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d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance du lundi 6
décembre 1841
Sommaire
1)
Pièces adressées à la chambre
2)
Motion d’ordre pour un fait personnel. Règlement de la chambre (Wallaert,
de Brouckere, Rodenbach, de Brouckere)
3) Projet
de loi portant le budget des voies et moyens pour l’exercice 1842. Discussion
générale. A : équilibre général des budgets ; B : Système
monétaire ; C : Achat de la British-Queen
et navigation transatlantique ; D : Droit pour le gouvernement de
fixer les tarifs douaniers ; E : comptabilité de l’Etat et/ou cour
des comptes ; F : intervention du clergé lors des élections (Meeus (B, société générale), Mercier
(A), Smits (A), Osy (B, politique
commerciale du gouvernement, E, A), Rogier (C), Nothomb (C), Osy (C), Dumortier (B, D), Nothomb (D), Pirmez (B), Coghen (B, système
douanier), Dumortier (D), Nothomb
(D), Delehaye (péages sur les voies navigables pour les houilles), Desmet (D, droit sur le lin, A), Smits
(E), Demonceau (D, E, A, chemin de fer de l’Etat,
dette flottante), Wallaert (F), Verhaegen
(F), Rodenbach (F), Verhaegen
(F), Mast de Vries (F), Verhaegen
(F), Dubus (aîné) (F))
(Moniteur belge n°341, du 7 décembre 1841)
(Présidence de M.
Fallon)
M. de Renesse procède à l'appel nominal à midi un quart.
M. Kervyn donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; il est adopté.
M. de Renesse présente l'analyse des pièces adressées à la
chambre :
PIECES ADRESSEES A
« Le conseil communal de Bouchaute et les
administrations des poldres, situés dans cette commune, demandent la
construction du canal de Zelzaete. »
Renvoi à la section centrale qui a examiné le
projet.
_______________________
« Des négociants et boutiquiers de
la ville de Thuin demandent que la chambre adopte des mesures répressives des
abus du colportage. »
Renvoi à]a section centrale
chargée d'examiner le projet de loi présenté.
M. Wallaert. - Je demande la parole pour un fait personnel.
M. le président.- Il ne peut pas y avoir de fait personnel dans la lecture des pièces.
M. Wallaert. - C'est pour une chose qui s'est passée à
une séance antérieure.
M. le président. - M. Wallaert trouvera facilement
l'occasion de s'expliquer dans la discussion des budgets de l'intérieur ou de la
justice. Je l'engage, à ne pas soulever un incident qui dérangerait l'ordre de nos travaux.
M. de Brouckere. - Il faudrait éviter qu'on pût demander la
parole pour un fait personnel à propos de ce qui se serait passé à une séance
précédente.
M. Wallaert. - Je ne puis consentir à attendre qu'autant qu'on ne conteste pas mon
droit.
M. de Brouckere - Messieurs, je n'ai voulu demander la parole au
moment où l'honorable M. Wallaert demandait à s'expliquer sur un fait personnel
qui est relatif à ce qui s'est passé dans une séance antérieure, parce que je
concevais son empressement à s'expliquer sur ce fait. Cependant je crois devoir
faire observer qu'en général on ne peut pas demander la parole pour un fait
personnel après que la séance dans laquelle on a été attaqué est passée, parce
que sans cela on viendrait relever un fait personnel huit jours ou quinze jours
après. Toutefois, comme je viens de le dire, je conçois l'empressement de
l'honorable M. Wallaert à s'expliquer sur une imputation dont il a été l’objet
; mais la discussion du budget, soit la discussion générale, soit la discussion
des articles lui fournira l'occasion de demander la parole et de présenter telles
explications qu'il jugera convenables. Je pense qu'il ne devrait pas insister
pour le faire maintenant.
M. Wallaert. - Je ne veux pas laisser peser aussi longtemps sur moi une accusation
semblable.
M. Rodenbach. - Lorsque
l'honorable M. Verhaegen a prétendu que mon honorable ami
Wallaert avait fait un sermon électoral, j'ai dit que c'était faux. Je
connaissais le caractère de modération de mon collègue et ami. Je me suis
permis de dire que c'était une fausseté et j'ai fait observer que M. Wallaert
était absent;
M. Verhaegen m'a répondu : Il lira le Moniteur. Donc il a le droit de
répondre.
Quand on a fait planer une calomnie sur un honorable
collègue, on doit comprendre son empressement à faire voir
qu'on l'a calomnié d'une manière indigne.
M. de Brouckere. - L'honorable M. Rodenbach affecte de prendre le
change sur mes paroles, car j'ai dit que je comprenais l’empressement de M.
Wallaert à s'expliquer sur le fait qui lui a été imputé. Mais je suis persuadé
qu'il n'insistera pas pour prendre la parole cinq
minutes plus tôt. Je demande que la discussion du budget soit reprise. Tout à
l'heure, à propos de cette discussion, M. Wallaert pourra donner toutes les
explications qu'il voudra.
M. Wallaert. - J'attendrai.
_____________________
M. de Brouckere - Je demanderai à la chambre un congé de quelques
jours. Je suis chargé de présider plusieurs commissions dont les travaux sont
extrêmement actifs et intéressent tout le pays, Il est impossible que d'ici a
quinze jours j'assiste régulièrement aux séances ; cependant, en demandant un
congé, mon intention n'est pas d'en profiter entièrement. J'assisterai aux séances
quand cela me sera possible ; je veux seulement expliquer les absences que je
serai forcé de faire pendant quelques séances du mois de décembre.
- Le congé est accordé.
Discussion
générale
M. Meeus. - Messieurs, j'avais demandé la
parole à la séance de samedi pour répondre à l'honorable M.
Pirmez, qui avait combattu les
idées que j'avais émises par rapport à notre système monétaire. Je crains,
messieurs, que dans notre dernière séance, où je me suis cependant expliqué
assez longuement sur notre système monétaire, je n'aie pas été encore assez
concluant. Puisque l'honorable M. Pirmez m'en a fourni 1'occasion, vous me
permettrez de reprendre les choses de plus haut. D'abord, qu'il me soit permis de vous le demander, lorsqu'en 1831 , vous avez fait une loi pour établir un système monétaire en Belgique, ce que vous avez voulu, sans
doute, vous avez voulu qu'il y eût une monnaie nationale ; sans doute vous
n'avez pas voulu que la loi que vous votiez fût une lettre morte.
Cependant il y a un fait sur lequel
j'attire toute votre attention : c'est que dans l'état actuel l’hôtel de la
monnaie peut être mis à louer. On n'y travaille pas, on ne peut pas y
travailler. Rien, messieurs, que l'énonciation de ce fait doit déjà attirer
toute l’attention du gouvernement et des chambres ; car, encore une fois, vous
avez voulu quelque chose en adoptant la loi de 1831 (dont je ne me rappelle pas
la date). Eh bien, ce que vous avez voulu n’existe pas, ne peut pas exister.
Si, par exemple, quand vous avez décrété la loi sur les chemins de fer, vous y
aviez stipulé des conditions telles que l'exécution de ces chemins eût
été impossible, vous vous seriez empressés de refaire la loi, si tant est que
vous voulussiez encore des chemins de fer. Eh bien, il en est de même pour le
système monétaire ; vous avez fait une loi qui est sans exécution possible.
Dès lors, messieurs, ou il faut refaire la loi, ou
bien, avant de refaire la loi, il faut aborder franchement la discussion de la
question de savoir si, par exception dans le monde entier,
Si on veut mettre cette question à l'ordre du jour,
elle est belle à discuter. Mais tant que la loi, que vous avez voulu efficace,
existera et qu'elle sera cependant sans efficacité, permettez-moi de le dire,
c'est un non-sens que de laisser les choses dans l'état où elles se trouvent.
Messieurs, pourquoi faut-il à chaque
nation un système monétaire ? par les mêmes
motifs que depuis l'origine des sociétés, il a fallu des moyens d'échange
faciles pour les transactions journalières. On est convenu dès l'origine des
sociétés de prendre pour type des échanges, la marchandise la plus facile à
transporter, la marchandise la plus précieuse. On y a apposé l'effigie du
souverain, et par ce privilège, on l’a mise à la portée de tout le monde et
pour la vérification de la valeur intrinsèque, et pour forcer chacun à la
recevoir en échange des choses qu'il vend.
Le besoin d'une monnaie, dans tout pays, se fait
tellement sentir, qu'il n'y a pas bien longtemps vous vous plaigniez tous de ce
que le cuivre manquait en Belgique ; vous avez insisté pour que le gouvernement
belge fît frapper du cuivre national en quantité suffisante pour servir aux
transactions journalières. On a frappé du cuivre pour une somme assez forte,
et, pour le moment, je ne suis pas fâché de le dire en cette occasion, on se
plaint de nouveau que le cuivre manque.
Pourquoi faut-il du cuivre ? Parce qu’il y a des
objets de détail qu'on ne peut payer qu'avec une monnaie de petite valeur. Mais
ce qui est vrai pour le moins est vrai pour l'intermédiaire. Comment, en effet,
voulez-vous payer l'ouvrier ? Malgré le système de 1831, vous n'avez pour toute
monnaie, en Belgique, précisément que l'or hollandais, c'est-à-dire la monnaie
qui existait sous l'ancien royaume des Pays-Bas, monnaie qu'un moment on a
voulu tarifer, et que fort heureusement on n'a pas tarifée, car je me le
rappelle à cet instant même, qu'un jour l’honorable M. Seron montait à la
tribune pour faire la proposition formelle de tarifer les pièces de dix
florins. Dans son système, il disait : C'est une chose absurde que nous ayons
un système monétaire et que nous ne tarifions pas les monnaies étrangères. Je
l'arrêtai et le priai de remettre sa proposition au lendemain.
L'honorable M. Seron a dû se rendre à mes arguments
: Ne voyez-vous pas, lui disais-je, qu'on a fait en 1831 une loi sans
efficacité, qui n'apportera pas une pièce de 5 francs de plus dans le, pays que
s'il n y avait pas de loi. .Puisque nous n'avons qu'une loi inutile, par la
force des choses, il faut que nous nous servions des pièces de dix florins ; si
nous ne les avions pas, ou si nous allions les tarifer, il en résulterait une
perturbation dans les transactions journalières. L'honorable M. Seron,
convaincu par ces observations, a retiré sa proposition ou plutôt il ne l'a pas
faite.
Eh bien, aujourd'hui que, par suite de tous les
motifs que j'ai fait valoir à notre dernière séance, les pièces de 5 francs
sont tellement rares, qu'en vérité il n'est plus possible d'en trouver, je
demande comment il sera bientôt possible de pouvoir, à la fin d'une semaine,
payer les ouvriers qui auront gagné l'un 5 fr., l'autre 6 fr., l’autre 10 fr.,
peu importe la journée, mais qui auront gagné à la fin de la semaine, 10, 12, 15 fr. Donnerez-vous à ces ouvriers
une pièce d'or ? Mais ils vous diront : Je ne puis pas au moyen d'une pièce
payer mon boulanger, payer ce dont j'ai besoin pour ma famille, il faut me
donner une monnaie avec laquelle je puisse en définitive pourvoir aux
transactions journalières.
Nous en sommes arrivés si près de ce
point, messieurs, que dans le Hainaut, par exemple, dans la province de Liége,
où l’on a constamment été habitué à recevoir de la monnaie française, on ne
sait déjà plus aujourd'hui comment faire pour envoyer de Bruxelles ou d'Anvers
les sommes nécessaires pour pourvoir au paiement des journées des ouvriers.
C'est encore là un fait que je livre à l'appréciation des membres qui
appartiennent aux deux provinces dont je viens de parler.
Eh bien, messieurs, tout ce que je viens
de dire ne suffit-il pas pour vous prouver qu'il nous faut nécessairement un
système monétaire qui, au moins sous ce point de vue (qui n'est qu'un point de
vue secondaire), permette que les transactions de chaque jour ne soient pas
entravées.
Maintenant, messieurs, je reviens à des
considérations beaucoup plus fortes, beaucoup plus essentielles, ce sont celles
que j'ai eu l’honneur de faire valoir dans la séance précédente. J'ai eu
l'honneur d'appeler votre attention sur ce point, qu'il est essentiel que toute
nation ait, dans son intérêt commercial, dans son intérêt financier, dans
l'intérêt de ses transactions industrielles, un bon système monétaire.
J'ai appelé votre attention sur ce qui s'est passé
en Angleterre, et sur ce qui s'y passe maintenant ; j'ai
appelé votre attention sur ce qui se passe en France et sur ce qui s'y est
passé depuis la chute de l'empire. J'ai dit que l'Angleterre, malgré la balance
commerciale, qui est en sa faveur, malgré le monopole industriel qu'elle exerce
presque dans le monde entier, j'ai dit que l'Angleterre lutte de crise en crise
et qu'elle ne sait aujourd'hui comment mettre fin à ces crises. Je vous ai
montré
M. Pirmez. - C'est tout simple.
M. Meeus. - Oui, c’est tout simple, parce que,
On a bien écrit en France : Tant d'argent vaut tant
d'or ; on a écrit en Angleterre : Tant d'or vaut tant d'argent ; mais la nature
n’a pas voulu qu’il puisse en être ainsi ; la nature n’a pas établi une
proportion entre l'or et l'argent, et celle que les hommes ont établie à une époque peut avoir été bonne pour cette époque, elle peut même avoir été bonne pendant quelques années ; mais, après il s'est
trouvé qu'un seul des deux systèmes a prévalu, c'est-à-dire que dans tel pays
l'argent a continué seul à servir aux transactions, tandis que l'or, malgré son
titre, est retourné à l'état de marchandises, et qu'ailleurs, au contraire,
c'est l'argent qui est retourné à l'état de marchandise, tandis que l'or est
resté dans les transactions, Voilà ce qui est arrivé ; voilà pourquoi
Eh bien, messieurs, il est très essentiel, dans mon
opinion, que l’Angleterre change son système, si elle ne veut pas rester
constamment dans les crises où elle se débat depuis la chute de l'empire. Il
est trop facile d'enlever chez elle une masse d'or en peu de jours, et lorsque
cela a lieu, la confiance est ébranlée.
Créez un établissement aussi colossal que vous le
voulez, vous n'en créerez certes pas un plus colossal que la banque
d'Angleterre. Eh bien, messieurs, voyez la banque d'Angleterre, obligée tantôt
d'élever son escompte à 6 p. c., tantôt d'aller
demander des secours en France, faute de pouvoir suffire aux transactions
journalières. Cependant l'Angleterre est le pays du crédit par excellence,
c'est le pays où un billet de banque semble valoir tout autant que de l'or, où
sous l'empire, quoiqu'on ne les remboursât pas et quoiqu'une loi en eût fait du
papier monnaie, les billets de banque n'ont jamais perdu, si ma mémoire est
fidèle, plus de 7 ou 8 p. c. L'Angleterre a cet avantage, qui n'existe pas sur
le continent, que l’on y a foi au papier de circulation, et que personne n'y
songe à demander le remboursement de ses billets, alors même que l'or manque à la banque d'Angleterre. .
Messieurs, dans mon opinion, il faut, pour
Quand on doit exporter l'or ou l'argent pour le
refondre, cela ne se fait que lentement ; avant qu'une
certaine quantité d'or ou d'argent soit refondue en pays étranger, souvent le
cours des fonds publics, le cours des changes a tellement varié qu'on fait
revenir le même numéraire qu'on avait envoyé d'abord pour couvrir ce que l'on
devait à l'étranger.
Je vais maintenant, messieurs,
aborder quelques-unes des objections de l'honorable M. Pirmez.
Je dois convenir que l'honorable M. Pirmez, lorsqu'il a fait le rapport dont il
nous a parlé, a eu le talent de couper des phrases qui vraiment présentent des
idées très spécieuses, mais qui n'ont guère de fond. C'est de la théorie. Je me
suis aussi un peu amusé à lire les auteurs qui ont traité des systèmes
d'économie sociale, mais je suis loin d'être toutefois partisan de leurs
principes. Ces messieurs, trop souvent, voient les choses en l'absence des
besoins de la société, ils ne les voient que d'une manière théorique et souvent
tout ce qu'ils écrivent tombe, dans la pratique.
Je commencerai, messieurs, par répondre à une
question faite par l'honorable M. Pirmez.
« J'ai demandé la parole pour prémunir le
gouvernement contre une idée qu'a émise l'honorable M. Meeus et qui, par suite
de l'autorité qu'il doit avoir en pareille matière, pourrait influer sur la
décision du gouvernement. »
D'abord, messieurs, qu’il me soit permis de dire que
je n'ai la prétention d'exercer aucune espèce d'autorité. J'ai une conviction
profonde et je manquerais en définitive à mes devoirs, si, lorsque l'occasion
s'en présente, je n'insistais pas sur un point que je regarde comme capital
pour les intérêts matériels du pays.
« Cette idée, ajoute l'honorable M. Pirmez, a
déjà été émise ; à plusieurs époques on a invité le gouvernement à avoir un
système monétaire particulier ; on a dit que cela empêcherait les crises
d'argent. Pour moi, je crois, au contraire, que le système qu'on propose ferait
venir les crises d'argent en Belgique, et que si nous avons été préservés de
ces crises jusqu'ici, ou au moins si elles n'ont pas eu toutes les influences
fâcheuses qu'elles auraient pu avoir, c'est que nous avons pu avoir recours à
des monnaies étrangères. Je vous le demande, si nous avions eu un système
monétaire à nous, si nous avions eu un argent belge, ce qui serait arrivé lors
de la suspension de la banque de Belgique. Votre crise aurait été bien plus
forte qu'elle n'a été, puisque vous n'auriez eu aucun réservoir de numéraire
derrière vous pour faire face aux besoins, tandis que vous avez
Je prie l'honorable M. Pirmez de vouloir bien dire
ce qui nous empêcherait d'aller puiser dans ces vastes réservoirs, alors que
nous aurions un système monétaire particulier.
Sous le royaume des Pays-Bas on avait tarifé les
pièces de 5 fr., cependant les pièces de 5 fr. ne nous ont jamais manqué et la
raison est fort simple, c'est que c'est là pour
Ne vous y trompez donc pas, messieurs ; un
système monétaire particulier convenable à la situation du pays, n'empêchera
pas que, selon que le change nous l'indiquera, nous n'ayons recours, pour nos
relations commerciales, ou aux pièces de 5 francs, ou à l’or français,
ou à l'or hollandais, ou aux pièces de 10 florins. C'est le change qui
indiquera les nécessités du commerce. Aujourd'hui nous n'avons pas de système à
nous.
M. Pirmez. - C'est-à-dire, nous avons tous les
systèmes de l'Europe.
M. Meeus. - L'honorable M. Pirmez me dit : Nous avons tous les
systèmes de l'Europe.
M. Pirmez. - Et je ne demande pas autre chose.
M. Meeus. - Commercialement, je ne demande pas non plus autre
chose.
Mais ces nations, tout en recevant les monnaies étrangères,
c'est-à-dire, en en faisant usage dans le commerce, ont un système monétaire particulier pour les transactions
intérieures du pays ; système qui chez les unes, comme j'ai eu l'honneur de le
dire, les met à l'abri, jusqu'à un certain point, des crises financières, et
qui chez les autres, parce qu'il est mauvais, active au contraire les crises
financières. . .
« Dans le temps, dit M. Pirmez, où
il s'est agi de la refonte des anciennes monnaies, on a émis
cette idée que la monnaie manquait. J'avais été chargé du rapport sur ce
projet, et sur cette question j'ai écrit quelques lignes que je demanderai la
permission de lire. Je me bornerai à la partie où j'ai traité la question des
crises d'argent. Il s'agissait d'un achat de 27.600 kil. d'argent fin, et l'on disait qu'il serait
probablement très difficile au directeur de la monnaie de se procurer ces 27,600 kilo. »
Messieurs, ce qui est certain, c'est qu'on disait
alors une chose sans fondement. Je dis qu'il était impossible de soutenir
logiquement que 28 mille kilogrammes d'argent étranger pussent jamais amener
une crise monétaire en Belgique.
Que sont 27 mille kilogrammes d'argent, je vous le
demande ?
J'ignore la valeur actuelle du kilogramme ; mais je
sais qu'elle varie de 218 à 220 fr. Quelquefois, il est vrai, on paie une
prime. Admettons donc le prix de 225 fr.. Multipliez
ce chiffre par 27 mille, et vous arriverez à une somme qui ne devait effrayer
personne ; d'autant plus que le directeur de la monnaie devait faire venir cet argent fin, pour, à l'aide de cet argent fin, rendre à la
circulation six millions environ de vieilles monnaies qui
étaient hors de la circulation. Il faisait donc venir l'argent par somme de
cent ou deux cent mille francs à la fois et mettait peu de temps après un
million en circulation.
Franchement, je respecte les craintes d'alors ;
mais, je le répète, elles étaient sans fondement. .
« Le gouvernement, dit l'honorable M. Pirmez,
pourrait-il d'ailleurs augmenter selon sa volonté la quantité de monnaie circulante
? Non,. car pour y parvenir,
il ne faudrait rien moins que détruire la confiance qu'ont les habitants de
Mais, messieurs, comprenons-nous. Le crédit qui
n'est pas autre chose qu'une expression de la confiance, le crédit ne s'accorde
qu'à une condition ; c'est qu'il s'appuie sur la vérité.
A l'aide du crédit, on est arrivé, dans les temps
modernes, à d'heureuses combinaisons pour faciliter les transactions ; ainsi
les banques ont été créées sur le continent. Il en existait très peu avant la
révolution française. Ces banques ont émis des billets. Mais, messieurs,
pourquoi a-t-on eu confiance ? Pourquoi aujourd'hui encore y a-t-on confiance ?
Ce n'est qu'à une condition ; c'est que le jour où, par suite des transactions
commerciales, ou par suite de frayeur, ou par suite d'événements politiques, ou
par suite de crise financière, on voudra retirer les valeurs que les billets
qu'on possède représentent, on puisse aller
échanger ses billets contre de l’or ou de l'argent. Voilà, messieurs, en
définitive, à quelles conditions le crédit se forme. Mais si les établissements
qui émettent ces billets ne trouvent plus moyen, en continuant leurs
opérations, de conserver dans leurs coffres les sommes suffisantes pour
répondre à cette confiance, à ce crédit, que font-ils ? Ils restreignent leur
crédit, et dès lors il y a perturbation.
Encore une fois, j'en appelle à l'Angleterre. La
banque d'Angleterre, depuis
Ce qui est essentiel pour le crédit d'un
établissement financier, c'est que le taux de l'intérêt ne subisse pas de
grandes variations.
Si les billets chassaient l'argent, comme le dit
l'honorable M. Pirmez, et plus loin il donne une comparaison : Je suppose,
dit-il, cent millions de billets à ordre ; on émet cent millions de numéraire,
et vous chassez cent millions de billets.
M. Pirmez. - Je n'ai pas dit cela.
M. Meeus. - L'honorable M. Pirmez prétend qu'il n'a pas dit cela. Je
vais vous lire le passage de son discours auquel je
fais allusion.
« Supposons, pour donner un exemple, dit M.
Pirmez, un nombre au hasard ; supposons qu'outre la monnaie métallique, cent millions
de billets ordre se trouvent dans la circulation en Belgique. Ces billets,
comme le numéraire, ne servent qu'aux échanges. Pourrait-on bien se figurer que
la quantité des échanges restant la même il fût possible d'augmenter la
quantité du numéraire, sans supprimer une égale quantité de billets à ordre, de
faire entrer, par exemple, dix millions de numéraire dans la circulation, sans
en retirer pour dix millions de billets ? Certes, cela ne serait pas
praticable, puisque les billets et le numéraire remplissent les mêmes
fonctions, ils ne peuvent exister simultanément, il faut donc que les billets,
c'est-à-dire le crédit disparaisse, pour que le numéraire que le gouvernement
fabriquerait trouvât place dans la circulation. »
Eh bien, c'est ce que je viens de dire ; mais moi,
je prétends tout le contraire. Que vous manquiez de numéraire et
que vous en fassiez entrer pour dix millions dans le pays, vous
allez augmenter le nombre de billets ; car le nombre de billets qui servent aux
échanges augmente et diminue à raison de l'intérêt.
Si l'industriel obtient aujourd'hui
l'escompte de son papier à 4 p. c., eh
bien, il fait entrer dans son prix de revient,
pour lutter contre l'étranger, le prix auquel il obtient de l'argent. Si ce
prix diminue, il trouvera encore moyen d'augmenter les affaires et de lutter
plus efficacement contre l'étranger, Mais ce prix ne diminuera qu'à une
condition ; c'est qu'il y ait dans le pays une masse de numéraire suffisante
pour faire face à tous les besoins. Or, je dis que sans un système monétaire ou
avec ce que vous appelez votre système, aujourd'hui vous n'avez pas en Belgique
de quoi avoir cette masse de numéraire nécessaire pour pouvoir,
avec confiance, vous livrer à des escomptes, à des transactions a bas intérêt.
Et je reviens encore à ce que je vous disais tout à
l'heure. Si cela n'était pas
vrai, pourquoi l'Angleterre devrait-elle augmenter constamment
le taux de ses escomptes ? Cela est palpable pour quiconque veut réfléchir. Dire après cela que le nombre des billets chasse
le numéraire, c'est là une assertion par trop extraordinaire. Eh ! mon Dieu ! depuis 1790 il a été
créé dans le monde entier deux fois plus de billets qu'il n'y a de numéraire ;
et cependant la masse de numéraire est devenue aussi 2 ou 3 fois plus grande qu'elle
ne l'était à cette époque. Une chose se lie à l'autre ; le nombre de billets
d'un établissement n'augmente qu'à une condition, c'est qu'il y ait dans ses
caisses de quoi pouvoir répondre à la confiance, au crédit.
Une banque qui fait les affaires avec sagesse doit
avoir au moins un tiers en numéraire de la somme de ses billets émis. Eh bien,
messieurs, quand, faute d'avoir du numéraire, quand, faute d'avoir une monnaie
à vous, vous voyez, par suite d'opérations financières, disparaître
le numéraire, que peut dire une banque ? Elle ne peut
faire qu'une chose, c'est de diminuer instantanément le crédit qu'elle
accordait aux industriels, aux négociants.
Je suppose un moment, et cela peut arriver bientôt , remarquez-le bien, je suppose que le change sur Amsterdam
vienne à changer. Il est aujourd'hui en perte de ¼ p. c. ;
nous l'avons connu jusqu'à 2 et 3 p. c. avance à d'autres époques. Eh bien, messieurs, si, par
suite d'opérations faites dans les bourses d'Anvers et de Bruxelles, si, par
suite de ventes considérables de fonds publics faites dans ces bourses par des
banquiers de Paris ou d'Amsterdam, il fallait faire de fortes remises à
l'étranger, à l'instant même il sortirait une masse de numéraire du pays ;
alors on viendrait demander aux établissements financiers l'échange de leurs
billets, et au bout de quelques jours ce manège fort naturel, qui viendra par
la force des choses, éclairerait les administrations de ces établissements
financiers ; force leur sera d'élever l'escompte à 5 ou 6 p. c. ou peut-être
même refuser entièrement de prêter. Eh bien, je le
demande, messieurs, n'y aura-t-il pas alors une crise ? Si, tout à l'heure,
Cela, messieurs, ne pourra plus arriver lorsque vous
aurez un système monétaire à vous. Et pourquoi cela n'arrivera-t-il plus ? Je
vais vous le dire. Cela n'arrivera plus, parce qu'alors on ne pourra plus, du
jour au lendemain, nous enlever votre numéraire ; car le numéraire qu'on vous
enlèverait, il faudrait le refondre pour lui donner une valeur à l'étranger. Or
la refonte d'une monnaie, c'est une affaire de longue haleine, et lorsqu'on
s'aperçoit que le numéraire s'exporte pour la refonte, on peut prendre à loisir
des mesures pour éviter une perturbation ; on a du temps devant soi, et alors
il n'y a pas d'inquiétude, alors les établissements financiers, loin de
restreindre leur crédit, comme ils savent qu'en définitive il faut aider le
commerce, et qu'on peut l'aider sans risque, alors, dis-je, les établissements
financiers, loin de diminuer l'escompte, peuvent même quelquefois l'étendre
davantage.
Je ne veux pas, messieurs, en dire davantage sur
cette question, qui n'est pas à l'ordre du jour ; j'ai voulu attirer
l'attention du gouvernement ; j'ai voulu attirer l'attention des chambres sur
ce point, parce que j'ai la conviction profonde que des crises d’argent sont à
craindre en Belgique si l'on n'y fait attention ; je vous l'ai dit dans la
dernière séance, dès que nous en serons arrivés à la conclusion de nos
différends avec
Je le déclare, depuis 1830, ce n'est pas une
fois, mais six à sept fois, à ma
parfaite connaissance, qu'il est dû à
Il est peu d'établissements, messieurs, qui puissent
faire cela. Faisons donc une bonne fois notre compte avec l'avenir et soyons
prudents.
Je suis parfaitement d'accord avec
l'honorable M. Pirmez, que le gouvernement ne doit pas aller battre monnaie
outre mesure ; non certainement, il faut qu'il ne le fasse que dans certaines
limites, dans des limites en rapport avec les besoins du pays, et, comme j'ai
eu l'honneur de le dire en commençant, pour pourvoir aux transactions
journalières, pour pouvoir payer nos menues dépenses (passez-moi cette
expression). Il faut de plus battre monnaie à des conditions telles que notre
or ou notre argent ne puisse pas être enlevé d'une manière tellement subite
qu'une crise puisse en résulter en quelques jours sans qu'on ait le temps de
prévenir cette crise.
Maintenant on me dira, comme on me l'a dit dans la dernière séance : « Nous avons saisi
parfaitement votre raisonnement, mais vous n'avez pas conclu ; quel système
voulez-vous ? » Après que j'eus parlé, quelques-uns de mes honorables amis
sont venus près de moi me dire : « Vous avez dit là d'excellentes choses, mais vous n’avez pas conclu. » Non, messieurs, je n'avais pas conclu parce que
la conclusion de ce que j'ai dit me semblait frappante pour tout le monde : Il
nous faut un système monétaire différent du système français, soit par le poids,
soit par le titre, c'est ce qui n'importe pas de discuter pour ce moment.
Le gouvernement recherchera ce qui convient le mieux à
Le gouvernement, que risque-t-il de s'éclairer des
lumières des chambres de commerce ? Il est fort facile, me semble-t-il, de
mettre la question à l'ordre du jour ; qu'elle soit traitée par les chambres de
commerce, qu'elle soit traitée par les journaux, que chacun en un mot apporte
le tribut de ses lumières.
Je sais, messieurs, que l'on m'objecte (et je veux,
puisque je me la rappelle, répondre à cette dernière objection) ; on dit : Mais
tandis que tout tend à l'uniformité, en fait de système monétaire, pourquoi
nous Belges, irions-nous adopter un système
particulier ? Messieurs, il en est du système monétaire comme du système de
commerce, comme de tout autre système : quand toutes les nations voudront
s'entendre et confondre leurs intérêts, détruire les barrières qu'elles se sont
créées les unes contre les autres, certainement je ne pense pas qu'alors
Eh bien, messieurs, il en est de même en fait de
système monétaire ; notre système actuel convient parfaitement aux nations qui
vendent plus que nous ne leur vendons ; ces nations trouveront toujours des
raisons pour nous engager à conserver ce système, mais gardons-nous de tomber
dans des pièges qu'elles peuvent nous tendre.
Donnons la main (je suis le premier à y consentir) à
toutes les améliorations sociales qui peuvent se répandre sur la face du globe
; mais n'allons pas témérairement prendre l'initiative d'améliorations qui
pourraient en définitive tourner à notre préjudice, alors que personne ne veut
nous seconder.
On dit, et cette objection s'est emparée beaucoup
trop des esprits, on dit : « Mais le système monétaire français est le
meilleur. » J'en conviens, messieurs, oui le système monétaire français
est le meilleur, et pour ma part, je suis prêt à m'en servir, à la condition
que l'Allemagne, que l'Angleterre, que toutes les autres nations s'en servent
également.
Mais si nous devons l'adopter seuls, nous serons
nécessairement les dupes.
Je termine en priant le gouvernement de prendre en
considération les dernières observations que je viens de faire. La lumière ne
nuit jamais : les chambres de commerce peuvent donner d'utiles conseils. Si
leurs avis sont contraires à mon opinion, soyez-en persuadés, messieurs, mon
amour-propre n'en sera pas froissé ; je ne veux avoir ici d'autre autorité, en
cette matière, que celle d'une conviction profonde : j'ai dû communiquer à la
chambre mes opinions parce que de même que j'ai prédit dès 1823 que l'Angleterre
marcherait de crise en crise, à raison de son système monétaire , j'ose prédire
de même que si
M. le ministre des finances
(M. Smits) - Messieurs, la question des monnaies
est certainement une question trop importante pour ne pas mériter toute
l'attention du gouvernement ; aussi s'entourera-t-il de tous les
renseignements, de toutes les lumières qui lui sont nécessaires pour la
traiter, et l'apporter devant vous quand elle sera arrivée
à maturité.
M. Mercier - Messieurs, quelques mots de réponse
avaient été promis aux observations que j'ai cru devoir soumettre
à l'assemblée sur le budget des voies et moyens, ou plutôt sur notre situation
financière en général.
Au lieu de rencontrer mes observations, M. le
ministre, sous l'apparence d'une réfutation, a répondu à des objections que je
n'ai pas faites, et a parlé de choses dont il n'avait pas été question le moins
du monde dans mon discours ; je dois ajouter qu'il est tombé dans de graves
erreurs, que je signalerai tout à l'heure.
Qu'avais-je dit en effet sur le chiffre de
22 millions 500 mille francs de la dette flottante, qui ait pu provoquer
les observations de M. le ministre ? J'avais seulement, au sujet de ce chiffre,
exprimé l'opinion que le non-emploi de 1,500 mille francs de crédit sur chacun
des exercices 1840 et 1841 pouvait être exagéré ; j'admettais cependant le
chiffre de 22,000,000 francs présenté par M. le
ministre dans le budget des voies et moyens. J'avais seulement fait remarquer
qu'il y avait quelques crédits supplémentaires à réclamer encore de la chambre,
et que ces crédits devaient naturellement augmenter le chiffre de la dette
flottante.
Comment M. le ministre répond-il à cette observation
? Il fait une revue rétrospective et prétend trouver une excessive exagération
dans le chiffre du découvert, que j'ai signalé dans la situation du trésor présentée au mois de novembre 1840 ; ce qui
assurément n'avait rien de commun avec le chiffre de 22,500,000 fr. dont je ne contestais pas les éléments.
M. le ministre veut bien me faire observer qu'il faut respecter les
comptabilités closes et définitivement arrêtées par la cour des comptes ; où
donc ai-je contesté un seul chiffre des comptabilités closes ? C'est en vain
que je cherche le motif de cette observation.
Mais en prétendant à tort que j'avais exagéré
l'insuffisance du trésor, M. le ministre a commis lui-même l'erreur la plus
grave.
D'après lui, la situation du trésor que j'ai
présentée en novembre 1840, accuse un déficit de 18,445,000
fr., tandis qu'après l'approbation définitive des comptes de 1838 il a été
permis d'établir de la manière la plus positive que ce découvert se bornerait à
9,777,000 fr.
Il fait ensuite ressortir l'énorme différence de
8.678,000 fr.
M. le ministre ne s'est donc pas aperçu que mon
chiffre de 18,445,000 fr. comprenait les cinq millions
dont la dette flottante a été réduite, en vertu de la loi du mois de juin 1840,
taudis que le chiffre de 9,777,000 ne les renferme plus. Voilà donc deux
éléments qui ne peuvent être comparés eu aucune manière. Ainsi disparaît
l'énorme différence que M. le ministre a signalée et qu'il avait cru découvrir.
Je regrette d'autant plus que de telles observations
aient été produites, que la manière dont je m'étais exprimé ne semblait pas
devoir en provoquer de semblables, puisqu'elles n'avaient aucun rapport avec le
chiffre de 22,500,000 fr. ; du reste, pour se convaincre de cette erreur, .M.
le ministre n'a qu'à recourir à la situation du trésor eu 1840, il y lira, page
10 : « Le résultat de la situation qui précède établissant un excédant de
dépense de fr. 18,455,806 72.
« L’émission de bons du trésor pour le prêt
accordé à la banque de Belgique s'élevant à fr. 4,000,000
« Ensemble : fr. 22,455,806
72 »
« Et la loi des voies et moyens de l'exercice 1840, en
date du 29 décembre 1839, n'ayant autorisé une émission de bons du trésor que
de fr.18,000,000
Il y aurait, en conséquence, à augmenter les bons du
trésor d’une somme de fr. 4,455,806 72.
La loi du 26 juin 1840 ayant affecté une somme de 5,038,533 fr. 69 c., destinée à éteindre une valeur égale aux
bons du trésor, cette somme, retranchée de celle de 22,455,806 fr. 72 c. réduit
l'émission, pour l'année 1841, à 17,417,273 fr. 03 c.
Il faut donc distraire de la somme de 18,455.806 fr.
72 c. le chiffre de 5,038,533 fr. 69 c., ce qui la
réduit à 13,417, 273 fr. 03 c. ; la différence avec le chiffre de la situation
actuelle n'est donc que de 3,640,000 fr.
Elle provient de quelques circonstances dont je vais
faire part à la chambre, sans citer tous les chiffres qu'on ne suit que
difficilement. D'abord il est rentré au trésor sur le prix de vente des
domaines, une recette en sus des prévisions du mois de novembre, de 1,680,000 fr. ; mais c'est là une recette tout à fait
extraordinaire, qui a été affectée à la réduction d'une partie de la dette
flottante. Voilà ce qui explique déjà la moitié de la différence.
J'ajouterai que le département de la guerre, qui
avait annoncé ne pouvoir laisser qu'un million de crédits sans emploi, en
fournit deux qui viennent concourir à diminuer la dette flottante ; enfin M. le
ministre suppose que des crédits jusqu’à concurrence de 1,000,000
fr. resteront disponibles sur chacun des exercices 1840 et 1841. Or, je dois
déclarer que lorsque j'ai présenté la situation du trésor au mois de novembre
1840, je n'ai pas cru devoir présenter une économie de 1,00,000 francs sur le
même exercice ; j'ai cru devoir m'en abstenir d'autant plus que le budget de la
guerre ne devait être complété qu'à la fin de l'année, et que dès lors il me
paraissait probable que ce département pouvant facilement apprécier ses
besoins, il ne laisserait pas de crédit sans emploi ; j'avais, en outre, la
persuasion que sur le budget de la même année, il y aurait des crédits
supplémentaires à demander, et notamment pour les intérêts de la dette
flottante. Cependant je ne conteste pas que M. le ministre, ayant été en
position d'examiner les choses au point de vue actuel, a pu trouver une
réduction de 1,500,000 francs sur le budget de 1840.
D'un autre côté, de nouveaux crédits ont été
demandés par M le ministre et viennent toute compensation faite, réduire de 2
millions la dette flottante qui figure au budget des voies et moyens de
l'exercice courant.
Voilà, messieurs, la différence qui existe entre la
situation du trésor qui vient de vous être présentée, et celle qui a été
arrêtée au mois de novembre 1840.
Maintenant j'en reviens aux observations que j'avais
faites et qui portaient sur les crédits supplémentaires qui ont été demandés ou
qui doivent l'être. En effet, deux crédits supplémentaires vous ont déjà été
proposés, l'un par M. le ministre des travaux publics, de 817,000 fr. et
l'autre par M. le ministre de la justice de …. J’ai dit qu’il restait des
demandes d'autres crédits supplémentaires à faire pour les intérêts de la dette
flottante de 1840 et de 1839 et que ces différentes sommes et d'autres en partie
indiquées pourraient entraîner une certaine augmentation dans le chiffre de la
dette flottante et la faire porter à la même somme que celle que présente la
loi actuelle.
J'ai répondu, dans la séance de samedi dernier, à
une autre partie du discours de M.. le
ministre des finances, lorsqu'il crut signaler une autre prétendue erreur. J'ai
prouvé dans la dernière séance que l'insuffisance de 4,415,000
fr. en présence de laquelle nous nous trouvions en 1840, existait réellement.
Si M. le ministre, après la réfutation que j'ai faite, persistait à soutenir
que cette insuffisance est exagérée, je donnerais de nouvelles explications
dont il résulterait qu'à l'époque dont il s'agit nous étions en présence de
l'insuffisance que j'ai signalée, et que si j'avais connu les faits qui se sont
accomplis depuis, j'aurais même dû les porter à un chiffre plus élevé. Il me
serait très facile de le prouver, au moyen de calculs que, pour ne pas abuser
des moments de la chambre, je ne présenterai qu'autant que M. le ministre conteste
mes premiers chiffres.
M. le ministre des finances
(M. Smits) - Messieurs,
l'honorable M. Mercier, dans le premier discours qu'il a prononcé sur le budget
des voies et moyens, avait établi le chiffre de la dette flottante à peu près
comme moi, c'est-à-dire, à 22 millions ; mais il y est arrivé par d'autres
moyens, J'ai fait des efforts pour rectifier ses calculs, et bien déterminer
l'importance et la nature de notre dette flottante. Or, d'après la situation du
trésor, arrêtée au 1er septembre dernier, le découvert du trésor, au 1er
janvier 1842, ne sera réellement que de 9 millions. Mais la chambre se
rappellera qu'elle a décidé dans la dernière session que dorénavant les
intérêts de la dette constituée seraient payés jour par jour et non d'après les
annuités échéant dans le cours d'un exercice, c'est-à-dire que chaque exercice
devra porter les intérêts de la dette constituée depuis le 1er janvier jusqu'au
31 décembre. J'ai mis cette décision à exécution et il en résulte qu'un nouveau
crédit de 8 millions sera nécessaire, pour satisfaire à l'obligation qui a été
imposée par la chambre ; ces huit millions joints aux neuf millions (je néglige
les fractions), formeront conséquemment un découvert de dix-sept millions.
Au découvert, il faut ajouter les quatre millions
avancés à un établissement, ce qui élève le chiffre à 22 millions. Il résulte
de ces faits que le découvert réel du trésor, et je prie la chambre de bien
s'en convaincre, ne s'élève réellement qu’à neuf millions. Maintenant
j'ajouterai que je crois n'avoir rien dit de désobligeant pour M. Mercier, en
relevant divers calculs qu’il a présentés. Je n'ai pas la situation du trésor
de 1840 sous les yeux, il est possible que, de mon côté, j'aie commis une
erreur en ne tenant pas compte en lieu et place de la somme de cinq millions
venue en déduction du dernier emprunt. Mais toujours est-il qu'entre nos deux
évaluations il y aurait encore dans cette hypothèse une différence de trois
millions. Quoi qu'il en soit, il est de fait que le découvert réel n'est que de
neuf millions, qui s'accroîtra des huit millions
demandés pour payer la dette par exercice et jour par jour, plus des quatre
millions prêtés à un établissement financier.
Voilà la vraie situation financière quant à la dette
flottante ; elle n’est
pas autre.
M. Osy - Je prends la parole pour répondre à l'honorable M. Pirmez, qui a tâché
de mettre le gouvernement en garde contre l'opinion
émise par l’honorable M. Meeus, qu'il serait également temps de
faire la révision de la loi monétaire.
Il est sûr que, par notre système actuel, vous
pouvez voir le pays dépourvu d'espèce métalliques, car sans les sacrifices que
le pays a été obligé de faire de temps en temps et sans la refonte des
anciennes monnaies, on n'aurait presque pas frappé des espèces d'argent dans le pays (pour l’or il ne faut pas du tout y penser), tandis que si vous aviez adopté dans le temps le système or, comme nous l'avions
avant la révolution, il se serait présenté, depuis 10 ans, de fréquentes
occasions de battre monnaie pour des particuliers et sans le moindre sacrifice
pour le pays, mais il fallait adopter, tout en faisant des pièces de 10 et 20
fr., les mêmes proportions pour titre et poids que les pièces de 10 fl. Il y a
à peine un an qu'une grande maison de ce pays a trouvé occasion de nous importer pour près de 8 à 10
millions de florins de pièces de 10 florins qu'elle a fait frapper à Utrecht et
qu'elle aurait fait frapper de préférence à Bruxelles, parce que c'était avec
de l'or en lingots et des pièces d'or d'Allemagne, et il aurait économisé de
grands frais de transport.
Les occasions, par la situation du change sur
Londres et l'Allemagnes, peuvent se représenter encore souvent, et on sera
toujours obligé d'avoir recours aux hôtels de monnaies des pays voisins, tandis
que nous aurions par préférence attiré ces affaires et nous aurions des espèces
du pays, tandis que maintenant vous n'avez que de l'argent étranger, et comme
vous l'a si bien démontré l'honorable M. Meeus, il peut se présenter des
circonstances que ces espèces étrangères, tant or qu'argent, pourront être
exportées en même temps. J'engage donc le gouvernement à prendre cet objet en
mûre considération, et tout en approuvant la révision de l'assiette des impôts de
ne pas négliger d'avoir un bon système monétaire.
Certainement, la balance commerciale est encore avec
L'emprunt de 86 millions aurait dû faire
refluer des espèces sonnantes dans nos caisses ; mais pendant que ces
opérations se faisaient, le change sur Paris est toujours resté élevé et nos
pièces de 5 francs s'exportaient, comme on vous l'a dit, parce que nous
étions obligés de faire venir de Paris des valeurs sur l'étranger pour payer
des marchandises que nous recevions des entrepôts d'Europe, tandis que si nous
avions des droits protecteurs pour recevoir des marchandises des pays de
production, vous n'en payeriez qu'une partie en
espèces ou en papier sur l'étranger, puisque ces pays de production vous
prendraient en payement une grande partie de vos objets d'industrie, et il
s'établirait un échange avantageux, tandis qu'en faisant venir des sucres,
café, coton et autres produits coloniaux des entrepôts d'Europe, vous les payez
argent comptant sans aucune réciprocité. Il est donc plus que temps que les principes
de M. l'abbé de Foere, que je partage en grande partie, soient mis à exécution,
et l'enquête vous prouve que notre système commercial actuel est très vicieux
et tout à fait au détriment de notre commerce, de notre industrie et surtout de
notre navigation.
En deux mots, il faut que notre pavillon soit
protégé, tant pour des importations des pays de production que des entrepôts
d'Europe.
Ensuite les arrivages des pays de production, par
pavillon même étranger, doit avoir des avantages sur les arrivages des
entrepôts d'Europe, et de cette manière vous pourrez espérer d'établir un
commerce d'échange. Je ne vous parlerai que d'un seul exemple.
On calcule que, depuis le mois de septembre nous
avons reçu de
Ensuite les arrivages des entrepôts d'Europe peuvent
être faits directement par les consommateurs, ou au moins par le dernier
entremetteur, le boutiquier, tandis que les arrivages directs, donnent beaucoup
d'occupation à vos ports de mer et à tous vos intermédiaires avant d'aller à la
consommation.
En protégeant donc les arrivages directs, une grande
partie des capitaux reste dans le pays et les exportations augmenteront
notablement, et de cette manière vous exporterez beaucoup moins de numéraire,
et ayant un système monétaire or, vous aurez au moins toujours des espèces dans
le pays, tandis qu'avec le système monétaire actuel et surtout à cause de votre
système commercial actuel, la balance commerciale sera toujours contre vous et
vous devez finir par voir épuiser vos caisses.
Je me réserve, lors de la discussion du budget de
l'intérieur, de vous parler de la protection accordée aux fabricants de coton ;
le système était bon en principe, mais il a été exécuté d'une manière vicieuse,
parce qu'il y a eu du favoritisme, ce qui a été également le cas pour la
navigation transatlantique, qui vous a menés à faire une opération tout à fait
contraire aux lois existantes et à doter le pays de charges tellement lourdes,
que vous en serez effrayés lorsque je vous démontrerai par des calculs, quand
il en sera temps.
Je ne veux pas finir sans insister, comme le fait la
section centrale, pour tâcher de sortir du mode vicieux de régler nos
discussions financières.
En nous assemblant vers la mi-novembre, nous ne
pouvons pas, comme il conviendrait de le faire, commencer par les budgets de
dépenses ; et si même le gouvernement voulait nous appeler un mois plus tôt, il
serait obligé de le faire tous les ans, et comme c'est une prérogative royale,
nous n'avons rien à imposer ; mais ayons le courage de voter une seule fois
deux budgets de dépenses dans la même session, par exemple, au mois de mars
avant de nous séparer, les budgets de dépenses pour 1843, et ainsi, pour la
suite, vous n'auriez qu'à voter les crédits supplémentaires si le gouvernement
n'avait pas pu, neuf mois d'avance, prévoir toutes les dépenses, et ensuite les
voies et moyens ; et seulement vers la fin de nos sessions les budgets de
dépenses pour l'année suivante.
Je préfère de beaucoup ce moyen à celui de demander
au gouvernement de nous assembler plus tôt, ou au projet présenté dans le temps
par mon respectable et digne ami, M. Verdussen, que nous devons tous regretter
de ne plus voir siéger ici.
J'espère que M. le ministre des finances nous
présentera aussi, avant la fin de la session, une loi de comptabilité, pour que
nous soyons assurés que toutes nos recettes et dépenses soient constatées par
la cour des comptes et qu'aucune dépense ne puisse se faire sans son visa.
Je voudrais que la cour ait non seulement le
contrôle des détails de votre budget, mais aussi le contrôle sur l'emploi des
fonds de l'amortissement, des fonds de retraite, des cautionnements et des
consignations, et que nous pussions retourner chez nous tranquillement après
chaque session, sans avoir des craintes qu'on puisse, d'une manière ou d’autre
éluder les budgets, comme il paraît que cela a eu lieu pour l'achat d'un bateau
à vapeur, et sans que la cour des comptes en ait eu aucune connaissance, car
j'ai à ce sujet pris mes en l'enseignements auprès de la cour, qui devrait être
notre sauvegarde contre des dépenses dont nous ne voulons pas. Si nous n'avons
pas sous peu une bonne loi de comptabilité, je déclarerai tout haut, et après
avoir lu avec attention les observations réitérées de la cour des comptes, que
ce que nous faisons ici est véritablement inutile, si MM. les ministres peuvent
trouver moyen d'éluder nos votes.
Vous ne vouliez seulement que favoriser une
navigation transatlantique, et vous devenez acquéreurs et exploiteurs ; il n'y
a au budget qu'une somme pour favoriser une compagnie, mais dans notre système
vicieux on trouve moyen de toucher au trésor contrairement à vos intentions.
Vous fixez des traitements, et on trouve moyen de
les augmenter par des cumuls ou sur plusieurs allocations des budgets. Voyez
encore à ce sujet les observations de la cour des comptes.
L'art. 139 de la constitution nous oblige de faire
une loi pour la responsabilité ministérielle. Le grand grief de la révolution
contre l'ancien gouvernement était que les ministres n'étaient pas
responsables, et cependant, nous voilà dans la 11e année depuis le nouveau régime
; vous n'avez pas de loi de responsabilité, et si jamais ministère devait être
mis en accusation, et être pécuniairement responsable, c'est celui qui a osé
vous entraîner à une dépense énorme et qui peut avoir les suites les plus
graves pour vos budgets futurs.
J'ai entendu un membre de l'ancien ministère faire
de graves reproches, pour des arrêtés pris en vertu de la loi de 1822 et
d'avoir diminué par arrêté des droits sur nos canaux et rivières. Il est
certainement très douteux que ce soit inconstitutionnel, mais cela vous prouve
qu'il y a des hommes qui savent faire des reproches à leur prochain sur un abus
peut-être, mais qui ne regardent pas de près lorsqu'ils sont au pouvoir, sur
des actes que je pourrai nommer non seulement un abus de pouvoir, mais une
telle faute qu'on devrait en faire un acte d'accusation. Lorsque nous serons au
budget de l'intérieur et que nous aurons examiné avec attention le dossier que M. le ministre a déposé au bureau samedi, je me
flatte que la chambre aura assez de fermeté pour que de pareils abus ne
puissent plus se renouveler.
Nous sommes tous d'accord qu'il existe un arriéré dans nos finances, mais lors de la liquidation
avec
Ainsi, de fortes sommes, que nous votons encore
comme extraordinaires cette année, ne se reproduiront plus ; et si nous
adoptons l'amendement de M. Smits, présenté l'année passée et qui est de toute
justice, je ne crains pas de dire que la loi d'indemnité, que nous attendons
avec une juste impatience, ne dérangera pas notre bilan à venir. Ainsi je ne
crains pas le déficit futur dont ou a voulu nous effrayer.
Pour. ce qui est des prévisions portées au budget
des voies et moyens, je conviens que ma section, avant de les adopter m'a
chargé, comme son rapporteur, de prendre des renseignements pour nous assurer
si effectivement nous pouvions les admettre ; les renseignements donnés à la
section centrale m'ont entièrement rassuré, et, si comme nous
devons tous l'espérer, nous pouvons continuer à avoir la paix
et la tranquillité ; je suis persuadé que les prévisions de M. le ministre
seront plutôt dépassées, et j'ai fait partie de la majorité de la section
centrale, pour vous proposer l'adoption du budget présenté.
J'ai entendu, dans la discussion générale, prononcer
le mot de complaisance de la section centrale ; ayant été de
la majorité, je dois dire que nous avons examiné toutes
les observations de la minorité avec la
plus grande attention, et je ne doute pas que nos collègues ne nous rendent
cette justice. Pour moi, je ne suis d'aucun parti, je n'ai pas cherché ni
désiré revenir dans cette enceinte, aimant trop la tranquillité et mon
intérieur ; mais je n'ai pu refuser cette nouvelle marque de confiance de mes
concitoyens, et je leur promets de faire tout ce qui dépendra de moi pour tirer
le moins mauvais parti possible de notre situation actuelle ; comme député, je
ne conçois que les choses et pas les hommes. Si le ministère actuel marche dans
une voie qui me promette la justice pour tous et des moyens de ramener quelque
prospérité, et surtout de l'ordre, sans me donner des inquiétudes pour la
régularité de notre comptabilité, il aura mon appui ; mais s'il s'en écarte, el
quoiqu'il y ait dans le ministère un de mes amis, l'homme que nous estimons
tous dans la ville qui m'a nommé, je ne penserai pas à notre
amitié, et mon devoir passera sur toute considération d'affection.
Je ne suis pas du
parti catholique ni du parti libéral, et mon drapeau ne sera jamais
que celui de la moralité, de l'ordre et de la prospérité. J'ai dit.
M. Rogier - Messieurs, l'honorable préopinant, dans
un discours où il s'est attaché à beaucoup de matières
différentes est revenu à
plusieurs reprises sur l'affaire très importante connue sous le nom de British-Queen. A cette occasion il s'est livré à des
récriminations très sévères contre l'ancien cabinet. Il a été jusqu'à dire que
la conduite d'un certain ministre, dans cette circonstance, mériterait de
provoquer de la part de la chambre une mise en accusation. Comme le ministre
qu'il a indiqué est celui qui avait dénoncé dans la séance d'avant-hier, ce
qu'il considérait comme une illégalité dans un arrêté ministériel, je suis
obligé de prendre la parole pour répondre au député de
l'arrondissement d'Anvers.
Messieurs, cette affaire ne concerne en aucune
manière le département que j'avais l'honneur de diriger. Elle a été traitée
exclusivement par le département de l’intérieur dont l’ancien chef
n’est pas présent à la séance : Elle a été commencée sous son ministère et
terminée par le ministère actuel. Je regrette que l'honorable député de l'arrondissement d Anvers n’ait pas attendu l'examen des pièces qui sont déposées sur le bureau et que, dans son empressement à
accuser, il ait perdu de vue que son accusation tomberait non sur l'ancien
cabinet, mais sur le nouveau, si tant est qu'il y ait matière à accusation, ce
que l'examen consciencieux des pièces démontrera.
L'honorable député d'Anvers blâme surtout
la manière dont on aurait procédé à la liquidation de l'achat du
British-Queen. Quant au mode de paiement
employé, l’ancien ministère y est totalement étranger.
Si donc à ce propos il y a une accusation à lancer contre quelqu'un, c'est
contre le nouveau ministère et nous contre l'ancien.
Je suis heureux, du reste, que dès le début de cette
session l'occasion se soit présentée de m'expliquer ouvertement sur cette
accusation. Je sais que des calomnies ont été insinuées à diverses reprises
contre les membres de l'ancien cabinet , et contre moi
en particulier. L'origine m'en est connue, et je la méprise. Je m’en suis
expliqué devant les calomniateurs eux-mêmes.
Il est étrange qu'un député qui, pour la
première fois, est appelé à prendre la parole dans cette enceinte, après être
resté muet pendant dix ans, on sait pourquoi, pousse la légèreté jusqu'à se
livrer à des accusations contre l'ancien ministère pour un acte auquel ce
ministère est étranger. Du reste, les pièces sont déposées sur le bureau ; la
chambre en fera un examen consciencieux ; et quand la discussion arrivera, nous
sommes prêts à défendre ce qui a été fait par nous dans l'affaire du British-Queen. Le reste appartient au ministère actuel qui, je
n'en doute pas, est en mesure de défendre ce qu'il a fait.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je regrette à mon tour que l'honorable préopinant, tout en disant qu'il
ne fallait pas anticiper
sur cette discussion, ait de son côté signalé à la chambre comme un acte appartenant
entièrement au ministère actuel, le mode de paiement de
M. Rogier. - Vous étiez libre de le changer.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Un changement complet, c'était
impossible. Du reste, n'anticipons pas sur cette discussion, ne créons pas
réciproquement des préventions. Le jour de la discussion viendra, toutes les
pièces seront connues ; et cette discussion, de part et d'autre, nous
l'accepterons franchement.
M. Osy. - Si j'ai parlé de l'achat du bateau à vapeur, ce n'était pas pour revenir
sur cette affaire. Mais dans le rapport sur le budget actuel, il est parlé de
comptabilité ; j'ai voulu appeler l'attention de la chambre sur la nécessité
d'y introduire une réforme, parce que j'ai vu une inexactitude de deux
millions, sur laquelle la cour des comptes n'a pu me donner aucun renseignement.
Quant aux reproches que j'ai articulés
contre l'affaire du British-Queen , je ne dis pas
si ces reproches s'adressent à l'ancien ou an nouveau cabinet. Ce que je sais,
c'est que l'achat est le fait de l'ancien cabinet. Pour ce qui est du payement.
je ne puis pas dire si cela retombe sur l'ancien ou le
nouveau. Je me réserve d'en parler quand nous aurons examiné les pièces.
Si je ne suis pas venu depuis dix ans, c'est parce
que j'aime le repos. Je suis étonné que M. Rogier m'en fasse le reproche.
M. Dumortier. - Parmi les questions traitées incidemment et à propos du budget des
voies et moyens, il en est deux sur lesquelles je demanderai la permission de
présenter quelques observations, Ce sont les questions concernant le système
monétaire et la légalité des deux arrêtés.
Messieurs, mon opinion, quant à la question
monétaire, vous est connue. Je l'ai déjà défendue dans cette enceinte. Quand
nous votâmes, en 1831, la loi monétaire, j'ai soutenu qu'il fallait à
Je le répète, le seul moyen d'empêcher les crises,
c'est de vous créer un système monétaire particulier, une monnaie propre. C'est
d'ailleurs ce que toutes les nations ont compris. Il n'est aucune nation qui,
voulant avoir un commerce à elle, des affaires à elle, n'ait senti la nécessité
d'avoir un système monétaire à elle. Si une nation se trouve dans une situation
particulière, où le besoin d'un système monétaire propre se fasse surtout
sentir, c'est
Je ne partage pas l'opinion de l'honorable député de
Charleroy qui pense que le meilleur système repose sur ce principe, que crédit et
argent sont deux idées opposées. Je crois que c'est là une grave erreur, il n'y
a pas d'argent sans crédit, et il n'y a pas de crédit sans argent.
Le pays où il y a le plus de crédit est celui où il
y a le plus de valeurs monétaires, el là d’où la valeur monétaire se retire il
y a crise. Ce sont là des choses qui peuvent être contestées dans les ouvrages
théoriques de Say et autres, mais qui sont prouvées par les enseignements
historiques.
Quant à nous, notre système est simple. Si nous
n'avions de relations commerciales qu'avec
Il est une considération qu'on perd de vue.
Dans un pareil état de choses, que faut-il faire ?
Il est évident qu'il faut au plus tôt se créer un système monétaire qui vous
soit propre.
Que si nous ne le faisions pas,
inévitablement nous nous trouverons, dans quelques années, sans aucune
représentation de valeurs, sans argent, puisque l'on exportera toujours notre
numéraire ; tandis que si vous avez un système monétaire qui vous soit propre,
les échanges s'opéreront par un autre moyen que par les valeurs monétaires. Il
y a urgence à porter une nouvelle loi monétaire car si elle n'est portée avant
un an ou deux, une crise financière est inévitable. Aussi longtemps que le pays
sera sans valeur monétaire, il est impossible que les affaires reprennent en
Belgique. J'invite donc le gouvernement à examiner la chose avec maturité et
avec promptitude, et à présenter une loi dans cette session, car il y a
vraiment urgence si nous ne voulons voir ruiner le pays.
Maintenant j'ai quelques observations à faire
relativement aux deux arrêtés dont il a été question dans la
dernière séance : celui sur les canaux et celui sur les fils ; vous le savez, par l'un de ces arrêtés, le gouvernement a réduit le droit
sur les canaux ; par l'autre, il a augmenté les droits sur les fils de lin.
Ainsi, d'une part, le gouvernement a abaisse les droits
perçus par le trésor public ; d'autre part, il a élevé les droits
perçus par le trésor public.
Ceci est très grave, surtout à la suite de la
déclaration de M. le Ministre de l'intérieur, que, quant à l'arrêté sur les
fils, il n'admet pas qu'il y ait doute. Pour moi, je n'admets pas qu'il y ait
doute à l'opinion contraire à celle de M. le ministre de l'intérieur. Que porte
la constitution ? Elle porte :
« Art. 112. Il ne peut être établi de privilège
en matière d'impôts. Nulle exemption ou modération d'impôt ne peut être établie
que par une loi. »
Je crois qu'il est impossible de voir des termes
plus clairs que ceux-là. Il faut donc nécessairement qu'une loi intervienne
pour diminuer l'impôt. S'agit-il d'une augmentation d'impôt ? La constitution
est formelle.
Elle porte : « Art. 110. Aucun impôt au profit de l'Etat ne peut être établi que par une
loi. »
Lors donc que le gouvernement augmente ou réduit les
impôts, il fait ce que la loi seule peut faire. Ainsi les arrêtés qui ont été
pris sont manifestement inconstitutionnels.
Maintenant je n'examine pas si la question est, oui
ou non, intéressante pour l'industrie. J'aime à croire que ces arrêtés sont
fort intéressants pour l'industrie. La question n'est pas là. La question est
de savoir si le gouvernement avait le droit de prendre les arrêtés. Dans mon
opinion, le gouvernement n'avait pas ce droit. Si la question est aussi claire que
le dit M. le ministre de l'intérieur, comment depuis 10 ans les ministres
n'ont-ils pas tiré parti de la disposition de la loi de 1822 ? Ceci est très
simple : c'est que la constitution a abrogé cette disposition ; car l'art. 168
de la constitution abroge expressément tontes les dispositions qui y sont
contraires ; et quand cette abrogation
ne serait pas expresse, elle n'en serait se pas
moins incontestable.
Il est donc évident que la disposition de la loi de
« Art 15. Nulle exemption ou modération d'impôt
en faveur de l'agriculture, de l'industrie,
du commerce et des indigents ne peut être établie qu'en vertu d'une loi. » .
Vous voyez que les rédacteurs du projet de constitution, au nombre desquels était M. Nothomb, entendaient
accorder au gouvernement le droit de modérer les impôts en faveur de
l'agriculture, du commerce, de l'industrie et des indigents. Qu'a fait le ce
congrès national ? On voit par le rapport qu'a fait M. de Theux, au nom de la section centrale du congrès, que cette section centrale a
adopté la rédaction suivante : « Nulle exemption ou modération d'impôt ne
peut être établie que par une loi, » parce qu'elle a voulu que la loi
seule réglât ces questions. Elle n'a pas voulu qu'on pût laisser au
gouvernement le droit de modérer les impôts. Elle a craint qu'une petite
puissance, entourée de grandes puissances qui exercent une grande influence sur
le ministère, ne fût exposée à des réductions de tarif. C'est pourquoi on n'a
pas voulu que le pouvoir législatif pût autoriser le gouvernement à augmenter
ou abaisser les droits. La modification introduite dans la rédaction, par la
section centrale du congrès, prouve bien que telle a été son intention. Je
tenais à m'expliquer sur ce point ; car nous ne devons jamais sacrifier les
droits que la constitution a consacrés. C'est pour nous un devoir de léguer à
nos successeurs la constitution telle que nous l'avons reçue ; et ce serait manquer
à ses devoirs que de laisser passer sans réfutation les principes qu'a émis M.
le ministre de l'intérieur.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Le gouvernement a des devoirs à remplir
; pour les remplir il faut qu'il sache exactement quels sont ses droits.
Je me félicite donc de ce que, par les arrêtés du 17 et du 26 juillet dernier,
deux grandes questions vous seront. enfin déférées.
Ces questions vous seront présentées de bonne foi ; c'est dans un but
incontestable d'utilité publique que les deux arrêtés ont été proposés au Roi.
M. Dumortier – Je n'ai examiné la question
qu'en droit ; je n'attaque pas les intentions.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je le
sais.
Vous êtes appelés, messieurs, à résoudre ces deux
questions ; il est urgent qu'elles le soient.
Il faut que la position du gouvernement vis-à-vis de
l'industrie soit connue. Il faut que le gouvernement sache ce qu'il peut et ce
qu'il ne peut pas. Il faut que le gouvernement sache de quelle manière il doit
remplir ses devoirs et s’il peut les remplir.
L'honorable préopinant interprète les
art. 110 et 112 de la constitution d'une manière bien rigoureuse. Selon
lui, le pouvoir législatif ne peut déléguer au pouvoir exécutif le droit de
réduire les péages ou d'augmenter des droits de douanes ; il admet
l'impossibilité constitutionnelle de cette délégation. En effet, si l'art. 9 de
la loi de
Pour les péages, je crois qu'il y a doute. Dès lors,
le gouvernement pouvait faire l'essai qu’il a fait et qui doit cesser au 1er
janvier. L'expérience de cinq mois, qui a été faite, et dont les résultats ont
été constatés, donne des éléments d'appréciation qui permettent de discuter
l'art. 4 du budget des voies et moyens.
Si l'impossibilité constitutionnelle de déléguer au
gouvernement le droit de fixer, d'augmenter ou. de
réduire les .péages existe réellement, comme vient de le dire l’honorable
préopinant, comment le gouvernement depuis cinq ans est-il autorisé à fixer les
péages du chemin de fer ? Car ce sont bien là des péages.
M. Delehaye. - Le gouvernement y est autorisé par la loi.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Sans doute. Mais si vous
admettez avec M. Dumortier que les art. 110 et 112 de
la constitution doivent être entendus en ce sens qu'il est impossible de donner
au gouvernement le droit de fixer, d'augmenter ou de réduire les péages, la loi
concernant le règlement du tarif du chemin de fer ne peut exister
constitutionnellement ; en un mot, il faut, par une loi spéciale, fixer en
détail le tarif du chemin de fer ; Or, ce sont des arrêtés, pris en vertu d'une
délégation du pouvoir législatif, qui, jusqu'à présent, ont déterminé ces
péages.
Ainsi, je trouve des précédents que nous consacrons
à chaque session, et qui portent atteinte à cette prétendue impossibilité
constitutionnelle de délégation.
J'ai déjà dit que, quant à l'arrêté sur les péages,
le péril n'est pas bien grand, puisque cet arrêté cesse ses effets au 1er
janvier.
Quant à l'arrêté du 26 juillet, je n'en discuterai
pas le fond. Quant à la question de légalité, je suis forcé de soutenir que
l'article 9 de la loi de 1822 est encore en vigueur et qu'il n'est pas
incompatible avec la constitution. D'ailleurs, cette seconde question vous est
aussi soumise ; vous la déciderez en vous occupant de la loi sur l'entrée des
fils ; vous fixerez alors définitivement la position
du gouvernement.
L’honorable membre nous dit que ce serait une loi
extrêmement dangereuse que celle qui consisterait à autoriser le gouvernement à
augmenter le tarif des douanes.
Harcelée, dit-il, par de puissants voisins, une
petite puissance serait amenée à réduire à chaque instant le tarif des douanes.
Remarquez-le bien, messieurs ; il ne s'agit pas de réduction,
il s'agit précisément d'augmentation au tarif des douanes. L'art. 9 de la loi
de 1822, que malheureusement je n'ai pas sous les yeux, autorise-t-il le
gouvernement à faire acte de faiblesse, messieurs ? Non, il autorise, au
contraire, le gouvernement à faire acte de puissance vis-à-vis des
gouvernements étrangers. L’art. 9 autorise le gouvernement, dans quelques cas,
à augmenter le tarif des douanes et même à aller jusqu'à la prohibition. C'est donc un acte de puissance que le gouvernement est autorisé. à faire par la
délégation du pouvoir législatif. Jamais il n'est autorisé à
réduire.
Le gouvernement précédent a fait un mémorable usage
de ces dispositions. C'est un acte très connu et dont vous n'avez fait cesser
les effets que dans les derniers temps.
Ainsi, messieurs, les craintes de l'honorable
préopinant, de voir le gouvernement faiblir devant les puissances étrangères,
ces craintes n'existent pas. Au contraire, ceux-là même qui, au point de vue
constitutionnel, admettent l'interprétation de l'honorable membre, devraient
regretter de ne pouvoir doter le gouvernement d'une loi comme celle de 1822.
On objecte qu'il n'a pas été fait usage de cette loi
depuis dix ans ; peut-être aurait on dû en faire usage, si chaque fois que l’un
ou l’autre des gouvernements voisins faisaient des changements à son tarif, on
avait répondu immédiatement par un acte de représailles, peut-être depuis
quatre ans nous n'aurions pas vu
Il n'y a donc pas de motifs politiques pour refuser
ce droit au gouvernement. Au contraire, il faudrait le lui accorder, s'il n'existait pas,
et l'engager à faire ainsi acte de puissance vis-à-vis des gouvernements
étrangers chaque fois qu'on vient changer les tarifs à notre désavantage ; il faudrait répondre coup sur coup.
M. Pirmez.
- J'ai demandé la parole
pour répondre quelques mots à l'honorable M. Meeus. .
Il vous a dit qu'il était
nécessaire que
Mais si on entend qu'on établira un système
monétaire extraordinaire, c'est-à-dire que l'argent belge seul sera légalement
perçu, je crois que les crises d'argent seront extrêmement à craindre avec ce
nouveau système. Je citerai pour exemple la crise qui a eu lieu à l'occasion de la banque de Belgique. .
Si la monnaie prussienne eût été tarifée, vous
eussiez été chercher de l'argent en Prusse pour
rembourser les billets de banque. Mais cette monnaie n'ayant pas de cours légal
en Belgique, le porteur de vos billets de banque et de tous les titres qu'on
pouvait présenter, l'aurait refusée si vous la lui aviez présentée, bien que
par sa valeur intrinsèque cette monnaie prussienne pût solder le porteur des
billets. Eh bien, si la pièce de cinq francs n'est pas légalement notre
monnaie, elle ne nous sera pas plus en aide que le thaler prussien. Mais si
votre intention est d'admettre légalement les monnaies des pays qui nous
environnent, nous sommes parfaitement d'accord ; les crises d'argent ne sont
plus si à craindre.
L'honorable M. Meeus, dans la comparaison
qu'il a faite de
Dans les pays où le papier sert de
monnaie, c'est qu'il y a du crédit, de la confiance. Mais dans les pays où
cette confiance ne règne pas au même degré, il faut de l'argent pour
représenter ce papier. C'est uniquement parce qu'il y a absence de
crédit qu'il y a de l'argent, et s'il y avait du crédit, cette existence
de numéraire serait absolument impossible.
On vous a dit qu'il y avait de la
difficulté à se procurer des pièces de cinq francs et que nous avions une
grande quantité de pièces de dix florins, et on a ajouté qu'un honorable
membre, qui n'est plus dans cette chambre, avait reconnu qu'il ne fallait pas
tarifer les pièces de 10 florins, parce que nous manquions déjà de pièces de 5
fr. et qu'en diminuant la valeur légale des pièces de 10 fr., nous nous
exposions à manquer aussi de ces pièces. Mais c'est précisément parce que les
pièces de 10 florins ne sont pas tarifées qu'il nous manque des pièces de cinq
francs. Ceux qui ont des pièces de 10 florins ont maintenant intérêt à nous les
donner. Mais diminuez la valeur de ces pièces de manière qu'on ait plus de
profit à vous fournir des pièces de cinq francs que des pièces de 10 florins,
alors les pièces de 10 florins disparaîtront et les pièces de 5 fr.
reparaîtront, mais cette mesure n'augmentera ni ne diminuera la quantité de
numéraire qui se trouvera dans le pays.
L’honorable M. Meeus vous a dit que
c'était une chose étrange, de supposer que le directeur de la monnaie aurait eu
de la difficulté à se procurer 27,600 kil. d'argent. Mais mon intention a été de dire qu'il aurait eu
de la difficulté à se procurer cet argent à assez bon marché pour fabriquer de
la monnaie sans perte. Ainsi, par exemple, si les Français se procurent plus
facilement que nous les métaux précieux, si, par leurs procédés, ils fabriquent
la monnaie à meilleur marché que nous, il y a impossibilité pour le
directeur de la monnaie de fabriquer sans perte, puisqu'il doit mettre les
pièces de cinq francs en concurrence avec celles qui se font en France.
Messieurs, je vous ai dit que moins, dans
un pays, le crédit est grand, plus il y a de numéraire. Pour vous en donner une
nouvelle preuve, je vous dirai qu'il est évident qu'après la suspension de
paiement de la banque de Belgique, il y a eu beaucoup plus d'argent
monnayé dans le pays qu'auparavant. Et pourquoi ? C'est qu'avant l'événement le
crédit existait, et qu'après l'événement il n'existait plus ; et alors vous
avez dû aller chercher force chariots de numéraire à Paris. Mais à la
réapparition du crédit, de la confiance, tout ce numéraire a dû de nouveau
disparaître devant le papier.
L'honorable M. Meeus vous a dit que nous étions
menacés d'une crise financière. Si cela est, je le déplore, mais j'ai la
conviction que cela ne provient pas de notre système monétaire, qu'il y est
totalement étranger. D'ailleurs, l'honorable M. Meeus n'a aucunement expliqué comment
notre système monétaire pourrait amener cette crise.
Quant aux services qu'a rendus la
société générale lors de la crise de
M. Coghen – Messieurs, j’avais demandé samedi la parole, pour répondre aux attaques
dont a été l’objet notre système monétaire. Appelé ailleurs par d’autres
devoirs, je n’ai pas pu me trouver ici à l’ouverture de la séance, et je
regrette de ne pas avoir pu entendre le discours de mon honorable ami M. Meeus,
que j’écoute toujours avec beaucoup d’attention et d’intérêt, parce que les
paroles qu’il prononce partent d’une haute intelligence financière.
Messieurs, je crois que tout le mal qu'on éprouve
dans le pays ne provient nullement de la loi monétaire, car si cette loi était
mauvaise, elle serait déjà abandonnée en France, où elle existe depuis plus de
trente ans et où elle continuera à exister.
Mais le mal pour
La balance commerciale est en voire défaveur de 63
millions de francs pour l'année 1840 ; vous devez solder à l'étranger ces 63
millions de fr. après que la balance de vos échanges de marchandises a été
opérée. Vous devez payer à
Si maintenant je parle des douanes, de ces 63
millions de différence, ce chiffre est encore au-dessous de la réalité, car il
est certain qu'à l'entrée on ne déclare pas tout ; ce chiffre devrait donc être
majoré encore d'une somme très considérable ; tandis qu'à la sortie les droits
étant insignifiants, les déclarations se font avec plus d'exactitude. D'un
autre côté, la fraude s'opère en Belgique par toutes les frontières ; mais
j'admets que
Maintenant, quel que soit votre système monétaire, si chaque année vous devez, du chef de la
balance de vos entrées et de vos sorties de marchandises, commencer à solder 63
millions de francs, chiffre, comme je l'ai déjà dit, qui devrait être encore
majoré, je demanderai de quelle manière vous paierez ce solde à l'étranger ?
Vous ne pouvez évidemment le faire qu'en écus.
Si vous admettez maintenant un système monétaire
propre à
Si
Jusqu'ici
Ce qui est urgent, messieurs, c'est de s'occuper
sérieusement de protéger notre industrie, de faire en sorte que le pays ne demeure
pas tributaire de l'étranger ; en protégeant, vous rendrez l'étranger
tributaire de
M.
Dumortier - J'ai demandé la parole, messieurs, pour
répondre aux observations qui ont été présentées par M. le ministre de
l'intérieur. M. le ministre de l'intérieur s'est particulièrement étendu sur la
possibilité constitutionnelle de déléguer au gouvernement le pouvoir de
modifier les lois de douanes. Je répondrai en deux mots à M. le ministre sur
cette question constitutionnelle, car je n'examine que celle-là, la question
d'opportunité est une autre question, dont je ne m'occuperai pas, au moins en
ce moment ; mais, en ce qui concerne la constitutionnalité, je dirai que la
constitution a tellement voulu que la loi dût elle-même prononcer sur les
modérations d'impôts que l'article 114 dit à propos des pensions, qu'aucune
pension ni gratification ne peut être accordée qu'en vertu d'une loi ; là
la constitution a voulu que le gouvernement pût exécuter la loi et c'est pour
cela qu'elle a dit en vertu d'une loi. Mais elle s'est expliquée d'une manière,
tout autre en ce qui concerne l'impôt.
« Mais, dit-on, c'est un malheur que depuis 10
ans le gouvernement n'ait pas fait usage de l'art. de
la loi de 1822, dont il s'agit. » Pour mon compte je ne vois pas quel malheur
il y a en cela.
Voici 10 ans que nous marchons et nous n'avons pas
eu à nous plaindre de ce que cet article n'ait pas été appliqué. Quant aux
péages sur le chemin de fer, la question s'est présentée lorsque la loi sur ces
péages a été discutée ; la question de constitutionnalité a été posée alors, et
on a dit que les péages dont il s'agissait ne devaient pas être considérés
comme un impôt, mais comme le revenu d'une exploitation.
Il en était de même des produits de la houillère de Kerkraede ; vous vendiez la houille qui en provenait plus
cher ou à meilleur marché, suivant le cours de cette marchandise, ce n'était
pas non plus un impôt. C’était le produit d'une exploitation confiée au
gouvernement, de même que les péages du chemin de fer.
Je ferai cependant une observation sur la délégation
qui a été donnée au gouvernement en ce qui concerne le chemin de fer ; cette
délégation n'avait été donnée que pour six mois ; après ce laps de temps les
chambres devaient régler elles-mêmes le tarif ;
la loi le dit en termes exprès. Or, je pense que le moment est arrivé où
la législature doit user de ce droit qu'elle s'est réservée. Il importe que
l'on ne puisse pas chaque année élever ou diminuer les péages du chemin de fer,
il importe que dans un bref délai cela soit fixé d'une manière permanente.
En ce qui concerne les lois de douanes, je reconnais
qu'il est des circonstances où le gouvernement peut désirer, avoir la faculté
de prendre des mesures urgentes ; mais dans ces circonstances je ne trouverais
pas mauvais que le gouvernement fît ce qui serait nécessaire dans l'intérêt du
pays et qu'il vînt ensuite se présenter aux chambre pour demander un bill d'indemnité. Certes, je serais toujours disposé, à accorder un bill d'indemnité au gouvernement, lorsqu'il aura pris une mesure exigée par les intérêts de l'industrie.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je persiste à croire que les
droits de douanes, qui doivent être considérés comme des droits protecteurs de
l'industrie, ne forment pas un impôt proprement dit, non plus que les péages.
Du reste, les deux questions dont il s'agit seront
examinées avec soin dans un très bref délai ; l'une à l'occasion du projet de
loi sur les fils, l'autre dès que vous vous occuperez de la loi spéciale qui
remplacera l'art. 4 du projet que nous discutons.
M. Delehaye. - Ce que je reproche au gouvernement, messieurs, c'est de ne pas avoir
été assez loin. Lorsque le ministère prend sur lui une mesure de la nature de
celles dont il s'agit, il doit le faire sous sa responsabilité,
et il doit alors servir les intérêts du pays. Eh bien, je dis que dans cette circonstance il a complètement méconnu ces
intérêts. Rappelez-vous, messieurs, que dans la dernière session c'est M.
Dolez, je crois, qui a soulevé le premier la question. M. Dolez invitait le
gouvernement à diminuer les droits de navigation en faveur des houilles
expédiées en Hollande. Je partageais l'opinion de M. Dolez, mais je demandai
que la diminution eût également lieu en faveur des houilles destinées aux
Flandres et du pays tout entier.
Eh bien, messieurs, la diminution a été
accordée pour les houilles exportées en Hollande et elle ne l'a pas été pour
les autres. Qu'en résulte-t-il ? Il en résulte que
M. Rodenbach. - Et
M. Delehaye. - L'observation est très juste. Quand le
canal de l'Espierre sera achevé, quand les travaux commencés sous
l'administration de l'honorable M. Nothomb seront arrivés à leur fin,
Eh bien, j'aurais voulu que le
gouvernement poussât la réduction plus loin. Ce qu'il a fait à l'égard
de
M. Desmet - Il est certain, messieurs, que la loi de 1822 autorisait le gouvernement
à prendre des mesures exceptionnelles ; mais si, comme on le dit, le
gouvernement avait besoin d'un bill d'indemnité, je lui donnerais
volontiers un semblable bill, car il a agi sous
l'empire d'une impérieuse nécessité et il a bien fait. Si depuis longtemps le
gouvernement avait pris une mesure semblable on n'aurait pas été dans le cas de
se plaindre comme on l'a fait. Notre commerce n'est pas protégé. Cette année
encore, le lin est tellement cher que nos malheureuses fileuses ne peuvent
presque plus s'en procurer, il serait bien à désirer que le gouvernement eût
pris également une mesure relativement à la sortie du lin....
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - La loi de 1822 ne nous autorise pas à changer les droits
de sortie.
M. Desmet. - Je crois qu'il serait bon, lorsque nous
votons une loi de douanes, d’ajouter que dans l'intervalle des sessions le
gouvernement pourra prendre telles mesures qu'il jugera nécessaires dans
l'intérêt du pays.
Messieurs, comme j'ai la parole, je dirai un mot de
l'objet en discussion, c'est-à-dire des revenus du trésor.
Depuis quelques jours, j'ai entendu
demander dans cette enceinte des majorations d'impôt, contre le gré du
gouvernement. C'est une chose tout à fait étrange de voir des membres de la
chambre venir demander que les impôts soient augmentés.
Messieurs, on n'apprécie pas assez l'importance de
la majoration des impôts. Ces majorations ne froissent pas seulement les
contribuables, mais ils portent encore atteinte à votre économie politique. Des
majorations d’impôts sur les accises, par exemple, ne nuisent-elles pas à
l’industrie ? ne provoque-t-elle pas par là l’entrée
des produits étrangers ? Majorer les impôts, c’est toucher au commerce et à
l’industrie. Ces majorations sont donc dangereuses.
Messieurs, on s'est plaint du peu de
monnaie qui existe en Belgique, on a dit que la monnaie sortait du pays, et
on a cru que ce fait était dû à cette circonstance, qu'on ne battait pas
monnaie. Mon opinion à cet égard est celle-ci : la raison de ce fait doit être
cherchée dans votre tarif. Si vous accordiez une protection suffisante à votre
commerce, vous n'auriez pas à vous plaindre de la sortie du numéraire.
Messieurs, j'ai été fort heureux d'apprendre que
toute la chambre commence à voir clair dans cette question, et qu'elle est
convaincue qu'il faut une protection efficace pour le commerce et pour
l'industrie.
A cet égard, je partage tout à fait
l'opinion de l'honorable M Osy, et en cette occasion je me trouve heureux de
retrouver cet honorable député dans cette enceinte, où il a toujours défendu les intérêts du pays.
M. le ministre des finances
(M. Smits) - Messieurs, j'ai demandé la parole, surtout pour répondre à un passage du discours de
l’honorable M. Osy, à l'égard des observations faites par la cour des comptes
sur la gestion des deniers publics et sur la nécessité
d’avoir une loi de comptabilité.
Les observations de la cour des comptes, ont fixé
toute mon attention. J’y ai cependant remarqué quelques erreurs dans ce sens,
par exemple, que la cour des comptes avait accusé mon département d’avoir
négligé la rentrée de certains revenus ; j'ai fait faire des vérification,
et j’ai trouvé que les recettes à faire avaient été obérées ; mais je n'en
reconnais pas moins la nécessité de prévenir ces observations, et je pense
qu'il est impossible de les éviter complètement sans une bonne loi de
comptabilité. Je m'occupe de cette loi,
et je pense pouvoir la présenter sous peu. (Marques
d'assentiment.)
Je crois en effet, avec l'honorable M. Osy, que
toutes les recettes et dépenses de l’Etat doivent, autant que possible, passer
par le contrôle de la cour. Cela souffrira, il est vrai, quelques difficultés
pratiques : les chemins de fer, entre autres, ont des receveurs spéciaux ; ces
receveurs jouissent d’un traitement fixe, et s'ils devaient verser directement
dans la caisse des domaines, par exemple, il en résulterait un double emploi, parce
que les receveurs de l’enregistrement, étant payés par voie de remise, il y
aurait deux traitements à payer par l’Etat. Quoi qu’il en soit, une loi de comptabilité est indispensable, et j’espère, je le répète, pouvoir vous la présenter bientôt.
M. Demonceau, rapporteur. - Messieurs, si je devais résumer cette
discussion générale sur tous les points qui ont été traités par les divers
orateurs que vous avez entendus, je ne serais pas sitôt au bout de ma tâche ;
je tâcherai donc de me restreindre à ce de qui concerne particulièrement le
budget des voies et moyens.
Je ferai cependant quelques observations sur la
discussion à laquelle on s'est livré à propos des deux arrêtés publiés au mois
de 1 juillet dernier, et à propos de l'article 4 du projet de loi présenté par
le gouvernement et annexé au budget des voies et moyens.
La question constitutionnelle, soulevée par
l'honorable M. Dumortier, est une question très
délicate et qui mérite de fixer toute l'attention de la chambre.
Quant à moi, je ne suis guère disposé à émettre en
règle générale l'opinion opposée à celle de l'honorable M. Dumortier ;
cependant, je dois l'avouer, des précédents, et je pourrais en citer plusieurs ; des précédents, dis-je, ont été posés par la chambre, et ils contrarient singulièrement l'opinion que l'honorable M. Dumortier a
développée.
La. section centrale vous a
proposé de faire une loi spéciale de l'art. 4 annexé au budget des voies et
moyens. C'est précisément, parce qu'aux yeux des membres des sections qui ont
examiné la question, la question était très grave et devait être examinée sous
toutes ses faces, que la section centrale vous propose de faire une loi
spéciale de cet article du budget des voies et moyens. Ici nous avons été
unanimes, et j'en appelle à quelques-uns de mes honorables collègues de la
section centrale ; ils vous diront qu'eux-mêmes, délégués par les sections, ne
savaient ce que les sections avaient délibéré sur ce point, parce que plusieurs
sections ne s'en étaient pas occupées. D'un autre côté, le gouvernement, il
faut le dire, avait négligé de donner les véritables motifs justificatifs de ce
projet de loi.
Ainsi, d'une part, le gouvernement doit nous
communiquer les détails explicatifs de son projet de loi ; de l'autre, ce projet
doit être examiné attentivement, et, croyez-moi, messieurs, ce serait
compromettre le sort du budget des voies et moyens que de vouloir faire
paraître cette loi à l’occasion de ce budget ; car, par cela seul que cette loi
ferait partie du budget des voies et moyens, il pourrait se faire que
quelques-uns de nos honorables collègues dussent. voter
le rejet du budget des voies et moyens. D'ailleurs, nous avons constamment
défendu ce système, et la chambre s'en est parfaitement trouvée.
Messieurs, je passe maintenant au vœu émis par la
majorité de la section centrale, pour que deux budgets de dépenses soient votés
pendant la session actuelle, c'est-à-dire que nous voterions le budget des
dépenses, avant notre séparation, pour l'exercice de 1843 et
qu'à l'ouverture des chambres, nous voterions le budget des
voies et moyens pour le même exercice.
Quelques-uns de mes honorables collègues ont soutenu
que dans cette circonstance un texte de la constitution contrarie la
proposition que nous avons faite. Nous ne sommes pas entrés dans de longs
développements pour justifier cette proposition ; mais si on lit attentivement
le texte de la constitution qui se rapporte à cette question ; si surtout l'on
prend connaissance des motifs qui ont porté le congrès à adopter cette
disposition, telle qu'elle est, vous aurez la conviction, messieurs, à supposer
même que nous votions deux budgets de dépenses dans la même session, qu'il n'en
résulterait pas que nous ne voterions pas en réalité le budget de l'année
suivante.
Du reste, je vous demande, messieurs, la permission
de vous lire ce que la section centrale du congrès a dit, en présentant
l'article dont il s'agit.
Voici comment s'est expliqué l'honorable rapporteur
de la section centrale du congrès :
« La troisième section
(du congrès) voulait faire fixer au premier lundi de
septembre le jour de la réunion des chambres, afin qu'elles eussent le temps
d'arrêter les comptes et de régler le budget de l'année suivante ? »
Voici maintenant l'opinion de la section centrale ; et
vous verrez que l'opinion de cette section centrale, par un hasard qui m'était
inconnu lorsque j'ai émis cette opinion au sein de la section centrale, il y a deux ans, et lorsque je l'ai renouvelée cette année ; que cette opinion, dis-je, marche parfaitement d'accord avec la manière de
voir que nous avons exprimée.
Voici, en effet, comment la section centrale du
congrès s'exprime :
« La section centrale a été d'avis de fixer le
jour de la réunion des chambres au deuxième mardi de novembre, et l'on a répondu
à l'argument de la 5e section qui demandait la réunion au premier mardi de
septembre : que ce serait seulement dans le cours de l'année suivante qu’on
pourrait régler le budget de l'année subséquente. Par exemple, les chambres se
réunissent le deuxième mardi du mois de novembre de l'année 1831 ; ce ne sera
que dans le courant du mois de février 1832 qu'on pourra régler le budget de
l'année 1833. » (Rapport fait en séance du 7 janvier 1831.)
Si mes souvenirs ne me trompent pas, l'honorable M.
Duvivier, qui était ministre des finances en 1833 ou 1834, vous a présenté le
budget des dépenses, avant notre séparation, session de 1834 (c'est à l'instant
que ce souvenir me revient à l'esprit, et je ne crois pas me tromper). Dans
l’opinion de l’honorable M. Duvivier, procédant,
sous l'impression de ce qui s'était passé au congrès, il y
avait donc possibilité constitutionnelle à voter le budget des dépenses de
l'année suivante avant notre séparation ; et il s'était borné, je pense, au
budget des dépenses, sans parler du budget des voies et moyens.
Messieurs, je ne m étendrai pas beaucoup sur la loi
de comptabilité qui, selon moi, est d'une nécessité absolue, si l'on veut
dirige convenablement les finances de l'Etat.
La cour des comptes, messieurs, a renouvelé à bon droit
ses observations qui cesseraient immédiatement, si l'on se décidait à accomplir
enfin la promesse qui a été faite en 1839.
Alors, messieurs, l'honorable collègue qui était à
la tête du ministère des finances, nous avait promis pour la session de 1839-40,
une loi de comptabilité. Si cette loi nous était présentée tout de suite, il
serait de la plus haute importance qu'on s'en occupât immédiatement, car il est
toujours fâcheux que la cour des comptes, qui résiste d'abord aux ministres,
finisse par céder en faisant des protestations. La cour des comptes doit savoir
à quoi s'en tenir vis-à-vis des chefs des départements qui ordonnancent les
paiements.
Voici la position où nous nous trouvons. Le
gouvernement nous a présenté des lois des comptes. Le gouvernement les prétend
exacts. Vous les avez renvoyés à la commission des finances dont j'ai l'honneur de faire partie. Nous nous sommes réunis
souvent. Nous n'avions qu'un moyen de remplir convenablement notre mandat,
c'était de faire un rapport sur toutes les parties des comptes soumis à notre
examen. Nous avons voulu connaître l'opinion de la cour des comptes. Nous ne
pouvons assurer, a-t-elle dit, que les recettes qui figurent dans les comptes
sont les véritables recettes de l'Etat. Voilà ce qu'a déclaré la cour des
comptes dans un rapport très bien motivé ; en ajoutant qu’elle n avait pas de moyen de le contrôler.
Comment voulez-vous que la commission des finances
puisse vérifier des comptes, quand la cour des comptes elle-même n'a pas pu le
faire ?
Je saisis cette occasion pour justifier la
commission des finances de l'espèce d'inaction dont on l'a accusée quelquefois.
Je puis assurer qu'elle s'est occupée avec beaucoup de zèle de son mandat et vous connaissez maintenant le motif qui l'a empêchée de vous présenter un rapport ; elle a voulu s'instruire pour vous instruire ensuite et rien de plus.
Messieurs, la situation du trésor a été présentée
sous différentes couleurs, suivant que nous avions tel ministre ou tel autre.
Heureusement pour le pays, messieurs, la comptabilité est restée la même. Si
parfois on a atténué ou exagéré les découverts, la comptabilité reste, cela
suffit. D'après le contrôle que j'ai fait, voici la véritable situation.
Je le déclare en conscience, j'ai vu des documents
nombreux émanés de tous les ministres qui se sont succédé au ministère des
finances ; et la situation présentée par le ministre actuel, pour ceux qui
connaissent les affaires du pays, peut bien subir un changement en 1841 ou
1842, mais doit être admise pour exacte quant à présent. Il n'y a donc pas
nécessité de pourvoir à la dette flottante pour une somme supérieure à celle
demandée, et je déclare que peut-être cette somme sera plus que suffisante pour
faire face aux besoins.
Quant au moyen de faire disparaître la
dette flottante, nous l'avons déjà indiqué à la dernière séance, et M. Meeus
l'a fait avec plus de clarté encore que moi. Nous avons à recevoir une somme considérable lors de la
liquidation de nos différends avec
Ce n'est pas d'aujourd’hui que j'entends dans cette
enceinte des collègues prétendre que nous mangeons nos capitaux sans produire
des capitaux. C'est là une erreur que je voudrais voir disparaître des esprits.
Je voudrais que les collègues qui croient que nous avons détruit tant de capitaux
depuis 1830, jetassent un coup d'œil sur ce que nous avons fait ; ils
trouveraient qu'au lieu de détruire des capitaux, nous en avons créés ; ils
trouveraient des millions en faveur de l'opinion que je défends en ce moment ;
en un mot, que les capitaux créés sont supérieurs aux capitaux détruits ou
dépensés.
Si l'honorable M. Cools
avait lu la réponse que j'ai faite à M. de Brouckere en 1839 sur ce point, il
aurait vu que si nous avons détruit des capitaux, nous en avons acquis. Mais
pour en revenir au budget en discussion en ce moment, examinons quels sont les
capitaux qui figurent au budget. Savez-vous ce qu'on peut considérer comme
capitaux figurant au budget ? Les capitaux du fonds de l'industrie et les fonds
provenant des domaines vendus en 1822 et 1840. Les capitaux du fonds de
l'industrie figurent en recettes pour 215,000 fr. Savez-vous à combien
s'élèvent les capitaux du fonds de l'industrie ? Quatre millions environ sont
dus par la maison John Cockerill. De ces 4 millions 2,400,000
fr. sont garantis par hypothèque et privilège et le surplus consiste en
créances personnelles. Les autres capitaux dus par différentes personnes
s'élèvent à 2,343,000 fr.
D'après les calculs que j'ai faits, en supposant
qu'on ne porte que 213,000 francs annuellement au budget, vous en avez pour 28
ans au moins. Ainsi, d'ici à 28 ans vous pouvez recevoir chaque année 213,000
francs.
Pour les capitaux provenant de la vente des
domaines, la somme en est à peu près aussi élevée. Mais la somme répartie par
annuités est beaucoup plus forte, elle s'élève à 5 millions et demi environ,
non compris ce qui figure au budget de cette année. Répartissez cette somme sur
quatre exercices, vous aurez la somme portée cette année à peu près. Ainsi,
pendant quatre ans encore, nous aurons une somme égale à peu près à celle qui
figure au budget actuel.
Je n'ai pas besoin d'indiquer l'emploi de
ces capitaux, car si l'on voulait diviser le budget en recettes
ordinaires et en recettes extraordinaires, il faudrait également diviser le
budget des dépenses en dépenses ordinaires et en dépenses extraordinaires ; et
en faisant la balance entre les dépenses et les recettes, vous trouveriez
quatre millions en faveur des dépenses extraordinaires, dépenses couvertes
néanmoins par les recettes ordinaires.
Je n'ai pas besoin d'indiquer quelles sont ces
dépenses. On sait que le chemin de fer présente depuis longtemps un déficit.
Cependant vous ne direz pas que nous avons mal employé les
capitaux du chemin de fer. Quelque opinion qu'on puisse avoir sur
le chemin de fer, ne peut-on pas espérer d'en tirer un revenu supérieur au
revenu actuel ?
Les emprunts de trente et de cinquante millions, et
le dernier emprunt ont été employés à la construction du chemin de fer, à l'achat
de canaux, à la construction de routes, à l'achat des actions du chemin de fer
rhénan, etc., etc. La dette publique est grevée de l'intérêt de tous ces
emprunts.
Cependant le chemin de fer ne produit pas la moitié
de ce qu'il devait produire pour couvrir les intérêts des capitaux empruntés
pour son achèvement. C'est naturel. Il n'est pas entièrement construit ; vous
n'avez pas toutes les recettes qui doivent en provenir et que vous aurez quand
il sera terminé.
Le chemin
de fer ne figure au budget que pour 7,700,000 fr.
J'espère bien qu'il n'est pas un membre de cette assemblée qui prétende qu'il
ne produira pas au-delà.
Sa construction coûtera 125 millions. Calculez ce
capital à 5 p.c. vous trouverez que le chemin de fer
grève la dette publique de 6,250,000 fr. Ne soyez donc pas étonnés que
votre budget des dépenses soit très élevé.
M. Rogier. - Il n'y a pas 90 millions de dépensés.
M. Demonceau - 125 millions sont affectés au chemin de
fer et réalisés ; l'intérêt est à charge du trésor. N'avez-vous pas réalisé
tout l'emprunt ?
M. Rogier. - Oui, mais on en a employé une partie à d'autres besoins.
M. Demonceau - Tous les fonds votés pour achever le chemin de fer réunis s'élevaient au moins à 125,000,000
; ils sont dans les caisses de l’Etat, l'intérêt est à la charge de la dette
publique. Il est impossible de contester de pareils calculs. Je ne dis pas que
ce soit une mauvaise affaire, mais quand l'administration du chemin de fer sera
conduite comme une bonne administration doit l'être, nous aurons certainement
plus de ressources.
D'honorables collègues ne sont pas d'accord sur la
question de savoir si, en déduisant la dette flottante, nous avons fait une
bonne ou une mauvaise opération.
Ainsi l'honorable M. Delehaye, que je regrette de ne
pas voir en ce moment à son banc, a soutenu que la situation de notre dette n'a
pas été améliorée par la dette flottante. Il a eu raison, mais pourquoi ? Parce
qu'on a emprunté à 39 pour cent pour rembourser cette partie de la dette
flottante, qui aujourd'hui peut se négocier à moins de 5 pour cent.
Voici, l'opération :
Pour rembourser une somme de 5,038,533 fr. 69 c., nous avons dépensé au moins une somme de
5,391,211 fr. 4 c. ; nous avons donc fait une perte de 352,677 fr. 35 c.
Nous vous avions dit, lors de la discussion de la loi relative à l'emprunt, que
le gouvernement nous proposait de faire une mauvaise opération ; nous nous
sommes opposés à ce qu'on empruntât pour rembourser la dette flottante. Mais la
majorité de la chambre ne l'a pas voulu ainsi. Que pouvons-nous y faire,
nous membres de la minorité ? Accepter le fait accompli, et ne pas récriminer ;
c'est le seul moyen de faire convenablement les affaires du pays. Pour moi, la
majorité fait loi. Je n'adresse aucun reproche à ceux qui ont voulu
qu'on remboursât 5,038,533 francs de bons du trésor par l’emprunt ;
c'est-à-dire un emprunt par un autre emprunt plus onéreux. Mais je leur dis
cependant qu'ils ont augmenté le capital de notre dette de 352,677 francs 35
cent, dont l'Etat doit payer l'intérêt à 5 p. c.
Tout ce que je pourrais dire encore devant ou
pouvant se reproduire dans la discussion des articles, je bornerai là pour le
moment mes observations.
M. Rodenbach renonce à la parole.
M. Wallaert. - Dans cette discussion générale, il s'est agi
de menées électorales, de sermons électoraux, etc. Je dois m'expliquer sur ce
qu'il y a eu de personnel pour moi dans cette discussion. Je ne dirai que
quelques mots ; et je ne jetterai pas d'irritation dans la chambre. Je suis
obligé de donner un démenti formel à l'honorable M. Verhaegen, au sujet de la
portée qui a été donnée aux paroles qui me sont attribuées dans le Journal de
Bruges, et de déclarer que mes paroles n'avaient aucunement trait aux
élections de juin dernier ; elles ont été dénaturées par le correspondant de ce
journal. J'ose espérer que mes honorables collègues de cette chambre me
croiront plus véridique que le correspondant anonyme du journal, qui a été cité, et que l'honorable M. Verhaegen me rendra justice.
M. Verhaegen. – Je suis arrivé à la séance, parce qu'on m'avait annoncé que l'honorable
M. Wallaert voulait répondre aux quelques mots de mon improvisation qu'il veut
bien s'appliquer.
Je rappellerai d'abord à l'honorable M.
Wallaert que ce que j'ai dit, était en réponse à une attaque dirigée contre mes
amis politiques ; dans cette réponse, il est vrai, j'ai cité des faits ; mais
j'ai indiqué la source où je les avais puisés ; en rapportant des paroles qui
seraient sorties de la bouche d'un honorable collègue, revêtu d'un caractère
spirituel, j'ai dit que c'était dans le Journal de Bruges que j'avais
recueilli ces renseignements. J'ai ajouté que cette assertion n'avait pas
été démentie. Je suis donc resté dans le vrai.
L'honorable M. Wallaert prétend
aujourd'hui que les paroles consignées dans le Journal de Bruges n'ont
pas la portée qu'on leur donne.
M. Wallaert - Et qu'elles ne sont pas exactes.
M. Verhaegen. - Et qu'elles ne sont pas exactes. Cependant
l'honorable membre ne nie pas les paroles que lui prête le Journal de Bruges,
il dit seulement qu'elles ne se rapportent pas aux élections de juin.
M. Doignon - Et qu'elles sont dénaturées.
M. Verhaegen - Permettez ; n'en disons pas plus que n'en dit l'honorable M. Wallaert.
Je n'ai pas d'ailleurs à répondre à l'honorable M. Doignon.
M. Rodenbach. - M. Wallaert a donné un démenti formel à ce qui a été dit.
M. Verhaegen - Je n'ai à répondre ni à M. Doignon ni à
M. Rodenbach. Je réponds à M. Wallaert. C'est pour cela que je suis venu à la
séance. Cet honorable membre vous a dit que ce que le correspondant de Thourout
écrit au Journal de Bruges n'est pas exact, ou bien n'a pas la
portée qu'il lui donne. Il y a un moyen de se mettre d'accord ; qu'il nous dise
donc, M. Wallaert, quelles sont les paroles qui ont été prononcées ou qu'il
nous explique la portée de celles dont il reconnaît s'être servi.
L'article du Journal de Bruges que
j'ai cité n'a pas été démenti et cela a dû me suffire, Moi, je ne demande pas
la censure ; j'admets la liberté de la presse, je l'admets de la manière la
plus illimitée. Tous les jours j'en subis les conséquences, et je ne me plains
pas ; on méprise les injures, mais si un journal rapporte des faits faux ou
inexacts, celui que ces faits concernent a le droit de réclamer ; ce droit est
écrit dans la loi ; s'il n'en use pas, il doit s'imputer les conséquences de
son silence.
M. Wallaert. - Je ne m'attache jamais à donner des démentis à ce
qu'on dit d'inexact dans les journaux. Si certaines personnes devaient démentir
tout ce qu'on écrit sur leur compte dans les journaux, je crois qu'elles
seraient occupées du matin au soir et qu’elles n'auraient jamais fini. Je donne
maintenant un démenti formel à ce qui a été dit ; je dis que mes paroles ont
été inexactement rapportées, qu'elles ont été dénaturées, qu'elles n'avaient
pas le sens qu'y a attaché M. Verhaegen, puisqu'elles n'avaient pas trait
aux élections.
M. Rodenbach. - L'honorable M. Verhaegen a dit que lorsqu'on était
accusé injustement on devait répondre. Je ne suis pas de cet avis. La moitié de
la chambre a été attaquée dans le Méphistophèles,
par des pamphlétaires. Est-ce que les membres de la chambre doivent
répondre à des libelles, à des pamphlets, à de faméliques auteurs !
Je dis que ce serait se déshonorer ; il n'y a aucune
réponse à faire à de vils écrivains mercenaires.
M. Verhaegen. - Je n'ai pas à m'occuper du Méphistophelès,
qui est bien en état de se défendre lui-même. Je n'ai pas à m'occuper non
plus ni de l'Ami de l'Ordre ni du Nouvelliste de Bruges, Je ne m'abaisse
pas jusqu'à répondre aux injures et aux dégoûtantes attaques dont je suis tous
les jours l'objet de la part de ces deux journaux de province, mais si un jour
ils osaient m'attribuer des faits faux ou inexacts, j'userais de mon droit, et,
dans toute son étendue.
En définitive, le démenti de M. Wallaert
ne s'adresse pas, et ne peut pas s'adresser à moi. S'il le juge à propos, il
peut démentir ce qu'a dit le Journal de Bruges, sauf à celui-ci sa
réplique ; moi, je n'ai fait que rapporter les assertions de ce journal.
Mais puisqu'on parle ici de démenti, à mon tour, je
dirai que nous avions à donner un démenti , un démenti formel à toutes les imputations malveillantes, je
dirai même calomnieuses dont notre opinion a été l'objet.
M. Mast de Vries. - Quand il s'agit de démenti aux journaux, je crois pouvoir dire que
personne n'a montré combien il en fait peu de cas, comme je l'ai montré ;
personne n'a été l'objet d'attaques aussi odieuses ; je n'y ai pas répondu, je les
méprise ainsi que ceux qui les ont publiées.
M. Verhaegen. - Je demande la parole, car c'est vers moi
que se tourne M.. Mast de Vries.
Ce que vient de dire M. Mast de Vries est au moins
très imprudent : Un journal de province m'avait attribué, à moi, certaine
allégation qu'il est inutile de rapporter, mais qui paraît être en rapport avec
ce que M. Mast vient d'avancer : j'ai donné à ce journal un démenti formel ; et
ce journal a été obligé de se rétracter, en disant qu’il s’était trompé ; je me
suis contenté de cette rétractation qui me vengeait suffisamment.
Je n’ai plus rien à ajouter à la réponse qu’a
provoquée M. Mast de Vries.
M. Dubus (aîné) – On a cité comme des autorités des articles de journaux, des articles
anonymes ; ces articles, on les a cités comme autorité, comme preuves, contre
un collègue et contre un collègue absent et on lui a dit : Pourquoi n’avez-vous
pas démenti ?
Il n’a pas démenti parce qu’il n’était pas présent à
la séance. Ainsi je n’admets pas l’excuse de M. Verhaegen. Je lui dirai :
Puisque vous voulez invoquer contre un collègue un article anonyme de journal,
vous deviez attendre que ce collègue que vous vouliez attaquer fût présent à la
séance.
M. Wallaert - J’ai cru devoir donner un démenti formel au Journal de Bruges ; j’ajouterai que je
crois pouvoir donner également un démenti formel à l’honorable M. Verhaegen.
M. Verhaegen - Ce sont des mots, et rien de plus.
- La discussion générale est close.
La séance est
levée à 4 heures et demie.