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d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance du mardi 14
décembre 1841
Sommaire
1)
Pièces adressées à la chambre, notamment pétitions de blessés de septembre (Pirson)
2)
Projet de loi tendant à modifier la loi sur les pensions militaires
3)
Projet de loi relatif à l’interprétation de l’article 442 du code de commerce
4)
Projet de loi portant le budget de la marine pour l’exercice 1842. Achat de la
British-Queen et navigation transatlantique (Osy, de Foere, Nothomb),
service du passage d’eau d’Anvers à la Tête-de-Flandre et/ou à Tamise (Cools, Osy, Cools,
de Briey, Cools, de Briey). Chiffre global du budget de la marine (Delfosse, Osy, Eloy
de Burdinne, de Briey, Doignon,
Eloy de Burdinne, de Briey, Osy, Nothomb, de
Foere (+ projet de ligne entre Ostende et Londres), de
Briey, Eloy de Burdinne, Lebeau,
de Briey, de Muelenaere),
entrée en vigueur (Dumortier, Nothomb,
Dubus (aîné), Demonceau, de Muelenaere, Dumortier, Lebeau, Brabant, Mercier,
Malou, Dumortier, Demonceau, Dumortier)
5)
Projet de loi relatif aux étrangers résidant en Belgique. Discussion générale (Delehaye, Angillis, de Villegas, Demonceau, Van Volxem, Fallon, Pirson, Delehaye, Demonceau, Demonceau, Van Volxem, Pirson, Delfosse, Nothomb)
6)
Fixation de l’ordre du jour. Budget de l’intérieur pour l’exercice 1842 (Delfosse)
(Moniteur belge n°349, du 15 décembre 1841)
(Présidence de M. Fallon)
M. Kervyn procède à l'appel nominal à 2 heures.
M. Scheyven donne lecture du procès-verbal de la dernière
séance ; il est adopté
M. Kervyn fait connaître la composition des sections de
décembre, dont le tirage au sort a eu lieu, avant l'ouverture de la séance.
Il présente ensuite
l'analyse des pièces adressées à la chambre :
PIECES ADRESSEES A
« Le sieur
Mangane, pensionné de l'Etat, demande une
augmentation de pension. »
- Renvoi à la commission
des pétitions.
_________________________
« Plusieurs blessés de septembre demandent que
l'indemnité de 200 fr. leur soit accordée. »
« Par une deuxième
pétition les blessés de septembre demandent la démission des membres de la
commission administrative des fonds spéciaux. »
M. Pirson. - Messieurs, les blessés de septembre, sachant
qu'on doit s'occuper bientôt de la loi sur les indemnités nous ont adressé
cette pétition, dans laquelle ils prétendent avoir droit à une indemnité de 200
fr. par an. Ils se plaignent également que les frais de l'administration de
leur dotation sont trop élevés ; ils croient que ces frais pourraient être
réduits et qu'alors il serait possible de les
indemniser d'une manière plus convenable. Je ne sais jusqu'à quel point ces
demandes sont fondées, mais je crois qu'il conviendrait de demander un prompt
rapport sur cette pétition ou peut-être même de la renvoyer directement à M. le
ministre de l'intérieur.
M. le président. - Que proposez-vous ?
M. Pirson. - Je demande un prompt rapport ou le renvoi à M. le ministre de l'intérieur.
M. le président. - Il faut faire une proposition formelle.
M. Pirson. - Je propose les deux choses.
- La proposition de M.
Pirson est adoptée. En conséquence, la pétition est
renvoyée à la commission, avec demande d'un prompt rapport, et à M le ministre
de l'intérieur.
________________________
« Les habitants et
propriétaires de la commune de St-Laurent demandent la construction du canal de
Zelzaete. »
- Renvoi à la section
centrale chargée de l'examen du projet.
________________________
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb)
transmet à la chambre cent exemplaires d'un recueil de pièces relatives aux
concours de 1840 et de 1841 entre les établissements d'instruction moyenne du
royaume.
- Conformément à la
demande de M le ministre, deux exemplaires de ce recueil seront déposés à la
bibliothèque. Les autres seront distribués aux membres de la chambre.
PROJET
DE LOI TENDANT A MODIFIER
M. le ministre de la guerre
(M. Buzen) présente un
projet de loi tendant à modifier un article de la loi sur les pensions
militaires.
- La chambre ordonne
l'impression du projet et de l'exposé des motifs qui l'accompagne et le renvoi
à l'examen des sections.
PROJET
DE LOI RELATIF A L’INTERPRETATION DE L’ARTICLE 442 DU CODE DE COMMERCE
M. de Behr présente
le rapport de la commission chargée d'examiner le projet de loi relatif à
l'interprétation de l'art. 442 du code de commerce.
- Ce rapport sera imprimé
et distribué. Le jour de la discussion en sera ultérieurement fixé.
PROJET
DE LOI PORTANT LE BUDGET DE
Personne ne demandant la
parole dans la discussion générale, la chambre passe à la discussion des
articles.
CHAPITRE
PREMIER. Administration centrale
Articles 1 et 2
« Art. 1. Personnel
: fr. 6,050. »
« Art. 2. Matériel :
fr. 3,500. »
- Ces articles sont adoptés sans discussion.
CHAPITRE II.
Bâtiments de guerre
Article 1
« Art. 1. Personnel
: fr. 330,524. »
- Cet article est adopté sans discussion.
« Art. 2. Matériel : fr. 293,877. »
M. Osy. - Je crois, messieurs, que le gouvernement compte mettre à bord du British-Queen une partie de nos équipages ; comme les questions
relatives à l'acquisition du British-Queen ne
sont pas résolues, je crois que nous devons faire une réserve à cet égard.
M. de Foere. - Je demanderai, de mon côté, si, dans le cas où l'achat du British-Queen serait approuvé, M. le ministre compte organiser
la navigation de ce navire vers les Etats-Unis.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb). - Messieurs, l’achat du British-Queen est un fait consommé. La chambre aura à examiner
ce fait lorsque toutes les pièces livrées en ce moment à l'impression seront
distribuées. Le gouvernement étant aujourd'hui propriétaire du British-Queen, il est impossible que ce navire ne soit point
exploité. Le gouvernement compte l'exploiter d'une manière économique ; et pour
arriver à un service économique, il cherchera à employer autant que possible
une partie des équipages de notre marine.
Du reste, ces pièces, qui mettent dans son véritable
jour toute cette affaire, seront distribuées probablement après-demain soir.
La chambre verra alors que le gouvernement est
définitivement propriétaire du British-Queen et
qu'il est impossible de ne pas exploiter ce steamer. Nous aborderons alors le
fond de la question et nous prouverons qu'il est utile de l'exploiter, que
c'est ainsi que la loi du 29 juin 1840 peut recevoir son exécution.
Je n'en dirai pas davantage, ce serait anticiper sur
la discussion à laquelle on paraît vouloir se livrer. Il est évident que si,
contre l'opinion du gouvernement, la chambre décidait qu'il ne faut pas
exploiter le British-Queen, si la chambre
prenait une résolution que je ne puis pas prévoir, alors on ne ferait aucun
emploi d'une partie de notre marine.
- L'article est mis aux voix et adopté.
CHAPITRE III
Article unique
« Article unique. Magasin de la marine : fr.
11,200. »
- Cet article est adopté sans discussion.
CHAPITRE IV. Pilotage
Articles 1 à 3
« Art. 1. Personnel
(traitement fixe) : fr. 131,540 »
« Art. 2. Personnel (dépenses
variables) : fr. 78,300 »
« Art. 3. Matériel : fr. 36,400 »
- Ces articles sont successivement adoptés sans
discussion.
Article unique
« Article unique. Service
du passage d'eau d'Anvers à
M. Cools. - Messieurs, la section centrale a fait plusieurs observations contre
l'établissement d'un service à la vapeur entre Anvers
et les bords de l'Escaut jusqu'à la hauteur de Tamise. Elle ne fait aucune
proposition formelle ; elle adopte même le chiffre demandé
et qui, dans l'intention du gouvernement, doit être employé à trois espèces de
services : le passage d'Anvers, le service de la remorque et le service de
Tamise. Cependant, elle fait des observations
que je crois devoir combattre.
La section centrale a envisagé la question sous un
faux point de vue, elle a cru qu'il s'agissait d'un nouveau service à établir,
tandis que le principe du service dont il est question a été décrété depuis
longtemps. La préoccupation de la section centrale s'explique assez facilement : l'allocation dont
il s'agit a passé à tant de budgets que réellement on s'y perd ; d'abord, elle
a figuré au budget des finances, ensuite à celui des
travaux publics, aujourd'hui elle se trouve au budget de la marine ; de sorte
que la section centrale a pu très bien perdre de vue les antécédents. Ce sont
ces antécédents que je dois rappeler pour replacer la question sur son
véritable terrain, Le service du bateau à vapeur
d'Anvers a été décrété en
Je pourrais donner lecture de l'article du budget de
1839, où il figure pour la première fois une allocation spéciale pour l'établissement d'un service à vapeur entre Anvers et Tamise
; la chambre y verrait que l'allocation s'appliquerait spécialement à ce
service ; elle fut adoptée par la section centrale, par la chambre et par le
sénat sans aucune observation.
En 1840, il y eut un vote encore plus significatif que celui de 1839 ;
en 1839, la chambre avait adopté le crédit sans discussion, en 1840 son
attention fut appelée d'une manière spéciale sur l'allocation. Voici ce qui se
passa :
Quelques membres avaient pensé que le service dont
il s'agit ne pouvait pas être établi sans l'intervention des chambres. M. le ministre (je crois que c'était l'honorable M. Nothomb)
prit alors la parole, et voici ce qu'il dit :
« On dit que le gouvernement ne peut pas
organiser de service de passages d'eaux sans l'intervention des chambres. Mais
la chambre a voté la construction de deux bateaux à vapeur, l'un pour le service de
Voilà, messieurs, ce que
disait le gouvernement en 1840. En
Ainsi, messieurs, trois votes successifs de la
chambre et du sénat ont consacré le principe de
l'établissement d'un service à vapeur entre Anvers et Tamise. Voilà, messieurs,
dans quel état la question se présente devant vous.
D'autres circonstances que la section centrale a
ignorées consacrent encore plus ce principe. (Je demande pardon à la chambre
d'entrer dans ces détails, qui paraissent, au premier abord, inspirés par un intérêt de clocher ; mais il s'agit non
d'accorder des faveurs, mais d'empêcher qu'on revienne sur ce qui a été formellement décidé, qu'on n'ait imposé à une commune des
dépenses en pure perte.)
A la suite de ces votes, le gouvernement s'est
adressé à la commune de Tamise, pour lui annoncer
que l'établissement\ du service du bateau à vapeur exigeait la construction
d'un embarcadère dont la dépense devait s'élever à 17,000 fr.
La commune de Tamise se trouvant dans une situation
financière gênée, un arrangement est intervenu entre elle et le gouvernement
qui lui a fait l'avance des fonds, sauf remboursement dans un délai d'années
déterminées. Comme la commune n'avait pas de ressources
suffisantes pour effectuer ce remboursement, elle avait demandé l'établissement
de centimes additionnels ; des centimes additionnels furent consentis par le
gouvernement, lesquels se perçoivent depuis trois ans et sont destinés à rembourser la somme
avancée.
Les travaux d'adjudication de cet embarcadère ont eu
lieu au mois d'août dernier. Ainsi, non seulement le principe est décrété, mais
le service a déjà même reçu un commencement d'exécution.
Je crois, messieurs, devoir borner là mes
observations, qui ont eu pour objet de faire comprendre à la chambre que les considérations présentées par la section centrale pêchent
dans leur base, et qu'il n'est pas possible de faire revenir
sur ce qui a été formellement décrété.
M. Osy. - Messieurs, nous avons à Anvers deux
bateaux à vapeur pour le passage de l'Escaut ;
M. Cools. - Je demanderai à M. le ministre des affaires étrangères
s'il est dans l'intention d'organiser promptement le service entre Tamise et
Anvers. Cette discussion peut avoir du retentissement
; les communes vont s'effrayer des propositions de la section centrale. Le gouvernement
s'y associe-t-il ?
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Briey) –
Messieurs, je pense que, d'après les votes antérieurs, le gouvernement peut
effectivement se passer, jusqu'à un certain point, de la coopération des
chambres, pour l'établissement d'un service de bateaux à vapeur
entre Anvers et Tamise. Mais cependant je dois ajouter qu'il ne voit dans
l'allocation des fonds votés à cette époque, et dans les motifs qui l'ont
amenée, aucune raison pour ne pas suspendre ou arrêter l'exécution du service
projeté vers Tamise, si les deux provinces et les localités intéressées se
refusaient à contribuer à la dépense dans la
proportion de l'utilité qu'elles peuvent en retirer. . .
Cette question, au reste, n'est pas encore résolue.
La province d'Anvers a promis un subside de quinze mille fr. ; celle de
M. Cools. - Messieurs, il me paraît, d'après les
explications de M. le ministre, que son intention serait de
revenir sur les faits qui ont été posés par deux ministères successifs. Ces
deux ministères n'ont mis aucune condition
quelconque à l'établissement du service dont il s'agit ; ils ont seulement
exigé que la commune s'imposât des sacrifices, pour
faire face, aux frais de la construction d'un embarcadère : ce qui prouve que
ces ministères étaient décidés à organiser le service, sans subordonner
l'exécution du projet à l'accomplissement d'autres conditions de la part de la
commune.
Je prie donc M. le ministre des affaires étrangères
de vouloir bien se pénétrer de la véritable situation de l'affaire et maintenir
ce qui a été formellement décidé.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Briey) - La chambre comprendra que je ne puis pas être complètement au
courant de ce qui a été fait, à cet égard, il y a plusieurs années. Je croîs
cependant que M. le ministre des travaux publics, qui avait à cette époque la
marine dans ses attributions, tout en faisant connaître son intention d’établir
ce service entre Anvers et Tamise, n'a pas parlé des conditions auxquelles
l’établissement en aurait lieu ; et qu'il ne lui en a point été imposé par la
chambre. Je pense au contraire, et il me confirme dans cette opinion, qu'il
avait dès lors l'idée
d'inviter les provinces et les communes intéressées à contribuer
dans les dépenses de ce service.
M. Dubus (aîné). - Il y a déjà une province qui a voté un subside.
M. Cools. - C'est possible ; mais on ne l'a pas exigé pour condition.
- Personne ne demandant plus la parole, le chiffre
est mis aux voix et adopté.
CHAPITRE VI
Article unique
« Article unique. Secours
maritimes (sauvetage) : fr. 16,000. »
CHAPITRE VII
Article unique
« Article unique. Secours
aux marins blessés et aux veuves d'officiers de marine, qui, n'ayant pas de
droits à la pension, se trouvent dans une position malheureuse : fr.
4,000. »
- Ces articles sont adoptés sans discussion.
La chambre passe aux articles du projet de loi.
« Art. 1er. Le budget du département
de la marine, pour l'exercice 1842,
est fixé à la somme de 960,849 fr., conformément
au tableau annexé à la présente loi. »
M. Delfosse. - J'ai voté, l'année dernière, contre le budget de la marine, j'en ferai autant cette année. Je persiste à croire que
l'utilité de notre marine n'est pas en rapport avec la dépense qu'elle
occasionne.
M. Osy. - Je pense aussi que cette dépense est exagérée. .Nous pourrions nous
borner à des bâtiments légers pour surveiller la douane à Lillo et pour le
service de la quarantaine. Nous pourrions ainsi économiser quelques centaines
de mille francs. Je ne voterai pas cette année contre le budget
de la marine ; mais certainement je voterai contre,
l'année prochaine, si ce budget n'a pas éprouvé pour lors de notables réductions.
M. Eloy de Burdinne. - J'ai voté l'année dernière contre le
budget de la marine, les mêmes motifs subsistent pour que je vote contre le
budget de cette année. On nous avait fait espérer des réductions qui n'ont pas
été accomplies.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Briey) -
Messieurs, c'est bien difficile de présenter des arguments nouveaux pour défendre des intérêts qui sont chaque année attaqués de la
même manière. Il semble cependant que jamais cette défense n'a
été plus facile qu'elle ne l'est maintenant.
En effet, ce n'est pas à la veille du jour où vous
allez décider le système commercial qui doit régir
Je me bornerai pour le moment à cette simple
observation, me réservant d'y revenir,
si j'y étais amené par la défense d'une marine qui peut être appelée chaque
jour à nous rendre de nouveaux services.
M. Doignon. - Je n'ai qu’un mot à dire ;
je voterai pour le budget, mais en faisant la déclaration qu'ont faite tout à
l'heure MM. Osy et Eloy. C'est dans ce sens que je l'adopterai.
M. Eloy de Burdinne.
- Je suis d'autant plus porté à voter cette année contre
le budget de la marine, que, d'après le discours de M. le ministre des affaires
étrangères, il paraît que, loin de réduire
les dépenses de la marine, il y a des velléités de les augmenter.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Briey) - Messieurs, il
n'est pas question d'augmenter la marine ; je n'ai rien dit qui
puisse faire supposer cette intention ; j'ai dit seulement que si la chambre
jugeait à propos d'adopter plus tard un système commercial
qui rendît le développement de la marine nécessaire, vous aviseriez alors aux
moyens propres à amener ce développement.
Je partage d'ailleurs l'opinion de l'honorable M.
Osy. Je pense qu'il pourrait être avantageux de remplacer quelques-unes de nos
chaloupes par quelques navires propres aux explorations lointaines,
et au fur et à mesure que nos chaloupes seront hors de service, il serait
peut-être possible d'y substituer des goélettes d'un tonnage plus fort, et qui
seraient destinées à faire des voyages transatlantiques
et à protéger la pêche nationale dans les parages éloignés.
M. Osy. - Messieurs, M. le ministre des affaires étrangères ne m'a pas compris.
Je n'ai pas dit qu'il y a lieu d'augmenter notre marine
dans le but de faire des explorations ; je crois au
contraire qu'il y a lieu de la diminuer, et de la remplacer par des bâtiments légers, destinés au service de la quarantaine,
et à protéger la douane à Lillo ;
on pourrait de cette manière économiser de ce chef une somme de
4 à 500,000 fr, Comme on ne paraît pas disposé à opérer des diminutions sur ce budget, je voterai contre,
quoique j'aie d'abord annoncé l'intention de voter pour le budget en
discussion.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, je ne sais si l'année dernière on avait fait espérer qu'il
serait apporté de grandes modifications à notre marine ; je ne le pense pas ;
je crois qu'on est un peu injuste envers notre marine, et comme j'ai eu cette administration dans mes
attributions pendant plusieurs années, il doit m'être permis de prendre sa
défense.
La marine nous est nécessaire pour la douane, pour
la police de l'Escaut, pour la défense même d'Anvers, pour le pilotage et pour
le sauvetage. Voilà autant d'objets pour lesquels une petite marine nous est
indispensable.
Un membre. - Vous oubliez la pêche.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - J'y viendrai.
Cette marine nous est nécessaire, quoique nous
n'ayons pas précisément de navires en état de prendre la mer. Si vous la supprimiez,
vous seriez obligés pour chacun des objets que je
viens d'énumérer, de rétablir plus tard une petite marine.
Nous avons encore
besoin de navires en état de prendre mer, de faire
des voyages de long cours ; entre autres pour la pêche. Comme l'a dit M. le
ministre des affaires étrangères, il est à regretter qu'au lieu de l'unique
goélette que possède l'Etat, nous n'en ayons pas plusieurs qui viendraient
remplacer les canonnières que nous avons dans l'Escaut et qui ne peuvent
s'aventurer en mer.
Il est à regretter que nous n'ayons pas plusieurs
goélettes. Nous n'avons que la goélette
Cette question est beaucoup plus grave qu'elle ne
paraît de prime abord.
Je ne dis pas qu'il n'y a pas lieu d'y introduire
des améliorations, je crois au contraire, avec M. le ministre des affaires
étrangères, qu'il y a lieu de remplacer nos canonnières par des bâtiments
pouvant prendre la pleine mer. J'en ai fait moi-même le premier essai. C'est
sous mon administration qu'une goélette a été substituée à une de nos canonnières.
M. de Foere. - Depuis quelques années, j'ai voté contre le budget de la marine. Le
personnel de notre marine m'avait paru en grande partie inutile et, par
conséquent, onéreux au pays. Je partage encore
aujourd'hui la même opinion. Mais, dans un budget précédent, le ministère
annonçait l'intention d'établir une navigation à vapeur pour servir la ligne de
communication entre Ostende et Londres. Cette même proposition est aussi
consignée dans le budget de 1842.
Messieurs, cette communication tant pour les
dépêches que pour les voyageurs et pour le transport des marchandises est aujourd'hui monopolisée par
Si le ministère se propose d'exécuter ce projet et
d'employer une partie du personnel de notre marine au service de cette ligne de
communication entre Ostende et Londres, non seulement pour le transport des
lettres et des passagers, mais surtout pour le transport des marchandises, je
voterai pour le budget de la marine.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Briey) -
Messieurs, l'honorable M. de Foere vient de vous parler d'un des buts utiles de
la marine sur lequel je me proposais d'appeler votre attention. Notre marine
doit effectivement être appelée à concourir au service postal que le
gouvernement a l’intention d'établir entre Ostende et Londres. Un autre service
qu'elle est appelée à rendre souvent, c'est de porter secours à tous les
navires qui échouent dans l'Escaut.
Récemment encore,
un navire suédois n'a dû son salut qu'au dévouement avec lequel des secours lui ont été portés par nos marins, et l'officier qui les
commandait a obtenu du roi de Suède une récompense flatteuse
du zèle qu'il avait déployé en cette circonstance.
M. Eloy de Burdinne. - M. le ministre de l'intérieur a dit qu'il n'avait aucune mémoire qu'on
ait fait espérer une réduction sur le budget de la marine. Comme c'est moi qui
ai avancé ce fait, je demande la permission de répondre.
Le ministre n'a nullement répondu cela à la chambre.
On n'a pas fait espérer à la chambre une réduction sur ce budget, parce qu'il
n'y a pas eu de discussion dans la chambre. Quelques membres qui avaient envie
de prendre la parole. et moi en particulier, étaient
sortis de la salle ; mais dans une conversation particulière, un membre du
cabinet m'avait fait espérer qu'une réduction aurait lieu. Sans doute je ne
demande pas la suppression complète de la marine, je sens fort bien que le
service de sauvetage est très important, très humain. Mais votre marine
pourrait être réduite au strict nécessaire.
Je crois qu'il y a quelque chose à faire. Je
renouvelle cette proposition parce que je crains qu'un jour nous ne devenions
une puissance maritime. Dans toute circonstance, je m'y opposerai. Beaucoup de
nos honorables collègues ont cette intention ; mais je ne partage pas leur
opinion ; je ne consentirai jamais à donner mon vote pour faire de
M. Lebeau. - Messieurs, c'est presque pour un fait
personnel que je me vois forcé de réclamer un moment l'attention
de la chambre. .
Plusieurs membres, et spécialement l'honorable
préopinant, semblent vouloir placer le ministère actuel en face d'engagements
qui auraient été pris par le ministère précédent, engagements qui devaient
avoir pour résultat d'opérer sur le chiffre du budget de la marine une
réduction considérable.
Ce n’est pas dans un sens aussi absolu que je me
suis exprimé. J'ai regret que l'honorable membre n'ait pas compris ce que j'ai
dit dans le sein du sénat. Le rapport de la section centrale donne à cet égard
des explications suffisantes.
Je vois à la page 5 du rapport de la section
centrale sur le budget actuel :
« La 3e section a, à son tour, appelé
l'attention de la section centrale sur l'économie que le précédent ministre
avait promise lors de la discussion au sénat du budget de la marine. Cette
observation a été de même soumise a M. le ministre,
qui y a répondu de la manière suivante :
« Les promesses faites par le ministre des
affaires étrangères, lors de la discussion du budget de la
marine, au sénat, se sont réalisées ; le budget de la marine, par
suite des congés accordés aux matelots et de leur embarquement sur les navires
de commerce, offrira une économie beaucoup plus grande que la
réduction proposée par M. de Pélichy.
»
C'était précisément pour répondre à un amendement
proposé par M. de Pélichy que j'avais dit que je
prenais l'engagement de faire subir aux sommes demandées pour le personnel du
budget de la marine une réduction plus considérable que celle demandée par M.
de Pélichy, mais que je la ferai en choisissant les
circonstances et avec plus d'opportunité que ne pourrait le faire le sénat en
la décidant en l'absence de documents et par conséquent sans connaissance de
cause.
Vous voyez que mes engagements ont été pleinement
réalisés, que les obligations que j'avais prises ont été remplies par mon
successeur.
J'ai dit qu'il serait possible de ne pas remplacer
des bâtiments hors de service et ceux des hommes qui seraient congédiés ou
viendraient à mourir à bord. Voilà dans quel sens j'ai indiqué que des économies
pourraient être opérées.
Je crois que mes engagements
ont été exécutés par mes successeurs.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Briey) - Je remercie l'honorable M. Lebeau d'avoir replacé la question sur son
véritable terrain. Les promesses faites par le précédent cabinet ont été toutes
tenues par le cabinet actuel.
Le budget de la marine, par suite du passage de
matelots sur des bâtiments de commerce présente une économie plus grande que la
réduction demandée au sénat par M. de Pélichy. Le
gouvernement se réserve de vous proposer d'employer cette économie à améliorer
le passage d'eau d'Anvers et à créer, s'il y a lieu, le service de bateaux à
vapeur d'Anvers vers Tamise, dont il a déjà été question.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, la province d'Anvers a voté un subside de 15 mille francs dans ce
but. .
M. de Muelenaere. - Je ne saurais partager toutes les
préventions que quelques honorables préopinants paraissent avoir conçues contre
l'institution de la marine. Je crois qu'il y a deux extrêmes dans lesquels il
ne faut pas tomber.
D'une part, je ne crois pas qu'il soit nécessaire
d'augmenter outre mesure la dépense afférente à la marine.
D’un autre côté, je crois indispensable de conserver ce que le pays possède.
Une marine ne se forme pas du jour au lendemain. L'expérience a prouvé qu'il
faut plusieurs années pour avoir des marins capables et instruits. Il est
incontestable que dans l'état actuel de son organisation la marine rend des
services ; elle en rend pour le pilotage, pour le sauvetage, pour la douane,
pour le service sanitaire, et si elle nous est utile à l'intérieur, elle nous
est indispensable à l'extérieur, pour la surveillance de la pêche. Je ferai
même remarquer que des demandes très pressantes ont été adressées au
gouvernement pour qu'il fît construire un navire de dimension à tenir la pleine
mer et à surveiller la pêche dans les parages lointains, car le seul navire
affecté à ce service est
Or, il est généralement reconnu qu'un seul navire
est insuffisant pour faire ce service. Si le gouvernement donne suite au projet
qu'il paraît avoir conçu et qui serait éminemment utile d'établir une ligne de
bateaux à vapeur entre Ostende et Londres pour nous affranchir du monopole
qu'exerce l'Angleterre à nos dépens, la marine deviendra encore nécessaire à ce
nouveau service.
Dès lors, lorsque la marine est utile à l'intérieur,
indispensable à l'extérieur, il me semble que ce n'est pas le moment de la
supprimer, et qu'il faut, au contraire, tâcher de conserver avec soin les
fruits recueillis des dépenses portées au budget pendant un assez grand nombre
d'années.
Il n'en résulte pas que le service de la marine ne
puisse, sous ce rapport, être amélioré ; vous savez tous, que depuis quelques
années des améliorations successives ont été introduites. L'expérience
indiquera celles qui peuvent encore être admises.
Je crois qu'il faut maintenir la marine telle
qu'elle existe, sauf à l’utiliser, et améliorer ce qu’on reconnaîtra être
défectueux dans cette partie du service.
-
La chambre passe à l'art. 2 du projet de
loi ainsi conçu :
« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le
lendemain de sa promulgation. »
M. Dumortier, rapporteur. – Le
sénat est convoqué pour le 20. Dès lors il me semble que l'on
peut rédiger cet article comme l'est l'article final de toutes les lois de
budget votées avant le commencement de l'exercice qu'elles
concernent. « La présente loi sera obligatoire le 1er janvier 1842. » Autrement vous aurez pour le
département de la marine deux budgets obligatoires dans la même année.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Il me
semble qu'on peut conserver la formule ordinaire, et que les
inquiétudes de l'honorable préopinant ne sont pas fondées.
L'art. 1er du projet de loi répond à son observation
; il porte que ce budget est destiné à pourvoir aux dépenses de 1842, Dès lors
il serait impossible d'imputer sur ce budget aucune dépense de l'exercice 1841.
Déclarer la loi obligatoire le premier janvier,
c'est supposer qu'elle sera votée pour cette époque par le sénat. N'est-ce pas
en quelque sorte forcer la main à cette assemblée ?
M. Dumortier, rapporteur. - Toutes les lois de budget votées avant le 1er janvier ont
toujours été déclarées obligatoires le 1er janvier ; jamais le sénat ne s'en
est plaint. Il y a peu de jours vous avez voté la loi du budget des voies et
moyens, et vous l'avez déclarée obligatoire le 1er janvier 1842.
M. Dubus (aîné). - Nous avons voté hier le projet de loi de
budget du département des affaires étrangères. Quelle est la formule de l'art.
2 ? Je ne vois pas de motif pour adopter deux lois de budget
avec des formules différentes.
M. Demonceau. - Je conçois que le budget des voies et moyens soit déclaré obligatoire le 1er janvier, parce que là il y a
nécessité absolue. Mais il n'en est pas de même pour les autres budgets. Il
suffit que l'art. 1er de la loi dise que le budget a pour objet les dépenses de
l'exercice 1842, pour qu'aucune partie de ce budget
ne puisse être appliquée aux dépenses d'un autre
exercice.
M. de Muelenaere. - J'avoue que je ne comprends aucunement l'importance de ce débat, car
jamais il ne peut y avoir deux budgets en même temps. La cour des comptes
n'admettrait jamais l'imputation sur un exercice de dépenses relatives à un
autre exercice. Le budget est essentiellement annal.
M. le président. - Le budget du département des affaires étrangères
a été adopté avec cette formule.
« La présente loi sera obligatoire le 1er janvier 1842. »
Le budget du département des finances a été adopté
avec cette formule :
« La présente loi sera obligatoire
le lendemain de sa promulgation. »
M. Dumortier, rapporteur. - Le
budget des voies et moyens a été aussi adopté avec cette formule :
« La présente loi sera obligatoire
le 1er janvier 1842. »
Je propose par amendement cette
rédaction.
M. Lebeau. - Je crois réellement qu'adopter cet amendement, ce serait porter une
disposition inutile, ou risquer, contre la volonté de l'honorable préopinant,
de manquer aux égards qu'on doit au sénat. Je comprends que la
date du 1er janvier soit indiquée dans la loi des voies et moyens, parce que là il y a nécessité. Mais s'il
était dans la convenance du sénat, qui va trouver dans ses cartons des travaux
considérables, de ne voter le budget de la marine comme on l'a fait, d'autres
années, que vers le 10 janvier, vous placeriez le sénat dans une position
singulière et vous rendriez votre loi ridicule. Je crois qu'il faut dire :
« La loi sera obligatoire le lendemain de sa promulgation ».Vous
sauvez ainsi toutes les difficultés ; vous allez au-devant des
scrupules de l'honorable M. Dumortier ; car il est impossible que
le gouvernement puise à la fois dans deux budgets ; la cour des comptes ne s'y
prêterait pas. Le gouvernement, maître de promulguer la loi quand il veut, ne
la promulguera pas avant le 31 décembre. Si donc vous déclarez la loi obligatoire le lendemain ,de sa promulgation,
elle ne sera pas obligatoire avant
le 1er janvier.
M. Brabant. - Je ne comprends pas les objections qu'on
élève contre la proposition de l’honorable, M. Dumortier ; car en supposant que
le sénat vote le budget après le 31 décembre 1841, ce
budget n’en sera pas moins obligatoire à partir
du 1er janvier 1842, puisque son objet est de pourvoir à toutes les dépenses de
l'exercice 1842. Il nous est arrivé, dans les premières années, de voter les
budgets dans le mois de septembre. Mais quelle que soit l'époque du vote des
budgets, quelle que soit la formule relative à leur promulgation, ils sont par leur nature obligatoires pendant tout l'exercice qu’ils
concernent. L'année dernière, nous avons voté des crédits provisoires ; les
budgets de plusieurs départements ont été votés après le 1er janvier ; ils n'en
ont pas moins été obligatoires à partir
du commencement de l'année.
M. Mercier. - J'ai demandé la parole
pour faire les mêmes observations que l'honorable préopinant, mais pour en
tirer une conclusion différente, pour demander la suppression de l'article.
L'art. 1er suffit pour garantir que ce budget ne
pourvoira qu'aux dépenses de l'exercice 1842. Je propose la suppression de
l'art. 2. Ainsi on ne manquera pas au sénat, et l'on n'aura pas deux budgets obligatoires dans la même année.
M. Malou. - On a dit tout à l'heure qu'en
déclarant la loi obligatoire le 1er janvier, on manquerait au sénat, ou l'on
ferait une chose inutile. Je ne crois pas que le sénat soit
aucunement gêné par une disposition de cette nature. Le sénat peut rejeter ou
amender la loi. S'il vote la loi après le 1er janvier, il amendera la loi.
Plusieurs membres. - Mais, dans ce cas, la loi
reviendra à la chambre.
M. Malou. - Sans doute, mais il faudra
bien qu'elle y revienne également, si le sénat y
introduit un amendement quelconque.
M. Dumortier. - Les observations de
l'honorable M. Brabant sont certainement concluantes. L'honorable M. Mercier
appuie ces observations, mais il en conclut que nous devons supprimer
l'article. Je ne partage pas cette opinion. Si vous supprimez l'article, vous
vous trouvez sous l'empire de la loi du 19 septembre 1831, qui porte : « Art.
3. Les lois seront obligatoires, dans tout le royaume, le onzième jour après
celui de la promulgation, à moins que la loi n'en ait autrement disposé. »
Vous mettez ainsi le gouvernement dans l'impossibilité de pourvoir, dans les
premiers jours de l'année, aux dépenses du département de la marine.
M. Mercier. - Et l'art. 1er ?
M. Dumortier, rapporteur.- Il
ne s'agit pas ici de l'art. 1er, mais comme je viens de l'expliquer de la loi
relative à la promulgation des lois.
Pour moi, je crois que nous ferons bien de faire
comme nous avons fait depuis dix ans, comme nous avons fait hier pour le budget
du département des affaires étrangères.
Je demande la même rédaction que pour le budget des
affaires étrangères. S'il y avait lieu
de faire l'observation que l'on présente, il fallait la faire lors de la
discussion du budget des affaires étrangères, et lors de la discussion de tous les budgets que nous avons votés. (Aux voix ! aux voix !)
M. Demonceau. – Je ne m'oppose
pas à ce qu’on aille aux voix, mais je
croyais avoir trouvé le moyen de concilier les opinions ; ce serait de dire que
la loi sortira ses effets à dater du premier janvier
1842. Je déclare toutefois que je ne considère pas cette déclaration comme nécessaire. Le budget est un acte
de haute administration qui doit nécessairement prendre cours à dater du
premier jour de l'année.
M. le président. - La suppression de l'article a été demandée ; je vais mettre cette suppression aux voix.
M. Dumortier. - Je demande la parole sur la
position de la question. La suppression de l'article c'est le
rejet ; il faut d'abord mettre l'article aux voix, ceux qui n'en voudront pas
le rejetteront.
M. le président. - En ce cas, je vais mettre
l'article aux voix. Il est ainsi conçu :
« Cette loi sera obligatoire le lendemain de sa promulgation. »
M. Dumortier. – Je propose de dire : A
partir du 1er janvier 1842. »
M. le président. - Je vous prie de déposer votre amendement.
Je ferai observer qu'au budget des finances, la
chambre a voté l'article dans les termes suivants : la présente loi sera
obligatoire le lendemain de sa promulgation.
M. Dumortier fait
remettre à M. le président son amendement.
- Cet amendement est mis aux voix ; il n'est pas
adopté.
L'article, tel qu'il est formulé au projet, est
adopté.
Vote sur
l’ensemble de la loi
La chambre passe au vote par appel nominal sur
l'ensemble du budget. En voici le résultat :
73 membres répondent à l'appel.
1 membre s'abstient.
68 membres votent le budget.
4 votent contre.
Ont voté pour : MM. Angillis, Brabant, Coghen,
Cools, David, de Behr, Dedecker, de Florisone, de Foere, de Garcia de
Ont voté contre : MM. Delehaye, Delfosse, Eloy de Burdinne, Osy.
S'est abstenu : M. Verhaegen.
La parole est accordée à l'honorable membre pour
faire connaître les motifs de son abstention.
M. Verhaegen. - Je me suis abstenu parce que je n'ai pas
assisté à la discussion.
Discussion
générale
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi concernant les
étrangers résidant en Belgique.
- La discussion générale est ouverte.
M. Delehaye. - Messieurs, bien que le projet qui est actuellement soumis à votre
discussion n'ait d'autre effet que de proroger une loi déjà existante, il me
semble qu'il est de notre devoir d'examiner si la loi de 1835 est
constitutionnelle. A cette question viendra s'en joindre une autre ; c'est de
savoir si cette loi est opportune.
Je regrette, messieurs, que la commission à laquelle
le projet a été envoyé, n'ait pas trouvé convenable
d'examiner la question de constitutionnalité. Lorsque le projeta été soumis en
1835 à la chambre, plusieurs orateurs se sont livrés à l'examen de cette question, et bien que l'assemblée n'ait pas partagé leurs
idées, je crois qu'ils ne se sont pas trompés.
L'article 128 de la constitution est ainsi conçu :
« Tout étranger qui se trouve sur le territoire
de
Lorsque le congrès a voté cet article, il se
trouvait sous l'influence de l'art. 4 de l'ancienne loi fondamentale des Pays-Bas.
Cet article 4 accordait aux étrangers la même protection pour leurs biens et
leurs personnes, qu'aux régnicoles. Beaucoup de personnes, et des hommes d'un
grand mérite ont pensé que sous l'empire de cette loi les étrangers ne
pouvaient pas être inquiétés plus que les régnicoles ; qu'il leur suffisait
d'obéir aux lois, pour être à l'abri de toute action du
gouvernement.
Le congrès n'a pas voulu admettre un pareil
principe. Il a pensé que lorsque
Voilà, messieurs, quelle était l'opinion du congrès,
il a voulu mettre un terme à toute tentative de la part de l'étranger, de jeter
le désordre dans le pays, de troubler le repos public.
La règle générale était donc liberté pleine et
entière pour les étrangers comme pour les régnicoles ; protection complète pour
leurs personnes et pour leurs biens. A cette règle générale vous pouviez
apporter des exceptions ; mais quelles étaient ces exceptions ? C'était d'abord
de retirer la protection que vous aviez accordée à l'étranger du moment qu'il
commettait quelque fait tendant à porter le trouble dans le pays. Dans ce cas
cet étranger est passible de la loi. Mais, comme dans ce cas il aurait manqué
de reconnaissance envers le pays, comme il aurait manqué aux égards qu'il doit
aux lois, je crois que le gouvernement ferait bien de l'expulser du pays. Dans
ce cas, je reconnais qu’une exception serait nécessaire et je lui donnerais mon
assentiment. Je pense donc que lorsqu'un étranger pose un fait contraire aux
lois qui régissent un pays, ce pays peut l'expulser ; mais dans ce cas même
l'expulsion sera le résultat d'une condamnation et par suite prononcée par le
tribunal.
Mais accorder au ministère, comme le propose la
commission, la faculté d'expulser un étranger sans en rendre compte à personne,
sans indiquer les motifs de l'expulsion, en notifiant seulement à cet étranger
l'ordre de quitter le pays, c'est lui accorder un droit arbitraire qui détruit
complètement la règle générale. D après votre loi, que devra consulter
l'étranger pour être à l'abri de la mesure que vous proposez ? S'il songe à se
rendre en Belgique, à y fixer le siège de ses affaires, il devra nécessairement
examiner la législation qui régit ce pays. Cet étranger verra quelles sont nos
lois pénales, quelle est notre jurisprudence, afin de connaître les devoirs qu'il a à remplir et la protection qu'il peut réclamer. Mais cet étranger
ne saura pas pour cela ce qu'il doit faire pour ne pas être chassé du pays ; il
saura bien ce qu'il doit faire pour ne pas manquer aux
lois, mais il ne saura pas ce qu'il doit faire pour ne pas s'exposer au mécontentement d'un agent de police.
Vous accordez donc au ministère un droit arbitraire,
vous lui laissez la faculté d'expulser tout étranger du pays, sans que cet
étranger puisse réclamer ; sans même qu'il puisse avec fruit adresser une
pétition à la chambre, pour qu'elle examine les motifs de son expulsion. Car le
ministère pourra vous répondre qu'il est juge de ces motifs ; que la loi que
vous avez votée est une loi de confiance, et que si l'application qu'il en fait
ne vous convient pas, c'est à la loi que vous devrez en faire le reproche.
C'est ainsi que vous chercherez en vain la règle générale qui admet le droit
accordé par l'art. 128, et que l'exception se présentera partout. Vous voyez
donc que toute réclamation est inutile.
En effet, il n'est aucun pouvoir qui puisse
empêcher, si la loi est admise, l'exécution d'un arrêté d'expulsion, quelque
injuste que vous le supposiez. Il y a donc arbitraire, et arbitraire tel que la
règle est entièrement anéantie.
Messieurs, dans la discussion qui a eu lieu en 1835,
plusieurs membres démontrèrent l'inconstitutionnalité de la loi et firent
ressortir combien était arbitraire le pouvoir qu'on voulait accorder au
gouvernement.
Je demanderai la permission à la chambre de lire
quelques passages des discours qui furent prononcés à cette occasion. Voici
d'abord ce que disait notre honorable président, M. Fallon :
« Si le ministre est juge souverain de
l'application de la loi, avec dispense d'énoncer les motifs de son jugement et
sans que le contrôle des chambres puisse s'exercer sur les actes d'expulsion,
vous pouvez effacer de la loi la seule condition qui la rende plus spéciale que
celle de 1831. Car il ne sera pas de fait le plus innocent, le plus inoffensif
à l'ordre et à la tranquillité publique, qui ne pourra donner lieu à
l'expulsion ; et je plains celui qui aura déplu, non pas à un ministre, je ne
le crois pas capable d'aussi vil sentiment, mais à l'un ou l'autre agent en
sous ordre, mais à quelque rivalité, à quelque basse jalousie, si l'étranger
l'offusque par son talent, par son
industrie ou tout autrement ; mais encore a quelque fanatique intolérant, qui
trouvera que c'est un scandale de laisser dans le pays un étranger qui ne
partage pas ses opinions ou ses croyances. »
Cet honorable membre, messieurs, s'exprima encore
d'une manière plus positive à l'égard du pouvoir qu'on voulait accorder au
gouvernement.
« C'est, dit-il, un véritable leurre en
législation que de dire que l'on ne pourra s'armer de la loi que contre celui
qui compromettra l'ordre et la sûreté publique, alors que celui à qui
vous confiez cette arme est dispensé de rendre compte de l'usage qu'il en aura
fait.
« Une loi semblable consacre un arbitraire plus
dangereux encore que la loi de sécurité de 1831.
« Là du moins il y avait de la franchise. On
disait clairement que le gouvernement pouvait placer l'étranger hors du droit
constitutionnel, lorsqu'il le jugerait convenir, sans restriction ni condition,
sans spécialité aucune. S'il y avait là de l'arbitraire, l'arbitraire n'était
que dans le fait du ministre qui exécutait la mesure, et la responsabilité
restait au moins entière.
« Ici c'est dans la loi même que
nous plaçons l'arbitraire, et un arbitraire beaucoup plus complet, puisque le
ministre qui aura exécuté pourra toujours échapper à toute responsabilité en
nous disant : Vous m'avez constitué juge et arbitre souverain des cas
d'application, et, bien ou mal juge, la loi ne m'oblige pas et vous rendre
compte de mes motifs.
« Nous voulons une loi contre le
désordre, et c'est une loi de désordre que nous faisons ; car l'arbitraire
n'est pas autre chose que le désordre. »
Vous voyez, messieurs, que dans l'opinion de cet
honorable membre il y avait véritablement arbitraire, et cet arbitraire, il le
qualifiait beaucoup plus sévèrement ; il disait que c'était du désordre. Ayons
actuellement recours à un autre orateur.
M. Ernst, alors député, s'exprimait ainsi :
« Il faut donner au gouvernement des secours
pour la sûreté publique, il faut donner au gouvernement les secours nécessaires
pour la sécurité de tous, mais il ne faut pas lui donner l'arbitraire. »
Cet arbitraire, messieurs, est même inutile, vous
avez assez de moyens pour faire respecter vos lois. Ecoutez M. d'Huart, on ne
suspectera pas le patriotisme de cet honorable membre.
« La police peut trouver, disait-il,
assez d'aliments pour son enquête et sa farouche activité, en usant du pouvoir
que lui confère le code pénal et au moyen de la stricte exécution de la loi sur
les passeports. »
Vous voyez donc, messieurs, que dans l'opinion de
ces honorables membres, la loi consacrait l'arbitraire, arbitraire qui les
révoltait tellement que l'un d'eux, l'honorable M. Fallon ne craignit pas de le
qualifier de désordre.
Je dis, messieurs, que si vous adoptez les
conclusions de la commission, vous effacez de la constitution l'art. 128, dans
lequel le congrès a sanctionné le principe de l'hospitalité. Si vous adoptez
ces conclusions, cet article constitutionnel sera aboli de fait ; il ne sera
plus qu'un mensonge. L'étranger le plus paisible, le plus soumis aux lois, ne
sera plus à l'abri du pouvoir arbitraire que vous aurez donné au gouvernement ;
sa fortune, son repos sera compromis dès qu'il aura seulement excité, par ses
talents ou par son industrie, la jalousie de certaines personnes, ou dès qu'il
aura déplu à certaines autres. Pour les uns, il sera trop catholique, pour les autres trop libéral, suivant qu'il professera tels ou
tels principes religieux ou politiques. En un mot, il n'y aura plus aucune
espèce de sécurité pour un étranger quelconque.
Je ne veux pas, messieurs, accorder un pouvoir aussi
illimité au gouvernement, et, croyez-le bien, ce n'est pas par hostilité contre
le ministère ou par défiance à son égard que j'agis de la sorte. Quels que
fussent les hommes qui siégeassent au banc des ministres,
que ce soient mes amis politiques ou mes adversaires, en tout temps je refuserai mon approbation à une semblable loi.
En résumé, messieurs, je veux
des exceptions, mais leur application dépendra des tribunaux.
L'étranger qui aura troublé l'ordre public professé des doctrines subversives,
commis un fait quelconque contraire aux lois, sera condamné, à l'expiration de
sa peine, il sera expulsé ; mais il le
sera par jugement, il saura quels sont les motifs de la mesure rigoureuse prise
à son égard, il servira d'exemple, et par là préviendra que d'autres encourent
la même peine.
La deuxième question à examiner, messieurs, c'est
celle de savoir si, la loi est opportune. Lorsqu'en 1835 vous avez adopté la
loi qu’il s agit de proroger,
En 1835, la chambre a adopté le projet, mais alors
encore les circonstances étaient tout autres que celles où nous nous trouvons
aujourd’hui ; je ne dis pas que la chambre a bien fait alors d’en agir ainsi,
je n’examine pas cette question, mais je dis qu’au moins à cette époque, la
position du pays expliquait jusqu’à certain point, une mesure semblable, tandis
qu’aujourd’hui rien ne serait plus inopportun, plus injustifiable.
Remarquez, messieurs, que dans l’opinion du
gouvernement lui-même, la loi n’est pas opportune. En effet, à l’ouverture de
la session, le discours de la couronne nous a dit que nous nous trouvions
vis-à-vis des puissances de l’Europe dans une position favorable, que partout
nous recevions des marques d’une bienveillance certaine, que partout nos agents
étaient bien accueillis, qu’enfin
Ainsi, dans l’opinion même du gouvernement, il n’y a
aucune nécessité de recourir à une mesure comme celle qui nous est proposée.
Serait-ce, par exemple, les faits qui se sont passés récemment dans un pays
voisin qui justifieraient cette mesure ? Serait-ce parce que des crimes ont été
commis en France, que
Nous n'avons donc encore rien à craindre de ce qui
s'est passé en France. Pourquoi donc le gouvernement veut-il obtenir une loi
dont il n'a nul besoin ? Serait-ce par
hasard pour que le gouvernement puisse écarter quelques étrangers qui
s'occupent de la presse et qui écrivent peut-être dans un sens qui n'est pas
conforme à ses vues ? Mais on voit tous les jours des journaux rédigés par des
étrangers se permettre les attaques les plus violentes, les plus indécentes
contre les membres de la représentation nationale, on en voit qui attaquent nos
institutions ; et cependant les rédacteurs de ces journaux sont parfaitement
accueillis par le gouvernement. Il est vrai qu'ils font l'éloge des ministres,
et qu'à ce prix ils semblent avoir acquis le droit d'attaquer tout ce qui régit
le pays, constitution, royauté, représentation nationale, tout est enveloppé
dans le même mépris ; les ministres ne s'en inquiètent pas parce qu'eux seuls
sont l'objet d'éloges.
Tout récemment un étranger est venu s'établir en
Belgique et y a joui de la haute protection du gouvernement ; cet étranger,
idolâtre du mérite des ministres, ne trompait que le public, il jouissait de
toute la protection, pour lui on invoquait l'art. 128, il était l'objet de
prévenances ; cet étranger cependant était peut-être un de ceux à l'égard
desquels l'expulsion se justifierait si elle n'était pas contraire à la loi
fondamentale.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Cet étranger n'a pas été
protégé par le gouvernement.
M. Delehaye. - Il est certain qu'il s'est présenté partout muni d'une recommandation
du gouvernement.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Nous nions le fait.
M. Delehaye. - Je persiste à dire que cet homme, qui était un véritable agent
d'intrigues, s'est présenté partout, muni de lettres de recommandation du
gouvernement. Il était protégé par des hommes haut placés dans l'échelle
administrative.
Je dis donc qu'en général les étrangers que le
gouvernement maintient dans le pays sont précisément ceux qu'il devrait en
faire sortir, tandis qu'il en expulse d'autres contre lesquels il ne s'élève
d'autres griefs que de ne pas être idolâtres des ministres.
On dira peut-être que l'étranger injustement expulsé
pourra réclamer. Je dis que la réclamation est presqu'impossible, elle l'est
toujours, s'il ne se soustrait point aux recherches de la police et s'il ne
trouve pas des personnes qui immédiatement s'intéressent à lui et ont le
bonheur de se faire entendre par les ministres ; je ne connais qu'un cas, il
vous donnera la preuve de la légèreté des accusations suivies d'expulsion.
Il y a deux ans, une personne qui se recommandait
par son mérite et par sa conduite paisible, fut suspectée d'entretenir des
relations coupables avec l'étranger ; cet homme jouissait de la confiance de
tout ce que Gand renferme de plus honorable ; mais il avait déplu à un agent subalterne de la police et son expulsion fut
demandée. Il se cacha quelque temps, des personnes puissantes firent voir au
ministre d'alors, M. de Theux, combien l'accusation portée
contre lui était mal fondée, et l'honorable M. de Theux fit
cette fois droit à sa réclamation. Eh bien, messieurs,
c'est là le seul cas où il ait été fait droit à une réclamation d'un
étranger menacé d'expulsion, et il ne doit son salut qu'à son adresse à se
soustraire aux recherches de la police. Arrêté une fois, son expulsion suivait
de près et toute réclamation devenait inutile, L'étranger honnête homme victime
de l'arbitraire ne réclame pas toujours, il quitte
un pays inhospitalier, en maudissant
ses habitants.
M. Angillis. -Il semble que M. le ministre, en nous soumettant le
projet de loi qui est en ce moment en délibération, aurait dû y joindre un tableau statistique, contenant les noms et les qualités de tous
les étrangers qui ont été expulses du royaume en exécution de la loi encore
existante, ainsi que les pays auxquels ils appartiennent et les motifs qui ont
donné lieu à l’expulsion. En présence de ces documents, la chambre aurait pu
juger par elle-même, comme elle doit toujours pouvoir juger, de l’utilité de la
loi ; elle aurait pu connaître l'effet que la mesure aura produit el s'il y a
oui ou non nécessité de la proroger pour quelques années
encore.
Au lieu d'un tableau statistique, M. le ministre se
borne à dire que la loi a eu un heureux résultat et qu'aucune
plainte ne s'est élevée.
Tout cela est très édifiant, mais où est la preuve
de cet heureux résultat ? Quant à l'absence de plaintes, la chose est fort
naturelle. On s'empare de celui que l'on veut expulser, on lui laisse à peine
le temps de faire son paquet et on le jette hors du pays ; comment pourrait-il
donc se plaindre ? D'ailleurs c'est aux chambres seules qu'ils pourraient
adresser leurs plaintes ; elles ne sont pas toujours assemblées.
Je ne dis pas que l'on ait abusé de la mesure, je ne
dis pas non plus que l'on en a bien usé, parce que, comme je viens de le dire,
on jette le projet dans l'assemblée sans aucun détail statistique.
Après cette petite préface, que je ne crois pas
déplacée, je vais dire un mot sur le projet en discussion.
La première condition de toute loi, et bien
notamment d'une loi exceptionnelle, c'est son utilité, sa nécessité. Tout ce
qu'il y a de bon dans les lois émane de ce principe, que l'utilité,
l'indispensable nécessité a présidé à la rédaction de la loi. Une loi
quelconque ne saurait avoir pour objet que l'utilité la plus éminente, et c'est
toujours cette utilité qu'il faut mettre en évidence pour justifier la loi.
C'est pour cela qu'un ancien regardait comme une précaution très importante de mettre toujours à la tête des édits un préambule raisonné qui en montrât la justice et l'utilité. Il en était de même sous la
république française ; avant de s'occuper de la loi on constatait l'urgence, et
la formule de l'urgence se trouve en tête de toutes les lois de la république.
Cette utilité, messieurs, est- elle bien démontrée ?
Je dois répondre que non pour les raisons que j'ai fait valoir en commençant.
En général je n'aime pas ces lois de circonstances
que l'homme voit périr, renaître et périr encore. Ce sont des lois de colère
qui accoutument l'homme au mépris des lois. Ce ne sont pas seulement des lois
préventives, mais le plus souvent oppressives. Elles ne conviennent plus à la
nation belge ; ces lois peuvent convenir à la multitude en révolution, et grâce au ciel nous ne sommes pas dans ce
cas.
A la vérité les journaux nous ont occupés pendant
une quinzaine d'un commencement ou d'une tentative de révolution, mais la
facilité avec laquelle cette échauffourée aurait été comprimée prouverait assez
que des mesures extraordinaires ne sont plus nécessaires.
Tout peuple qui veut maintenir sa liberté doit avoir
une défiance raisonnable de toutes mesures exceptionnelles ; ce sentiment doit
toujours se retrouver dans le sein de la représentation nationale.
Lorsqu'on accorde au gouvernement des pouvoirs
extraordinaires dont la nécessité n'est pas justifiée, on met en danger les
libertés publiques, car on abuse souvent de ces pouvoirs, qui sont
ordinairement mêlés d'arbitraire, et il ne serait pas malaisé de prouver,
l'histoire à la main, que dans plus d'un pays la liberté publique a péri par
l'usage abusif de ces remèdes extraordinaires que les peuples ont eu souvent
l'imprudence d'accorder à leurs gouvernements.
Je sais bien qu'en règle générale, quelque opinion
qu'on ait du droit d'asile, on doit reconnaître qu'il n'existe pas pour ceux
qui sont couverts des crimes, parce que ces individus-là ne peuvent offrir
aucune garantie, parce que ceux qui ont violé les droits des hommes et des
citoyens ne peuvent invoquer les devoirs de l'humanité et de la société. Ces
hommes-là ne peuvent rien demander à des sociétés politiques qu'ils ont
outragées dans d'autres pays.
Mais, messieurs, l'attitude calme du pays, le bon
esprit qui règne en Belgique, l'attachement de la nation à toutes nos
institutions constitutionnelles et sa ferme volonté de maintenir par tous les
moyens notre nationalité et notre indépendance au dehors, la tranquillité et le
bon ordre à l'intérieur, sont de sûrs garants contre toutes les tentatives des
perturbateurs, de quelques pays qu'ils viennent. Cette disposition du peuple
est la meilleure force du pays. Honneur et patrie : ces deux mots appartiennent
à notre vocabulaire commun, et s'il s'agissait de les défendre, il n'y aurait
plus ni catholiques ni libéraux, il n'y aurait que des Belges.
Je pense donc que le projet de loi est un
hors-d'œuvre, puisque dans mon idée des mesures exceptionnelles ne sont plus
nécessaires.
Quant à la question constitutionnelle, elle reste
entière pour moi cette question ; elle a été longuement et profondément
discutée en 1838, mais elle n'a pas été résolue, elle demeure entière ; je ne
la traiterai pas, parce que je ne veux pas prolonger les débats. Je pense ne
pouvoir donner mon adhésion à la loi ; cependant je
suspens mon vote.
M. de Villegas. - Messieurs, comme un honorable préopinant, je
ne veux pas faire de cette discussion une question de parti,
une question de confiance ou de méfiance envers le ministère, mais une question
d'intérêt social, et à ce point de vue, je crois pouvoir soutenir la
constitutionalité du principe de la loi qui est en ce moment en délibération.
Vous vous rappellerez, messieurs, que la loi du 22
septembre
Cet article porte que « tout étranger qui se
trouve sur le territoire de
Evidemment ce reproche d'inconstitutionnalité qui
avait été adressé en 1835 à la loi est mal fondé, comme l'ont fort bien
démontré les orateurs qui, à cette époque, ont pris part à la discussion. En
effet, l'art. 128 de la constitution pose une règle générale c'est-à-dire la protection
due aux étrangers, sauf les exceptions établies par la loi. Or, la loi de
1835 forme l'exception.
M. Delehaye, à l'appui d'une opinion contraire, vous
a rappelé la discussion qui a eu lieu en 1835, et vous a cité un passage du discours
de notre honorable président.
Messieurs, je ne suis pas ici pour interpréter ou
pour défendre le discours que notre honorable président a prononcé dans cette
enceinte en 1835, mais je crois exprimer parfaitement son intention, en
disant que dans ce discours l'honorable membre a moins contesté la
constitutionalité du projet de loi en lui-même, que la constitutionnalité de la
loi, quant à son exécution, c'est-à-dire que l'honorable M. Fallon voulait des
garanties contre les abus du pouvoir.
L'honorable M. Delehaye
ajoute que l'exception absorbe la règle et la fait disparaître.
Messieurs, ce raisonnement n'est pas encore exact ;
car la règle générale, c'est-à-dire la protection, subsiste ; mais l'exception
est limitée ; elle ne s'applique qu'à une certaine catégorie d'étrangers ; elle
ne s'étend pas aux étrangers qui seraient autorisés par le gouvernement à
résider en Belgique, ni à ceux qui auraient épousé une femme belge et qui
auraient eu des enfants pendant leur séjour en Belgique.
La loi de 1835, ainsi limitée, ne s'applique donc qu'aux étrangers qui par
leur conduite habituelle troubleraient la tranquillité publique.
L'honorable M. Delehaye, en invoquant à l'appui de
son opinion l'art. 128 de la constitution, vous a encore dit, messieurs, que
l'intention du congrès n'avait pas été d'établir cette multitude d'exceptions.
Messieurs, j'ai eu recours aux discussions qui ont
eu lieu au congrès, et j'ai constaté un fait assez important : c'est qu'un
membre de cette assemblée avait demandé la suppression dans l'art. 128 de la
constitution, des mots : sauf les exceptions établies par la loi et a
voulu substituer cette phrase, « sauf les extraditions qui seraient
autorisées par le pouvoir législatif. » Cet amendement n'a pas été
introduit, parce qu'en matière d'exception, il faut laisser la législature
libre de prendre les résolutions que les circonstances politiques peuvent lui
faire juger nécessaires.
Pour preuve que la loi de 1835 n'est pas la seule
exception apportée à l'art. 128 de la constitution, je vous citerai la loi sur
les extraditions que vous avez votée. Soutiendra-t-on encore que cette loi est
inconstitutionnelle ?
L'honorable M. Delehaye a demandé si la loi était opportune et nécessaire. Nous pensons que
l'opportunité et la nécessité de la loi sont incontestables ; il importe dans
l'intérêt de l'ordre social, qu'à côté de la protection soit la surveillance.
Si un étranger recevant sur le sol de
Je me permettrai d'adresser une question aux
adversaires de la loi. Si la loi de 1835 n'eût pas été votée, vous resteriez sous l'empire de celle du 28 vendémiaire an VI. Préféreriez-vous par hasard cette loi
républicaine ?
En résumé, je crois que la question de
constitutionnalité n'est pas douteuse, qu'ainsi l'on a pu, sans violer l'art.
128 de la constitution, porter la loi de 1835, partant qu'il y a lieu de la
proroger ; mais à condition qu'on y introduise les garanties contre les abus
qu'on pourrait faire de son application.
Par exemple, celles qui se trouvent dans la loi sur
les extraditions. Je ne prétends pas que des abus existent, mais il me suffit
que des abus soient possibles, pour désirer que des garanties soient prises. Je
me réserve, du reste, de présenter un amendement dans ce sens dans le cours de
la discussion des articles de la loi.
M. Demonceau. - La majorité de la commission se trouve dans une singulière position.
D'un côté, on prétend qu'elle a proposé une loi inconstitutionnelle. D'un autre
côté, on l'accuse d'avoir modéré la proposition du gouvernement, et d'être
ainsi trop peu gouvernementale. Quant à la constitutionnalité, il ne peut y
avoir aucun doute raisonnable. On ne peut soutenir que cette loi est
inconstitutionnelle. Je sais que l'art. 128 dispose que les étrangers qui se
trouvent en Belgique jouissent de la protection accordée aux personnes et aux
biens. Mais à côté de la règle se trouve une disposition qui permet à la
législature d'établir une exception. Si des deux côtés l'on posait un principe
immuable, l'on pourrait dire sans doute que l'exception renverse la règle. Mais
la loi dont il s'agit, la loi de 1835, n'est qu'une loi temporaire,
exceptionnelle, qui prévoit même
certains cas où il n'y a pas possibilité d'ordonner l'expulsion ;
la règle reste donc.
Pour bien comprendre une disposition légale, il faut
toujours se reporter aux motifs qui l'ont dictée.
Encore une fois, messieurs, j'ai eu recours à ce qui
s'est passé lors du vote de l'art. 128 de la constitution. Si vous me le permettez, je vous rappellerai
l'opinion des sections et de la section centrale du congrès national sur cet
article ; vous verrez qu'on voulait proposer comme règle immuable qu'if n'y eût
ni exclusion ni extradition que pour les cas et dans les formes à régler par le
pouvoir législatif, et que la section centrale et la majorité du congrès ont
pensé que la protection accordée aux étrangers devait faire la règle et que le
législateur pourrait seul y apporter des exceptions, Cette loi est donc
constitutionnellement possible ; et elle est opportune, à moins de vouloir que
L'ordre, dit-on, n'a pas été troublé en Belgique.
Mais si l'ordre n'a pas été troublé, c'est peut-être parce qu'on a fait un
usage bien entendu de la loi sur les étrangers.
Un honorable collègue aurait voulu que le
gouvernement donnât un tableau statistique des expulsions qui ont eu lieu. Je
ne suis pas au courant de ce qui se passe dans les ministères, mais j'en sais
assez pour vous assurer, messieurs, que si ce tableau vous était fourni, vous y
verriez des milliers d'intrigants, pour ne pas dire plus, qui tous ont été
expulsés. Ces expulsions ont sans doute été faites avec modération et justice,
car, jusqu'à présent, vous n'avez guère vu de réclamation. Dans un pays comme
le nôtre, où la liberté de la presse est entière, si l'on s'était écarté le
moins du monde des formes, des convenances, il y aurait eu certainement
réclamation.
Nous ne marchons pas d'accord avec quelques-uns de
nos honorables collègues sous le point de vue de constitutionnalité, de
nécessité et même d'utilité. Je le comprends, mais tout ce qu'ils vous ont dit
a été dit déjà et répété lors de la discussion de 1835, et si vous vouliez nous
permettre de vous rappeler ce que nous avons dit sur la loi d'expulsion, vous
verriez que nous avons dit qu'il n'y avait possibilité de faire une loi qu’en
laissant de l’arbitraire au gouvernement, mais à la condition de la rendre
temporaire.
Plusieurs voix. - Cela n'est pas nécessaire.
M. Demonceau, continuant - Nous avions introduit dans la loi
de 1835 des exceptions dont on n'a eu aucun motif de se plaindre ; nous
rétablissons l'une de ces exceptions, mieux expliquée, selon nous, dans le
projet proposé par la commission et nous pensons que les hommes les plus
exigeants doivent accepter au moins le projet de la commission.
M. Dubus (vice-président) remplace M. Fallon au fauteuil.
(Moniteur belge n°350, du 16 décembre 1841) M. le ministre de la justice (M. Van Volxem) - Messieurs, deux honorables membres se sont prononcés contre l’adoption
du projet de loi qui vous est soumis. L’on a considéré la question
constitutionnelle comme entière et ne l’a pas discutée. L’autre est entré dans
des développements pour prouver l’inconstitutionnalité de la loi et a fait un
reproche à la commission de n’avoir pas examiné le projet sous ce point de vue.
En vérité nous nous étonnons de voir examiner encore
la question de constitutionnalité à propos du projet dont il s’agit. En 1835 une longue et chaleureuse discussion s’est portée sur tous les
points et particulièrement sur la question de
constitutionnalité. Notre honorable président, l’opinion duquel on vient de faire appel, a exprimé que, dans son opinion, la
question de constitutionnalité n’était pas douteuse, il a considéré que,
d’après l’article 128 de la constitution, il était permis à la législature
d’apporter des modifications à la règle générale posée dans cet article. Ce
n’est qu’au sujet de l’application, de l’exécution de la loi qu’il a
fait quelques réserves. C’est ainsi qu’il a traité la question. Lui-même a fait
valoir plusieurs considérations pour faire voir que la loi était
constitutionnelle. Il est impossible du reste de ne pas le reconnaître en
présence des termes de l’article 128. Ainsi qu’on l’a dit, ses termes n’ont pas
été un obstacle à ce que quelques années après le vote de la constitution, on
fît une loi sur les extraditions, loi bien autrement sévère que celle que nous
proposons à votre approbation.
Je ne m’étendrai pas davantage sur la question de
constitutionnalité qui est jugée, et tellement jugée, qu’après avoir été
discutée en 1835, elle n’a plus soulevé la moindre discussion en 1838 et qu’à
chacune des occasions où l’on a eu à se prononcer sur la loi relative aux
expulsions, celle-ci a été adoptée à une immense majorité.
Messieurs, un honorable membre a exprimé le regret
que le gouvernement n’eût pas joint au projet le tableau statistique de toutes
les expulsions opérées, afin qu’on pût juger si l’on n’avait pas été trop loin
dans l’application de la loi. Mais aucune plainte ne s’est élevée contre cette
application. Personne n’a élevé la voix, ni dans cette enceinte, ni dans la
presse, pour se plaindre de la manière dont la loi a été exécutée. Ce n’est pas
au gouvernement à justifier l’application de la loi c’est à ceux qui
prétendraient que la loi été mal appliquée justifier leurs assertions. Or le
silence le plus complet a été gardé à cet égard.
On a dit que, s’il était vrai que l’on pût recourir
aux chambres, il était vrai aussi qu’elles ne sont pas toujours assemblées,
Cette objection n’est pas sérieuse ; car
si le chambres ne sont pas toujours assemblées, la presse est toujours là ; les
journaux accueilleraient les réclamations qui leur seraient adressées ; aucune
réclamation n’a été formée.
On a exprimé la crainte que la loi ne soit exécutée
avec partialité à l’égard de quelques écrivains ; le gouvernement tiendra la
balance d’une main ferme et égale ; il ne se laissera entraîner â quelque parti
que ce soit. Tous ceux qui troublent l’ordre seront expulsés, sans acception du
parti auquel ils appartiennent.
On a dit que la loi n’est pas opportune. Mais, ainsi
que l’a fait observer l’honorable rapporteur, la nécessité de la loi dans les
circonstances actuelles ne peut être mise en doute. Un rapport célèbre publié,
il y a peu de jours, a fait connaître quelles doctrines subversives de l’ordre
se prêchent chez nos voisins. Ces doctrines pourraient s’infiltrer chez nous
par des personnes étrangères qui viendraient les répandre parmi nos
populations. Nous devons prévenir les funestes effets de ce contact. Sous ce
rapport, l’opportunité de la loi est suffisamment justifiée.
On a dit qu’aucun étranger n’est impliqué dans le
complot du 29 octobre, je pense que c’est une erreur.
Jusqu’à présent la justice n’a pas prononcé sur les personnes arrêtées du chef
de ce complot. Il ne nous appartient pas de révéler ce qui les concerne.
Enfin un des honorables membres qui ont parlé a dit
que quant lui, quelque partisan qu’il fût de la loi, il voudrait des garanties
mais il faudrait qu’il formulât une proposition. S’il en est fait une dans ce
sens, nous l’examinerons.
La question de savoir s’il n’y aurait pas lieu à
vinculer l’exécution de la loi a été discutée, en 1835 ; la chambre ne s’y est
pas arrêtée ; je ne pense pas qu’il y ait lieu de s’y arrêter davantage
aujourd’hui.
Un des honorables préopinants a parlé d’appui donné
par le gouvernement à l’entrepreneur de certaine publication, de lettres de
recommandation à l’aide desquelles il se serait présenté dans plusieurs
localités. Ce fait est inexact. Un journal a été annoncé qui devait rendre de
grands services, si les choses s’étaient passées comme le prospectus l’avait
annoncé. Sous ce rapport, il est possible que dans quelques départements
ministériels, on ait jugé utile d’encourager cette publication. Mais les choses
n’ont pas été faites comme on l’a dit. Aucune lettre de recommandation n’a été
donnée ; seulement une légère approbation a été accordée
l’entreprise, et si elle avait été mise à exécution, ainsi qu’elle avait été
annoncée, elle airait pu être utile.
(Moniteur
belge n°349, du 15 décembre 1841) M.
Fallon. – Lorsque la loi qu'on nous propose de proroger
temporairement a été livrée à la discussion, elle avait évidemment pour objet
de donner au gouvernement un pouvoir arbitraire qui pouvait donner lieu aux
plus graves abus sur lesquels la chambre ne pouvait exercer aucune espèce
de contrôle. Je fis donc tous mes efforts
pour faire rejeter cette loi. La plupart de mes collègues ne partagèrent pas
mon opinion. La loi fut adoptée : Je m'en félicite. Depuis que cette loi est en
vigueur, je n'ai eu qu'à m'applaudir de ses bons effets, Aucun abus dans son
application n'a été signalé. Je pense qu'elle a été fort utile à
M. Pirson. - Je ne
veux révoquer en doute ni l'opportunité, ni la constitutionnalité de la
loi, mais je pense que l'étranger marié à une femme belge
dont il a eu des enfants a fait ses preuves, et qu'il ne
doit pas être permis de l'expulser. Je crois que l'exception établie en sa
faveur par la loi de 1835 doit être maintenue. Je demande
donc la division sur l'article du projet du gouvernement, et je propose le
rejet du second alinéa de cet article.
M. Delehaye. - Messieurs, aucun de mes arguments n'a été écarté, le premier orateur
qui m'a combattu a prétendu que j'avais soutenu que la règle générale
établie par l'art. 128 de la constitution ne
pouvait soutenir d'exceptions. J'ai, au contraire, reconnu qu'on pouvait faire
des exceptions ; mais j'ai dit que l'exception ne devait pas détruire la règle.
Dans ce cas, ce ne serait plus la règle qui ferait le principe, ce serait
l'exception qui le deviendrait. Vous faites une loi, comme si l'art.
128 était ainsi rédigé : « Art. 128. Tout
étranger qui se trouve sur le territoire de
Je reconnais, avec l'honorable M. Demonceau qu'il ne
faut pas autoriser les étrangers à venir détruire nos institutions, à venir
prêcher des doctrines subversives.
Pas plus que M. Demonceau, je ne veux tolérer de
tels abus. Mais ceux qui prêchent des doctrines subversives, qui troublent
l'ordre public, sont justiciables des tribunaux ; leurs actes tombent sous
l'application de la loi. L’exception que j'admets en vertu de la constitution,
c'est que l'étranger qui a manqué à la loi puisse être expulsé. Mais, je le
répète, je ne puis admettre une exception qui absorbe la règle. Présentez-nous
un projet de loi qui dans ce cas permette l'expulsion qui toujours sera
prononcée par les tribunaux, vous aurez mon appui ; mais jamais je ne
consentirai à ce que vous voulez introduire. En effet, avec votre système, et
si l'étranger est soumis au régime du bon plaisir du gouvernement, comment pourra-t-il savoir s'il sera
protégé en Belgique ? Quel est le fait qui lui fera perdre cette
protection, vous n'en dites rien et abandonnez le tout au caprice d'un
ministre.
M. le ministre vous a dit que la loi d'expulsion est
moins sévère que la loi d'extradition. Je
suis étonné qu'il tienne un pareil langage. Considère-t-il donc comme
une mesure de sévérité l'intervention des tribunaux qu'exige la loi
d'extradition ? Pour moi, je déclare que je trouve là une garantie.
Pour établir 1'opportunité de la loi, on nous cite
ce qui se passe en France. Mais cette observation est dénuée de fondement ; car
nos lois atteignent ceux qui viendraient de France prêcher ici des doctrines
subversives. Personne ne s'oppose à ce que les étrangers qui manquent à la loi
ne puissent être expulsés.
Quelle que soit l'opinion de l'honorable M.
Demonceau, si vous n'admettez pas de garantie, l'exception absorbe la règle,
votre hospitalité est un leurre et votre constitution un mensonge.
Plusieurs membres. - Aux voix ! aux voix !
M. Demonceau, rapporteur. – Je n'insiste pas pour prendre la parole. Je
ferai seulement remarquer que l'honorable M. Delehaye vient d'avancer une
erreur, et qu'en fait d'extradition le gouvernement doit bien prendre l'avis
des tribunaux avant d'accorder l'extradition, mais qu'il n'est point lié par
cet avis.
Pour moi, je me félicite d'avoir défendu la loi en
1835 et en 1838 ; je la défends encore aujourd'hui ; je ne le ferais pas, si je n'étais convaincu
que cette loi est utile et même nécessaire pour la sûreté et la tranquillité du
pays.
M. le président. - L'article unique du projet de loi est ainsi conçu :
« Article unique. La loi du 22 septembre 1835, Bulletin
officiel, n°643, concernant les étrangers résidant en Belgique, aura force
obligatoire jusqu'au 1er janvier 1845.
« Néanmoins, le n° 2 de l’art. 2 de cette loi
est abrogé. »
Voici la disposition proposée par la section
centrale :
« Article unique. La loi du 22 septembre 1835 (Bulletin
officiel, n°643, concernant les étrangers résidant en Belgique, aura force obligatoire
jusqu’au 1er janvier 1845.
« Le n° 2° de l'art. 2 de cette loi est abrogé
et est remplacé par la disposition suivante :
« 2° A l'étranger qui n'a pas cessé de résider en
Belgique, depuis son mariage avec une femme belge, dont il a des enfants nés en
Belgique. »
M. Demonceau. - Je ferai remarquer que pour le cas où la chambre adopterait le projet
de la commission, il y aurait lieu de supprimer les mots : est abrogé
et, et de dire : le n° 2 de l'article 2 de cette loi
est remplacé, etc.
M. le ministre de la
justice (M. Van Volxem) – Le gouvernement, messieurs, ne peut pas se rallier à l'amendement proposé par la commission. Il croit que dans les
circonstances actuelles, il est obligé de maintenir
l'article tel qu'il l'a proposé.
M. Pirson. - J'ai proposé de borner le projet au
paragraphe 1er ; je demande donc qu'on procède par division.
M. Delfosse. - Je demanderai l'impression de l'amendement de M. Pirson et le renvoi de
la discussion des articles à demain. L'heure est avancée ; la chambre doit être
fatiguée. C'est une loi trop importante pour être votée à la course.
M. le président. - La proposition de M. Pirson n'est pas un amendement ; il demande
simplement que la chambre vote
par paragraphe.
M. Delfosse. - S'il en est ainsi, je me bornerai à
demander la clôture de la discussion générale aujourd'hui et le renvoi de la
discussion des articles à demain. Je le répète, c'est une loi trop importante
pour être discutée avec tant de précipitation.
M. le président. - Je ferai remarquer à' l'honorable préopinant qu'il n'y a pas eu de discussion
générale. Comme le projet ne se compose que d'un article, la discussion s'est
établie tout d'abord sur cet article.
M. Delfosse - La loi qu'il s'agit de proroger a plusieurs articles,
et je me souviens très bien que l'honorable M. Fallon a déclaré la discussion générale ouverte.
M. Fallon. - Oui, mais M. le président a raison de dire que lorsqu'on ouvre la
discussion générale sur un projet qui n'a qu'un article, on l'ouvre en même temps sur cet article.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, ce que l'honorable
M. Delfosse vous demande est purement et simplement le renvoi de la discussion
à demain.
L’ordre dans lequel il faut procéder s'offre assez
naturellement à l'esprit. Faut-il maintenir purement et simplement la loi de
1835, oui ou non ? Ceux qui pensent qu'il ne faut pas la maintenir purement et
simplement se trouvent en présence de deux propositions, l'une du gouvernement
et l'autre de la commission.
Ce sont ces deux propositions que vous devez
premièrement mettre aux voix ; d’abord celle du gouvernement, et, si elle est
rejetée, celle de la commission. Si cette seconde proposition est aussi
rejetée, on sera amené au maintien pur et simple de la loi du 22 septembre 1835
que demande l’honorable M. Pirson.
Il faut procéder dans l'ordre naturel
que présentent les questions qui nous sont soumises.
M. le président. - La chambre n'insiste pas pour le renvoi de la discussion à demain. (Non ! non !)
Je vais mettre aux voix le deuxième paragraphe du
projet du gouvernement. Il est ainsi conçu :
« Néanmoins, le n° 2 de l'art. 2 de
cette loi est abrogé. »
Si ce paragraphe est adopté, l’amendement de la
commission viendra à tomber. S’il n’est pas adopté, je mettrai aux voix
l’amendement de la commission.
- La première épreuve est douteuse ; à la seconde
épreuve, M. le président déclare que le second paragraphe est adopté.
M. le président. - Le vote de ce paragraphe emporte le rejet de l’amendement de la section
centrale.
Vote
sur l’ensemble de la loi
M. le président. - Il va être procédé au vote par
appel nominal sur le projet tel qu’il a été présenté par le gouvernement.
M. de Villegas. - L'amendement de la section centrale est
donc écarté ?
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Certainement, puisque la deuxième partie du projet du gouvernement vient d'être adoptée.
M. Delfosse. - Il est écarté sans qu'il y ait eu
discussion ; sans qu'il ait été appuyé ni combattu.
Voici le résultat du vote :
62 membres sont présents.
49 adoptent.
12 rejettent.
1 s'abstient.
En conséquence le projet est adopté ; il sera
transmis au sénat.
Ont voté l'adoption : MM. Brabant. Buzen, Coghen,
Cools, Dedecker, de Florisone, de Foere, de Garcia de
Ont voté le rejet : MM. Angillis, Delehaye,
Delfosse, Lange, Orts, Lys, Jonet, Pirson, Puissant, Sigart,
Vandenbossche et Verhaegen.
M. de Villegas s'est abstenu. Il
est invité à faire connaître les motifs de son abstention.
M. de Villegas. - Mon intention n'a jamais été de contester l'opportunité el la nécessité
d'une loi sur les étrangers, mais je voulais une loi qui eût renfermé certaines
garanties contre les abus qui pourraient résulter de son application ; comme le
projet ne renfermait pas des garanties semblables et n'ayant pas eu le temps
d'en indiquer quelques-unes, dans le cours d'une discussion subitement close,
J'ai dû m'abstenir.
M. le président. - Le rapport sur le budget de l'intérieur sera distribué demain, quand la
chambre veut-elle mettre ce budget à l'ordre du jour ?
Plusieurs membres. - A vendredi.
M. Delfosse. - On annonce souvent que tel ou tel
rapport sera distribué sans que cependant cela ait lieu. Il en a été ainsi du
budget des affaires étrangères ; on annonçait la distribution du rapport pour
dimanche matin et je ne l'ai reçu que dimanche soir. Il conviendrait donc de
s'assurer si le rapport sur le budget de l'intérieur sera réellement distribué
demain, avant de le mettre à l'ordre du jour.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Il sera entendu que la discussion n'est mise à l'ordre du jour de vendredi
que pour autant que le rapport soit distribué demain. (Assentiment.)
M. Delehaye. - Le rapport sur le projet de loi
concernant les étrangers n'a été distribué que hier. Il est impossible de
mettre des projets à l'ordre du jour lorsque le rapport n'est pas imprimé.
- La chambre met la discussion du budget de
l'intérieur à l'ordre du jour de vendredi. La prochaine séance est fixée à
vendredi, à midi.
La séance est
levée à 5 heures.