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d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance du vendredi 17
décembre 1841
Sommaire
1)
Pièces adressées à la chambre, notamment pétition relative au canal de
Terneuzen (Desmet)
2)
Composition des bureaux des sections
3)
Projet de loi portant le budget du département de la guerre pour l’exercice
1842. Rapport
4)
Projet de loi portant le budget du département de l’intérieur pour l’exercice
1842. Discussion générale. Crédit global accordé à la protection du commerce et
de l’industrie, politique commerciale du gouvernement, acquisition de la
British-Queen (Eloy de Burdinne),
droit de chasse, adaptation du nombre des députés et loi électorale (Sigart), droit de chasse (Nothomb, Sigart), adaptation du nombre des députés et loi
électorale, traité du 19 avril 1839 (Nothomb), droit de
chasse (Pirson), chambres de commerce, acquisition de la
British-Queen (Osy), chambres de
commerce (Cogels, Nothomb, Pirmez), question politique générale, chute du cabinet
Lebeau, intervention du clergé dans les élections, instruction publique,
administration des beaux-arts, responsabilité de fonctionnaires non rétribués,
concours scolaires, faveurs supposées accordées par le gouvernement aux écoles
catholiques, confiance accordée par la chambre au gouvernement (Rogier), intervention du clergé dans les élections (Peeters, Rogier), réplique générale
à l’intervention de Ch. Rogier (Nothomb), intervention
du clergé et anticléricalisme (rétablissement de la dîme et de la
mainmorte) lors des élections de 1841 (Verhaegen, Dumortier, Verhaegen, Dumortier, Rogier)
5)
Motion d’ordre relative à la cession de l’établissement de Meslin-Lévêque (Jadot)
(Moniteur
belge n°352, du 18 décembre 1841)
(Présidence de M. Fallon.)
M. Kervyn fait l'appel nominal à midi et quart.
PRESTATION
DE SERMENT D’UN MEMBRE
M. Donny, admis dans une séance précédente comme membre de la chambre, prête
serment.
________________
M. Scheyven donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; il est approuvé.
M. Kervyn présente l'analyse des pétitions adressées à la chambre :
« Les
cultivateurs des communes d'Oostacker, Wondelghem, Desteldonck, Everghem et Cluysen demandent que
le transport de fumier par le canal de Terneuzen puisse se faire sans payer de
droits. »
M. Desmet. -Messieurs, vous venez d'entendre l'analyse d'une pétition de
cultivateurs et habitants de cinq à six communes de
Messieurs, cette pétition est très importante. Dans
ces communes, à cause de la qualité sablonneuse du terrain, on a, pour pouvoir
bien cultiver, besoin de beaucoup d'engrais ; les cultivateurs doivent aller
chercher leurs engrais dans la ville de Gand, et je pourrais dire que s'ils ne
pouvaient pas se procurer les engrais dans cette ville, ils ne pourraient pas
suffisamment fumer leurs terres.
J'appuie donc le renvoi de cette pétition à la
commission des pétitions, et je prierai cette commission de faire un prompt
rapport sur cette pétition.
_______________________
« Trois habitants de ThiesseIt, pères de fils miliciens, renouvellent leur
demande en cassation d'une décision du conseil provincial d'Anvers qu'ils
prétendent contraire à la loi sur la milice. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
______________________
« Le sieur Pierre-Mathieu Pollender,
né à Tongres d'un père étranger et d'une mère belge, et ayant négligé la
formalité prescrite par l'art. 9 du code civil, demande la grande
naturalisation. »
« Le sieur E.-L. Pollender,
né à Tongres d'un père étranger et d'une mère belge, demande la grande
naturalisation, ayant négligé la formalité prescrite par l'art.
9 du code civil. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
______________________
M. Liedts demande un congé jusqu'après les fêtes offertes à Mons à LL. MM. le Roi et
- Ce congé est accordé.
COMPOSITION
DES BUREAUX DES SECTIONS
M. le secrétaire fait connaître à la chambre que
les sections ont formé leurs bureaux comme suit :
Première section
Président : de Behr
Vice-président : Verhaegen
Secrétaire : Cogels
Rapporteur des pétitions : Delehaye.
Deuxième section
Président : Coppieters
Vice-président : de Garcia
Secrétaire : Scheyven
Rapporteur des pétitions : Osy
Troisième section
Président : Brabant
Vice-président : Lys
Secrétaire : Van Cutsem
Rapporteur des pétitions : De Decker
Quatrième section
Président : Angillis
Vice-président : Mercier
Secrétaire : Troye
Rapporteur des pétitions : Lange
Cinquième section
Président : Duvivier
Vice-président : Fleussu
Secrétaire : Sigart
Rapporteur des pétitions : Huveners
Sixième section
Président : Rogier
Vice-président : de Meer de Moorsel
Secrétaire : Cools
Rapporteur des pétitions : Zoude
PROJET
DE LOI PORTANT LE BUDGET DU DEPARTEMENT DE
M. Brabant. - J'ai
l'honneur de présenter â la chambre le rapport de la section centrale sur le
budget de la guerre.
Je crois qu'il pourra être distribué dimanche soir.
M. le président. - La chambre veut-elle mettre ce budget à l'ordre du jour pour être discuté immédiatement après le budget de l'intérieur ; si toutefois le rapport peut être distribué assez tôt. (Oui ! oui !)
Un membre. - Y a-t-il beaucoup d'amendements ?
M. Brabant. - La section centrale a été unanime sur tous les points. Elle ne
s'est trouvée en dissidence avec M. le
ministre que sur un seul article.
M. Lebeau. - Point de crédit global ?
M. Brabant. - Point de crédit global. La section
centrale vous propose l'adoption de tous les articles tels qu'ils ont été
présentés par M. le ministre, sauf qu'à l'art. 1er de la section première du
chap. II, elle propose une réduction de 25,000 fr., réduction à laquelle M. le
ministre ne s'est pas rallié.
PROJET
DE LOI PORTANT LE BUDGET DE L’INTERIEUR POUR L’EXERCICE 1842
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du
budget de l'intérieur.
M. le ministre se rallie-t-il aux propositions de la
section centrale.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Non, M. le président.
M. le président. - En ce cas, la discussion s'ouvrira sur
le projet du gouvernement.
La discussion générale est ouverte.
M. Eloy de Burdinne. - Notre position financière n'est pas désespérée, mais elle n'est pas rassurante dans l'avenir. Telles sont mes prévisions.
Nos ressources sont belles, pour le moment ; cet
état de chose ne durera pas, je le crains ; elles seront réduites, nos
ressources, et nos dépenses resteront les mêmes ; il en résultera un déficit
bien difficile à combler. Telles sont mes prévisions.
Soyons modestes ; la modestie est une vertu, tâchons
de la pratiquer.
Chacun de nous reconnaît la nécessité de réduire nos
dépenses.
Prenez chaque membre en particulier, il conviendra
de cette nécessité. Mettez aux voix les réductions proposées soit par la
section centrale, soit par un membre isolé, la majorité presque toujours votera
contre.
C'est le cas de dire que chaque membre pris en
particulier veut des économies, mais que réunis ils veulent la dépense et une
dépense qui excède nos moyens. Telle est mon opinion.
A tous nos budgets, j'excepte celui de la guerre,
figurent des allocations en faveur du commerce et de l'industrie ; chaque
article séparément ne paraît pas d'une importance majeure, c'est seulement
lorsqu'on récapitule tous les articles des budgets, destinés à l'encouragement
de ces deux industries que l'on est frappé de l'énormité de la dépense à charge
du pays : le budget de l'intérieur principalement pétitionne la plus forte
somme.
Curieux de connaître quel était le chiffre de cette
dépense, j'ai compulsé les budgets et j'ai reconnu que
Je viens de dire que l'industrie et le commerce
occasionnent une dépense à charge du trésor de plus cinq millions, je vais en
établir la preuve :
Au budget de la justice il est pétitionné, pour
salarier les greffiers de commerce, une
somme de fr. 12,940
C'est sans préjudice à la somme pétitionnée au
budget de l'intérieur.
Au budget des affaires étrangères on demande pour
les agents consulaires, fr. 110,000
N. B. Il ne paraît pas que ce soit l'ultimatum de M. le ministre.
On pourrait ajouter une partie des dépenses votées
aux chapitres V, VI et VII du même budget, vu qu'elles sont faites en faveur de
l'industrie et du commerce : fr (pour mémoire)
Notre budget de la marine est porté en dépense au
chiffre de 900,849 fr., et sans exagération on peut établir que les 2/3 sont en
faveur de l'industrie et du commerce, soit fr. 640,566
Au budget de l'intérieur, chapitre XIV, le commerce y figure pour une dépense de fr. 807,500
Et au chap. XV du même budget il est demandé pour
encouragement, soutien et développement de l'industrie (comme si elle n'était déjà
trop développée), la somme de fr. 150,000
Au chap. IV du budget des travaux publics, nous
payons pour le conseil des mines fr. 45,600
Au chapitre III du budget des non-valeurs et des
remboursements, est un petit article intitulé unique : Remboursement du péage
sur l'Escaut, où l'on demande la somme de fr. 650,000.
Total général de ce que je nomme mon chapitre
premier : fr. 2,416,606.
Ce n’est pas tout, messieurs, il est d’autres
dépenses à charge de l’Etat, pour favoriser l’industrie et le commerce, qui
sont assez importantes pour devoir être signalées. Il se pourrait qu’on vienne
me contester l’exactitude de mes calculs, et que ne conteste-t-on pas ? Vous le
savez, messieurs, nous vivons dans un monde où tout est contesté.
Je reviens aux dépenses en faveur du commerce, etc.
Le chemin de fer a été construit pour favoriser le
commerce ; personne ne contestera cette vérité. Eh bien, il est plus que
probable que vous aurez un déficit, dans les produits comparés à
la dépense, de deux millions au moins, soit fr. 2,000,000
La construction du chemin de fer a nécessité la
formation d'un sixième ministère, ce qui occasionne une dépense de plus de fr.
100,000
L'entretien des ports d'Ostende et de Nieuport,
phares et fanaux, nécessite une dépense de plus de fr. 200,000, toute en faveur
du commerce.
Le commerce nécessite dans les ministères un certain
nombre d'employés, des frais de bureau de toute espèce, des enquêtes, des
statistiques ; ajoutez l'intérêt des capitaux employés au rachat de plusieurs
canaux (j'entends ici le déficit du produit sur la dépense et l'intérêt des
capitaux). Somme ronde pour tous ces objets réunis : fr. 300,000
Total : fr. 2,600,000
Il est bien d’autres dépenses que j'omets, tels que
les envoyés en Espagne, en Grèce, etc.
Pour encourager nos industries, on frappe d'un droit
à la sortie nos produits agricoles considérés comme matières premières ; c'est
en quelque sorte frapper un impôt sur l'agriculture en faveur de l'industrie manufacturière.
Ajoutez la dépense précitée de fr. 2,416,606, vous avez en total : fr. 5,016,606 dépensés par
l'Etat pour favoriser le commerce et l'industrie.
Une dépense aussi forte pour nos moyens devrait
porter ses fruits et rendre notre commerce et notre industrie prospères. En
est-il ainsi ? je ne le crois pas. De toute part on
crie que l'industrie et le commerce sont compromis en Belgique ; on réclame des
mesures pour leur soutien, et quoi que l'on fasse, leur position paraît
s'aggraver de plus en plus d'année en année.
Je dois donc croire que la dépense faite en faveur
de ces deux industries (cinq millions de francs) est mal faite, puisqu'elle ne
donne aucun résultat favorable.
Et, dans mon opinion, je crois que si on distribuait
cinq millions à nos industriels qui sont en souffrance, ils seraient bien plus
soulagés qu'ils ne le sont par le système adopté pour les soutenir.
J'appelle
l'attention du gouvernement sur cette dépense, que je considère faite en pure
perte, et je demande que MM. nos ministres changent de système plus économe, en
même temps plus efficace.
Toutes les nations, aujourd'hui, veulent
s'affranchir de leurs voisins. Pour y parvenir, elles encouragent les fabriques
naissantes dans leurs Etats en frappant de forts droits sur les produits
similaires venant de l'étranger, Agissons de la même manière, faisons en sorte
que nos industriels possèdent seuls le marché belge ; mais, je vous en convie,
ne dépensons pas l'argent du contribuable pour chercher des débouchés que nous
ne trouverons pas ; s'il en existait, nos voisins les Anglais et les Français
les posséderaient avant nous, et si par hasard, nous rencontrions un petit coin
de terre inconnu où nous pourrions déverser quelque partie de produits de notre
industrie et que notre British-Queen vînt à découvrir,
j'ai la ferme conviction que ce débouché de nos fabricats nous
serait de suite enlevé.
C'est dans l'esprit que le ministère fera de mûres
réflexions sur mes observations que je voterai en faveur du budget.
Si je croyais qu'il voulût persister dans la marche
adoptée, je me verrais forcé de voter contre.
Je dirai un mot sur la navigation transatlantique.
Sans vouloir ici traiter de la grave question de
l'acquisition, par le gouvernement, du British-Queen,
je déclare formellement m’opposer à ce que le gouvernement fasse cette
correspondance ; un gouvernement doit encourager
simplement une société ou un particulier fera de bonnes affaires
dans telle opération, ou un gouvernement perdra beaucoup, vous le savez comme moi, quand on travaille
pour un particulier on travaille avec économie, tandis que pour un gouvernement
tout se fait avec prodigalité, telle est la règle ; j'admets qu'il y a
quelquefois des exceptions, mais elles sont fort rares.
En un mot, que la loi du 29 juin 1840 concernant
l'établissement d'une ligne de bateaux à vapeur vers les Etats-Unis soit suivie
d'après la lettre.
Je regrette encore d'avoir été obligé de signaler ce
que je considère comme des abus, mon devoir m'en impose
l'obligation. J'ai dit.
M. Sigart. - Messieurs, dans la discussion du budget des voies et moyens, j’ai
demandé une explication sur la décomposition d'un chiffre, et j'ai, en passant,
signalé la tendance d'une mesure relative à la chasse ; à cette occasion, M. le
ministre de l'intérieur m'a donné rendez-vous sur le terrain de son budget. Je
réponds à son appel.
Toute sa tendance, dit-il, consiste à faire
respecter la propriété : des propriétaires étaient condamnés pour
délits de chasse hors du temps légal : ils ne pouvaient parer l'amende infligée
par les tribunaux et des demandes de grâce devaient être soumises au Roi.
Nous sommes tous d'accord que la propriété doit être
respectée ; nous sommes tous d'accord que les délits qui lui portent atteinte
doivent être réprimés efficacement. Mais nous devons voir si la propriété avait
besoin d'une protection nouvelle, nous devons voir surtout si le moyen employé
était fait pour atteindre le but. Examinons.
Pour juger le premier point, il faudrait connaître
tous les détails promis par M. le ministre, Je les
attendrai. Jusque-là, je croirai qu'un petit nombre
d'individus ont pu être condamnés, mais je croirai surtout que le refus d’un
port d'armes n'aurait guère eu pour résultat que de pr1ver l'Etat d'une
contribution et de changer les chasseurs en braconniers.
Quant au second, nous pouvons nous en expliquer immédiatement. Vous vous plaignez que des indigents
obtiennent des ports d'armes sans pouvoir garantir le paiement de l'amende en
cas de contravention. Eh bien ! exigez cette garantie
: prenez tous vos apaisements, mais n'allez pas au-delà ; car au-delà commence
le privilège.
Voulez-vous n'admettre que les garanties en
propriétés rurales ? Voulez-vous exécuter toute autre, qu'elle soit présentée
par un capitaliste millionnaire, par un ministre même, fût-il ministre dé l'intérieur, j'y consens ; mais faut-il, pour assurer le
paiement de l'amende, une propriété de cent hectares ? N'est- ce pas une définition fort singulière que celle-ci : Est réputé
indigent quiconque ne possède pas cent hectares. Je conviens que sur les points
les moins favorisés des Ardennes ou de
Et ce n'est pas protéger la propriété ce que vous
faites, c'est y porter atteinte. Vous possédez
Vous ne pouvez ni chasser ni en donner le droit à
d'autres qu'à ceux qui en possèdent le double. N'est-ce pas une chose criante
n'est-ce pas enlever des droits jusque-là incontestés ? Le droit de chasse
n'est donc plus un droit inhérent à la propriété ? Il ne fallait pas dire que
votre tendance était de la faire respecter ; il fallait dire que vous vouliez
donner des privilèges à la grande propriété.
Mais, dit-on, il n'y a là rien d'absolu : nos
instructions disent une centaine d'hectares ; nos
gouverneurs n'ont pas été rigoureux. Oui, j'en conviens, vos
gouverneurs ont agi à peu près comme par le passé, et c'est pour cela que les
recettes n'ont guère diminué ; mais s'ils décident que deux hectares, un
hectare ou zéro hectares en forment une centaine, ils pourraient aussi décider
que cent ne suffisent plus : selon le caprice d'un fonctionnaire, il en faudra
plus ou moins pour composer la centaine. J'aime autant l'absolu que
l'arbitraire.
Au reste, il ne s'agit point de savoir ce que font
les gouverneurs ; il s'agit de savoir ce que vos instructions leur prescrivent
de faire. Si les alarmes de l'opinion arrêtent l'exécution, la volonté ne s'est
pas moins exprimée. Elle s'est énoncée de la manière, selon moi, la plus nette,
la plus claire, la plus formelle : c'est là que j'ai vu une tendance : en la
signalant j'ai usé d'un droit, j'ai accompli un devoir.
J'invite le ministre à déposer sur le bureau les pièces qui concernent la
mesure.
Permettez-moi, messieurs, de m'occuper d'un autre
sujet.
On s'est plaint, et avec raison, que le vœu de
l'art. 54 de la constitution n'était plus satisfait, Cet article dit :
« Art.
54. Le sénat se compose d'un nombre de membres égal à la
moitié des députés de l'autre chambre. »
Notre situation résulte d'événements de force
majeure ; nous ne devons en accuser personne ; mais nous pouvons chercher si
elle n'admet point de remède.
La perte d'une partie du Limbourg nous priva
immédiatement, celle du Luxembourg nous prive, à compter de cette année, du représentant que nous avaient député les territoires cédés
; mais les sénateurs, dont la durée des fonctions .est plus longue, continuent
à siéger au sénat, 95 représentants et 49 sénateurs subsistent. La proportion
constitutionnelle est rompue.
A l'époque de la révolution, la population de
« Art. 49. La loi électorale fixe le nombre des
députés d'après la population ; ce nombre ne peut excéder la proportion d'un
député sur 40,000 habitants. Elle détermine également les conditions requises pour être électeur et la marche des opérations
électorales. »
Il est à remarquer que la perte des populations
cédées a été, ou peu s'en faut, compensée par l'augmentation de celle que
Il est donc facultatif de porter notre nombre à
cent. La constitution n'en fait pas une obligation
mais elle le permet, elle y invite même, au moins est-ce ainsi que la chose a
été comprise par le législateur de la loi
électorale, puisqu'il a été jusqu'à la limite permise.
Mais, messieurs, si la constitution n'ordonne point,
l'équité commande, dans le cas au moins où
l'accroissement n'aurait pas été proportionnel. Or, c'est ce qu’il
faut examiner.
Dans tous les arrondissements la population s'est
accrue, mais dans quelques-uns d'une manière presque nulle, dans d'autres au
contraire de la façon la plus notable :
Ainsi, quand de 1830 à 1841, Tournay passe de
137,300 à 140,339,
Mons s'élève de 128, 182 à 140,288
Louvain monte de 150, 194 à 158,577
Bruxelles s'accroît de 284,710 à 326,157,
C'est une augmentation :
Pour Tournay, de 2,2 p. c.
Pour Mons, de 9,4
p. c.
Pour Louvain, de 5,5 p. c.
Pour Bruxelles, de 14,5 p. c.
L'équité ne murmure-t-elle point de voir Mons dont
la population égale celle de Tournay (la dépasse même à l'heure qu'il est),
n'avoir que trois représentants quand Tournay en a quatre ; de voir Bruxelles avec une
population double de celle de Louvain, et de ne
point lui voir une représentation double.
Il est une anomalie que l'exactitude, poussée
jusqu'au scrupule, fait admettre, mais qu'il serait bien désirable de pouvoir
atténuer autant que possible, c'est l'intermittence électorale. N’est-il point
fâcheux pour un district d'avoir une représentation boiteuse, qui pose
aujourd'hui sur trois, demain sur quatre pieds. Et si c'est chose fâcheuse pour
l'arrondissement, il l'est bien davantage pour le député
surnuméraire qui n'est point stimulé par la récompense d’une conduite
parlementaire sans reproche, l'espoir d'une réélection.
Eh bien, l'on pourrait faire disparaître, non pas toutes, mais quelques-unes de ces fractions de
représentants. Liége doit, par exemple, nommer quatre représentants et demi,
c'est-à-dire quelquefois quatre et quelquefois cinq. On arriverait au nombre
entier fixe de cinq. Huy obtiendrait celui de deux.
Faut-il, messieurs, que je m'occupe des détails
d'exécution ? Je ne le pense pas ; je dirai seulement que, d'après les tableaux
officiels que j'ai sous les yeux, les provinces des
Flandres, Brabant, Hainaut et Liège pourraient avoir un représentant de plus.
Les districts seraient Bruxelles, Mons, Liége, Huy, Gand et Courtray. Ces cinq
représentants seraient élus immédiatement. Notre nombre ainsi s'élèverait à cent. Trois sénateurs nouveaux devraient être
élus pour compléter le nombre de cinquante. Un seul
le serait maintenant. Le sort désignerait le district parmi les trois dont la
représentation au sénat serait augmentée. Les deux autres ne le seraient qu'à
l'époque de sortie des sénateurs limbourgeois, De cette manière le nombre des
représentants serait dés maintenant double de celui des sénateurs et continuerait à l'être.
Ainsi,
messieurs, vous rétablirez l'équation constitutionnelle, vous détruirez
l'anomalie de quelques fractions électorales, surtout vous ferez acte d'équité.
C'est plus de motifs qu'il n'en faut pour vous déterminer. Il est impossible
que la matière n'ait pas appelé l'attention du gouvernement.
J'invite M. le ministre de l'intérieur
à nous faire connaître quelles sont ses intentions.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Je crois, messieurs, pouvoir me borner à donner quelques explications à la
chambre, sur le reproche renouvelé par l'honorable préopinant, concernant les
instructions relatives à la chasse.
L'honorable préopinant part du principe que nous ne
contestons pas, que, sauf les mesures de police, le droit de chasse est
inhérent au droit de propriété. Nous ne contestons pas ce principe ; mais en
résulte-t-il qu'il suffise d’être propriétaire d'un hectare pour avoir le droit
d'obtenir un permis de chasse. Là est la question. Elle n'est pas dans le principe, elle est dans l'application à donner au principe dans la pratique. Nous ne
pensons pas, messieurs, que l'honorable préopinant admette comme conséquence
rigoureuse du principe que nous posons avec lui, qu'il suffise d'être propriétaire de quelques hectares pour avoir droit à un
permis de chasse. Il faut être propriétaire d'un nombre d'hectares suffisant
pour constituer une chasse, ou à défaut de ce fait,
être substitué par les propriétaires dans le droit
de chasse sur un terrain suffisant pour qu'on puisse dire qu'il y a une
chasse. Il me semble qu'il est impossible d'entendre
autrement le principe, sinon on tomberait dans l'absurde.
Eh bien, messieurs, l'administration ne l'a pas
entendu autrement ; elle a voulu seulement qu'on fît
une application du principe conforme à ce que j'oserai appeler le sens commun.
Il n'y a eu aucune innovation ; on s'est conformé
aux instructions qui existent depuis 1830 et qui existaient avant 1830. On a
cru seulement devoir l'appeler de nouveau ces instructions aux gouverneurs de
province.
Mais on a voulu donner le change au public,
messieurs. On a répété sans cesse au public que l'on avait posé d'une manière rigoureuse, dans une instruction ministérielle, qu'il
fallait avoir au moins cent hectares pour obtenir un permis de chasse.
Messieurs, il n'en est rien. On a indiqué dans l'instruction du 16 août qu'il
fallait que celui qui se présente pour obtenir un permis de chasse, fût connu
pour être propriétaire d'un terrain suffisant pour chasser, ou bien être
substitué par un propriétaire dans le droit de chasser sur un terrain suffisant
pour constituer une chasse, une centaine d'hectares, par exemple.
On a vu, messieurs, que l'on voulait donner le
change au public sur cette instruction, et je me suis empressé d'en adresser
une seconde sous la date du 24 août, c'est-à-dire huit jours après, aux gouverneurs
pour leur expliquer d'une manière plus claire encore la pensée de
l'administration. Je demande la permission à la chambre de lui donner lecture
de cette seconde instruction du 24 août 1841, où les expressions de la première
se trouvent reproduites.
M. Devaux. – Lisez la première.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Je veux bien. Je les lirai
l'une et l'autre. Voici la première.
« Bruxelles, le 16 août 1841.
« Monsieur le gouverneur,
« Au moment où vous allez délivrer un grand
nombre de permis de port d'armes de chasse, je crois devoir vous adresser
quelques nouvelles recommandations sur la sévérité qu'il est nécessaire d'apporter dans l'examen des titres des pétitionnaires.
« Dans un grand nombre de villes et communes il est
délivré des permis de port d'armes à des personnes dont le travail est
nécessaire à l'entretien de leur famille, qui ne possèdent aucune propriété et
ne produisent, à l'appui de leur demande, que la permission de chasser sur
quelques hectares de terre qui ne peuvent suffire à un chasseur.
« Dans l'intérêt de ces personnes
mêmes, il convient, M. le gouverneur, de
leur refuser un permis de port d'armes de chasse dont ils ne feraient usage que
pour braconner sur le terrain d'autrui.
« Je vous prie donc, M. le
gouverneur, avant de délivrer un permis, de vous assurer que le
pétitionnaire est propriétaire d'une étendue de terrain suffisante pour former
une chasse, ou bien porteur d'une permission de chasse sur une étendue de
terrain d'une centaine d'hectares dans la même commune ou les environs. »
Vous voyez, messieurs, que l'on suppose deux
catégories : le propriétaire et le substitué au droit de propriété, et qu'en
s'occupant de la première catégorie on n'énonce pas
le chiffre de la centaine d'hectares. Ce chiffre n'est indiqué que pour la
deuxième catégorie, celle où, pour demander un permis de port d'armes, il faut
être substitué à un propriétaire.
« Quant aux personnes condamnées
pour délit de chasse, il est d'habitude de ne plus leur accorder
de permis l'année suivante.
« Cependant il est un cas où l'on a cru devoir faire
quelquefois exception à cette règle. C'est lorsque le chasseur a été condamné
pour avoir été trouve chassant sans permis sur le terrain d'autrui et qu'il est
reconnu ne pas l'avoir fait sciemment.
« Lorsque des cas semblables se présenteront,
vous voudrez bien, M. le gouverneur, les soumettre à mon avis.
« Dans toutes les autres
circonstances, vous devez, M. le gouverneur refuser le permis de port d'armes, et le chasseur qui en a été privé une année pour ce motif, ne doit
obtenir par la suite, de permis que lorsqu'il est bien
constaté qu’il ne s’est plus adonné au braconnage.
« Le ministre de l'intérieur,
« (Signé) Nothomb. »
Je n'hésite pas à répéter, messieurs, qu'il n'y a
rien de nouveau dans cette instruction, qui, à la rigueur, n'était pas
nécessaire ; qu'il aurait suffi d'écrire aux gouverneurs : Faites, mais faites
sérieusement ce qui vous est recommandé depuis 1830.
Néanmoins, dès que j'ai vu qu'on cherchait à alarmer
une partie du public sur la portée de cette circulaire, je me suis empressé,
dans la huitaine, à la date du 24 août, d'en adresser une nouvelle aux
gouverneurs.
« A. M. le
gouverneur de la province de.......
« Bruxelles, 24 août 1841.
« Monsieur le gouverneur,
« Les observations contenues dans
votre lettre du... (C'était au gouverneur qui me demandait des
explications. Je lui ai envoyé ces explications, et j'ai adressé la même
circulaire aux huit autres gouverneurs) me portent à croire que vous avez mal
interprété le sens et le but de ma circulaire du 16 août
courant.
« Je vous ai invité, M. le Gouverneur, à ne
délivrer de permis de port d'armes qu'au propriétaire d'un terrain suffisant
pour former une chasse ou bien au porteur de permissions de chasse, sur une
étendue de terrain d'une centaine d'hectares dans la même commune ou les
environs.
« Il y a donc deux catégories de chasseurs : la première sont les propriétaires, auxquels vous pouvez délivrer des permis,
sans qu'il vous soit tracé de limites pour le terrain dont ils doivent être
propriétaires. Ce soin doit être laissé entièrement à votre appréciation sans
cependant que vous puissiez regarder comme propriétaire d'une chasse celui qui
ne posséderait que quelques parcelles de terre.
« A l'égard de la deuxième catégorie, celle des
porteurs de permissions, il a bien fallu déterminer à peu près l'étendue
de terrains sur lesquels ils devaient pouvoir exercer leur droit de chasse. Le
chiffre de cent hectares environ qui a été posé, ne doit pas cependant être
pris dans son acception rigoureuse, c'est à vous de juger, M. le
gouverneur, en faveur de quelles personne vous pouvez
consentir à réduire ce taux.
« Au reste, il importe, M. le gouverneur, de ne
pas perdre de vue le but dans lequel ces instructions vous ont été dictées,
elles tendent à empêcher que des gens qui ne possèdent
aucune propriété ne se livrent à la chasse et au braconnage au
détriment des contribuables dont les droits de propriété doivent être
respectés.
« Ainsi donc il serait vexatoire de
la part de l'administration d'exiger, de la part de
propriétaires connus ou de leurs enfants, la production de pièces ou titres
apportant la preuve de leurs droits. Il suffit qu'ils soient notoirement connus
par vous, M. le gouverneur, pour que cette
production devienne inutile.
« Le ministre de l'intérieur,
« Nothomb. »
Vous voyez donc, messieurs, que les instructions
données par l'administration n'ont pas cette rigueur qu'on veut leur attribuer.
Ces instructions ne sont pas nouvelles ; elles sont conformes à toutes les
instructions données depuis 1830, conformes à toute la pratique administrative.
Je pourrais notamment donner lecture à la chambre,
s'il était nécessaire, d'une instruction donnée aux gouverneurs de province le
24 novembre 1830, c'est-à-dire dans les premiers mois de la révolution
; instruction par laquelle on recommande aux gouverneurs de veiller à la
répression du braconnage, d'être très sévère dans la délivrance des ports
d'armes, et on finit par dire que le permis de chasse n'est pas tellement
inhérent à la propriété qu'on ne puisse pas prendre en considération des
mesures de police.
« Enfin, M. le gouverneur, est-il dit dans
cette instruction, il pourra être utile d'ajouter à cette circulaire, qu'il
sera dressée une liste triple des noms, prénoms et domiciles, des individus qui
auront été condamnés pour délit de braconnage,
qu'une de ces listes sera et restera affichée dans la salle du tribunal
correctionnel, et que les deux autres seront envoyées au gouvernement de la province et au comité de l'intérieur, pour qu'on y
connaisse ceux à qui des permis de port d'armes ne pourront désormais être accordés sans inconvénient.
« Le chef du comité de l'intérieur,
« (Signé) TIELEMANS. »
Ainsi, messieurs, on admettait à la date du 24
novembre 1830, qu'on pouvait refuser un permis de chasse à un propriétaire qui avait manqué aux lois sur la chasse, c'est-à-dire qui
avait été condamné pour avoir chassé sans permis de port d'armes, ou qui, muni
d'un port d'armes, aurait été condamné pour avoir chassé hors du temps légal,
On admettait qu'on pouvait, dans ce cas, priver un propriétaire même du permis
de port d'armes, et on allait jusqu'à demander qu'il fût dressé une liste qui
resterait affichée dans la chambre du tribunal correctionnel. Cette
instruction, nous n'avons pas cru devoir la renouveler. Nous n'avons pas cru
pouvoir aller jusque-là.
Je dois remercier l'honorable
préopinant, messieurs, de m'avoir donné l'occasion de rectifier des faits qu'on
a cherché à dénaturer.
M. Sigart. - Ni le public, ni moi, n'avions connaissance de la seconde circulaire
qui était restée inédite. Je vois qu'elle annule la première. Est-ce l'alarme
de l'opinion qui a opéré ce revirement ? Je vous laisse le soin d'en juger.
Quoi qu'il en soit, je puis déclarer que je suis, ou peu s'en faut, satisfait
de la réparation.
Je demanderai à M. le ministre de
l'intérieur s'il n'est pas préparé à répondre aux autres observations que j'ai
eu l'honneur d'adresser à la chambre sur le nombre des membres de la
représentation nationale.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Il me serait excessivement difficile de répondre à une question de ce
genre ; il me faudrait pour cela posséder des données que je n'ai pas.
L'honorable membre a soulevé deux questions ; la
deuxième est celle-ci : il lui paraît que, la population ayant augmenté dans un
certain nombre de localités, ou ayant peut-être été mal constatée en 1831, il y
aurait lieu à augmenter le nombre des membres de cette chambre et à assigner à
chaque localité le nombre de représentants qui lui revient, aux termes de la
constitution. C'est là messieurs, une question sur laquelle j'avoue ne pas être
préparé.
L'autre question concerne l'état anormal où, selon
l'honorable membre, se trouve le sénat par rapport à la chambre des représentants.
Il y a aujourd'hui 95 représentants et 49 sénateurs,
c'est-à-dire que le nombre des membres du sénat dépasse la moitié du nombre des
membres de la chambre des représentants ; je vous rappellerai, messieurs, que
lorsqu'il s'est agi des mesures devenues nécessaires, à la suite du traite du
19 avril 1839, le ministère a rempli un rigoureux
devoir ; il vous a présenté une loi d'après laquelle les membres des deux
chambres appartenant aux districts que nous avions été forcés de céder,
auraient cesse de siéger dans l'une et l'autre des deux chambres. En présentant
cette loi, mon honorable collègue d'alors, l'honorable M. de Theux, remplissait
un devoir pénible, mais dont il croyait l'accomplissement nécessaire. La
chambre des représentants a adopté cette loi, le sénat l'a rejetée. De là
l'anomalie qui se présente ; cette anomalie trouve son explication dans les
votes différents des deux chambres. Si la loi présentée par le ministère
d'alors avait été adoptée, cette anomalie n'existerait pas.
Cette anomalie est un fait notoire,
mais je regrette que la cause en ait été perdue de vue.
M. Pirson. - Il est, messieurs, de toute justice que chacun ait
le droit de chasser sur son propre terrain ; mais il est reconnu que, par le
fait, les petits propriétaires ne peuvent pas jouir de ce droit, parce que
l’étendue de leurs propriétés n’est pas assez grande pour pouvoir lancer des
chiens, etc.
Il y aurait, selon moi, un moyen de rendre justice à
tout le monde ; ce serait de mettre en adjudication le droit de chasse, dans
chaque commune ; ceux qui seraient adjudicataires de la chasse dans une commune
seraient probablement des propriétaires de cette commune
; eh bien, je voudrais que le produit de l'adjudication fût soustrait du
contingent de la contribution foncière de chaque commune ; de sorte que, si
deux riches propriétaires d'une commune se disputaient le droit de chasse, et
que par conséquent ils allassent à des enchères très élevées, ces enchères
élevées viendraient en déduction de leur propre
contribution. Ainsi celui qui paierait très cher son droit de chasse verrait
par ce fait sa contribution foncière diminuée.
Si ce système était adopté, vous le voyez,
messieurs, il n'est pas un seul propriétaire qui ne participât au bénéfice de
la chasse. Du reste, je n'insisterai pas davantage sur les
observations que je viens de présenter. Il me suffit de les avoir soumises à
l'attention de M. le ministre et de la chambre.
M. Osy. - Je regrette de n'avoir pu me trouver à votre séance
de lundi, lorsque l'honorable M. Zoude a fait le rapport sur la pétition des
négociants d'Anvers pour une réforme des. chambres de commerce ; mais je
profite aujourd'hui du subside qu'on nous demande pour ces corps consultatifs,
pour vous en dire mon opinion, et j'espère pouvoir
vous prouver que je ne puis nullement me rallier à la réponse de M. le
ministre, et que je dois soutenir la demande des négociants d'Anvers ; et si je
suis bien informé, les négociants des autres grandes
villes partagent ma manière de voir, qu'il est plus que temps qu'il y ait une
réforme, et que finalement les informations que le gouvernement et les chambres
doivent attendre du commerce, soient la véritable
expression de ses besoins et pas, comme par le passé, l'opinion de quelques
personnes.
Dans le courant de cette année on a
reconstitué les chambres de commerce, mais avec une légère
différence elles sont restées sur le même pied, et même pour Anvers on
l'a même rendue dans le but qu'on se proposait, moins favorable.
Anciennement, par règle générale, un tiers des
membres sortait tous les ans, mais les sortants étaient de suite rééligibles,
tandis qu'à Anvers par un règlement intérieur qui date de plus de 10 ans, le
tiers sortant ne pouvait être réélu qu'après un intervalle d'un an.
D'après le nouvel arrêté, la règle générale est que
le tiers sortant ne peut être réélu qu'après un an ;
mais on a cependant laissé aux chambres de commerce la faculté de réélire de
suite le tiers du tiers sortant.
Les chambres de commerce se renouvellent toujours
elles-mêmes en envoyant tous les ans une liste triple au choix du Roi.
Vous sentez qu'en se renouvelant toujours soi-même,
vous devez y conserver les mêmes opinions,
car on a bien soin de proposer les hommes qui
partagent l'opinion commerciale de la majorité restante, et depuis 10 ans à
Anvers le choix a toujours roulé sur les mêmes personnes avec très peu de
variations, et on n'a pas réélu d'anciens membres de la chambre de commerce qui
avaient des opinions tout à fait contraires, à ceux
qui dominent la chambre depuis 10 ans ; et votre commission d'enquête qui a
consulté tant d'anciens négociants qui n'ont jamais
été réélus, pourra vous dire si leur système commercial ne diffère pas
essentiellement de celui qu'on a prôné depuis 1832, et qui, je puis le dire
hardiment, a fait beaucoup de mal et n'a pas fait connaître au gouvernement et
aux chambres les véritables besoins du pays. Je suis bien persuadé qu'ils ont
donné des opinions très consciencieuses, mais qui n'étaient pas l'opinion et le
besoin de la majorité du commerce.
Je dois également vous dire en passant, qu'à Anvers
on a grand soin d'appliquer strictement la sortie pendant un an à ceux qu'on ne
veut plus revoir à la chambre, tandis que d'autres ont été à plusieurs reprises
réélus de suite sans cet intervalle. Je ne veux pas ici vous citer des noms
propres, ce fait est assez connu à notre bourse.
Je pourrais aussi vous citer des négociants les plus
notables et les plus entendus qui anciennement ont été de la chambre de commerce, auxquels on n'a plus jamais pensé.
Tout ceci vous prouve, messieurs, qu'il est plus que
temps, pour connaître exactement les vœux et les désirs du commerce, que les
chambres de commerce soient réformées, et je ne connais pas de meilleur moyen,
que de faire choisir les chambres de commerce par les notables comme pour la
formation des tribunaux de commerce. Qu'on soit élu pour trois ans, et que
strictement il y ait une année d'intervalle avant de pouvoir être réélu.
On vous dira qu'à Gand on a eu de la peine à former
une liste des notables ; mais je l'attribue aux circonstances politiques, et
maintenant, si mes renseignements sont exacts, cette liste y est formée
et ne donne plus matière à réclamations.
On me dira : Les notables ne viendront pas aux
élections, et pour preuve qu'il y a souvent eu tiédeur parmi eux lors de
leur réunion pour les tribunaux de commerce ; à cela je répondrai que
cependant, aux élections de novembre à Anvers, sur les 60, il y a eu 25
personnes, et que les choix qu'on a faits sont généralement approuvés,
et que notre tribunal est parfaitement composé.
Pour les élections des chambres de commerce, on
viendra avec empressement, parce que le commerce a besoin d'avoir un corps qui
représente ses vrais intérêts, et le passé, qui lui a fait tant de mal, est une
sévère leçon pour que chacun pense à ses plus chers intérêts.
La nomination par le Roi, dont M. le ministre
a parlé, serait tout à fait vicieuse ; les chambres
de commerce ne sont que consultatives et c'est celui qui doit consulter, qui nommerait
ses conseillers ; ceci serait un beaucoup plus grand abus que le système
actuel.
Je ne suis pas de ceux qui veulent exclure les
étrangers des chambres de commerce ; mais il faut cependant avouer que, depuis
10 ans nous avons vu à Anvers siéger à la chambre des étrangers dont les
affaires et les intérêts sont tout à fait contraires aux besoins du pays, et
qui, entre autres, pour avoir des consignations étrangères, se seraient
toujours opposés à favoriser notre pavillon et à donner des avantages aux
arrivages des provenances directes.
Presque tous ces étrangers n'avaient ni propriétés
ni navires en Belgique, seulement leur portefeuille sous le bras et une maison
louée, et qui, s'ils trouvent que les affaires ne vont pas bien chez nous,
peuvent quitter du jour au lendemain et s'établir dans d'autres villes
commerciales sans aucun embarras. Mais nous qui sommes attachés au sol sous
tous les rapports, nous voulons sa prospérité et
vous faire entendre les vrais besoins, et nous ne pouvions pas venir dans
l'enceinte où se rédigent les mémoires qui doivent éclairer le gouvernement.
Pour moi, j'ai fait partie
de la chambre de commerce avant la révolution et j'y suis resté
jusqu'en 1832 ou 1833 ; depuis on ne m'a plus jamais fait l'honneur de me
rappeler, et je n'en suis pas fâché, parce que j'aurais passé bien des années
dans la minorité et même souvent dans l'isolement. Ce n'est que depuis que je
suis dans cette enceinte qu'on vient de me proposer comme premier candidat au
choix de Sa Majesté. Vous voyez donc, messieurs, que je suis obligé de vous
parler de moi, c'est pour vous prouver que, quoique rentré dans un corps que je
considère pouvoir être utile au pays, je veux sa réformation, et si, cette année, je ne puis pas réussir à vous convaincre de ce besoin, je reviendrai à la charge
l'année prochaine.
Le rapport de la commission d'enquête vous prouvera
tout ce que j'avance.
M. le ministre vous a dit à la séance du 13 :
« Il est à remarquer d'ailleurs que ce n'est qu'un corps consultatif, et
rien n'empêche, pour les questions graves, que les
négociants non membres de la chambre de commerce adressent leurs observations
soit au gouvernement, soit à la chambre de commerce ; il ne leur est pas
interdit le droit de pétition. »
Je suis étonné que M. Nothomb, toujours aussi exact
et de bon jugement, ait pu nous dire une pareille chose, après avoir contresigné l'arrêté royal de cette année (dont je vais vous donner lecture) où il veut que tout reste très
secret entre la chambre et le ministère.
Comment voulez-vous donc que le public sache ce dont
la chambre de commerce s’occupe ? et souvent le mal
est fait avant qu'il en ait connaissance, et vous savez, messieurs, que dans ce
siècle les faits consommés et accomplis
sont très difficiles à remédier.
Les négociants se plaignent, mais ils ont bien
d'autres occupations que de se réunir pour faire des
pétitions pour tâcher de faire revenir le gouvernement sur des mesures prises ;
on est découragé et mécontent de ne pas avoir pu
être informé en temps.
Soyez sûrs que si l'ancien ministère n'avait pas
entouré les négociations pour l'achat du grand
steamer d'un voilier si épais (car ce n'est que depuis l'ouverture des chambres
que nous savons qu'il est acheté pour compte du gouvernement et payé par les
fonds du trésor), toute la bourse se serait écriée : vous faites non seulement
une très grande faute, mais vous attirez le pays dans un gouffre de dépenses
dont vous ne voyez pas la profondeur.
Je ne sais si la chambre de commerce a été
consultée, mais nous savons que le président de cette chambre
et deux autres membres étaient les grands conseils et lorsque
nous serons à débattre le rapport de la section centrale, je vous dirai où vous
allez, aujourd'hui je me bornerai à vous dire, que
pour diriger cette affaire monstrueuse, on vient de créer pour le président
actuel de la chambre et pour un autre membre des places qui vont leur rapporter
à chacun quatre mille francs par an, et on dit que le fils du président est envoyé en mission par le gouvernement à
New-York, et je ne doute pas que tant de zèle sera encore récompensé par la
création d'une place salariée, tandis que nous y avons un consul des plus
estimés et intègres, et qui, s'il n'est pas notre compatriote, est au moins
l'agent de confiance de presque tous nos industriels
de Verviers.
Il me reste à vous parler d'un autre grand vice de
nos chambres de commerce, c'est d'y voir des consuls étrangers ; à Anvers, vous
y avez quatre consuls, celui de Russie, Danemarck,
d'Oldenbourg et d'une puissance de l'Amérique du Sud.
Il y a certainement parmi ces personnes, comme
négociants, qui peuvent nous être de la plus grande utilité, et que j'estime
sous tous les rapports ; mais je vous demande s'il est convenable que des
agents des puissances étrangères sachent les secrets du gouvernement,
ses intentions et ses vues, tandis que la bourse ne puisse rien en connaître ?
Je crois, messieurs, vous avoir démontré sous tous
ses faces les vices de la composition des chambres de commerce, et j'espère que
la majorité de la chambre voudra s'associer à mes efforts pour engager le ministère, de la manière la plus sérieuse, à
réformer le plus tôt possible la formation, la composition et la sortie d'un corps qui peut rendre au pays les
plus grands services.
J'aurai encore à vous parler des 70,000 francs pétitionnés pour l’exportation des produits
de l'industrie cotonnière, mais je me réserve de le faire lorsque nous serons
au chapitre XIV, je me réserve généralement la parole pour l'article 23 de ce
chapitre et finalement lorsque nous serons aux beaux-arts.
M. Cogels. - Messieurs, je regrette d'être en désaccord avec l'honorable député qui siége à mes cotés, et de
devoir m'opposer, en quelque sorte, au vœu émis par un assez grand nombre de négociants d'Anvers. En
agissant ainsi, j'obéis à une intime conviction.
Ancien membre de la chambre de commerce d'Anvers, je dois éclairer la chambre
sur le véritable état des choses qui, je le pense, n'ont pas été présentées
avec toute l'exactitude désirable.
Je crois que les négociants, signataires de la
pétition, ont méconnu le véritable caractère des
chambres de commerce. Si ces chambres étaient électives, elles se
transformeraient en quelque sorte en ces corporations isolées qui existaient
autrefois sous les gouvernements absolus, et qui cherchaient à opposer au
pouvoir les barrières irrégulières de leurs protestations. Nous sommes dans un
gouvernement représentatif : il n'y a qu'un seul pouvoir qui puisse représenter
tous les intérêts nationaux, ce sont les chambres. Les chambres de commerce ont
donc un caractère purement consultatif. Ce que l'on
doit chercher à y rencontrer, ce sont des renseignements
utiles, qu'ils viennent, soit des régnicoles, soit des étrangers, fût-ce même
de consuls ; le point essentiel c'est que le gouvernement soit bien éclairé.
L'honorable M. de Foere, que je regrette de ne pas
voir à la séance, a fait, lundi dernier, un singulier reproche à la chambre de
commerce d'Anvers ; il lui a reproché d'avoir eu de la stabilité dans ses
opinions, de ne pas avoir changé de système ; et c'est pour la faire changer
d'opinion, de système, qu'il voudrait la composer d'autres éléments.
Je ne comprends pas pourquoi l'honorable député de
Thielt n'a pas adressé de préférence ce reproche à la chambre de commerce de
Bruges, elle n'a pas non plus changé de système ; elle n'a pas même changé dans
la composition de ses membres dont les fonctions sont en quelque sorte, je ne
dirai pas â vie, mais héréditaire de père en fils.
Mais quel est le véritable tort de la chambre de
commerce d'Anvers ? C'est de ne pas avoir partagé toutes les opinions de l'honorable député de Thielt ; il n'en est pas de même de la
chambre de commerce de Bruges, qui ne voit que par les yeux de l'honorable
membre, qui ne juge que par lui. Voila pourquoi l'honorable M. de Foere n'est
pas du tout opposé à ce qu’elle reste constituée telle qu'elle est maintenant.
Si la chambre de commerce d'Anvers voulait adopter
les opinions et les principes de l'honorable député de Thielt,
ô mon Dieu ! Il ne demanderait aucun changement, il consentirait alors
aussi à la voir se perpétuer, à la rendre héréditaire. Voilà, je crois, tout le
secret de l'opposition de l'honorable député de Thielt, à notre chambre de
commerce.
On vient de nous dire que dans les élections qui ont
été faites depuis quelques années pour les renouvellements, plusieurs membres
étaient réélus, souvent après l'intervalle d'une année.
Je ne vois pas un si grand mal à cela ; quand des
membres avaient donné des preuves de capacité, d'activité et de zèle, était-ce
un motif pour les éliminer ? Ne devait-on pas, au contraire, s'empresser de les
réélire ?
On veut nous faire croire que la chambre de commerce
d'Anvers se composerait d'une coterie qui dominerait tout et qui ne songerait
qu’à se perpétuer.
Ici encore les faits viennent démentir cette
assertion.
La meilleure
preuve, c'est que dans les dernières élections, l'honorable député qui siége à mes côtés, a été porté en première ligne sur la
liste des candidats ; cependant, il ne partage pas les principes de la chambre
de commerce d'Anvers ; pour ma part, j'approuve
beaucoup le choix que cette chambre a fait : elle a agi sagement, en ne
regardant pas à l'opinion de l'élu ; en pareille manière,
on ne doit avoir égard qu'aux connaissances commerciales des candidats à la
position honorable qu'ils occupent. On ne doit pas chercher à rencontrer dans
une chambre de commerce, pas plus que dans cette chambre, une unanimité
d'opinion ; on ne doit pas vouloir qu'une seule personne y dirige tout : il
faut qu'il y ait discussion, controverse ; c'est là ce qui peut le mieux
éclaircir les questions.
Ce principe a été si bien compris par la chambre de
commerce d'Anvers que lorsqu'il s'est agi de faire un rapport à la commission
d'enquête, elle n'a pas voulu confier la rédaction de ce document à l'opinion
de la majorité de ses membres, mais elle a eu soin de faire participer à cet
acte toutes les opinions divergentes, afin que la nation fût véritablement
éclairée sur tous ses intérêts
L'honorable membre qui siège à mes côtés, voudrait
confier l'élection des membres de la chambre de commerce à l'assemblée des
notables ; je crois que les pétitionnaires vont plus loin, car ils veulent que
cette élection soit organisée sur des bases constitutionnelles. Je ne comprends
pas trop bien ce que les pétitionnaires entendent
par bases constitutionnelles ; car je ne vois rien dans la constitution
qui soit relatif à la nomination des membres des chambres de commerce, pas plus
qu'à celle des membres des commissions d'agriculture. Si l'on étendait le
système électif, qui n'est déjà que trop large, aux chambres de commerce, il
n'y aurait pas de motif pour ne pas l'étendre à la magistrature, aux agents de
la force publique ; il faudrait, en un mot, que la nation nommât à tous les
emplois de l'Etat.
Ainsi, les pétitionnaires ont voulu probablement que
tous les négociants patentés concourussent à l'élection des membres de la
chambre de commerce.
Mais ici je demanderai quelles seraient les limites
que l'on tracerait ? Où commencerait le négociant ? Où finirait le détaillant ?
Car si l'on confiait l'élection à tous les patentables, appartenant au
commerce, il faudrait même admettre les commissionnaires marrons ; ou si l'on
ne les admettait pas, il faudrait, avant de les exclure,
faire une espèce d'enquête, pour savoir s'ils sont marrons ou non.
L'honorable M, Osy est tombé dans une erreur,
relativement à la liste des notables. Selon lui, cette liste ne comprendrait
que 60 personnes, dont 25 auraient été présentes, lors de la dernière élection pour le tribunal de commerce.
La liste des notables à Anvers se compose de 86
membres, et voici comment les choses se sont passées. (Je puis donner à cet
égard des renseignements très exacts puisque j'ai assisté à l'élection et que
j'ai été membre du bureau.) Voici, dis-je, ce qui s'est passé :
Lorsque nous nous sommes rendus au tribunal de
commerce, nous avons trouvé parmi les 18 membres présents, la plupart des
membres restants du tribunal qui faisaient également partie des notables ; ils avaient préparé une liste sur laquelle ils
avaient indiqué les noms des anciens membres suppléants qui passeraient comme
juges, et les noms des membres nouveaux qui seraient disposés à accepter les
fonctions de juges ou de juges suppléants, car tout le monde ne consent pas
volontiers à accepter ces charges.
On a trouvé que les choix provisoires qui avaient
été faits étaient bons : ils ont été ratifiés à l'unanimité de tous les membres
présents ; et voici comment cette ratification a eu lieu : Aux deux premiers tours de scrutin, 18 membres
étaient présents : il y en avait 20 aux deux tours de scrutin suivant ; enfin
aux trois derniers jours de scrutin, on est allé chercher du renfort à la
chambre de commerce qui était précisément assemblée
le même jour, et l'on s'est trouvé au nombre de 25. Ainsi donc, 25 notables sur
86 ont concouru à l'élection : l'élection de l'année
précédente en avait, si je ne me trompe, réuni seulement treize.
On dira que si l'on confie l'élection des membres de
la chambre de commerce aux notables, ceux-ci se montreront plus, exacts et plus
empressés ; mais on s'exposerait à tomber dans un inconvénient
tout aussi grave que celui qu'on vient de signaler ; d'abord la liste des
notables formée par les gouverneurs n'offre pas ce caractère
de représentation que les pétitionnaires semblent exiger ; ensuite,
dit-on, la chambre de commerce d'Anvers se compose d'une coterie ; or, ne
courrait-on pas dans ce système le danger de remplacer cette coterie par une
autre coterie ; et enfin n'y aurait-il pas encore une grande difficulté à
composer les chambres de commerce en conformité de l’arrêté organique de leur
institution ? Cet arrêté, qui date de 1815, prescrit entre autres que toutes
les branches de commerce et d'industrie qui s'exercent dans le
ressort soient convenablement représentées ; ainsi pour la chambre de commerce de Rotterdam, dont l'organisation a été appliquée presqu'entièrement à celle d'Anvers, on exigeait
deux membres faisant le commerce d'Angleterre et d'Ecosse, deux membres faisant le commerce de France, un ou deux membres
pour le commerce de l'Allemagne et la navigation du Rhin, deux pour l'Amérique
septentrionale et les Indes occidentales, deux pour les Indes orientales, cinq
pour les raffineries, les distilleries et d'autres industries, un parmi les
principaux assureurs, etc. ; je ne me rappelle pas exactement toutes
les stipulations.
Comment voulez-vous que dans des élections faites
par les notables, ou par les patentés en général, l'on se renferme dans les
catégories déterminées par ces dispositions organiques, comme la chambre de
commerce peut le faire dans les listes de candidats qu'elle présente au
gouvernement ? car la chambre ne choisit pas, elle
propose une liste triple dans laquelle le gouvernement a la faculté de faire un
choix ; si la liste ne lui convient pas il aurait même le pouvoir d'en exiger
une nouvelle.
Messieurs, j'ai cru devoir donner ces
éclaircissements, pour détruire les préventions qui existent contre la chambre
de commerce d'Anvers, préventions que je vois à regret partagées par l'honorable préopinant. Je pense, d'après cela, que si M. le
ministre croit devoir faire droit à la réclamation des pétitionnaires, il ne
doit prendre une pareille décision qu'après avoir mûrement réfléchi à tous les
inconvénients qui pourraient résulter du système mis en
avant par les réclamants.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, je pense que les
inconvénients que vous a signalés l'honorable M. Osy s'adressent moins au mode
de renouvellement des chambres de commerce qu'à l'application que ce mode peut
quelquefois avoir reçue. Je crois que le mode de renouvellement offre des ressources suffisantes pour que le même esprit ne se
perpétue pas dans les chambres de commerce. Il faut seulement qu'on use sérieusement
des moyens que présente ce mode de renouvellement. Il faut que le
gouverneur veille à ce que l'on ne perde pas de vue les motifs pour lesquels on
exige le renouvellement triennal.
Rendons-nous compte des changements qu’a introduits
le dernier arrêté sur les chambres de commerce, celui du 10 septembre dernier.
Vous vous rappellerez, messieurs, que dans le cours de notre dernière session,
par une loi du 16 mars 1841, on avait réglé les dépenses des chambres de commerce
; l'exécution de cette loi était abandonnée à un règlement d'administration
générale.
Dans la discussion on s'est aussi occupé de
l'existence même des chambres de commerce, de leur organisation ; on n'a pas
donné suite à quelques réflexions qui avaient été émises, on a semblé d'accord
que c'était au gouvernement, en même temps qu'il exécuterait la loi nouvelle
relative aux frais des chambres de commerce, d'examiner aussi ce qu'il y avait
à faire pour leur organisation, c'est ce deuxième objet qu’il a cherché à
remplir, par l'arrêté royal du 10 septembre dernier.
A Anvers la chambre de commerce se renouvelle par
tiers et elle a admis par un règlement intérieur que le tiers sortant ne
pouvait plus faire partie de la chambre qu’après un intervalle d'une année. Ce
mode de renouvellement n'existait pas ailleurs ; le gouvernement l'a rendu
général en y introduisant toutefois une restriction. Il a pensé qu'il pouvait y
avoir des inconvénients dans certains cas, à exiger qu'aucun membre du tiers
sortant ne pût être réélu. Il est, par exemple, telle chambre de commerce où la
disparition du président serait un véritable mal. On a donc voulu que le
gouvernement pût faire une exception, qu’il pût, par exempte, conserver le
président ; le gouvernement a voulu qu'il fût possible de conserver les
traditions, que l'on pût ne pas se priver du concours d'un homme qui peut être
une des premières notabilités commerciales ou
industrielles de sa province ou de sa ville.
Cette restriction, encore une fois, il faut en user
sagement. En conclure qu’il faille,
dans tous les cas, maintenir le tiers des membres
sortants, ce serait contraire à l'esprit de l'arrêté du 10 septembre. On
maintiendra une partie du tiers des membres sortants lorsque les
circonstances l'exigeront ; dans le cas contraire, on ne les maintiendra pas.
On avait proposé l'exclusion des étrangers et des Belges consuls étrangers.
Le gouvernement a reculé devant cette exclusion, formulée d'une manière absolue
; il lui a semblé que, dans certains cas, cette exclusion pouvait être un mal.
Néanmoins, il a reconnu qu'il ne faut pas abuser de la latitude que laisse à
cet égard l'arrêté organique, et placer , par exemple, dans une chambre de
commerce un quart d'étrangers, Mais, dans certains cas, ce serait un mal
d'exclure tous les étrangers. Je dis, qu'à Anvers, par exemple, il est très
heureux qu'il y ait dans la chambre de commerce des étrangers, des Allemands et
autres, qui sont en rapport ave des chambres de commerce des villes
d'Allemagne, riveraines du Rhin, qui ont des relations particulières, intimes,
avec leurs compatriotes de Mayence, par exemple. Je dis que c'eût été un mal de
ne pas voir dans la chambre de commerce d'Anvers un homme ayant des relations
de ce genre. Mais encore une fois il ne faut pas abuser de cette latitude. Le
principe de l'arrêté relatif à l'organisation des chambres de commerce, comme
tous les principes, sera un principe mauvais si l'on en abuse.
L'arrêté du 10 septembre dernier a donc eu pour but
de donner une organisation uniforme à toutes les chambres de commerce du
royaume. Cette organisation uniforme va recevoir une première fois son
application, si cette application n'est pas heureuse on examinera quels sont
les changements qu'il y a lieu à introduire dans l'organisation
de ces corps consultatifs.
Je me permettrai, messieurs, d'insister sur quelques
détails donnés par l'honorable M. Cogels. Vous avez vu, messieurs, que sur 86
notables qui se trouvent à Anvers, on a eu beaucoup de peine à en réunir 25 pour
composer le tribunal de commerce. Pourquoi n'y a-t-il eu aucune réclamation contre les décisions rendues par un tribunal de
commerce ainsi composé indirectement par un nombre de notables qui ne
représentent pas même la majorité absolue du nombre total ? C'est, messieurs,
parce que les décisions du tribunal de commerce ne concernent que deux parties
; si elles intéressaient le pays, une province ou une ville, je suis convaincu
que l'on ne manquerait pas de dire que ces décisions ne signifient rien, puisque
ceux qui les portent ne représentent indirectement qu'un petit nombre de
notables, inférieur même au nombre rigoureusement exigé pour qu'il y ait
majorité absolue dans une assemblée délibérante. Je n'hésite donc pas à dire
que si 1'on appliquait aux chambres de commerce le principe de l'élection par
les notables, s'il arrivait un cas comme celui qui se présente à chaque moment
dans nos villes lorsqu'il s'agit de réunir les notables pour composer les
tribunaux de commerce, on viendrait vous dire que le vœu exprimé par la chambre
de commerce n'est pas le vœu de la majorité ; on demanderait ce que représente
la chambre de commerce nommée par 25 notables réunis à grand'peine
sur 86.
Vous voyez que ceux qui seraient en dissidence avec
la chambre de commerce ainsi formée trouveraient toujours moyen d'attaquer les
vœux qu'elle aurait émis. Et, de plus, ceux qui seraient en dissidence avec
elle ne manqueraient pas de demander comment se forme la liste des notables.
Cette liste est formée par le gouvernement ; on ne manquerait pas d'attaquer la
liste tout entière. Ainsi on trouverait deux moyens de venir enlever aux vœux
des chambres de commerce l'autorité qu'on voudrait leur donner devant vous.
D'abord on dirait que le gouvernement a fait composer la liste avec négligence
ou d'une manière partiale ; en second lieu, en acceptant la liste, le plus
souvent il se trouverait que ceux qui auraient forme
la chambre n'auraient pas représenté la majorité de cette
liste.
Une autre considération a été présentée par M.
Cogels, à laquelle il est impossible de répondre. Les chambres de commerce,
d’après le règlement organique doivent être composées de manière à représenter
les principales branches de commerce de leurs ressorts respectifs. L'art. 4 de
l'arrêté d'organisation pose un principe général dont le développement est
laissé aux règlements intérieurs de chaque chambre de commerce. Il était
impossible de désigner dans l'arrêté général, pour chaque localité, les
catégories d'industrie qui devaient être représentées.
Or, je demande comment vous amèneriez les notables
électeurs à se renfermer dans les catégories désignées, Ceci
est de toute impossibilité, vous n'imposerez jamais ce choix par catégorie aux
électeurs.
En résumé, c'est un nouvel essai qu'on fait, nous
verrons si le temps le justifiera. Si le temps nous apprend qu'il y a autre
chose à faire, nous le ferons.
M. Pirmez. - L'année dernière j'ai combattu l'idée émise de faire élire les membres
des chambres de commerce soit par les notables, soit autrement. J'ai fait
remarquer alors qu'en élisant les chambres de commerce, vous en feriez eu
quelque sorte des corps politiques, vous leur donneriez toute la force que
donne l'élection, vous vous fractionneriez en intérêts de localité, plus encore
que nous ne le sommes. Cependant nous sommes déjà assez scindés, assez divisés
par l'intérêt de localité, sans lui donner une puissance qui nous ordonnerait
sur tel ou tel intérêt matériel, d'agir dans tel ou tel sens, nous donnerait en
quelque sorte des mandats impératifs qui nous détourneraient de considérer la
chose publique dans son ensemble. Si vous aviez des chambres de commerce élues, vous vous donneriez des maîtres, vous n'auriez plus la même liberté pour
agir dans l'intérêt général.
On a reproché au gouvernement d'imposer le secret
aux chambres de commerce sur les avis qu’il leur demande. Je ferai observer
qu'elles ne sont qu'une délégation du pouvoir central et que le pouvoir central
peut imposer à ses délégués les conditions qu'il juge être
dans l'intérêt général du pays.
M. Rogier. - Messieurs, en refusant notre confiance au ministère, nous lui avons
cependant promis notre concours au point de vue administratif. Nous avons
promis de ne pas entraver la discussion des lois d'utilité publique par une
opposition tracassière et nous avons tenu parole. Déjà trois budgets votés à
l'unanimité et sans discussion bien longue, soit sur les détails, soit sur
l'ensemble, attestent la franchise de nos déclarations et le bon vouloir de l'opposition.
Ce concours purement administratif, je continuerai, pour ma part à le prêter
loyalement à l'administration actuelle et j'ai l'espoir que mes amis politiques
en feront autant.
Ce n'est pas à dire cependant, messieurs, que si
nous nous abstenons d'entraver, à l'exemple de ce qui a été fait quelquefois,
la marche de l'administration par des discussions irritantes, ce n'est pas à
dire que nous ayons renoncé à toute espèce de discussion, à tout genre de débat
et notamment à tout débat politique. Nous savons quelle est l'importance des
discussions relativement aux affaires proprement dites, mais nous
croyons que l'intérêt le plus élevé et le plus important pour le
pays est encore l'intérêt politique.
Or, une discussion politique à propos du département
de l’intérieur ne peut pas être considérée comme déplacée. Ce département est
essentiellement politique ; politique par les attributions qu'il renferme,
politique, en ce moment, par le titulaire qu'il a à sa tête, car, il faut le
reconnaître, depuis la retraite de l'honorable M. de Muelenaere, qu’on pouvait
considérer comme le chef du cabinet, tout le poids politique, toute la
prépondérance semble avoir été absorbée par son ancien collègue le ministre de
l'intérieur.
Le
ministre de l'intérieur ne répudie pas d'ailleurs ce rôle politique. Il vous
l'a dit avec naïveté ; il est arrivé aux affaires, dans quel but ? dans le but, d'empêcher
la dissolution de la chambre des représentants. Et pourquoi empêcher cette dissolution ? Parce que cette dissolution, cet appel au pays aurait eu pour résultat de changer la majorité de
cette chambre, de modifier l'esprit de la majorité. Voilà dans quel but le
ministre de l'intérieur et ses collègues sont arrivés aux
affaires, Il y a aveu complet de sa part.
Eh bien, messieurs, la déclaration
que le ministre de l'intérieur a faite a pu surprendre quelques
personnes habituées à voir le ministère se retrancher dans l'abstention et la
négation. Mais elle n'a pas surpris ceux qui avaient assisté à l'origine du
ministère, et qui avaient pu apprécier dès lors les conditions de son
existence. Avant que le ministre fît cette déclaration, nous lui avions dit :
vous avez beau déclarer que vous êtes un ministère d'affaires, vous êtes un
ministère de parti, vous n'êtes venu au gouvernement que pour faire les
affaires d'un parti, pour faire les élections dans un sens favorable à ce
parti. Voilà ce que nous avions dit au ministère, voilà ce que le ministère a
explicitement reconnu,
Eh bien, messieurs, cette mission du ministère, nous
devons hautement la condamner. Empêcher de consulter le pays, c'est manquer aux
lois constitutionnelles, aux principes du gouvernement représentatif, empêcher
la dissolution, pour éviter que le pays consulté ne modifie l'esprit de la
chambre, n'envoie à la chambre une nouvelle opinion, c'est faire une injure, à
la fois au pays et à toute cette opinion.
Voilà dans quelle position l’opinion libérale se
trouve placée vis-à-vis du ministère actuel. Elle était en majorité dans
l'ancienne chambre, elle avait donné son concours à un ministère qui fut
attaqué par une minorité qui le considérait comme trop libéral. On n'a pas
voulu conserver cette majorité libérale, on est venu aux affaires, sinon pour
l'anéantir, au moins pour la décimer. Cette opinion ne méritait pas de la part du pouvoir une telle injustice, sa conduite dans la session dernière a constamment été marquée au coin de la
plus parfaite modération. Je défie que l'on cite dans la session dernière une
seule loi où la majorité ne se soit pas montrée parfaitement modérée,
parfaitement gouvernementale.
Où sont, après tout, les prétentions de l'opinion
libérale ? Qu'a-t-elle demandé de contraire aux lois ou à la constitution ?
Quel principe extraconstitutionnel a-t-elle mis en avant ? Quelle loi
exceptionnelle a-t-elle demandée ? N'a-t-elle pas respecté en toute
circonstance la liberté et l'indépendance de ceux qu'elle doit considérer
aujourd'hui comme ses adversaires ? La liberté d'instruction, la liberté
d'association, la liberté de la presse, en quelles circonstances ont-elles été
attaquées par l'opinion libérale représentée dans cette chambre ?
Non, messieurs, l'opinion libérale s'est tenue, on
peut le dire, sur la défensive ; elle a respecté les
doctrines de l'autre opinion, et si elle s'est montrée disposée
à lui résister, c'est lorsque cette opinion a fait voir par quelques-uns de ses
organes les plus importants, des tendances, des intentions, des projets
auxquels l'opinion libérale ne pouvait s'associer.
Dire qu'on ne pouvait consulter le pays dans la
crainte qu'il n'envoyât à la chambre une opinion dangereuse, mais c'est faire
injure au pays même, c'est douter de la modération, du bon sens, du patriotisme
des électeurs. Après tout, le pays, la constitution l'a voulu, doit être
gouverné par le pays représenté par les électeurs. S'il
plaît au pays représenté par les
électeurs, de changer l'esprit du corps représentatif, il faut se soumettre à
la volonté du pays. Comment voulez-vous que le pays ait confiance dans un
ministère qui a témoigné a son égard tant de défiance ?
Mais il y a plus : on a dit, pour motiver
l'avènement du ministère, qu'il avait eu lieu pour empêcher une dissolution, Eh
bien, ce motif n'existe pas. Ce motif, quelque mauvais qu'il fût, n'était qu'un
prétexte. Pour que l'ancien ministère restât aux affaires, il n'y avait pas
nécessité de dissolution de la chambre des représentants. L'ancien ministère a
d'abord eu l'honneur de proposer au Roi la dissolution de la chambre des
représentants et du sénat. Ayant rencontré de la résistance sur ce point, et voulant
faire preuve jusqu'au bout de la plus grande modération, il s'est contenté de
demander la dissolution du sénat. Il
avait pour cela deux motifs : le premier motif était la plus complète
impossibilité pour lui de se représenter avec quelque dignité, devant un corps
qui lui avait donné une marque éclatante de défiance.
Il craignait en même temps d'attirer la
déconsidération sur ce corps respectable en le forçant à une rétractation
d'opinion. Un autre motif plus pratique en faveur du système de la dissolution
du sénat c'est qu'ainsi qu'on l'a fait observer, il n'est plus dans les termes
de l'article 54 de la constitution qui porte : « Le sénat se compose d'un
nombre de membres égal a la moitié des députés de
l'autre chambre. » M. le ministre de l’intérieur vous a dit que des
efforts avalent été faits par l’ancienne administration pour faire rentrer le
nombre des sénateurs dans les limites constitutionnelles, elle a échoué devant
les chambres ; un seul parti restait à prendre ; c'était
la dissolution du sénat, Cette circonstance
seule eût suffi pour la justifier. La dissolution du
sénat n'ayant pas été obtenue, le cabinet dut se retirer. Mais il n’est pas
exact de dire qu'on était arrivé aux affaires, pour empêcher la dissolution de
la chambre des représentants. On est arrivé aux affaires pour présider aux élections partielles.
Si un ministère était arrivé avec la résolution de
faire un appel au pays, de
livrer un grand combat à l’opinion libérale, il y aurait eu dans ce rôle une certaine hardiesse qui l’eût excusé jusqu'à
un certain point. Mais non : on a accepté le rôle secondaire, le rôle humiliant de travailler, avec 1'opinion contraire, à
amoindrir, à décimer l'opinion libérale, Voilà la mission qu'a acceptée le
ministère, mission remplie par lui avec plus d'ardeur que de succès. La preuve
que la mission du ministère était telle, que sa mission était de modifier
l'ancienne majorité, la majorité libérale, c'est la guerre acharnée qui, sous sa bannière, a été livrée aux membres
les plus modérés de cette opinion. Car, on eût même pu penser, à voir
l'animosité particulière avec laquelle ces membres étaient poursuivis, que leur
modération leur était imputée à crime ; et, plus ils étaient modérés, plus la
colère devait s'appesantir sur eux.
Je sais qu'on voudra peut-être nier cette
participation du ministère à l'exclusion prononcée contre les membres de
l'ancienne majorité. Je crois qu’en effet, il n'y aurait pas grand honneur à
réclamer l'initiative dans une guerre pareille. J'aime mieux penser et je suis
fondé à penser, en effet, que le ministère n'a pas joué le premier rôle dans
les élections, qu’il a accepté le rôle subalterne, qu'il s'est mis à la suite,
au service d'une opinion, que ce n'est pas lui qui a donné le mot d'ordre, que
le mot d'ordre a été donné ailleurs et que le ministère s'y est humblement
conformé. J'aime mieux lui attribuer ce rôle subalterne, qu'un rôle
d'initiative qui, dans mon opinion, serait sans excuse de la part du ministère,
tel qu'il est constitué.
Cette guerre déclarée à l'opinion libérale modérée
n'a pas été couronnée d'un plein succès, et nous devons en féliciter le ministère. A voir ce qui se passe aujourd'hui, je
ne sais vraiment dans quelle position il se serait trouvé, si l'opinion qu'il avait pour mission d'exclure de la chambre avait
été frappée dans un plus grand nombre de ses membres ; car l'opinion contraire
est devenue plus forte, plus exigeante, et si le ministère n'avait point dans
l'opposition une barrière contre les prétentions de cette opinion, il est
probable qu'à l'heure qu'il est le ministère aurait cessé d'exister.
L'opinion de la minorité de l’année dernière est
donc devenue l'opinion de la majorité de cette année par le fait du ministère ;
de telle sorte que le rôle subalterne que l'administration a accepté dans les
élections, elle continue de le jouer au sein de la chambre. Le ministère
s'appuie sur une majorité dont il a, dit-il, la confiance. Eh bien, s'il faut
dire ce que je pense, le ministère ne jouit pas de la confiance de la majorité
qui l'appuie. Il n'y a pas entre elle et lui de lien sympathique ; il n'y a pas
de confiance réciproque.
La majorité, en appuyant le ministère, s'en défie
jusqu'à certain point ; elle voit parmi ses membres les plus influents des
personnages qui ont longtemps figuré sous le pavillon du parti contraire. Ces
personnages ont beau dire aujourd'hui qu'ils n'ont plus de pavillon ; la
majorité n'y ajoute pas une foi entière ; elle suppose qu'il peut leur prendre
des velléités de retour vers l'ancien pavillon ; ce n'est donc qu'avec une
certaine réserve que la majorité appuie de tels membres. Du reste, attendons
les discussions importantes où les opinions devront se dessiner franchement
; je ne sais si alors la majorité
présomptive que j'accordé au ministère lui restera bien intacte.
La position du ministère pêche tellement par défaut
de franchise et de netteté, sa position est tellement fausse, qu'il n'a confiance ni dans la majorité
de la chambre, ni dans le pays, ni dans la capitale,
ni en lui-même. Il est si peu sûr de la majorité de la chambre qu'il ajourne
toute explication sérieuse sur les principes qui le dirigent ; il est si peu
sûr du pays qu'il n'a pas osé le consulter, et que,' lorsqu'il a été forcé, de
par la constitution, de le consulter, il a trouvé moyen de violer la loi électorale,
afin de n'être pas forcé de le consulter trop tôt. Nous avons, messieurs, comme
bienvenue du gouvernement, assisté à cette espèce de scandale légal. La loi
électorale dit positivement que le membre de la chambre qui accepte des
fonctions salariées doit être réélu dans le mois.
Eh bien ! messieurs, par
des motifs d'une futilité que le pays a appréciés, on n'a pas convoqué les
électeurs de Bruxelles dans le délai voulu par la loi, sous prétexte de ne pas
déranger les électeurs.
Ah ! ce n'est pas un
dérangement des électeurs que l'on craignait ; c'était une protestation des
électeurs, protestation qui, à l'époque où on l'a amortie, n'eût pas manqué
d'éclater d'une manière significative, comme elle vient encore d'éclater tout
récemment dans une circonstance dont le pays tiendra compte à la capitale.
Eh bien ! messieurs,
croirait-on que le gouvernement qui a son siège, son influence, toutes ses
relations au sein de la capitale, a reculé au moment de sa formation, devant un
appel aux électeurs de Bruxelles. Au lieu de s'empresser de faire sanctionner
son avènement par l'opinion de la capitale, il a reculé devant cette opinion.
J'ai dit, messieurs, que le ministère n'avait pas
même confiance en sa force. Et en effet, dans les élections, ce n'est pas lui qui
a dirigé le gouvernement, il a mis son influence au service d'une opinion qu'il
voulait favoriser ; il a enrôlé les fonctionnaires civils et militaires sons la
bannière de cette opinion, et pour ne pas rester dans le vague, messieurs, sous
la bannière du clergé, qui s'est mis, lui, résolument à la tète du mouvement
électoral.
Messieurs, je puis parler du clergé avec assurance ;
je n'ai jamais manifesté contre lui aucun sentiment d'hostilité ; au contraire,
dans tous mes rapports avec lui, je pense qu'il n'a qu'à se louer de ma bonne
volonté, de mes efforts pour satisfaire à toutes ses prétentions raisonnables.
Je dois dire aussi que dans le même
temps, le clergé ou certains membres du clergé n'avaient pas
manifesté les prétentions qu'ils ont manifestées depuis.
Messieurs, que le clergé se soit mis à la tête du
mouvement électoral, c'est un fait qu'on ne pourrait nier. Eh bien, messieurs, cc fait est
grave ; je n'ai pas la prétention d'apprécier mieux que le clergé lui-même ce
qu'il a à faire dans ses intérêts. Mais je pense, et c'est aussi l'opinion de
personnages considérables dans le clergé, je pense qu'il a fait une faute en
jouant un rôle aussi actif, aussi ouvert dans les dernières élections. Je
crois, messieurs, que tous ses mandements, toutes ses démarches,
que tous les actes religieux qu'il a
posés ou fait poser à l'occasion des élections, ont été imprudents et
irréfléchis. Et je n'hésite pas à le dire...
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - On a fait la même chose lorsque
vous étiez ministre.
M. Rogier. - C'est faux ; c'est faux, monsieur ; si j'avais été ministre, j'aurais
éclairé le clergé ; je ne l'aurais pas suivi dans une pareille
voie.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Vous avez fait comme nous.
M. Rogier. - C'est complètement
faux.
Je sais que vous avez l'habitude, sans tenir compte
des huit années qui nous séparent, de vous placer toujours sur le terrain de
1834 ; je vous y suivrai. Nous n'avons pas professé les principes que vous
professez aujourd'hui ; nous n'avons pas surtout servi sous la bannière où vous
êtes engagé. Je dis qu'à aucune époque le clergé belge ne s'est mis ouvertement
à la tête du mouvement électoral, comme il l'a fait dans les dernières
élections. Que s'il l'avait fait à une autre époque, il aurait eu grand tort.
Mais je soutiens que jamais l'administration n'a été placée sous la dépendance
de l'opinion du clergé comme elle l'a été dans les dernières élections.
Je tiens beaucoup, messieurs, à ce que mes paroles à
l'égard du clergé ne reçoivent pas une interprétation fâcheuse ; non,
messieurs, que je veuille chercher à le flatter. Je ne veux être que juste,
impartial vis-à-vis de lui comme je l'ai toujours été. Le clergé a
rendu de grands services à l'indépendance du pays ; il rend tous les jours de grands services à l'ordre moral, à l’ordre matériel du pays. Sous
ce point de vue je professe pour lui du respect, de la sympathie. Mais il faut
que le clergé sache lui-même se poser des limites, et le terrain politique est
fort glissant pour lui, quand il s'y engage.
Messieurs, pour ne parler que des dernières
élections et des mandements des évêques, qu'est-il arrivé ? Les évêques ont
combattu, sinon dans leurs mandements , au moins
dans les démarches qu'on faisait en leur nom, tel et tel candidat ; ils l'ont
fait avec une insistance toute particulière, Des visites à domicile ont été
effectuées chez tous les électeurs, Eh bien, messieurs, qu'est-il arrivé ? Dans
les villes les plus orthodoxes, dans les villes connues particulièrement pour
leur esprit religieux, le clergé a eu tort ; les candidats soutenus par
l'opinion libérale l'ont emporté ; on n'a pas cru aux dires du clergé ; on lui
a désobéi, désobéi politiquement, je le veux. Mais de la désobéissance
politique à la désobéissance religieuse il n'y a qu'un pas, et c’est ce pas que
je ne veux pas voir franchir à l'opinion. C’'est
pourquoi j'engage fortement, pour peu que ma voix puisse aller jusque-là, j'engage fortement les amis
particuliers du clergé à lui ouvrir les yeux sur les conséquences d'une
intervention directe dans les élections.
M. Peeters. - Je demande la parole.
M. Rogier. - Messieurs, après ces observations générales sur l'esprit de
l'administration, je passerai à quelques-uns de ses actes qui m'ont paru le
caractériser d'une manière particulière.
Un des premiers actes de M. le ministre de
l'intérieur a été la suppression de la direction de l'instruction publique. Et
dans quel moment, messieurs, supprimait-on la direction de l'instruction
publique ? Dans un moment où la part du pouvoir civil, en matière d'instruction
publique, était fortement contestée ; dans un moment où l'on avait à discuter
la loi si importante de l'enseignement moyen et de l'enseignement primaire.
Dans un moment où, pour le cas où ces lois seraient adoptées, on aurait à
assurer leur complète exécution.
Plus les attributions de l'enseignement public au
département de l'intérieur étaient contestées, plus il se trouvait menacé par
des prétentions contraires, plus le ministère aurait dû tenir à cœur de
maintenir cette division de son ministère à toute sa hauteur, dans toute son
intégrité. Mais loin de là, messieurs, on a supprimé le directeur.
On nous a dit dans différents discours officiels,
que le gouvernement comprenait sa mission intellectuelle ; que l'instruction
publique était d'un haut intérêt social, et en même temps que l'on faisait ces
beaux discours sur la mission intellectuelle que le gouvernement comprenait,
sur le haut intérêt social de l'instruction, on amoindrissait, on supprimait la
direction de l'instruction publique.
Messieurs, était-ce donc de trop que le concours
d'un fonctionnaire supérieur, d'un fonctionnaire politique dans une direction
de cette importance et dans les circonstances où l'on se trouve aujourd'hui ?
Mais voici une autre contradiction. On supprime la
direction de l'instruction publique et l'on établit une direction des
beaux-arts. Cependant, si nous devons en croire le rapport de la section
centrale, où l'opinion du ministère semble être reproduite, l'administration
des beaux-arts ne serait qu'un jeu. Il n'y a rien à faire aux beaux-arts que
quelques visites à faire ou à recevoir, quelques voyages dans les pays
étrangers. Voilà à quoi se bornerait la direction des beaux-arts. Et cependant
on nomme un directeur des beaux-arts en même temps que l'on supprime le
directeur de l’instruction publique.
Il est vrai, messieurs, que la direction des
beaux-arts ne coûtera rien, au moins quant à présent, et sur ce point, je
reproduirai ici une observation que j'ai présentée à la section centrale.
Le directeur des beaux-arts d'aujourd'hui exerce des
fonctions non salariées, il a refusé, dit-on, le traitement de directeur et
l'on a paru le louer de cette générosité. Messieurs, je commence par faire
abstraction de la personne dont il s'agit, je crois que le directeur actuel des
beaux-arts convient à plusieurs égards pour cette fonction, mais je ne saurais
admettre, soit comme précédent, soit comme exception qu'un fonctionnaire
public, attaché à un département ministériel en qualité de directeur ne reçoive
point de traitement.
Un tel fonctionnaire est placé dans une position
supérieure à celle de tous ses collègues : Ils se trouvent vis à vis de lui
dans une sorte d'inégalité plus ou moins humiliante ; et lui-même ne
conserve-t-il pas à l'égard du ministre une sorte de supériorité ; n’a-t-il pas
toujours le droit de lui dire : « Vous n'êtes qu'un
fonctionnaire salarié, je suis un fonctionnaire
indépendant. » Lorsque le ministre lui recommandera, par exemple,
l'assiduité dans ses fonctions il lui répondra : « Je suis indépendant ;
je ne reçois point d'argent de l'Etat, vous n'avez rien à me dire. »
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Alors
il s'en ira.
M. Rogier. - Il ne s'en ira pas ; vous n'oseriez
point le renvoyer et je vous dirai pourquoi.
Le directeur des beaux-arts ne reçoit point de
traitement, mais il est parfaitement à sa place, parce que, dit-on, les
beaux-arts aiment à s'abriter
sous un beau nom. Je demanderai à M. le rapporteur si
c'est là la pensée du gouvernement ou celle de la section centrale.
M. Dedecker, rapporteur. - C'est la pensée de la section centrale.
M. Rogier. - J'ai fait cette
question à M. le rapporteur parce que la note jointe au
rapport laisse du doute à cet égard.
Je désire beaucoup, messieurs, que tous les noms
historiques de
« Les beaux-arts aiment à s'abriter sous un
beau nom. » Mais le Roi n'est-il pas un beau nom ? mais
le ministre n'est-il pas un beau nom où les beaux-arts puissent s abriter ?
Qu’est-ce donc que cette protection et du Roi et du
ministre effacée par celle d'un directeur ? Si le ministre exécutait la menace
qu’il faisait tout-à-l'heure à demi-voix, s'il adressait cette menace au directeur actuel des
beaux-arts, celui-ci ne serait-il pas en droit de lui répondre : « Les
beaux-arts aiment à s'abriter sous un beau nom, ce serait une
haute inconvenance que de supprimer mon emploi. » Avec des fonctionnaires salariés le ministère
n'aurait pas à redouter de pareils mécomptes.
Je ne sais, messieurs, si les gouvernements
provinciaux aiment aussi à s'abriter sous un beau nom. Je déclare
d'abord, que, quant au personnage auquel je veux faire allusion, je professe
pour lui beaucoup d'estime et qu'il veut bien me témoigner beaucoup de
bienveillance ; les relations sont donc parfaitement bonnes entre nous, mais je
dois dire que j'ai été surpris de trouver, dans la partie non-officielle du
numéro du Moniteur, qui contenait l'arrêté de nomination de M. le prince
de Chimay, comme gouverneur de la province de Luxembourg, une note ainsi conçue
:
« C'est sur sa demande, déjà ancienne et renouvelée
dans ces derniers temps, que M. le prince de Chimay reçoit une autre
destination, indiquée d'ailleurs par lui-même. »
« Une destination indiquée d'ailleurs par
lui-même. »
Si cette note, messieurs, signifie quelque chose, il
en résulte que la collation des emplois n'est plus du ressort de
l'administration, mais qu'elle appartiendrait aux fonctionnaires eux-mêmes, que
ce ne serait pas le ministère mais bien le titulaire qui désignerait les
fonctions ; que l'on observerait enfin avant les convenances du service les
convenances des fonctionnaires.
Je ne blâme pas, du reste, cette nomination, mais
j'en critique la forme et j’attendrai les explications que M. le ministre
donnera sur la portée de cette note qui m’a paru tout à fait extraordinaire.
Revenant à la direction de l’instruction publique,
je dois appelé l’attention de la chambre sur un abus
qui a été signalé à la section centrale. On a accordé des fonctions de
directeur des beaux-arts à une personne qui a renoncé à son traitement, soit
d’une manière définitive, soit temporairement, car on a déjà vu des
fonctionnaires demander à exercer leurs fonctions gratuitement, pendant
quelques temps, et puis ensuite, sachant que toute peine mérite salaire, venir
demander un traitement que vous ne pouvez pas refuser, mais je veux croire que
le fonctionnaire dont il s’agit ne demandera jamais de traitement.
Mais en conférant ainsi un emploi à un fonctionnaire
qui renonçait à son traitement, il aurait fallu conserver ce traitement pour le
cas ou ce fonctionnaire venant a se retirer, il
faudrait le remplacer par un autre fonctionnaire qui probablement ne
consentirait pas à gérer gratuitement les affaires de l'Etat.
Eh bien, messieurs, il n'en est rien, le traitement
du directeur des beaux-arts a été absorbé, il a été réparti entre d'autres
fonctionnaires, de telle sorte que si demain le directeur amateur cessait ses
fonctions, il n'y aurait plus de fonds pour un directeur effectif. A la vérité,
la section centrale rassure la chambre sur cette éventualité qui, dit-elle, ne
se présentera probablement pas d'ici à longtemps. Mais rien ne me prouve que la
nomination d'un directeur de l'instruction publique et des beaux-arts ne pourra pas se présenter d’ici longtemps. Telle n est pas mon opinion ; mon opinion, au contraire, est qu’il
est fortement à désirer que la place de directeur de l'instruction publique
soit de nouveau remplie par un fonctionnaire salarié.
Ainsi donc, messieurs, si je vote l'allocation
destinée au personnel de l'administration, c'est bien sous
toute réserve, c'est bien avec la protestation que je n'entends nullement me
lier pour l'avenir, que j'entends comprendre dans l'allocation telle qu'elle
est présentée, le traitement d'un directeur de l'instruction publique.
Il est, messieurs, un autre fait où il me semble que
l'esprit du ministère s'est encore assez clairement révélé, je veux parler des
concours entre les établissements d'enseignement moyen subsidiés par l'Etat, et
non subsidiés, d'après l’extension donnée à la mesure par M. le ministre de
l'intérieur.
Ce concours a été maintenu en principe et j'en
félicite l'administration, je crois que, dans cette
circonstance, elle a eu égard à 1'opinion du
pays. Je félicite donc le ministre du maintien du concours, je ne sais pas si
certains membres de cette chambre qui, l'année dernière, trouvaient le concours
illégal, le trouveront légal cette année ; je les attends à la discussion, mais
je n'ai point à le défendre sous ce rapport.
A l'occasion de la distribution des prix aux élèves
des établissements d'enseignement moyen, M. le ministre de l'intérieur a
prononcé un discours, dont plusieurs passages ont été applaudis ; ces passages
je les aurais applaudis moi-même, si j'avais assisté à la cérémonie ; mais en
voici un sur lequel j'aurais besoin de quelques explications :
« Nous n'avons exclu personne, dit
M. le ministre, car pour nous, par quelques mains que soit donné
l'enseignement, il est national, lorsqu'il réunit aux conditions scientifiques
les garanties morales, et il ne perd point ce caractère précisément par là
que ces garanties seraient plus grandes. »
D'abord, messieurs, l'enseignement national, tel que
le définit M. le ministre de l'intérieur, me parait singulièrement restreint. A
mon avis, les garanties morales jointes aux conditions scientifiques, ne
constituent pas l'enseignement national. Je crois qu'il faut encore joindre à
ces conditions l'amour et le respect de notre constitution et de nos lois, Du
reste, ce n'est pas sur cette définition de l'enseignement national que
j'entends interpeller M, le ministre ; je veux
croire que dans tous les établissements privés l'on enseigne aux élèves le
respect et l'amour de notre constitution et de nos lois.
Mais à qui s'adresse cette espèce de compliment tout
spécial ? On parle devant les représentants de l'enseignement laïc, de
l'enseignement donné aux frais des administrations des villes, de
l'enseignement soutenu par l'autorité civile. On avait fait un appel à tous les
autres établissements ; mais il paraît que cette courtoisie n'a pas eu le
résultat qu’on en attendait. Les établissements qui en étaient l’objet n'ont
pas répondu à l'appel.
A-t-on voulu dire que l'enseignement donné par les
particuliers, en d'autres termes, par le clergé, est aussi national que
l'enseignement donné par l'autorité civile, el que de plus il offre des
garanties morales supérieures ? Est-ce là le compliment qu'on a voulu faire aux
établissements du clergé ?
Quant à moi, j’ai beau retourner la phrase, je n'y
puis découvrir d'autre portée que celle-ci : préférence donnée aux
établissements de l'autorité religieuse sur les établissements de l'autorité
civile, et préférence donnée par M. le ministre de l'instruction publique en
présence des représentants de l’enseignement civil.
A-t-on voulu, par cette politesse, excuser la
hardiesse du concours ? Je n'en sais rien. J'attendrai une explication sur ce
point.
J'al dit que la majorité qui soutenait ou qui se
disposait à soutenir le ministère était fort incertaine, et que, pour avoir une
opinion formelle à cet égard, il fallait attendre les discussions de quelque
importance.
A en juger par le rapport de la section centrale
qui, soit dit sans reproche, était composée en très grande partie de membres
appartenant à la majorité, à en juger par ce rapport, il paraît que l'opinion
de la majorité échapperait déjà au ministère dans plusieurs circonstances assez
décisives.
C'est ainsi qu'on lui refuse l'allocation de 100,000
fr. demandée pour la navigation à vapeur entre. les
ports belges et les ports européens ; mais ce n’est pas de la politique...
M. Eloy de Burdinne. - C'est
une économie.
M. Rogier. - La section centrale ne dit pas qu'elle veut faire une économie ; elle
ne s'explique pas sur ce point ; elle demande l'ajournement.
Mais voici de la
politique.
M. le ministre de l'intérieur a proposé une
augmentation de 29,100 fr. pour encouragements à donner à l'instruction
moyenne.
Je félicite M. le ministre de l'intérieur de cette
demande d'allocation. Eh bien, la section centrale, composée comme je viens de
le dire, ne rejette pas cette allocation, mais elle ne l'admet pas non plus ;
elle n'ose pas, dit-elle, prendre sur elle la responsabilité de l'allocation.
Eh bien, qu'est-ce que cela prouve ? Cela ne
prouverait-il pas que la majorité représentée dans la section centrale n'a pas
confiance dans le ministère, mais qu'elle n'ose pas encore le lui dire ; si
elle avait confiance entière dans le ministère, elle n'eût pas hésité à lui en
accorder une marque qui se résume dans une faible somme de 29,100 francs.
J'attends cette majorité au moment où nous allons
discuter la loi d'enseignement moyen et primaire ; je ne l'attends pas à la
discussion même de la loi (je doute fort qu'on parvienne à la faire discuter cette année), mais je
l'attends à la discussion de l'ordre du jour. Je ne crois pas, et je désire
ici me tromper, que le ministère obtienne de la chambre la mise à l'ordre du
jour de cette loi.
Messieurs, on a parlé tout à l'heure d'économie, et
l'honorable membre, auteur de l'interruption, a dit qu'on avait repoussé la
proposition du crédit de 100,000 fr., pour la navigation à vapeur, par des
motifs d'économie. Eh bien, je crains que ce motif qui n'a pas été exprimé en
cette occasion, ne soit mis en avant dans des occasions non moins importantes.
Et ici je suis amené à revenir sur la politique financière du ministère.
M. le ministre de l'intérieur a, suivant moi, trois
lois importantes à faire discuter, s'il veut exécuter son programme, et remplir
les promesses contenues dans le discours du trône ; je veux parler de la loi
relative à la convention conclue avec la ville de Bruxelles, de la loi des
indemnités et de la loi sur l'enseignement moyen et primaire, en commençant par
l'enseignement primaire.
Je l'ai déjà dit, je crains qu'on ne vienne opposer
à la discussion de cette loi le grand mot d'économie ; je crains qu'avec le
budget des voies et moyens, tel qu'il a été constitué, la chambre ne se croie
en droit de dire au ministère : Nous ne votons pas de nouvelles dépenses,
attendu que vous n'avez pas de ressources pour les couvrir.
Eh bien, messieurs, je vois encore dans cette
absence volontaire de ressources suffisantes pour couvrir
les besoins constatés, annoncés, j'y vois encore une preuve du peu de confiance
que le ministère a dans la majorité de cette chambre et dans le pays. Si le
ministère avait eu de la confiance dans la majorité, si le ministère avait eu
de la confiance dans le pays, il n'aurait pas hésité, suivant moi, à proposer
aux chambres et au pays des ressources nouvelles ; il aurait eu recours à
d'autres moyens que ces moyens échappatoires, de promesses et de prévisions. Je
crains que cette politique indécise et tremblante n'exerce une fâcheuse
influence sur la discussion des lois importantes que nous avons à voter, et qui
doivent en définitive se résoudre en une dépense nouvelle pour l'Etat.
Si M. le ministre des finances a l'intention de
proposer des mesures pour obtenir de nouvelles ressources, il me semble qu'il
est grand temps qu'ils fassent ses propositions ; car il serait impossible de
voter les dépenses, aussi longtemps qu'on n'aura pas l'assurance que ces
dépenses seront couvertes.
En résumé, je pense, messieurs, et je terminerai par
là, je pense que le ministère ne pourra pas parvenir à conduire convenablement
les affaires de l'Etat, et qu'il n'y a entre lui et la majorité sur laquelle il
prétend s'appuyer, ni solidarité, ni confiance
réciproque.
Je dis qu'il n'y a pas de confiance dans le
ministère, parce que la majorité ne voit pas dans ses rangs ses représentants
naturels.
L'honorable comte de Briey disait au sénat que nier
l'existence la division des partis en Belgique, ce serait nier la clarté du
jour. Suivant lui, l'honorable M. Nothomb donnait des garanties suffisantes à
l'opinion libérale ; l'honorable M. de Theux donnait des garanties suffisantes
à l'opinion catholique ; quant à l'honorable M. Desmaisières, ajoutait M. de
Briey, il ne représente aucun pavillon. Le ministère paraît avoir adopté le
pavillon de M. Desmaisières ; mais quoi qu'il dise et quoi qu'il fasse, on
n'admet pas qu'il marche franchement sous ce pavillon.
La position du ministère rappelle une situation d'un
des grands tragiques de l'Angleterre : Desdemone a
été enlevée à son père par Othello. Son père est obligé de sanctionner leur
hyménée ; mais en les quittant, voici ce qu’il dit à Othello : « Maure,
veille sur elle, tiens ton œil ouvert sur ses pas ; elle a trompé son père, elle pourrait bien te tromper aussi. »
M. Peeters. - J'ai été fort étonné d'entendre l'honorable préopinant faire un grief
pour ainsi dire au clergé de s'être mêlé des élections. Je l’ai été d'autant
plus que 1'honorable préopinant n'a pas toujours pensé ainsi. L'honorable
membre a-t-il oublié qu'après le congrès national, lorsqu'il quitta le
gouvernement provisoire, où il avait sans doute rendu de grands services au
pays, cette ville libérale de Liège lui avait refuse le mandat de représentant,
et que sans les catholiques de
J'engage 1'honorable membre à être plus modéré à
l'égard du clergé, car ce qui a été pourra arriver encore ; l'honorable membre,
dont j'honore le caractère franc et loyal, sera souvent en désaccord avec le
parti libéral exclusif, et pourrait bien encore avoir
besoin du suffrage des catholiques pour conserver sa place dans cette enceinte.
M. Rogier. - Je n’ai pas oublié le concours que les catholiques de l'arrondissement
de Turnhout m'ont prêté lors des élections de 1831 à 1832. Je n'ai pas attaqué
le clergé pour les actes de patriotisme qu'il a posés à l'époque de la
révolution ; loin de là, je l'ai hautement félicité. S'il m'a soutenu dans l'élection
de Turnhout, il l'a fait parce qu'il reconnaissait mon patriotisme, mon
indépendance et mon impartialité. Sous ces rapports, je n'ai pas changé ; je
suis toujours le même homme indépendant, impartial, modéré. S'il y a eu des
changements, si ceux qui m'appuyaient en 1831,
M. Desmet. - C'est la question !
M. Rogier. - En 1831, comme en 1841, je me suis présenté avec
le même drapeau, avec les mêmes principes ; ce drapeau et ces principes, je ne
les ai jamais abandonnés, je ne les abandonnerai jamais.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs nous regrettons que l'honorable préopinant, après s'être livré â des considérations politiques, ait aborde des détails qui
vous ont occupé dans la dernière partie de son discours ; les idées générales
par lesquelles il avait débuté se sont un peu effacées ; nous avons donc un
effort à faire en nous adressant à vos souvenirs.
Nous avons dit dans la première discussion politique
qu'on a jugé à propos de faire naître, nous avons dit que depuis 1830 il
existait une majorité modérée, composée des nuances intermédiaires des deux
opinions, nous avons dit que cette majorité modérée n'appartenant à aucun parti
exclusivement, s'était trouvée compromise dans les événements qui ont précédé
la chute du précédent ministère ; nous n’avons pas prétendu que cette majorité
modérée aurait disparu nécessairement, mais qu'elle était compromise, qu'elle
était menacée même par le ministère auquel nous avons succédé.
Toute l'argumentation de l'honorable préopinant
tombe devant un seul mot : il ne s'agissait pas de sauver une majorité
catholique, comme on s’obstine à le répéter, mais d’empêcher que la majorité
modérée, qui n'est ni une majorité catholique, ni une majorité libérale, ne fût
compromise par une dissolution, dont le ministère précédent lui-même n'aurait
pu maîtriser les effets. Voilà le fait, et ce fait c'est ainsi que le pays l'a compris ; c'est ainsi que l'avenir l'appréciera.
Nous n'avons pas manqué de confiance dans le pays, nous n'avons pas insulté au pays ; nous avons pensé
avec tous les hommes sensés, quand on précipite la nation dans
une crise, quand on l’égare par des calomnies absurdes qu'on n'oserait pas
avouer, car l'honorable membre ne croit pas à la calomnie de la dîme (interruption), il n’oserait pas dire
qu'il y croit, je ne le lui demanderai même pas, je croirais lui faire injure
en le lui demandant, quand dans ces circonstances, on fait un appel au pays,
quand le ministère lui-même ne peut pas répondre des
résultats de l'appel qu'il fait, non pas toujours à la raison publique, mais
quelques fois malgré lui aux passions publiques inconsidérément excitées, la
réponse du pays peut être faussée.
L'opinion publique ne peut-elle jamais être égarée ?
Elle était égarée quand ce prétendu libéralisme sur lequel vous comptez
aujourd’hui avec tant de confiance vous proscrivait à Liége. Elle était égarée
quand un homme qui fut si longtemps notre ami commun, au moment où l'on venait
d'obtenir de si beaux résultats diplomatiques, était frappé de l'ostracisme
électoral dans sa ville natale.
Nous
avons, messieurs, traversé de mauvais jours ; espérons qu'ils ne se
reproduiront pas ; espérons que les élections prochaines ne se feront plus sous
l'empire de passions excitées par des calomnies auxquelles ne croient pas ceux
mêmes qui les exploitent.
M. Verhaegen. - Je demande la parole.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Espérons
qu'en 1845, à Anvers, par exemple, les élections se feront comme elles se sont
faites en 1837, époque où l'honorable membre était gouverneur dans cette résidence. Il ne s'agissait alors ni de libéralisme ni de catholicisme dans la ville d'Anvers, Espérons que les élections
prochaines de 1843 se feront déjà sans acception de partis.
Pourquoi désespérerions-nous de voir renaître la
confiance et avec elle le calme dans les esprits ? Pourquoi ce qui a été ne
serait-il plus ? Pourquoi à Anvers ne ferait-on pas les élections en 1841 comme
on les faisait en 1837 ? Je me plais à croire que les élections de 1841 ne seront
qu'un épisode dans la carrière politique du pays.
On nous dit : que n'avez-vous fait une dissolution,
tout était décidé. Messieurs, les dissolutions se jugent d'après des causes
supérieures que souvent le temps seul fait apprécier, et non d'après le but que
peut avoir tel ou tel parti. La dissolution, on la présente comme la panacée
universelle, on dit : Prononcez la dissolution et toutes les questions seront
décidées ; les partis viendront à se dissoudre, vous aurez ouvert une ère
nouvelle.
L’expérience a prouvé qu'après comme avant la
dissolution certaines questions peuvent rester entières ; ces questions, il
faut, après comme avant, les résoudre par l'esprit de conciliation. Cet esprit,
nous le trouvons dans l'ancienne majorité qui n'est pas une majorité
catholique, mais une majorité modérée, une majorité mixte, composée des nuances
intermédiaires des deux opinions.
Dans un pays voisin, on a prodigué les dissolutions
; a-t-on, par ces dissolutions successives, résolu les grandes questions devant
lesquelles s'est arrêtée
En 1833, nous avons eu une dissolution, quelle
question a-t-elle résolue ? Elle devait résoudre la question diplomatique ?
Elle ne l'a pas résolue ; et c'est un heureux accident diplomatique, la
convention du 21 mai qui a sauvé le ministère d'alors. Qu'il me soit permis de
faire ici un appel au souvenir de mes anciens amis. Ils me rendront la justice
de dire que j'étais contraire à
la dissolution et je l'étais parce que je comprenais qu'en agitant les passions dans une question où l'amour-propre
national était partout engagé, la dissolution ne résoudrait pas le
problème qu'on allait livrer aux électeurs.
Si je fais un appel au souvenir de
l'honorable préopinant, c'est pour constater ma bonne foi, et la
constance de mon opinion sur ce point.
Quand l'honorable membre, abandonnant les
considérations politiques, a annoncé qu'il allait articuler quelques griefs, je
m'attendais à me voir reprocher des actes de grande importance. Voyons quels
sont ces actes ?
Le ministère, composé de plusieurs députés sujets
par là à réélection, s'est formé le 15 avril ; de droit les électeurs devaient
se réunir le 8 juin pour le renouvellement de la moitié de la chambre. Il aurait
fallu convoquer certains collèges le 15 mai et le 8 juin.
Les électeurs n'auraient pas compris ces deux
convocations successives, dont la première devait être absolument sans objet.
« Mais la loi, dit-on. » La, loi, messieurs, il faut
l'entendre d'une manière raisonnable. Le gouvernement
avait deux articles à exécuter : d'un côté l'article 54 porte que, par suite du
renouvellement partiel de la chambre, les électeurs devaient se réunir le 8
juin pour pourvoir au remplacement de la moitié de ses membres.
D'un autre côté l'art. 50 de la loi électorale porte
que lorsqu'un député est nommé à des fonctions salariées, il y a lieu à
convoquer le collège électoral, dans le délai d'un mois. Il faut concilier ces
deux articles et les interpréter de manière à ne pas donner un sens absurde à
la loi. Dira-t-on que par respect pour le texte, il fallait aller jusqu'a
l'absurde ? Qu'il me soit permis de le dire, lorsque je réponds à des hommes
politiques qui tant de fois ont interprété les lois d'une manière très large,
ils ne nous avaient pas habitué à un si grand puritanisme légal. La convocation
des électeurs pour le 15 mai eût été un acte
sans utilité pour les électeurs qui devaient nécessairement se réunir quelques
semaines après, sans utilité pour la chambre, qui ne devait pas être convoquée
avant le 8 juin ; c'était un acte sans objets sous tous les rapports ; c'eût
été l'hommage le plus vain rendu au texte d'une loi judaïquement interprété.
Je suppose (car l'art. 54 parle d'autres cas de
vacance électorale, que le cas d'acceptation de fonctions publiques), je
suppose un décès ; un député meurt le 1er mai ; si vous voulez que la loi soit
exécutée littéralement, il faudra convoquer le collège pour le 1er juin, et
huit jours après le convoquer de nouveau. Il faudra ainsi exécuter la loi, ou
reconnaître avec nous que dans certains cas il faut concilier les différentes
dispositions et exécuter la loi d'une manière sensée.
Un second grief c'est celui de la prétendue
suppression de la direction de l'instruction publique. Sous le ministère
précédent, il vous en souvient, on a aussi supprimé (je me sers à
dessein de la même expression, je prouverai tout à l'heure qu'elle est impropre
et que toute l'attaque dirigée contre moi repose sur un mot) on a aussi
supprimé, dis-je, la direction de l'industrie et du commerce. Qu'aurait pensé
le préopinant, si quelqu'un était venu dire à son collègue d'alors M. Liedts :
« Nous trouvons dans cette suppression de la direction de l'industrie et
du commerce, une tendance, une grande portée ; vous entendez ne pas vous
occuper de commerce et d'industrie, ou leur imprimer tel ou tel
caractère. » Messieurs, on n’a pas supprimé la direction de l'instruction
publique, mais le titre de directeur ; et qu'on veuille bien me dire quelle
différence il y a vis-à-vis du public entre un chef de division et un directeur,
ce sont deux chefs de service, ayant deux titres différents, n'ayant aucune correspondance au dehors, et qui travaillent l’un et l'autre directement avec le ministre ; il n'y a aucune différence dans leurs
attributions. L'administration de l'instruction publique et des beaux-arts
comprenait deux objets. J'ai trouvé au ministère un homme qui convenait
parfaitement comme chef de service pour l'instruction publique. J'ai donc été
amené à l'idée de faire pour l'instruction publique et les beaux-arts ce que M.
Liedts avait fait pour l'industrie et le commerce. Il avait
établi deux divisions, l'une du commerce, l'autre de
l'industrie. J'ai fait avec d'autant plus d'empressement, à mon tour, un
partage, que je voulais par là donner une impulsion nouvelle, principalement à
l'instruction publique. J'ai pensé que cette séparation pouvait avoir lieu,
parce que j'ai vu entre autres qu'en France les beaux-arts sont au ministère de
l'intérieur, et qu'il y a, comme vous savez, un département spécial pour
l'instruction publique. J'ai donc pensé (et on voudra bien le
reconnaître avec moi) qu'il n'y a pas une connexité tellement
intime entre l'instruction publique et les beaux-arts qu'on ne pût les séparer.
Le chef de service pour les beaux-arts porte le titre de directeur ; l'honorable
concitoyen qui a bien voulu se charger de ces fonctions
y a mis pour condition qu'il les remplirait
gratuitement ; il a pensé qu'elles n'exigeaient pas de sa part une telle
assiduité qu'il pût accepter un traitement. C'est le seul motif qu'il ait donné.
Je crois pouvoir dire que les beaux-arts, réduits à eux-mêmes, séparés de
l'instruction publique, n'exigent pas de la part du chef de service un travail
bien grand, bien continu, c'est un travail de quelques heures par jour tout au
plus, pas même à toutes les époques. Peut-être aurais-je prévenu toute
objection, si, au lieu du titre de directeur, j'avais proposé celui
d'inspecteur des beaux-arts. Je reconnais avec la section centrale et avec l'honorable membre que si l'on faisait d'un
acte semblable un principe, un précédent, cela présenterait de graves
inconvénients ; mais à mes yeux ce n'est qu'une exception motivée par la
position exceptionnelle. Du reste, je le répète, avec le titre d'inspecteur
j'aurais peut-être fait tomber toutes les objections ; les attributions fussent
néanmoins restées les mêmes. Si cette personne ne peut remplir ses fonctions,
si elle ne les remplit pas à mon gré, je n'hésite pas à déclarer à la chambre
qu'elle serait la première à s'en démettre. On m'a adressé fort inutilement le
défi d'oser donner une démission. Je ne veux pas évoquer le passé. Mais je puis
dire que jamais on ne m'a imposé un choix dans mon administration. Je défie
qu'on me cite, pendant tout le temps que j'ai été à la tète du département des
travaux publics, qu'on me cite un seul fonctionnaire, à partir du
secrétaire-général, qu'une considération politique quelconque m'ait imposé.
L'administration de l'instruction publique et des
beaux-arts, ainsi partagée en deux divisions, avec un chef de division, ancien
fonctionnaire à la tète de l'instruction publique, avec un chef de service pour
les beaux-arts, portant le titre de directeur, quoi
qu’il ne reçoive pas de traitement, cette administration ainsi constituée
répond, pour moi, aux besoins de la situation. Je suis responsable devant la
chambre. Qu'on me cite une question qui n'ait pas été abordée par moi, un seul
acte de négligence de ma part ; dans d'autres temps, à ma place, l'honorable
membre se serait probablement borner à se réfugier derrière le principe de la
responsabilité administrative du ministère.
Un autre grief que l'honorable membre a pour ainsi
dire intercalé dans son discours, c'est un petit article du Moniteur, publié par ce journal à propos de la nomination du prince de
Chimay au gouvernement du Luxembourg. C’est la chose la plus
simple du monde. Je m'étonne véritablement que l'honorable
membre ait pu un instant se méprendre sur le sens de l'article du Moniteur. Ce
qu'il y avait de singulier n'était pas de voir un prince de Chimay devenir
gouverneur, mais ce qui pouvait surprendre, c'était de voir un ministre
plénipotentiaire quitter une position de 40,000 francs pour accepter le
gouvernement d’Arlon, avec un traitement de 4,000 fr. Ne fallait-il pas une explication, ne fût ce qu'à cause du corps
diplomatique dont ce personnage faisait partie ? Cet article n'avait pas
d'autre sens. Ce n'est pas à cause du titre de prince, c'est parce qu'un ministre à l'étranger, ayant une position plus lucrative,
un titre plus élevé, prenait une position élevée, sans doute, mais inférieure
pour le traitement, inférieure aussi en quelque sorte pour le titre, qu'une
explication était nécessaire.
L’honorable membre a trouvé un autre grief, je ne
sais si c'est dans l'extension donnée aux concours, ou dans
une phrase d'un discours que j'ai prononcé dans cette
circonstance. Il ne s'est pas très clairement expliqué à cet égard, Quant à
l'extension donnée au concours, Je pourrais citer une phrase d'un discours de
l'honorable membre, d'où il résulte que cette extension était dans sa pensée.
Nous avons maintenu les concours en les déclarant obligatoires pour les
établissements subsidiés et facultatifs pour les autres. (S'adressant à M. Rogier.) Approuvez-vous cette extension ?
M. Rogier. - Oui.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Je n'ai donc pas à répondre à ce grief.
Le jour de la distribution des prix, j'ai prononcé
ces mots :
« Nous n'avons exclu personne : car pour nous, par
quelques mains qu'il soit donné, l'enseignement est national lorsqu’il réunit
aux conditions scientifiques les garanties morales, et il ne perd point ce
caractère précisément par là que ces garanties seraient plus grandes. »
Le sens de cette phrase est aussi bien simple.
L'honorable membre lui-même, pendant son administration, a donné des subsides à
des établissements placés sous la direction ecclésiastique. Il a donc pensé que
ces établissements ne perdaient pas leur caractère national, parce qu'ils se
trouvaient organisés d’une manière a donner aux yeux de quelques personnes de plus grandes garanties morales et religieuses. Je n'ai pas dit autre chose.
On a demandé si j’avais voulu adresser un compliment
au clergé. Je n'ai pas l'habitude de faire des compliments,
surtout en public. Mais si j'avais voulu faire des compliments au clergé, je
n'aurais fait que ce que vient de faire l'honorable membre
lui-même. (On rit.) Comme je conviais
les établissements du clergé à prendre part au
concours, il eût été naturel que je me montrasse courtois.
M. Rogier. - Pas aux dépens du gouvernement.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Je ne l'ai pas fait aux dépens du gouvernement.
J'ai reconnu avec vous que des établissements placés
sous l'autorité ecclésiastique pouvaient mériter à un double titre la confiance publique,
et qu'il était à désirer qu'ils prissent part au concours.
J'ai dit, messieurs, qu'en partageant les deux
branches que formait l'administration de l'instruction publique et des
beaux-arts, j'avais eu l'intention de donner une plus forte impulsion, surtout
à l'administration de l'instruction publique.
En effet, messieurs, je le dirai ici hautement, et
je puis le dire, puisqu'en quelque sorte je suis accusé, à aucune époque on n'a
fait tant de choses en si peu de temps pour l'instruction publique.
J'ai maintenu le concours de l'enseignement moyen en
lui donnant une extension que l'honorable membre lui-même accepte. Pour l'instruction
supérieure, j'ai organisé les concours universitaires ; j'ai mis à exécution
une disposition législative, restée sans exécution depuis le vote de la loi. J’ai organisé ce concours avec un ensemble dont j'aime à m'applaudir, avec un ensemble
d'autant plus remarquable qu'il nous annonce, messieurs, un esprit
de conciliation et d'union. Je ne sais pas si d'autres administrations, avec
l'esprit de défiance que propageaient leurs partisans, auraient été aussi
heureuses dans l'organisation du concours universitaire.
Maintenant la circulaire qui est un des derniers
actes de l'honorable préopinant, elle est du 31 mars 1841, je suis parvenu à
réorganiser ou à maintenir plusieurs établissements d'instruction moyenne.
Cette circulaire, du 31 mars 1841, que vous trouvez
à la fin des pièces sur les concours de l'enseignement moyen, je l'ai acceptée,
messieurs, parce que j'ai pensé que c'était sérieusement que l'honorable membre
l'avait posée, à une époque cependant où sa présence au ministère était devenue
incertaine. Je n'ai pas pensé qu’il eût
voulu créer un embarras à son successeur. Je l'ai acceptée et exécutée.
Et dans le cours de la discussion de mon budget, trouverai peut-être plusieurs
occasions de citer des cas où j'ai fait, ou bien où je me propose de faire,
l'application de cette circulaire.
J'ai fait préparer, messieurs, un grand travail sur
l'instruction primaire et moyenne. Le gouvernement devait à la chambre, aux
termes de la loi sur l'enseignement supérieur, un rapport sur les universités
de l'Etat ; il ne devait pas à la chambre un rapport sur l'instruction primaire
et moyenne ; j’ai fait ce rapport spontanément ; j'espère que ce travail pourra
vous être communiqué à la fin de janvier.
Ce travail était nécessaire. Si on avait voulu
rendre impossible, comme on nous en accuse, l'examen des lois sur l'instruction
publique, sur l'enseignement primaire et moyen, nous ne vous aurions pas offert
spontanément ce travail. Vous auriez abordé la discussion, sans pouvoir vous y
livrer avec fruit. Vous auriez été arrêtés au début même de la discussion,
parce que les notions de faits auraient manqué. C'est un travail impartial que
nous vous communiquerons, parce que nous avons cru que le gouvernement lui-même
avait ici un devoir à remplir. C'était pour cette grande discussion que nous
avons voulu vous offrir un guide sur bien des points ; nous n'avons pas voulu
que la chambre se fractionne en deux partis, même pour la statistique de
l’enseignement primaire et moyen.
Vous n'avez pas la confiance de la chambre, nous
dit-on ? Vous ne ferez rien. Les lois que vous annoncez, vous ne parviendrez
pas à les faire accepter par la majorité.
Mais, messieurs, ce sont là les vieilles prédictions
de l'opposition ; et je m'étonne réellement que l'honorable membre les
reproduise. Si nous n'avions pas proposé, par exemple, le projet de loi relatif
à la ville de Bruxelles, savez-vous ce que l'on serait venu dire ? On serait
venu dire que nous n'osions pas la proposer. Nous l’avons proposée. Savez-vous
ce que l'on dit ? C'est que nous n'oserons pas en aborder la discussion, ou
bien qu'elle sera rejetée.
M. Rogier. - Je n'ai pas dit que vous n'oseriez pas aborder la
discussion de ce projet, mais j'ai dit que votre majorité ne l'approuverait
pas.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Votre majorité, quelle expression
! Il fut un temps (je suis forcé de citer le passé) où l’on
disait à l'honorable membre : Vous n'avez pas une majorité compacte, dévouée,
se représentant sans cesse sur toutes les questions.
Il est impossible, messieurs, que sur toutes les lois, sur toutes les questions
qui sont soulevées, vous trouviez une majorité immuable.
Qu'on me cite un seul ministère qui se soit appuyé sur une
majorité en quelque sorte immobilisée.
Il arrivera, messieurs, ce qui est arrivé, par
exemple, à l’honorable membre lui-même en face du parti auquel il veut maintenant se rattacher exclusivement ; je veux parler de la récente discussion sur la loi des étrangers.
Je suppose que l'honorable membre se soit trouvé au
lieu de moi à ce banc, il y a trois jours. Est-ce que l'honorable membre aurait
eu tous ses nouveaux amis avec lui ? Non, messieurs, quelques-uns de ses nouveaux amis lui auraient fait défaut. Et je vous demande
maintenant ce qu'on aurait pensé de moi, par exemple, si, me trouvant au banc
ou se trouve l’honorable membre, j'étais venu vous dire : Vous n’avez pas de
majorité, parce que sur telle loi six, dix de vos alliées se sont séparés de
vous sur une question spéciale.
Vous voyez donc, messieurs, qu'à force de s'attacher
à des mots on arrive à fausser complètement le caractère et le but de nos
débats.
Vous avez, nous dit-on, trois grandes lois à
soutenir : la loi sur la ville de Bruxelles, la loi sur les indemnités, la loi
sur l’instruction primaire, au moins. Ces trois lois, il vous sera impossible
ou de les soutenir, ou de les obtenir, ou de les exécuter, parce que
certainement les moyens financiers vous manqueront.
Rappelez-vous, messieurs, ce que vous a dit mon
honorable collègue, le ministre des finances, qu'en effet les moyens financiers
ne se trouvaient pas dans ce moment au budget ; mais rien n'est plus simple ;
ce serait, commencer par la fin. Il faut d'abord que ces trois lois soient
votées, pour que les moyens d'exécution soient inscrits dans le budget.
Mais le ministre ne doit pas manquer de prévoyance,
et il vous a déclaré être prêt pour, en cas d'exécution de ces lois, vous
présenter les moyens d'exécution. Il doit même vous annoncer d'avance quels
seront ses moyens financiers d'exécution. Il vous l'a dit à plusieurs reprises,
et je suis étonné d'être forcé de nouveau de vous répéter
ses paroles.
Messieurs, nous sommes impatients, comme l'honorable
membre, d'aborder les questions qui sont soumises à la chambre, parce que les
besoins du pays, parce que le cours naturel des choses l'exigeaient. Si la
tâche de modération, de conciliation, de transaction que nous avons acceptée
est impossible entre nos mains, eh bien, messieurs, nous reconnaîtrons
nous-mêmes cette impossibilité, Nous déclinerons cette tâche en formant le vœu
que d'autres soient plus heureux.
M. Verhaegen. – Messieurs, il est beau, il est surtout
bien courageux le rôle d'un ministre qui vient s'associer aux improbations, aux
murmures, je dirai presque aux ressentiments d'une majorité qui momentanément
lui donne son appui. Je l'en félicite : à lui les fruits de ce courage ; et
peut-être nous donnera-t-il la solution de ce problème, si c'est le ministère
qui a une majorité ou si c'est la majorité qui a un ministère.
Messieurs, je ne me proposais pas de prendre la
parole dans cette discussion, el je n'entrerai dans aucun nouveau détail sur
des questions que j'ai traitées précédemment. Mais il y avait inconvenance de
la part du ministre de l'intérieur de se servir de certaines expressions qu'il
a employées et de s'associer à des attaques multipliées et injustes dont nous
avons été l'objet ; et pourquoi ? Pour avoir dévoilé des faits, pour avoir dit
la vérité et pour en avoir subministré la preuve. Car
on excite rarement le courroux de ceux à l'égard desquels on se borne à des
allégations.
J'ai cité
sur les deux questions que j'ai traitées dans la discussion politique, non pas
un seul fait, mais une masse de faits. Je les ai appuyés de preuves
irrécusables, Je sais bien que les murmures de la majorité sont la condamnation
de ce que j'ai dit. Mais je me console ; au-dessus de cette opinion, il en est
une autre, et je me soumets volontiers en second degré â son arrêt. C'est au pays tout entier que je fais un appel.
Je ne poursuivrai pas sur le terrain sur lequel on
veut me placer une seconde fois. J'ai dit tout ce j'avais à dire ; je n'ai pas dit un seul mot de trop et je maintiens cette fois
encore de nouveau tous et chacun des faits que j'ai avancés.
Et que l'on ne m'accuse pas d'avoir été trop loin,
même en disant la vérité. Car, messieurs, je n'ai fait que suivre l'exemple
d'un honorables collègue, vieilli sous l'expérience.
Ne nous disait-il pas, l'honorable M. Pirson, dans
la discussion générale de l'année dernière, ne nous disait-il pas des choses
bien plus graves encore que celles que j'ai eu la liberté grande de vous dire à
l'ouverture de cette session, alors cependant que je vous les lisais preuves à
la main.
Voici ce
que disait l'honorable M. Pirson, lors de la discussion générale de l'année
dernière :
« Messieurs, on peut tout craindre de l'esprit
de parti. N'avons-nous pas déjà
entendu, non pas proposer le rétablissement de l'inquisition,
mais vanter dans des discours publics les fauteurs de l'inquisition. »
J'ajouterai à ces
paroles, qui n'ont pas besoin de commentaire, que relativement
à la liberté de la presse, certains organes de la presse rétrograde, sans oser
l'attaquer ouvertement, font cependant éloge de ceux qui, dans un pays voisin,
ont eu le triste courage de chercher à la détruire.
Voilà, messieurs,
tout ce que j'avais à dire pour le moment.
M. Dumortier. - Messieurs,
depuis l'ouverture de la session j’ai cru devoir garder le silence dans les discussions qui se sont successivement élevées sur ce
qui s'est passé lors des dernières élections. Je faisais ainsi une concession à
la paix, car je sentais combien il est douloureux de se rappeler les moyens qui
ont été mis en œuvre pour obtenir les résultats que certains hommes avaient en
vue. Mais lorsque je vois l'honorable préopinant venir parler d'appel au pays,
lorsque nous connaissons tous le moyens qu'il vient d'employer pour tromper le
peuple dans ce prétendu appel au pays, lorsque nous connaissons avec quelle
profusion il a répandu un discours dans lequel il reproduit des accusations
contre le clergé, auxquelles il ne croit pas lui-même, alors, messieurs, j'ai
cru devoir prendre la parole pour signaler, dans cette enceinte, les indignes
manœuvres auxquelles on a eu recours pour calomnier la représentation
nationale, pour calomnier les hommes qui représentent l'opinion de l'immense
majorité du pays.
J'ai été navré, messieurs, quand j'ai vu les
calomnies dont on a accablé les représentants d'une opinion à laquelle je me
fais gloire d'appartenir, et qui est une opinion profondément morale et
nationale.
J'ai été navré ; mais j'ai voulu garder devers moi
les pièces de conviction, afin que je puisse, lorsque l'occasion s'en
présenterait, dévoiler les moyens infâmes dont on s'est servi contre nous. Je
crois, messieurs, devoir le faire maintenant, puisque l'honorable membre a déclaré qu'il prenait sur lui la responsabilité de tout ce
qui s'est passé à Bruxelles lors des dernières élections.
Eh bien ! messieurs, on a répandu alors avec profusion un écrit qui
avait été imprimé à plus de 20,000 exemplaires,
un écrit que je qualifie d'infâme et dans lequel
l'opinion à laquelle j'ai l'honneur d'appartenir, opinion qui est celle de la
grande majorité du pays, et en qui la nationalité belge trouve les garanties
les plus solides, dans lequel, dis-je, cette opinion était
accusée de vouloir grever le pays de charges immenses pour
enrichir le clergé et de vouloir rétablir la dîme.
Cet écrit,
je le répète, a été tiré à plus de
20,000 exemplaires, il a été publié en français et en flamand.
Permettez-moi, messieurs, de vous en donner lecture. Voici comment il est conçu
:
« A MM. les
électeurs de l'arrondissement de Bruxelles.
« Messieurs,
« Le moment des élections approche !
« Plus que jamais nous avons besoin de nous
unir pour repousser constitutionnellement le pouvoir envahisseur du clergé ; ce
pouvoir qui veut tripler les contributions à son profit, c'est-à-dire que celui
qui paie aujourd'hui 100 francs d'impôt à l'Etat paiera demain 231 francs 25
centimes (il est impossible de calculer avec plus de précision), s'il suit le
conseil de son curé, de son vicaire ou de leurs
adhérents dans le choix des représentants de la nation.
« Electeurs de la campagne, c'est sur vous plus
particulièrement que pèseront les taxes que le clergé veut établir pour
augmenter son revenu au-delà de ses besoins.
« Fermiers, cultivateurs et villageois, c'est
vous seuls qui payerez la quasi-totalité des nouvelles
contributions, si vous nommez à la chambre des représentants les candidats que vous présenteront votre curé ou
son vicaire.
« Le tableau suivant suffira pour convaincre
les plus incrédules, de l'énormité des nouvelles
contributions, dont nous allons être frappés en suivant le conseil du clergé, contributions qui, comme on le
verra, augmenteront trois a quatre fois les
revenus des prêtres el ruineront l'honnête agriculteur, père de famille.
« 1. Personne n'ignore que, malgré les efforts
de l’opposition libérale, le clergé obtient annuellement un
accroissement de plusieurs millions sur son traitement. D'abord 100 millions de
francs (c'est sans doute une erreur d'impression, ce sera 100,000 francs qu'on
aura voulu dire) pour le collège de Saint-Trond, bagatelle à porter ici en
compte : fr. 100,000
« 2. On sait également
que les catholiques ont, en opposition des libéraux, obtenu une augmentation de
traitement pour chaque prêtre desservant ; cette augmentation sera payée par
les communes rurales et sera proportionnée au rang que chaque prêtre occupe ;
un vicaire aura une augmentation annuelle de 400 fr., un curé celle de 800 fr.
et un doyen 1,000 fr. Comme il y a dans les 4,000 communes et villes qui
composent
« Pour les 4,000 curés et doyens qui
desservent ces 4,000 communes et villes l'augmentation sera de 3 millions 320
mille fr., par année : fr. 3,320,000
« Ensemble 5 millions 720,000 fr.
« 3. Viennent ensuite les 443 établissements
religieux qui sont nouvellement établis en Belgique et dont le clergé veut
faire supporter par la nation leur entretien, dans la proportion du petit
séminaire de St.-Trond. En admettant que chacun de
ces établissements ne coûterait par an que le tiers de celui de St.-Trond, cela représentera pour chacun d'eux une dépense de
33,333 fr.. par an et pour
tous les établissements la somme énorme de 14,766,319 fr. : fr. 14,766,319
« Total : fr. 20,586,519
fr. par an.
« Voilà donc une somme de 20 millions 586 mille
510 francs que la nation belge paiera en plus l'année prochaine pour les
prêtres, si on nomme les représentants que les curés, leurs vicaires ou
leurs adhérents désigneront.
« Remarquez-le bien, les
contributions directes figurent au budget de l'Etat pour 16 millions de fr. :
si le parti catholique a le dessus aux élections, il n'y a nul doute que nous
devrons payer 21 millions de francs d'augmentation pour le traitement des
prêtres et pour l'entretien des 443 établissements religieux, de manière que
celui qui aura payé cette année 100 fr. de contributions devra payer l'année
prochaine 231 fr. 25 centimes ; en d'autres termes pour chaque franc de
contributions qu'on aura payé en 1841, on devra payer 2 fr. 31 c. en 1842, et
cela pour les prêtres.
« Electeurs, cette somme énorme, si
nous ne nous unissons pas, sera payée en attendant que de droit divin on
perçoive la dîme, que le clergé veut établir par une loi, sous peine d'excommunication
contre ceux qui la refuseraient, Cette pénalité est prononcée dans le
nouveau catéchisme de Namur, approuvé par l'évêque de ce diocèse et ratifié par
l'archevêque de Malines.
« Or, habitants de la campagne, vous ne serez
pas quittes envers le clergé en lui payant avec nous environ 21 millions de
plus par an. Mais il viendra en outre vous enlever la
dixième partie de votre récolte, qui est le fruit de vos sueurs, en
vous disant :
« De droit divin la dîme est due a l'Église. Même au commencement du monde on payait la dîme… On est obligé de payer la dîme sous
peine d'excommunication… On pêche contre ce commandement en ne payant pas la
dîme ou en ne donnant, comme Caïn, que les plus mauvais fruits.
« Ceci est extrait du nouveau catéchisme de
Namur, approuvé par l'évêque de ce diocèse et ratifié par l'archevêque de
Malines.
« Vous voyez, électeurs, qu'il ne
suffira pas de donner la dixième partie de vos récoltes, mais il faudra encore
donner les plus beaux de vos fruits.
« Qu'on ne dise plus que le rétablissement de
la dîme en Belgique est un conte. Voici les copies de quelques-unes de ces
quittances qui démontreront que la dîme se perçoit dans le diocèse de Namur :
« J'ai reçu de Mme la veuve*** cent nonante-huit florins trois sous huit deniers pour la dîme de 1837.
« Namur, le 13 mars 1837. »
Vous croyez sans doute, messieurs, que cette
quittance porte la signature du curé ou de quelqu'un qui reçoit pour lui ? Il
n'en est rien, elle est délivrée, ainsi que les trois suivantes, pour une dame
française nommée Delaitre, qui habite les environs de
Namur et qui continue à percevoir son fermage sous le titre de dîme. Or, c'est
là une chose qui ne concerne en aucune façon le clergé. Voici comment la pièce
est signée :
Degrez pour M. Delaitre.
Voici maintenant la copie des trois autres
quittances et la suite du pamphlet :
« J'ai reçu de Mme la veuve *** cent
nonante-huit florins trois sous
huit deniers pour la dîme de 1838.
« Namur, le 16 mars 1838.
« Signé DEGREZ. »
« Reçu de Mme la veuve ***, demeurant à Emines, cent nonante-trois
florins trois sous huit deniers, pour la dîme de 1839, mise sur la ferme
qu'elle occupe. .
« Namur, ce 4 janvier 1839.
« Signé GHISLAIN,
notaire. »
« Reçu de Mme
« Namur, le 9 février 1840.
« Signé GHISLAIN, notaire. »
« Dans la prévision que la dîme sera rétablie
en Belgique, M. le duc de Wellington, qui possède dans ce royaume quelques
mille bonniers de terre, a fait insérer dans tous les baux qu'il vient de
renouveler, que si l'on y rétablissait la dîme, ce sera le locataire qui devra
la payer sans aucune diminution sur le prix du loyer. Déjà M. le comte de Mérode et d'autres seigneurs suivent l'exemple de M. le duc. »
Je regrette bien vivement que M. le comte de Mérode
ne soit pas ici. Il aurait protesté avec toute l’énergie de son âme contre une
pareille allégation, comme l’a déjà fait son frère, l'honorable comte Henri de
Mérode.
Le libelle continue ainsi :
« Le clergé, pour faire accorder en sa faveur, par
la législature, les 21 millions de fr., et de droit
divin la dîme, n'attend que la nomination à la représentation nationale des
candidats de son parti.
« Electeurs, si vous voulez déjouer le clergé, ne
pas lui payer les 21 millions de fr. et ne pas lui laisser enlever de nos
champs la dixième partie de vos récoltes, nommons tous au premier scrutin, à la
représentation nationale, pour l'arrondissement de Bruxelles :
« MM. Lebeau, député sortant ;
« Verhaegen (aîné), député sortant ;
« H. de Brouckere, député sortant ;
« Coghen, député sortant ;
« Orts père, conseiller communal ;
« P. Devaux, député sortant ;
« De Puydt, colonel, député sortant.
« Des électeurs objecteront peut-être que leur
curé ou vicaire leur remettent le billet portant les noms des personnes pour
lesquelles ils doivent donner leur vote et qu’ils n'oseraient point refuser
d'accepter ce billet, dans la crainte de déplaire au pasteur qui, dans cette
circonstance, est le loup qui veut se repaître du sang de l'agneau.
« Eh bien pour ne pas déplaire à M. le curé
faites chacun chez vous votre billet ; écrivez-y les noms ci-dessus indiques et
mettez-le dans l'urne électorale, sans en faire part à votre curé. Le billet
que celui-ci ou son vicaire vous remettra, acceptez-le, mais ne le mettez pas
dans la boîte ; de cette manière vous le contenterez et vous ne paierez pas les
21 millions ni la dîme.
« Nous ne sommes plus dans le XVIe siècle où
toutes les fortunes appartenaient au clergé, mais dans le XIXe où les prêtres
doivent vivre de leur état honorable, lorsqu'il reste dans les limites que le
fils de Dieu lui a tracées, c'est-à-dire, ne pas se mêler dé politique.
« Nous espérons que tous les bons
citoyens concourront avec nous au bien-être du pays et au triomphe de la
constitution. »
Voilà, messieurs, l'écrit qui a été répandu avec
profusion dans le district de Bruxelles pour assurer la réélection de
l'honorable préopinant. Vous avez pu voir qu'il ne renferme pas un mot de vrai.
Chacun qualifiera cet écrit comme il l'entendra, mais je déclare, quant à moi,
qu'une pareille manœuvre est l'acte le plus déloyal qu'il soit possible
d’imaginer. Lorsqu’on vient ainsi répandre dans le pays des calomnies
auxquelles on ne croit pas soi-même, lorsqu'on vient dire que la représentation
nationale est prête à voter une nouvelle charge de 21,000,000 de fr., lorsqu’on
parvient par de semblables moyens à être élu, je dis que la législature devrait
annuler l'élection. Tolérer de pareilles turpitudes, c'est donner gain de cause
à l'immoralité électorale, à la prostitution électorale ; c'est
amener le triomphe de la mauvaise foi.
M. Verhaegen. - On ne me fera pas cette fois le reproche d'avoir
ouvert la discussion. On a voulu qu'elle se renouvelât malgré toute la
répugnance que j'avais à prendre la parole, j'ai dû dire quelques mots parce
que je ne pouvais pas laisser sans réponse des allégations calomnieuses, des
allégations ridicules, des allégations dégoûtantes.
Mon silence aurait été interprété contre l’opinion
libérale attaquée en masse, je devais à mes amis et à moi-même de donner
quelques mots de réponse. Je l’ai fait avec toute la modération possible,
l’honorable M. Dumortier, quoi qu’il fasse, ne réussira pas cette fois à
m’attirer sur le terrain sur lequel il s’est placé. J’ai dit tout ce que
j’avais à dire, j’ai signalé des faits, j’ai lu des pièces, j’ai rapproché des
preuves et le pays jugera.
Quant au fait dont vient de parler l’honorable M.
Dumortier, celui qui se rattache au pamphlet qu’il a pensé pouvoir vous lire,
je le déclare calomnieux, je lui donne le démenti le plus formel, pour autant
qu’il veuille en faire retomber la responsabilité sur mes amis et sur moi.
Et puisque l’occasion s’en présente, je dirai que si
j’ai assumé la responsabilité de ce qui s’était passé à Bruxelles, c’était
comme antithèse à ce qui s’était passé dans la presse sérieuse à Namur. J’ai
assumé la responsabilité de la presse sérieuse à Bruxelles, entre autres, des
articles qui avaient été insérés dans l’Observateur, au sujet des attaques dont
nous avions été l’objet ; mais je n’ai jamais assumé la responsabilité de
pamphlets et de faits dont j’ignorais même l’existence. On m’accordera assez de
bon sens pour ne pas croire à une accusation dont le ridicule saute aux yeux.
Ce que l’on ose m’imputer est le résultat de la plus
insigne mauvais foi.
M. Dumortier. – Je demande la parole.
M. le président. – Je demande que la chambre veuille bien rentrer dans la discussion du
budget de l’intérieur. Cet incident y est étranger.
M. Dumortier. – Je demande la parole pour un
fait personnel, on ne peut pas me la refuser pour un fait personnel.
Messieurs, l’honorable M. Verhaegen a donné le
démenti le plus formel (je me sers de ses expressions) au fait que j’ai
signalé. Eh bien, je dois protester contre ce démenti. L’honorable préopinant
ne peut pas venir donner un démenti à un fait qui est avéré. Il est, en effet,
constant que l’écrit dont j’ai donné lecture a été répandu avec profusion dans
la capitale. Je n’ai pas dit que l’honorable membre fût l’auteur de cet écrit,
mais j’ai dit qu’il avait assumé sur lui tout ce qui s’était fait à Bruxelles
lors des élections. En présence d’une pareille déclaration, vous vous êtes
rendu, monsieur, responsable du fait que j’ai révélé à la chambre ; vous ne
pouviez pas ignorer l’existence de ce pamphlet puisqu’il avait été distribué à
pleines mains dans la capitale.
Messieurs, il est une réflexion à faire ici, c’est
que quand de pareils moyens, de pareilles saletés, sont désavoués par ceux-là
même qui ont en profité, c’est un beau triomphe pour nous
et pour la cause morale dont nous sommes les défenseurs.
M. Rogier – Messieurs, il me semble que, quoi qu’en ait pu dire M. le président, cet
incident est tout à fait dans la discussion. Nous discutons le budget de
l’intérieur, l’on reproche au ministère la part qu’il a prise dans les
élections. Un honorable orateur vient de donner lecture d’un certain pamphlet
qui a servi, dit-il, au succès des élections. Jusqu’ici donc, on reste
dans la discussion. Déjà, dans une autre
séance, un honorable député appartenant à la même opinion que l’honorable M.
Dumortier, a lu un autre pamphlet où l’on attaquait violemment son parti. Eh
bien, je dirai que des calomnies tout aussi ridicules, tout aussi atroces, ont
été prodiguées dans des journaux, et des brochures contre les candidats de
l’opinion que je représente ; il y avait seulement cette différence : c’est que
les écrits semblables à celui qu’on vient de lire, étaient anonymes ; tandis
que si quelques-uns des écrits calomnieux, dirigés contre les candidats de
l’opinion libérale étaient anonymes, d’autres étaient revêtus du brevet
officiel ; c’était dans les journaux qui soutiennent le cabinet que ces
calomnies nous étaient chaque jour prodiguées, au su et au vu du ministère.
M. Jadot. - Messieurs, le rapport de la section centrale fait mention d’un acte
passé entre le ministre de l’intérieur actuel et M. de Mévius,
relativement à la cession de l’établissement de Meslin-Lévêque.
On dit que cette pièce sera déposée sur le bureau. Je pense qu’il faudrait
l’insérer également au Moniteur.
M. Dedecker, rapporteur. - La section centrale a été d’avis de ne pas livrer ce document à
l’impression.
M. Jadot. - Je propose à la chambre de décider le contraire.
De toutes parts. - A demain ! à
demain !
M. le président. - Demain il sera statué sur la motion d’ordre.
- La séance est levée à 4 heures et demie.