
M. le ministre doit déjà avoir reçu ou ne tardera pas à recevoir une
réclamation de la part de la chambre de commerce d'Anvers, qui, bien loin
d'approuver le tarif, a fait contre ces nouvelles dispositions des observations
critiques avec tout le calme et toute la modération que la nature de ces
questions exige. Car si nous devons bannir la passion de nos débats, c'est
surtout lorsqu'il s'agit de chiffres. Quant à moi, messieurs, quand je parle de
chiffres, je me fais un devoir d'être aussi calme que possible ; d'être sec
comme un chiffre (on rit) ; il faut
de l'exactitude avant tout, et la passion ne sert qu'à faire commettre des
erreurs dans les calculs.
Au
reste, lorsque j'ai dit que j'étais persuadé des bonnes intentions de M. le
ministre, je m'appuyais encore sur des faits. Depuis l’introduction du nouveau
tarif, le ministre a déjà consultés les chambres de commerce ; il doit entre
autres avoir adressé une lettre à la chambre de commerce d’Anvers pour savoir
quelle modification il y aurait lieu d’introduire, relativement aux
marchandises en transit, aux produits indigènes destinés à l’exportation et
enfin aux matières premières.
La
chambre de commerce d’Anvers s’occupe de cet objet et donnera à M. le ministre
les éclaircissements nécessaires.
Puisque
j’ai la parole, je m’occuperai un moment de la question d’une manière générale,
et toujours sans entrer dans les détails.
C'est
une erreur de croire que la loi de
D'ailleurs,
quelle a été la première pensée qui a présidé à la construction du chemin de
fer ? A-t-on voulu sillonner tout le pays de chemins de fer ? Nullement. La
première pensée a été de relier l'Escaut au Rhin ; de remplacer par un chemin
de fer les voies de communication dont le traité du 10 novembre allait nous
priver définitivement, et que nous avions déjà perdus par l'interruption de nos
relations avec
Maintenant,
si vous voulez apprécier exactement le chemin de fer, vous devez établir une
division, vous devez juger les produits de chacune des sections, vous ne devez
pas établir entre les différentes sections la solidarité à laquelle on veut les
assujettir. Commencez donc par décréter que la section de Landen à St.-Trond rapportera 5 p. c. Je vous le demande, messieurs,
la chose est-elle possible ? Tout le monde sait que c'est là une section qui ne
couvrira jamais ses frais.
Messieurs,
c'est voir les choses sous un point de vue trop étroit ; ici je dirai avec
l'honorable M. Dumortier que la représentation nationale doit envisager les
choses d'un peu plus haut. Croyez-vous que tous les produits du chemin de fer
soient tous consignés sur le registre de l'administration ? Non, messieurs,
l'activité que le chemin de fer donne au commerce, le grand nombre d'étrangers
qu'il amène, les dépenses qu'ils font dans le pays, l'accroissement de valeur
qui en résulte pour la propriété, le mouvement que tout cela imprime aux
transactions, voilà les véritables ressources du trésor belge, voilà ce qui
vient accroître les recettes du budget. Voilà sous quel point de vue il faut
envisager la question du chemin de fer, sinon, vous
manquerez complètement le but que vous avez voulu atteindre, en décrétant cette
grande entreprise.
M. Demonceau. - Messieurs, je réclame la bienveillante attention de la
chambre. D'abord, je ne m'attendais pas à cette discussion, et ensuite je me
trouve indisposé ; j'ai cru devoir cependant prendre la parole, pour donner
quelques explications.
Messieurs,
j'ai fait partie de la commission qui a présenté différents rapports à M. le
ministre des travaux publics. J'ai souvent été membre d'autres commissions
chargées de l'examen de questions relatives au chemin de fer, et j'espère que
ceux-là même qui attaquent aujourd'hui la commission si activement et si
injustement, j'ose le dire, me rendront au moins cette justice, que dans tous
les temps et dans toutes les circonstances, l'on a rencontré en moi un
défenseur du chemin de fer, un défenseur trop zélé, peut-être, de
l'administration. Ainsi, l'on ne peut pas m'attaquer quand on dit que je veux
la ruine du chemin de fer.
Messieurs,
si j'ai bien compris l'honorable M. Rogier, il croit que son tarif du 19
juillet 1840 (car c'est le sien) serait avantageux au commerce et au trésor
public, s'il était rétabli. Eh bien, comparez de bonne foi le tarif de
l'honorable M. Rogier avec le nouveau tarif (tarif n° 7) ; je dis de bonne foi,
car en dehors de cette enceinte, la comparaison n'a pas été faite de bonne foi
; eh bien, en comparant l'ancien tarif avec celui qui a été rédigé d'après les
bases indiquées par la commission, vous trouverez que les résultats, à part un
changement dans la classification des marchandises, sont en faveur du commerce.
Comment se fait-il donc que ceux-là qui défendent avec tant de vivacité le
tarif du l9 juillet 1840, attaquent avec virulence le nouveau tarif du ministre
des travaux publics ? Qu'on se plaigne de ce tarif en ce que certaines
marchandises sont changées de classe, je le conçois, mais dans ses bases essentielles, je vous
avoue, messieurs, que je n'y comprends rien, quant à présent du moins.
Ne
confondez donc pas les tarifs les uns avec les autres. Voyez le tarif
n°7, annexé à l'arrêté du 22 mars 1842, comptez les diverses espèces de
marchandises de la 1ère catégorie de marchandises, et vous trouverez partout
qu'il y a réduction. Habitué à faire des calculs, vous avez bien voulu,
messieurs, le reconnaître souvent, je ne vous présenterai pas des exagérations.
M.
Rogier. - Quel
tarif prenez-vous ?
M. Demonceau. - Le tarif no 7 ; de station à station.
M.
Rogier. - Il y
a deux tarifs no 7. lequel prenez-vous ?
M. Demonceau. - Je prends celui annexé à 1'arrêté royal.
Pour
les marchandises de la première catégorie, on paie, d'Ans à Waremme, 2 fr. par
tonneau de mille kilogrammes, et pour les marchandises de la deuxième
catégorie, 3 fr. Par le tarif du 19 juillet 1840, pour les marchandises de la
première catégorie, on payait 2 fr. 50 c., et pour celles de la seconde, 5 fr.,
aussi de station à station.
Ainsi,
vous le voyez, quand on expédie vers Liége des centaines de kilogrammes de
poisson qu'on a changé de catégorie, je le reconnais, on expédie des milliers
de kilogrammes de houille vers l'intérieur du pays. Eh bien, pour la houille,
il y a une réduction qui s'élève à plus de 15 p. c. sur le tarif du 19 juillet.
Je
me renfermerai dans l'examen de ce tarif de station à station, qui concerne les
marchandises destinées à faire la prospérité du chemin de fer, le transport des
grasses marchandises.
M.
Rogier vante son tarif du 19 juillet ; si le commerce ne le trouve pas onéreux
je suis content qu'on le rétablisse. L'honorable membre trouve que le ministre
actuel a commis l'absurdité des absurdités en exigeant un chargement de 500
kilog. au moins. Mais le tarif du 19 juillet exigeait la même chose.
L'absurdité retombe donc sur M. Rogier lui-même. Quand on attaque son successeur,
on devrait savoir ce qu'on a fait.
M.
Rogier. - Je
le sais très bien. J'avais d'abord réduit le chargement à 500 kilog., mais
ensuite je l'ai réduit à 100 kilog, pour rendre le chemin de fer accessible à
toutes les marchandises ; et la commission a proposé de revenir au chiffre de
500 kilog.
M. Demonceau. - La commission n'a pas proposé cela. Voyez son rapport
page 51.
Je
trouve dans l'arrêté du 19 juillet une indication que je signale à la chambre
et au pays : La voici : la taxe sera perçue comme sur 500 kilog. ! Arrêté
royal du 19 juillet 1840, contresigné Rogier.
Vous
avez donc aussi fixé le chargement à 500 kilog. au moins.
M.
Rogier. - Mais au mois d'avril, je l'ai
réduit à 100 kilog.
M. Demonceau. - Le tarif du 19 juillet
Je
m'aperçois que ces interruptions me font sortir de cette modération que je
devrais apporter dans une question aussi importante. Je vais tâcher d'être un
peu plus calme.
Voici
où il peut y avoir eu quelques erreurs de la part du gouvernement entre les
propositions théoriques de la commission et leur mise en pratique dans la
confection du tarif. C'est ainsi qu'on s'est trompé dans la classification des
grosses marchandises qui se transportent d'Anvers à Ans et d’Ans à Anvers. Si
vous voulez bien me le permettre, je vous exposerai les classifications
théoriques de la commission, et vous verrez comment on aurait dû exécuter ses
propositions, appliquer les principes qu'elle a posés. Voici comment elle a
procédé, et pour vous convaincre de la vérité de ce que j'avance, voyez encore
page 51 du rapport. Elle a d'abord établi la 1ère catégorie, ensuite elle
a établi la 3e en ayant soin de désigner ce qu'elle entendait
comprendre dans la 1ère et la 3e catégorie ; et pour former la seconde, qui
devait comprendre les marchandises les plus ordinaires, elle a dit que toutes
les marchandises ne faisant partie ni de la première ni de la troisième
catégorie, formeraient la seconde. Vous voyez que la chose était très bien
expliquée en théorie. En pratique on a voulu s'expliquer plus clairement. Il en
est résulté que certaines marchandises ont été changées de classe. Mais, je le
répète, de station à station, les bases proposées par la commission sont, dans
leur ensemble, aussi favorable au commerce que celles de l'arrêté du 19 juillet
1840. Je dirai plus, que pour la première catégorie les bases proposées par la
commission et admises par l'administration sont plus favorables que celles du
tarif du 19 juillet.
Messieurs,
je vais maintenant m'occuper d'un tarif dont la commission n'a pas eu à
s'occuper. L'honorable M. Rogier a reconnu qu'il serait juste d'exiger des
personnes qui demanderaient que les marchandises leur fussent remises à
domicile, que le gouvernement fût par elles indemnisé de ce qu'il paye au
camionneur. Je crois que l'honorable membre vient de faire cette
reconnaissance. La commission, sous ce rapport, a fait les mêmes observations ;
car elle a eu soin de dire que si le gouvernement entendait maintenir le
camionnage, il devait s'y prendre de manière à n'y pas perdre. Entend-on que le
gouvernement doive perdre ? c'est là toute la question.
La
commission avait émis en principe qu'il fallait supprimer le camionnage. ; mais
le gouvernement a cru qu'il était lié par les engagements pris par M. Rogier.
Le gouvernement pouvait facilement éviter le tarif n° 8, il n'avait qu'à dire à
la suite du tarif : Ceux qui voudront recevoir les marchandises à domicile
devront payer les frais de camionnage.
Ceux
qui défendent le tarif du 19 juillet doivent trouver que ce n'est pas trop
exigeant que de demander la restitution de ce que le gouvernement paye au camionneur ? Le gouvernement
s'est-il trompé dans les calculs qu'il a faits pour établir le coût du
camionnage ? Je n'ai pas eu le temps de vérifier les calculs, je ne
m'attendais pas à la discussion qui a lieu en ce moment.
Toutes
les réclamations viennent de ce qu'on a pris pour base les tarifs avec le
camionnage annexé. La ville de Liége, je le conçois sera dans une position
fâcheuse aussi longtemps que les marchandises n'arriveront pas par le chemin de
fer jusqu'à Liége.
Le
ministre des travaux publics en fonctions à l'époque où le tarif du 10 avril
fut publié. a cru que le transport d'Ans à Liége pourrait se faire vers le mois
de septembre. Il avait fait avec un entrepreneur une convention excessivement
onéreuse au trésor. L’Etat recevait beaucoup moins qu'il ne payait pour
transporter de la station d'Ans et les marchandises en destination pour Liége
et celles de Liége en destination pour l'intérieur.
Les
négociants en position de profiler de ce camionnage ont dû trouver le chiffre
du tarif tellement élevé que je comprends leurs réclamations. Mais quand le
chemin de fer arrivera dans l'intérieur de la ville de Liége, le transport de
la ville et des environs à la station ne sera plus aussi coûteux
qu'aujourd'hui, que le transport doit se faire d'Ans ou pour Ans. Ces réclamations
je les considère, eu égard aux circonstances, comme fondées. Ce n'est pas le
tarif qui en est cause, mais la position exceptionnelle où la ville de Liége se
trouve encore placée pour jouir des avantages du chemin de fer.
Maintenant
il y a pour la province de Liége certains produits changés de classe ; je pense
que le gouvernement fera bien d'avoir égard aux réclamations venues de Liége.
Sous ce rapport je pense que, s'il est possible de placer les clous dans une
catégorie moins désavantageuse que celle où ils se trouvent aujourd'hui, ce
sera faire chose très utile pour le commerce de Liége. Le gouvernement n'y
perdrait pas, parce que le commerce de Liége opérerait sans cela ses transports
par une autre voie que par le chemin de fer. Mais d'un autre côté il serait
peut-être plus avantageux d'accorder à certaines localités et surtout à celles
qui sont en position de faire prospérer le chemin de fer, une réduction pour le
transit et l'exportation.
Ce
sont là des questions qu'il convient d'examiner et pour lesquelles, pour mon
compte, je veux bien prêter mon concours au gouvernement et à tous ceux qui
voudront me consulter ou me donner des renseignements à cet égard.
Quant
au tarif qui a excité les réclamations qui sont d'après moi les plus fondées,
c'est le tarif des petites marchandises, c'est-à-dire des marchandises dites de
diligence. Voici quel est le système de la commission sur ce point. Je prie mes
honorables collègues qui ont attaqué son travail de voir s'il ne serait pas
possible de le mettre à exécution ; peut-être satisferait-on à certaines
exigences. La commission a dit au gouvernement (je prie ceux qui attachent de
l'importance à ces objets de transport de faire attention à ce passage de son
rapport), page 31 :
« Ce
tarif (tarif du transport des marchandises par convoi des voyageurs) sera
le même que celui des bagages annexé à l'arrêté du 17 août dernier et bien
entendu sans la déduction de 25 kil., accordée aux voyageurs, l'unité de poids
sera également de 10 kil. et les prix seront réglés en conséquence de 10
en 10 kil. ; néanmoins aucune taxe ne pourra être inferieure à 50 centimes. »
Voici
la théorie de la commission. Les objets qui pèsent le moins payent comme 10
kilog. Au-dessus de ce poids, on compte comme 20, comme 30, comme 40, 50 kilog.
et ainsi jusqu'à 100. Ainsi le prix est gradué d'une manière toute rationnelle.
Je ne sais si l'administration a suivi complètement cette théorie ; je n'ai pas
eu le temps de vérifier le tableau ; mais d'après les renseignements qui m'ont
été donnés, je dois croire qu'on s'en est écarté, je dois croire qu'on a
appliqué au tarif de M. Rogier, qui avait une autre classification, les
chiffres du tarif du 17 août. Je vois que l'on a fait payer 26 kilog. comme 50
kilog. ; tandis qu'ils n'auraient dû payer que comme 30 kilog. Si 51 kilog
pèsent comme 100 kilog, le prix sera évidemment trop élevé. En effet 51 kilog.
paieront 5 fr., tandis que 50 ne paieront que 2 fr. 50 c. S'il en est
réellement ainsi, je serai le premier à demander à M. le ministre des travaux
publics qu'on change le tarif : il ne faut pas se croire infaillible. Si l'on
me prouve que je me trompe (et ne croyez pas que je tienne quand même à un
système), à l'instant je changerai d'avis ; mais quand je vous prouve que les
bases de la commission sont pour le transport de station à station préférables
à celles du tarif du 14 juillet 1819, je ne conçois pas l'opposition que ces
bases rencontrent.
Qu'on
ne croie pas que je vois dans ces questions des questions de personnes, je
siège depuis quelques années dans cette enceinte. On m'a vu tantôt combattre,
tantôt appuyer le pouvoir ; on ne peut donc dire que je sois inféodé à telle ou
telle personne. Alors que je combattais l'administration de l'honorable M.
Rogier sous le point de vue politique, est-ce que je n'ai pas défendu son
administration du chemin de fer ?
Messieurs, je me sens fatigué, je demanderai à la chambre de
m'arrêter et peut-être aurai je encore à m'expliquer ultérieurement,
j'attendrai qu'on me réponde.
M.
Lys. - Je n'ai
demandé la parole, messieurs, qu'au moment où l'honorable M, Dumortier a avancé
que les plaintes ne partaient que d'une seule localité. Vous avez déjà la
preuve que la plupart des localités réclament, et notamment Bruxelles, Gand,
Anvers, Courtray, Ostende et Liége ; je dois ajouter la localité qui m'a fait
siéger en cette enceinte. Il résulte des explications données que l'on ne cite
pas même une seule ville qui approuve le nouveau tarif. Il est tellement élevé
que le roulage serait déjà rétabli si l'on ne craignait des modérations
prochaines à ce tarif. Le rétablissement du roulage ne serait alors que
momentané, et il tomberait de nouveau lorsque le tarif serait changé. Ce serait
là une nouvelle ruine pour le roulage, ce serait un piège qu'on lui aurait tendu
par ce nouveau tarif, et tel ne peut pas être le but du gouvernement. Il doit
chercher à protéger et non à nuire à aucune industrie quelconque. .
Je
dirai, messieurs, qu'une maison de commission à Verviers ne demande pour
rétablir son roulage que la parole du fabricant, qu'il se servira de son
intermédiaire aussi longtemps que le tarif actuel existerait ; et si elle peut
obtenir un pareil engagement, il se rétablit sur-le-champ.
Vous
voyez que ce n'est plus la concurrence du chemin de fer que le roulage craint
aujourd'hui, c'est la concurrence entre les commissionnaires de roulage ; vous
voyez par là, messieurs, que l’honorable M. Dumortier s'est trompé
singulièrement sur le prix des transports par le roulage.
Je
voulais aussi, messieurs, parler des produits du chemin de fer, et même des
ressources qu'il donne d'une manière indirecte ; mais l'honorable M. Cogels m'a
devancé à cet égard, et je n'ai rien à ajouter à ce qu'il a dit, sinon que M.
le ministre ne devait pas attendre la publication de son tarif pour consulter les chambres de commerce, mais cette consultation
devait précéder cette publication.
M.
Delehaye. -
Lorsque j'ai fait ma motion d'ordre, je n'ai attaqué personne, je n'ai pas
attaqué notamment les membres de la commission des tarifs. Il est déplorable
que lorsqu'un membre interpelle un ministre, des membres d'une commission
veuillent assumer la responsabilité de l'acte dont il s'agit. Dans un
gouvernement comme le nôtre, où il n'y pas de conseil d'Etat, il serait facile
à un ministre d'échapper à la responsabilité en nommant des commissions. Je ne
pense pas qu'un membre d'une commission ait le droit de parler ici autrement
que comme membre de la chambre.
M. Demonceau. - On a attaqué le travail de la commission.
M.
Delehaye. - Je
n'ai attaqué personne. J'ai dit que je croyais pouvoir espérer du patriotisme
de M. le ministre des travaux publics une réponse satisfaisante à la demande
que je lui avais adressée. Une chose étrange, c'est que des arrêtés royaux
aient été modifiés par des actes ne portant aucune signature. Mais à qui
appartient-il surtout de faire respecter la signature royale ? N'est-ce pas au
ministère lui-même ? Loin de là, le gouvernement a modifié un arrêté royal par
un acte sans date et sans signature. C'est un fait grave : Le ministère ne
devait pas donner un tel exemple.
Quoi
qu'on en ait dit, je persiste à croire qu'on devra revenir sur une mesure qui à
soulevé des réclamations si vives et si générales. Car ce n'est pas comme on le
prétend, une seule localité qui a réclamé.
On
a dit qu'à Courtray, le transport des marchandises avait augmenté ; cependant
il est positif que la chambre de Courtray a protesté contre l'adoption du
nouveau tarif. A Gand, depuis la promulgation de ce déplorable tarif, le
transport des marchandises a diminué des deux tiers.
Les
intentions de la commission et du gouvernement peuvent avoir été bonnes, je
suis loin de croire qu'ils aient voulu vexer le commerce ; ils ont voulu faire
produire au chemin de fer des recettes plus fortes, mais il est évident qu'on
est arrivé à un résultat tout contraire.
L'honorable
M. Dumortier a parlé du roulage qui, dit-il, coûterait beaucoup plus que le
chemin de fer. Je suis obligé de contredire cette assertion. D’Anvers à Liége,
on payait deux francs pour le transport de 100 kil. ; par le chemin de fer, on
paie 3 fr. Vous voyez que, sous ce rapport, le chemin de fer ne peut répondre à
vos exigences.
De Courtray
à Liège, on ne payait, d'après l'ancien tarif, que 3 fr. 30 cent., on paie
maintenant 9 fr. 75 cent. Je sais qu'il y a des marchandises sur lesquelles il
n'y a qu'une majoration de 25 cent. ; mais on ne fait pas attention que le
tarif a changé la nature des marchandises. C'est ainsi, je le répète, que les
objets qui payaient 3 fr. 30, c. paient maintenant 9 fr. 75 c. Si l'on veut que
le commerce revienne au chemin de fer, il est nécessaire que le chemin de fer
présente des prix inférieurs à ceux du roulage. C'est seulement ainsi que vous
parviendrez à combler le déficit que nous avons signalé.
M. le président.- La parole est à M. Rogier.
M.
Rogier. - Je
cède la parole à M. Devaux.
M. Dubus (aîné). - Je demande l'ordre du jour.
Messieurs,
la discussion a été amenée sur un terrain où la plupart des membres sont pris
au dépourvu. Je conçois qu'on puisse s'être concertés pour une attaque contre
un acte du gouvernement.
M.
Delehaye. - Je
demande la parole pour un fait personnel.
M. Dubus (aîné). - Mais enfin il est certain que la plupart des
membres ne s'attendaient pas à la discussion dont il s'agit, discussion qui
porte sur des chiffres que nous n'avons pas présents à la mémoire.
On
a fait une motion d'ordre pour obtenir une déclaration de M. le ministre des
travaux publics ; il l'a donnée à l'instant ; il me semble que la discussion
aurait dû se borner là. Au contraire, on discute un tarif sans qu'il doive en
résulter aucune conclusion. De manière que c'est une discussion tout à fait en l'air et qui n'aura aucun résultat.
Il
me semble qu'il est temps d'aborder la discussion des objets à l'ordre du jour.
Si quelqu'un a à faire une proposition sur les tarifs, qu'il la dépose sur le
bureau, conformément au règlement, et on l'examinera ; mais
à présent je soutiens que vous n'avez rien à discuter ni à voter. Je demande
qu'on s'occupe des projets à l'ordre du jour.
M.
Delehaye. -
Messieurs, je ne me suis concerté avec personne. J'ai fait ma motion, parce que
j'ai cru de mon devoir de le faire, et surtout pour répondre aux demandes qui
m'avaient été faites par plusieurs négociants de Gand.
Messieurs,
à l'égard d'une motion d'ordre, je sais qu'en général on n'y est pas préparé.
On y est d'autant moins préparé qu'une motion d'ordre est toujours étrangère à
l'objet à l'ordre du jour.
Si
ma motion a donné lieu à une aussi longue discussion, c'est, je crois, parce
que la réponse de M. le ministre n'a pas été tout à fait satisfaisante. Il y a
répondu évasivement.
Si
M. le ministre, tenant compte des réclamations universelles du commerce, qui se
sont déjà produites au sénat, avait modifié immédiatement son tarif, je
n'aurais pas fait ma motion. Mais M. le ministre n'a tenu aucun compte de ces
réclamations. Et qu'a-t-il répondu à ma demande ? Il n'a pas dit que le tarif
serait modifié, il a dit : nous attendrons. Or, c'est pour mettre un terme à
cette attente si nuisible au commerce, que d'autres membres ont cru devoir pousser les explications plus loin, et c'est ce qui a
donné lieu à une discussion qui dans tous les cas ne sera pas inutile au
commerce.
M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Je regrette que
l'honorable préopinant n'ait pas trouvé dans mes paroles de quoi le satisfaire.
J'ai répondu à l'honorable membre que, quant aux bases du tarif, elles devaient
rester fixes pendant quelque temps au moins, et être soumises à l'expérience ;
mais j'ai dit aussi qu'en fait de tarifs, dans les détails, rien ne peut être
regardé comme absolu, comme devant être permanent.
C'est
ainsi que mon honorable prédécesseur l'a compris lui-même, lorsqu'il a soumis
au Roi l'arrêté du 21 septembre 1840, qui autorise le ministre des travaux
publics à apporter des modifications provisoires aux tarifs établis par arrêté
royal. C'est ainsi que, comme on l'a fort bien dit, j'ai moi-même déjà, sans
rien changer au système, sans rien changer aux bases, modifié par des arrêtés
spéciaux, quelques points de détail.
Messieurs,
je le dirai ici franchement, parce qu'il faut savoir reconnaître des erreurs,
lorsqu'on en a commis, et je n'hésite pas, moi, à reconnaître ces erreurs.
Voici ce qui s'est passé à cet égard.
Après
avoir examiné attentivement le rapport de la commission, je me suis décidé à
adopter les bases du tarif qu'elle proposait à titre d'essai, afin de répondre
ainsi à l'engagement que j'avais pris vis-à-vis des chambres qui s'en étaient
exprimées d'une manière solennelle dans le vote de l'adresse en réponse au
discours du trône de cette session. J'ai voulu chercher par là à augmenter les
revenus du chemin de fer. En diminuant en même temps les dépenses qui, avec le
tarif du 10 avril et le camionnage onéreux existant, étaient plus fortes que
les recettes.
J'ai
donc fait connaître à l'administration du chemin de fer que mon intention était
d'adopter les bases proposées par la commission. Elle a été chargée de faire
les calculs d'application et de proposer les dispositions réglementaires
d'exécution.
Maintenant,
depuis que les tarifs sont promulgués, l'administration m'a fait connaître qu'à
raison de la précipitation qu'elle a dû mettre dans l'achèvement de son travail
pour qu'il pût être soumis au Roi avant son départ pour Paris, quelques erreurs
s'étaient glissées par omissions et autrement. J'ai immédiatement pris des
résolutions en vertu de l'arrêté du 20 septembre 1840, et en vertu de l'art. 54
de l'arrêté du 22 mars pour rectifier les erreurs qui m'ont été signalées.
Voilà
ce qui a eu lieu. Et quant à la déclaration que demande l'honorable M.
Delehaye, je répète de nouveau que bien certainement toutes les modifications
de détail qui me seront indiquées soit par le commerce, soit
par des membres de cette chambre, et que je reconnaîtrai fondée, je
m'empresserai de les faire.
M.
Delfosse. - Je
viens m'opposer à la proposition de l'honorable M. Dubus. L'honorable membre
fonde sa proposition sur ce que personne n'est préparé à la discussion. Mais il
est de la nature de toute motion d'ordre d'être improvisée ; on n'est presque
jamais préparé à discuter une motion d'ordre.
Mais,
je dois le dire, on devait, cette fois, être préparé ; les plaintes du commerce
étaient tellement fortes, tellement générales, qu'on devait s'attendre à ce
qu'elles trouvassent, dès la première séance, de l'écho dans cette enceinte ;
elles en ont bien trouvé au sénat.
L'honorable
membre nous dit de soumettre une proposition à la chambre ; je le prie de
remarquer que la discussion actuelle, bien que ne devant aboutir à aucun vote,
peut avoir un résultat utile, si le ministre des travaux publics fait son
profit des observations qui ont été et qui pourront encore être présentées contre
les nouveaux tarifs. Certainement, si le ministre restait sourd aux plaintes
qui se font entendre dans l'intérêt non pas d'une opinion, mais de toutes les
opinions, non pas d'une localité, mais de toutes les localités, il y aurait
lieu de saisir la chambre d'une proposition directe. Mais c’est là un moyen
extrême auquel nous n’aurons recours que lorsqu’il nous sera démontré que M. le
ministre ne veut pas faire droit à nos réclamations.
J’ai
demandé la parole ; je désire être entendu. Je ne serai
pas long ; je ne veux pas rentrer dans le fond de la question, je désire
seulement rectifier deux faits qui ont été avancés dans la discussion.
M. Verhaegen. - J’ai demandé la parole pour m’opposer à ce que l’on passe
à l’ordre du jour. Ainsi qu’on vient de le dire, il est de la nature d’une
motion d’ordre d’éclairer le gouvernement, et ultérieurement de rendre le
gouvernement responsable s’il ne fait pas droit à la motion.
Notre
motion a déjà eu ce résultat que M. le ministre vient de reconnaître qu’il a
commis une erreur ; voilà déjà un pas de fait. Il a reconnu aussi que celui qui
avait mis en vigueur l’arrêté du 1er avril a dû faire des changements de son
autorité privée, ce qui veut dire, soit dit en passant, que l’autorité ministérielle
est au-dessus de l’autorité royale.
Je
dis que je m’oppose à l’ordre du jour, parce que je crois qu’il est utile que
toutes les plaintes se produisent dans cette enceinte. On a parlé aussi des
plaintes du commerce de Bruxelles ; eh bien ! j’ai voulu avoir plus
d’éclaircissements, je suis sorti de cette enceinte, j’ai été dans une des
principales maisons de commerce de Bruxelles, et j’y ai vu dix lettres arrivées
de différents points de
M.
Devaux. – Je
crois que l’on avait laissé continuer la discussion, elle serait près de finir.
Je demande à continuer mon tour de parole. Si on avait voulu faire la motion de
passer à l’ordre du jour, il aurait fallu la faire plus tôt. Il est des membres
qui ont parlé deux fois, l’honorable M. Dumortier est de ce nombre. J’ai
attendu patiemment mon tour de parole pour répondre. Il me serait pénible de
devoir prendre la parole pour un fait personnel comme l'a fait tout à l'heure
l'honorable M. Dumortier. Je demande donc à être entendu ; je ne serai pas
long. La chambre doit y consentir, d'autant plus que M. le ministre vient de
déclarer qu'il désire qu'on lui fasse connaître les erreurs qui se sont
glissées dans le tarif. Eh bien ! je crois qu'en très
peu de mots, je pourrai lui faire voir beaucoup d'erreurs. Je demande que la
discussion continue.
M. Demonceau. - Je n'ai aucunement l'intention d'appuyer la motion
d'ordre. Cependant, je crois qu'il serait préférable, si quelques-uns de mes
honorables collègues avaient des renseignements à donner, qu'ils les
communiquassent officieusement à M. le ministre. Ce serait le meilleur moyen de
servir le commerce.
Quant
à moi, si cette discussion pouvait avoir un résultat, je ne demanderais pas
mieux qu’elle continue. Je ne recule devant aucune espèce de discussion, surtout
si elle porte sur les bases du nouveau tarif, c'est-à-dire de celui n°7, de
stations à stations. C'est en effet le plus important pour
le commerce en général.
M. Dubus (aîné). - La proposition que j'ai faite est même un rappel
au règlement. Je prie la chambre de voir la voie dans laquelle elle s'engage.
Il s'agit d'examiner s'il sera toujours loisible à des membres de l'assemblée,
au moyen d'une interpellation à adresser à un ministre, de faire porter la
discussion sur tel point, sur tel acte du gouvernement qu'il voudra, et de
changer l'ordre du jour arrêté d'avance, de manière que les membres de cette
chambre, qui se sont préparés à la discussion d'un projet à l'ordre du jour,
arrivent à la séance pour la voir consacrer à une discussion qui n'est pas à
1'ordre du jour.
Je
comprends que, par motion d'ordre, on adresse une interpellation à un ministre.
Mais il me semble que, quand le ministre a répondu, il est contraire au
règlement de faire porter la discussion sur cette réponse, sur l'acte du
gouvernement à propos duquel la motion a été faite. Quant à moi, je ne
comprends pas ainsi l'ordre des délibérations de la chambre.
Si on entre dans un pareil système, je ne sais où nous arriverons.
M.
Orts. -
Messieurs, M. le ministre des travaux public croit avoir répondu à tout.
Cependant il est un point très essentiel sur lequel il n'a rien dit du tout. On
prétend que le commerce est dans la plus complète ignorance des modifications
que M. le ministre des travaux public a jugé à propos de faire aux tarifs
établis par les arrêtés royaux. Je demanderai qu'il soit donné le plus tôt
possible communication au public de ces modifications, car il importe que le commerce sache exactement à quel point il en est relativement
à ces tarifs, il ne faut pas que l'on tende ainsi une espèce de piège au
public.
M.
Fleussu. - Je
ne sais pas, messieurs, si la motion d'ordre nous a entraînés loin du
règlement, mais il me semble que la proposition qui vient d'être faite, de
clore cette discussion, il me semble que cette proposition vient un peu tard.
Il est évident que si vous fermez maintenant la discussion, elle n'aura porté
aucun fruit. Plusieurs honorables membres ont encore des renseignements à donner
; est-il juste de clore la discussion alors qu'on n'a entendu que deux membres
de la commission qui ont en quelque sorte défendu leur propre ouvrage, alors que M. le ministre lui-même déclare qu'il
profitera de tous les renseignements qui lui seront fournis.
M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Messieurs, je demanderai
moi-même actuellement que la discussion continue afin que je puisse donner les explications qui m'ont été demandées.
M. Dubus (aîné). - Alors je retire ma proposition.
M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - L'honorable M. Orts a dit
que ma déclaration était incomplète, en ce sens que je n’ai pas dit si le public
était instruit des rectifications qui ont été faites au tarif en vertu de
l'arrêté royal du 20 septembre 1840. Je vous ai dit, tout à l’heure, messieurs,
que quelques erreurs avalent été commises par l'administration ; des erreurs
ont été commises à cause de la précipitation avec laquelle il a fallu faire le
travail pour que les arrêtés pussent être signés par Sa Majesté avant son
départ pour Paris. J’ai ajouté qu'aussitôt que l'administration s'est aperçue
de ces erreurs, elle m'en a informé, que je les ai aussitôt rectifiées par
dispositions spéciales et que des bulletins distribués aux négociants les leur
ont fait connaître. J’ai en outre ordonné immédiatement un travail général de
révision des calculs, afin de constater les erreurs qu’il pourrait encore y
avoir et qui n'auraient pas été découvertes jusqu'ici, ce travail, je l'ai reçu
aujourd'hui, on le revoit une dernière fois dans les bureaux de mon
département, et dès demain ou après-demain, j'enverrai au Moniteur un arrêté
général récapitulant les divers arrêtés partiels que j'ai pris ; il y aura
ensuite aussi à compléter le tarif sous le rapport du transit et des
exportations en général, ainsi que sous celui de
l'importation de certaines matières premières, mais seulement après que les
chambres de commerce m'auront transmis leurs avis et considérations.
(Moniteur belge n°105, du 13 avril 1842)
M. Devaux. - Mon intention n'est pas,
messieurs, de rentrer dans une discussion personnelle, puisque M. Dumortier a
retiré ce qu'il avait dit relativement à moi. Qu'il me permette cependant de
lui faire remarquer qu'il serait bien malheureux pour mes beaux-frères, mes
parents ou mes alliés, qu'à cause de moi ils dussent être exclus de tous les
emplois publics en Belgique. J'ajouterai que je me croyais d'ailleurs en droit
d'être à l'abri d'insinuations de ce genre. J'ai été pendant 10 ans, dans cette
chambre, le soutien du pouvoir, j'ai été l'ami de beaucoup de ministres, on
sait ce que j'en ai retiré d'avantages pour moi-même ; quant à mes parents et
amis, autant que ma mémoire me sert, je ne crois pas que depuis 1830 deux de
mes parents me doivent une place, ni que deux de mes amis soient entrés dans
une partie quelconque de l'administration par mon influence. Je pense, après
cette déclaration, que je n'aurai plus en aucun temps à m'occuper de semblables
reproches.
Je
rentre dans la question, messieurs, et je tâcherai de ne pas être long.
J'aurais désiré moi-même que cette discussion n'eût pas commencé aujourd'hui ;
nous devrons y revenir lorsque nous aurons eu le temps de bien connaître les
résultats. Nous ne savons pas très bien maintenant en présence de quoi nous
discutons, car, d'après l'aveu que vient de faire M. le ministre des travaux
publics, il y a déjà des modifications à ses tarifs ; j'en connais
quelques-unes, il en est probablement d'autres aussi que je ne connais pas.
Mais puisque la discussion est maintenant entamée, il faut bien ne pas laisser
sans réponse des erreurs évidentes qui viennent d'être avancées.
Il
me semble d'abord que l'on a méconnu la gravité de la différence qui existe
entre le tarif actuel el ce qui existait précédemment ; cette différence est
considérable. Voici, en premier lieu, une comparaison pour quelques
marchandises de diverses classes, entre ce qui existe en vertu des tarifs
actuels et ce qui existait antérieurement à ces tarifs. N'ayant pas eu le temps
de faire ces calculs moi-même pendant la discussion qui vient de s'élever, je
les emprunte à un journal, qui n'a, je crois, pas été contredit.
Les
céréales, de Waremme à Louvain, payaient 5 fr. ; maintenant elles en paient 10
;
Le
poisson, d'Ostende à Bruxelles, payait 14 fr. ; maintenant il paie 22 fr. le
même article, d'Ostende à Liège, payait 20 fr. 30 c. ; maintenant il paie 35
fr. 50 c. ;
La
bière , de Louvain à Gand, payait 9 fr. 50 c. ; maintenant elle paie 14 fr. 50
c. ;
Les
clous, de Liége à Anvers , payaient 15 fr. ; ils paient aujourd'hui 22 fr. ;
Le
coton brut, de Gand à Liége, payait 19 fr. ; il paie maintenant 26 fr. 50 c. ;
Les
denrées coloniales, d'Anvers à Liége , payaient 16 fr. ; elles paient
maintenant 28 fr. 50 c. ;
Les
draps et les armes, de Liége à Anvers, payaient 16 fr. ; ils paient maintenant
28 fr..50 c, ; les mêmes objets, de Liége à Ostende, payaient 20 fr. 30 c, ;
ils paient maintenant 46 fr. 50 c. ;
Les
toiles, de Courtray à Liége, payaient 24 fr. ; elles paient maintenant 42 fr.
50 c. ;
Les
vins, d'Anvers à Bruxelles, payaient 7 fr. 50 c. ; ils paient aujourd'hui 12
fr. 50 c. ;
Les
verreries et faïences, de Liège à Anvers, payaient 16 fr. ; elles paient
maintenant 28 fr. 50 c. ;
Voilà,
messieurs, pour les marchandises de roulage. Voici pour les marchandises de
diligence :
De
Liège à Ostende, un paquet de 5 kilog. payait 40 centimes ; il paie maintenant
2 fr. 15 c. ;
Un
paquet de 20 kilog. payait 1 fr. 65 c. ; il paie maintenant 6 fr. 65 c. ;
Un
colis de 50 kilog. payait 2 fr. 70 c. ; il paie maintenant 8 fr. 60 c. ;
Un colis de 100 kilog. Payait 3 fr.
60 c., il paie maintenant 10 fr. 75 c.
Ainsi,
messieurs, vous voyez que cette différence, que l'on a voulu amoindrir. est
réellement énorme, et que c'est à bon droit que ces changements ont excité une
telle émotion dans le commerce. Permettez-moi maintenant de faire une autre
comparaison, qui, à elle seule, montre combien le tarif est défectueux.
On
aurait pu dire, je suppose, en général, que le tarif était trop bas, qu'il
fallait l'élever ; c'est une opinion dont je parlerai tout à l'heure ; mais
d'abord, comme l'a dit l'honorable M. Fleussu, si l'on voulait élever le tarif,
il ne fallait pas pour cela doubler, tripler, quadrupler même les prix. De
plus, il y a une limite au-delà de laquelle toute élévation du tarif est
déraisonnable, c'est le prix auquel transportent les messageries, qui font concurrence
au chemin de fer ; dès que vous dépassez ce prix, vous donnez le mouvement du
chemin de fer en cadeau aux messageries.
Eh
bien ! messieurs, un journal de Liége a publié le tarif de la messagerie Van
Gend et compagnie. Voici la comparaison de ce tarif avec le tarif actuel du
chemin de fer, pour les marchandises les plus nombreuses, celles qui ne sont
pas rangées dans une catégorie exceptionnelle, à peu près les seules que les
messageries transportent, et que le chemin de fer appelle marchandises de la 3e
classe (successivement, le tarif des messageries Van Gend et celui du chemin de
fer) :
De
Liége à Louvain (pour 100 kil.) : 1 fr. 40 ; 2 fr. 10
De
Liège à Malines : 1 fr. 90 ; 2 fr. 60
De
Liège à Anvers : 1 fr. 90 ; 3 fr. 60
De Liége
à Bruxelles : 2 fr. 25 ; 2 fr. 80
De
Liége à Gand : 2 fr. 75 ; 3 fr. 60
De
Liége à Courtrai : 3 fr. 50 ; 4 fr. 40
De
Liége à Mons : 3 fr. 75 ; 4 fr. 40.
Voilà
pour ce qui concerne les marchandises de roulage. Je demande si cette
comparaison seule ne suffit pas pour démontrer combien les prix du nouveau
tarif sont déraisonnables. Vous fondez un service en concurrence avec les
messageries, et vous prétendez le faire réussir en établissant des prix
beaucoup plus élevés que les leurs.
Prenons
maintenant les marchandises de diligence ; de Liége à Ostende, les prix sont
fixés comme suit (successivement, le tarif des messageries Van Gend et celui du
chemin de fer) :
Jusqu'à 5 kilog. : 1 fr. 50 ; 2 fr.
15
De
6 à 15 kilog. : 2 fr. 50 ; 4 fr. 30
De
16 à 30 kilog. : 3 fr. 50 ; 6 fr. 45.
N'est-il
pas évident que les marchandises de roulage et les marchandises de diligence
que je viens de mentionner, doivent se porter
vers les messageries ? N'est-il pas évident que si les messageries ne se
sont pas encore emparées de toutes ces marchandises, c'est parce que le public
ne connaît pas encore généralement tout l'avantage que présentent leurs prix et
qu'elles n'ont pas encore établi partout leurs services rivaux.
Il
me semble que l'évidence même sort de ce seul rapprochement.
On
a parlé tout à l'heure de la réduction introduite par le ministère précédent,
sous deux rapports, pour les voyageurs et pour les marchandises.
Pour
les voyageurs, le but de la réduction introduite par M. Rogier avait été
d'augmenter ou au moins de maintenir le taux de la recette, tout en provoquant
un accroissement considérable du nombre des voyageurs, et par conséquent en
donnant une grande extension à l'utilité du chemin de fer.
Les
adversaires de ce système avaient contesté la possibilité de l'un et l'antre de
ces deux résultats. Ils disaient d'abord qu'une diminution des prix du tarif
des voyageurs n'aurait pas pour résultat d'augmenter leur nombre ; que c'était
une erreur de croire que lorsque le prédécesseur de M. Rogier avait augmenté le
tarif des voyageurs, ce fût pour cette raison que le nombre des voyageurs eût
diminué. C'était, disait-on, la crise commerciale qui était cause de cette
diminution, et non l'augmentation des prix.
On
soutenait en second lieu que toute réduction dans le tarif devait amener une
diminution de recette.
Qu'ont
prouvé les faits pendant les trois mois d'essai du tarif de M. Rogier ?
Sur
le premier point, il a été prouvé à l'évidence que les adversaires du système
étaient dans la plus complète erreur. Il a suffi de baisser les prix pour
amener un accroissement énorme dans la circulation. Le nombre des voyageurs
s'est immensément augmenté. C'est donc désormais un fait incontestable, qu'on
ne conteste plus aujourd'hui, qu'on s'étonne peut-être maintenant d'avoir contesté,
qu'il suffit de baisser le tarif des voyageurs pour en augmenter le nombre, en
d autres termes que l'importance de la circulation dépend des prix.
Sous
ce régime donc le nombre des voyageurs s'est considérablement accru, mais,
pendant les trois mois d'essai, cette augmentation, quelle que fût son
importance, n'a pas encore tout à fait suffi pour compenser, quant à la
recette, la différence des prix. Cela prouve-t-il qu'en baissant le prix, on ne
pouvait pas maintenir ou même augmenter la recette ? nullement ; car l'essai
qu'on a fait n'a pas été complet ; il n'a pas été complet d’abord par la faute
même du ministre qui l'a introduit, et qui l'a restreint à trois mois ; trois
mois, c'était trop peu ; il fallait au moins six mois, peut-être beaucoup plus,
pour avoir un résultat décisif, parce que de nouvelles habitudes ne se forment
pas dans un espace de trois mois.
En
second lieu, l’essai n'a pas été complet, parce que l’été de 1841 fut tout à
fait exceptionnel, marqué par des pluies constantes. Pendant ce trimestre
d'essai, il y eut, si ma mémoire ne me trompe, 70 à 75 jours de pluie. Je sais
bien que les adversaires du système de M. Rogier ont fait depuis cette étrange
découverte que le mauvais temps est favorable à la recette du chemin de fer. Il
suffit de se transporter dans une station quelconque du chemin de fer, un jour
de beau temps et un jour de pluie, pour apprécier ce bizarre argument qui
ressemble vraiment à une mauvaise plaisanterie.
La
preuve que ce raisonnement est faux, c'est que sur tous les chemins de fer
connus, la recette s'élève constamment à mesure qu'avance la saison où le beau
temps est le plus fréquent, et qu'elle diminue à mesure qu'on approche de celle
où le mauvais temps est en quelque sorte le temps normal. C'est ainsi qu’au
mois de mars la recette est plus favorable qu'au mois de février, au mois
d'avril plus favorable qu'au mois de mars, au mois de mai plus favorable qu'au
mois d'avril, au mois de juin plus favorable qu'en mai, jusqu'au mois d'août ou
de septembre, qui est l'époque où le temps est le plus fixe. Si le raisonnement
de M. le ministre était fondé, il faudrait, au rebours de ce qui arrive partout
où il y a des chemins de fer dans les deux hémisphères, qu'ils produisissent en
hiver le double de ce qu'ils produisent en été. Il n'y a pas d'autre raison que
l'affluence du temps, pour que les mois d’été produisent plus que les mois
d'hiver. C'est donc bien à tort qu'on veut ne tenir aucun compte de l’état tout
à fait exceptionnel de l'atmosphère pendant la période d'essai du tarif de M.
Rogier.
Ce
que je viens de dire de l’influence du mauvais temps sur la recette est si
vrai, qu'il y eut une quinzaine de la période d'essai où le chiffre de la
recette, comparée à celle de l'année précédente, s'élevait trop au gré de M. le
ministre actuel, et aussitôt le Moniteur en publiant la comparaison, eut
soin de faire remarquer par une note insérée dans le document officiel même,
que l'année précédente, il y avait eu pendant cette quinzaine beaucoup de jours
de pluie. A cette époque, M. le ministre croit donc que le mauvais temps
nuisait à la recette ; maintenant il croit que le mauvais temps est favorable à
la recette ; M. le ministre, qui vient de demander la parole, va nous expliquer
tout cela.
Maintenant,
en ce qui concerne le tarif des marchandises, je dis que ce tarif, à la
différence de celui des voyageurs, dont l'expérience était restée incomplète, à
cause du mauvais temps ; que ce tarif, dis-je, avait donne des résultats
extrêmement concluants.
Prenez
le rapport au Roi, de M. Desmaisières, qui vient d'être publié, vous y lirez
que lorsque M. Rogier est arrivé aux affaires, la recette pour les marchandises
s'élevait à 66,000 fr. par mois. Eh bien ! après que
M. Rogier eut introduit une première amélioration, lorsqu'il eut laissé arriver
au chemin de fer les marchandises des diligences pour être remises à domicile,
pendant la durée de ce système, qui a été de quinze mois, la recette des
marchandises s'est élevée à 118,000 francs par mois ; elle n'était avant cette
époque, comme je viens de le dire, que de 66,000. fr. Pendant l'épreuve du
deuxième système de M. Rogier, système très favorable au commerce sous le
rapport des prix, et qui faisait transporter à domicile toutes les
marchandises, on voit, d'après le même rapport au Roi, que la recette s'est
élevée en moyenne à 158,000 francs par mois ; et les marchandises, je le
répète, ne produisaient que 66,000 fr. par mois sous l'empire du système de M.
Nothomb.
Ces
chiffres prouvent que le système introduit par M. Rogier avait amené une augmentation
considérable et dans la recette et dans le mouvement commercial. Peut-être
sous, le rapport financier y avait-il eu lieu d'introduire quelques
améliorations encore, mais dans son ensemble le système avait complètement
réussi. Le succès était des plus heureux et pour le commerce et pour le fisc.
L'honorable
M. Demonceau a dit tout à l'heure à M. Rogier : « Vous, qui critiquez le
minimum de
Mais,
messieurs, la position était bien différente. Quand M. Rogier a introduit cette
mesure, on n'admettait les marchandises de roulage au chemin de fer qu'à partir
de mille kilogrammes ; par une première mesure, M. Rogier a réduit ce minimum à
Le
tarif qu'on vient d'abolir, outre ses résultats directs, avait procuré un autre
avantage au commerce, celui de faire diminuer le prix du transport dans tout le
pays, même en dehors du chemin de fer. Quelle conséquence aura le tarif actuel
? Il élèvera le prix du transport, non seulement sur le chemin de fer, mais
encore par les routes ordinaires : les concurrents du chemin de fer peuvent
encore augmenter leurs prix et rester en dessous de ceux du chemin de fer.
C'est ce qu'ils ne manqueront pas de faire.
On
a publié dans le Moniteur de ce matin le relevé de la recette pour les
dix premiers jours de ce mois. J'avoue que je n'ai pas une entière confiance
dans la publication de pareils documents, depuis que nous avons vu les étranges
erreurs entassées dans un travail dû à l'administration du chemin de fer, et
reproduit en grande partie dans le rapport du ministre au Roi, erreurs que les
journaux ont relevées et tellement grossières, qu'il serait difficile
d'expliquer qu'un commis de l'administration en pût commettre de semblables.
Quoi
qu'il en soit, je dirai d'abord qu'il ya une lacune très importante dans cette
publication du Moniteur ; on y donne bien le chiffre de la recette, mais
on ne fait pas connaître le nombre de kilogrammes de marchandises qui ont été
transportées.
Il
est à remarquer qu'il pourrait y avoir égalité de la recette, et une réduction
considérable dans la qualité de marchandises transportées. L'intérêt du fisc
serait sauf, il est vrai, mais cc n'est pas là le seul intérêt engagé dans le
chemin de fer ; le principal intérêt, l'intérêt commercial, serait lésé ; si
le chemin de fer ne transportait plus qu'un tiers des marchandises qu'il
voiturait l'année dernière, il aurait beau produire autant de recette
qu'auparavant, ce serait un grand malheur pour le commerce.
Or,
pendant les dix premiers jours d'avril, le chemin de fer a produit moins que
pendant les dix premiers jours de mars, et comme les prix ont été élevés, il en
résulte qu'on a transporté une quantité de marchandises extrêmement inférieure.
Remarquez
bien, comme on vous l'a dit, que pour les dix premiers jours d'avril les
commandes étaient faites, et les nouveaux services de messageries ou de roulage
ne sont pas encore établis. Il y a beaucoup de marchandises qui n'arriveront
plus au chemin de fer quand le public connaîtra la différence des prix entre le
tarif du chemin de fer et celui des messageries qui s'établiront.
D'ailleurs,
je ne connais pas assez la comptabilité du chemin de fer pour savoir si les
recettes des premiers jours d'avril appartiennent toutes au nouveau système, et
si, par exemple, on ne recouvre pas pendant les premiers jours d'avril les prix
des transports effectués pendant les derniers jours de mars. De toute manière
donc, cette publication incomplète est jusqu'à présent, fort peu concluante.
Je
désire ne pas prolonger pour aujourd'hui cette discussion, persuadé que la
chambre aura à y revenir si les tarifs ne sont pas considérablement modifiés.
Je
me joins à mes honorables collègues pour appeler la sérieuse attention du
gouvernement sur la perturbation que ces tarifs ont jetée dans le commerce et
sur la création de ces nouveaux services de concurrence qui ne peuvent s'établir
qu'au détriment du chemin de fer et du commerce, condamné à payer beaucoup plus
que sous le système précédent qui, dans son ensemble conciliait les intérêts du commerce et ceux du fisc et ne demandait
plus que quelques améliorations de détails faciles à introduire.
(Moniteur belge n°104, du 13 avril 1842)
M. le
ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - L'honorable préopinant a commencé son discours en
disant que son honorable collègue, qu'il prétend défendre, c'est-à-dire mon
honorable prédécesseur, avait eu tort, en décrétant ses tarifs, de limiter
l'essai à trois mois ; que ce n'était pas assez pour pouvoir apprécier et juger
des tarifs ; et après cela, il vient, par une contradiction tout à fait
étrange, attaquer des tarifs qui sont à peine mis en exécution depuis dix
jours.
M.
Rogier. - Vous
les avez vous-même modifiés ; vous avez tout bouleversé.
M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Je n'ai rien bouleversé ;
je n'ai rien changé aux bases, au système des tarifs. J'ai rectifiés les
erreurs d'application, des bureaux. Mais, encore une fois, j'ai lieu de
m'étonner qu'on vienne récriminer et attaquer avec violence un tarif qui vient
à peine d'être décrété, tandis qu'on avoue n'avoir pas même lu les rapports de
la commission et qu'on invoque pour soi-même une plus longue expérience des
tarifs qu'on a décrétés.
L'honorable
préopinant est encore revêtu, comme son honorable ami, sur la question de la
pluie et du beau temps.
M.
Devaux. -
C'est vous qui, le premier, avez introduit cette question.
M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Ce n'est pas moi qui ai
introduit cette question, c'est l'honorable M. Rogier qui en a parlé le premier
lors de la discussion du budget des travaux publics. Il a invoqué alors le
mauvais temps comme ayant été défavorable à son tarif. Il a même cité les
renseignements qu'il avait reçu du directeur de l'observatoire, pour constater
le nombre des jours pendant lesquels il avait plu.
Quand
l'honorable membre a avancé cet argument, je lui ai répondu, cela est vrai,
mais je n'ai fait que lui répondre, ce n'est pas moi qui ai introduit la
question. J'ai répondu qu'il était dans l’erreur. Je n'ai pas dit que le
mauvais temps était favorable aux voyageurs, C'est une absurdité dont je ne me
suis pas rendu coupable : mais j'ai prouvé que le mauvais temps était
favorable à son tarif, et il n'a rien répondu.
J'ai
dit que le mauvais temps était favorable en ce qu'il amenait au chemin de fer
les voyageurs à petite distance et les voyageurs qui prennent place dans les
voitures de la dernière classe, dans les waggons, et que c'était surtout en
faveur des petites distances et des waggons que les abaissements de prix
avaient eu lieu dans le tarif du 10 avril. J'ai ajouté que les hommes de la
campagne, les ouvriers et généralement les voyageurs de classe peu aisée, quand
il fait mauvais temps sont plus enclins à user du chemin de fer ; qu'en
conséquence, une certaine augmentation pouvait avoir eu lieu dans le nombre de
voyageurs, de même qu'un certain nombre de voyageurs avaient été engagés par le
mauvais temps à passer des waggons ouverts de tous côtés dans les chars-à-bancs
fermés de manière à éviter tous les inconvénients du mauvais temps. C'est
ainsi que j'ai expliqué que le mauvais temps avait été favorable au tarif de M.
Rogier.
Je
croirais réellement faire perdre un temps précieux à la chambre, que d'entrer
actuellement dans la discussion de détail dans laquelle on veut m'attirer,
alors que l'expérience n'est pas encore là pour démontrer
si le système du tarif du 22 mars est bon, oui ou non. Je bornerai donc là mes
observations.
M.
Delfosse. - Je
n'ai rien à ajouter à ce qui a été dit par d'honorables préopinants ; le
nouveau tarif est condamné dans cette enceinte comme dans le pays ; personne
n'a osé prendre la défense, si ce n'est deux membres de la commission mus d'une
tendresse toute paternelle pour leur avorton. Encore, l'un d'eux, l'honorable
M. Demonceau a-t-il reconnu qu'il y avait lieu de faire des concessions au
commerce et à l'industrie. Si je prends la parole, c'est uniquement pour
rectifier deux faits qui ont été avancés l'un par l'honorable M. Dumortier,
l'autre par M. le ministre des travaux publics.
M.
Dumortier a soutenu que les plaintes qu'on fait entendre de toutes parts sont
peu fondées, parce que le transport des marchandises par le chemin de fer est
encore aujourd'hui à 50 p. 100 meilleur marché que par le roulage. D'après
l'honorable membre, le transport d'Anvers à Liège par le roulage conterait
M.
Dumortier dit que le commerce se plaint toujours, que le commerce voudrait que les
transports se fissent pour rien. C'est là de l'exagération. Il y a des
commerçants qui se plaignent quelquefois à tort, mais aujourd'hui c'est le
commerce tout entier qui se plaint et qui se plaint avec raison. Le commerce ne
demande pas que les transports se fassent pour rien, il demande qu'ils se
fassent à des prix modérés. Il demande que le chemin de fer ne soit pas sans
utilité pour lui, alors que c'est principalement pour lui que cette voie de
communication a été créée ; le commerce est si raisonnable qu'il est le premier
à reconnaître qu'il y avait des abus dans le système de camionnage adopté par
l'administration précédente, et bien que ce système lui fût profitable, il ne
se plaint guère des changements qu'on y a apportés. Moi-même, je n'ai rien dit
sur ce point, et je suis surpris que M. Dumortier en ait parlé.
M.
le ministre des travaux publics a cru pouvoir affirmer que la députation
de la chambre de commerce de Liége ne s'était pas plaint du prix des
transports, mais qu'elle avait seulement demandé un autre mode d'exécution. Je
crois que les souvenirs de M. le ministre ne sont pas fidèles.
Je
tiens d'hommes très respectables qui composaient la députation de la chambre
de commerce de Liége et qui n'avaient aucun intérêt à me tromper, qu'à l'audience
qu'elle a obtenue de M. le ministre, la députation a réclamé vivement contre
l'élévation des nouveaux tarifs. Il est vrai, comme le dit M. le ministre,
qu'un membre influent de la députation a proposé un nouveau mode d'exécution,
dans le but de simplifier les frais d'administration et de diminuer en même
temps le prix des transports. Mais cette proposition prouve justement que la
députation était là pour se plaindre des
tarifs, et c'est qu'elle a fait.
M.
le ministre a ajouté que les membres de la députation se sont retirés
satisfaits ; cela est possible, mais de quoi étaient-ils satisfaits ? Des
nouveaux tarifs ? Nullement ; ils en étaient au contraire très mécontents ;
s'ils étaient satisfaits, ce ne pouvait être que des promesses que M. le ministre
leur aura faites. J'espère que M. le ministre tiendra ces promesses, et que ses
actes seront cette fois d'accord avec ses paroles.
Je
ne veux pas finir, messieurs, sans joindre ma voix à celle d'honorables
collègues qui ont blâmé M. le ministre des travaux publics, pour avoir modifié,
ou plutôt pour avoir toléré que ses employés modifiassent, sans intervention du
Roi, des tarifs approuvés par arrêté royal. C'est là une atteinte à la prérogative royale, qu'un ministre ne devrait jamais
se permettre, et que l'on ne saurait blâmer trop sévèrement.
M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - J'ai dit tout à l'heure
(l'honorable M. Delfosse paraît ne pas avoir bien saisi le sens de mes paroles)
que la députation de la chambre de commerce de Liége avait fait entendre des
plaintes, mais qu'en définitive, ces plaintes avaient plutôt porté sur le
système général de l'exploitation en lui-même que sur le système et les détails
du tarif. Cela est tellement vrai qu'après les explications que j'ai données
sur le mode d'exploitation que je croyais préférable et que j'avais développé
dans mon rapport au Roi, elle s'est retirée en me remerciant de mes
explications.
L'honorable
préopinant s'est plaint de nouveau de ce que j'ai rectifié quelques erreurs par
arrêté ministériel, alors que j'étais en présence d'un arrêté royal ; mais j'ai
dit à la chambre sur quoi je m'étais appuyé pour me permettre ces
rectifications ; j'ai dit que je me suis appuyé sur l'arrêté royal du 20 septembre
1840, contresigné par mon prédécesseur, qui l'a probablement proposé au Roi,
parce qu'il reconnaissait alors que sans changer de systèmes on peut être amené
à devoir faire des modifications de détails aux tarifs du chemin de fer, et
qu'il s'est appuyé sur le même arrêté pour établir non pas de simples
modifications, mais un tarif tout nouveau ; car le tarif daté du 10 avril n'a
pas été décrété par arrêté royal, c’est un arrêté ministériel qui l'a décrété en remplacement d'un tarif qui avait été promulgué par
arrêté royal.
M. Sigart. - J'ai demande la parole pour faire une simple observation,
pour dire qu'il en est à Mons comme dans les autres villes de
M. Demonceau. - L'accueil que reçoivent les membres de la commission de
la part de quelques-uns de leurs collègues, n'est pas fait pour encourager à
prêter son concours au gouvernement. Je ne reconnais pas beaucoup de générosité
chez mes honorables collègues ; mais je leur adresserai cette question à eux
qui font de l'opposition : « Pensez-vous que le tarif pour les grosses
marchandises, du 19 juillet 1840, ait été favorable au commerce ? » Si
vous répondez affirmativement, vous devez reconnaître que le tarif rédigé sur
les propositions de la commission lui est plus favorable encore. Je vous défie
de nous prouver que le tarif numéro 7, de station à station, conforme à celui
de M. Rogier, de station à station, ne soit pas dans ses bases plus favorable au
commerce que celui de M. Rogier. La commission a proposé 5,7 ½ et 10. Le tarif
de M. Rogier portait 6, 7 et 10.
M.
Rogier. - Il y
avait d'autres catégories.
M. Demonceau, - Mais voyez le rapport de la commission, voyez votre
propre arrêté.
M.
Devaux. - Il
s'agit du tarif du gouvernement.
M. Demonceau. - Eh bien, le tarif n°7 du gouvernement n'est pas plus
désavantageux au commerce que celui deM. Rogier. A moins qu'il n’y ait encore
dans les calculs et dans les classifications. Mais si l'application des
principes posés par la commission est faite exactement, je défie que l'on
prouve que le tarif de station à
station de mars 1842 soit plus
défavorable au commerce que celui de juillet 1840.
M.
Lebeau. - Le
commerce a donc tort de se plaindre ?
M. Dubus (aîné). - Cela est possible.
M. Demonceau. - L'honorable M. Devaux vous a cité des chiffres auxquels,
vous le pensez bien, il n'est guère possible d'ajouter foi sans vérification ;
il a parlé de la publication d'un document incomplet. Je reconnais que le
document n'est pas aussi complet qu'on aurait pu le désirer. A côté du revenu
en espèces, il aurait fallu publier le montant des marchandises transportées.
Mais
si vous faites attention qu'un changement dans le prix du transport était
annoncé, vous comprendrez que peut-être il y a eu accroissement du transport
des marchandises à la fin de mars, et ralentissement dans la première dizaine
d'avril.
Pour
le tarif de station à station, je demanderai à mes honorables collègues
d'attendre le résultat de l'expérience.
Quant
à la remise à domicile, je crois que si l'on exige du commerce simplement la
restitution du camionnage, le commerce n'a pas lieu de se plaindre.
Quant
à moi, qu'on ne croie pas que j'aie proposée sciemment et avec intention une
mesure défavorable au commerce ; je crois avoir le droit de revendiquer autant
que qui que ce puisse être, l'honneur de défendre les intérêts du commerce.
J'appartiens à la province de Liège. Je sais que cette province produit le plus
de transport au chemin de fer ; peut-être est-ce elle seule qui couvrira ses
dépenses. La ligne d'Anvers à la frontière de Prusse sera la plus profitable
pour le chemin de fer. Quant à des lignes du chemin de fer qui longent pour
ainsi dire un canal, je crois qu'elles ne produiront jamais que fort peu de
chose. Rien que les frais de traction vous donneraient le désavantage sur le
canal ; mais c'est précisément parce que la province de Liége ne jouit point
de canaux qu'elle doit trouver ici quelque compensation ; aussi ai-je insisté
pour que cette province obtînt tout ce qu’il était juste de lui accorder.
Qu'on
ne croie pas que je craigne de me présenter, soit à Verviers, soit à Liège.
J'expliquerais le tarif à mes concitoyens ; au lieu de les induire en erreur,
je les éclairerais, je ne ferais pas comme cette mauvaise presse qui cherche
dans des extrêmes tout ce qu'elle peut pour exciter les passions sans s'inquiéter de la vérité. J'ai été parfois dans l'opposition ;
mon opposition a toujours été et sera toujours loyale. Je désire que chacun
puisse en dire autant.
M.
Rogier. - Je
n'ai pas la mission de défendre soit la bonne presse, soit la mauvaise presse ;
cependant pour la moralité de la discussion, je dois faire observer qu'il y a
eu un concert unanime contre le nouveau tarif. Presse ministérielle et
anti-ministérielle se sont entendues, se sont donné le mot, se sont concertées.
M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Je ne sais pas ce que
c'est la presse ministérielle.
M.
Rogier. - Je
crois que tout le monde le sait, excepté vous. Que dis-je ? les nouveaux tarifs
ont été attaqués par le ministre lui-même puisqu'ils avaient à peine vu le
jour, qu'il les avait modifiés. C'est la critique la plus amère qui pût en être
faite.
M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Je n'ai pas modifié le
système.
M.
Rogier. - Je
ne sais ce que vous entendez par modifier le système ; le fait est que vous
avez modifié le tarif. Il ne fallait pas dire que vous aviez mûrement étudié
les propositions de la commission, puisque dès le lendemain, vous les avez
modifiées et que vous annoncez le projet de les modifier encore.
Je
ne veux pas rentrer dans le fonds de la discussion, je veux seulement relever
un passage du discours de M. Dumortier. L'honorable M. Dumortier aux paroles
de qui je n'attache pas une grande importance, parce que, s'il se montre très
chaud dans la discussion, sa chaleur tombe souvent après
la discussion, et qu'il ne soutient pas toujours les discours qu'il a tenus
dans cette enceinte. J'en ai eu plusieurs preuves....
M. Dumortier. - Je demande la parole.
M.
Rogier. - M.
Dumortier, dis-je, a déclaré qu'avant mon départ du ministère, j'avais nommé
200 nouveaux employés.
M. Dumortier. - Environ.
M.
Rogier. -
Environ ; mais combien ?
M. Dumortier. - Cela passait les cent.
M.
Doignon. –
Cent quarante.
M.
Rogier. - Vous
avez dit 240, c'était un mensonge, et maintenant vous dites cent, c'est encore
un mensonge.
M. Dumortier. - Je produirai des chiffres.
M.
Rogier. - Vous
n'en produirez pas ou ce seront des chiffres faux.
M. Dumortier. - Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M.
Rogier. - Je
demande que la parole me soit maintenue.
M.
Rogier et M. Lebeau (à M. Dumortier) - C'est
vous qui avez commencé.
M. Dumortier. - Je n'ai injurié personne.
M.
Rogier. - Vous
m'avez attaqué d'une manière lâchement odieuse : j'ai le droit de vous
répondre.
M. Dumortier. - C'est une insolence.
M.
le président
(agitant sa sonnette) - M. Rogier !
M.
Rogier. -
Comment, on accuse un ancien ministre !....
M.
le président
(à M. Rogier). On a avancé qu'avant de quitter le ministère, vous auriez nommé
200 employés dans l'administration du chemin de fer ; vous pouvez dire que
cela n'est pas exact, mais…
M.
Rogier. - Je
dis que c'est un mensonge.
M. Dumortier. - Il est impossible de tolérer une telle expression ; déjà vous
avez dû la rétracter à l'égard de l'honorable M. Zoude. Je regrette tout cela ;
ce n'est pas nous qui en sommes cause.
M.
Rogier. - M.
le président, ai-je la parole ?
M.
le président, j'ai été l'objet d'une attaque des plus graves. M. Dumortier m'a attaqué jusque dans ma
vie privée, jusque dans ma famille.
M. Dumortier. - Cela n'est pas exact.
M.
Rogier. - Vous
l'avez fait et jamais exemple pareil n'a été donné dans cette enceinte.
Et
que diriez-vous si je citais toutes les places données sous votre inspiration à
vos cousins et parents ? Je pourrais aussi descendre bien bas ; mais je m'en
garderai bien, je ne suivrai pas votre exemple,
J'ai
été l'objet d'une accusation très grave, on m'a accusé d'avoir fait une
nomination de 220 employés. J'ai cru par une expression très énergique, très
dure, et suivant moi très méritée, devoir repousser ce reproche. Je m'étais,
dans une autre circonstance, servi de la même expression vis-à-vis d'un
collègue très respectable. Son âge m'a fait une loi de retirer cette
expression. Mais aujourd'hui je ne la retire pas, parce que les mêmes motifs
n'existent pas pour M. Dumortier.
M.
le président.
- Vous pouvez vous borner à dire que le fait est inexact.
M.
Rogier. - Eh
bien ! je dirai que le fait, en lui-même est complètement inexact. J'ai été
d'autant plus surpris de voir M. Dumortier le produire dans cette enceinte
qu'il avait été expliqué dans le sein de la section centrale et qu'il se trouve
même expliqué dans le rapport de cette section. On a demandé la liste de tous
les employés nommés par l'ancienne administration. Beaucoup de nominations
portent la date du 10 avril, peu de jours avant ma sortie du ministère. Mais
j'ai eu soin de faire remarquer à la section centrale que ce n'étaient pas des
employés nouveaux que j'avais nommés, que c'étaient des employés existant dans
l'administration depuis un, deux et trois ans, qui exerçaient leurs fonctions,
qui recevaient leur traitement sans avoir eu jamais de nomination du ministère
; j'avais senti qu'il fallait mettre une limite à cet abus, à ce droit illimité
que l'on s'attribuait dans l'administration de faire des nominations sans
l'autorisation du ministre. J'ai régularisé la position de ces employés et j'ai
posé en principe que l'administration inférieure n'eût plus à nommer d'employés
sans l'ordre du ministre.
J'ai
donc voulu mettre un terme à un abus et non faire de nouvelles nominations. Je
pose en fait qu'aucun ministre n'a été aussi sobre que moi de nominations
nouvelles, je n'en ai peut-être pas fait cinquante pendant mon administration.
Tout le reste est mensonge. Et ce n'est pas moi qu'on accusera d'avoir fait du
népotisme dans l'administration. Je suis, j’ose le dire, un exemple vivant de
désintéressement dans l'administration.
Messieurs,
je ne puis m'empêcher de dire un dernier mot. Il y a eu beaucoup d'indignités
dites à l'égard de mon administration. On a été jusqu'aux dernières petitesses
et puisque nous sommes dans ces détails, je donnerai encore un dernier démenti.
M.
le président.
- Servez-vous d'expressions plus modérés. Vous pouvez répondre sans employer de
pareils termes.
M.
Rogier. - M.
le président, j'ai été attaqué. Je ne sais si vous attachez plus d'importance
que moi aux allégations de M. Dumortier ; mais il a dit que je m'étais
servi d'un moyen peu loyal et vous n'avez pas relevé ses expressions. Si je
réponds en termes aussi durs, c'est pour répondre en même temps aux expressions
inconvenantes dont il s'est servi.
Messieurs,
on a accusé l'ancien ministère d'avoir abusé étrangement des cartes de faveur
sur le chemin de fer. Cette accusation avait été lancée dans cette enceinte,
mais alors je n'y avais pas pris garde. Mais elle a été reproduite au sénat par
M. le ministre des travaux publics ; les journaux ministériels l'ont également
reproduite ; je dois donc donner un mot d'explication à cet égard.
Messieurs,
en fait de cartes de faveur, une seule carte a été donnée par moi à un haut
fonctionnaire public, 4 autres cartes ont été mises à ma disposition pour mes
amis, moi et ma famille. De ces 4 cartes deux seulement ont été employées pour
deux voyages ; les deux autres n'ont jamais servi. Restent trois cartes qui ont
été mises en circulation pendant mon ministère. Les quatre cartes laissées
entre mes mains ont été remises à M. le ministre ou à un de ses subordonnés. Je
voyage à mes frais sur le chemin de fer et je demande que ceux qui ont attaqué
le système contraire, en fassent autant que moi.
Je
n'ai pas ici à faire de récriminations ; mais j'étais bien aise de m'expliquer
une fois pour toute sur ce prétendu abus que j'aurais fait des cartes de libre
circulation.
Je
le répète, il a été fait usage par moi de trois cartes en tout ; une seule de
ces trois peut-être est encore en circulation. Cependant le haut fonctionnaire possesseur de cette carte m'a assuré qu'il n'en
faisait plus usage.
M. Dumortier. - Messieurs, je rappellerai à la chambre dans quel état de
choses la question a pris un caractère d'irritation. Je disais à la chambre en
répondant à l'honorable M. Rogier, que les 600,000 fr. d'augmentation qu'il
prétendait avoir amenés sur le transport des marchandises n'étaient pas un
chiffre réel ; qu'il fallait commencer par défalquer de ce chiffre les
appointements d'un grand nombre d'employés, je crois avoir dit de 240 employés,
qu'il avait nommés à la veille de quitter le ministère. L'honorable M. Rogier,
fidèle à ses habitudes peu parlementaires, a dit : C'est faux, vous avez menti.
Vous
sentez qu'il est impossible de supporter facilement de pareilles expressions.
Si plus tard j’ai répondu un peu vivement à l'honorable M. Rogier, on
comprendra que ce n'est pas moi qui ai pris l'initiative des paroles
outrageantes. Mais je ne suis pas disposé à souffrir les injures de M. Rogier
pas plus que de qui que ce soit.
Maintenant,
en répondant a l'honorable M. Rogier, j'ai dit qu'il avait placé, la veille de
son départ, un de ses beaux-frères étranger non naturalisé dans
l'administration du chemin de fer. Eh bien ! le fait est vrai. Vous avez donné
à ce beau-frère un emploi très élevé ; et en agissant de la sorte, vous avez
violé la constitution.
M.
Rogier. - Il
était employé depuis un an.
M. Dumortier. - Vous me reprochez d'avoir fait placer beaucoup de cousins
et de nièces dans l'administration. D'abord je n'ai pas une seule nièce (on rit), je n'ai pas non plus de neveux.
Quant aux cousins, j'en ai très peu ; et je pourrais dire comme l'honorable M.
Devaux, que pas deux personnes, m'appartenant aussi au sixième degré, n'ont été
placées par mon influence. Mais j'ajouterai que si l'une d'elle avait été
placée par mon influence c'est qu'elle n'aurait pas été un Français non
naturalisé, et que sa nomination n'aurait pas été une violation de la
constitution, qui ordonne que jamais un étranger non naturalisé ne sera nommé
a un emploi au détriment des Belges. C'est cependant ce qu'a fait l'honorable
membre en nommant un beau-frère qui était notaire en France. M. Rogier a beau
épuiser le dictionnaire des grossièretés, il n'empêchera pas la responsabilité
qui doit peser sur lui par cet acte inconstitutionnel. Je regrette d'avoir été
dans la nécessité de donner ces explications, mais je les devais à moi-même
comme je les devais à vous-mêmes.
Messieurs,
j'ai dit que l'honorable M. Rogier avait nommé plus de 200 employés avant de
quitter le ministère. Eh bien ! c'est ce que vient d'avouer l'honorable membre.
Il dit que c'était deux cents employés dont la position n'était pas
régularisée. Or, savez-vous ce que c'étaient que ces employés ?
L'administration a souvent besoin de prendre des agents temporaires.
Jusqu'alors elle avait eu la prudence de ne pas leur donner de mandat
définitif, de manière que lorsque les travaux étaient effectués, on aurait pu
leur dire : Vous avez rempli votre tâche, nous vous remercions de vos services.
Eh bien, ce sont ces agents qui ont reçu un mandat définitif de l'honorable M.
Rogier ; ils se trouvent au nombre de 229, d'après le rapport de la section
centrale ; j'ai donc eu raison de dire qu'il avait fait une fournée
épouvantable aux dépens du trésor.
L'honorable
M. Rogier vient de dire qu'il n'attache pas une grande importance à mes
paroles. Je répondrai qu'à mon tour, je n'en attache pas aux paroles peu
parlementaires si familières à M. Rogier, paroles dont il s'était servi aussi,
il y a peu de jours, envers l'honorable M. Zoude, qu'il a été obligé de
rétracter, et auxquelles les industriels de Gand sont venus donner un éclatant
démenti ; à ces paroles, messieurs, je ne répondrai pas, et quelle que puisse
être sa colère, je ne secouerai pas pour lui la poussière de mes souliers.
- La séance est levée à 5 heures.