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d’intention
Chambre
des représentants de Belgique
Séance du mardi 15 février 1842
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre, notamment pétition
relative à la contribution personnelle et au droit de patente (Cogels)
2) Proposition de loi tendant à ériger l’université de Louvain
en personne civile. Retrait de la proposition (Dubus (aîné))
3) Projet de
loi tendant a ouvrir un crédit au département de l'intérieur pour l’acquisition
et l'exploitation du steamer le British Queen (navigation transatlantique),
pour les exercices 1841 et 1842 (Nothomb, Vandenbossche, Vandensteen,
Rogier, Nothomb, Rogier, Nothomb, David,
Hye-Hoys)
4) Projets de loi 1°
sur la police maritime, 2° tendant à autoriser l'achat d'un bateau à vapeur
destiné à compléter le service de passage d'Anvers à
5) Projets de loi relatifs 1° au droit sur les boissons distillées, 2° au droit sur les distilleries, 3° sur une contestation avec la commune de Petit-Rechain (Demonceau)
(Moniteur
belge n°47, du 16 février 1842)
(Présidence de M. Fallon)
M. de Renesse fait l'appel nominal à midi et quart.
M.
Scheyven donne
lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse. - Les pétitions suivantes sont adressées à la
chambre :
PIECES ADRESSEES A
« Le conseil communal et les notables de
la commune de Suxi (Luxembourg) demandent que cette
commune soit réunie au canton de Neufchâteau. »
« Le
conseil communal de Lemberge (Flandre orientale),
demande que la commune de Bottelaere soit désignée
pour le chef-lieu du canton d'Oosterzeele. »
« Le
conseil communal de Harre (Luxembourg) demande que
cette commune soit distraite de cette province pour être réunie à celle de
Liége. »
« L’administration
communale et des habitants notables de la comune de Morialmé demandent le maintien de la justice de paix de
Walcourt. »
-
Renvoi à la commission chargée de l'examen du projet de loi sur la
circonscription cantonale.
______________________
« Le
sieur Parfait Pinget demande que les villes interviennent pour une part dans
les frais de construction des chemins vicinaux. »
« Le
sieur J.-B. Pools, ancien militaire à Woluwe-St.-Pierre, ayant obtenu du
gouvernement français une pension de 100 francs en 1815, demande que-celle
pension lui soit continuée. »
« Des
pharmaciens des cantons de St.-Trond et de Looz (Limbourg) demandent la révision de la législation
actuelle sur la pharmacie. »
-
Renvoi à la commission des pétitions.
______________________
« Des
débitants de boissons distillées de la ville d'Ath demandent l’abrogation de la
loi du 18 mars 1838 sur l'abonnement pour la vente de boissons
distillées. »
-
Renvoi à M. le ministre des finances.
_____________________
« Des
marchandes et boutiquiers du hameau de Slykens,
commune de Breedene, se plaignent de ce que le sieur
de Clercq, conducteur des ponts et chaussées, y
possède le monopole de la vente de toute sorte d’articles, et demandent que cet
employé soit contraint à changer de résidence. »
-
Renvoi à la commission des pétitions.
____________________
« Des maîtres de carrière à grès de Huppaie-Molembaix demandent la construction de la route
décrétée de Wavre à Hannut. »
« Des hôteliers et aubergistes de la ville d'Anvers
demandent que la chambre adopte une loi d'interprétation des dispositions des
lois relatives à la contribution personnelle et au droit de patente. »
-
Renvoi à la commission des pétitions.
M.
Cogels. - Les
pétitionnaires se plaignent d'une fausse application de la loi relative à la
contribution personnelle et aux patentes. Je crois leurs plaintes fondées. Ils
se sont déjà adressés plusieurs fois au gouvernement ; et comme ils ont fait
maintenant leur déclaration d’après les principes qu'ils invoquent, et qui sont
contraires à ceux que professe l'administration, il va en résulter des
contestations entre celle-ci et les pétitionnaires.
Je
demanderai donc que la commission des pétitions veuille bien nous faire un
prompt rapport.
-
Cette proposition est adoptée.
Retrait de la proposition
M. de Renesse, secrétaire, donne lecture de la lettre suivante :
« A
Messieurs les président et membres de
« Messieurs,
« Faisant
usage du droit que l’art. 21 de la constitution nous donne, nous avons eu l’honneur
de vous adresser, ainsi qu’au Roi et au sénat, au mois de janvier de l’année
dernière, une pétition afin d’obtenir que la qualité de personne civile fût
attribuée par une loi à l’Université catholique de Louvain. Deux honorables
membres de la chambre, MM. Dubus aîné et Brabant, mus par l’intérêt qu’ils
portent à cet établissement, ont eu la bonté de proposer un projet de loi
tendant à nous accorder notre demande. La chambre a décidé que leur proposition
sera prise en considération. Envoyée à l’examen des sections, elle y fut
adoptée par 36 voix sur 44. La section centrale l’adopta à l’unanimité, avec
quelques modifications accidentelles, après avoir, comme elle le dit dans son
rapport, consacré plusieurs séances à débattre les principales questions de
constitutionnalité et d’économie sociale qui s’y rattachent et après avoir
exposé et analysé tous les systèmes, et abordé avec franchise toutes les
objections sérieuses.
« Un
accueil si favorable nous faisait espérer avec une ferme confiance que la loi
proposée serait adoptée par les trois branches de la législature. Cependant
notre pétition et la proposition de la loi qui en a été la suite, devinrent
l’objet d’interprétations et d’attaques aussi inattendues que peu foncées. On
prétendit que nous voulions obtenir un privilège exclusif et faire revivre
d’anciens droits qui sont incompatibles avec nos lois ; on chercha même à faire
croire que nous voulions entraver la marche du gouvernement… Ces desseins et
d’autres plus absurdes encore, qu’on nous a prêtés, étaient loin de notre
pensée ; car nous n’eûmes d’autre but que d’obtenir pour l’Université
catholique une prérogative dont jouissent déjà les Universités de l’Etat, les
séminaires, tous les conseils des hospices, tous les bureaux de bienfaisance,
toutes les communes, toutes les églises et un grand nombre d’autres
établissements d’utilité publique. Il nous semblait que les garanties d’ordre
qu’offre l’Université de Louvain, les services qu’elle rend aux sciences et les
avantages qu’elle procure au pays, l’en rendaient digne sur tous les rapports.
Les jurisconsultes et des publicistes très distingués nous avaient d’ailleurs
assurés que notre demande ne renfermait rien qui fût contraire aux lois ou à la
constitution.
Quoique
nous restions convaincus de la justice de notre demande, nous nous sommes
néanmoins décidés à la retirer, afin d’empêcher qu’on ne continue à s’en servir
pour alarmer les esprits, exciter la défiance et troubler l’union qui est si
nécessaire au bien-être de la religion et de la patrie. C’est pourquoi nous
vous prions, messieurs, de regarder comme non avenue la pétition que nous avons
eu l’honneur de vous adresser ; nous nous faisons en même temps un devoir de
témoigner à la chambre notre sincère et vive reconnaissance pour le bon accueil
qu’elle a bien voulu lui faire.
« Nous
sommes avec respect, messieurs,
« Vos
très humbles et très et très obéissants serviteurs,
« En
février 1842
« ENGLEBERT, cardinal-archevêque de
Malines.
« CORNEILLE,
évêque de Liége.
« FRANCOIS,
évêque de Bruges.
« G.-J.,
évêque de Tournay.
« N1COLAS-JOSEPH, évêque de Namur.
« LOUS-JOSEPH, évêque de Gand. »
M.
le président.
- La parole
est à M. Dubus (aîné).
M. Dubus (aîné). - Messieurs, la proposition que mon honorable ami, M
Brabant et moi, nous avons soumise à la chambre, nous l'avions faite pour
satisfaire à la demande qui avait été adressée aux trois branches du pouvoir
législatif par les fondateurs de l’université de Louvain.
Cette
demande étant retirée, nous considérons notre proposition comme devenue sans
objet.
M.
le président.
- Il est donnée acte de la déclaration de MM. Dubus et Brabant, ainsi que de
celle de MM. les évêques.
PROJET DE LOI TENDANT A OUVRIR
UN CREDIT AU DÉPARTEMENT DE L'INTERIEUR POUR L'ACQUISITION
ET L’EXPLOITATION DU STEAMER LE BRITISH QUEEN, POUR LES EXERCICES 1841 ET 1842
Discussion générale
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, je m'étais réservé, à la fin de la séance d'hier,
d'ajouter quelques observations à celles que j'avais eu l'honneur de vous
présenter.
Je
crois d'abord devoir protester contre toutes les insinuations plus ou moins
malveillantes qu’on a cherché à accréditer en dehors de cette chambre. Je
regrette, messieurs, qu'au lieu d'avoir recours à toutes ces insinuations, on
ne soit pas venu poser des faits ; je les aurais détruits, et facilement
détruits. Je crois que toutes les personnes qui ont pris part à cette grande négociation
sont restées pures ; je dois de nouveau exprimer mes regrets de ce que certaines
insinuations aient été si facilement accueillies dans le pays.
L'honorable
M. Osy m'a signalé hier un fait qui m'était inconnu, et qu'il m'est impossible
d'éclaircir pour le moment ; je chercherai à l'éclaircir. Le gouvernement a
payé le navire
Un
deuxième fait qu'on a reproduit hier pour la seconde fois, est celui qui concerne
l'indemnité allouée aux administrateurs. On a reconnu que cette indemnité n'est
pas fixée à 8000 fr. d'une manière invariable, mais qu'elle peut arriver à un
maximum de 8000 fr. On aurait dû encore ajouter que cette indemnité est le résultat
d'un arrangement fait avec les administrateurs, arrangement d'après lequel ils
jouissent d'un tantième de 2 p. c. Ce tantième, on y a mis une limite,
c'est-à-dire qu'il ne peut dépasser 4000 fr. pour chacun.
Une
indemnité de 8000 fr. pour les deux administrateurs, à raison de 2 p. c.,
suppose un fret de 400,000 fr. Eh bien, messieurs, je désire que la première
année, surtout après toutes les préventions qu'on a cherché à répandre, le
fret puisse s'élever à 400,000 fr. C'est dans cette hypothèse, et dans cette hypothèse
seule que l'indemnité des administrateurs pourrait aller à 8,000 fr.
Il
existe un troisième fait qui n'a pas été produit dans cette chambre, mais que
je crois néanmoins nécessaire de démentir devant vous. On a supposé que la
maison Baring et compagnie, à Londres, avait quelque intérêt dans la compagnie
anglo-américaine qui vient de liquider. Ce fait est entièrement faux. La maison
Baring et compagnie n'a aucun intérêt dans cette compagnie, Les statuts de
cette maison de banque lui défendent d'avoir des actions dans une compagnie de
ce genre.
Je
passe maintenant aux observations que je désire ajouter à celles présentées
hier en réponse à mon honorable prédécesseur, M. Liedts.
Dans
un discours, très ingénieux sans doute, l'honorable M. Liedts a cherché à
enlever à ses actes leur caractère véritable, et à donner aux miens un
caractère tout nouveau. Peu de mots me suffiront pour rétablir les faits et les
principes.
Le
ministère précédent, au point de départ, a eu une grande question à examiner.
Il l'a résolue, et la solution qu'il a donnée à cette question a dominé tous
les événements subséquents.
Cette
question est celle-ci : pouvait-on exécuter la loi du 29 juin 1840, par l'achat
de navires ?
Cette
question a été résolue par le ministère précédent d'une manière affirmative ;
et en conséquence de cette solution, des pleins pouvoirs ont été donnés à notre
ministre à Londres, constitué plénipotentiaire, avec adjonction officieuse d'un
commissaire, M. Lejeune.
Les
instructions renfermaient une réserve, mais cette réserve ne doit pas être
prise d'une manière absolue. Il s'agissait d'en référer aux chambres, pour le
cas où on achèterait les navires en sortant des calculs que vous connaissez et
qui se trouvent à la fin du compte rendu, calculs d'après lesquels les deux
navires ne devaient coûter que 3,600,000 francs, de sorte qu'on aurait eu un
excédant de 2,000,000, pour suffire aux chances d'exploitation.
La
réserve était faite dans une hypothèse, à savoir que le prix excéderait 3,600,000 fr. Les négociateurs ont été assez heureux pour
faire l'achat dans les limites de 3,600,000 fr. Dès
lors la réserve devenait sans objet ; c'est ainsi, messieurs, que les pleins
pouvoirs ont été entendus.
Maintenant
deux questions se présentent ; la première : fallait-il ratifier la convention
du 17 mars 1841 ? La seconde : le cas échéant, pouvait-on se prévaloir de la
clause résolutoire ?
Je
réponds à la première question qu'il fallait ratifier la convention du 17 mars
1841, qu'on n'y était pas seulement moralement obligé, mais qu'on y était
oblige en strict droit. On y était obligé en droit, parce que qu'une
ratification entre parties qui se respectent, qui ont agi par plénipotentiaires
investis de pleins pouvoirs, n'est subordonnée qu’à une seule question : le
plénipotentiaire était-il investi de pleins pouvoirs, oui, ou non ; ce
plénipotentiaire est-il sorti des pouvoirs qu'il avait ? C'est là la seule
question à examiner. Or, je dis que le plénipotentiaire, M. Van de Weyer, n’est
pas sorti de ses pouvoirs, n'a pas excédé ses instructions, en concluant la
convention du 17 mars 1841. Dès lors, la ratification était obligatoire.
M.
Rogier. - Et
la clause résolutoire ?
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - J'y viendrai. Je n'examine pas en ce moment la
clause résolutoire ; j'examine la question de la ratification. Cette
ratification était-elle due ? Je dis que oui. Le plénipotentiaire n'avait pas
excédé ses pouvoirs ; il s'était renfermé dans ses instructions ; dès lors il
y avait lieu de ratifier l'acte qu'il avait posé.
Messieurs,
tous les auteurs sont d'accord à cet égard. Je me bornerai à vous donner
lecture du commencement de l'article ratification qui se trouve dans le
répertoire de Merlin.
« Si
j'ai agi pour vous, dit-il, en vertu d'une procuration valable vous êtes obligé
comme si vous aviez agi vous-même ; il devient superflu que vous ratifiiez ce
que j'ai fait, pourvu que je n'aie point excédé le pouvoir que vous m'aviez
donné. »
La ratification
était donc devenue une obligation, dès qu'il était établi que le
plénipotentiaire n’était pas sorti de ses pouvoirs.
Je
sais qu'il y a des gouvernements qui, quoique ne pouvant se retrancher derrière
un excès de pouvoirs de leurs plénipotentiaires, ont jugé à propos de ne pas
ratifier les actes posés par ces derniers ; mais je dis que c'est là une
absence de bonne foi. Nous aurions sans doute pu ne pas ratifier l'acte, mais
le principe que je viens de développer ne restait pas moins vrai.
Messieurs,
le ministère précédent devait ratifier la convention, et il l'aurait ratifiée
s'il en eût eu le temps. Les délais expiraient le 28 avril ; le ministère s'est
retiré le 14 avril. S'il était resté quelques jours de plus en fonctions, il
eût ratifié l'acte. Cela résulte à l'évidence de la convention qu'il a conclue
le 3 avril avec des capitalistes d'Anvers, et qu'il a conclue sans réserve, ce
qui suppose la ratification.
Je
passe, messieurs, à la seconde question. Pouvait-on, le cas échéant, user de la
clause résolutoire ? Ici, messieurs, je conviens qu’en droit on pouvait en
user. On pouvait dire : le cas de la résolution est arrivé, et nous voulons
nous en prévaloir.
Mais,
eu égard aux circonstances, eu égard surtout à la position de l’une des parties,
le gouvernement belge, devait-on user de cette clause ? C'est là une question
que je livre à votre impartialité ; à votre équité.
D'abord,
messieurs, on se trompe sur la manière dont s'opère la résolution : lorsque la
clause résolutoire existe, vous n'êtes pas dispensé de vous produire en
justice. La partie adverse ayant invoqué les circonstances, vous auriez été
forcé de paraître devant les tribunaux anglais, et vous auriez été jugés
d'après les lois anglaises. Vous auriez donc eu un procès ; le gouvernement
belge aurait paru devant les tribunaux anglais pour faire constater les faits,
il est vrai, mais cette constatation aurait été accompagnée de circonstances
plus ou moins désagréables pour
Ainsi,
messieurs, la clause résolutoire n'opère pas tellement de plein droit qu'il
suffise à l'une des parties de déclarer qu'elle s'en prévaut ; si l'autre
partie juge convenable d'invoquer certaines circonstances, il faut que la
partie qui se prévaut de la clause paraisse devant les tribunaux. Il en est de
même dans notre pays.
Maintenant,
messieurs, la question est de savoir si la clause résolutoire stipulée dans
l'acte opère de plein droit au même point qu'elle opère en Belgique ; d'après
le code civil, cette question doit être jugée, en Angleterre, commercialement ;
d'après les principes de l'équité, j'ignore, et nul ne peut dire quel jugement
aurait été porté ; j'admets même que le gouvernement belge eût obtenu gain de
cause ; mais il aurait pu l’obtenir dans des termes tels qu'un gouvernement qui
se respecte n'aurait pas accepté un jugement de ce genre. Ainsi, messieurs, en
cas de refus de la part de la compagnie d'admettre l'exécution de la clause
résolutoire, un procès était inévitable, et un procès avec tous les débats
auxquels une semblable affaire devait donner lieu.
Je
crois, messieurs, en avoir assez dit pour rétablir les questions telles
qu'elles doivent être posées. Je n'ai pas décliné ma part de responsabilité,-
mais je n'entends pas qu'on se jette dans cet autre extrême, de faire retomber
sur moi toute la responsabilité. J'évite un autre extrême, et je me borne à
dire qu'ici la responsabilité est commune entre les deux ministères ; que la
part de l'un soit plus grande que la part de l'autre, c'est ce que je ne veux
pas examiner ; ce serait me livrer à des récriminations ; mais je persiste à
dire que la responsabilité est commune. Le ministère précédent se ferait une
position par trop facile ;
M. Vandenbossche. - Messieurs, membre de la section centrale chargée
de l'achat de
Une
question préalable à résoudre est, à mon avis, celle de savoir si le
ministère, par l'achat de
A
cet effet il s'agit d'examiner la loi, et de voir si elle autorisait le
gouvernement à commettre ces actes.
La
loi porte : Art. 1er : « Le gouvernement est autorisé à favoriser
l'établissement d'un service de bateaux à vapeur entre
Si
je ne consulte que la lettre de la loi, je me trouve déjà forcé de dénier au
gouvernement l'autorisation d'exploiter ce service par lui-même et pour le
compte de l'Etat. A mon avis le terme favoriser exclut toute idée
d'ériger par soi-même. Favoriser un
établissement et ériger soi-même l'établissement, sont à mes yeux deux
propositions contraires qui ne peuvent pas simultanément être vraies.
Si
je consulte l'esprit du législateur, il ne peut que me confirmer dans cette
première opinion. Dans l'exposé des motifs de la loi, le ministre dit :
« Nous venons donc, messieurs, vous demander les moyens d'établir entre
Il
y ajoute : « Toutefois, il ne s'agit pas de faire cette entreprise pour compte
direct de l’Etat. »
Il
en donne les motifs. « Quoi que bien éloignés, dit-il, d'admettre
l'incapacité du gouvernement en fait d'exploitation, il nous a paru qu'il y
avait des considérations de plus d'un genre, qui devaient engager à laisser
l'entreprise aux soins de l'intérêt particulier ; mais il a été reconnu que
les capitaux ne se rencontreraient pas sans le concours du gouvernement. »
Le
ministre a répété à la section centrale de 1840, les mêmes sentiments. « Il est
à remarquer, y a-t-il dit, que, si les avantages d'une entreprise aussi vaste
sont incontestables pour l'industrie, ils sont cependant chanceux pour ceux qui
la mettraient à exécution, et que ce n'est pas en Belgique que l'on peut
espérer la voir se réaliser sans le concours du gouvernement. Dès lors il ne
reste plus à examiner que le mode à préférer pour appliquer ce concours évidemment
nécessaire. »
« 1°
Prendre un intérêt dans l'entreprise ;
« 2°
Garantir l'intérêt, à un certain taux, du capital engagé ;
« 3°
Exécuter soi-même l'entreprise ;
« 4°
Garantir le remboursement de leur capital aux actionnaires sont les quatre
modes qui se présentent.
« Le
gouvernement les examinera soigneusement, et il ne préférera définitivement
l'un ou l'autre, qu'après les avoir mûrement examinés et appréciés. »
Vu
que parmi cette énumération des modes, il se trouvait en 3e ligne l'exploitation
directe par le gouvernement, un membre de la section centrale a voulu en
conclure que le ministre auteur de la loi avait voulu se réserver ce mode, et
que, par suite, le projet ayant été adopté tel qu'il avait été proposé, la loi, dans son esprit, autorisait le
gouvernement à exploiter le service directement pour le compte de l'État.
Ces
considérations, je n'ai pu les partager. Si le ministre avait pu nourrir la
pensée d'exécuter lui-même l'entreprise pour le compte de l'Etat, ce ne pouvait
être que moyennant de présenter à l'adoption de la chambre un tout autre projet
de loi ; c'est ce qu’il déclare lui-même immédiatement après : « Mais, on
le répète, dit-il, le 4e mode paraît, au premier aspect, le seul réalisable,
parce que l'on est porté, quant à présent du moins, à considérer les deux
premiers comme insuffisants, et le troisième comme trop onéreux et comme
trop difficile à réaliser par suite de ce qu'il exige des sacrifices immédiats
fort considérables ; et par suite de ce que, pour l'exécuter, il faut au gouvernement
tout un personnel administratif et actif fort difficile à réunir, et qui, à
l'expiration de l'entreprise, serait pour lui une source d'embarras.
« Il
est à remarquer encore que la période de 14 années a été adoptée dans la
prévision de la formation d'une société, et pour rendre la dépense moins
sensible an trésor en la répartissant sur plusieurs années. »
La
loi qu'on proposait était une loi de protection ; tandis que l'exploitation
directe par le gouvernement eût exigé une loi de monopole. Le sacrifice qu'on
demandait au pays était de 400,000 fr. par an ; suivant le ministre lui-même,
l'exploitation directe par le gouvernement demandait des sacrifices immédiats
beaucoup plus considérables ; de sorte que l'idée d'une exploitation directe
pour le compte de l'Etat ne pouvait jamais se mettre en rapport avec la loi du
29 juin 1840.
Si
on consulte le restant du rapport de la section centrale, si on consulte
ensuite la discussion de la loi, on, ne trouve nulle part qu'un membre
quelconque ait manifesté la pensée d'autoriser le gouvernement à organiser ce
service de navigation pour le compte de l'Etat.
Un
membre voulait même lui interdire jusqu'à une participation directe dans la
société qu'on se proposait d'établir. L'honorable M. Mast de Vries, disait :
« Dans tous les cas je refuserai mon vote au projet du gouvernement, s'il
est intéressé dans l'entreprise, c'est-à-dire, s'il devient actionnaire. Je
suis convaincu, dit-il, qu'une société fera beaucoup mieux ses affaires, si
elle les fait pour son compte seulement, que si le gouvernement y intervient. »
D'où
j'ai conclu que la lettre ainsi que l'esprit de la loi interdisaient au
gouvernement d'exécuter soi-même l'entreprise. Et par suite, j'ai négativement répondu
à la première question que la section centrale s'est posée, savoir : « Le
gouvernement avait-il, en vertu de la loi du 29 juin 1840, le pouvoir
d'exploiter le service de la navigation transatlantique, directement par
lui-même, et sans la participation d'une société quelconque ? Et je crois
encore devoir me tenir à ma première décision. »
La
section centrale a ensuite posé une seconde question, savoir : « Si le
gouvernement pouvait au moins intervenir dans la formation d'une société pour
le service de la navigation transatlantique et participer aux bénéfices et aux
pertes de l'entreprise, sous la condition que l'Etat ne serait pas engagé dans
les pertes au-delà de la moyenne fixée par l'article 2 de la loi
? »
Cette
question n'a pas rencontré d'opposition ; elle a été affirmativement résolue à
l'unanimité des membres, et je ne pense pas devoir en développer les motifs.
Une
troisième question, sur laquelle je n'ai pu me rallier à la majorité, a donné
lieu à de longues discussions au sein de la section centrale. C'est celle de
savoir si le gouvernement pouvait, pour favoriser l'établissement d'un service
de bateaux à vapeur entre
Avant
d'examiner cette question, il s'agit de bien se pénétrer du sens dans lequel
elle a été posée.
S'il
s'agissait d'un engagement conditionnel, d'engager, par exemple, les quatorze
annuités de 400,000 fr. à une société, laquelle, de son côté, se serait engagée
à continuer, pendant quatorze années, le service de la navigation, et sauf à
cesser les paiements au cas qu'elle cesserait le service, je ne pense pas que
la solution affirmative eût pu souffrir le moindre doute ou la moindre difficulté.
Mais
tel n'est pas le sens. Il s'agit de savoir si le gouvernement était autorisé à
engager, par anticipation et définitivement, toutes les annuités des quatorze
années, représentant une somme de 5,600,000 fr., sans être assuré que le
service de la navigation se trouverait continué pendant le même terme d'années
; de manière, enfin, que le service de navigation aurait pu cesser et se
trouver abandonné la troisième ou la quatrième année de son institution, et
que, ce nonobstant, le trésor de l'Etat se trouverait obligé à payer les
400,000 fr. par an, pendant toutes les années subséquentes, jusques et y
compris la quatorzième, ensemble la somme de 5,600,000 fr. Voilà le sens que la
section centrale a attaché à la question.
La
question ainsi entendue, quelle doit être sa solution ?
L'art.
2, qui traite des sacrifices que la législature a bien voulu y consacrer, doit
la résoudre. Il porte :
« La
dépense à supporter de ce chef par le trésor public ne pourra excéder une somme
moyenne de 400,000 fr. par an, pendant 14 années. »
Cet
article, au premier aperçu, ne me paraît pas susceptible de doute sur sa
portée. Il détermine un sacrifice annuel pour favoriser un service de bateaux à
vapeur entre
Mes
honorables collègues de la section centrale ne l'ont point envisagé d'un même
œil. L'article autorisant une dépense de 400,000 fr. par an, pendant 14 armées,
ils y ont trouvé l'équivalent d'une dépense de 5,600,000 fr. répartis en
14 annuités ; les termes de somme moyenne dont le législateur s'est
servi, dans l'art. 2, semblent leur avoir donné un gros argument pour appuyer
cette interprétation. Un membre soutenait qu'en matière de commerce les
expressions de somme moyenne autorisaient de disposer, par anticipation,
de toutes les annuités, sauf à en modérer les termes de paiements. Arrivés
ainsi à reconnaître au gouvernement l'autorisation de par la loi, d’engager
directement toutes les annuités, soit la somme de 5,600,000 fr., j'ai demandé
si au moins, dans cette hypothèse, le gouvernement ne devait pas assurer au
pays, que l’établissement et le service de la navigation auraient continué à exister
pendant tout le terme des 14 années ; et on m'a répondu que non, attendu que
l'art. 1er n'avait pas stipule de terme de durée à l'établissement du service.
Ces
arguments n'ont point ébranlé mes primitives convictions. Je persiste à croire
que le législateur n'a voulu autoriser qu'une dépense de 400,000 fr. par an,
pendant 14 années, mais que par cette disposition, il n’a jamais entendu ni pu
entendre d’autoriser une dépense de 5,600,000 fr. répartis en 14 annuités, et
ici les termes de somme moyenne ont produit sur mon esprit un tout autre
effet ; ils viennent, à mon avis, appuyer mon opinion ; en effet, en vertu de
la loi, le ministre se trouvait autorisé à porter au budget pendant 14 années
consécutives un crédit de 400,000 fr., affecté à favoriser la navigation
transatlantique. Or je supposé que le ministre eût directement et
irrévocablement engagé les 5,600,000 fr. ou la
totalité des 14 années (comme mes adversaires veulent bien lui en reconnaître
le pouvoir :) à quoi, dans cette hypothèse auraient servi les termes de somme
moyenne. Ces termes signifient, de l'aveu de tout le monde, que les
dépenses annuelles ne doivent pas être strictement uniformes, de manière que si
l'une année, on a dépensé moins, on peut dépenser d'avantage l'autre. Or, à
quoi servirait de payer tantôt plus, tantôt moins et de ne point payer
annuellement toute la somme, si, dès le principe, les 14 annuités se trouvaient
irrévocablement engagées ? Dans ce cas les termes de somme moyenne devenaient
évidemment sans but et sans cause.
Le
but de la loi du 29 juin était d'engager une société particulière à établir,
entre
Quant
à l'article 1er, on a soutenu que le service de la navigation ne devait pas
avoir la même durée que les sacrifices que la législature y a consacrés, par la
raison que l'art. 1er n'avait pas déterminé le nombre d'années que
l'établissement devait subsister.
Mais l'établissement d'un service
de bateaux à vapeur était conçue pour une durée indéfinie, l'article ne pouvait
donc lui en assigner. En accordant un secours annuel pendant 14 années, le
législateur n'a entendu le secourir que pendant les 14 premières années de son
existence ; après ce terme, on était en droit de croire que l'établissement
pourrait se suffire à lui-même et n'aurait plus besoin du secours du
gouvernement. L'argument tiré de l'absence d'un terme de durée dans l'art. 1er
n'a donc également pu exercer sur mon esprit la moindre influence.
Les
discussions, au surplus, viennent partout confirmer mon opinion. A la chambre,
sur l'interpellation de M. Rodenbach, le ministre a dit : « Pour répondre
à l'interpellation de l'honorable membre, je dirai, messieurs, comme je l'ai
déjà déclaré à la section centrale, que le gouvernement se réserve
expressément de stipuler dans l'acte constitutif de la société, quelle
qu'elle soit, qui entreprendra le service de bateaux à vapeur, le droit de
dissoudre la société, et par conséquent de faire cesser le sacrifice que la
nation s'impose dans l'intérêt du commerce et de l'industrie, alors que les
résultats ne répondraient pas à notre attente et qu'une partie du fonds social,
par exemple, les deux tiers ou la moitié seraient absorbés, sans que
l'entreprise pût assurer au pays les avantages que s'en est promis le
gouvernement ainsi que la plupart des chambres de commerce.»
Le
même ministre avait dit encore : « Quelle que soit la société avec
laquelle le gouvernement contracte, il prendra toutes les mesures pour
n'engager, quoiqu'il arrive, que 400,000 francs par an. Le gouvernement ne
peut, sans se compromettre, dépasser le chiffre accordé par la loi. »
Ces déclarations, le rapport de la section
centrale ne peut que les appuyer, et on ne trouve nulle part qu'un membre
quelconque ait voulu donner une autre portée à la loi.
Quelle
que soit la société, le ministre se réserve le droit de la dissoudre et de
faire cesser le sacrifice ; évidemment donc il ne peut engager au-delà de
l'exercice présent, car il serait faux de dire qu'il se réserve le droit de
faire cesser les sacrifices, lorsqu'il les aurait anticipativement engagés. -
D'ailleurs le ministre déclare à un autre endroit que, quoi qu'il arrive, il
n’engagera que 400,000 francs par an et il ajoute que ce serait se
compromettre que de dépasser ce chiffre.
Tous
ces motifs m'ont engage à répondre négativement à la 3° question posée.
Une
4° question fut posée comme suit :
« Le
gouvernement a-t-il eu le pouvoir d'acquérir les deux navires, dont il s'agit,
pour les mettre à la disposition d'une société ayant pour objet l'exploitation
d'un service de navigation transatlantique ? »
Les
mêmes motifs m'ont entraîné à donner à cette question une réponse également
négative.
Une
5° question était celle-ci : « Le mode de payement tel qu'il a été stipulé
dans la convention du 17 mars est-il légal, dans le sens de la loi du 29 juin
1840 ? »
Ce
mode chargeait la dépense annuelle accordée par la législature, d'un service
d'intérêts. Or, comme j'ai établi que le ministre ne pouvait pas engager les
400,000 francs pour les exercices futurs, j’ai du nécessairement en conclure
qu'il ne pouvait pas les charger d'un service d'intérêts. J'y ai donc aussi
répondu non.
Une
7° question : « Le gouvernement a-t-il outrepassé les pouvoirs que lui
donnait la loi du 29 juin 1840, par la convention conclue avec la société Calcaux-Wattel et consorts, le 3 avril 1841 ? »
Cette
convention se trouvant liée avec l'acquisition des deux steamers, j'ai répondu
oui, sans entrer dans le mérite de la convention en elle-même.
On
a encore posé une autre question relative au cabinet précédent : c'est celle-ci
: « Peut-on considérer comme des actes de bonne administration le contrat
d'acquisition du 17 mars, et la convention conclue avec MM. Cateaux-Wattel
et consorts, du 3 avril, en supposant que le gouvernement eût eu le droit de
conclure valablement ces actes ? »
Si
le ministre avait agi dans le cercle de ses pouvoirs, si par conséquent il
avait pu obliger le trésor public a en supporter les conséquences, et s'il
avait définitivement acquis les deux steamers, j'aurais dû désapprouver sa
conduite, car l'acquisition, à mes yeux, ne pouvait jamais être que désastreuse
pour le pays. La question posée dans cette hypothèse, j'ai, de concert avec les
autres membres de la section centrale, dit : non, on ne peut point les
considérer comme des actes de bonne administration.
Personnellement,
toutefois, la conduite du cabinet précédent au sujet qui nous occupe, me
paraissait entièrement indifférente, vu que nous n'avions pas à prononcer sur
ces actes.
Je tiens
pour principe que la loi n'avait pas autorisé le ministre à acquérir ces deux
steamers ni à contracter une convention où ses deux bateaux se trouvaient liés,
par conséquent qu'il n'avait pas pu obliger l'État par ces actes. Si donc le
ministère précédent était reste au pouvoir, si le Président n'avait pas péri, et si le ministre eût
définitivement approuvé l'achat, comme représentant de la nation, je n'y serais
en aucune manière intervenu et je les aurais laissés directement pour son
compte.
Au
reste le Président a péri, les conventions du 17 mars et du 3 avril sont
venues à tomber ; nous n'avons donc plus à y prononcer, et par suite je ne
crois pas devoir m'en occuper davantage.
C'est
l'affaire de
Cet
examen a donné lieu à une première question, savoir : « Le gouvernement
a-t-il eu le pouvoir, en exécution de la loi du 29 juin 1840, d'acquérir
Conséquent
avec mes principes que j'ai longuement développés, et que je crois avoir irréfragablement établis, savoir que le gouvernement,
d'après la loi, ne pouvait définitivement engager par anticipation ni toutes
les annuités, ni même une seule, j'ai dû répondre non à la question posée.
On
a posé ensuite la question de savoir : Si
dans les circonstances où se trouvait
le cabinet actuel, il y avait, pour lui obligation morale de prendre
livraison de
Cette
question doit nécessairement se résoudre par les stipulations de la convention
du 17 mars, et par les instructions que le cabinet précédent avait données à
son ambassadeur à ce sujet.
La
stipulation du contrat provisoire qui y a rapport porte : « Est-il par
ces présentes de plus convenu que, dans le cas où l'un ou l'autre desdits
bateaux à vapeur ne soit pas de retour au port de Londres ou de Liverpool avant
ledit 24 mai prochain, ou bien dans le cas où l'un ou l'autre desdits bateaux à
vapeur fera naufrage dans l'intervalle d'ici au 24 mai, ou subira des avaries
importantes, telles qu'elles ne sauraient être réparées, afin que ledit bateau
soit dans l'état ci-dessus stipulé pour être livré le 24 mai, ou dans le délai
d'un mois à partir dudit jour, suivant les stipulations de ce contrat ci-dessus
mentionnées, alors il sera licite et permis audit sieur Van de Weyer (mais
toutefois, ledit sieur Van de Weyer n'y sera pas obligé) de prendre et accepter
l'autre desdits bateaux à vapeur, à raison du prix de 71,700 1iv. st. payable en obligations du gouvernement belge,
comme ci-dessus spécifiées aux termes (excepté seulement en ce qui regarde le
prix) et conditions ci-dessus déclarés touchant celui des deux bateaux à vapeur
avec ses accessoires, qui sera ainsi pris et accepté, comme ci-dessus
dernièrement mentionné. »
C'est
dans ce passage du contrat que le gouvernement dit avoir trouvé un marché
quant à
J'ai
beau lire et relire le passage et tout le contrat, vainement j'y cherche le
marché que le nouveau cabinet a cru y trouver. Si d'ailleurs j'examine les
instructions du 9 février (et je ne trouve pas que M. Van de Weyer en ait reçu
d'autres du cabinet précédent), vainement j'y cherche que le ministre eût
jamais donné l'ordre ou insinué la pensée de faire stipuler la réserve de
pouvoir prendre et accepter un seul des deux spécimens au cas que l'un ou
l'autre serait venu à périr ou à subir des avaries importantes. Je ne trouve
donc dans aucun acte posé ou passé sous le cabinet précédent, une obligation
morale ni même une simple convenance pour le cabinet actuel d'acquérir ou de
prendre livraison de
Ici
je me suis trouvé seul de mon opinion, à la section centrale.
Le contrat
du 17 mars, a-t-on dit, avait
été indirectement ratifie par l'ancien cabinet. Cette circonstance, quoique
délicate, je l'avoue, n'était pas, à mes yeux, pour le cabinet actuel, un motif
suffisant pour définitivement le ratifier sans aucun examen préalable. Rien
ne prouve, dit-on encore, que notre ministre plénipotentiaire se soit
écarté des instructions qu'il avait reçues. Mais quant aux réservés
stipulées, rien aussi ne prouve qu'il s'y est
conformé. On veut alléguer
pour preuve que son rapport du 23 mars n'a été l'objet d'aucune
réclamation. Mais ces réserves ne compromettaient en aucune manière le
gouvernement, et ainsi, quoiqu'elles eussent été faites à l’insu du
gouvernement et contre sa volonté, elles ne pouvaient pas devenir l’objet d’une
réclamation. La ratification, par le cabinet actuel, dit-on ensuite, n'était
donc plus qu'une simple formalité, qu'il ne pouvait s'empêcher de remplir sans
violer les usages reçus, sans blesser les convenances internationales. La
ratification était stipulée comme faisant partie intégrante du contrat, le
cabinet précédent ne l'avait pas donné, le cabinet actuel pouvait donc la
refuser.
La non-ratification, dit-on
encore, eût été un caprice indigne
d'un gouvernement qui tient à se faire respecter, un désaveu injustifiable en
droit et en fait de la conduite de notre ambassadeur, une dérision à l'égard de
l'amirauté anglaise... Moi, j'envisage les devoirs du gouvernement d'une
manière tout à fait opposée. C'est la ratification qui, à mes yeux, est un
caprice indigne d’un gouvernement qui tient a se faire respecter., C'est notre
ambassadeur qui paraît avoir insidieusement engagé le gouvernement précédent à
acquérir les steamers ; dès lors il eût été de la dignité du gouvernement
actuel de le désavouer, de le rappeler même, s'il le fallait, plutôt que de
ratifier un achat si généralement désapprouvé, non pas du chef de mauvaise
construction, mais notamment du chef de la monstrueuse grandeur de ces deux
bâtiments. Et en tout cela je ne trouvais aucune dérision à l'égard de l'amirauté
anglaise.
Mais
tout ceci ne doit plus nous occuper, depuis la perte du Président. Pour appuyer l'acquisition de
La
société anglo-américaine était légalement liée, dit-on, et ne pouvait disposer
du navire restant avant que le gouvernement belge eût pris une détermination.
Le gouvernement belge de son côté, était moralement tenu d'expliquer et
d'exécuter la clause d'une manière loyale et rationnelle. Mais le gouvernement belge
serait resté dans les termes de la loyauté et de la raison en refusant le
navire. Tout ce que la loyauté exigeait, c'est qu'il ne fît point, pendant des
semaines sur semaines, attendre sa réponse.
Dans
l'incertitude, dit-on encore, la société anglo-américaine avait naturellement
renoncé à tous les frais pour
Je
ne crois pas devoir donner de ma réponse négative de plus amples explications
pour l'appuyer ; s'il reste encore un doute, qu'on lise le passage du contrat
du 17 mars qui traite de l'objet, et notamment le nouveau contrat fait le 28
avril 1841 sous le cabinet actuel.
Justifier
l'acquisition de
Toutefois,
j'attendrai de me prononcer sur ce point, ainsi que sur l’emploi qu’il
conviendrait de faire de
M. Vandensteen. - Messieurs, la question qui nous occupe est d'un haut
enseignement, en ce qu'elle nous montre comment on peut, par l'interprétation
forcée d'une loi, venir violenter l'opinion de la législature et entraîner le
pays dans un système de dépense qui, dans la suite, peut lui devenir très
funeste
Nous
ne devons pas nous y tromper, messieurs ; toute cette question doit se résumer
dans un vote d'une loi qui, si elle était admise, comme vous le propose la
section centrale, pourrait entraîner la chambre au-delà de sa volonté ?
On
a parlé beaucoup dans cette enceinte et hors de cette enceinte de la question
de
Le
marché est conclu, le prix du navire est payé, ce sont des faits accomplis,
vous dit-elle. Aussi dans son opinion la chambre ne doit s'occuper que d'une
chose, c'est d'aviser au moyen d'utiliser
Vous
le voyez donc, messieurs, de l'aveu même de la section centrale, vous devez
accepter les faits malgré vous, forcément, quelque désastreux qu'ils puissent
être ; aussi, la section voyant l'impossibilité où l'on se trouve placé de
rompre le marché, vous propose une loi qui accorderait l'exploitation directe à
l'Etat.
On
vous demande aujourd’hui l'exécution d'un système qui avait été jugé
impraticable, et par la chambre et par le gouvernement lui-même. Etait-ce bien
là ce qu'on avait voulu en votant la loi du 29 juin 1840 ?
Evidemment
non.
Le
ministère, auteur du projet, le désirait-il ? Je ne le pense pas : car que
lisons-nous dans l'exposé qui accompagne le projet de loi ? Toutefois, vous dit
le gouvernement, « il ne s'agit pas de faire cette entreprise pour compte
direct de l'Etat : quoique bien éloigné d'admettre l'incapacité du gouvernement
en fait d'exploitation, il nous a paru qu’il y avait des considérations de plus
d un genre, qui devaient engager à laisser l’entreprise aux soins de l’intérêt
particulier. Mais il a été reconnu que les capitaux ne se rencontreraient pas
sans le secours du gouvernement. »
Si
nous nous reportons au sein de cette chambre, lors de la discussion de la loi,
rencontrons-nous un autre langage ? loin de là.
« Maintenant
que vous êtes fixés, vous dit M. le ministre, sur la somme nécessaire pour
l'exploitation sérieuse et durable, il y a plusieurs modes d'exploiter et d'organiser
le service. Le premier mode, ce serait l'exploitation directe par le
gouvernement : mais en supposant que le pays voulût s'imposer d'un seul
trait une dépense aussi forte, en supposant que vous voulussiez établir en
Amérique et dans ce pays tout le personnel convenable, il y a un élément qui
manque au gouvernement, c'est l'élément commercial. Il ne s'agit pas
ici, comme pour le chemin de fer, de créer simplement la voie de communication,
de créer des bureaux, il faut encore savoir où créer des relations de commerce
qui mettent la société en rapport avec les principaux établissements de
l'Amérique et de l'Europe. Le gouvernement ne possède pas ces éléments. Il faut
donc que ce soient des négociants qui soient à la tête de ces établissements
pour les faire prospérer. »
Telles
sont les paroles prononcées par M. le ministre.
Si
l'on voulait lire les discours prononcés par les différents membres de cette
chambre qui ont pris la parole à cette occasion, on trouverait la même pensée.
Vous
voyez donc, messieurs, qu'alors ni le gouvernement ni la chambre ne supposèrent
la possibilité d'organiser ce service pour compte direct de l'Etat, qu'un tel
système était jugé inadmissible, peut-être même dangereux.
Comment
se fait-il donc que, quelques mois après le vote de la loi, qui condamnait un
tel système, on soit amené à demander votre concours pour autoriser l'exécution
de ce même système, qui devait, de l'aveu du gouvernement imposer une
dépense si forte et pour la réussite duquel une des conditions essentielles
manquait, l'élément commercial.
Toutes
ces causes inadmissibles alors sont-elles disparues ? la
position de la question est-elle changée ? le but que
l'on se propose est-il tout autre ? Evidemment non.
Deux
causes, suivant moi, ont produit ce résultat. La première trouve sa source dans
le peu d'étude qu'avait subi le projet lors de sa présentation à la
législature. Cela est si vrai, messieurs, que telle a été l'opinion de
plusieurs de nos honorables collègues, lors de la discussion de la loi.
Qu'il
me soit permis, à ce sujet, de vous citer un passage fort remarquable du
discours de l'honorable M. Milcamps.
Il
avait fait partie de la section centrale ; voici comment il s'exprimait :
« Après
avoir lu l'exposé des motifs, les avis des chambres de commerce, assisté à
toutes les discussions de la section centrale, entendu les explications de M.
le ministre, je ne me suis pas trouve en état de voter dans le sein de cette
section. Depuis j'ai vu le rapport de la section centrale, les pétitions et les
journaux, et tout me paraît encore dans le vague : propositions vagues,
promesses brillantes, discours vagues, raisonnements vagues, rien de fixé, de
déterminé : et il ne pourrait en être autrement puisque nous manquons
d'éléments. Je regrette, ajoute M. Milcamps, la précipitation que nous mettons
dans l'examen de cette entreprise. Il importait que la chambre connût la
pensée du gouvernement sur la direction à y donner, la manière de l'exécuter… »
L'honorable
M. Dumortier, dans une séance suivante, vous faisant part de son opinion à cet
égard, vous disait : « J'ai eu l'honneur de faire remarquer à l'assemblée
que le projet qui nous occupe ne me paraît pas avoir été élaboré avec toute la
maturité possible. M. le ministre des affaires étrangères a contesté cette
assertion ; cependant je n'ai parlé de la sorte, que d'après les déclarations
de M. le ministre de l'intérieur. »
Croyez-vous,
messieurs, que ces honorables membres étaient si éloignés de la vérité,
lorsqu'ils vous disaient que le projet n'avait point été assez élaboré, et que
la chambre, dans un désir louable, il est vrai, de faire quelque chose d'utile
pour le commerce, avait mis un peu de précipitation dans l'examen de cette
question ?
Les
faits se sont-ils accomplis, les prévisions de l'honorable M. Milcamps se
sont-elles réalisées ? Je livre ces faits à l'appréciation de la chambre. La
seconde cause, qui a amené la position dans laquelle nous nous trouvons, est
que, selon moi, on a voulu attribuer à la faveur que la loi accordait à
l'établissement d'une navigation transatlantique une tout autre portée que
celle qui devait lui être donnée suivant l'intention de la chambre. Je viens de
vous démontrer par les paroles mêmes du ministre de l'intérieur qu'en
employant le mot favoriser on l'a fait à dessein et par opposition au
mot créer.
Evidemment
la position est différente, pour celui qui contracte l'engagement, de créer une
société, ou de celui qui s'engage seulement à favoriser. L'un court les
chances heureuses ou malheureuses de son entreprise : l'autre, au contraire,
n'est engagé que dans les limites de la protection qu'il entend accorder.
Aussi, je vous l'avoue, je crois que la chambre, en écartant l'amendement de la
section centrale, qui fixait si nettement la position du gouvernement dans ses
rapports avec la société qui aurait eu l'exploitation, a eu plutôt l'intention
d'écarter les chiffres de 200,000 fr., que le rejet du système de simple
subside.
Je
suis d'autant plus fortifié dans cette opinion, lorsque je me reporte au
discours prononcé par M. le ministre. Voici ses paroles. « Si je ne puis
me rallier à la proposition de la section centrale, je ne m'en félicite pas
moins pour mon pays, de ce que cette section centrale ait cru devoir, après un
mûr examen, adopter le principe du gouvernement et vous en proposer
l'adoption, sauf une modification dans le chiffre nécessaire pour
subsidier la société qui se chargeait de l'exploitation. Tout en contestant
le chiffre du gouvernement, on reconnaît donc l'utilité d'un service des
bateaux à vapeur transatlantique. » Dès le principe de son discours M. le
ministre s'attache beaucoup plus à réfuter le chiffre de 200,000 fr. proposé
par la section que le système en lui-même. L'amendement de la section centrale
n'ayant été examiné que sous un seul point de vue, il en est résulté que les
partisans du système de navigation transatlantique, dans la crainte de ne pas
voir le projet de loi se réaliser, ont écarté la proposition de la section
centrale, la somme de 200,000 fr. répartie sur vingt exercices leur paraissant
insuffisante.
Qu'est-il
arrivé de ce vote ? qu'on a fait une loi qui ne
définit plus quel est le degré de faveur que le gouvernement doit accorder à la
société exploitante.
Ceci
est si vrai que votre section centrale, du moment où elle veut mettre en
rapport l'article 2 de la loi avec l'article 1er, ne peut le faire
et se voit obligée de vous détailler fort longuement les différents systèmes
d'interprétation qui ont été produits par les membres qui composent la section
centrale. Ce résultat se reproduira toutes les fois qu'on voudra en arriver à
l'application de la loi telle qu'elle existe aujourd'hui,
L'on
ne sortira de cette difficulté que lorsqu'on aura défini d'une manière nette et
précise quelle doit être la position du gouvernement vis-à-vis de la société
qui se chargera de l'exploitation.
C'est
ce que la section avait bien compris, en disant que le gouvernement ne pourrait
intervenir que par mode de subside.
Cette
difficulté d'application est si réelle que, dans l'espèce on a dû, pour
satisfaire au contrat, passé le 17 mars 1841, adopter un mode de paiement
irrégulier et violer de la manière la plus flagrante de la loi financière de
1830.
Sans
avoir voulu passer en revue les différents actes qui ont précédé le contrat
d’acquisition, j’ai cru qu’il était utile de signaler quelles avaient été,
suivant moi, les causes qui avaient pu conduire les résultats que nous
connaissons. L'une vient du peu d'étude qu'avait subi le projet, l'autre, de ce
qu'on a perdu de vue les engagements pris dans cette chambre lors de la
présentation du projet de loi,
Deux
autres points de la question pourraient encore être traités avec fruit, pour
l'avenir. Je me bornerai simplement à les indiquer.
Le
premier est relatif à la faute qu'on a commise en ne consultant pas la
législature dans une question qui présentait du doute, dès que le doute
existait, et ce fait ne peut être nié.
On
devait consulter la chambre qui, se trouvant réunie à cette époque, pouvait
exprimer sa pensée sur l'interprétation qu'il convenait de donner à la loi. Elle
jugeait l'état de la question, se prononçait en connaissance de cause, et non
pas en présence de faits accomplis en dehors de sa volonté, comme elle est
forcée de le faire aujourd'hui.
L'autre,
d'avoir voulu donner un caractère diplomatique à une simple négociation
commerciale qui pouvait très bien se traiter par l'intermédiaire d'agents
envoyés ad hoc.
Il
y a dans ce fait une faute capitale. Je suis loin de dire que l'on ne peut
utiliser nos agents à l'étranger dans ces sortes de négociations, pour obtenir
les renseignements jugés nécessaires. Telle n'est pas ma pensée : mais autre
chose est de prendre leur avis ou de les faire intervenir au nom du pays dans
de semblables actes. Sous ce point de vue, le cabinet a commis une faute, car
en dernière analyse que sont les résultats pour le pays de ces négociations
dirigées de si haut ? La section centrale vous le dit : « C'est d'avoir
exercé une violence morale sur l'esprit du gouvernement. » Sommes-nous
donc obligés d'accepter les faits tels qu'ils sont ?
Le
cabinet vient exposer à la législature l'état de la question, et vous dit :
Voilà ce qui s'est passé, voici ce que j'ai fait : Jugez.
De
tout ce raisonnement qu'en résulte-t-il ? C'est que le pays seul se trouve
victime de cette manière d'agir.
J'arrive,
messieurs, à la proposition de la section centrale, qui consiste à accorder
pour une année au gouvernement l'exploitation de
Le
raisonnement le plus fort qu'elle vous présente est celui qui consiste à dire que
puisque le navire a coûte près de 2,000,000 fr., que
le prix en est payé, il faut accorder encore 250,000 fr. au gouvernement pour
le mettre à même d'utiliser ce navire.
Ces
motifs ne me paraissent point très concluants, je vous l'avoue.
Et
qui vous dit que l'année prochaine, avant peut-être, le gouvernement ne viendra
vous tenir le même langage ? Une telle manière d’agir me paraîtrait d'autant
plus rationnelle alors, que vous auriez majoré cette année d'une somme de
250,000 francs, celle de 2,000,000 fr.
Ce
n'est qu'un essai, vous dit-on. J'admets que ce ne soit qu'un essai.
Mais
croyez-vous que cet essai ne tuera pas notre navigation, bien loin de la
favoriser ? Evidemment si l'essai est malheureux, vous ne trouverez pas une
société qui se hasardera à pareille entreprise. Que devient alors la promesse
de M. le ministre, qui consiste à faire après l'essai un nouvel appel aux
capitalistes pour l'exploitation par l'intermédiaire d'une société ?
Cette
promesse deviendra par la force des choses illusoire. Que devient alors votre
navigation ?
Votre
section centrale elle-même condamne d'une manière péremptoire le système
d'exploitation pour le compte de l'Etat. Quand il s'agit de discuter vous
dit-elle : « Les principes de la loi du 29 juin, le gouvernement lui-même
a reconnu qu'il existe en pratique des obstacles sérieux à l'exploitation
directe par l'Etat. Or, de la manière dont le service est projeté, il se fera
par le gouvernement et pour son compte direct. La section centrale ne saurait
approuver au point de vue administratif, ce mode d'exploitation qu'elle a déjà
eu occasion de condamner sous le rapport de la légalité. Elle croit qu'il n'est
ni prudent ni avantageux que l’Etat se fasse armateur, elle désire que la
position du gouvernement soit changée, et qu'il soit fait un appel à des
sociétés qui se chargeraient à forfait et à l’aide d'un certain subside de
l'exploitation du service de navigation transatlantique. »
Il
n'est ni prudent ni avantageux pour l'Etat qu'il se fasse armateur. Voilà l'opinion de votre
section centrale, et malgré cette profonde conviction, elle vient proposer
l'adoption d'un projet qui donne pour un an la direction de cette exploitation
au gouvernement.
Quant
à moi, messieurs, je suis de l'opinion de ceux qui pensent que l'essai ne doit
point être tenté par le gouvernement ; car,comme je
vous l'ai dit, il sera impossible plus tard de trouver une société qui veuille
continuer un service que l'Etat aura dû abandonner comme étant reconnu trop
onéreux. Dans mon opinion, je crois servir d'une manière beaucoup plus certaine
les intérêts du commerce de mon pays, en engageant la chambre à résoudre la
question en ces termes, qui ne sont, du reste, que la reproduction de l'opinion
formulée par votre section centrale.
La
chambre croyant qu'il n'est ni prudent ni avantageux que l'Etat se charge pour
son compte de l'exploitation du service des bateaux à vapeur transatlantique,
entend qu'il soit fait un appel à des sociétés, qui se chargeraient à forfait
et à l'aide d'un certain subside de l'exploitation.
Quant
à l'usage qu'il convient de faire du navire British-Queen, si le
gouvernement ne peut le faire accepter, pour la somme qu'il croira convenable,
par la société exploitante, la chambre veut qu'il soit vendu.
En
procédant autrement, nous pouvons nous engager dans une voie qui finira par
être très préjudiciable aux intérêts du trésor. Car aujourd'hui on nous demande
250,000 fr. pour un essai. Quelles seront les propositions qui vous seront
faites dans un an par le gouvernement ? Je l'ignore.
Si
nous autorisons aujourd'hui un essai, nous prenons un engagement pour la suite.
Quant
à moi, je ne puis me rallier à la proposition de votre section centrale, qui
accorde au gouvernement l'exploitation directe.
Pour ce qui est de la question de légalité, j'attendrai les
propositions qui seront faites.
M.
Rogier. - Au
mois de juin de 1840, la chambre des représentants adopta, à la majorité de 52
voix contre 10, une loi qui avait pour but de favoriser l'établissement d'un
service de bateaux à vapeur entre
Voilà,
messieurs, quelles étaient les idées qui dominaient les auteurs de la loi du
mois de juin. Ces principes furent admis par les chambres, et telle était
l'opinion favorable qui accueillit une semblable entreprise, que cette année
encore, tout récemment et malgré l'espèce de défaveur dont on a cherché à
entourer depuis l'exploitation des bateaux à vapeur transatlantiques, malgré
les préventions de toute espèce qu'on a répandues sur la loi et sur la manière
dont elle a été exécutée, malgré tous ces obstacles, la chambre n'a pas hésité
à voter un crédit pour donner en quelque sorte des embranchements au système.
Ainsi,
messieurs, au budget de l'intérieur de cette année vous avez voté une somme de
100,000 francs pour favoriser, non plus cette fois l'établissement d'une
navigation transatlantique à la vapeur, mais une navigation continentale. Vous
reconnaissiez vous-mêmes à tel point l'utilité du principe dont il s'agit, que
déjà, un peu prématurément suivant moi, vous avez voulu en développer les
conséquences.
Pour
établir d'une manière efficace et vraiment utile la navigation
transatlantique, deux bateaux, au moins, étaient nécessaires ; pour favoriser
l'établissement de cette navigation au moyen de deux bateaux à vapeur, la
chambre ne craignit pas d'imposer à l'Etat une charge de 5,600,000
francs, à répartir sur 14 années.
Aujourd'hui,on vient proposer de continuer la navigation
transatlantique, non plus à l'aide de deux bateaux à vapeur, mais à l'aide d’un
seul bateau, et l'on propose de réduire la dépense de 5,600,000 fr. à la moitié
de cette somme à peu près. Au prestige dont on avait entouré la loi du 29 juin
1840, on vient substituer les récriminations, les préventions, les calomnies de
toute espèce. La section centrale elle-même, tout en faisant cette proposition,
la motive de la manière suivante :
«
Est-ce à dire que la section centrale ait foi dans l'avenir immédiat du service
de navigation qu'il s'agit d'organiser, et qu'elle en espère d'éclatants succès
? Non ; lors des premiers voyages surtout, on doit s'attendre à des résultats
peu favorables. D'abord, le transport des lettres et dépêches, dont le produit
est si important pour les steamers anglais, sera à peu près nul pour
notre navire. - Le transport des passagers, du moins au début de l'entreprise,
sera peu productif aussi, parce que nous avons eu, jusqu'à ce jour, peu de
relations avec l’Amérique du Nord. Ensuite, les voyageurs de première classe,
surtout, aimeront mieux s'embarquer en Angleterre que de s'exposer aux dangers de la
navigation dans le Pas-de-Calais et dans
Voilà,
messieurs, par quelles idées la section centrale est dominée, quels
encouragements elle présente aux essais qu'elle propose de faire. Je ne sais
si cette opinion a été inspirée à la section centrale, ou si la section
centrale l'a puisée dans ses propres lumières, mais ne devrait-on pas
s'étonner de la retrouver dans le discours d'un honorable préopinant qui aime à
se poser comme le représentant du commerce anversois ? Voici, messieurs,
entre autres paroles singulièrement favorables à l'entreprise, ce qu'a dit
l'honorable M. Osy sur la navigation transatlantique par l'Escaut.
« L'homme
expérimenté que j'ai consulté m'a encore observé qu'il y a une grande
différence de navigation, toutes choses d'ailleurs égales, entre Liverpool et
New-York et entre Anvers et New-York.
«
En sortant de Liverpool, la traversée de l'Atlantique commence, et il suffit de
suivre, autant que possible, la ligne des vents réguliers des diverses époques
de l'année, pour tirer le meilleur parti des machines et de la voilure. Il
n'en est pas de même pour la navigation de
Voilà,
messieurs, de quelle manière on recommande déjà l'entreprise. Je sais fort bien
que ceux qui la recommandent de cette manière-là n'en veulent pas du tout ; je
sais fort bien que s'ils l'avaient faite eux-mêmes, ils auraient vu
disparaître tous les obstacles ; mais comme l'entreprise ne se fait pas par
eux, il y a des bancs de sable de tous côtés, la navigation devient
impraticable.
Messieurs,
on cherche en vain les motifs de ce revirement dans l'opinion, par quelles
circonstances une loi qui était d'une haute utilité, au mois de juin 1840,
deviendrait aujourd’hui une détestable spéculation ; que s'est-il donc passé
depuis le mois de juin 1840 ? Deux cabinets ont pris part à l'exécution de la
loi ; l'un, c'était celui dont j'avais l'honneur de faire partie, a cherché à
faire exécuter la loi au moyen de deux navires qui devaient être mis à la disposition
d'une société d'Anvers. Ce cabinet s'est retiré sans rien conclure ; il a
laissé la loi intacte, le crédit intact, le principe intact ; l'autre a fait
l'acquisition d'un navire qu'il a cru devoir payer comptant, et parce qu'un
ministère a cru devoir faire cette acquisition, toute l'entreprise est devenue
détestable, c'est la perte, la ruine du pays, une véritable duperie, de telle
manière que si rien n'avait été fait, aucun acte posé par le cabinet actuel,
les motifs de réprobation viendraient tout aussi à propos que maintenant ; car,
enfin, ce n'est pas parce que le ministère actuel a fait l'acquisition du British
Queen, que la navigation à la vapeur vers les Etats-Unis serait devenue une
entreprise fatale au pays.
Messieurs,
je n'entends point répudier, pour mon compte, la part et la part large qui a
été prise par l'ancien ministère à l'exécution de la loi, mais je soutiens que
le ministère actuel n'était en aucune manière lié, ni en droit ni en morale,
par les actes de l'ancien ministère. L'ancien ministère a procédé avec la plus
grande circonspection, et, le dirai-je ? avec une
sorte de timidité, dans l'exécution de la loi. Dès le 5 et le 7 juillet il fit
un appel aux armateurs, négociants, capitalistes ; il s'agissait d'établir la
navigation au moyen de deux bateaux à vapeur, à la condition de dix départs et
dix retours au moins par année ; ceux à qui on s'adressait avaient jusqu'au 5
août pour répondre. Trois sociétés avaient fait des propositions, même avant la
promulgation de la loi. L'une de ces sociétés était composée de trois négociants
notables d'Anvers ; la deuxième était
Cependant,
comme cette société se présentait sous un aspect tout à fait nouveau et
attrayant, il fallait bien examiner ses propositions ; comme on vous l'a dit
hier, ces propositions n'auraient eu qu'un but, celui de l'utilité publique ;
les hommes qui étaient à la tête de cette société montraient le plus grand
désintéressement ; ils ne voulaient, pour ainsi dire, participer à aucun
bénéfice.
Comme
le plus grand grief que l'honorable M. Osy ait articulé contre les actes de
l'ancien et du nouveaux cabinet, semble procéder du refus fait aux propositions
de la société Anversoise, il faut bien examiner eu peu de mots en quoi,
consistaient ces propositions.
Il
s'agissait d'une société anonyme, ayant ce caractère particulier qu'elle
annonçait n'avoir d'autre but que l'utilité publique. Cependant nous voyons qu'elle
procède absolument comme les sociétés anonymes ordinaires. « Elle se forme
(art. 1er) au capital de 6 millions. Ceux qui la proposent en seront les administrateurs
fondateurs ;………. »
Ils
apportent, outre leurs personnes, leur matériel, c'est-à-dire trois bateaux à
vapeur, dont, paraît-il, ils ne savaient plus que faire. Il s'agit de la
navigation transatlantique ; que viennent-ils offrir au gouvernement ? Trois
bateaux à vapeur employés au cabotage.
Indépendamment
de cela, on offre au gouvernement deux autres bateaux à vapeur, et même
peut-être un troisième, pourvu que le gouvernement garantisse l'intérêt et
l'amortissement du capital de 6 millions de francs.
Messieurs,
d'après les calculs qui vous ont été présentés hier par l'honorable M. Osy, et dont
je conteste formellement l'exactitude, il était impossible, à la société
d'exploiter, à l'aide du subside qu'elle demandait, ses deux ou trois bateaux à
vapeur transatlantiques, outre ses trois bateaux à vapeurs européens.
D'après
le compte présenté hier par M. Osy, la seule exploitation du British-Queen coûterait
par année 650,000 francs au trésor ; et l'honorable M. Osy venait proposer, au
nom de la société Anversoise, l'exploitation d'abord de 3 bateaux à vapeur
pour la navigation du cabotage, et puis de 3 bateaux à vapeur pour la
navigation transatlantique ; mais en ne comptant que 200,000 fr. pour chacun
des trois bateaux à vapeur transatlantiques, vous arrivez aussi à la perte de
600,000 fr. qui vous a été signalée hier comme une si grande calamité.
Le
gouvernement n'adhéra pas aux propositions de la société Anversoise ; cependant
il les examina avec beaucoup d'attention. Au surplus, la société n'insista pas
sur ses propositions, pas plus que les autres sociétés. La crise politique
arrivant, toutes les offres furent retirées, et il n'y eut pas lieu pour le
gouvernement d'examiner ultérieurement la valeur des diverses propositions.
Le
5 août, par une espèce de hasard heureux qui fut accueilli par nous avec joie,
un négociant américain, nommé Colden, muni des
meilleures recommandations, vint faire des offres au ministère. Le gouvernement
s'avança assez loin avec lui ; des statuts parfaitement combinés furent
arrêtés. Nous avions l'espoir d'arriver à un arrangement très avantageux avec
ce négociant. Malheureusement il ne put tenir les promesses qu'il avait faites,
et au mois de janvier le gouvernement se trouva en présence de la loi qui lui
accordait les fonds nécessaires pour encourager la navigation transatlantique,
sans aucun moyen d'exécuter cette loi.
Ce
fut alors qu'on apprit que la société anglo-américaine, possesseur du British-Queen
et du Président, était sur le point de se dissoudre, et était
disposée à céder ses deux navires.
Quant
à moi, je dois dire que je considérai comme un heureux événement la nouvelle
donnée de la vente possible des deux navires. Mon honorable collègue, M.
Liedts, qui, il faudra bien le reconnaître, a conduit toute cette affaire avec
autant de prudence que de patriotisme ; mon honorable collègue, M. Liedts,
s'abstint d'abord de faire des propositions pour l'acquisition des deux steamers
; il chercha les moyens d'attirer en Belgique la société anglaise. La société
ne recevant pas de subside du gouvernement britannique, et se trouvant dès lors
dans une position défavorable vis-à-vis la compagnie Cunard, qui était subventionnée, la société pouvait être amenée
à s'établir en Belgique, où on lui accorderait le subside qu'on lui refusait en
Angleterre. Toutefois la société anglaise ne voulait pas s'établir en
Belgique.
Restait
dès lors le dernier moyen, l'acquisition des bateaux ; moyen extrême, et
selon moi moyen le plus heureux qui se soit présenté pour l'exécution de la loi
du 29 juin 1840.
Qu'avait
dit M. le ministre Liedts dans son rapport ?
« …………………………………………. »
Qu'ajoutait
M. Liedts ?
« …………………………………………… »
La
question de temps était en effet ce qui devait dominer le gouvernement dans
l'exécution de la loi. Eh bien, dans l'acquisition des bateaux à vapeur, la question
de temps était résolue de la manière la plus avantageuse an pays. Au lieu de
consacrer deux ou trois années à laisser construire des bateaux à vapeur dont
rien d'ailleurs n'assurait la bonne navigabilité ; au lieu de perdre deux ou
trois ans à créer la route, on achetait en quelque sorte une route toute faite,
on entrait en possession immédiate d'un moyen de transport, et cela à une
époque où
Quelles
objections pratiques pouvait-on faire contre l'acquisition des deux navires ?
Quel avait été le but de la loi ? De transporter des ports belges aux
Etats-Unis hommes et marchandises, marchandises surtout ; eh bien, les bateaux
à vapeur qu'il s'agissait d'acheter convenaient précisément à ce transport : à
la différence des autres bateaux à vapeur, ils transportaient des voyageurs et
des marchandises. Etaient-ce des navires inconnus ? Ces navires étaient
éprouvés par la meilleure des expériences ; ils avaient marché, ils avaient
fait des traversées très heureuses, qui avaient eu un grand retentissement en
Europe, et nul doute que si ces navires avaient pu arriver aux Etats-Unis sous
pavillon belge,
Je
dis que ce moyen extrême et auquel on a eu recours, après avoir épuisé tous les
autres, était, suivant moi, le moyen le plus avantageux qui se soit présenté,
et, pour mon compte, je l'ai accepté comme une véritable bonne fortune. Mais si
l'on n'eût pas employé ce moyen, si on eût négligé l'occasion d'acheter les
deux bateaux à vapeur, qu'eût-il fallu faire ? Se croiser les bras, ne pas
exécuter la loi. C'est un rôle très commode pour un ministère qui n'aurait pas
à cœur les intérêts du pays, qui craindrait d'engager sa responsabilité ; mais
pour des ministres qui ont à cœur les intérêts du pays, pour des ministres qui
ne craignent pas d'engager leur responsabilité, quand le bien du pays est en
jeu, il n'y avait pas à hésiter, et, pour mon compte, je me félicite d'avoir
pris part à un acte qu'on a tant blâmé depuis.
Messieurs,
l'engagement même a-t-il été fait légèrement ? N'a-t-on pas procédé avec les
précautions les plus minutieuses ? N'a-t-on pas fini par faire perdre patience
à la société anglaise, qui a déclaré en dernier lieu qu'elle n'entendait plus
se soumettre à aucune espèce de modification.
La
plus grave des objections qui ait été faite contre l'acquisition des deux
bateaux à vapeur réside dans le mode de paiement. Eh bien, il suffit de lire
les pièces qui ont été imprimées et distribuées pour se convaincre qu'à cet
égard encore l'ancien ministère avait agi avec le plus grand scrupule, qu'il
avait toujours cherché à se renfermer dans les termes de la loi. Il suffit de
lire les instructions envoyées à notre ambassadeur à Londres, M. Van de Weyer.
En voici un extrait :
« ……………………………………. »
Voilà
quelles étaient les instructions du ministre de l'intérieur. Comment
étaient-elles comprises par M. Van de Weyer ? Ecoutez M. Van de Weyer lui-même.
La société anglaise cherchait à obtenir ce qu'elle a obtenu depuis de M. le
ministre Nothomb. Elle demandait un payement au comptant. Voici ce que
répondait M. Van de Weyer :
« ……………………………………. »
L'on vient dire : mais ces
obligations que vous promettiez à la société anglo-américaine, la cour des
comptes ne les aurait pas visées. Qui vous dit que ces obligations n'eussent
pas été faites de manière telle que la cour des comptes les eût visées ? Le
gouvernement se réservait de procéder régulièrement, de faire des obligations
que la cour des comptes eût pu viser, si tant est qu'il soit dans ses
attributions de les viser. Si ce mode de paiement n'avait pas pu s'introduire
régulièrement, le gouvernement serait venu demander à la chambre de substituer
un autre mode de paiement. Et je ne crains pas de le dire, dût M. le ministre
de l'intérieur m'accuser encore de puritanisme légal, il ne serait jamais entré
dans ma pensée de puiser dans le trésor, connaissant d'ailleurs sa situation,
une somme aussi considérable en dehors des limites de la loi.
Enfin,
messieurs, on a blâmé le système de bateaux à vapeur acquis par le
gouvernement. On a dit qu'ils sont trop grands, qu'il faut des bateaux d'un
moindre tonnage. Entendons-nous, que voulons-nous faire ? En établissant une
ligne de navigation transatlantique, que voulons-nous favoriser ? Voulons-nous
favoriser le commerce, le transport des marchandises, ou seulement le transport
des voyageurs ? Si vous ne voulez transporter que des voyageurs et des lettres,
comme le fait la ligne de navigation anglaise subventionnée par le
gouvernement, ce sont des navires de 12 à 1400 tonneaux qu'il faut avoir. Si au
contraire on veut transporter des marchandises, il faut des navires d'une
capacité plus grande ; il faut qu'ils puissent transporter en même temps
marchandises et voyageurs. Car il ne suffit pas d'envoyer des marchandises en
Amérique, la marchandise ne se vend pas seule, il faut dans le principe surtout
que le commerçant l'accompagne, il faut qu'il aille reconnaître les goûts et
les modes, et les prix qu'on peut obtenir il faut que les relations entre les
personnes s'établissant avant que les relations entre les choses existent.
Favoriser le transport des choses et des personnes vers l'Amérique, tel était
le but de la loi du mois de juin. Ce n'est qu'avec des bateaux du tonnage du British
Queen qu'on peut atteindre ce but ; de telle sorte que si ce bateau n'était
pas acheté et qu'il s'agît de procéder à l'exécution de la loi en faisant
construire des bateaux ou en traitant avec une compagnie pour leur
construction, ce sont des bateaux de la dimension du British Queen et du
Président, qu'il faudrait faire construire ou renoncer au système qu'on
a voulu introduire par la loi de juin 1840.
La
section centrale s'est donné beaucoup de peine pour deux choses ; d'abord pour
trouver l'ancien ministère coupable, et en second lieu, pour trouver le
ministère actuel innocent. J’ai reconnu là, messieurs, les liens qui existent
entre certains membres de la section centrale et le ministère actuel. Aussi je
ne leur en veux pas. J'ai bien souvenir de certaine irritation politique de
l'opposition de l'année dernière. Comme je suppose que cette irritation
n'existe plus je ne puis penser que le blâme qu'on veut exprimer ait trouvé
source dans cette irritation.
Mon
ancien collègue M. Liedts, a démontré hier d'une manière tellement péremptoire
que le précédent ministère était irresponsable des actes qui ont suivi sa
retraite, que le ministre actuel n’a eu rien de bon, de raisonnable à lui
répondre. Il a démontré que le contrat du 17 mars renfermant l'acquisition des
deux bateaux à vapeur, était resté à l'état de projet de la part du cabinet
antérieur, qu'aucun acte définitif n'avait été posé par ce cabinet. Cela
n'empêche pas la section centrale de déclarer l'acquisition de deux bateaux à
vapeur un acte de mauvaise administration.
Il
y a une accusation beaucoup plus forte sur laquelle j'attends du rapporteur de
la section centrale une franche explication.
La
section centrale a vivement recherché les motifs de la précipitation que
l'ancien cabinet aurait mise, suivant elle, à conclure cette affaire ; elle en
a parcouru plusieurs ; elle s'est demandée si c'était l'intérêt du commerce, le
dévouement du ministère au pays, toutes raisons secondaires pour la section
centrale, qui avaient pu entraîner le gouvernement à conclure cette affaire
aussi promptement : non, a-t-elle pensé ; ce ne sont pas des motifs d'intérêt
général qui l'ont dominé, ce sont des motifs d'un autre ordre, c'est-à-dire
d'intérêt particulier. Si ce n'est pas là ce que votre phrase veut dire, elle
n'a aucun sens. J'attends de M. le rapporteur une explication sur ce point.
Du
reste la section centrale a-t-elle critiqué la préférence donnée à la société
formée par trois négociants d'Anvers sur la société dont l'honorable M. Osy est
directeur ? Non. A-t-elle critiqué le prix de l'acquisition ? Non. La solidité
des navires ? Non. Leur marche ? Non. La double destination qu'on voulait leur
donner ? Non. A-t-elle critiqué le luxe de précautions prises pour s'assurer de
la navigabilité des navires ? Non encore. A-t-elle mis en doute la moralité, la
capacité des directeurs chargés de l'exploitation ? Non encore une fois. Cependant, sans avoir pu trouver matière à
blâmer sur ces points essentiels, elle a résumé son opinion dans un blâme formé
contre l'ancien cabinet qu'elle a accusé de mauvaise gestion, qu'elle a accusé
de s'être laissé guider par des motifs d'intérêt personnel.
J'ai
dit, messieurs, que bien que j'acceptasse pour ma part tout ce qui a été fait
par l'ancien cabinet, aucun acte définitif n'avait été posé par lui. En effet, qu'y
a-t-il dans cette affaire ? L'achat du British Queen. A qui appartient
cette acquisition ? Au ministère actuel ; lui seul en a la responsabilité ;
comme lui seul en aura l'honneur, s'il réussit.
J'ai
été vraiment peiné et c'est avec une espèce de sentiment de pitié que j'ai vu
un ministre descendre à tout ce que la chicane a de plus pointilleux pour
rejeter sur d'anciens collègues un acte qu'il aurait dû avoir à cœur de
défendre et de prôner ; car, s'il a posé cet acte, c'est qu'il a cru sans doute
qu'il était utile au pays.
Voici
ce qui est arrivé : A l'époque où le ministre donna ordre d'acheter, il était
entièrement libre de le faire ou de ne pas le faire. Cela a été démontré à
profusion par mon honorable collègue, M. Liedts. Mais à cette époque, il y
avait un certain éclat sur le projet de navigation transatlantique. Les
mauvaises passions ne s'étaient pas emparées de cette affaire, une auréole
populaire la couronnait. Rien de plus simple dès lors que l'acquisition du British Queen par le ministre Nothomb.
Plus
tard, et peut-être grâce au système d'abstention observé dans cette affaire par
le nouveau cabinet, les mauvaises passions prévalurent ; de toutes parts il
s'éleva non pas des risées et des cris d'indignation, ainsi que l'a dit M. Osy,
mais des accusations et des articles de journaux, et particulièrement de
journaux dévoués au ministère qui attaquèrent avec force cette opération, en
ayant bien soin de ne pas l'attribuer au ministère protecteur ou protégé, mais
de dire : c'est encore une des malheureuses œuvres du ministère précédent.
Alors,
en suivant cette belle impulsion, voyant que certaine rumeur s'était fait jour
même dans cette chambre, et que l'on voulait faire un grand éclat de l'affaire
du British Queen, le ministre de l'intérieur présenta à la chambre un
rapport qui, pour parler familièrement, pouvait se résumer de la manière
suivante : le British Queen a été acheté ; c'est un malheur ; mais je
m'en lave les mains. Mes prédécesseurs ont cru bien faire ; (je ne sais pas,
cependant si on va jusque-là, de rendre hommage à nos intentions), c'est un
acte de mes prédécesseurs, j'ai dû le subir. C'est une question de bonne foi.
La
section centrale, abondant dans le système du ministre de l'intérieur, vous le
présente même dans une position tout à fait pitoyable. Il a subi, vous
dit-elle, une contrainte morale ; il a été opprimé par une violence morale. En
quoi consiste cette contrainte morale ? Dans une faculté qu'il s'était
formellement réservée, non seulement dans un contrat, mais dans deux contrais,
de prendre ou de refuser
Quoi
! la convention de mars 1841 contenait une clause
résolutoire ; elle portait que si l'un des navires faisait naufrage ou
subissait de fortes avaries, vous étiez libre de n'en prendre aucun. Par votre
convention spéciale d'avril, relative non plus au Président et à
M.
le ministre vient de dire que nous aurions ratifié (ce qui est vrai) le contrat
du mois de mars, et que nous l'aurions ratifié nécessairement pur le British
Queen seule, par ce motif : c'est que nous avions fait un contrat avec la
société Anversoise. Mais que promettions-nous à cette société ? Lui
apportions-nous le British Queen ? Non, nous lui apportions deux bateaux
à vapeur. C’était là l’idée dominante du ministère. Ni dans la loi, ni dans le
rapport à l’appui, ni dans la longue période où l'on s'est occupé de
l’exécution de la loi, il n'a été question d'un seul bateau à vapeur ; toujours
il s’est agi de deux au moins. Au trois avril, ce sont deux bateaux à vapeur
qu’on met à la disposition d'une société et non le British Queen.
On
dit qu'il ne fallait pas faire usage de la clause résolutoire, que si l'on en
avait fait usage, il aurait fallu subir un procès devant les tribunaux anglais
en supposant que la société anglaise eût été assez mal avisée pour intenter un
procès à un gouvernement qui aurait voulu faire usage d'une faculté que lui
réservait formellement le contrat, il fallait subir les chances du procès. Il
eût fallu, ne fût-ce que pour confondre les prétendues malédictions des
commerçants anglais ; car n'a-t-on pas été jusqu'à dire que vous auriez été mis
au ban de l'Angleterre, si vous n'aviez pas ratifié le contrat !
M.
le ministre s'est retranché derrière notre envoyé à Londres. Sous le rapport de
l’honneur et de la loyauté, M. Van de Weyer est un juge que j’accepte bien
volontiers, ceci soit dit en passant. Mais que dit M. Van de Weyer ? Il écrit
au ministre de l'intérieur qu'il est tenu par la bonne foi à prendre
«
J’ajouterai que le gouvernement du Roi, après avoir obtenu des délais, après
avoir proposé et obtenu un mode de paiement, après avoir ainsi fait encourir à
la compagnie et des frais considérables et de nouvelles pertes, était, à mes
yeux, moralement obligé de ratifier le contrat ; que si l’on s’en tenait à la
lettre de cet acte et au strict droit, il était sans doute loisible au
gouvernement de refuser sa ratification. »
Ainsi
c’est après qu’il a été obtenu de nouveaux délais, après qu’il a été introduit
des modifications dans le contrat primitif, quant au mode de payement, que M.
Van de Weyer croit que la bonne foi oblige à acquérir
Je
regrette d’avoir eu, en quelque sorte, à récriminer contre le ministre de
l’intérieur. J’aurais voulu que cette affaire pût être exclusivement examinée
au point de vue de l’intérêt général, au point de vue de l’utilité. Si M. le
ministre de l'intérieur, se pénétrant mieux de sa position et de ses devoirs,
eût exposé l’affaire sous ce point de vue, s’il se fût présenté à la chambre
avec l’acte posé par lui, s’il fût venu défendre ouvertement cet acte, s’il
l’eût fait défendre par la presse au lieu de laisser sans réponse des attaques
qui l’ont entouré de défaveur, il eût renfermé la discussion dans la question
d’utilité générale. Mais ce n’est pas l’esprit qui a présidé à la rédaction du
rapport du ministère, pas plus qu’à la rédaction du rapport de la section
centrale.
Une
affaire qui aurait dû être très bonne, il y a quelque mois, est devenue
boiteuse et peut-être mauvaise, parce qu’on l’a présentée comme une nécessité
fâcheuse qu’on subit, et parce qu’au lieu de la présenter comme un acte de
haute utilité, on est venu demander grâce et faire amende honorable. Ce n’est
pas ainsi qu’on assure le succès d’une entreprise à laquelle toute l’opinion
publique s’était d’abord ralliée. Aujourd’hui, si l’entreprise ne réussit pas,
si les prédictions que les uns avec joie, que d’autres avec peine font sur les
résultats de l’entreprise, viennent à se réaliser, je dis que M. le ministre de
l'intérieur aurait concouru à ce résultat.
Du
reste le mal n’est pas, je l’espère, irréparable Je sais que M. le ministre
Nothomb a de l’activité et à plusieurs égards l’envie de bien faire ; je lui ai
toujours rendu et je lui rends encore justice sous ce rapport.
Mais
pour tirer parti de l'affaire, pour qu'elle ne soit pas désespérée, il faut se
mettre résolument à la tête et non pas marcher à la queue. Pour ma part,
j'aurais repoussé, avec plus d'énergie qu’il ne l’a fait, les accusations qui
sont parties de la bouche même de ses amis.
Je
m’étonne, par exemple, que M. le ministre de l'intérieur n'ait pas eu un mot de
réponse à faire à M. Osy, qui l'a publiquement accusé de dilapider le trésor
public. Je m'étonne que M. le ministre des finances n'ait pas réfuté
l'honorable M. Osy signalant les abus les plus graves dans la comptabilité des
receveurs de l'Etat.
M.
Le ministre des finances (M. Smits) - Je répondrai.
M.
Rogier. - Si
vous subissez de la part de vos amis de pareilles accusations, qu'aurez-vous à
subir de la part de vos adversaires ?
Quant
à moi, je me trouve très embarrassé vis-à-vis des conclusions de la section
centrale. La section centrale annonce que l’affaire est mauvaise, la présente
comme désastreuse, et cependant propose de la continuer. Le gouvernement avait
en mains une somme de 5,600,000 fr., pour établir
convenablement un service de bateaux à vapeur vers les Etats-Unis. On lui
enlève la moitié de cette somme. Deux bateaux à vapeur étaient reconnus
nécessaires pour faire convenablement le service ; le service devra être fait
avec un seul. M. Osy a déclaré positivement que si l'on vient dans un an
demander de nouveau des fonds, la chambre les refusera.
Eh bien, l’entreprise, présentée sous ce point de
vue, si elle n’est pas désespérée, devient extrêmement chanceuse. Je désire
beaucoup, pour ma part, qu’elle réussisse. Je m'efforcerai, selon mes moyens, à
favoriser le succès de l'entreprise. Mais je crois que ce serait un grand mal
que de restreindre à un an les moyens de la continuer. Si vous rapportez la loi
du 29 juin 1840, si vous adoptez la proposition de la section centrale, le
gouvernement ne peut organiser qu’un service incomplet et précaire.
Pourquoi
restreindre le crédit voté l'an dernier ? On dit qu'il suffira de faire un
appel aux sociétés qui se contenteront de l'abandon du navire pour continuer le
service. Or, dans le rapport de la section centrale, il est dit qu'il est
impossible, dans l'état actuel des choses, de trouver une société qui veuille
se charger du service. Ainsi le gouvernement ne pourra, avec l'offre de son
navire, trouvé une société. Après avoir voté une loi généreuse, une loi
d'utilité générale, n’allez-vous pas en détruire l'effet moral et peut-être
l’effet matériel ?
Je
sais qu’il y a réaction dans cette chambre ; et sous certains rapports, je
m'associe à cette réaction ; il y a une réaction contre les dépenses ; je crois
que la situation du trésor exige que le pays procède avec économie ; mais il faut
prendre garde que cette réaction ne nous mène trop loin. Il ne faut pas que
cette réaction aille jusqu'à détruire une entreprise conçue entièrement dans
l'intérêt du pays, et qui peut si grandement concourir à développer sa prospérité
intérieure en lui donnant un grand relief à l’étranger. .
J'attendrai
des explications ultérieures pour me prononcer quant aux conclusions de la
section centrale. Je réserve mon vote.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, je regrette que l'honorable préopinant
se soit livré à mon égard à des sorties personnelles aussi violentes ;
elles étaient au moins inutiles.
Mais
à mon tour, je lui demanderai qui des premiers dans cette chambre, le premier peut-être,
a critiqué l'acte par lequel le ministère actuel a maintenu l'achat de
M.
Rogier. - Je
n'ai critiqué que le mode de payement.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Vous avez critiqué cet acte et cette critique de
votre part était un fait très grave, parce qu’au dehors de cette chambre on a
pris le change sur vos intentions. Il fallait, vous membre du ministère
précédent, associé directement ou indirectement à cette affaire, vous abstenir.
Je vous ai supplié, on voudra bien se le rappeler, de vous abstenir d'attendre
le jour où les faits seraient connus, et de ne pas créer des préventions
réciproques.
Lorsque
j'ai cherché à obtenir de la chambre qu'elle voulût bien maintenir au budget de
l'intérieur l'annuité de 400,000 fr., ai-je été soutenu, comme j'espérais
pouvoir l'être, par l'honorable préopinant ? Non ; et cependant il regrette
que la foi ne soit pas purement et simplement maintenue.
Eh
bien, je dis que si la loi du 29 juin 1840 n’est pas purement et simplement
maintenue, si aujourd'hui la section centrale présente un autre moyen de solution,
c'est parce que je n'ai pas obtenu l'allocation au budget de la somme de
400,000 fr. Le temps aurait régularisé la situation. Aujourd'hui on ne peut
plus compter sur le temps. Il faut que la situation soit régularisée par un
acte de la chambre.
Je
n'ai jamais attaqué, ni fait attaquer le système de navigation transatlantique,
j'ai voté et sérieusement voté pour la loi du 29 juin 1840. J'ai dit déjà à
plusieurs reprises depuis l'ouverture de cette session, qu'il ne fallait pas
donner à cette nouvelle discussion une portée qu'elle ne devait pas avoir. La
loi est votée ; il faut respecter le principe de la loi ; tout ce dont
il peut s'agir c'est du système d'exécution.
A
entendre l'honorable préopinant, le ministère actuel dirige la presse, ou au
moins une partie de la presse belge. Je ne sais sur quoi on se fonde pour lui
attribuer ce rôle.
Messieurs,
l'acte véritablement nouveau, par lequel le ministère a innové, c'est le mode
de payement. Je répéterai à la chambre ce que j'ai eu l'honneur de lui dire. Je
regarde l'exécution du premier mode de payement comme impossible. Je l'aurais
regardé comme dangereux, s'il avait pu se réaliser, et, dans tous les cas,
comme onéreux. Il aurait fallu remettre des obligations échelonnées sur 14
années, et ces obligations, la compagnie, ayant besoin de se dissoudre, aurait
dû les vendre. On donnait à cette compagnie des actions 5 p. c. à 100, tandis
qu'aujourd'hui nos fonds sont à 103 et que déjà l'été dernier ils approchaient
du pair. Nous aurions même dû lui accorder une certaine somme pour couvrir les
risques de l'agio. De plus, naturellement, sur ces obligations ainsi
échelonnées, on devait supporter cet intérêt.
Tout
cela a été évité par le nouveau mode de payement. J'ai avoué, et dès le premier
jour, que ce mode de payement était irrégulier ; mais le premier ne l'est pas
moins. Si la chambre veut, avec l'honorable préopinant, en revenir au premier
mode de payement, j'y consens. Des offres me sont faites en ce moment. On
reprendra le premier mode ; la somme sera restituée au trésor ; mais alors une
maison de banque fera son profit de ce premier mode, et à l'heure qu'il est, ce
sera une nouvelle charge de cent mille fr. pour le trésor.
Maintenant,
messieurs, quelle est la véritable portée du projet qui vous est présenté ? Ce
projet alloue au gouvernement 400,000 fr., mais les alloue comme l'exigent les
circonstances où nous nous trouvons. Le prix d'acquisition a été payé. Au lieu
de l'être au moyen d'obligations échelonnées sur 14 années, il l'a été
au comptant ; le trésor a fait l'avance ; il faut lui restituer la somme.
Pour
la lui restituer, il faut supporter un emprunt au moyen de bons du trésor,
lequel emprunt doit être couvert par une somme prélevée sur l'annuité de
400,000 fr. Cette somme, on la prélève par un article du projet de loi ;
c'est-à-dire qu'on réserve une somme de 150,000 fr., laquelle somme figurera
désormais au budget de la dette publique.
D'après
les calculs que j'ai faits, une somme de 150,000 fr. réservée au budget de la
dette publique, doit amortir, tout en faisant le service des intérêts, le
capital d'acquisition en 14 années.
Dans
toutes les hypothèses, messieurs, avec le premier mode de payement ou avec le
second, la somme tout entière de 400,000 fr. ne restait plus disponible. Dans
toutes les hypothèses, il fallait prélever sur cette allocation une certaine
somme, pour amortir les obligations et payer les intérêts, ou bien pour amortir
le capital avancé pour le trésor. Dans l'une et l'autre hypothèse
l'annuité de 400,000 francs ne restait donc plus entière, et c'est en quoi,
dans la dernière partie de son discours, l'honorable préopinant semble être à
côté des faits.
Si
le contrat du 17 mars 1841 avait reçu son exécution, c'est-à-dire si le Président
n'avait pas péri, la somme de 5,600,000 fr. se trouvait réduite, pour les
frais d'exploitation, à 2,000,000 fr., échelonnée sur 14 années, et il aurait
fallu distraire de cette somme de 5,600,000, celle de 3,600,000 fr., et même
plus, avec les intérêts, pour couvrir les frais d'acquisition.
Je
dis donc que les propositions de la section centrale ne portent pas atteinte à
la loi du 29 juin 1840. Au point où en sont arrivées les choses, il n'est pas
possible d'exécuter autrement cette loi. On l'aurait pu, si on avait purement
et simplement porté au budget la somme de 400,000 francs ; on aurait laissé au
temps le soin de rembourser le trésor. Mais c’est ce qu'on n'a pas voulu ; j'ai
fait des efforts pour l'obtenir ; je n'ai pas été secondé, comme je l'avais
espéré.
Je
crois donc que sans inconséquence, sans ôter au système de la navigation
transatlantique le prestige dont son idée a été entourée, nous pouvons accepter
les propositions de la section centrale.
Je
donne cette explication, pour qu'on ne donne pas de nouveau à l'adhésion du
gouvernement une portée qu'elle n'a pas ; pour que de nouveau on ne dénature
pas nos intentions.
Le
gouvernement conservera donc à sa disposition une somme de 250,000 francs pour
exploiter un seul navire. Si cet essai est heureux, il trouvera très facilement
à former une compagnie, et dès à présent, après le vote qu'il attend des deux
membres, il fera l'appel nécessaire. Il n'attendra pas la fin de l'année pour
faire cet appel, Dans tous les cas il sera rendu compte des opérations à la
chambre, et je ne doute pas que cet essai, quel qu'il soit, ne soit
convenablement apprécié par vous.
M.
Rogier. - Je
demande la parole pour un fait personnel.
Messieurs,
au commencement de cette session, un honorable député d'Anvers signala son
début dans cette chambre par une attaque très violente contre l'affaire dite British
Queen. En attaquant cette affaire en termes très acerbes, l'honorable
député d'Anvers me l'attribuait, à moi personnellement ; et il signalait
surtout comme très irrégulier le mode de payement. Il disait qu'on avait puisé
dans les caisses de l'Etat la somme nécessaire au payement, et il critiquait
violemment ce mode de payement.
Je
me bornai à dire que l’acte que l'honorable M. Osy reprochait à l'ancien
ministère était le fait du ministère actuel. Voilà ce que je me bornai à
répondre, et je défie qu'on trouve dans mon discours une seule phrase de blâme
contre l'opération elle-même.
Un
second reproche que m'adresse M. le ministre de l'intérieur, c'est de ne pas
l'avoir soutenu dans la discussion de son budget, lorsqu'il s'agissait de
maintenir la somme de 400,000 francs à l'article commerce et industrie.
Mais,
autant que je me le rappelle, la discussion ne fut pas longue sur cet article
; M. le ministre de l'intérieur consentit en quelque sorte lui-même à
l'ajournement.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je l'ai combattu pendant deux heures.
M.
Rogier. - Il
est possible que M. le ministre de l'intérieur ait combattu l'ajournement
pendant deux heures, mais enfin cet ajournement n'impliquait pas du tout, dans
l'intention de ceux qui ont voté, et surtout de ceux qui, comme moi, ont voté
contre, le retrait de la loi du 29 juin 1840. On a seulement ajourné la discussion
du chiffre ; il n'a pas du tout été entendu qu'on retirerait la loi du 29 juin
1840.
La
section centrale vient au contraire substituer un mode tout nouveau ; elle
vient vous proposer le retrait de la loi de 1840, et voilà la proposition que
je combats, que je dois combattre, et que je reproche à M. le ministre de
l'intérieur de ne pas avoir combattu.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Si j'ai bien compris l'honorable membre, il a
regretté que les 400,000 fr. ne restassent pas à la disposition pleine et
entière du gouvernement. Je lui ai déjà répondu, en faisant l'observation qu'il
était impossible que le gouvernement eût la libre et entière disposition de
cette somme, parce que dans toutes les hypothèses, quel que soit le mode de
paiement que vous adoptiez, il faut bien en défalquer une certaine somme pour
couvrir le capital d'acquisition, à moins de supposer que le trésor public doit
supporter une dépense de 400,000 fr. en vous faisant cadeau du navire à
exploiter (Assentiment.)
Voilà
ce qu'il faudrait supposer.
Je
le répète donc, il n'y a aucun reproche à me faire de mon adhésion à cette
proposition, c'est la seule chose faisable au point où nous sommes arrivés. Il
faut évidemment prélever sur les 400,000 fr. de quoi payer le navire, et cette
position est beaucoup plus belle que ne l'eût été celle du ministère précédent
dans le cas de l'exécution de la convention du 17 mars 1841, c'est-à-dire dans
le cas de l'exploitation des deux navires. Aujourd'hui 250,000 fr. restent
libres sur l'annuité des 400,000 fr. ; il suffit de prélever sur cette annuité
150,000 fr. pour amortir en 14 ans le capital d'acquisition du navire unique.
Si les deux navires, au contraire, avaient été livrés, il aurait fallu prélever
le double de cette somme, et il ne serait plus resté que 100,000 fr. pour
l'exploitation des deux navires.
Je
n'ai pas récriminé ; je me suis toujours abstenu même d'examiner la convention
du 17 mars 1841, je l'ai toujours acceptée avec les calculs qui ont été faits,
mais si j'avais voulu récriminer, j'aurais examiné, à mon tour, cette
convention, et j'aurais établi qu'avec le système qu'elle renfermait, le
gouvernement eût été placé dans la situation la plus précaire. Aujourd'hui,
nous n'avons à défalquer des 400,000 fr. destinés à la navigation
transatlantique, qu'une somme de 100,000 fr., et 250,000 fr. restent
disponibles pour l'exploitation d'un seul navire, Si l'exploitation du navire
n'exige pas cette somme, on pourra étendre le service.
M.
David. - Dans
les différents discours qui ont été prononcés dans cette enceinte, j'ai aperçu
la crainte que certaines paroles tombées de cette tribune et qui ont peut-être
toutes les vertus, excepté celles de l'impartialité et du sang-froid que donne
le désintéressement, que les paroles prononcées, dis-je, à cette tribune aient
de l'écho au-dehors, et fassent péricliter notre navigation transatlantique.
Eh
bien, messieurs, je n'ai point cette crainte. Un vote solennel et une forte
majorité viendront, j'espère, démentir ces appréhensions.
Je
le dirai franchement, je ne vois ni patriotisme ni amour du bien public dans
ces prophéties et ces accusations, qui viennent ainsi démolir nos plus chers
intérêts, en invoquant dérisoirement comme remède, la revente de
Non,
messieurs, au lieu de devenir les instruments de notre propre ruine, nous avons
une autre tâche à remplir. Le navire est maintenant acheté et payé. L'homme qui
aura le plus mérité du pays sera celui qui suggérera les meilleurs moyens de
l’utiliser, celui qui l'élèvera le mieux une confiance si injustement ébranlée
et non celui qui l'aura coulé bas dans les bassins d'Anvers.
Il
ne faut donc point sacrifier
Ce
que M. le ministre de l'intérieur pourra faire de mieux pour rétablir une
confiance que neuf voyages accomplis avec autant de bonheur que de
promptitude, devaient pour toujours lui avoir acquise, ce sera d'invoquer non
pas seulement, comme on l'a dit, le concours et le contrôle des ingénieurs
belges, mais encore celui des ingénieurs étrangers.
Il
faut que des ingénieurs allemands, français, hollandais, viennent à leur tour
expertiser le navire et déclarer franchement ce qu'ils en pensent, si vous
voulez, après les accusations accablantes dont elle a été l'objet, que
Le
mal qu'on a fait à
Si
Encore
une fois l'examen par des ingénieurs belges seulement ne sera pas plus
concluant aux yeux des étrangers que ne l'a été pour nous l'examen par un des
premiers et des plus respectables corps de la nation anglaise, l'amirauté. Il
faut donc que chacun ait, autant que possible, son apaisement.
Messieurs,
je dois le déclarer, je tiens infiniment à ce que nous exécutions la loi sur la
navigation transatlantique à vapeur, et je vois que si aujourd'hui nous
condamnons le British-Queen, pour longtemps cette loi, si féconde en
germes de prospérité, est perdue pour nous.
N'oublions
pas, messieurs, que l'absence d'une marine marchande nous empêche presque de
fonder des établissements commerciaux à l'autre rive de l'Atlantique. De là,
difficulté sérieuse pour établir des relations régulières et entreprendre des
opérations dont le résultat puisse se circonscrire dans un laps de temps
limité. Il fallait passer pour un terme très long entre les mains de
correspondants qui faisaient toutes nos affaires par l'intermédiaire de la
navigation anglaise, ce qui le plus souvent causait de longs et coûteux retards
et décourageait les industriels.
La
navigation décrétée devait donc obvier à ce premier inconvénient. La régularité
dans les voyages, qui avec deux navires pouvaient avoir lieu à peu près 8 fois
par an, mettait New-York à 15, 18 jours d'Anvers, et cette navigation pouvait
aisément être considérée comme un puissant acheminement vers des affaires
directes et complètes entre nous et les Américains.
La
loi adoptée et promulguée, le gouvernement s'occupa immédiatement de son
exécution. Il s'empressa de traiter pour les deux navires Président et British
Queen, afin de commencer immédiatement les voyages et transporter nos
produits vers des rives qui faisaient d'incalculables consommations auxquelles
nous concourrions à peine et presque toujours indirectement.
Alors,
messieurs, on n'accueillit pas cette affaire par un cri d'indignation, comme
on le disait hier ; on la considérait, au contraire, comme un vrai hasard, une
bonne fortune, quand la fatale disparition du Président vint mettre le
monde en émoi et bouleversa tout à coup les opinions. Alors la conquête de la
veille devint une défaite, l'or devint du plomb.
Néanmoins
un des arguments les plus spécieux des détracteurs de
Aux
yeux vulgaires et pour quiconque connaît les Anglais, cette phrase semble en
effet très concluante : on a vendu ces navires, donc ils ne valaient rien !
Eh
bien nous ne croyons point à cette raison et pour deux causes que nous allons
développer :
L’une,
c'est que le prix a été longuement débattu et que l'on a fait tout ce qu'on
pouvait pour obtenir les navires à moins, sans y réussir.
L’autre,
c'est que la situation des deux peuples n'étant pas la même, .nous sommes
tentés de croire que même si les Anglais les trouvaient trop grands pour leur
navigation, ils pouvaient encore être excellents pour nous qui n'avons aucun
intérêt à en employer d'après le système Cunard, et
voici pourquoi :
D'abord
je prierai la chambre de croire que ma défense dans cette circonstance roule
sur la conviction que j'ai que l'affaire a été irréprochablement menée d'un
bout à l'autre. Ce point de départ admis, voici pourquoi je pense qu'on peut
avoir raison en Angleterre et tort chez nous.
Que
les Anglais, dont les rapports avec les Etats-Unis sont journaliers, trouvent
un grand steamer trop peu rapide, cela est naturel. Ils ont tant d'affaires
que le navire qui transporte promptement le voyageur et les lettres n'a pas
besoin, pour ainsi dire, de rendre d'autres services. La rapidité, voilà sa
seule destinée : traverser l'Océan en 11 ou 12 jours, voilà sa mission. Si des
marchandises attendent là sur tous les docks, pour être expédiées, il y a des
milliers de voiles qui ne prennent ni la poste ni les voyageurs, et qui
viendront compléter les transactions entamées par le paquebot qui a eu des
ailes.
Mais,
messieurs, en est-il de même chez nous ? n'est-il pas
bon que la navigation que nous avons décrétée concourre à faire un peu de tout
? à transporter lettres, voyageurs et marchandises ?
N'a-t-elle pas été établie pour ainsi dire uniquement pour frayer la voie à
l'avenir ?
Si,
dans plusieurs années, quand le but primitif aura été conquis et que nous
serons en Amérique assis comme convives au festin de l'industrie européenne,
nous pourrons aviser à d'autres améliorations. Nous dirons même que la réussite
de nos premières tentatives assurée, ce n'est plus au budget que l'on aura
besoin d'avoir recours, pour stimuler les armateurs, les spéculateurs, les
industriels ; l'intérêt particulier viendra rapidement prendre part à la moisson
que l'Etat aura préparée par d'heureuses semailles.
Mais
jusque là ne faiblissons pas, ne jetons point du haut de cette tribune des
paroles de découragement sur tous nos essais : nous avons depuis quelque temps
fait diverses tentatives qui n'ont point eu de succès : des traités de commerce
avortés, manqués au moins pour le moment, cette même navigation votée il y a un
an et incessamment reculée, tout cela est affligeant, je l'avoue, mais ne l'est
que par notre impatience.
Je
le dis hautement dans cette chambre : nous sommes trop pressés. Nous oublions
que nous n'avons que dix ans d'existence indépendante, et qu'en dépit de
l'immense concurrence que nous trouvons partout et toujours, nous avons fait plus de chemin pendant cette
période qu'on n'en eût fait autrefois en un siècle.
Pour
tout ce que nous tentons, la chambre et le pays veulent absolument des
résultats immédiats. Nous l'avons vu pour les chemins de fer, nous l'avons vu
pour les traités de commerce, pour les lois de douane, pour les associations
industrielles ; on prétend recueillir, non point à la sueur de son front, comme
se font les victoires fructueuses, mais à l'instant même et sans avoir fait
arriver la matière du succès à maturité. Ce n'est point ainsi que doivent agir
les jeunes nations.
Notre
navigation transatlantique est une entreprise nationale. Elle a derrière elle
la protection spéciale du gouvernement, et le trésor public, pour garantir
cette protection. Elle est le lien naturel entre
M.
Hye-Hoys. - Messieurs, j'ai fait
partie de la minorité qui a voté contre la loi du 29 juin 1840, non que je ne
voulusse pas de la navigation transatlantique par bateaux à vapeur entre
Me
trouvant à Liverpool, je suis allé à bord de
Etant
à Manchester, un mécanicien des plus distingués, et qui connaissait
parfaitement bien la construction de ce bâtiment, m'a dit que l'on s'était
trompé de beaucoup quant à la force de la machine, qu'il lui en fallait une de
600 à 650 chevaux.
Arrivé
à Anvers, je suis allé voir
Le Président
qui a péri si malheureusement, et dont la machine à vapeur était encore
plus disproportionnée, grand de 2,560 tonneaux, n'avait qu'une force de 540 chevaux,
et avait en outre le défaut d'être d'une trop longue construction.
Il
est connu en Angleterre qu'une société fait construire 14 bateaux à vapeur de
1, 700 tonneaux pour la navigation des Grandes-Indes ; j'en ai vu deux à peu
près achevés, ayant chacun une force de 600 chevaux ; vous voyez qu'ici,
messieurs, il y a une juste proportion avec les quatre beaux steamers de
Liverpool à Halifax.
Et
certes, on ne dira pas que ces 14 bateaux à vapeur ne sont pas destinés pour le
transport des marchandises comme pour les voyageurs ; mais ils sont encore
construits dans un autre but, c'est qu'en cas de guerre avec
Du
reste, vous, voyez, messieurs, que dans les bases proposées par le ministère
lui-même, il y est dit que les bateaux seront de 1400 tonneaux au moins, et les
machines de 450 chevaux au moins.
Que
dans les propositions de M. Colden, il est dit aussi,
que les vaisseaux seront d'un port de 1400 tonneaux ayant une machine d'une
force de 450 chevaux au moins, et il y ajoute, de plus, que, dans le cas où, ce
qui est probable, la société jugerait convenable de faire des navires de 1800
tonneaux ou plus, la force des machines sera augmentée en proportion.
Il
me semble qu'il en résulte évidemment, que le corps du bâtiment de
Maintenant
que la section centrale propose de rapporter la loi du 29 juin 1840, j'y
donnerai volontiers mon assentiment, et je ne doute pas qu'il n'y ait presque
unanimité dans la chambre pour adopter la proposition.
L’achat
de
J'écouterai
avec attention la suite de la discussion, espérant qu'il en résultera une
proposition, qui nous retirera au mieux possible de cette déplorable affaire
pour le pays.
1° PROJET DE LOI TENDANT
A AUTORISER L'ACHAT D'UN BATEAU A VAPEUR DESTINE A COMPLETER LE SERVICE DE
PASSAGE D'ANVERS A
2° PROJET DE LOI SUR
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Briey) présente un projet de loi tendant à autoriser l'achat
d'un bateau à vapeur destiné à compléter le service de passage d'Anvers à
- La
chambre ordonne l'impression de ces projets et les renvoie à l'examen des
sections.
PROJETS DE LOI RELATIFS 1° AU
DROIT SUR LES BOISSONS DISTILLEES,
2° AU DROIT SUR LES DISTILLERIES, 3° SUR UNE
CONTESTATION AVEC
M.
Le ministre des finances (M. Smits) - Messieurs, la révision de quelques calculs qui
reste à faire ne permettra pas au gouvernement de présenter le projet de loi
sur les sucres avant la semaine prochaine. En attendant, le Roi m'a chargé de
présenter trois projets de lois ; le premier tend à fondre dans une seule loi
toutes les lois qui existent sur les distilleries et de porter le droit sur les
genièvres de 60 centimes à 1 franc ; le deuxième projet tend à modifier la loi
sur l'abonnement pour la vente des boissons distillées ; le troisième tend à
accorder un crédit au gouvernement, qui a été condamné dans une contestation
avec la commune de Petit-Rechain.
-
Sur la proposition de M. Demonceau, ce dernier projet est renvoyé à la commission permanente
des finances ; les deux autres projets sont renvoyés à l'examen des sections.
Ils seront tous imprimés et distribués.
La
séance est levée à 4 heures.